SlideShare une entreprise Scribd logo
1  sur  64
Télécharger pour lire hors ligne
OCTOBRE / NOVEMBRE / DÉCEMBRE 2020
ls
ls
LA FATIGUE
ÇA SE GUÉRIT !
LUMINOTHÉRAPIE / OLIGOÉLÉMENTS
STIMULANTS / IMMUNITÉ
PSYCHO
COMMENT RETROUVER
LA CONFIANCE EN SOI
6 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020
7 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020
LA FATIGUE
OU COMMENT
S’EN
DÉBARRASSER
« Docteur, je suis fatigué(e) » : voilà une plainte fort
commune dans les cabinets des généralistes comme
dans les services de pointe hospitaliers. Mais cette fatigue
qui nous accable à l’entrée de l’hiver (p. 49) n’est pas
une malédiction : elle se soigne, elle se guérit, même.
Pour faire face, il s’agit d’abord de la mesurer (p. 56).
Puis d’adopter une hygiène de vie défatigante :
alimentation (p. 28) ; sommeil (p. 58) ;
activité physique (p. 26), sans oublier la relaxation
pour faire s’envoler tensions et stress (p. 68).
Pensez aussi à la luminothérapie (p. 55),
mais attention aux stimulants (p. 40).
Même en cas de maladie sérieuse, comme le cancer,
des solutions antifatigue existent (p. 35).
9 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020
Entretien avec le Pr François Authier
“IL FAUT DES CENTRES
D’ÉVALUATION DE LA
FATIGUE COMME IL EN EXISTE
POUR LA DOULEUR”
Le Pr François Authier est neurologue à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil.
Spécialiste du syndrome de fatigue chronique, il déplore
son manque de prise en charge globale, surtout à l’heure de la Covid-19.
Propos recueillis par Aline Richard Zivohlava
Vous êtes neurologue et spécialiste des maladies
neuromusculaires.
Que recouvre, pour vous, le mot fatigue ?
C’est la plainte majeure de celles et ceux qui fréquen-
tentmaconsultation,elleestcommeuneported’entrée
deleurmaladie.Beaucoupdemespatientssouffrentde
douleurs musculaires chroniques associées à un épui-
sement.Leurfatiguen’estpasunsimplesignald’alerte
du muscle que l’on peut éprouver en faisant son foo-
ting, par exemple, et qui conduit à stopper l’exercice.
C’est une véritable incapacité à faire des efforts. On a
affaire à l’impossibilité de réaliser des actions que l’on
faitordinairementsansmêmeypenser.Parexemple,se
leverdulitlematin,secoiffer…Lapersonneestobligée
de s’arrêter, de fractionner son activité.
Leur fatigue n’est pas simplement physique…
Clairement. Beaucoup souffrent de ce que l’on peut
appeler une fatigue générale. La personne se sent épui-
sée dès le matin avant de commencer quoi que ce soit.
Elle est fatiguée mentalement, c’est-à-dire qu’elle a les
plus grandes difficultés à exercer une activité intellec-
tuelle.Elleéprouvedesdifficultésàseconcentrer,àpla-
nifier sa journée, elle connaît des troubles de
mémoire… Elle nous explique que cela fait des années
qu’elle est dans cet état, au point parfois qu’elle a dû
arrêter de travailler. Quant aux loisirs, à la vie sociale,
elle n’en a plus, c’est trop fatigant pour elle. Ces per-
sonnes sont victimes de ce que l’on appelle « syndrome
de fatigue chronique » ou SFC. Le trouble en question
nedoitpasêtreconfonduaveclafatiguechroniquequi
résulte d’une maladie grave, un cancer, une infection,
une dépression, une maladie neurodégénérative…
Pour écarter toute autre possibilité, nous faisons subir
toute une batterie d’examens à nos patients.
Comment caractériser ce syndrome ?
Un diagnostic de fatigue relève du déclaratif, de ce que
le malade décrit au médecin. Il n’existe pas de biomar-
queurs, et c’est bien là tout le drame de ces patients à
qui l’on dit parfois que « c’est dans la tête »… Quant à
moi, je considère que la plainte du patient suffit. Il n’y
a pas d’analyses biologiques dédiées au SFC, c’est un
fait.Entantquemédecinetchercheur,jesaisd’ailleurs
que les tests biologiques ne sont pas toujours parole
d’Évangile, qu’il faut les considérer avec une certaine
prudence, puisque leurs résultats fluctuent en fonction
de ce qu’ils prennent en compte et de la méthodologie
utilisée… Pour autant, il est tout à fait possible de
quantifier le syndrome de « fatigue chronique ».
Comment fait-on ?
Nous disposons de plusieurs échelles graduées, qu’il
estbond’utilisersimultanémentpourcaractérisercor-
rectementletrouble.Lapluscommuneestcelleutilisée
parlesCentresaméricainspourlecontrôleetlapréven-
tion des maladies (Centers for Disease Control and
Prevention – CDC) : leur évaluation repose sur les cri-
tères de Fukuda, du nom du chercheur qui en a coor-
donnélapublication.L’échelleconditionnelediagnos-
ticàlapersistancedelafatigue(plusdesixmois) ;sans
lienavecuneactivitéparticulière ;nonamélioréeparle
repos ; avec une dégradation importante des perfor-
mances dans le travail, la vie sociale et personnelle,
dégradation qui conduit à la réduction, voire à l’aban-
don des activités en question. Le grand intérêt de
l’échelledeFukudaestqu’elleestsimpleetfacileàutili-
ser par un non-spécialiste, un médecin généraliste, par
exemple. Elle est aussi très utile parce qu’elle met en
exergueuntroubletrèsparticulieretpropreauSFC:le
malaise posteffort.
De quoi s’agit-il ?
D’uneaggravationdel’étatdefatigue,danslesheureset
les jours qui suivent un effort, physique ou intellectuel :
parexemple,sepresserpourattraperunbusoutravailler _u
10 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020
Un diagnostic de fatigue repose sur ce que le malade décrit au médecin. Il n’existe pas
sur un dossier. Ce malaise posteffort peut être durable,
sur plusieurs jours. Il peut compliquer le rapport avec
les soignants, notamment être à l’origine d’une mau-
vaise appréciation de l’état réel d’un patient : on le per-
çoit en bon état au moment de la consultation, alors
qu’un peu plus tard, un simple effort va l’abattre. Ce
malaise est particulièrement handicapant, il génère un
sentiment d’invalidité chez la personne qui ressent sa
vie comme l’ombre de ce qu’elle était avant la maladie.
On ne sait toujours pas ce qui cause le SFC.
Quelles sont vos hypothèses ?
Je pense qu’il y a, chez certains malades, une conjonc-
tiondedeuxfacteurseninteraction.D’abord,l’exposi-
tion à des xénobiotiques, c’est-à-dire à des particules
polluantes toxiques pour le corps et le cerveau, y com-
pris à très faibles doses. Ensuite, une susceptibilité
génétique. Il me faut expliquer d’où je suis parti. En
tant que spécialiste des pathologies neuromusculaires,
j’ai été amené à m’intéresser à une maladie appelée
« myofasciite à macrophages » (MFM) qui, quand elle
est durable, mène à un syndrome de fatigue chronique.
NousavonsestiméquelaMFMétaitcauséeparl’inca-
pacité de certains patients à éliminer correctement un
adjuvant à base d’aluminium dans des vaccins qu’on
administre dans le muscle du bras. Ces mécanismes
d’éliminationsontgénétiquementdéterminés.Lespar-
ticules dont on parle, qu’elles soient des sels d’alumi-
nium, des poussières polluantes de la circulation auto-
mobile, des microdébris de silicone en provenance de
prothèses, peuvent rester actives dans le corps à des
toutes petites quantités. Elles peuvent ainsi activer
l’immunité. Le syndrome de fatigue chronique pour-
rait relever de ce schéma.
Que se passe-t-il pour les patients ?
Ils souffrent d’une activation excessive de leur système
immunitaire, soit parce qu’ils n’arrivent pas à éliminer
ces xénobiotiques, soit parce que la réaction est trop
forte.Répétons-le:celaneconcernepastoutlemonde,
les facteurs de prédisposition génétique modulent le
phénomène. Mais, au fil des années, s’installe un épui-
sement immunitaire, une diminution de la vitalité, des
répercussions sur le système nerveux autonome, sur la
cognition…
Vous vous êtes particulièrement intéressé aux
dysfonctionnements de ces fonctions cognitives…
Nous avons établi une batterie de tests pour évaluer
tous les segments de la cognition : l’attention, la
mémoire de travail, la planification, la mémoire épiso-
dique, celle instrumentale qui permet d’utiliser des
outils… Les malades du SFC ont tous des plaintes
cognitives. L’une de mes patientes, infirmière, a dû
arrêter de travailler car elle n’était plus en mesure
d’effectuer le rangement minutieux des produits que
demande sa profession. On rencontre aussi, parfois,
des troubles de mémoire qui impactent gravement la
vie quotidienne : par exemple, une personne va rater la
sortie du périphérique qu’elle prend habituellement
pour rentrer chez elle ; ce qui est très angoissant. Nous
devrions prochainement publier un travail sur la ques-
tion de la cognition dans le SFC.
Où en est la recherche sur ce syndrome ?
Ellen’estpassatisfaisante.Fautedefinancements,nous
nedisposonspasencored’étudesincluantuntrèsgrand
nombre de malades : les grosses cohortes. Nous avons
monté des projets de recherche intéressants avec nos
patients, mais il manque la très grande échelle. Or, tra-
vailler sur une maladie multifactorielle comme le syn-
drome de fatigue chronique exige des groupes
homogènes de malades pour pouvoir suivre des pistes
quinousparaissentprometteuses,lerôledumicrobiote,
par exemple. Nombre d’éléments cliniques ne sont pas
exploités parce que le sujet n’intéresse pas les organis-
mesfinanceursnilespouvoirspublicsengénéral.Àl’in-
verse de ce qui s’est passé avec la douleur, la prise en
charge des patients souffrant de fatigue chronique n’a
pasétéorganisée.Onenarriveàcettesituationincroyable
où l’on est incapable, en France, de savoir précisément
combien de personnes souffrent d’un SFC !
On n’a aucune idée du nombre de malades ?
Nous avons pu estimer le taux de prévalence en France
grâce à des projections de données des quelques pays
européens qui réalisent des statistiques sur le SFC :
Allemagne, Royaume-Uni, Norvège. Cela donne entre
0,1et0,3%delapopulation(entre67 000et210 000per-
sonnesdansl’Hexagone),cequin’estpasnégligeable.Or,
forceestdeconstaterquecequin’estpasconnun’estpas
reconnu correctement par les professionnels ni par les
pouvoirspublics.Alorsquecelacoûteextrêmementcher
à la Sécurité sociale, puisque les patients en errance dia-
gnostique multiplient les consultations, les soins, les pri-
ses de médicaments. Trop de médecins pensent que le
syndrome de fatigue chronique n’est pas une maladie,
qu’ils’agitd’untroublepsychique…Cequisuscite,bien
entendu, l’agressivité des patients.
Le regard de la médecine sur les fatigués chroniques
n’a-t-il pas évolué ?
Celadépend.Chezbeaucoupdegénéralistes,onassiste
à une vraie prise en compte de la maladie parce qu’ils
la voient se développer chez leurs patients qu’ils
connaissent bien. Ils s’affirment certains que leurs
patients présentent un trouble qui n’a rien à voir avec
un accès dépressif. Leur approche n’est pas celle du
fatigue / entretien.
11 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020
de biomarqueurs, c’est là le drame des patients à qui l’on dit que c’est dans la tête
médecinhospitalierquivoitarriverunindividuetàqui
il est demandé de dire s’il est malade ou pas. Ajoutez à
cela le fait que nous, praticiens, n’aimons pas ce que
nous ne comprenons pas… Nous allons partir à la
recherched’uneexplication,maiselleneserapasforcé-
ment la bonne.
Que faudrait-il pour que la fatigue chronique
soit mieux reconnue dans notre pays ?
Il faut créer des centres d’évaluation de la fatigue en
France à l’instar de ce qui a été fait pour la douleur.
Nous avons besoin de réunir des spécialistes venus
d’horizons différents, des neurologues, des internistes,
des rhumatologues, des psychologues… Nous pour-
rions alors développer l’usage, chez les généralistes, de
l’échelle de Fukuda, ce qui permettrait un dépistage
préalable à une consultation dans un centre spécialisé.
La fatigue est un vrai sujet, mais il n’existe pas encore
de volonté de prise en charge globale.
En quoi la pandémie de Covid-19 pourrait-elle
changer la donne ?
Cela va peut-être nous aider. Le grand public a décou-
vertàlatélévisionlafatiguepostviraleetapuobserver
les malades qui n’arrivent pas à récupérer de leur
Covid-19. Il faut savoir que les coronavirus sont des
pourvoyeurs de SFC, nous le savons depuis le Sras de
2003 et le Mers de 2012. Actuellement, dans nos
consultations,nousvoyonsdespatientsCovidvictimes
de fatigue postinfectieuse qui peut durer plusieurs
semaines, mais dont ils pourront récupérer. Nous
aurons aussi des malades chez qui la fatigue va perdu-
rerpendantunan.Et,parlasuite,nousnousattendons
à rencontrer des SFC induits par le Sars-Cov-2.
Pour tous ces malades, que proposent les médecins ?
Des solutions existent, un SFC n’est pas une malédic-
tion. Nous avons d’aborddesmédicamentsànotredis-
position. Notamment la L-carnitine qui accroît la pro-
duction d’énergie dans la cellule. Cette molécule est
cependantassezcontraignantedanssonutilisation:elle
met beaucoup de temps à agir et elle ne fonctionne pas
pour tous les patients. Il faut essayer. De même, je pro-
pose à certains malades des petites doses de corticoïdes
pour passer des caps de grande fatigue, en restant pru-
dentaveclacortisone.D’autresmoléculessontutilisées,
notamment par les psychiatres qui prennent en charge
certainspatients.LaRitaline,parexemple,unpsychos-
timulant,ouencoreleProzac,quiestunantidépresseur
nonsédatif.Àcepropos,onvoittoutl’intérêtd’uneap-
proche globale du syndrome de fatigue chronique. Si le
patient supporte très mal que l’on résume sa maladie à
des troubles psychiques, ceux-ci peuvent néanmoins
exister. Quoi de plus normal : quand on est malade
chronique, on déprime. C’est pourquoi, à la condition
d’un climat de confiance, le médecin peut et doit abor-
der la question de la dépression.
Y a-t-il des conseils à donner pour la vie quotidienne,
la nutrition ?
Nousencourageonslesmaladesàorganiserleursjour-
nées en fragmentant les activités et à se ménager des
périodes de repos pour mieux gérer leur capacité phy-
sique. Par exemple, si on fait le ménage, il faut se repo-
ser, puis accomplir une autre tâche. L’alimentation est
aussi un sujet important. J’ai remarqué, chez certains
de mes patients, que le régime sans gluten fonctionnait
bien. D’autres praticiens préconisent de se passer des
sucresrapides,sucreries,alcool…Toutcelaconcourtà
une alimentation plus équilibrée, sans panini ni pizza,
et cela marche chez une partie des malades.
Qu’en est-il de l’activité physique généralement
recommandée, mais qui pose problème avec le malaise
posteffort ?
C’est un sujet d’autant plus important qu’il est crucial
pourlespatientsdetrouverunrythmed’activitéconci-
liable avec le malaise posteffort. Nous savons que les
malades du SFC supportent très mal l’activité phy-
sique, voire la kinésithérapie. Ce fait est mal compris
par les médecins qui, souvent, préconisent du sport.
Cela met en colère les patients qui voient là un déni de
leur souffrance. Or, l’activité physique, à condition
qu’elle soit soigneusement pensée, leur permettrait de
nepasaggraverleurétat.Celas’expliqueparcequel’on
appelle le déconditionnement du corps dans le SFC, et
c’est également le cas pour les malades de la Covid-19.
Lorsque l’on stoppe une activité, il faut du temps pour
se remettre à niveau, et c’est bien pire lorsqu’elle a été
complètement arrêtée. Pour se reconditionner, un
malade doit faire de petits efforts réguliers, trouver le
bon dosage. Je recommande la natation quand c’est
possible.Onpeut,ennageant,graduersoneffort.Etles
muscles travaillent en concentrique, c’est-à-dire que
quandilssecontractent,ilsseraccourcissent.C’estplus
tolérable que l’exercice excentrique qui étire le muscle.
Quel est l’avenir pour un malade fatigué chronique ?
Il y aura des fluctuations, des hauts et des bas, de gros
coups de fatigue qui peuvent s’espacer avec le temps.
La maladie peut se normaliser, on peut aller mieux.
Pour aider les patients, il faut organiser la prise en
charge, financer de la recherche, des essais cliniques.
C’est la seule façon d’éviter que, se sentant perdu,
incompris par ses médecins et ses proches, un malade
s’en remette à des margoulins qui promettent moult
traitements miracles contre beaucoup d’argent.
Propos recueillis par Aline Richard Zivohlava
19 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020
FATIGUE, SOMNOLENCE ET TROUBLES DU SOMMEIL
Le centre de soins et de recherches sur les pathologies
du sommeil accueille des patients pour qui rester éveillé est un combat
quotidien. J’y ai évalué mon profil de fatigué.
Par Jean Zanardo (texte) et Paul Delort pour Le Figaro Santé (photos)
I
ci, on soigne les épuisés. Comme Jacques L.,
qui fréquente le service des pathologies du
sommeil de la Pitié-Salpêtrière depuis près de
dix ans. À 55 ans, ce cadre à l’allure sportive
souffre d’une fatigue permanente et extrême-
ment handicapante. « Je vous écoute, je vous
réponds,expliqueJacques.Maissijeresteseulcinqmi-
nutes dans la chambre à côté, je m’endors… » « Et il ne
s’agira pas d’une petite sieste, mais d’un sommeil pro-
fond », précise son médecin, le Pr Isabelle Arnulf,
patronne du service.
L’unité récente de 20 lits où nous nous trouvons, en
cet été 2020, est un centre de soins et de recherche sur
les troubles du sommeil et de l’éveil. Ces pathologies
très diverses sont parfois rares, mais toujours préjudi-
ciables en termes de qualité de vie. Jacques L., dont la
maladie est d’origine génétique, peut en témoigner.
« J’ai organisé toute ma vie en fonction de ma patholo-
gie. Arrivé à 9 heures à mon bureau, je savais que je
n’avais que deux heures devant moi pour traiter les dos-
siers importants. Pour la suite, toute mon énergie était
consacrée à m’organiser un endroit pour dormir. À la
pause-déjeuner, je prenais le RER et m’assoupissais
jusqu’au terminus, pour être capable de retravailler jus-
qu’à 17 heures. » Le traitement médicamenteux qu’il
prend depuis lors permet à Jacques de ne plus tomber
de sommeil. Mais il doit vivre avec sa somnolence, y
compris lorsqu’il enfourche son vélo.
Fatigue extrême, somnolence, brusques endormisse-
ments… Les patients de la consultation du Pr Arnulf
souffrent de troubles qui vont bien au-delà d’une
insomnie, d’un accès dépressif ou même d’un
syndrome de fatigue chronique, traité dans d’autres
services. Par exemple, la maladie de Kleine-Levin,
caractériséenotammentparunehypersomniediurne,
jusqu’à dix-huit heures sur vingt-quatre. Quelques
centaines d’adolescents malades venus de toute la
France ont été pris en charge par l’équipe du service.
«Quandleurmaladiesedéclare,c’estunetempêtedans
les familles. » On y accueille aussi des personnes souf-
frantdenarcolepsie,cebesoinbrusqueetirrépressible
de dormir, des dormeurs anormalement agités par
des cauchemars sans repos. Plus communes, des
apnées du sommeil, des difficultés respiratoires noc-
turnes… « La tranche d’âge 50-65 ans est à risque en
raisondel’accumulationdegraisseauventreetaumen-
ton chez les hommes, sur les hanches, les fesses, les seins
pour les femmes. »
BILANS FATIGUE ET SOMMEIL
Pour soigner et mieux comprendre les pathologies en
cause, le service d’Isabelle Arnulf propose aux
patients des bilans fatigue et sommeil à l’issue d’un
séjour de vingt-quatre ou de quarante-huit heures à
l’hôpital. L’équipe cherche notamment à connaître
les rythmes endogènes du sommeil et de la somno-
lence, la façon dont chaque personne fonctionne
avec ses troubles, la stratégie développée parfois de-
puis l’enfance (prise d’excitants, lumière, exercices
physiques intenses). Une fois le profil du fatigué
établi, un diagnostic et une stratégie thérapeutique
peuvent être proposés.
Tout commence évidemment par une consultation. _u
CONSULTATION
AVEC
ISABELLE ARNULF
PROFESSEUR À LA PITIÉ-SALPÊTRIÈRE
20 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020
Organisée pour les besoins du reportage, la mienne
débute dans le bureau du professeur. Je réponds aux
questions : poids, taille, habitudes alimentaires,
histoire familiale. Le médecin passe en revue les diffé-
rentes étapes de ma vie, sous l’angle de la fatigue. Il
s’agit de donner chaque fois son point de vue sur son
propre sommeil.
L’interrogatoire se double d’un examen anatomique.
« Ouvrez la bouche. Faites ‘‘a !’’ » Le Pr Arnulf
examine soigneusement ma bouche avec une lampe.
«Vosamygdalessesontatrophiéesavecl’âge,vousavez
une grande langue, plutôt longitudinale vers l’avant,
vous pouvez la rentrer, il n’y a pas de marques de dents
dessus… la couleur du voile du palais est tout à fait
claire, il n’y a pas d’inflammation récurrente. » Un bon
point pour mon sommeil : je n’ai pas le profil d’un
ronfleur-vibreur… « Je note une très légère asymétrie
mais nous l’avons tous… » « Votre nez se bouche-t-il
régulièrement ? » « Vous êtes suivi par un dentiste, je
vois. »
À VÉLO, L’EFFORT MUSCULAIRE RÉVEILLE
Ellemedonneàremplirdesquestionnaires.Ils’agitde
savoir si je somnole en journée, si je suis du soir où du
matin, à quels moments je suis le plus productif. Par
exemple : « Vous travaillez cinq heures par jour, et votre
travail est intéressant et bien payé. Quelle séquence de
cinq heures consécutives choisissez-vous ? » Isabelle
Arnulf analyse les différents documents et note selon
un système à points. Mon score s’élève à 9, il serait
anormal à partir de 11, inquiétant à plus de 15 sur 24.
«Vousconnaissezundébutd’étatdesomnolenceenvoi-
ture…quecenesoitpaslecasenvéloestnormal,l’effort
musculaireréveille…»Enrevanche,letravailsurécran
peut favoriser une fatigue visuelle. « Votre chronotype
est neutre, ni soir ni matin, votre somnolence est bonne.
Mais j’ai l’impression que vous êtes du matin. Et votre
fatigue matinale occasionnelle peut indiquer des nuits
où vous avez souffert de petites interruptions de votre
sommeil. » Elle me confie des questionnaires pour les
prochaines semaines où je dois noircir les périodes où
j’ai dormi, tant la nuit que pour une sieste. Elle
m’encourage à maigrir du ventre… et me pose des
questions sur ma femme. « Dort-elle aussi bien qu’il y
aunedizained’années ?Souffre-t-elleplusdelalumière
nocturne, des bruits, de la chaleur ? Ronfle-t-elle ? » En
raison de son âge – 58 ans –, elle lui conseille de
prendre rendez-vous dans un centre du sommeil et de
la vigilance. Il ne s’agit pas pour elle – et pour nous –
de s’habituer à un sommeil léger. Je sors du bureau
lesté d’un double diagnostic…
Lesmursremplisd’illustrationsdubureaucosyd’Isa-
belleArnulfévoquentlesommeiletlesrêves.«Cesont
mes enfants, ma fille et mon fils, qui ont proposé de
l’aménager lorsque nous sommes arrivés ici. » Le pro-
fesseur évoque les vingt-huit années où elle a étudié le
sommeil sous toutes les coutures. Elle s’est intéressée
à de gros dormeurs : les chats. Elle s’est plongée dans
les récits des temps anciens où l’on se couchait tôt et
Pour récolter toutes les informations pertinentes, l’équipe du Pr Arnulf
fatigue / j’ai testé.
21 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020
où une activité nocturne pouvait s’insérer entre une
période de sommeil et le lever aux aurores. Isabelle
Arnulf s’est même retrouvée au couvent : « Nous
avons répondu à la demande des Chartreux et nous
avons étudié l’effet de leurs prières nocturnes. Afin de
lutter contre leur fatigue, nous leur avons conseillé de
s’accorder une légère sieste l’après-midi. »
ÉLECTRODES BRANCHÉES À 21HEURES
Aprèslaconsultationinitiale,lespatientspoursuivent
leur bilan dans les chambres du service où ils passe-
ront la nuit. En cette fin d’après-midi, les entrants
commencentàs’installer.«Ils’agitdenepasdésorien-
ter les patients, confie Ghislaine Douillet, infirmière.
Deux chambres sont prévues avec des grands lits pour
les cas d’obésité. Après les questions administratives et
de suivi médical, on procède à la pose des électrodes et
à un enregistrement d’essai. » Le système sera activé
entre 21 et 22 h 30. « Passé l’appréhension initiale,
presque tous supportent les électrodes et se satisfont
d’un bassin de lit pour faire leurs besoins. » Pour une
simplenuit,l’équipeenregistreunmaximumdevaria-
blesetlaisselepatientpartirà9heures.Pourunséjour
de quarante-huit heures, c’est plus détaillé. « Pour ré-
colter toutes les informations pertinentes, nous avons
besoindeonzeàdouzeheuresd’enregistrements,nuitet
siestes, explique Ghislaine Douillet. Par exemple, ré-
veil à 6 h 30, test de 8 à 8 h 35 avec une heure et demie
de pause en éveil entre deux siestes. » Elle nous montre
un patient assis, l’allure concentrée. « Il n’a pas pu at-
tendre la prochaine sieste. Les capteurs montrent qu’il
dort profondément en ce moment. »
Me voilà dans une chambre de pose d’électrodes.
Deux étudiantes en master surpervisées par la cher-
cheuseCéliaLacauxmecollentunparunlescapteurs
et détaillent chacune de leurs fonctions. Mais je n’ai
aucune envie de dormir ! Célia Lacaux s’en amuse.
« Je vais vous décoller les pastilles, soyez courageux ! »
Elle raconte son travail. « J’étudie la créativité des
patients atteints de narcolepsie. Ils plongent directe-
ment dans le sommeil paradoxal et peuvent maîtriser
leurs rêves… On appelle cela des rêves lucides. » Pour
cette recherche, une cohorte de volontaires sujets à ce
trouble, la plupart étudiants, a été recrutée. L’étroi-
tesse de la machine et le bruit de l’appareil IRM ne les
empêchent pas de s’endormir. « Ils ont appris un code
oculaire à reproduire pendant leur rêve lucide. Grâce à
cela,noussavonsàquelmomentilsprennentlecontrôle
de leur rêve, pour le changer. » Célia Lacaux s’est elle-
mêmeentraînéeàdevenirrêveuselucide,ennotantles
rêves pour augmenter la fréquence de leur rappel.
« J’ai arrêté parce que cela me fatiguait, c’était très
intense. Ne pas se souvenir de ses rêves constitue peut-
être une fonction, et il vaut mieux ne pas aller à
l’encontre de ce processus. »
Retour dans le service. Le Pr Arnulf me présente à
huit blouses blanches rivées à leur écran : ces méde-
cins décryptent les analyses de la nuit, côte à côte,
dans une seule pièce. « C’est multidisciplinaire, le
a besoin de onze à douze heures d’enregistrements : nuit et siestes
_u
22 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020
appareillage respiratoire, une machine à ventilation
pour aider le travail du muscle respiratoire pour com-
penser les anomalies et arriver à un sommeil plus
continu. » Isabelle Arnulf intervient : « On ne parle pas
d’un masque sur le nez avec de la pression positive
comme pour les apnées obstructives. Il s’agit plus sim-
plementd’assistancerespiratoire:lamachinedétectele
besoin d’aspiration et insuffle un peu plus d’air. Le
réglage est très délicat. » Selon le DrCécile Londner,
l’amélioration est nette pour la sensation
d’essoufflement, le caractère récupérateur du som-
meiletleretourdelaformedanslajournée.«Larespi-
ration, poursuit Isabelle Arnulf, est la fonction la plus
fragile pendant le sommeil. Dans la journée, nos
muscles fonctionnent à plein, mais la nuit, ils se relâ-
chent, y compris ceux qui aident le diaphragme et
l’ouverture des voix aériennes. Le risque est que le
patient se retrouve en manque d’oxygène et que, par
conséquent, qu’il soit épuisé dès le réveil. »
LES CAS DIFFICILES DISCUTÉS COLLECTIVEMENT
La fin d’après-midi se profile. C’est le moment de la
réunion de staff qui réunit tous les soignants du ser-
vice. On y évoque des dossiers à venir ou des traite-
ments à mettre en place. Un patient nonagénaire,
ancien professeur de médecine, a lui-même préparé
son dossier médical. Il est décidé de l’accueillir deux
nuits. Les cas difficiles sont examinés collectivement.
Ainsi, cette femme, suivie depuis 2003, qui souffre
d’hallucinations, d’un sommeil excessif et d’une perte
notable de poids. Le DrCarole Philippe expose le cas
et demande des avis.
Dans les chambres, les patients du jour sont presque
tous installés, prêts pour leur nuit à l’hôpital. Je passe
devantlebureaudeCarolePhilippe.Unevitrineattire
mon attention : « C’est mon petit musée : tous les
appareils avec lesquels j’ai travaillé à la Pitié depuis
1991.»Elleenagardéundechaquegénération.«J’ai
soigné environ 1 500 patients. Mais chaque inter-
vention reste spécifique. » À chacun son sommeil, à
chacun sa fatigue. Jean Zanardo
sommeil », commente-t-elle. Sur les écrans, toutes les
données des dormeurs récoltées dans la nuit : respi-
ratoires et neurologiques. Le service filme également
les patients, et les enregistrements sont parfois très
impressionnants dans le cas de cauchemars vécus en
rêve. Comme ce patient que l’on voit debout sur son
lit lutter contre des soldats. Puis, étonné, il comprend
qu’il se trouve à l’hôpital et se recouche comme si de
rien n’était.
L’analyse d’un cas occupe Adeline, chirurgienne
maxillo-facial,spécialistedelatêteetducou.Lajeune
femme commente sa lecture : « On se propose d’opérer
ce patient qui ne met pas son ventilateur. Je regarde s’il
y a un facteur anatomique qu’on pourrait corriger pour
améliorersonétat,voire,éventuellement,leguérir.»En
face d’elle, la neurologue Ana Zenovia Gales est
spécialiste de l’épilepsie, une maladie extrêmement
fatigante. « Les crises sont plus intenses pendant le
sommeil.Etlafatiguepeutentraînerdel’épilepsie,d’où
un cercle vicieux », commente-t-elle. Ce n’est pas la
seule maladie neurologique qui ruine l’énergie et le
sommeil des patients. La neurologue Pauline Dodet
étudie ces problèmes chez les patients atteints de
Parkinson. « Cette maladie procure de la fatigue, du
sommeil haché avec de l’insomnie, de la somnolence
dans la journée. »
Les troubles respiratoires sont une autre cause
majeuredefatigueextrêmeetd’unsommeilfortement
dégradé. Cécile Londner, pneumologue, traite les
syndromes d’apnée du sommeil, les maladies respira-
toires chroniques comme la broncho-pneumopathie
chronique obstructive, les anomalies en lien avec ces
maladies et les maladies neuromusculaires qui
touchentlediaphragme.Elleprécise:«Onpeutpropo-
ser aux patients qui dorment mal et qui sont épuisés un
C’est multidisciplinaire,
le sommeil... Sur les écrans,
les données respiratoires et
neurologiques des dormeurs
fatigue / j’ai testé.
24 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020
focus.
Axone
Récepteur
desérotonine
Sérotonine Sérotonine
DE QUELLE FATIGUE PARLE-T-ON ?
Si l'on en croit les chiffres de l'assurance-maladie, 10 à 25 % des personnes se plaignent
de fatigue à leur médecin. Et 6 à 7 % consultent essentiellement pour ce motif, les femmes étant
davantage concernées. Mais ses causes sont multiples, et il existe différents types de fatigue …
La fatigue en réaction à…
La fatigue mentale liée aux troubles psychiques
Après un exercice physique intense, ou en cas de manque de sommeil, de décalage horaire, de surmenage,
de stress, de perte musculaire ou de malnutrition, la sensation de fatigue apparaît :
C’est la fatigue la plus fréquente.
Présente dès le réveil, elle
s’accompagne d’angoisses, d’un
manque de motivation (« envie
de rien »), de problèmes de
mémoire, etc. Elle est souvent
associée à une dépression, des
troubles anxieux, des troubles du
comportement alimentaire ou
encore un trouble bipolaire.
La fatigue psychique se traduit
souvent par :
1
Delasérotonineestlibérée
danslessynapses,
cequiaugmentel’excitation
desmotoneurones.
Denotrecerveau,lesaxones
desneuronespyramidauxdescendent
danslamoelleépinièrejusqu’aux
motoneuronesdontlesaxonesforment
lesnerfsmoteursexcitantlesmuscles.
2
Lasérotonineenexcèsdébordedessynapses
etsefixesurdesrécepteurssituésaudébut
desaxonesdesmotoneurones,inhibantl’influx
nerveuxetgénérantlafatigue.
3
Cerveau
Muscle
Message
nerveux
Troubles
du sommeil
Troubles
de l'appétit
Trous
de mémoire
??
Unmotoneuroneestunecellulenerveuse
directementconnectéeàunmuscle
etquicommandesacontraction.
Motoneurone
Source:RéseauMorphée,CentreduSommeil,Inserm
Fatigue musculaire
Message nerveux
Actité normale Effort modéré Effort trop intense
25 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020
Toute absorption de substances toxiques
peut être source de fatigue.
C’est le cas lors d’une :
Le syndrome de fatigue chronique (SFC)
se caractérise par un état de fatigue devenu chronique
et apparu brutalement chez une personne jusque-là
en bonne santé et non dépressive, sans que l’on puisse
trouver de cause particulière. Ce syndrome a reçu
une multitude d’appellations à travers le temps :
neurasthénie, syndrome de fatigue post-virale, mononu-
cléose chronique et plus récemment encéphalomyélite
myalgique ou syndrome d'intolérance systémique
à l'effort. D'après les derniers critères qui ont été
proposés voilà cinq ans par l'Institute of Medicine (IOM)
américain, son diagnostic repose sur la présence
obligatoire des trois symptômes suivants :
Consommationdetabac
Consommationdecaféine
Consommationdestupéfiants(cannabis,cocaïne,lsd,etc.)
Consommationd’alcool
Intoxicationsauplomb (saturnisme)ouaumonoxydedecarbone
(psychotropes,sédatifs,antidépresseurs,diurétiques,
antalgiques,antihistaminiques,certainsproduits
contrel'hypertensionartérielle,etc.)
Prisedecertainsmédicaments
Fatigueintensedepuisaumoinssixmoisnerésultantpasd’uneffort
excessifcontinuetnonamélioréeparlerepos,avecaltération
duniveaudesactivitéspersonnelles,professionnellesousociales
Sommeilnonréparateur
Malaiseposteffort:aggravationdel’étatgénéralaprèsuneffort
physiqueoupsychique,mêmemineur
Intoléranceorthostatique
(incapacitéàsetenirdebout
pendantplusd’unecourtepériode)
Altérationcognitive
On doit de plus observer au moins
une des deux manifestations suivantes :
La fatigue est observée à l'occasion de nombreuses
maladies : des infections virales (grippe, mononu-
cléose, VIH, hépatite, etc.) ou bactériennes (tubercu-
lose, maladie de Lyme, etc.), des maladies
hormonales (hypothyroïdie, diabète, etc.),
des maladies auto-immunes (lupus,
maladie de Crohn, etc.), des atteintes
neurologiques (Parkinson,
sclérose en plaques, etc.),
des cancers, ou encore
diverses maladies
chroniques (insuffi-
sance cardiaque,
BPCO, etc.).
L'anémie
ferriprive, liée
à une carence
en fer, se traduit
aussi par
une grande
fatigue.
La fatigue liée à des carences ou des maladies
La fatigue liée
à des intoxications
La fatigue
chronique
Laquantitéd’oxygènevéhiculéeparlesangbaisse.
Lesorganes,privésde leur«carburant»,peinentàfonctionner.
Le fer a des vertus
« oxyphoriques »:
il fixe l’oxygène et permet son transport
Silesglobulesrougess’appauvrissentenfer,
laquantitéd’oxygènevéhiculéeparlesangbaisse.
!
O2
Fe
Fe
Carence en fer (anémie ferriprive)
Fluxsanguin
Globules
rouges
INFOGRAPHIELEFIGARO
abécédaire..
26 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020
a
J
’arrive à peine à me lever, je suis fatiguée, je
suis exténuée… » chantait, dans les années
1980, Catherine Ringer des Rita
Mitsouko. Comme l’artiste, entre 10 et
25 % de la population serait concernée par
cette fatigue qui accable, donne un
sentiment de lourdeur et complique chaque geste du
quotidien.
Cette fatigue anormale, ou asthénie, peut être liée à
des causes psychiques (épuisement professionnel,
dépression…), physiques, ou peut être due à une
maladie ou à des traitements. Mais quelle qu’en soit
la cause, une thérapie non médicamenteuse a fait
clairement ses preuves : l’activité physique.
Bouger pour être moins fatigué, vraiment ? Oui, car
la fatigue chronique rend sédentaire et génère un
manquedevitalité.«Or,moinsvousvousactivez,plus
le moindre effort est fatigant et provoque des douleurs.
Vous êtes essoufflé pour monter une volée de marches,
porter vos courses… C’est le résultat d’un décondi-
tionnement métabolique, musculaire. C’est un cercle
vicieux, et le seul moyen de le briser est de se remettre
à bouger », explique le Pr Martine Duclos, chef du
service de médecine du sport et des explorations
fonctionnelles au CHU de Clermont-Ferrand.
Comme une voiture qui ne roule plus et dont les
pneus se dégonflent, nos muscles des jambes, des
bras, mais aussi nos muscles cardiaques s’affaiblis-
sent. Le moteur de notre corps perd aussi de la puis-
sance. En effet, petites structures dans les cellules de
l’organisme, les mitochondries qui fabriquent
l’énergie rapetissent si notre corps est trop souvent
immobile. Résultat : le corps manque de tonus.
CERVEAU OXYGÉNÉ
Mais tout cela disparaît grâce à l’activité physique.
« Mieux encore, l’activité physique agit aussi sur la
fatigue psychique. Elle diminue l’anxiété et lutte
contre le stress en libérant dans le cerveau des messa-
gers chimiques comme les catécholamines, la dopa-
mineetdesmoléculesliéesàlacirculationdelaséroto-
nine. Elle favorise aussi une meilleure oxygénation du
cerveau », décrit la spécialiste. Et d’ajouter : « L’acti-
vité physique améliore aussi le sommeil. On est donc
plus reposé, plus en forme et moins stressé. »
Pour tirer bénéfice de l’activité physique, inutile de
courir un marathon ou de s’inscrire au Tour de
France. « Marcher trente minutes par jour à bonne
allure ou faire 5 000 à 6 000 pas quotidiennement suf-
fisent amplement à se remettre en forme », indique le
Pr Duclos. Pour y arriver, laissez la voiture au par-
king au profit des transports, emmenez les enfants à
l’écoleàpied,prenezl’escalierplutôtquel’ascenseur
ou l’escalator, téléphoner debout…
Par la suite, il s’agit d’augmenter votre nombre de
pas quotidien et d’ajouter progressivement une acti-
vité plus sportive comme la course à pied, la bicy-
clette ou encore la natation qui améliorera davan-
tage votre endurance. Des exercices de renforcement
musculaire sont aussi très intéressants pour se mus-
cler et regagner de la force. Idéalement, ces activités
doivent être pratiquées au moins trois fois par
semaine. En créant cette routine, vous verrez que les
effets se feront sentir plusieurs jours après votre
séance. Et on ne parle pas là de courbatures, mais
biend’unsentimentdebien-être,deforceetdetonus.
Anne-Laure Lebrun
Marcher, nager, courir… quelle que soit l’activité pratiquée, elle renforce
les muscles, lutte contre le stress, réduit la fatigue physique et psychique.
ACTIVITÉ PHYSIQUE
Bouger pour moins fatiguer
abécédaire..
28 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020
a
C
haque automne, c’est la même ren-
gaine. Les vacances d’été ne sont plus
qu’un lointain souvenir, et bon nom-
bre de magazines vous livrent secrets
et astuces pour rester en forme l’hiver
venu, grâce notamment aux aliments
antifatigue. Illusion… Comme l’explique Anthony
Fardet,chercheurennutritionpréventive(université
de Clermont-Auvergne/Inrae) : « C’est une vision
très réductionniste : en réalité, il n’existe aucun ali-
ment qui puisse en soi résoudre un problème de fati-
gue : la seule chose qui peut avoir des vertus
miraculeuses, c’est une nourriture pensée dans sa glo-
balité. » Pour s’en faire une idée plus précise, exami-
nons de près les promesses des uns et des autres.
Dans les aliments dont on vante souvent les vertus
antifatigue, on peut citer :
● les agrumes et leur vitamine C,
● les poissons gras et leur vitamine D,
● les légumes verts à feuilles pour leur vitamine B9,
● les fruits de mer et le boudin, riches en fer,
● le cacao, le soja et les amandes pour leur magné-
sium,
● la spiruline, ses protéines, son fer et ses anti-
oxydants,
● les baies de goji, leurs vitamines et leurs anti-
oxydants,
● le guarana, plante dont les graines contiennent de
la caféine.
Pour Anthony Fardet : « L’efficacité de tous ces
micronutriments est réelle, mais seulement quand ils
agissent en synergie les uns avec les autres, pas de
manière isolée. » La remarque vaut particulièrement
pour les concentrés de minéraux et vitamines
consommés aujourd’hui par un Français adulte sur
cinq. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de
l’alimentation, de l’environnement et du travail (An-
ses) surveille de près la composition de ces complé-
ments alimentaires. Elle souligne qu’« en l’absence
de pathologie, la couverture des besoins nutritionnels
est possible par une alimentation variée et équilibrée
associée à une activité physique adaptée », ce qui rend
leur consommation inutile – voire dangereuse si les
doses limites sont dépassées. La focalisation sur un
aliment en raison de ses micronutriments, bien qu’a
priori peu risquée, ne présente pas plus d’intérêt.
Exemple avec le magnésium. Majoritairement mis
en réserve dans les tissus osseux (55 à 60 %) et les
muscles (25 %), il est ensuite réparti entre les organes
(foie, cœur, cerveau…) et circule très peu dans le
plasma. Comme d’autres micronutriments, il parti-
cipe à de nombreuses réactions biochimiques. Le
magnésium est ainsi impliqué :
● dans le métabolisme des glucides, des lipides et des
protéines, en jouant un rôle majeur dans le transfert,
le stockage et l’utilisation de l’énergie – d’où son rôle
supposé contre la fatigue,
● dans certaines contractions musculaires (celles qui
font intervenir des mouvements de calcium), d’où sa
responsabilité dans les crampes musculaires,
● dans la régulation du passage de divers minéraux
à travers la membrane cellulaire (en particulier, le
sodium et le potassium), dont l’équilibre retentit à
son tour sur d’autres fonctions biologiques comme
letonusdesvaisseauxsanguins,leurcapacitéàchan-
ger de diamètre, ou encore l’activité cardiaque et
nerveuse.
Au bilan, le magnésium est un sel minéral multifonc-
tionnel. Et c’est cette caractéristique même qui per-
met à ce nutriment de jouer un rôle protecteur vis-à-
vis des maladies ou de la fatigue, en interdépendance
avec d’autres composés. De fait, si l’enquête de santé
Suvimax (supplémentation en vitamines et miné-
raux antioxydants) révèle que les trois quarts des
Françaisconsommentmoinsdemagnésiumqu’ilest
recommandé, il ne semble pas qu’ils se plaignent
tous de fatigue. Il faut toutefois distinguer le déficit
en magnésium – dont souffrent une majorité de
Français sans qu’ils ressentent le moindre symp-
tôme – de la carence.
Que dire, maintenant, des vitamines, et en parti-
culier de la C réputée souveraine contre la fatigue ?
Le terme a été inventé au début du XXe siècle par un
Pour que la fatigue s’envole, pas d’assiette miracle ! Mais une alimentation variée
et riche en fruits et légumes vous aidera à garder la forme.
ALIMENTATION
Du tonus dans votre assiette
● Le café, parfois décrié, renferme nombre de vita-
mines, de minéraux et des antioxydants. Une
consommation modérée (trois tasses par jour)
exercerait de nombreux bienfaits (en particulier,
contre la goutte et le diabète).
● Selonuneenquêteportantsurlestauxdevitamines
et minéraux en France, 7 % des femmes en âge de
procréer souffrent d’anémie par manque de fer.
● Le jeûne intermittent, souvent adopté dans l’es-
poir de perdre du poids, peut, s’il est mal conduit,
générer constipation, maux de tête, douleurs
abdominales, mais aussi déshydratation et fatigue.
BON À SAVOIR
abécédaire..
29 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020
Un régime antifatigue est un régime varié.
Les vitamines sont bien plus bénéfiques dans la salade,
les tomates ou l’avocat que dans des compléments
biochimiste polonais en référence au latin vita (vie) :
ce scientifique désignait par vitamines une catégorie
d’amines – des composés azotés – indispensables au
fonctionnement de l’organisme. En pratique, ces
substances interagissent entre elles et assurent, là
encore, des fonctions variées. Elles interviennent
principalement :
● comme coenzymes, éléments nécessaires au travail
d’enzymes qui, elles-mêmes, accélèrent des réactions
chimiques,
● comme antioxydants s’opposant aux effets délé-
tères des radicaux libres,
● comme messagers chimiques.
À l’exception de deux d’entre elles (K et D), le corps
humain est incapable de les fabriquer, et il est pour-
tant nécessaire d’en consommer via notre alimenta-
tion ou en compléments. Mais attention, en petites
quantités, prévient l’Anses. Les effets toxiques d’une
surconsommation sont réels. L’Agence souligne
qu’« un apport trop élevé de vitamines n’améliore pas
les performances d’un organisme qui fonctionne déjà
normalement ». S’il y a des carences, en revanche, il
fautlescorriger.Maisellessontplutôtraresdansnos
pays industrialisés, en dehors de certaines situations
à risque (grossesse, alcoolisme, chirurgie bariatri-
que…). En tout cas, un suivi médical est obligatoire.
Aussi, s’agissant de la vitamine C ou autres, l’usage
relève plus de la croyance que de l’intérêt scientifi-
quement démontré.
FORCEZ SUR LES VÉGÉTAUX
Ainsi, au lieu de croquer un comprimé jaune aroma-
tiséàl’orange,mieuxvautserégalerdufruit !Manger
pléthore de fruits et légumes n’expose jamais à un
risquedesurdosage.AnthonyFardetinsiste:«Aulieu
de se poser la question des minéraux ou vitamines,
mieux vaut suivre un régime alimentaire essentiel-
lement végétal, vrai, varié. Avec lui, on est sûr d’assurer
tous ses besoins nutritionnels en micronutriments
protecteurs sans avoir à s’en préoccuper. »
Anne Lefèvre-Balleydier
abécédaire..
30 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020
a
F
atigue,manqued’énergie,pâleur,essouf-
flement, voire dépression et troubles
cognitifs chez la personne âgée… L’ané-
mie par carence en fer, (également appe-
lée anémie par carence martiale ou ferri-
prive) est sournoise ! Elle est pourtant
fréquente. « On estime à l’échelle mondiale que 10 % de
la population est touchée par une carence en fer et qu’un
milliard et demi de personnes souffrent d’anémie, toutes
causes confondues », précise le Dr Anthony Lopez,
maître de conférences universitaire et praticien hospi-
talierauseinduserviced’hépato-gastro-entérologiedu
CHRU de Nancy. On parle d’anémie (définie selon le
sexe et l’âge) à propos d’un taux d’hémoglobine infé-
rieur à 13 g/dl pour un homme, à 12 g/dl pour une
femmeetau-dessousde11g/dlchezunepersonneâgée
de plus de 65 ans. D’autres marqueurs, comme le
volume globulaire moyen (VGM) permettent de pré-
dire si l’anémie est liée à une carence en fer, car ses
causes sont extrêmement nombreuses.
En France, 25 % des femmes en âge de procréer sont
carencées en fer et 2 % présentent une anémie, d’après
l’assurance-maladie. Pertes menstruelles et manque
d’appétence pour les viandes rouges peuvent l’expli-
quer. Lors de la grossesse, les besoins en fer augmen-
tent avec la croissance du fœtus et du placenta. Une
anémie,plusfréquenteàquelquessemainesdel’accou-
chement ainsi qu’en cas de grossesse multiple, risque
d’avoir une incidence sur le poids du bébé à la nais-
sance. C’est pourquoi la plupart des futures mamans
sont supplémentées en fer. Pour éviter les carences,
l’allaitementmaterneloulaprised’aumoins500mlde
lait premier, puis deuxième âge est recommandé
chaque jour pour les nourrissons. La diversification
sera poursuivie avec un lait enrichi en fer ou lait de
croissance, idéalement jusqu’à 3 ans.
INJECTIONS DE FER
L’anémieparcarencemartialeestégalementfréquente
chez les personnes souffrant de pathologies inflamma-
toires chroniques (polyarthrite rhumatoïde, maladie
de Crohn, maladie cœliaque…) et de cancers digestifs.
D’autantquepeudecespatientsbénéficientd’unbilan
du fer selon le Dr Lopez. « Une étude européenne
indique que la carence en fer affecte 50 à 60 % des
patients avec un cancer digestif. Pourtant, la ferritine,
l’un des marqueurs de l’anémie, n’est dosée que chez une
personne sur deux. Et le coefficient de saturation de la
transferrine, seulement dans 15 % des cas. Une fois la
carence martiale identifiée, elle n’est traitée que dans un
tiers des cas. »
Undéséquilibrealimentaireprovoquéparunecarence
en fer et vitamine B12 peut aussi mener à une anémie.
Lesvégétariensetlesvégétalienssontconcernésparun
déficit en fer, sauf s’ils consomment suffisamment de
végétauxetcéréales.Maisc’estsurtoutlavitamineB12
ou cobalamine, qui fait défaut aux adeptes du vegan.
La B12, présente dans les produits animaux (viande
rouge, volaille, produits de la mer, crustacés, œufs,
fromages, lait…), ne peut être synthétisée en quantité
suffisanteparl’organisme.Unesupplémentationpour
cesdeuxnutrimentsestsouventindispensableaprèsun
bilan biologique.
Laprisedeferpeutsefaireparl’absorptiondecompri-
més ou via des injections intraveineuses selon les situa-
tions, explique le Dr Lopez. « La voie orale est plus
facile, mais plus longue, trois mois au minimum afin de
reconstituerlesréserves,avecdeseffetssecondairespour
un patient sur deux : douleurs abdominales, ballonne-
ments, constipation ou diarrhée. »
Hors maladie, la meilleure des préventions contre
l’anémierestedesuivreunrégimealimentaireéquilibré
etvariéricheenviande,légumes,fruits,légumineuseset
produits céréaliers avec une attention accrue à certains
moments clés : enfance, adolescence, grossesse.
Raphaëlle Bartet
La fatigue peut cacher une anémie. Fréquemment due
à une carence en fer et parfois en vitamine B12, elle peut être évitée
en diversifiant ses apports alimentaires.
ANÉMIE
Attention à l’apport en fer et en vitamine B12
abécédaire..
31 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020
a
Q
uand le sommeil fatigue… 5 à 10 % de la
population serait aujourd’hui concer-
néeparlesyndromeditd’apnéedusom-
meil (SAS). Les hommes deux fois plus
que les femmes, et, avec l’âge, le risque
augmente : 30 % des plus de 65 ans en
sont victimes. Et encore ne s’agit-il que des chiffres
des patients pris en charge. La prévalence de la
pathologie est sans doute sous-estimée car nom-
breux sont les malades qui s’ignorent.
De fait, il est difficile d’avoir clairement conscience
d’une apnée du sommeil survenant la nuit, en plein
endormissement. Des signes doivent alerter. Vous
ronflez régulièrement et, en journée, vous vous sen-
tez fatigué et irritable ? Il est possible que vous souf-
friez de ces interruptions incontrôlées de la respira-
tion, qui induisent autant de microréveils réflexes
pour retrouver de l’air. Résultat : le sommeil est
haché et les journées ponctuées de somnolences irré-
pressibles. « Pour autant, la plupart des apnées, celles
qui se répètent moins de cinq fois par heure, ne portent
pas à conséquence, explique le Dr Bertrand de La
Giclais,responsableducentredusommeild’Annecy-
Argonay, et président du syndicat de la médecine du
sommeil. En revanche, les apnées plus sévères peuvent
conduire à de réelles pathologies, favoriser la fatigue
chronique,maisaussil’hypertension,ladérégulationdu
rythme cardiaque et l’athérosclérose (la formation de
plaques sur la paroi des artères) qui augmentent les
risques d’accidents cardio-vasculaires. Elles peuvent
également, comme tous les troubles du sommeil, stimu-
ler la prise de poids, l’apparition de troubles métabo-
liques tels que le diabète, voire l’anxiété ou la
dépression. Il est donc important de ne pas les laisser
s’installer durablement et se développer. »
L’OBÉSITÉ, CETTE ENNEMIE
Pour échapper aux apnées, lutter contre l’obésité est
la première des préventions. Le surpoids est un
important facteur de risque des SAS : chez les
hommes, chaque kilo pris peut être à l’origine de une
à trois apnées supplémentaires par heure. En effet,
les dépôts graisseux et l’épaississement du cou
provoquent ou exacerbent l’obstruction des voies
aériennes supérieures par le voile du palais. Par
ailleurs, l’obésité facilite l’apparition du diabète de
type 2 et tous les troubles métaboliques qui semblent
encouragerleSAS.Autrerecommandation:fairedu
sport pour prévenir surpoids et diabète, mais égale-
ment pour muscler le voile du palais et éviter ainsi
qu’il s’affaisse la nuit venue pour obstruer nos voies
respiratoires.
« Pour les traitements, il n’existe aucune pilule
miracle », prévient le Dr Bertrand de La Giclais. La
premièreétapeestderéaliserunexamenapprofondi,
un enregistrement polygraphique du sommeil,
explorant les fonctions respiratoires, cérébrales et
cardiaques. Cet examen permettra d’évaluer l’inten-
sité du syndrome et de déterminer la prise en charge
adaptée.PourlesSASlégers,decinqàquinzeapnées
par heure, les mesures hygiéno-diététiques – perdre
du poids, faire du sport – suffisent parfois. Pour les
cas plus sévères, les traitements mécaniques s’impo-
sent : le port d’une orthèse buccale, un appareil amo-
vible permettant d’étirer le pharynx pendant la nuit
ou,pluscontraignantmaisd’uneefficacitéde100%,
la ventilation en pression positive réalisée par un
masque relié à une machine impulsant de l’air toute
la nuit. Quant aux indications chirurgicales, elles
visent à extraire les amygdales trop volumineuses ou
à redresser les cloisons nasales déviées, facteurs
exacerbant l’affaissement du voile du palais. « En
revanche, précise le Dr de La Giclais, la chirurgie de ce
voilen’estaujourd’huiplusrecommandéecarlebénéfice/
risque n’est pas favorable. » Laurent Giordano
Fatigue intense, problèmes cardiaques…
Les conséquences de ces interruptions nocturnes de la respiration sont délétères.
Mais on peut y faire face.
APNÉES DU SOMMEIL
Comment les prévenir et les soigner
abécédaire..
32 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020
b
L
e burn-out est un terme dans l’air du
temps, mais la description de ce syn-
drome d’épuisement professionnel
date du milieu des années 1970. En
1974, un psychologue et psychothéra-
peute américain remarque que dans
les free clinics qui s’adressent notamment aux
patients en marge de la société, les soignants nouvel-
lement arrivés se montrent au départ très investis
dans leur travail, avant de s’épuiser et de tomber
dans la désillusion. Il donne à ce phénomène le nom
de burn-out, qui suggère l’image de travailleurs qui
se consument. Désormais, déplore Alain Bergeret,
professeur émérite à l’université de Lyon, le terme
est si populaire qu’il est parfois utilisé à tort et à tra-
vers. Il est néanmoins à prendre très au sérieux,
explique ce spécialiste de la médecine du travail :
«Cesyndromen’estpasconsidérécommeunemaladie
dans les classifications de référence. Mais il peut être
lourd de conséquences sur la santé, en exposant
notamment au risque de dépression. »
Nombre d’études se sont attachées à le décrire. Le
burn-out se traduit à la fois par des manifestations
physiques (fatigue, maux de tête, tensions muscu-
laires…) affectives (perte de confiance en soi, irrita-
bilité…), cognitives (difficultés de concentration…)
etcomportementales(replisursoi,démotivation…).
Dans les années 1990, le syndrome n’est plus consi-
déré comme spécifique au milieu médico-social et,
aujourd’hui, le burn-out concerne toutes les profes-
sions,manuellesetintellectuelles.Ilestdéfinicomme
un épuisement physique, émotionnel et mental, avec
pour point de départ un investissement prolongé
dans une situation de travail exigeante sur le plan
émotionnel. « Ça commence souvent avec
l’impression d’être vidé, commente le Pr Bergeret.
Puis on va se désinvestir de son travail, et pour finir, le
processus va déborder du cadre professionnel, avec une
diminution de ce que l’on nomme l’accomplissement
personnel, c’est-à-dire l’intérêt pour la vie. »
Le médecin le souligne : « C’est un épuisement, et il
y a donc à la fois une question de temps et d’engage-
ment : le burn-out ne peut pas survenir lorsque l’on
vient de prendre ses fonctions dans un nouveau poste,
ni avec un travail que l’on fait en dilettante. » Et il
pointe, par ailleurs, l’importance conjuguée du
contexte et de la personnalité. D’après le document
de la Haute Autorité de santé portant sur le repérage
et la prise en charge du burn-out, il y aurait au moins
six catégories de facteurs de risques liés au travail :
les exigences au travail, les exigences émotionnelles,
le manque d’autonomie et de marges de manœuvre,
les mauvaises relations avec les collègues, les conflits
de valeur, l’insécurité de l’emploi. Mais la HAS met
aussi en exergue les risques liés à la personnalité,
notamment l’instabilité émotionnelle et le caractère
consciencieux.
HAUSSE DU MAL-ÊTRE CHEZ LES SOIGNANTS
Combien de personnes sont concernées ? « On n’en
a pas une idée précise, parce qu’il ne s’agit pas d’une
maladie déclarée, et l’on ne peut donc pas avoir de
retour comme, par exemple, les notifications des
affections longue durée », indique Alain Bergeret.
D’après une étude conduite voilà cinq ans par l’Ins-
titut de veille sanitaire à partir des données issues du
Programme de surveillance des maladies à caractère
professionnel (MCP), la part du burn-out représen-
tait près 7 % des troubles psychiques rapportés par
les médecins du travail en 2012 (6,7 % chez les
femmes, et 7,3 % chez les hommes). Sachant que
480 000 salariés français étaient alors suspectés de
souffrance psychique liée au travail, il y aurait donc
eu 30 000 cas de burn-out. Cependant, les cher-
cheurs ont noté une tendance à la hausse sur les six
années de suivi, tout en soulignant les difficultés à
repérer ce trouble. En 2020, le nombre de cas est
Perte de sens, surmenage, conflits… Le travail peut rendre malade.
L’écoute et parfois les médicaments peuvent aider les personnes en souffrance.
BURN-OUT
Quand le travail épuise
BON À SAVOIR
● D’après une enquête menée en 2010 auprès de
25 000 ménages, 19 % des salariés déclarent man-
quer de reconnaissance professionnelle, 15 % sont
exposés à un travail exigeant et intensif, 13 % souf-
frent d’un manque de reconnaissance et de rela-
tions de travail difficiles, et 9 % sont surexposés en
cumulant plusieurs facteurs de risque.
● Après un arrêt pour bu
rn-out, le salarié doit préparer sa reprise avec le
médecin du travail, notamment en vue d’aménage-
ments ou d’adaptations du poste de travail.
● Responsable de campagne de prévention et
de formation en entreprise, l’association Stop
burn-out reçoit les particuliers une fois par
semaine : la crise de la Covid-19 l’a amenée à mul-
tiplier le nombre de ses permanences par trois (et
à les transformer en consultations à distance).
abécédaire..
33 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020
L’épuisement professionnel a un impact négatif sur la santé.
Il est associé aux troubles anxieux
et dépressifs, mais aussi à des problèmes cardiaques
certainement plus important, d’autant que, suite à la
pandémie de Covid-19, il est probable que la ten-
dance soit clairement à la hausse chez les soignants.
Lesprofessionsmédicalesetparamédicalessonttou-
jours à risque élevé. En 2008, une enquête avait été
menée auprès de 1 400 médecins de famille de 12
pays d’Europe. 43 % d’entre eux étaient en épuise-
ment émotionnel, 35 % désinvestis, et 32 % en étaient
à la phase de faible accomplissement personnel.
SUIVI DES RISQUES PSYCHOSOCIAUX
Le burn-out a un impact fortement négatif sur la
santé : on le sait associé aux troubles anxieux et
dépressifs – qu’il y ait ou non des antécédents –, mais
aussi à des troubles du sommeil ou à des problèmes
d’alcool ou encore à une prévalence plus importante
de maladies cardio-vasculaires ou de troubles
musculo-squelettiques. Il importe donc d’en repérer
au plus vite les signes avant-coureurs. « La personne
qui en souffre ne s’en rend pas toujours compte, et
sachant qu’a priori, elle a un travail qui lui plaît, ses
proches risquent également de ne pas s’en apercevoir »,
explique Alain Bergeret. Quant aux entreprises, le
médecin du travail et son équipe sont précisément
chargés de surveiller tous les risques auxquels sont
exposés les salariés (qu’ils soient physiques, chimi-
ques ou psychosociaux). Et dans leur suivi médical
des employés, ils doivent, en principe, détecter diffé-
rents indices : manque d’énergie au travail, pro-
blèmes de concentration, humeur variable, tendance
à se dévaloriser, etc. Enfin, des associations comme
Stop burn-out (SBO) peuvent aider les personnes en
souffrance : « Elles ont besoin d’être écoutées et com-
prises », remarque Margareth Barcouda, présidente
et fondatrice de SBO. La prise en charge impose
généralement un arrêt de travail, et peut, selon les
symptômes,nécessiterlaconsultationd’unpsychiatre
et un traitement médicamenteux. Mais au-delà de
l’individu, c’est le poste et les conditions de travail
qui devront faire l’objet d’un diagnostic, pour éviter
que le burn-out ne consume d’autres salariés. A. L.-B.
abécédaire..
34 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020
c
L
enombred’étudesscientifiquessurles
effets santé du café est à la hauteur de
sa consommation : colossal. Mais les
résultats sont souvent contradictoires
et controversés. Son action stimu-
lante, en revanche, fait quasiment
l’unanimité : il est établi que le café permet d’aug-
menter la vigilance, la concentration et aide à lutter
contre la somnolence et l’endormissement. Des étu-
des ont également démontré qu’une consommation
modérée de caféine, le composé psychoactif du café,
améliorait certaines fonctions cognitives comme la
mémoire. L’armée américaine a d’ailleurs mis en
application le fruit de ces recherches en fournissant
àsestroupesenIrakunchewing-gumquidélivreune
dose de 200 mg de caféine. Les soldats en mission de
nuit avaient pour consigne d’en mâcher toutes les
deux heures, de 3 à 7 heures du matin…
La caféine agit sur le cerveau en passant la barrière
hémato-encéphalique. Elle vient se loger sur des
récepteursdescellulesnerveuses,ceuxsurlesquelsse
fixe normalement un neuromédiateur bien connu
des scientifiques, l’adénosine. Ce dernier ne peut
alors plus jouer son rôle de frein de l’activité neuro-
nale en induisant notamment de la somnolence.
Sans ce frein, le cerveau s’active, la vigilance et
d’autres capacités cérébrales se déploient. La
caféine stimule également l’hypophyse, une glande
neurohormonale, qui sécrète alors davantage d’hor-
mones agissant sur les glandes surrénales qui pro-
duisent à leur tour de l’adrénaline, l’hormone du
stress. Quand l’organisme est agressé, c’est cette
substance qui permet de se préparer au combat ou à
la fuite en mobilisant, notamment, les réserves éner-
gétiques. Ainsi, chaque café délivre une petite dose
d’adrénaline, puis d’énergie rendant le cerveau et les
muscles plus performants.
Le café est-il pour autant l’antifatigue idéal ?
Tous les médecins ne sont pas de cet avis : « Il est vrai
que la caféine agit sur le cerveau, commente le
Dr Laurent Chevallier, nutritionniste au CHU de
Montpellier, mais de nombreuses études épidémiolo-
giques et cliniques sur le café sont à prendre avec des
pincettes. Qui les commande ? Qui les finance ? En
réalité, je l’ai bien souvent constaté, et des études l’ont
montré, le café peut avoir un effet inverse de celui
recherché. Beaucoup de gens sont stressés et/ou ont un
sommeil fragile ; or, bien souvent, les effets excitants
du café aggravent ces problèmes et donc leur fatigue.
D’autres travaux scientifiques prouvent que l’excès de
café peut avoir un effet diurétique et donc, potentielle-
ment, favoriser la déshydratation, tout en favorisant
les carences en fer, deux facteurs pouvant fatiguer.
Pour compenser, certaines personnes ont tendance à
augmenter les doses et renforcent ces complications. »
ATTENTION À LA TASSE D’APRÈS LE REPAS DU SOIR
Maisalors,quelleestladoseànepasdépasser ?Tout
dépend de son état de santé : si on est stressé,
anxieux, sujet aux troubles du sommeil, une tasse ou
deux au maximum, et jamais dans les quatre heures
qui précèdent le coucher. « Quant aux hypertendus et
ceux qui ont des problèmes cardiaques, ils doivent s’en
priver, insiste le Dr Chevallier, il est aberrant que cer-
taines personnes ingurgitent de la caféine, qui bien
souvent accélère le rythme cardiaque, alors qu’elles
prennent tous les jours des bêtabloquants afin de le
ralentir. Mieux vaut leur conseiller le décaféiné. » Et
pour les autres ? L’important est d’être à l’écoute de
son corps et d’ajuster selon son ressenti car nous ne
sommes pas tous égaux face à la caféine, ni pour son
pouvoir stimulant ni pour ses effets délétères. L. G.
Il est efficace, assurément. Mais selon sa génétique et son profil santé,
il faut savoir modérer son goût pour le café.
CAFÉ
Un petit noir stimulant
abécédaire..
35 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020
c
I
ls n’osent pas toujours en parler. Et pourtant,
les malades atteints de cancer doivent très
souvent faire face à une fatigue qui affecte
fortement leur qualité de vie. « Sa prévalence
dans les cancers, variable en fonction des étu-
des, des outils de mesure utilisés et des types de
traitement est estimée entre 25 et 99 % », relève l’Insti-
tutnationalducancer(Inca)dansunrapportportant
sur la vie cinq ans après le diagnostic d’un cancer. Ses
causes sont multiples. Elle dépend évidemment de la
maladie elle-même et de son évolution ou encore des
traitementsetdeleursconséquences.Ainsi,lecontre-
coup d’une chirurgie, d’une anesthésie, les effets des
rayons ou de la chimiothérapie peuvent générer de la
fatigue. Mais celle-ci est aussi liée à des facteurs aussi
variés que l’âge, le sexe, le statut marital, le niveau
socio-économique ou encore les facteurs psycholo-
giques et les troubles sous-jacents comme la dépres-
sion et le stress.
STRATÉGIES ANTIFATIGUE
La fatigue peut être présente lors du diagnostic de
cancer. Elle peut s’aggraver au cours du traitement et
peut persister des mois, voire des années après la fin
de celui-ci. « Dans le cancer du sein, une étude de
cohorte (sur un grand nombre de malades) a montré
que si 23 % des patientes sont sévèrement fatiguées au
moment du diagnostic, elles sont 32 % à l’être jusqu’à
quatre ans après le traitement », explique le Dr Ines
Vaz-Luis, cancérologue à l’institut Gustave-Roussy à
Villejuif. Dans l’étude de l’Inca citée plus haut, ce
sont même 48,7 % des participants qui décrivent une
fatigue cliniquement significative cinq ans après le
diagnostic d’un cancer. Toutes ces malades ne sont
pas logées à la même enseigne. Les femmes de moins
de 50 ans ne vivant pas en couple, ayant des enfants
à charge sont particulièrement concernées. Et les
conséquences sont lourdes, en termes de qualité de
vie, mais aussi de chances de guérison. « Cette fatigue
peut être très impactante. Dans le cancer du sein, elle
est notamment responsable d’une moins bonne adhé-
sion à l’hormonothérapie. Elle peut également jouer un
rôledanslanon-reprised’uneactivitéprofessionnelle»,
souligne le Dr Ines Vaz-Luis.
Iln’existepasdetraitementstandardpourprendreen
charge la fatigue liée au cancer. Le premier point est
d’identifiercequipeutêtreprisenchargepardestrai-
tements efficaces. Les causes médicales, notamment,
par exemple, l’anémie, diminution des globules
rouges et donc de l’apport d’oxygène aux tissus, est
présente chez de nombreux patients sous chimio-
thérapie. Quant à la fatigue sans cause médicale à
corriger, les données de la science sont désormais for-
melles : le meilleur moyen de lutter contre la fatigue
liée au cancer est de pratiquer une activité physique.
« C’est vraiment contre-intuitif pour les patients qui
pensent plutôt, je suis fatigué, je vais me reposer. Pour-
tant, l’activité physique a fait ses preuves pour lutter
contre l’épuisement dans le cancer », constate Ines
Vaz-Luis. De nombreuses études ont, en effet, prouvé
les bienfaits de l’activité physique et sportive. Et ce,
quel que soit le moment de la prise en charge, c’est-à-
dire pendant ou après les traitements, et quel que soit
le stade du cancer. Pendant la phase de traitement,
l’activité physique doit cependant être pratiquée sous
la surveillance de personnes spécialement formées
afind’êtreadaptéeàl’étatdumalade.Unefoislestrai-
tements terminés, il s’agit de poursuivre une activité
physique modérée régulière, comme la marche à pied
pendant quarante-cinq minutes chaque jour. « Les
thérapies cognitivo-comportementales peuvent égale-
mentapporteruneaidecarellespermettentdebâtirdes
stratégiesindividualiséespourluttercontrelafatigue»,
conclut le Dr Ines Vaz-Luis. Anne Prigent
Contrairement à une idée reçue, il est possible de soulager l’épuisement chez les
patients atteints de cancer. Et d’abord, en proposant une activité physique adaptée.
CANCER
Gérer la fatigue de la maladie et des traitements
abécédaire..
36 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020
c
B
ien connue des navigateurs en solitaire
et des usagers réguliers de la route, la
somnolence au gouvernail ou au volant
peut s’avérer dangereuse… Voire tuer
ses victimes sans qu’elles puissent
réagir. « Dans la mythologie, Ulysse
écoutant le chant des sirènes est en proie à des hallu-
cinations hypnagogiques, celles-là mêmes qui sur-
viennent lors de l’endormissement », expose le
Dr Marc Rey, neurologue et président de l’Institut
national du sommeil et de la vigilance (INSV).
Sur la route, et plus particulièrement l’autoroute, la
somnolence est impliquée dans près d’un accident
mortel sur cinq. Mais pourquoi s’endort-on au
volant ? Plusieurs facteurs de risque l’expliquent,
dont la privation chronique de sommeil, en haut de
l’échelle.Onretrouve,loinderrière,lespathologiesdu
sommeil,commelesyndromed’apnéeobstructiveou
la narcolepsie. La prise de médicaments n’est pas non
plus anodine. Gare aux hypnotiques sédatifs, anti-
histaminiques, antipsychotiques, aux antalgiques et
dérivés de morphine et d’opiacés ! « La présence de
pictogrammessurlesboîtespermetd’indiquerlerisque
de somnolence. Mais il faut aussi savoir que tout nou-
veau traitement peut induire de la somnolence par des
effets que l’on comprend mal », précise le président de
l’INSV. En cas d’initialisation d’un traitement médi-
cal, mieux vaut s’abstenir de prendre le volant… au
moins les premiers jours. À l’inverse, certains médi-
caments empêchent de dormir et peuvent para-
doxalement être à l’origine d’une dette de sommeil et
donc d’un endormissement sur la route.
Certains signes précurseurs ne trompent pas. Bâille-
ments, picotements des yeux ou sensations de pau-
pières lourdes et engourdissement sont autant de
messages envoyés par l’organisme. « Mais l’endor-
missement est parfois très brutal, en particulier, lors-
que l’on est presque arrivé », explique le Dr Rey.
« Beaucoup d’automobilistes luttent contre le som-
meil et piquent du nez au volant lors des derniers
kilomètres. » D’où l’extrême importance de s’arrêter
avant, plutôt que d’accélérer, un réflexe malheureu-
sement courant. Comme les routiers et conducteurs
professionnels le pratiquent, une pause s’impose
toutes les deux heures, « un seuil au-delà duquel
l’attention n’est plus optimale », selon le président de
l’INSV. L’idéal ? Dormir, mais un temps très court.
« Une sieste de dix minutes suffit à restaurer les systè-
mes d’éveil lorsqu’ils ne peuvent plus fonctionner cor-
rectement. » Boire du café est une bonne idée, mais
àconditiondel’associeràunpetitsomme,pourqu’il
puisse avoir le temps de faire effet. Attention aux
creux de vigilance vers 2 ou 3 heures du matin et
après le déjeuner ! La somnolence est accrue, quel
que soit le menu. Avant de prendre le volant, la nuit,
le Dr Rey conseille de faire une sieste dans la journée
et de s’exposer à la lumière bleue.
ALERTES EMBARQUÉES
Différents dispositifs d’alerte embarqués à base
d’appareils connectés et capteurs ont fait leur appa-
rition dans l’habitacle pour indiquer la somnolence.
De la caméra à reconnaissance faciale, qui indique si
les yeux se ferment, à la bague de mesure d’activité
électrodermale du conducteur, les constructeurs
rivalisent d’imagination pour prévenir le conducteur
dès que son attention se relâche. Mais rien ne rem-
place le bon sens. « Chaque personne qui prend la
route devrait connaître ses besoins de sommeil pour
savoir quand la privation se fait sentir, et détecter les
moments où elle est susceptible de s’endormir plus
facilement », souligne le Dr Rey. De nombreuses
campagnesdesensibilisationsontorganiséeschaque
année. La dernière en date ? Un concours photo sur
Instagram : #onpausepourlapause. Autant de
moyens efficaces pour rappeler que s’endormir au
volant peut tuer. R. B.
Aussi dangereuse que le cannabis et l’alcool, la somnolence au volant tue.
Conseils pour éviter les risques et ne pas se surestimer.
CONDUITE
Mortelle somnolence au volant
abécédaire..
37 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020
c
L
a Covid-19 ou le virus d’une fatigue
extrême, hors norme comme le
disentsouventlesmalades.Lamala-
die à coronavirus 2019, d’abord
signalée en Chine avant de se propa-
ger en Europe, en Amérique, et dans
le monde entier, est pourtant, la plupart du temps,
bénigne : 80 à 85 % des personnes contaminées ne
développant que peu ou pas de symptômes. Quand
ces derniers apparaissent, on note près de neuf fois
sur dix de la fièvre ou une sensation de fièvre (fris-
sons, chaud-froid), sept fois sur dix une toux sèche,
quatre fois sur dix une fatigue, signes auxquels il
convient d’ajouter une perte passagère de l’odorat
(anosmie). Dans 5 % des cas, des difficultés respira-
toires sévères peuvent nécessiter une hospitalisation
en réanimation, voire conduire au décès.
Sans en arriver là, certains symptômes persistent ou
réapparaissent plusieurs mois après une apparente
guérison. Dont la fatigue… « Elle concerne d’abord
despersonnesayantpasséplusieurssemainesenréani-
mation en étant intubées, ventilées, sédatées. Avec
leurs muscles fondus, elles ont beaucoup de difficulté
à récupérer », commente Dominique Salmon-Ceron
à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu de Paris. Mais ces
patients sévèrement atteints ne sont pas les seuls à
souffrir de fatigue intense. « À l’hôpital de l’Hôtel-
Dieu, centre de dépistage de la Covid-19, nous avons
été surpris de revoir des gens qui avaient eu une forme
légère ou modérée de la maladie venir consulter un ou
deux mois après le premier prélèvement, pour les
mêmessymptômesoupourdenouveauxsymptômes.»
UNE FATIGUE INTENSE QUI OBLIGE À S’ALITER
Alors que, pour ces patients, un nouveau test PCR
se révélait le plus souvent négatif, force a été de
constater qu’ils présentaient tout un panel de symp-
tômes, et tout d’abord, une fatigue plus ou moins
handicapante pouvant les obliger à s’arrêter de tra-
vailler, voire à rester alités. Ensuite, des douleurs
thoraciques avec une sensation de poids sur la poi-
trine, et le cœur battant trop vite (tachycardie) au
repos – des symptômes que l’on a parfois pu attri-
buer à une péricardite (inflammation de la mem-
brane recouvrant le cœur) ou une myocardite
(inflammation du muscle cardiaque), sans savoir si
les douleurs en question étaient dues à l’infection
première ou étaient apparues lors du second
Même touchés par des formes légères à modérées, les malades
de la Covid-19 peuvent rester des semaines et des semaines très fatigués.
Et risquent un syndrome de fatigue chronique.
COVID-19
Un virus exténuant
épisode. Enfin, ont aussi été repérés divers troubles
neurologiques : fourmillements et brûlures, cépha-
lées, carences de l’attention et de la mémoire immé-
diate, difficultés de concentration ou encore récidive
de l’anosmie. « Clairement, il ne s’agit pas de malades
imaginaires », commente le Dr Salmon-Ceron,
citant notamment l’exemple de patients maîtrisant
auparavant plusieurs langues et n’en parlant plus
qu’une ou deux.
« Nous avons plusieurs hypothèses, dont celle d’un état
postinfectieux se rapprochant du syndrome de fatigue
chronique », explique Dominique Salmon-Ceron. De
fait,àl’instardupsychiatreHarveyMoldofsky,duCen-
tre de recherche sur le sommeil et la chronobiologie de
l’université de Toronto (Canada), des scientifiques ont
prédituneflambéedescasdeSFCàlasuitedelapandé-
mie de Covid-19. Les Canadiens se fondent sur l’expé-
rience du passé : pendant l’épidémie de Sras de 2002-
2003, induite par un virus de la même famille que celui
delaCovid-19,quelque273personnesavaientétéconta-
minées à Toronto. Et trois ans après, un certain nombre
d’entre elles se plaignaient de troubles du sommeil, de
fatigue, de courbatures et de faiblesse musculaire.
L’équipeduPrMoldofskyavaitalorsconduituneétude
surunevingtained’entreelles,etavaitfaitl’hypothèsedu
syndromedefatiguechronique–qu’elles’attenddésor-
mais à observer chez les patients post-Covid-19. _u
abécédaire..
38 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020
L’épuisement durable des malades Covid serait dû à un état postinfectieux
proche du syndrome de fatigue chronique
« Leurs symptômes pourraient aussi s’expliquer dans
un petit nombre de cas par la persistance du virus dans
des organes que nous n’aurions pas encore identifiés,
ou par une réponse immunitaire insuffisante qui per-
mettrait au virus de continuer à se multiplier, mais cela
nous semble peu probable », indique le Dr Salmon-
Ceron. Pour en savoir davantage, plusieurs études
ont été lancées en France. L’une d’elles vient d’être
publiée dans la revue Journal of Infection : elle
montre sur un petit nombre de patients que les
rechutesdesymptômespeuvents’accompagnerdela
persistance de virus. L’étude Covidorl va, quant à
elle, chercher à expliquer la persistance de l’anosmie
et tester sur une centaine de personnes l’efficacité de
lavages de nez aux corticoïdes.
SÉANCES DE RÉADAPTATION
Enfin, un vaste observatoire se met en place sur le
plan national pour décrire plus précisément la répar-
tition de ces symptômes résurgents, le profil des pa-
tients et leur évolution, tout en cherchant à trancher
entre les différentes explications (réponse immuni-
taire insuffisante ou inadaptée, virus encore présent,
terrain particulier).
«Nousavonsl’impressionquecesrechutesnetouchent
qu’un petit pourcentage de patients, mais c’est à véri-
fier », précise le Dr Salmon-Ceron. Concernant la
prise en charge de cette nouvelle maladie, on sait que
BON À SAVOIR
● L’appellation de coronavirus se réfère à la
formedupathogène:unecapsuleenprotéinesavec
des pointes en forme de couronne. Le Sars-CoV-2
est responsable de la maladie Covid-19.
● Les symptômes de la Covid-19 peuvent appa-
raître après un temps d’incubation de 7 à 14 jours,
mais des durées plus longues allant jusqu’à
28 jours ont été rapportées.
● Le Sars-CoV-2 est bénin dans une majorité de
cas, mais quand les symptômes se déclenchent,
l’âge et les comorbidités assombrissent considé-
rablement le pronostic.
nous ne disposons pour l’heure d’aucun traitement
spécifique, qu’il s’agisse des débuts de l’infection ou
de ses suites. « On peut prescrire de l’aspirine, s’il y a
une péricardite, ou bien des vitamines, mais ce que l’on
propose surtout aux patients post-Covid, c’est de faire
de l’exercice de façon très progressive, en restant tou-
jours en deçà des capacités maximales. » Reste à
savoir combien de temps ces séances de réadaptation
devront être pratiquées. « A priori, les symptômes de
ces malades au long cours évoluent par poussées, les-
quelles ont tendance à s’espacer et à devenir moins for-
tes, souligne le Dr Salmon-Ceron, alors, on espère
qu’au fil du temps elles disparaîtront, comme cela
arrive avec le SFC. » A. L.-B.
abécédaire..
39 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020
d
P
our tout un chacun, une personne
dépressive est avant tout une personne
triste qui broie du noir. On sait moins
que la dépression entraîne très souvent
une perte de l’élan vital associée à une
fatigue intense et à un manque d’éner-
gie.«Cesontdespatientsquinousdisent:“Leschoses
que je faisais très bien avant me demandent
aujourd’hui un énorme effort” », explique le
Dr Guillaume Fond, psychiatre à l’hôpital de la
Conception à Marseille, auteur de Je fais de ma vie
un grand projet, aux Éditions Flammarion. La
fatigue du déprimé est à la fois physique et psy-
chique. Les malades se plaignent notamment d’une
lenteur de pensée et de difficultés de concentration.
« Quand je suis comme ça, je suis complètement
amorphe. Je peux rester immobile pendant des heures,
scotché devant la télé sans même suivre ce qui s’y
passe.Incapabledebouger.Incapabledefairequoique
ce soit », témoigne Bertrand, 32 ans sur le site Info-
dépression.fr. Cette baisse d’énergie peut être aggra-
vée par les troubles du sommeil qui accompagnent
fréquemment un état dépressif : insomnie en fin de
nuit ou encore réveils à répétition.
Cette incapacité à agir est souvent difficile à com-
prendre par l’entourage car elle n’a aucune cause
apparente : ni surmenage ni activité physique
intense. Or, contrairement à une idée encore large-
ment répandue, il ne suffit pas de « se secouer » pour
retrouver de l’énergie et voir s’envoler la fatigue. La
dépression est une maladie qui n’a rien à voir avec un
«petitpassageàvide».C’estunepathologiepsychia-
trique potentiellement grave, et très fréquente en
France. Elle touche environ 2,5 millions de person-
nes par an. Au total, on estime qu’environ 17 % de
la population souffrira d’un épisode dépressif au
coursdesavie.Environ70%enguériront,maiscette
maladie demeure la cause principale de suicide et
d’invalidité.
Comment faire face à ce trouble mental complexe
dontl’apparitionestliéeàlafoisàl’hérédité,auxévé-
nements de la vie, ainsi qu’à l’environnement de vie ?
S’il est impossible de modifier son patrimoine géné-
tique,ilest,enrevanche,possibledeveilleràseshabi-
tudes de vie. « On sait, par exemple, que l’alcool mais
aussi le tabac sont des facteurs qui augmentent le ris-
que de survenue d’une dépression. L’une des actions de
ces toxiques est notamment d’augmenter
l’inflammationencausedansletiersdesdépressions»,
explique le Dr Guillaume Fond.
PENSER À LA VITAMINE D
À l’inverse, prendre soin de son sommeil, de son ali-
mentation et pratiquer une activité physique peuvent
avoir un effet protecteur. L’activité physique, par
exemple, stimule la production de neurotransmet-
teurs. Elle serait même aussi efficace que les
médicaments antidépresseurs chez les personnes
atteintes de dépression légère à modérée, rappelle la
Haute Autorité de santé. Côté alimentation, le régime
méditerranéen a montré son efficacité. Il diminue de
30%lerisquededépression.«C’estunrégimeauxpro-
priétés anti-inflammatoires. Notamment parce qu’il est
richeenpoissongras,sourced’Oméga3quiontfaitleurs
preuves dans le traitement de la dépression », souligne
le DrGuillaume Fond. Le psychiatre pointe égale-
mentlesbienfaitsdelavitamineDpourprévenir,mais
aussi prendre en charge les dépressions. « Aujourd’hui,
onnedevraitplusprescrired’antidépresseurssansadmi-
nistrer de vitamine D et d’oméga 3 en même temps »,
estime-t-il. Une approche encore marginale chez les
psychiatres. A. P.
La fatigue du déprimé est physiologique autant que psychique.
En plus des soins, une activité physique adaptée et une bonne alimentation
protègent et permettent d’aller mieux.
DÉPRESSION
L’accablement d’être soi
abécédaire..
40 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020
d
E
n période d’examen, de surcharge de
travail, de stress, certains abusent du
café ou des boissons énergisantes,
d’autres de médicaments stimulants,
voire de stupéfiants pour être le plus
performants possible. Le point
commun de ces substances est leur action psycho-
stimulante. Caféine, taurine, méthylphénidate,
cocaïne ou amphétamines… agissent sur le cerveau
et ont la réputation d’augmenter la vigilance, la
mémoire ou encore la concentration.
Une étude de l’Inserm en 2016 a montré qu’un tiers
des étudiants en médecine utilisait ces substances :
30 % de produits en vente libre (boissons énergi-
santes, comprimés de caféine) ; 7 % de médicaments
sur ordonnance et 5 % de drogues illicites. Parmi les
médicaments, on trouve le Modafinil, le médica-
ment antisommeil prescrit en cas de narcolepsie,
ainsi que le Méthylphénidate, plus connu sous le
nom de Ritaline, administré aux enfants hyperactifs
avec troubles de l’attention. Selon l’Agence natio-
nale de sécurité du médicament, le nombre d’utilisa-
teurs pour ce dernier produit a augmenté de plus de
20 % entre 2008 et 2014.
EFFET PLACEBO TRÈS IMPORTANT
Mais que sait-on réellement des propriétés anti-
fatigue de ces molécules ? « Elles ont été évaluées
pour des indications médicales particulières. Aucun
travail scientifique n’a permis de vérifier si elles stimu-
lent vraiment l’intellect chez des sujets en bonne santé,
explique le Pr Olivier Saint-Lary, président du
conseil scientifique du Collège national des généra-
listes enseignants. Il faut ajouter que l’effet placebo
des psychostimulants est très important et peut
s’accroître si la substance est difficile à obtenir.
Enfin, il faut regarder de près les promesses : beau-
coup d’éléments concordent sur l’effet de la caféine
ou du Méthylphénidate sur la vigilance avec des
utilisateurs qui disent rester concentrés plus long-
temps. Mais rien ne dit que leur utilisation facilite les
apprentissages ou améliore les résultats.
Seposeégalementlaquestiondelasécuritéd’utilisa-
tion. Le rapport bénéfice-risque est très hétérogène
en fonction des substances. La caféine est la subs-
tance qui s’en sort le mieux avec peu d’effets indési-
rables, une légère tachycardie en cas de consomma-
tion excessive, à plus de trois ou quatre tasses par
jour, mais « au fond, c’est un très bon produit le temps
d’une révision, d’une réunion ou encore au volant »,
estime le Pr Jean-Dominique de Korwin, médecin
interniste au CHRU de Nancy, vice-président de la
Fédération des spécialités médicales. Le bilan est
moins positif pour les deux médicaments, Modafinil
et Méthylphénidate. Le premier peut permettre de
sauter une nuit, mais augmente donc considérable-
ment la dette de sommeil, ce qui peut déclencher cer-
tains troubles psychiatriques. Il y a, par ailleurs, des
effets indésirables : arythmie, tachycardie, maux de
tête, vertiges, troubles de l’humeur, dépendance.
Quant au Méthylphénidate, il est associé à des acci-
dents cardio-vasculaires, hypertension, voire
accident vasculaire cérébral. En outre, en modifiant
l’état de vigilance habituel et le fonctionnement psy-
chique, tous deux sont susceptibles d’altérer les
capacités réelles au moment d’un examen ! « Ces
risques existent et doivent être connus même s’ils sont
modérés pour des utilisations ponctuelles chez des
jeunes en bonne santé », tempère Jean-Dominique de
Korwin. Enfin, concernant les drogues illicites, le
risque de dépendance est bien connu, et la cocaïne
entraîne un risque d’accident cardio-vasculaire
immédiat. « Ces produits sont des dérivatifs qui ne
résolvent en rien les problèmes de gestion du stress et
d’hygiène de vie. Il est nécessaire de préserver sa santé
physique et psychique », avertit Jean-Dominique de
Korwin. Aude Rambaud
Certaines substances licites ou illicites ont la réputation d’augmenter
les performances cognitives. Le bénéfice
est incertain et les effets indésirables potentiellement sérieux.
DOPANTS
Les effets délétères des psychostimulants
abécédaire..
41 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020
● Les LED, qui assurent le rétroéclairage dans les
écrans des ordinateurs, tablettes et smartphones,
ont des luminances très faibles et ne présentent
donc pas de risque pour la rétine, d’après la
Société française d’ophtalmologie. Mais leur
lumière bleue est, en revanche, nocive pour le
sommeil.
● Nous clignons des yeux en moyenne 5 fois par
minute devant un ordinateur, contre 12 dans la vie
courante.
● Ilestrecommandédeprendreunepausevisuelle
de 20 secondes toutes les 20 minutes en regardant
au loin par la fenêtre pour prévenir la fatigue
visuelle, mais aussi de bouger a minima 5 minutes
toutes les heures pour empêcher la survenue de
troubles musculo-squelettiques.
BON À SAVOIR
_u
e
J
ours et nuits, les écrans sont omniprésents.
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel
remarque, par exemple, que, si le taux
d’équipement en téléviseurs est de 93,1 %,
« plusieurs écrans alternatifs permettent une
certaine flexibilité dans l’accès aux conte-
nus : en premier lieu l’ordinateur (85,6 % des foyers),
puis le smartphone (75 % des 11 ans et plus) et enfin
la tablette (48,2 % des foyers) ». Voilà pour la
maison. Au travail, au moins deux Français sur trois
utilisent un ordinateur, dont certains durant plus de
sept heures par jour : la dernière enquête menée par
le ministère du Travail note que c’est le cas pour
13,4 % des salariés. Comme le souligne Laurent
Kerangueven, ergonome à l’Institut national de
recherche et de sécurité, « un tel usage des écrans n’est
pas sans effets sur la santé : on observe de la fatigue
visuelle, psychique et physique, des douleurs dans le
bas du dos, les cervicales ou les épaules ». Cependant,
toute une série de bonnes pratiques sont applicables
pour minorer les problèmes.
La première d’entre elles consiste naturellement à
s’accorder des pauses, et à lâcher l’écran des yeux : la
fatigue visuelle est un phénomène réversible qui
disparaît avec le repos. Ses symptômes sont assez
faciles à repérer : une vue qui se trouble, des diffi-
cultés à passer d’une vision rapprochée à une vision
de loin, mais aussi les yeux qui deviennent rouges,
secs ou qui piquent, voire des éblouissements, des
paupières lourdes, des maux de tête… « S’il n’a pas
été démontré que travailler sur écran déclenche des
pathologiesvisuelles,onsait,enrevanche,quecelapeut
révéler des défauts visuels préexistants, raison pour
laquelle il faut consulter un ophtalmologue quand on
ressent ces symptômes », commente Laurent Keran-
gueven. Le cas échéant, il convient de choisir les
moyens de correction visuelle appropriés, en tenant
compte de l’activité professionnelle. Mais qu’il y ait
ounonunproblèmedevue,ils’agitaussid’intervenir
sur le poste de travail, pour minimiser les risques.
ATTENTION À L’IMPLANTATION DU MONITEUR
« On doit aussi tenir compte de l’environnement lumi-
neux autour de l’écran, pour éviter les contrastes trop
importants », poursuit l’ergonome. Il s’agit ici de
limiterletravaild’adaptationdel’œilàlaluminosité,
mais aussi de réduire le risque d’éblouissement. De
ce point de vue, il convient de veiller à l’implantation
de son écran par rapport aux sources de lumière,
faute de quoi, on s’expose à d’inconfortables reflets
rendant la lecture difficile. « Mieux vaut s’éloigner
des fenêtres, et en tout cas, éviter de placer l’écran dos
Vision floue, yeux qui piquent, maux de tête, coup de barre…
Ces symptômes nous menacent
à force de rester trop longtemps les yeux rivés sur un écran.
ÉCRANS
Attention à la fatigue visuelle et mentale
abécédaire..
42 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020
Adoptons et faisons adopter aux enfants de bonnes pratiques : s’accorder
des pauses, lâcher l’écran des yeux, choisir le bon éclairage
ou face à elles. Il faut préférer la position perpendi-
culaire, tout en équipant les fenêtres de stores
renvoyant une partie de la lumière sur le plafond »,
explique Laurent Kerangueven. « Mais aussi ne pas
se mettre juste au-dessous d’une source d’éclairage
artificiel » et éviter toute source de lumière dans le
champ visuel. Des filtres antireflet sont bienvenus,
d’autant que certains écrans, notamment sur les
tablettes et smartphones, se comportent comme de
véritables miroirs…
UN RISQUE DE SÉCHERESSE OCULAIRE
Autres paramètres à surveiller de près : la taille de
l’écran, sa résolution, sa distance par rapport à l’œil.
En pratique, on préconise de 50 à 80 cm de distance,
selon la taille du moniteur. Mais il convient égale-
ment de se montrer vigilant quant à l’aménagement
du poste de travail, et surtout le positionnement de
l’écran par rapport au clavier et aux documents
consultés. S’ils sont trop éloignés, « le muscle ciliaire
est fortement sollicité quand le regard passe fréquem-
ment d’une zone à l’autre », note l’ergonome François
Cail. Enfin, la position de l’écran par rapport aux
yeux joue également. Car plus on regarde vers le
haut, moins on cligne des yeux et plus l’évaporation
lacrymale est importante, d’où le risque de
sécheresse oculaire qui « peut considérablement
altérer la qualité de vie, en particulier si la cornée est
abîmée », d’après le Pr Christophe Baudoin, de l’Ins-
titut de la vision à Paris. Il est donc recommandé de
placer le haut du moniteur à l’horizontale des yeux
(et plus bas avec des lunettes à verres progressifs).
D’autant que, selon les tâches à effectuer, le cligne-
ment des yeux est encore réduit par l’usage intensif
de la souris et par la focalisation sur son pointeur.
Le travail sur ordinateur est également à l’origine de
stress et de fatigue psychique. Les troubles sont parti-
culièrement présents en cas de travail répétitif de
saisie, lors de la prise en main d’un nouveau logiciel,
lorsque la cadence est imposée par l’ordinateur, ou
encore, quand on est sollicité en permanence sans
pouvoirfairedepausementaleaucoursdelajournée.
Une situation qu’ont vécue beaucoup de gens
pendant la période de confinement et de télétravail
imposéeparlapandémiedeCovid-19.«Letélétravail
a fortement augmenté le temps passé par certains sala-
riés devant l’écran, fait remarquer Laurent
Kerangueven. Dans une journée de travail normale au
bureau, il y a alternance des temps sur écran, des temps
de réunion, des temps passés au téléphone, des temps
d’échange informel avec les collègues. Alors qu’en télé-
travail, la grande majorité des tâches s’effectue devant
l’écran. » De fait, le confinement a accru le temps
d’écran – tant chez les actifs que chez les étudiants et
lesenfants.Ilresteàespérerquechacunaurasuentirer
desleçonspourgéreraumieuxsonorganisationetson
seuil de sensibilité à la fatigue sur écran. A. L.-B.
abécédaire..
43 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020
e
R
ares sont les tout-petits à se plaindre
de fatigue ! « Ce sont souvent les
parents qui signalent en consultation
que leur enfant a du mal à se réveiller
le matin », constate le Dr Fabienne
Kochert, pédiatre à Orléans et prési-
dente de l’Association française de pédiatrie ambu-
latoire (Afpa). D’autres manifestations évoquent la
fatigue chez l’enfant : irritabilité, agitation et diffi-
culté de concentration à l’école notamment. « Les
enfants ont moins de coups de barre car ils luttent pour
tenir le coup », précise la présidente de l’Afpa.« Mais
un déficit d’attention et une plainte au niveau des
apprentissages, dès la maternelle, doivent alerter. Une
consultation concernant des troubles scolaires doit
toujours amener à rechercher un trouble du sommeil. »
Dans ce domaine, les vraies pathologies sont rares,
à l’exception du syndrome des jambes sans repos qui
concernerait autour de 2 % des enfants en France. À
l’origine d’un besoin impérieux de bouger les
jambes,ilfragmentelesommeil.Lemouvementsou-
lage l’inconfort que l’enfant traduit souvent par
« mal aux jambes ». Il existe souvent un caractère
familial. Un traitement peut être proposé.
Dans la grande majorité des cas, la fatigue, chez un
enfant grognon et irritable, est liée à un problème de
rythme, rappelle le Dr Kochert. Attention, notam-
ment, à l’intervention parentale intrusive en phase
d’endormissement du bébé, source de mauvaises
habitudes. « Un nourrisson qui va s’endormir est
parfois agité, mais il vaut mieux le laisser sans le
reprendre dans les bras. De même qu’entre 1 et 3 ans,
la phase d’endormissement peut être laborieuse, et les
bébés ont une période de sommeil léger assez longue,
pendant laquelle ils restent sensibles à ce qui se passe
dans leur environnement. » En entrant ou restant
dans sa chambre, les parents risquent de faire durer
le problème.
Mais ce sont surtout les couchers trop tardifs qui
déclenchent la fatigue. « Les parents nous demandent
desvitamines,maisc’estlemodedeviedel’enfantqu’il
faut revoir. Entre garderie, cantine et étude, puis
devoirs le soir pour les plus grands… les journées sont
interminables, et les enfants sont souvent complète-
ment épuisés au bout de six semaines. D’autant que
beaucoup ne se reposent pas le week-end », met en
garde le Dr Kochert. Les plus petits peuvent récupé-
rer en faisant la sieste, recommandée en cas de dette
de sommeil si l’enfant en a besoin, en se rappelant
que le plus important reste de suivre ses besoins indi-
viduels.Commechezl’adulte,lesbesoinsnesontpas
les mêmes : il y a chez les enfants de petits et de gros
dormeurs.
GRASSES MATINÉES À LIMITER
Les adolescents, au sommeil souvent très décalé,
apprécient peu de se lever tôt. « Leur fatigue se mani-
feste généralement par de l’irritabilité, un décrochage
scolaire (un jeune qui dort en classe n’arrive pas à
suivre),voiredeladépressionetdel’obésité»,explique
le Dr Marc Rey, neurologue et président de l’Institut
national du sommeil et de la vigilance (INSV). Un
ado en manque de sommeil aura davantage tendance
à grignoter et il se sent moins bien dans sa peau… un
cercle vicieux, dont il faut sortir en réduisant sa dette
chronique de sommeil. « Mais mieux vaut se lever à
10 heures et sortir, quitte à faire une sieste en début
d’après-midi. » Quant aux grasses matinées jusqu’à
midi, elles doivent être exceptionnelles. Pour le
Dr Rey, la société et l’Éducation nationale commen-
cent à se rendre compte des effets délétères du
manque de sommeil. « Mais les grandes campagnes
sont encore peu répandues. À quand celle qui s’intitule-
rait : “Faites la sieste tous les jours” ? » R. B.
Les enfants fatigués sont rarement somnolents. Mais gare à l’agitation, aux troubles
de la concentration et aux difficultés dans les apprentissages.
ENFANTS
Détecter leurs signes de fatigue
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi
Fatigue & Confiance en soi

Contenu connexe

Similaire à Fatigue & Confiance en soi

C'est dans ma tête ou c'est l'hépatite ? - NAAD 2016
C'est dans ma tête ou c'est l'hépatite ? - NAAD 2016C'est dans ma tête ou c'est l'hépatite ? - NAAD 2016
C'est dans ma tête ou c'est l'hépatite ? - NAAD 2016soshepatites
 
éPuisement professionnel
éPuisement professionneléPuisement professionnel
éPuisement professionnelToufik Hammi
 
Être hépatant 08
Être hépatant 08Être hépatant 08
Être hépatant 08soshepatites
 
Fiche mémo de la HAS sur le BurnOut des professionnels de santé
Fiche mémo de la HAS sur le BurnOut des professionnels de santéFiche mémo de la HAS sur le BurnOut des professionnels de santé
Fiche mémo de la HAS sur le BurnOut des professionnels de santéJan-Cedric Hansen
 
Les femmes et leur charge mentale, pour un laboratoire sur la migraine aigue
Les femmes et leur charge mentale, pour un laboratoire sur la migraine aigueLes femmes et leur charge mentale, pour un laboratoire sur la migraine aigue
Les femmes et leur charge mentale, pour un laboratoire sur la migraine aiguenous sommes vivants
 
Souffrances mentales-2mai07
Souffrances mentales-2mai07Souffrances mentales-2mai07
Souffrances mentales-2mai07Mhammed Hamdaoui
 
Poly geriatrie
Poly geriatriePoly geriatrie
Poly geriatrieEgn Njeba
 
L’impact physiologique du confinement –Covid-19
L’impact physiologique du  confinement –Covid-19L’impact physiologique du  confinement –Covid-19
L’impact physiologique du confinement –Covid-19Khadija Moussayer
 
Technologia - Burn out - Colloque
Technologia - Burn out - Colloque Technologia - Burn out - Colloque
Technologia - Burn out - Colloque Technologia
 
Gestion de stress
Gestion de stress Gestion de stress
Gestion de stress Hamada Dary
 
Doc organisation1
Doc organisation1Doc organisation1
Doc organisation1pyronnet38
 
Les risques psychosociaux dans l'entreprise perdurent, le
Les risques psychosociaux dans l'entreprise perdurent, le Les risques psychosociaux dans l'entreprise perdurent, le
Les risques psychosociaux dans l'entreprise perdurent, le moffresson
 
Doutes et devenirs de l’interne en psychiatrie.
Doutes et devenirs de l’interne en psychiatrie.Doutes et devenirs de l’interne en psychiatrie.
Doutes et devenirs de l’interne en psychiatrie.Réseau Pro Santé
 
Psychosomatique: de "mots" en "maux"- 6eme congres de la Physiotherapie- USJ-...
Psychosomatique: de "mots" en "maux"- 6eme congres de la Physiotherapie- USJ-...Psychosomatique: de "mots" en "maux"- 6eme congres de la Physiotherapie- USJ-...
Psychosomatique: de "mots" en "maux"- 6eme congres de la Physiotherapie- USJ-...Nathalie Jbeily
 
Le Burn Out et sa reconnaissance en maladie professionnelle
Le Burn Out et sa reconnaissance en maladie professionnelleLe Burn Out et sa reconnaissance en maladie professionnelle
Le Burn Out et sa reconnaissance en maladie professionnelleRéseau Pro Santé
 

Similaire à Fatigue & Confiance en soi (20)

Migraine et charge mentale
Migraine et charge mentaleMigraine et charge mentale
Migraine et charge mentale
 
Comprendre Le Stress
Comprendre Le StressComprendre Le Stress
Comprendre Le Stress
 
C'est dans ma tête ou c'est l'hépatite ? - NAAD 2016
C'est dans ma tête ou c'est l'hépatite ? - NAAD 2016C'est dans ma tête ou c'est l'hépatite ? - NAAD 2016
C'est dans ma tête ou c'est l'hépatite ? - NAAD 2016
 
éPuisement professionnel
éPuisement professionneléPuisement professionnel
éPuisement professionnel
 
Être hépatant 08
Être hépatant 08Être hépatant 08
Être hépatant 08
 
Recherches et Perspectives - Juin 2019
Recherches et Perspectives - Juin 2019Recherches et Perspectives - Juin 2019
Recherches et Perspectives - Juin 2019
 
Le burn out
Le burn outLe burn out
Le burn out
 
Fiche mémo de la HAS sur le BurnOut des professionnels de santé
Fiche mémo de la HAS sur le BurnOut des professionnels de santéFiche mémo de la HAS sur le BurnOut des professionnels de santé
Fiche mémo de la HAS sur le BurnOut des professionnels de santé
 
Guide pratique des professionnels de la santé
Guide pratique des professionnels de la santéGuide pratique des professionnels de la santé
Guide pratique des professionnels de la santé
 
Les femmes et leur charge mentale, pour un laboratoire sur la migraine aigue
Les femmes et leur charge mentale, pour un laboratoire sur la migraine aigueLes femmes et leur charge mentale, pour un laboratoire sur la migraine aigue
Les femmes et leur charge mentale, pour un laboratoire sur la migraine aigue
 
Souffrances mentales-2mai07
Souffrances mentales-2mai07Souffrances mentales-2mai07
Souffrances mentales-2mai07
 
Poly geriatrie
Poly geriatriePoly geriatrie
Poly geriatrie
 
L’impact physiologique du confinement –Covid-19
L’impact physiologique du  confinement –Covid-19L’impact physiologique du  confinement –Covid-19
L’impact physiologique du confinement –Covid-19
 
Technologia - Burn out - Colloque
Technologia - Burn out - Colloque Technologia - Burn out - Colloque
Technologia - Burn out - Colloque
 
Gestion de stress
Gestion de stress Gestion de stress
Gestion de stress
 
Doc organisation1
Doc organisation1Doc organisation1
Doc organisation1
 
Les risques psychosociaux dans l'entreprise perdurent, le
Les risques psychosociaux dans l'entreprise perdurent, le Les risques psychosociaux dans l'entreprise perdurent, le
Les risques psychosociaux dans l'entreprise perdurent, le
 
Doutes et devenirs de l’interne en psychiatrie.
Doutes et devenirs de l’interne en psychiatrie.Doutes et devenirs de l’interne en psychiatrie.
Doutes et devenirs de l’interne en psychiatrie.
 
Psychosomatique: de "mots" en "maux"- 6eme congres de la Physiotherapie- USJ-...
Psychosomatique: de "mots" en "maux"- 6eme congres de la Physiotherapie- USJ-...Psychosomatique: de "mots" en "maux"- 6eme congres de la Physiotherapie- USJ-...
Psychosomatique: de "mots" en "maux"- 6eme congres de la Physiotherapie- USJ-...
 
Le Burn Out et sa reconnaissance en maladie professionnelle
Le Burn Out et sa reconnaissance en maladie professionnelleLe Burn Out et sa reconnaissance en maladie professionnelle
Le Burn Out et sa reconnaissance en maladie professionnelle
 

Plus de Miloé Santé

Cerveau & Incertitudes
Cerveau & IncertitudesCerveau & Incertitudes
Cerveau & IncertitudesMiloé Santé
 
Entretenir Muscles et poumons
Entretenir Muscles et poumonsEntretenir Muscles et poumons
Entretenir Muscles et poumonsMiloé Santé
 
Sante au Travail - Maladies professionnelles - De la Prevention a la Reparation
Sante au Travail - Maladies professionnelles - De la Prevention a la ReparationSante au Travail - Maladies professionnelles - De la Prevention a la Reparation
Sante au Travail - Maladies professionnelles - De la Prevention a la ReparationMiloé Santé
 
Sante au Travail - Maladies professionnelles - De la Prevention a la Reparation
Sante au Travail - Maladies professionnelles - De la Prevention a la ReparationSante au Travail - Maladies professionnelles - De la Prevention a la Reparation
Sante au Travail - Maladies professionnelles - De la Prevention a la ReparationMiloé Santé
 
Montagne-nature & personnalite
Montagne-nature & personnaliteMontagne-nature & personnalite
Montagne-nature & personnaliteMiloé Santé
 
Complements alimentaires
Complements alimentairesComplements alimentaires
Complements alimentairesMiloé Santé
 
Cuisine-moi comme un robot
Cuisine-moi comme un robotCuisine-moi comme un robot
Cuisine-moi comme un robotMiloé Santé
 
Cancer-salaries-reintegration professionnelle
Cancer-salaries-reintegration professionnelleCancer-salaries-reintegration professionnelle
Cancer-salaries-reintegration professionnelleMiloé Santé
 
Cancer-salaries-reintegration professoinnelle
Cancer-salaries-reintegration professoinnelleCancer-salaries-reintegration professoinnelle
Cancer-salaries-reintegration professoinnelleMiloé Santé
 
Glaciers - Etre vivants
Glaciers - Etre vivantsGlaciers - Etre vivants
Glaciers - Etre vivantsMiloé Santé
 
Theorie des Ensembles
Theorie des EnsemblesTheorie des Ensembles
Theorie des EnsemblesMiloé Santé
 
Plastique - Dangers d'une pollution incontrolee
Plastique - Dangers d'une pollution incontroleePlastique - Dangers d'une pollution incontrolee
Plastique - Dangers d'une pollution incontroleeMiloé Santé
 
Fruits et Legumes BIO - Une note encore trop salee
Fruits et Legumes BIO - Une note encore trop saleeFruits et Legumes BIO - Une note encore trop salee
Fruits et Legumes BIO - Une note encore trop saleeMiloé Santé
 

Plus de Miloé Santé (20)

Reves-Existence
Reves-ExistenceReves-Existence
Reves-Existence
 
Cerveau & Incertitudes
Cerveau & IncertitudesCerveau & Incertitudes
Cerveau & Incertitudes
 
Entretenir Muscles et poumons
Entretenir Muscles et poumonsEntretenir Muscles et poumons
Entretenir Muscles et poumons
 
Sante au Travail - Maladies professionnelles - De la Prevention a la Reparation
Sante au Travail - Maladies professionnelles - De la Prevention a la ReparationSante au Travail - Maladies professionnelles - De la Prevention a la Reparation
Sante au Travail - Maladies professionnelles - De la Prevention a la Reparation
 
Sante au Travail - Maladies professionnelles - De la Prevention a la Reparation
Sante au Travail - Maladies professionnelles - De la Prevention a la ReparationSante au Travail - Maladies professionnelles - De la Prevention a la Reparation
Sante au Travail - Maladies professionnelles - De la Prevention a la Reparation
 
Montagne-nature & personnalite
Montagne-nature & personnaliteMontagne-nature & personnalite
Montagne-nature & personnalite
 
Complements alimentaires
Complements alimentairesComplements alimentaires
Complements alimentaires
 
Cuisine-moi comme un robot
Cuisine-moi comme un robotCuisine-moi comme un robot
Cuisine-moi comme un robot
 
Cancer-salaries-reintegration professionnelle
Cancer-salaries-reintegration professionnelleCancer-salaries-reintegration professionnelle
Cancer-salaries-reintegration professionnelle
 
Cancer-salaries-reintegration professoinnelle
Cancer-salaries-reintegration professoinnelleCancer-salaries-reintegration professoinnelle
Cancer-salaries-reintegration professoinnelle
 
Glaciers - Etre vivants
Glaciers - Etre vivantsGlaciers - Etre vivants
Glaciers - Etre vivants
 
JOP Paris 2024
 JOP Paris 2024 JOP Paris 2024
JOP Paris 2024
 
Seconde main
Seconde mainSeconde main
Seconde main
 
Moral des Francais
Moral des FrancaisMoral des Francais
Moral des Francais
 
Theorie des Ensembles
Theorie des EnsemblesTheorie des Ensembles
Theorie des Ensembles
 
Clone autonome
Clone autonomeClone autonome
Clone autonome
 
Plastique - Dangers d'une pollution incontrolee
Plastique - Dangers d'une pollution incontroleePlastique - Dangers d'une pollution incontrolee
Plastique - Dangers d'une pollution incontrolee
 
The - Allie Sante
The - Allie SanteThe - Allie Sante
The - Allie Sante
 
Fruits et Legumes BIO - Une note encore trop salee
Fruits et Legumes BIO - Une note encore trop saleeFruits et Legumes BIO - Une note encore trop salee
Fruits et Legumes BIO - Une note encore trop salee
 
Rire-Bienfaits
 Rire-Bienfaits Rire-Bienfaits
Rire-Bienfaits
 

Fatigue & Confiance en soi

  • 1. OCTOBRE / NOVEMBRE / DÉCEMBRE 2020 ls ls LA FATIGUE ÇA SE GUÉRIT ! LUMINOTHÉRAPIE / OLIGOÉLÉMENTS STIMULANTS / IMMUNITÉ PSYCHO COMMENT RETROUVER LA CONFIANCE EN SOI
  • 2. 6 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020
  • 3. 7 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020 LA FATIGUE OU COMMENT S’EN DÉBARRASSER « Docteur, je suis fatigué(e) » : voilà une plainte fort commune dans les cabinets des généralistes comme dans les services de pointe hospitaliers. Mais cette fatigue qui nous accable à l’entrée de l’hiver (p. 49) n’est pas une malédiction : elle se soigne, elle se guérit, même. Pour faire face, il s’agit d’abord de la mesurer (p. 56). Puis d’adopter une hygiène de vie défatigante : alimentation (p. 28) ; sommeil (p. 58) ; activité physique (p. 26), sans oublier la relaxation pour faire s’envoler tensions et stress (p. 68). Pensez aussi à la luminothérapie (p. 55), mais attention aux stimulants (p. 40). Même en cas de maladie sérieuse, comme le cancer, des solutions antifatigue existent (p. 35).
  • 4. 9 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020 Entretien avec le Pr François Authier “IL FAUT DES CENTRES D’ÉVALUATION DE LA FATIGUE COMME IL EN EXISTE POUR LA DOULEUR” Le Pr François Authier est neurologue à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil. Spécialiste du syndrome de fatigue chronique, il déplore son manque de prise en charge globale, surtout à l’heure de la Covid-19. Propos recueillis par Aline Richard Zivohlava Vous êtes neurologue et spécialiste des maladies neuromusculaires. Que recouvre, pour vous, le mot fatigue ? C’est la plainte majeure de celles et ceux qui fréquen- tentmaconsultation,elleestcommeuneported’entrée deleurmaladie.Beaucoupdemespatientssouffrentde douleurs musculaires chroniques associées à un épui- sement.Leurfatiguen’estpasunsimplesignald’alerte du muscle que l’on peut éprouver en faisant son foo- ting, par exemple, et qui conduit à stopper l’exercice. C’est une véritable incapacité à faire des efforts. On a affaire à l’impossibilité de réaliser des actions que l’on faitordinairementsansmêmeypenser.Parexemple,se leverdulitlematin,secoiffer…Lapersonneestobligée de s’arrêter, de fractionner son activité. Leur fatigue n’est pas simplement physique… Clairement. Beaucoup souffrent de ce que l’on peut appeler une fatigue générale. La personne se sent épui- sée dès le matin avant de commencer quoi que ce soit. Elle est fatiguée mentalement, c’est-à-dire qu’elle a les plus grandes difficultés à exercer une activité intellec- tuelle.Elleéprouvedesdifficultésàseconcentrer,àpla- nifier sa journée, elle connaît des troubles de mémoire… Elle nous explique que cela fait des années qu’elle est dans cet état, au point parfois qu’elle a dû arrêter de travailler. Quant aux loisirs, à la vie sociale, elle n’en a plus, c’est trop fatigant pour elle. Ces per- sonnes sont victimes de ce que l’on appelle « syndrome de fatigue chronique » ou SFC. Le trouble en question nedoitpasêtreconfonduaveclafatiguechroniquequi résulte d’une maladie grave, un cancer, une infection, une dépression, une maladie neurodégénérative… Pour écarter toute autre possibilité, nous faisons subir toute une batterie d’examens à nos patients. Comment caractériser ce syndrome ? Un diagnostic de fatigue relève du déclaratif, de ce que le malade décrit au médecin. Il n’existe pas de biomar- queurs, et c’est bien là tout le drame de ces patients à qui l’on dit parfois que « c’est dans la tête »… Quant à moi, je considère que la plainte du patient suffit. Il n’y a pas d’analyses biologiques dédiées au SFC, c’est un fait.Entantquemédecinetchercheur,jesaisd’ailleurs que les tests biologiques ne sont pas toujours parole d’Évangile, qu’il faut les considérer avec une certaine prudence, puisque leurs résultats fluctuent en fonction de ce qu’ils prennent en compte et de la méthodologie utilisée… Pour autant, il est tout à fait possible de quantifier le syndrome de « fatigue chronique ». Comment fait-on ? Nous disposons de plusieurs échelles graduées, qu’il estbond’utilisersimultanémentpourcaractérisercor- rectementletrouble.Lapluscommuneestcelleutilisée parlesCentresaméricainspourlecontrôleetlapréven- tion des maladies (Centers for Disease Control and Prevention – CDC) : leur évaluation repose sur les cri- tères de Fukuda, du nom du chercheur qui en a coor- donnélapublication.L’échelleconditionnelediagnos- ticàlapersistancedelafatigue(plusdesixmois) ;sans lienavecuneactivitéparticulière ;nonamélioréeparle repos ; avec une dégradation importante des perfor- mances dans le travail, la vie sociale et personnelle, dégradation qui conduit à la réduction, voire à l’aban- don des activités en question. Le grand intérêt de l’échelledeFukudaestqu’elleestsimpleetfacileàutili- ser par un non-spécialiste, un médecin généraliste, par exemple. Elle est aussi très utile parce qu’elle met en exergueuntroubletrèsparticulieretpropreauSFC:le malaise posteffort. De quoi s’agit-il ? D’uneaggravationdel’étatdefatigue,danslesheureset les jours qui suivent un effort, physique ou intellectuel : parexemple,sepresserpourattraperunbusoutravailler _u
  • 5. 10 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020 Un diagnostic de fatigue repose sur ce que le malade décrit au médecin. Il n’existe pas sur un dossier. Ce malaise posteffort peut être durable, sur plusieurs jours. Il peut compliquer le rapport avec les soignants, notamment être à l’origine d’une mau- vaise appréciation de l’état réel d’un patient : on le per- çoit en bon état au moment de la consultation, alors qu’un peu plus tard, un simple effort va l’abattre. Ce malaise est particulièrement handicapant, il génère un sentiment d’invalidité chez la personne qui ressent sa vie comme l’ombre de ce qu’elle était avant la maladie. On ne sait toujours pas ce qui cause le SFC. Quelles sont vos hypothèses ? Je pense qu’il y a, chez certains malades, une conjonc- tiondedeuxfacteurseninteraction.D’abord,l’exposi- tion à des xénobiotiques, c’est-à-dire à des particules polluantes toxiques pour le corps et le cerveau, y com- pris à très faibles doses. Ensuite, une susceptibilité génétique. Il me faut expliquer d’où je suis parti. En tant que spécialiste des pathologies neuromusculaires, j’ai été amené à m’intéresser à une maladie appelée « myofasciite à macrophages » (MFM) qui, quand elle est durable, mène à un syndrome de fatigue chronique. NousavonsestiméquelaMFMétaitcauséeparl’inca- pacité de certains patients à éliminer correctement un adjuvant à base d’aluminium dans des vaccins qu’on administre dans le muscle du bras. Ces mécanismes d’éliminationsontgénétiquementdéterminés.Lespar- ticules dont on parle, qu’elles soient des sels d’alumi- nium, des poussières polluantes de la circulation auto- mobile, des microdébris de silicone en provenance de prothèses, peuvent rester actives dans le corps à des toutes petites quantités. Elles peuvent ainsi activer l’immunité. Le syndrome de fatigue chronique pour- rait relever de ce schéma. Que se passe-t-il pour les patients ? Ils souffrent d’une activation excessive de leur système immunitaire, soit parce qu’ils n’arrivent pas à éliminer ces xénobiotiques, soit parce que la réaction est trop forte.Répétons-le:celaneconcernepastoutlemonde, les facteurs de prédisposition génétique modulent le phénomène. Mais, au fil des années, s’installe un épui- sement immunitaire, une diminution de la vitalité, des répercussions sur le système nerveux autonome, sur la cognition… Vous vous êtes particulièrement intéressé aux dysfonctionnements de ces fonctions cognitives… Nous avons établi une batterie de tests pour évaluer tous les segments de la cognition : l’attention, la mémoire de travail, la planification, la mémoire épiso- dique, celle instrumentale qui permet d’utiliser des outils… Les malades du SFC ont tous des plaintes cognitives. L’une de mes patientes, infirmière, a dû arrêter de travailler car elle n’était plus en mesure d’effectuer le rangement minutieux des produits que demande sa profession. On rencontre aussi, parfois, des troubles de mémoire qui impactent gravement la vie quotidienne : par exemple, une personne va rater la sortie du périphérique qu’elle prend habituellement pour rentrer chez elle ; ce qui est très angoissant. Nous devrions prochainement publier un travail sur la ques- tion de la cognition dans le SFC. Où en est la recherche sur ce syndrome ? Ellen’estpassatisfaisante.Fautedefinancements,nous nedisposonspasencored’étudesincluantuntrèsgrand nombre de malades : les grosses cohortes. Nous avons monté des projets de recherche intéressants avec nos patients, mais il manque la très grande échelle. Or, tra- vailler sur une maladie multifactorielle comme le syn- drome de fatigue chronique exige des groupes homogènes de malades pour pouvoir suivre des pistes quinousparaissentprometteuses,lerôledumicrobiote, par exemple. Nombre d’éléments cliniques ne sont pas exploités parce que le sujet n’intéresse pas les organis- mesfinanceursnilespouvoirspublicsengénéral.Àl’in- verse de ce qui s’est passé avec la douleur, la prise en charge des patients souffrant de fatigue chronique n’a pasétéorganisée.Onenarriveàcettesituationincroyable où l’on est incapable, en France, de savoir précisément combien de personnes souffrent d’un SFC ! On n’a aucune idée du nombre de malades ? Nous avons pu estimer le taux de prévalence en France grâce à des projections de données des quelques pays européens qui réalisent des statistiques sur le SFC : Allemagne, Royaume-Uni, Norvège. Cela donne entre 0,1et0,3%delapopulation(entre67 000et210 000per- sonnesdansl’Hexagone),cequin’estpasnégligeable.Or, forceestdeconstaterquecequin’estpasconnun’estpas reconnu correctement par les professionnels ni par les pouvoirspublics.Alorsquecelacoûteextrêmementcher à la Sécurité sociale, puisque les patients en errance dia- gnostique multiplient les consultations, les soins, les pri- ses de médicaments. Trop de médecins pensent que le syndrome de fatigue chronique n’est pas une maladie, qu’ils’agitd’untroublepsychique…Cequisuscite,bien entendu, l’agressivité des patients. Le regard de la médecine sur les fatigués chroniques n’a-t-il pas évolué ? Celadépend.Chezbeaucoupdegénéralistes,onassiste à une vraie prise en compte de la maladie parce qu’ils la voient se développer chez leurs patients qu’ils connaissent bien. Ils s’affirment certains que leurs patients présentent un trouble qui n’a rien à voir avec un accès dépressif. Leur approche n’est pas celle du fatigue / entretien.
  • 6. 11 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020 de biomarqueurs, c’est là le drame des patients à qui l’on dit que c’est dans la tête médecinhospitalierquivoitarriverunindividuetàqui il est demandé de dire s’il est malade ou pas. Ajoutez à cela le fait que nous, praticiens, n’aimons pas ce que nous ne comprenons pas… Nous allons partir à la recherched’uneexplication,maiselleneserapasforcé- ment la bonne. Que faudrait-il pour que la fatigue chronique soit mieux reconnue dans notre pays ? Il faut créer des centres d’évaluation de la fatigue en France à l’instar de ce qui a été fait pour la douleur. Nous avons besoin de réunir des spécialistes venus d’horizons différents, des neurologues, des internistes, des rhumatologues, des psychologues… Nous pour- rions alors développer l’usage, chez les généralistes, de l’échelle de Fukuda, ce qui permettrait un dépistage préalable à une consultation dans un centre spécialisé. La fatigue est un vrai sujet, mais il n’existe pas encore de volonté de prise en charge globale. En quoi la pandémie de Covid-19 pourrait-elle changer la donne ? Cela va peut-être nous aider. Le grand public a décou- vertàlatélévisionlafatiguepostviraleetapuobserver les malades qui n’arrivent pas à récupérer de leur Covid-19. Il faut savoir que les coronavirus sont des pourvoyeurs de SFC, nous le savons depuis le Sras de 2003 et le Mers de 2012. Actuellement, dans nos consultations,nousvoyonsdespatientsCovidvictimes de fatigue postinfectieuse qui peut durer plusieurs semaines, mais dont ils pourront récupérer. Nous aurons aussi des malades chez qui la fatigue va perdu- rerpendantunan.Et,parlasuite,nousnousattendons à rencontrer des SFC induits par le Sars-Cov-2. Pour tous ces malades, que proposent les médecins ? Des solutions existent, un SFC n’est pas une malédic- tion. Nous avons d’aborddesmédicamentsànotredis- position. Notamment la L-carnitine qui accroît la pro- duction d’énergie dans la cellule. Cette molécule est cependantassezcontraignantedanssonutilisation:elle met beaucoup de temps à agir et elle ne fonctionne pas pour tous les patients. Il faut essayer. De même, je pro- pose à certains malades des petites doses de corticoïdes pour passer des caps de grande fatigue, en restant pru- dentaveclacortisone.D’autresmoléculessontutilisées, notamment par les psychiatres qui prennent en charge certainspatients.LaRitaline,parexemple,unpsychos- timulant,ouencoreleProzac,quiestunantidépresseur nonsédatif.Àcepropos,onvoittoutl’intérêtd’uneap- proche globale du syndrome de fatigue chronique. Si le patient supporte très mal que l’on résume sa maladie à des troubles psychiques, ceux-ci peuvent néanmoins exister. Quoi de plus normal : quand on est malade chronique, on déprime. C’est pourquoi, à la condition d’un climat de confiance, le médecin peut et doit abor- der la question de la dépression. Y a-t-il des conseils à donner pour la vie quotidienne, la nutrition ? Nousencourageonslesmaladesàorganiserleursjour- nées en fragmentant les activités et à se ménager des périodes de repos pour mieux gérer leur capacité phy- sique. Par exemple, si on fait le ménage, il faut se repo- ser, puis accomplir une autre tâche. L’alimentation est aussi un sujet important. J’ai remarqué, chez certains de mes patients, que le régime sans gluten fonctionnait bien. D’autres praticiens préconisent de se passer des sucresrapides,sucreries,alcool…Toutcelaconcourtà une alimentation plus équilibrée, sans panini ni pizza, et cela marche chez une partie des malades. Qu’en est-il de l’activité physique généralement recommandée, mais qui pose problème avec le malaise posteffort ? C’est un sujet d’autant plus important qu’il est crucial pourlespatientsdetrouverunrythmed’activitéconci- liable avec le malaise posteffort. Nous savons que les malades du SFC supportent très mal l’activité phy- sique, voire la kinésithérapie. Ce fait est mal compris par les médecins qui, souvent, préconisent du sport. Cela met en colère les patients qui voient là un déni de leur souffrance. Or, l’activité physique, à condition qu’elle soit soigneusement pensée, leur permettrait de nepasaggraverleurétat.Celas’expliqueparcequel’on appelle le déconditionnement du corps dans le SFC, et c’est également le cas pour les malades de la Covid-19. Lorsque l’on stoppe une activité, il faut du temps pour se remettre à niveau, et c’est bien pire lorsqu’elle a été complètement arrêtée. Pour se reconditionner, un malade doit faire de petits efforts réguliers, trouver le bon dosage. Je recommande la natation quand c’est possible.Onpeut,ennageant,graduersoneffort.Etles muscles travaillent en concentrique, c’est-à-dire que quandilssecontractent,ilsseraccourcissent.C’estplus tolérable que l’exercice excentrique qui étire le muscle. Quel est l’avenir pour un malade fatigué chronique ? Il y aura des fluctuations, des hauts et des bas, de gros coups de fatigue qui peuvent s’espacer avec le temps. La maladie peut se normaliser, on peut aller mieux. Pour aider les patients, il faut organiser la prise en charge, financer de la recherche, des essais cliniques. C’est la seule façon d’éviter que, se sentant perdu, incompris par ses médecins et ses proches, un malade s’en remette à des margoulins qui promettent moult traitements miracles contre beaucoup d’argent. Propos recueillis par Aline Richard Zivohlava
  • 7. 19 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020 FATIGUE, SOMNOLENCE ET TROUBLES DU SOMMEIL Le centre de soins et de recherches sur les pathologies du sommeil accueille des patients pour qui rester éveillé est un combat quotidien. J’y ai évalué mon profil de fatigué. Par Jean Zanardo (texte) et Paul Delort pour Le Figaro Santé (photos) I ci, on soigne les épuisés. Comme Jacques L., qui fréquente le service des pathologies du sommeil de la Pitié-Salpêtrière depuis près de dix ans. À 55 ans, ce cadre à l’allure sportive souffre d’une fatigue permanente et extrême- ment handicapante. « Je vous écoute, je vous réponds,expliqueJacques.Maissijeresteseulcinqmi- nutes dans la chambre à côté, je m’endors… » « Et il ne s’agira pas d’une petite sieste, mais d’un sommeil pro- fond », précise son médecin, le Pr Isabelle Arnulf, patronne du service. L’unité récente de 20 lits où nous nous trouvons, en cet été 2020, est un centre de soins et de recherche sur les troubles du sommeil et de l’éveil. Ces pathologies très diverses sont parfois rares, mais toujours préjudi- ciables en termes de qualité de vie. Jacques L., dont la maladie est d’origine génétique, peut en témoigner. « J’ai organisé toute ma vie en fonction de ma patholo- gie. Arrivé à 9 heures à mon bureau, je savais que je n’avais que deux heures devant moi pour traiter les dos- siers importants. Pour la suite, toute mon énergie était consacrée à m’organiser un endroit pour dormir. À la pause-déjeuner, je prenais le RER et m’assoupissais jusqu’au terminus, pour être capable de retravailler jus- qu’à 17 heures. » Le traitement médicamenteux qu’il prend depuis lors permet à Jacques de ne plus tomber de sommeil. Mais il doit vivre avec sa somnolence, y compris lorsqu’il enfourche son vélo. Fatigue extrême, somnolence, brusques endormisse- ments… Les patients de la consultation du Pr Arnulf souffrent de troubles qui vont bien au-delà d’une insomnie, d’un accès dépressif ou même d’un syndrome de fatigue chronique, traité dans d’autres services. Par exemple, la maladie de Kleine-Levin, caractériséenotammentparunehypersomniediurne, jusqu’à dix-huit heures sur vingt-quatre. Quelques centaines d’adolescents malades venus de toute la France ont été pris en charge par l’équipe du service. «Quandleurmaladiesedéclare,c’estunetempêtedans les familles. » On y accueille aussi des personnes souf- frantdenarcolepsie,cebesoinbrusqueetirrépressible de dormir, des dormeurs anormalement agités par des cauchemars sans repos. Plus communes, des apnées du sommeil, des difficultés respiratoires noc- turnes… « La tranche d’âge 50-65 ans est à risque en raisondel’accumulationdegraisseauventreetaumen- ton chez les hommes, sur les hanches, les fesses, les seins pour les femmes. » BILANS FATIGUE ET SOMMEIL Pour soigner et mieux comprendre les pathologies en cause, le service d’Isabelle Arnulf propose aux patients des bilans fatigue et sommeil à l’issue d’un séjour de vingt-quatre ou de quarante-huit heures à l’hôpital. L’équipe cherche notamment à connaître les rythmes endogènes du sommeil et de la somno- lence, la façon dont chaque personne fonctionne avec ses troubles, la stratégie développée parfois de- puis l’enfance (prise d’excitants, lumière, exercices physiques intenses). Une fois le profil du fatigué établi, un diagnostic et une stratégie thérapeutique peuvent être proposés. Tout commence évidemment par une consultation. _u CONSULTATION AVEC ISABELLE ARNULF PROFESSEUR À LA PITIÉ-SALPÊTRIÈRE
  • 8. 20 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020 Organisée pour les besoins du reportage, la mienne débute dans le bureau du professeur. Je réponds aux questions : poids, taille, habitudes alimentaires, histoire familiale. Le médecin passe en revue les diffé- rentes étapes de ma vie, sous l’angle de la fatigue. Il s’agit de donner chaque fois son point de vue sur son propre sommeil. L’interrogatoire se double d’un examen anatomique. « Ouvrez la bouche. Faites ‘‘a !’’ » Le Pr Arnulf examine soigneusement ma bouche avec une lampe. «Vosamygdalessesontatrophiéesavecl’âge,vousavez une grande langue, plutôt longitudinale vers l’avant, vous pouvez la rentrer, il n’y a pas de marques de dents dessus… la couleur du voile du palais est tout à fait claire, il n’y a pas d’inflammation récurrente. » Un bon point pour mon sommeil : je n’ai pas le profil d’un ronfleur-vibreur… « Je note une très légère asymétrie mais nous l’avons tous… » « Votre nez se bouche-t-il régulièrement ? » « Vous êtes suivi par un dentiste, je vois. » À VÉLO, L’EFFORT MUSCULAIRE RÉVEILLE Ellemedonneàremplirdesquestionnaires.Ils’agitde savoir si je somnole en journée, si je suis du soir où du matin, à quels moments je suis le plus productif. Par exemple : « Vous travaillez cinq heures par jour, et votre travail est intéressant et bien payé. Quelle séquence de cinq heures consécutives choisissez-vous ? » Isabelle Arnulf analyse les différents documents et note selon un système à points. Mon score s’élève à 9, il serait anormal à partir de 11, inquiétant à plus de 15 sur 24. «Vousconnaissezundébutd’étatdesomnolenceenvoi- ture…quecenesoitpaslecasenvéloestnormal,l’effort musculaireréveille…»Enrevanche,letravailsurécran peut favoriser une fatigue visuelle. « Votre chronotype est neutre, ni soir ni matin, votre somnolence est bonne. Mais j’ai l’impression que vous êtes du matin. Et votre fatigue matinale occasionnelle peut indiquer des nuits où vous avez souffert de petites interruptions de votre sommeil. » Elle me confie des questionnaires pour les prochaines semaines où je dois noircir les périodes où j’ai dormi, tant la nuit que pour une sieste. Elle m’encourage à maigrir du ventre… et me pose des questions sur ma femme. « Dort-elle aussi bien qu’il y aunedizained’années ?Souffre-t-elleplusdelalumière nocturne, des bruits, de la chaleur ? Ronfle-t-elle ? » En raison de son âge – 58 ans –, elle lui conseille de prendre rendez-vous dans un centre du sommeil et de la vigilance. Il ne s’agit pas pour elle – et pour nous – de s’habituer à un sommeil léger. Je sors du bureau lesté d’un double diagnostic… Lesmursremplisd’illustrationsdubureaucosyd’Isa- belleArnulfévoquentlesommeiletlesrêves.«Cesont mes enfants, ma fille et mon fils, qui ont proposé de l’aménager lorsque nous sommes arrivés ici. » Le pro- fesseur évoque les vingt-huit années où elle a étudié le sommeil sous toutes les coutures. Elle s’est intéressée à de gros dormeurs : les chats. Elle s’est plongée dans les récits des temps anciens où l’on se couchait tôt et Pour récolter toutes les informations pertinentes, l’équipe du Pr Arnulf fatigue / j’ai testé.
  • 9. 21 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020 où une activité nocturne pouvait s’insérer entre une période de sommeil et le lever aux aurores. Isabelle Arnulf s’est même retrouvée au couvent : « Nous avons répondu à la demande des Chartreux et nous avons étudié l’effet de leurs prières nocturnes. Afin de lutter contre leur fatigue, nous leur avons conseillé de s’accorder une légère sieste l’après-midi. » ÉLECTRODES BRANCHÉES À 21HEURES Aprèslaconsultationinitiale,lespatientspoursuivent leur bilan dans les chambres du service où ils passe- ront la nuit. En cette fin d’après-midi, les entrants commencentàs’installer.«Ils’agitdenepasdésorien- ter les patients, confie Ghislaine Douillet, infirmière. Deux chambres sont prévues avec des grands lits pour les cas d’obésité. Après les questions administratives et de suivi médical, on procède à la pose des électrodes et à un enregistrement d’essai. » Le système sera activé entre 21 et 22 h 30. « Passé l’appréhension initiale, presque tous supportent les électrodes et se satisfont d’un bassin de lit pour faire leurs besoins. » Pour une simplenuit,l’équipeenregistreunmaximumdevaria- blesetlaisselepatientpartirà9heures.Pourunséjour de quarante-huit heures, c’est plus détaillé. « Pour ré- colter toutes les informations pertinentes, nous avons besoindeonzeàdouzeheuresd’enregistrements,nuitet siestes, explique Ghislaine Douillet. Par exemple, ré- veil à 6 h 30, test de 8 à 8 h 35 avec une heure et demie de pause en éveil entre deux siestes. » Elle nous montre un patient assis, l’allure concentrée. « Il n’a pas pu at- tendre la prochaine sieste. Les capteurs montrent qu’il dort profondément en ce moment. » Me voilà dans une chambre de pose d’électrodes. Deux étudiantes en master surpervisées par la cher- cheuseCéliaLacauxmecollentunparunlescapteurs et détaillent chacune de leurs fonctions. Mais je n’ai aucune envie de dormir ! Célia Lacaux s’en amuse. « Je vais vous décoller les pastilles, soyez courageux ! » Elle raconte son travail. « J’étudie la créativité des patients atteints de narcolepsie. Ils plongent directe- ment dans le sommeil paradoxal et peuvent maîtriser leurs rêves… On appelle cela des rêves lucides. » Pour cette recherche, une cohorte de volontaires sujets à ce trouble, la plupart étudiants, a été recrutée. L’étroi- tesse de la machine et le bruit de l’appareil IRM ne les empêchent pas de s’endormir. « Ils ont appris un code oculaire à reproduire pendant leur rêve lucide. Grâce à cela,noussavonsàquelmomentilsprennentlecontrôle de leur rêve, pour le changer. » Célia Lacaux s’est elle- mêmeentraînéeàdevenirrêveuselucide,ennotantles rêves pour augmenter la fréquence de leur rappel. « J’ai arrêté parce que cela me fatiguait, c’était très intense. Ne pas se souvenir de ses rêves constitue peut- être une fonction, et il vaut mieux ne pas aller à l’encontre de ce processus. » Retour dans le service. Le Pr Arnulf me présente à huit blouses blanches rivées à leur écran : ces méde- cins décryptent les analyses de la nuit, côte à côte, dans une seule pièce. « C’est multidisciplinaire, le a besoin de onze à douze heures d’enregistrements : nuit et siestes _u
  • 10. 22 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020 appareillage respiratoire, une machine à ventilation pour aider le travail du muscle respiratoire pour com- penser les anomalies et arriver à un sommeil plus continu. » Isabelle Arnulf intervient : « On ne parle pas d’un masque sur le nez avec de la pression positive comme pour les apnées obstructives. Il s’agit plus sim- plementd’assistancerespiratoire:lamachinedétectele besoin d’aspiration et insuffle un peu plus d’air. Le réglage est très délicat. » Selon le DrCécile Londner, l’amélioration est nette pour la sensation d’essoufflement, le caractère récupérateur du som- meiletleretourdelaformedanslajournée.«Larespi- ration, poursuit Isabelle Arnulf, est la fonction la plus fragile pendant le sommeil. Dans la journée, nos muscles fonctionnent à plein, mais la nuit, ils se relâ- chent, y compris ceux qui aident le diaphragme et l’ouverture des voix aériennes. Le risque est que le patient se retrouve en manque d’oxygène et que, par conséquent, qu’il soit épuisé dès le réveil. » LES CAS DIFFICILES DISCUTÉS COLLECTIVEMENT La fin d’après-midi se profile. C’est le moment de la réunion de staff qui réunit tous les soignants du ser- vice. On y évoque des dossiers à venir ou des traite- ments à mettre en place. Un patient nonagénaire, ancien professeur de médecine, a lui-même préparé son dossier médical. Il est décidé de l’accueillir deux nuits. Les cas difficiles sont examinés collectivement. Ainsi, cette femme, suivie depuis 2003, qui souffre d’hallucinations, d’un sommeil excessif et d’une perte notable de poids. Le DrCarole Philippe expose le cas et demande des avis. Dans les chambres, les patients du jour sont presque tous installés, prêts pour leur nuit à l’hôpital. Je passe devantlebureaudeCarolePhilippe.Unevitrineattire mon attention : « C’est mon petit musée : tous les appareils avec lesquels j’ai travaillé à la Pitié depuis 1991.»Elleenagardéundechaquegénération.«J’ai soigné environ 1 500 patients. Mais chaque inter- vention reste spécifique. » À chacun son sommeil, à chacun sa fatigue. Jean Zanardo sommeil », commente-t-elle. Sur les écrans, toutes les données des dormeurs récoltées dans la nuit : respi- ratoires et neurologiques. Le service filme également les patients, et les enregistrements sont parfois très impressionnants dans le cas de cauchemars vécus en rêve. Comme ce patient que l’on voit debout sur son lit lutter contre des soldats. Puis, étonné, il comprend qu’il se trouve à l’hôpital et se recouche comme si de rien n’était. L’analyse d’un cas occupe Adeline, chirurgienne maxillo-facial,spécialistedelatêteetducou.Lajeune femme commente sa lecture : « On se propose d’opérer ce patient qui ne met pas son ventilateur. Je regarde s’il y a un facteur anatomique qu’on pourrait corriger pour améliorersonétat,voire,éventuellement,leguérir.»En face d’elle, la neurologue Ana Zenovia Gales est spécialiste de l’épilepsie, une maladie extrêmement fatigante. « Les crises sont plus intenses pendant le sommeil.Etlafatiguepeutentraînerdel’épilepsie,d’où un cercle vicieux », commente-t-elle. Ce n’est pas la seule maladie neurologique qui ruine l’énergie et le sommeil des patients. La neurologue Pauline Dodet étudie ces problèmes chez les patients atteints de Parkinson. « Cette maladie procure de la fatigue, du sommeil haché avec de l’insomnie, de la somnolence dans la journée. » Les troubles respiratoires sont une autre cause majeuredefatigueextrêmeetd’unsommeilfortement dégradé. Cécile Londner, pneumologue, traite les syndromes d’apnée du sommeil, les maladies respira- toires chroniques comme la broncho-pneumopathie chronique obstructive, les anomalies en lien avec ces maladies et les maladies neuromusculaires qui touchentlediaphragme.Elleprécise:«Onpeutpropo- ser aux patients qui dorment mal et qui sont épuisés un C’est multidisciplinaire, le sommeil... Sur les écrans, les données respiratoires et neurologiques des dormeurs fatigue / j’ai testé.
  • 11. 24 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020 focus. Axone Récepteur desérotonine Sérotonine Sérotonine DE QUELLE FATIGUE PARLE-T-ON ? Si l'on en croit les chiffres de l'assurance-maladie, 10 à 25 % des personnes se plaignent de fatigue à leur médecin. Et 6 à 7 % consultent essentiellement pour ce motif, les femmes étant davantage concernées. Mais ses causes sont multiples, et il existe différents types de fatigue … La fatigue en réaction à… La fatigue mentale liée aux troubles psychiques Après un exercice physique intense, ou en cas de manque de sommeil, de décalage horaire, de surmenage, de stress, de perte musculaire ou de malnutrition, la sensation de fatigue apparaît : C’est la fatigue la plus fréquente. Présente dès le réveil, elle s’accompagne d’angoisses, d’un manque de motivation (« envie de rien »), de problèmes de mémoire, etc. Elle est souvent associée à une dépression, des troubles anxieux, des troubles du comportement alimentaire ou encore un trouble bipolaire. La fatigue psychique se traduit souvent par : 1 Delasérotonineestlibérée danslessynapses, cequiaugmentel’excitation desmotoneurones. Denotrecerveau,lesaxones desneuronespyramidauxdescendent danslamoelleépinièrejusqu’aux motoneuronesdontlesaxonesforment lesnerfsmoteursexcitantlesmuscles. 2 Lasérotonineenexcèsdébordedessynapses etsefixesurdesrécepteurssituésaudébut desaxonesdesmotoneurones,inhibantl’influx nerveuxetgénérantlafatigue. 3 Cerveau Muscle Message nerveux Troubles du sommeil Troubles de l'appétit Trous de mémoire ?? Unmotoneuroneestunecellulenerveuse directementconnectéeàunmuscle etquicommandesacontraction. Motoneurone Source:RéseauMorphée,CentreduSommeil,Inserm Fatigue musculaire Message nerveux Actité normale Effort modéré Effort trop intense
  • 12. 25 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020 Toute absorption de substances toxiques peut être source de fatigue. C’est le cas lors d’une : Le syndrome de fatigue chronique (SFC) se caractérise par un état de fatigue devenu chronique et apparu brutalement chez une personne jusque-là en bonne santé et non dépressive, sans que l’on puisse trouver de cause particulière. Ce syndrome a reçu une multitude d’appellations à travers le temps : neurasthénie, syndrome de fatigue post-virale, mononu- cléose chronique et plus récemment encéphalomyélite myalgique ou syndrome d'intolérance systémique à l'effort. D'après les derniers critères qui ont été proposés voilà cinq ans par l'Institute of Medicine (IOM) américain, son diagnostic repose sur la présence obligatoire des trois symptômes suivants : Consommationdetabac Consommationdecaféine Consommationdestupéfiants(cannabis,cocaïne,lsd,etc.) Consommationd’alcool Intoxicationsauplomb (saturnisme)ouaumonoxydedecarbone (psychotropes,sédatifs,antidépresseurs,diurétiques, antalgiques,antihistaminiques,certainsproduits contrel'hypertensionartérielle,etc.) Prisedecertainsmédicaments Fatigueintensedepuisaumoinssixmoisnerésultantpasd’uneffort excessifcontinuetnonamélioréeparlerepos,avecaltération duniveaudesactivitéspersonnelles,professionnellesousociales Sommeilnonréparateur Malaiseposteffort:aggravationdel’étatgénéralaprèsuneffort physiqueoupsychique,mêmemineur Intoléranceorthostatique (incapacitéàsetenirdebout pendantplusd’unecourtepériode) Altérationcognitive On doit de plus observer au moins une des deux manifestations suivantes : La fatigue est observée à l'occasion de nombreuses maladies : des infections virales (grippe, mononu- cléose, VIH, hépatite, etc.) ou bactériennes (tubercu- lose, maladie de Lyme, etc.), des maladies hormonales (hypothyroïdie, diabète, etc.), des maladies auto-immunes (lupus, maladie de Crohn, etc.), des atteintes neurologiques (Parkinson, sclérose en plaques, etc.), des cancers, ou encore diverses maladies chroniques (insuffi- sance cardiaque, BPCO, etc.). L'anémie ferriprive, liée à une carence en fer, se traduit aussi par une grande fatigue. La fatigue liée à des carences ou des maladies La fatigue liée à des intoxications La fatigue chronique Laquantitéd’oxygènevéhiculéeparlesangbaisse. Lesorganes,privésde leur«carburant»,peinentàfonctionner. Le fer a des vertus « oxyphoriques »: il fixe l’oxygène et permet son transport Silesglobulesrougess’appauvrissentenfer, laquantitéd’oxygènevéhiculéeparlesangbaisse. ! O2 Fe Fe Carence en fer (anémie ferriprive) Fluxsanguin Globules rouges INFOGRAPHIELEFIGARO
  • 13. abécédaire.. 26 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020 a J ’arrive à peine à me lever, je suis fatiguée, je suis exténuée… » chantait, dans les années 1980, Catherine Ringer des Rita Mitsouko. Comme l’artiste, entre 10 et 25 % de la population serait concernée par cette fatigue qui accable, donne un sentiment de lourdeur et complique chaque geste du quotidien. Cette fatigue anormale, ou asthénie, peut être liée à des causes psychiques (épuisement professionnel, dépression…), physiques, ou peut être due à une maladie ou à des traitements. Mais quelle qu’en soit la cause, une thérapie non médicamenteuse a fait clairement ses preuves : l’activité physique. Bouger pour être moins fatigué, vraiment ? Oui, car la fatigue chronique rend sédentaire et génère un manquedevitalité.«Or,moinsvousvousactivez,plus le moindre effort est fatigant et provoque des douleurs. Vous êtes essoufflé pour monter une volée de marches, porter vos courses… C’est le résultat d’un décondi- tionnement métabolique, musculaire. C’est un cercle vicieux, et le seul moyen de le briser est de se remettre à bouger », explique le Pr Martine Duclos, chef du service de médecine du sport et des explorations fonctionnelles au CHU de Clermont-Ferrand. Comme une voiture qui ne roule plus et dont les pneus se dégonflent, nos muscles des jambes, des bras, mais aussi nos muscles cardiaques s’affaiblis- sent. Le moteur de notre corps perd aussi de la puis- sance. En effet, petites structures dans les cellules de l’organisme, les mitochondries qui fabriquent l’énergie rapetissent si notre corps est trop souvent immobile. Résultat : le corps manque de tonus. CERVEAU OXYGÉNÉ Mais tout cela disparaît grâce à l’activité physique. « Mieux encore, l’activité physique agit aussi sur la fatigue psychique. Elle diminue l’anxiété et lutte contre le stress en libérant dans le cerveau des messa- gers chimiques comme les catécholamines, la dopa- mineetdesmoléculesliéesàlacirculationdelaséroto- nine. Elle favorise aussi une meilleure oxygénation du cerveau », décrit la spécialiste. Et d’ajouter : « L’acti- vité physique améliore aussi le sommeil. On est donc plus reposé, plus en forme et moins stressé. » Pour tirer bénéfice de l’activité physique, inutile de courir un marathon ou de s’inscrire au Tour de France. « Marcher trente minutes par jour à bonne allure ou faire 5 000 à 6 000 pas quotidiennement suf- fisent amplement à se remettre en forme », indique le Pr Duclos. Pour y arriver, laissez la voiture au par- king au profit des transports, emmenez les enfants à l’écoleàpied,prenezl’escalierplutôtquel’ascenseur ou l’escalator, téléphoner debout… Par la suite, il s’agit d’augmenter votre nombre de pas quotidien et d’ajouter progressivement une acti- vité plus sportive comme la course à pied, la bicy- clette ou encore la natation qui améliorera davan- tage votre endurance. Des exercices de renforcement musculaire sont aussi très intéressants pour se mus- cler et regagner de la force. Idéalement, ces activités doivent être pratiquées au moins trois fois par semaine. En créant cette routine, vous verrez que les effets se feront sentir plusieurs jours après votre séance. Et on ne parle pas là de courbatures, mais biend’unsentimentdebien-être,deforceetdetonus. Anne-Laure Lebrun Marcher, nager, courir… quelle que soit l’activité pratiquée, elle renforce les muscles, lutte contre le stress, réduit la fatigue physique et psychique. ACTIVITÉ PHYSIQUE Bouger pour moins fatiguer
  • 14. abécédaire.. 28 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020 a C haque automne, c’est la même ren- gaine. Les vacances d’été ne sont plus qu’un lointain souvenir, et bon nom- bre de magazines vous livrent secrets et astuces pour rester en forme l’hiver venu, grâce notamment aux aliments antifatigue. Illusion… Comme l’explique Anthony Fardet,chercheurennutritionpréventive(université de Clermont-Auvergne/Inrae) : « C’est une vision très réductionniste : en réalité, il n’existe aucun ali- ment qui puisse en soi résoudre un problème de fati- gue : la seule chose qui peut avoir des vertus miraculeuses, c’est une nourriture pensée dans sa glo- balité. » Pour s’en faire une idée plus précise, exami- nons de près les promesses des uns et des autres. Dans les aliments dont on vante souvent les vertus antifatigue, on peut citer : ● les agrumes et leur vitamine C, ● les poissons gras et leur vitamine D, ● les légumes verts à feuilles pour leur vitamine B9, ● les fruits de mer et le boudin, riches en fer, ● le cacao, le soja et les amandes pour leur magné- sium, ● la spiruline, ses protéines, son fer et ses anti- oxydants, ● les baies de goji, leurs vitamines et leurs anti- oxydants, ● le guarana, plante dont les graines contiennent de la caféine. Pour Anthony Fardet : « L’efficacité de tous ces micronutriments est réelle, mais seulement quand ils agissent en synergie les uns avec les autres, pas de manière isolée. » La remarque vaut particulièrement pour les concentrés de minéraux et vitamines consommés aujourd’hui par un Français adulte sur cinq. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (An- ses) surveille de près la composition de ces complé- ments alimentaires. Elle souligne qu’« en l’absence de pathologie, la couverture des besoins nutritionnels est possible par une alimentation variée et équilibrée associée à une activité physique adaptée », ce qui rend leur consommation inutile – voire dangereuse si les doses limites sont dépassées. La focalisation sur un aliment en raison de ses micronutriments, bien qu’a priori peu risquée, ne présente pas plus d’intérêt. Exemple avec le magnésium. Majoritairement mis en réserve dans les tissus osseux (55 à 60 %) et les muscles (25 %), il est ensuite réparti entre les organes (foie, cœur, cerveau…) et circule très peu dans le plasma. Comme d’autres micronutriments, il parti- cipe à de nombreuses réactions biochimiques. Le magnésium est ainsi impliqué : ● dans le métabolisme des glucides, des lipides et des protéines, en jouant un rôle majeur dans le transfert, le stockage et l’utilisation de l’énergie – d’où son rôle supposé contre la fatigue, ● dans certaines contractions musculaires (celles qui font intervenir des mouvements de calcium), d’où sa responsabilité dans les crampes musculaires, ● dans la régulation du passage de divers minéraux à travers la membrane cellulaire (en particulier, le sodium et le potassium), dont l’équilibre retentit à son tour sur d’autres fonctions biologiques comme letonusdesvaisseauxsanguins,leurcapacitéàchan- ger de diamètre, ou encore l’activité cardiaque et nerveuse. Au bilan, le magnésium est un sel minéral multifonc- tionnel. Et c’est cette caractéristique même qui per- met à ce nutriment de jouer un rôle protecteur vis-à- vis des maladies ou de la fatigue, en interdépendance avec d’autres composés. De fait, si l’enquête de santé Suvimax (supplémentation en vitamines et miné- raux antioxydants) révèle que les trois quarts des Françaisconsommentmoinsdemagnésiumqu’ilest recommandé, il ne semble pas qu’ils se plaignent tous de fatigue. Il faut toutefois distinguer le déficit en magnésium – dont souffrent une majorité de Français sans qu’ils ressentent le moindre symp- tôme – de la carence. Que dire, maintenant, des vitamines, et en parti- culier de la C réputée souveraine contre la fatigue ? Le terme a été inventé au début du XXe siècle par un Pour que la fatigue s’envole, pas d’assiette miracle ! Mais une alimentation variée et riche en fruits et légumes vous aidera à garder la forme. ALIMENTATION Du tonus dans votre assiette ● Le café, parfois décrié, renferme nombre de vita- mines, de minéraux et des antioxydants. Une consommation modérée (trois tasses par jour) exercerait de nombreux bienfaits (en particulier, contre la goutte et le diabète). ● Selonuneenquêteportantsurlestauxdevitamines et minéraux en France, 7 % des femmes en âge de procréer souffrent d’anémie par manque de fer. ● Le jeûne intermittent, souvent adopté dans l’es- poir de perdre du poids, peut, s’il est mal conduit, générer constipation, maux de tête, douleurs abdominales, mais aussi déshydratation et fatigue. BON À SAVOIR
  • 15. abécédaire.. 29 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020 Un régime antifatigue est un régime varié. Les vitamines sont bien plus bénéfiques dans la salade, les tomates ou l’avocat que dans des compléments biochimiste polonais en référence au latin vita (vie) : ce scientifique désignait par vitamines une catégorie d’amines – des composés azotés – indispensables au fonctionnement de l’organisme. En pratique, ces substances interagissent entre elles et assurent, là encore, des fonctions variées. Elles interviennent principalement : ● comme coenzymes, éléments nécessaires au travail d’enzymes qui, elles-mêmes, accélèrent des réactions chimiques, ● comme antioxydants s’opposant aux effets délé- tères des radicaux libres, ● comme messagers chimiques. À l’exception de deux d’entre elles (K et D), le corps humain est incapable de les fabriquer, et il est pour- tant nécessaire d’en consommer via notre alimenta- tion ou en compléments. Mais attention, en petites quantités, prévient l’Anses. Les effets toxiques d’une surconsommation sont réels. L’Agence souligne qu’« un apport trop élevé de vitamines n’améliore pas les performances d’un organisme qui fonctionne déjà normalement ». S’il y a des carences, en revanche, il fautlescorriger.Maisellessontplutôtraresdansnos pays industrialisés, en dehors de certaines situations à risque (grossesse, alcoolisme, chirurgie bariatri- que…). En tout cas, un suivi médical est obligatoire. Aussi, s’agissant de la vitamine C ou autres, l’usage relève plus de la croyance que de l’intérêt scientifi- quement démontré. FORCEZ SUR LES VÉGÉTAUX Ainsi, au lieu de croquer un comprimé jaune aroma- tiséàl’orange,mieuxvautserégalerdufruit !Manger pléthore de fruits et légumes n’expose jamais à un risquedesurdosage.AnthonyFardetinsiste:«Aulieu de se poser la question des minéraux ou vitamines, mieux vaut suivre un régime alimentaire essentiel- lement végétal, vrai, varié. Avec lui, on est sûr d’assurer tous ses besoins nutritionnels en micronutriments protecteurs sans avoir à s’en préoccuper. » Anne Lefèvre-Balleydier
  • 16. abécédaire.. 30 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020 a F atigue,manqued’énergie,pâleur,essouf- flement, voire dépression et troubles cognitifs chez la personne âgée… L’ané- mie par carence en fer, (également appe- lée anémie par carence martiale ou ferri- prive) est sournoise ! Elle est pourtant fréquente. « On estime à l’échelle mondiale que 10 % de la population est touchée par une carence en fer et qu’un milliard et demi de personnes souffrent d’anémie, toutes causes confondues », précise le Dr Anthony Lopez, maître de conférences universitaire et praticien hospi- talierauseinduserviced’hépato-gastro-entérologiedu CHRU de Nancy. On parle d’anémie (définie selon le sexe et l’âge) à propos d’un taux d’hémoglobine infé- rieur à 13 g/dl pour un homme, à 12 g/dl pour une femmeetau-dessousde11g/dlchezunepersonneâgée de plus de 65 ans. D’autres marqueurs, comme le volume globulaire moyen (VGM) permettent de pré- dire si l’anémie est liée à une carence en fer, car ses causes sont extrêmement nombreuses. En France, 25 % des femmes en âge de procréer sont carencées en fer et 2 % présentent une anémie, d’après l’assurance-maladie. Pertes menstruelles et manque d’appétence pour les viandes rouges peuvent l’expli- quer. Lors de la grossesse, les besoins en fer augmen- tent avec la croissance du fœtus et du placenta. Une anémie,plusfréquenteàquelquessemainesdel’accou- chement ainsi qu’en cas de grossesse multiple, risque d’avoir une incidence sur le poids du bébé à la nais- sance. C’est pourquoi la plupart des futures mamans sont supplémentées en fer. Pour éviter les carences, l’allaitementmaterneloulaprised’aumoins500mlde lait premier, puis deuxième âge est recommandé chaque jour pour les nourrissons. La diversification sera poursuivie avec un lait enrichi en fer ou lait de croissance, idéalement jusqu’à 3 ans. INJECTIONS DE FER L’anémieparcarencemartialeestégalementfréquente chez les personnes souffrant de pathologies inflamma- toires chroniques (polyarthrite rhumatoïde, maladie de Crohn, maladie cœliaque…) et de cancers digestifs. D’autantquepeudecespatientsbénéficientd’unbilan du fer selon le Dr Lopez. « Une étude européenne indique que la carence en fer affecte 50 à 60 % des patients avec un cancer digestif. Pourtant, la ferritine, l’un des marqueurs de l’anémie, n’est dosée que chez une personne sur deux. Et le coefficient de saturation de la transferrine, seulement dans 15 % des cas. Une fois la carence martiale identifiée, elle n’est traitée que dans un tiers des cas. » Undéséquilibrealimentaireprovoquéparunecarence en fer et vitamine B12 peut aussi mener à une anémie. Lesvégétariensetlesvégétalienssontconcernésparun déficit en fer, sauf s’ils consomment suffisamment de végétauxetcéréales.Maisc’estsurtoutlavitamineB12 ou cobalamine, qui fait défaut aux adeptes du vegan. La B12, présente dans les produits animaux (viande rouge, volaille, produits de la mer, crustacés, œufs, fromages, lait…), ne peut être synthétisée en quantité suffisanteparl’organisme.Unesupplémentationpour cesdeuxnutrimentsestsouventindispensableaprèsun bilan biologique. Laprisedeferpeutsefaireparl’absorptiondecompri- més ou via des injections intraveineuses selon les situa- tions, explique le Dr Lopez. « La voie orale est plus facile, mais plus longue, trois mois au minimum afin de reconstituerlesréserves,avecdeseffetssecondairespour un patient sur deux : douleurs abdominales, ballonne- ments, constipation ou diarrhée. » Hors maladie, la meilleure des préventions contre l’anémierestedesuivreunrégimealimentaireéquilibré etvariéricheenviande,légumes,fruits,légumineuseset produits céréaliers avec une attention accrue à certains moments clés : enfance, adolescence, grossesse. Raphaëlle Bartet La fatigue peut cacher une anémie. Fréquemment due à une carence en fer et parfois en vitamine B12, elle peut être évitée en diversifiant ses apports alimentaires. ANÉMIE Attention à l’apport en fer et en vitamine B12
  • 17. abécédaire.. 31 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020 a Q uand le sommeil fatigue… 5 à 10 % de la population serait aujourd’hui concer- néeparlesyndromeditd’apnéedusom- meil (SAS). Les hommes deux fois plus que les femmes, et, avec l’âge, le risque augmente : 30 % des plus de 65 ans en sont victimes. Et encore ne s’agit-il que des chiffres des patients pris en charge. La prévalence de la pathologie est sans doute sous-estimée car nom- breux sont les malades qui s’ignorent. De fait, il est difficile d’avoir clairement conscience d’une apnée du sommeil survenant la nuit, en plein endormissement. Des signes doivent alerter. Vous ronflez régulièrement et, en journée, vous vous sen- tez fatigué et irritable ? Il est possible que vous souf- friez de ces interruptions incontrôlées de la respira- tion, qui induisent autant de microréveils réflexes pour retrouver de l’air. Résultat : le sommeil est haché et les journées ponctuées de somnolences irré- pressibles. « Pour autant, la plupart des apnées, celles qui se répètent moins de cinq fois par heure, ne portent pas à conséquence, explique le Dr Bertrand de La Giclais,responsableducentredusommeild’Annecy- Argonay, et président du syndicat de la médecine du sommeil. En revanche, les apnées plus sévères peuvent conduire à de réelles pathologies, favoriser la fatigue chronique,maisaussil’hypertension,ladérégulationdu rythme cardiaque et l’athérosclérose (la formation de plaques sur la paroi des artères) qui augmentent les risques d’accidents cardio-vasculaires. Elles peuvent également, comme tous les troubles du sommeil, stimu- ler la prise de poids, l’apparition de troubles métabo- liques tels que le diabète, voire l’anxiété ou la dépression. Il est donc important de ne pas les laisser s’installer durablement et se développer. » L’OBÉSITÉ, CETTE ENNEMIE Pour échapper aux apnées, lutter contre l’obésité est la première des préventions. Le surpoids est un important facteur de risque des SAS : chez les hommes, chaque kilo pris peut être à l’origine de une à trois apnées supplémentaires par heure. En effet, les dépôts graisseux et l’épaississement du cou provoquent ou exacerbent l’obstruction des voies aériennes supérieures par le voile du palais. Par ailleurs, l’obésité facilite l’apparition du diabète de type 2 et tous les troubles métaboliques qui semblent encouragerleSAS.Autrerecommandation:fairedu sport pour prévenir surpoids et diabète, mais égale- ment pour muscler le voile du palais et éviter ainsi qu’il s’affaisse la nuit venue pour obstruer nos voies respiratoires. « Pour les traitements, il n’existe aucune pilule miracle », prévient le Dr Bertrand de La Giclais. La premièreétapeestderéaliserunexamenapprofondi, un enregistrement polygraphique du sommeil, explorant les fonctions respiratoires, cérébrales et cardiaques. Cet examen permettra d’évaluer l’inten- sité du syndrome et de déterminer la prise en charge adaptée.PourlesSASlégers,decinqàquinzeapnées par heure, les mesures hygiéno-diététiques – perdre du poids, faire du sport – suffisent parfois. Pour les cas plus sévères, les traitements mécaniques s’impo- sent : le port d’une orthèse buccale, un appareil amo- vible permettant d’étirer le pharynx pendant la nuit ou,pluscontraignantmaisd’uneefficacitéde100%, la ventilation en pression positive réalisée par un masque relié à une machine impulsant de l’air toute la nuit. Quant aux indications chirurgicales, elles visent à extraire les amygdales trop volumineuses ou à redresser les cloisons nasales déviées, facteurs exacerbant l’affaissement du voile du palais. « En revanche, précise le Dr de La Giclais, la chirurgie de ce voilen’estaujourd’huiplusrecommandéecarlebénéfice/ risque n’est pas favorable. » Laurent Giordano Fatigue intense, problèmes cardiaques… Les conséquences de ces interruptions nocturnes de la respiration sont délétères. Mais on peut y faire face. APNÉES DU SOMMEIL Comment les prévenir et les soigner
  • 18. abécédaire.. 32 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020 b L e burn-out est un terme dans l’air du temps, mais la description de ce syn- drome d’épuisement professionnel date du milieu des années 1970. En 1974, un psychologue et psychothéra- peute américain remarque que dans les free clinics qui s’adressent notamment aux patients en marge de la société, les soignants nouvel- lement arrivés se montrent au départ très investis dans leur travail, avant de s’épuiser et de tomber dans la désillusion. Il donne à ce phénomène le nom de burn-out, qui suggère l’image de travailleurs qui se consument. Désormais, déplore Alain Bergeret, professeur émérite à l’université de Lyon, le terme est si populaire qu’il est parfois utilisé à tort et à tra- vers. Il est néanmoins à prendre très au sérieux, explique ce spécialiste de la médecine du travail : «Cesyndromen’estpasconsidérécommeunemaladie dans les classifications de référence. Mais il peut être lourd de conséquences sur la santé, en exposant notamment au risque de dépression. » Nombre d’études se sont attachées à le décrire. Le burn-out se traduit à la fois par des manifestations physiques (fatigue, maux de tête, tensions muscu- laires…) affectives (perte de confiance en soi, irrita- bilité…), cognitives (difficultés de concentration…) etcomportementales(replisursoi,démotivation…). Dans les années 1990, le syndrome n’est plus consi- déré comme spécifique au milieu médico-social et, aujourd’hui, le burn-out concerne toutes les profes- sions,manuellesetintellectuelles.Ilestdéfinicomme un épuisement physique, émotionnel et mental, avec pour point de départ un investissement prolongé dans une situation de travail exigeante sur le plan émotionnel. « Ça commence souvent avec l’impression d’être vidé, commente le Pr Bergeret. Puis on va se désinvestir de son travail, et pour finir, le processus va déborder du cadre professionnel, avec une diminution de ce que l’on nomme l’accomplissement personnel, c’est-à-dire l’intérêt pour la vie. » Le médecin le souligne : « C’est un épuisement, et il y a donc à la fois une question de temps et d’engage- ment : le burn-out ne peut pas survenir lorsque l’on vient de prendre ses fonctions dans un nouveau poste, ni avec un travail que l’on fait en dilettante. » Et il pointe, par ailleurs, l’importance conjuguée du contexte et de la personnalité. D’après le document de la Haute Autorité de santé portant sur le repérage et la prise en charge du burn-out, il y aurait au moins six catégories de facteurs de risques liés au travail : les exigences au travail, les exigences émotionnelles, le manque d’autonomie et de marges de manœuvre, les mauvaises relations avec les collègues, les conflits de valeur, l’insécurité de l’emploi. Mais la HAS met aussi en exergue les risques liés à la personnalité, notamment l’instabilité émotionnelle et le caractère consciencieux. HAUSSE DU MAL-ÊTRE CHEZ LES SOIGNANTS Combien de personnes sont concernées ? « On n’en a pas une idée précise, parce qu’il ne s’agit pas d’une maladie déclarée, et l’on ne peut donc pas avoir de retour comme, par exemple, les notifications des affections longue durée », indique Alain Bergeret. D’après une étude conduite voilà cinq ans par l’Ins- titut de veille sanitaire à partir des données issues du Programme de surveillance des maladies à caractère professionnel (MCP), la part du burn-out représen- tait près 7 % des troubles psychiques rapportés par les médecins du travail en 2012 (6,7 % chez les femmes, et 7,3 % chez les hommes). Sachant que 480 000 salariés français étaient alors suspectés de souffrance psychique liée au travail, il y aurait donc eu 30 000 cas de burn-out. Cependant, les cher- cheurs ont noté une tendance à la hausse sur les six années de suivi, tout en soulignant les difficultés à repérer ce trouble. En 2020, le nombre de cas est Perte de sens, surmenage, conflits… Le travail peut rendre malade. L’écoute et parfois les médicaments peuvent aider les personnes en souffrance. BURN-OUT Quand le travail épuise BON À SAVOIR ● D’après une enquête menée en 2010 auprès de 25 000 ménages, 19 % des salariés déclarent man- quer de reconnaissance professionnelle, 15 % sont exposés à un travail exigeant et intensif, 13 % souf- frent d’un manque de reconnaissance et de rela- tions de travail difficiles, et 9 % sont surexposés en cumulant plusieurs facteurs de risque. ● Après un arrêt pour bu rn-out, le salarié doit préparer sa reprise avec le médecin du travail, notamment en vue d’aménage- ments ou d’adaptations du poste de travail. ● Responsable de campagne de prévention et de formation en entreprise, l’association Stop burn-out reçoit les particuliers une fois par semaine : la crise de la Covid-19 l’a amenée à mul- tiplier le nombre de ses permanences par trois (et à les transformer en consultations à distance).
  • 19. abécédaire.. 33 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020 L’épuisement professionnel a un impact négatif sur la santé. Il est associé aux troubles anxieux et dépressifs, mais aussi à des problèmes cardiaques certainement plus important, d’autant que, suite à la pandémie de Covid-19, il est probable que la ten- dance soit clairement à la hausse chez les soignants. Lesprofessionsmédicalesetparamédicalessonttou- jours à risque élevé. En 2008, une enquête avait été menée auprès de 1 400 médecins de famille de 12 pays d’Europe. 43 % d’entre eux étaient en épuise- ment émotionnel, 35 % désinvestis, et 32 % en étaient à la phase de faible accomplissement personnel. SUIVI DES RISQUES PSYCHOSOCIAUX Le burn-out a un impact fortement négatif sur la santé : on le sait associé aux troubles anxieux et dépressifs – qu’il y ait ou non des antécédents –, mais aussi à des troubles du sommeil ou à des problèmes d’alcool ou encore à une prévalence plus importante de maladies cardio-vasculaires ou de troubles musculo-squelettiques. Il importe donc d’en repérer au plus vite les signes avant-coureurs. « La personne qui en souffre ne s’en rend pas toujours compte, et sachant qu’a priori, elle a un travail qui lui plaît, ses proches risquent également de ne pas s’en apercevoir », explique Alain Bergeret. Quant aux entreprises, le médecin du travail et son équipe sont précisément chargés de surveiller tous les risques auxquels sont exposés les salariés (qu’ils soient physiques, chimi- ques ou psychosociaux). Et dans leur suivi médical des employés, ils doivent, en principe, détecter diffé- rents indices : manque d’énergie au travail, pro- blèmes de concentration, humeur variable, tendance à se dévaloriser, etc. Enfin, des associations comme Stop burn-out (SBO) peuvent aider les personnes en souffrance : « Elles ont besoin d’être écoutées et com- prises », remarque Margareth Barcouda, présidente et fondatrice de SBO. La prise en charge impose généralement un arrêt de travail, et peut, selon les symptômes,nécessiterlaconsultationd’unpsychiatre et un traitement médicamenteux. Mais au-delà de l’individu, c’est le poste et les conditions de travail qui devront faire l’objet d’un diagnostic, pour éviter que le burn-out ne consume d’autres salariés. A. L.-B.
  • 20. abécédaire.. 34 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020 c L enombred’étudesscientifiquessurles effets santé du café est à la hauteur de sa consommation : colossal. Mais les résultats sont souvent contradictoires et controversés. Son action stimu- lante, en revanche, fait quasiment l’unanimité : il est établi que le café permet d’aug- menter la vigilance, la concentration et aide à lutter contre la somnolence et l’endormissement. Des étu- des ont également démontré qu’une consommation modérée de caféine, le composé psychoactif du café, améliorait certaines fonctions cognitives comme la mémoire. L’armée américaine a d’ailleurs mis en application le fruit de ces recherches en fournissant àsestroupesenIrakunchewing-gumquidélivreune dose de 200 mg de caféine. Les soldats en mission de nuit avaient pour consigne d’en mâcher toutes les deux heures, de 3 à 7 heures du matin… La caféine agit sur le cerveau en passant la barrière hémato-encéphalique. Elle vient se loger sur des récepteursdescellulesnerveuses,ceuxsurlesquelsse fixe normalement un neuromédiateur bien connu des scientifiques, l’adénosine. Ce dernier ne peut alors plus jouer son rôle de frein de l’activité neuro- nale en induisant notamment de la somnolence. Sans ce frein, le cerveau s’active, la vigilance et d’autres capacités cérébrales se déploient. La caféine stimule également l’hypophyse, une glande neurohormonale, qui sécrète alors davantage d’hor- mones agissant sur les glandes surrénales qui pro- duisent à leur tour de l’adrénaline, l’hormone du stress. Quand l’organisme est agressé, c’est cette substance qui permet de se préparer au combat ou à la fuite en mobilisant, notamment, les réserves éner- gétiques. Ainsi, chaque café délivre une petite dose d’adrénaline, puis d’énergie rendant le cerveau et les muscles plus performants. Le café est-il pour autant l’antifatigue idéal ? Tous les médecins ne sont pas de cet avis : « Il est vrai que la caféine agit sur le cerveau, commente le Dr Laurent Chevallier, nutritionniste au CHU de Montpellier, mais de nombreuses études épidémiolo- giques et cliniques sur le café sont à prendre avec des pincettes. Qui les commande ? Qui les finance ? En réalité, je l’ai bien souvent constaté, et des études l’ont montré, le café peut avoir un effet inverse de celui recherché. Beaucoup de gens sont stressés et/ou ont un sommeil fragile ; or, bien souvent, les effets excitants du café aggravent ces problèmes et donc leur fatigue. D’autres travaux scientifiques prouvent que l’excès de café peut avoir un effet diurétique et donc, potentielle- ment, favoriser la déshydratation, tout en favorisant les carences en fer, deux facteurs pouvant fatiguer. Pour compenser, certaines personnes ont tendance à augmenter les doses et renforcent ces complications. » ATTENTION À LA TASSE D’APRÈS LE REPAS DU SOIR Maisalors,quelleestladoseànepasdépasser ?Tout dépend de son état de santé : si on est stressé, anxieux, sujet aux troubles du sommeil, une tasse ou deux au maximum, et jamais dans les quatre heures qui précèdent le coucher. « Quant aux hypertendus et ceux qui ont des problèmes cardiaques, ils doivent s’en priver, insiste le Dr Chevallier, il est aberrant que cer- taines personnes ingurgitent de la caféine, qui bien souvent accélère le rythme cardiaque, alors qu’elles prennent tous les jours des bêtabloquants afin de le ralentir. Mieux vaut leur conseiller le décaféiné. » Et pour les autres ? L’important est d’être à l’écoute de son corps et d’ajuster selon son ressenti car nous ne sommes pas tous égaux face à la caféine, ni pour son pouvoir stimulant ni pour ses effets délétères. L. G. Il est efficace, assurément. Mais selon sa génétique et son profil santé, il faut savoir modérer son goût pour le café. CAFÉ Un petit noir stimulant
  • 21. abécédaire.. 35 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020 c I ls n’osent pas toujours en parler. Et pourtant, les malades atteints de cancer doivent très souvent faire face à une fatigue qui affecte fortement leur qualité de vie. « Sa prévalence dans les cancers, variable en fonction des étu- des, des outils de mesure utilisés et des types de traitement est estimée entre 25 et 99 % », relève l’Insti- tutnationalducancer(Inca)dansunrapportportant sur la vie cinq ans après le diagnostic d’un cancer. Ses causes sont multiples. Elle dépend évidemment de la maladie elle-même et de son évolution ou encore des traitementsetdeleursconséquences.Ainsi,lecontre- coup d’une chirurgie, d’une anesthésie, les effets des rayons ou de la chimiothérapie peuvent générer de la fatigue. Mais celle-ci est aussi liée à des facteurs aussi variés que l’âge, le sexe, le statut marital, le niveau socio-économique ou encore les facteurs psycholo- giques et les troubles sous-jacents comme la dépres- sion et le stress. STRATÉGIES ANTIFATIGUE La fatigue peut être présente lors du diagnostic de cancer. Elle peut s’aggraver au cours du traitement et peut persister des mois, voire des années après la fin de celui-ci. « Dans le cancer du sein, une étude de cohorte (sur un grand nombre de malades) a montré que si 23 % des patientes sont sévèrement fatiguées au moment du diagnostic, elles sont 32 % à l’être jusqu’à quatre ans après le traitement », explique le Dr Ines Vaz-Luis, cancérologue à l’institut Gustave-Roussy à Villejuif. Dans l’étude de l’Inca citée plus haut, ce sont même 48,7 % des participants qui décrivent une fatigue cliniquement significative cinq ans après le diagnostic d’un cancer. Toutes ces malades ne sont pas logées à la même enseigne. Les femmes de moins de 50 ans ne vivant pas en couple, ayant des enfants à charge sont particulièrement concernées. Et les conséquences sont lourdes, en termes de qualité de vie, mais aussi de chances de guérison. « Cette fatigue peut être très impactante. Dans le cancer du sein, elle est notamment responsable d’une moins bonne adhé- sion à l’hormonothérapie. Elle peut également jouer un rôledanslanon-reprised’uneactivitéprofessionnelle», souligne le Dr Ines Vaz-Luis. Iln’existepasdetraitementstandardpourprendreen charge la fatigue liée au cancer. Le premier point est d’identifiercequipeutêtreprisenchargepardestrai- tements efficaces. Les causes médicales, notamment, par exemple, l’anémie, diminution des globules rouges et donc de l’apport d’oxygène aux tissus, est présente chez de nombreux patients sous chimio- thérapie. Quant à la fatigue sans cause médicale à corriger, les données de la science sont désormais for- melles : le meilleur moyen de lutter contre la fatigue liée au cancer est de pratiquer une activité physique. « C’est vraiment contre-intuitif pour les patients qui pensent plutôt, je suis fatigué, je vais me reposer. Pour- tant, l’activité physique a fait ses preuves pour lutter contre l’épuisement dans le cancer », constate Ines Vaz-Luis. De nombreuses études ont, en effet, prouvé les bienfaits de l’activité physique et sportive. Et ce, quel que soit le moment de la prise en charge, c’est-à- dire pendant ou après les traitements, et quel que soit le stade du cancer. Pendant la phase de traitement, l’activité physique doit cependant être pratiquée sous la surveillance de personnes spécialement formées afind’êtreadaptéeàl’étatdumalade.Unefoislestrai- tements terminés, il s’agit de poursuivre une activité physique modérée régulière, comme la marche à pied pendant quarante-cinq minutes chaque jour. « Les thérapies cognitivo-comportementales peuvent égale- mentapporteruneaidecarellespermettentdebâtirdes stratégiesindividualiséespourluttercontrelafatigue», conclut le Dr Ines Vaz-Luis. Anne Prigent Contrairement à une idée reçue, il est possible de soulager l’épuisement chez les patients atteints de cancer. Et d’abord, en proposant une activité physique adaptée. CANCER Gérer la fatigue de la maladie et des traitements
  • 22. abécédaire.. 36 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020 c B ien connue des navigateurs en solitaire et des usagers réguliers de la route, la somnolence au gouvernail ou au volant peut s’avérer dangereuse… Voire tuer ses victimes sans qu’elles puissent réagir. « Dans la mythologie, Ulysse écoutant le chant des sirènes est en proie à des hallu- cinations hypnagogiques, celles-là mêmes qui sur- viennent lors de l’endormissement », expose le Dr Marc Rey, neurologue et président de l’Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV). Sur la route, et plus particulièrement l’autoroute, la somnolence est impliquée dans près d’un accident mortel sur cinq. Mais pourquoi s’endort-on au volant ? Plusieurs facteurs de risque l’expliquent, dont la privation chronique de sommeil, en haut de l’échelle.Onretrouve,loinderrière,lespathologiesdu sommeil,commelesyndromed’apnéeobstructiveou la narcolepsie. La prise de médicaments n’est pas non plus anodine. Gare aux hypnotiques sédatifs, anti- histaminiques, antipsychotiques, aux antalgiques et dérivés de morphine et d’opiacés ! « La présence de pictogrammessurlesboîtespermetd’indiquerlerisque de somnolence. Mais il faut aussi savoir que tout nou- veau traitement peut induire de la somnolence par des effets que l’on comprend mal », précise le président de l’INSV. En cas d’initialisation d’un traitement médi- cal, mieux vaut s’abstenir de prendre le volant… au moins les premiers jours. À l’inverse, certains médi- caments empêchent de dormir et peuvent para- doxalement être à l’origine d’une dette de sommeil et donc d’un endormissement sur la route. Certains signes précurseurs ne trompent pas. Bâille- ments, picotements des yeux ou sensations de pau- pières lourdes et engourdissement sont autant de messages envoyés par l’organisme. « Mais l’endor- missement est parfois très brutal, en particulier, lors- que l’on est presque arrivé », explique le Dr Rey. « Beaucoup d’automobilistes luttent contre le som- meil et piquent du nez au volant lors des derniers kilomètres. » D’où l’extrême importance de s’arrêter avant, plutôt que d’accélérer, un réflexe malheureu- sement courant. Comme les routiers et conducteurs professionnels le pratiquent, une pause s’impose toutes les deux heures, « un seuil au-delà duquel l’attention n’est plus optimale », selon le président de l’INSV. L’idéal ? Dormir, mais un temps très court. « Une sieste de dix minutes suffit à restaurer les systè- mes d’éveil lorsqu’ils ne peuvent plus fonctionner cor- rectement. » Boire du café est une bonne idée, mais àconditiondel’associeràunpetitsomme,pourqu’il puisse avoir le temps de faire effet. Attention aux creux de vigilance vers 2 ou 3 heures du matin et après le déjeuner ! La somnolence est accrue, quel que soit le menu. Avant de prendre le volant, la nuit, le Dr Rey conseille de faire une sieste dans la journée et de s’exposer à la lumière bleue. ALERTES EMBARQUÉES Différents dispositifs d’alerte embarqués à base d’appareils connectés et capteurs ont fait leur appa- rition dans l’habitacle pour indiquer la somnolence. De la caméra à reconnaissance faciale, qui indique si les yeux se ferment, à la bague de mesure d’activité électrodermale du conducteur, les constructeurs rivalisent d’imagination pour prévenir le conducteur dès que son attention se relâche. Mais rien ne rem- place le bon sens. « Chaque personne qui prend la route devrait connaître ses besoins de sommeil pour savoir quand la privation se fait sentir, et détecter les moments où elle est susceptible de s’endormir plus facilement », souligne le Dr Rey. De nombreuses campagnesdesensibilisationsontorganiséeschaque année. La dernière en date ? Un concours photo sur Instagram : #onpausepourlapause. Autant de moyens efficaces pour rappeler que s’endormir au volant peut tuer. R. B. Aussi dangereuse que le cannabis et l’alcool, la somnolence au volant tue. Conseils pour éviter les risques et ne pas se surestimer. CONDUITE Mortelle somnolence au volant
  • 23. abécédaire.. 37 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020 c L a Covid-19 ou le virus d’une fatigue extrême, hors norme comme le disentsouventlesmalades.Lamala- die à coronavirus 2019, d’abord signalée en Chine avant de se propa- ger en Europe, en Amérique, et dans le monde entier, est pourtant, la plupart du temps, bénigne : 80 à 85 % des personnes contaminées ne développant que peu ou pas de symptômes. Quand ces derniers apparaissent, on note près de neuf fois sur dix de la fièvre ou une sensation de fièvre (fris- sons, chaud-froid), sept fois sur dix une toux sèche, quatre fois sur dix une fatigue, signes auxquels il convient d’ajouter une perte passagère de l’odorat (anosmie). Dans 5 % des cas, des difficultés respira- toires sévères peuvent nécessiter une hospitalisation en réanimation, voire conduire au décès. Sans en arriver là, certains symptômes persistent ou réapparaissent plusieurs mois après une apparente guérison. Dont la fatigue… « Elle concerne d’abord despersonnesayantpasséplusieurssemainesenréani- mation en étant intubées, ventilées, sédatées. Avec leurs muscles fondus, elles ont beaucoup de difficulté à récupérer », commente Dominique Salmon-Ceron à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu de Paris. Mais ces patients sévèrement atteints ne sont pas les seuls à souffrir de fatigue intense. « À l’hôpital de l’Hôtel- Dieu, centre de dépistage de la Covid-19, nous avons été surpris de revoir des gens qui avaient eu une forme légère ou modérée de la maladie venir consulter un ou deux mois après le premier prélèvement, pour les mêmessymptômesoupourdenouveauxsymptômes.» UNE FATIGUE INTENSE QUI OBLIGE À S’ALITER Alors que, pour ces patients, un nouveau test PCR se révélait le plus souvent négatif, force a été de constater qu’ils présentaient tout un panel de symp- tômes, et tout d’abord, une fatigue plus ou moins handicapante pouvant les obliger à s’arrêter de tra- vailler, voire à rester alités. Ensuite, des douleurs thoraciques avec une sensation de poids sur la poi- trine, et le cœur battant trop vite (tachycardie) au repos – des symptômes que l’on a parfois pu attri- buer à une péricardite (inflammation de la mem- brane recouvrant le cœur) ou une myocardite (inflammation du muscle cardiaque), sans savoir si les douleurs en question étaient dues à l’infection première ou étaient apparues lors du second Même touchés par des formes légères à modérées, les malades de la Covid-19 peuvent rester des semaines et des semaines très fatigués. Et risquent un syndrome de fatigue chronique. COVID-19 Un virus exténuant épisode. Enfin, ont aussi été repérés divers troubles neurologiques : fourmillements et brûlures, cépha- lées, carences de l’attention et de la mémoire immé- diate, difficultés de concentration ou encore récidive de l’anosmie. « Clairement, il ne s’agit pas de malades imaginaires », commente le Dr Salmon-Ceron, citant notamment l’exemple de patients maîtrisant auparavant plusieurs langues et n’en parlant plus qu’une ou deux. « Nous avons plusieurs hypothèses, dont celle d’un état postinfectieux se rapprochant du syndrome de fatigue chronique », explique Dominique Salmon-Ceron. De fait,àl’instardupsychiatreHarveyMoldofsky,duCen- tre de recherche sur le sommeil et la chronobiologie de l’université de Toronto (Canada), des scientifiques ont prédituneflambéedescasdeSFCàlasuitedelapandé- mie de Covid-19. Les Canadiens se fondent sur l’expé- rience du passé : pendant l’épidémie de Sras de 2002- 2003, induite par un virus de la même famille que celui delaCovid-19,quelque273personnesavaientétéconta- minées à Toronto. Et trois ans après, un certain nombre d’entre elles se plaignaient de troubles du sommeil, de fatigue, de courbatures et de faiblesse musculaire. L’équipeduPrMoldofskyavaitalorsconduituneétude surunevingtained’entreelles,etavaitfaitl’hypothèsedu syndromedefatiguechronique–qu’elles’attenddésor- mais à observer chez les patients post-Covid-19. _u
  • 24. abécédaire.. 38 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020 L’épuisement durable des malades Covid serait dû à un état postinfectieux proche du syndrome de fatigue chronique « Leurs symptômes pourraient aussi s’expliquer dans un petit nombre de cas par la persistance du virus dans des organes que nous n’aurions pas encore identifiés, ou par une réponse immunitaire insuffisante qui per- mettrait au virus de continuer à se multiplier, mais cela nous semble peu probable », indique le Dr Salmon- Ceron. Pour en savoir davantage, plusieurs études ont été lancées en France. L’une d’elles vient d’être publiée dans la revue Journal of Infection : elle montre sur un petit nombre de patients que les rechutesdesymptômespeuvents’accompagnerdela persistance de virus. L’étude Covidorl va, quant à elle, chercher à expliquer la persistance de l’anosmie et tester sur une centaine de personnes l’efficacité de lavages de nez aux corticoïdes. SÉANCES DE RÉADAPTATION Enfin, un vaste observatoire se met en place sur le plan national pour décrire plus précisément la répar- tition de ces symptômes résurgents, le profil des pa- tients et leur évolution, tout en cherchant à trancher entre les différentes explications (réponse immuni- taire insuffisante ou inadaptée, virus encore présent, terrain particulier). «Nousavonsl’impressionquecesrechutesnetouchent qu’un petit pourcentage de patients, mais c’est à véri- fier », précise le Dr Salmon-Ceron. Concernant la prise en charge de cette nouvelle maladie, on sait que BON À SAVOIR ● L’appellation de coronavirus se réfère à la formedupathogène:unecapsuleenprotéinesavec des pointes en forme de couronne. Le Sars-CoV-2 est responsable de la maladie Covid-19. ● Les symptômes de la Covid-19 peuvent appa- raître après un temps d’incubation de 7 à 14 jours, mais des durées plus longues allant jusqu’à 28 jours ont été rapportées. ● Le Sars-CoV-2 est bénin dans une majorité de cas, mais quand les symptômes se déclenchent, l’âge et les comorbidités assombrissent considé- rablement le pronostic. nous ne disposons pour l’heure d’aucun traitement spécifique, qu’il s’agisse des débuts de l’infection ou de ses suites. « On peut prescrire de l’aspirine, s’il y a une péricardite, ou bien des vitamines, mais ce que l’on propose surtout aux patients post-Covid, c’est de faire de l’exercice de façon très progressive, en restant tou- jours en deçà des capacités maximales. » Reste à savoir combien de temps ces séances de réadaptation devront être pratiquées. « A priori, les symptômes de ces malades au long cours évoluent par poussées, les- quelles ont tendance à s’espacer et à devenir moins for- tes, souligne le Dr Salmon-Ceron, alors, on espère qu’au fil du temps elles disparaîtront, comme cela arrive avec le SFC. » A. L.-B.
  • 25. abécédaire.. 39 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020 d P our tout un chacun, une personne dépressive est avant tout une personne triste qui broie du noir. On sait moins que la dépression entraîne très souvent une perte de l’élan vital associée à une fatigue intense et à un manque d’éner- gie.«Cesontdespatientsquinousdisent:“Leschoses que je faisais très bien avant me demandent aujourd’hui un énorme effort” », explique le Dr Guillaume Fond, psychiatre à l’hôpital de la Conception à Marseille, auteur de Je fais de ma vie un grand projet, aux Éditions Flammarion. La fatigue du déprimé est à la fois physique et psy- chique. Les malades se plaignent notamment d’une lenteur de pensée et de difficultés de concentration. « Quand je suis comme ça, je suis complètement amorphe. Je peux rester immobile pendant des heures, scotché devant la télé sans même suivre ce qui s’y passe.Incapabledebouger.Incapabledefairequoique ce soit », témoigne Bertrand, 32 ans sur le site Info- dépression.fr. Cette baisse d’énergie peut être aggra- vée par les troubles du sommeil qui accompagnent fréquemment un état dépressif : insomnie en fin de nuit ou encore réveils à répétition. Cette incapacité à agir est souvent difficile à com- prendre par l’entourage car elle n’a aucune cause apparente : ni surmenage ni activité physique intense. Or, contrairement à une idée encore large- ment répandue, il ne suffit pas de « se secouer » pour retrouver de l’énergie et voir s’envoler la fatigue. La dépression est une maladie qui n’a rien à voir avec un «petitpassageàvide».C’estunepathologiepsychia- trique potentiellement grave, et très fréquente en France. Elle touche environ 2,5 millions de person- nes par an. Au total, on estime qu’environ 17 % de la population souffrira d’un épisode dépressif au coursdesavie.Environ70%enguériront,maiscette maladie demeure la cause principale de suicide et d’invalidité. Comment faire face à ce trouble mental complexe dontl’apparitionestliéeàlafoisàl’hérédité,auxévé- nements de la vie, ainsi qu’à l’environnement de vie ? S’il est impossible de modifier son patrimoine géné- tique,ilest,enrevanche,possibledeveilleràseshabi- tudes de vie. « On sait, par exemple, que l’alcool mais aussi le tabac sont des facteurs qui augmentent le ris- que de survenue d’une dépression. L’une des actions de ces toxiques est notamment d’augmenter l’inflammationencausedansletiersdesdépressions», explique le Dr Guillaume Fond. PENSER À LA VITAMINE D À l’inverse, prendre soin de son sommeil, de son ali- mentation et pratiquer une activité physique peuvent avoir un effet protecteur. L’activité physique, par exemple, stimule la production de neurotransmet- teurs. Elle serait même aussi efficace que les médicaments antidépresseurs chez les personnes atteintes de dépression légère à modérée, rappelle la Haute Autorité de santé. Côté alimentation, le régime méditerranéen a montré son efficacité. Il diminue de 30%lerisquededépression.«C’estunrégimeauxpro- priétés anti-inflammatoires. Notamment parce qu’il est richeenpoissongras,sourced’Oméga3quiontfaitleurs preuves dans le traitement de la dépression », souligne le DrGuillaume Fond. Le psychiatre pointe égale- mentlesbienfaitsdelavitamineDpourprévenir,mais aussi prendre en charge les dépressions. « Aujourd’hui, onnedevraitplusprescrired’antidépresseurssansadmi- nistrer de vitamine D et d’oméga 3 en même temps », estime-t-il. Une approche encore marginale chez les psychiatres. A. P. La fatigue du déprimé est physiologique autant que psychique. En plus des soins, une activité physique adaptée et une bonne alimentation protègent et permettent d’aller mieux. DÉPRESSION L’accablement d’être soi
  • 26. abécédaire.. 40 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020 d E n période d’examen, de surcharge de travail, de stress, certains abusent du café ou des boissons énergisantes, d’autres de médicaments stimulants, voire de stupéfiants pour être le plus performants possible. Le point commun de ces substances est leur action psycho- stimulante. Caféine, taurine, méthylphénidate, cocaïne ou amphétamines… agissent sur le cerveau et ont la réputation d’augmenter la vigilance, la mémoire ou encore la concentration. Une étude de l’Inserm en 2016 a montré qu’un tiers des étudiants en médecine utilisait ces substances : 30 % de produits en vente libre (boissons énergi- santes, comprimés de caféine) ; 7 % de médicaments sur ordonnance et 5 % de drogues illicites. Parmi les médicaments, on trouve le Modafinil, le médica- ment antisommeil prescrit en cas de narcolepsie, ainsi que le Méthylphénidate, plus connu sous le nom de Ritaline, administré aux enfants hyperactifs avec troubles de l’attention. Selon l’Agence natio- nale de sécurité du médicament, le nombre d’utilisa- teurs pour ce dernier produit a augmenté de plus de 20 % entre 2008 et 2014. EFFET PLACEBO TRÈS IMPORTANT Mais que sait-on réellement des propriétés anti- fatigue de ces molécules ? « Elles ont été évaluées pour des indications médicales particulières. Aucun travail scientifique n’a permis de vérifier si elles stimu- lent vraiment l’intellect chez des sujets en bonne santé, explique le Pr Olivier Saint-Lary, président du conseil scientifique du Collège national des généra- listes enseignants. Il faut ajouter que l’effet placebo des psychostimulants est très important et peut s’accroître si la substance est difficile à obtenir. Enfin, il faut regarder de près les promesses : beau- coup d’éléments concordent sur l’effet de la caféine ou du Méthylphénidate sur la vigilance avec des utilisateurs qui disent rester concentrés plus long- temps. Mais rien ne dit que leur utilisation facilite les apprentissages ou améliore les résultats. Seposeégalementlaquestiondelasécuritéd’utilisa- tion. Le rapport bénéfice-risque est très hétérogène en fonction des substances. La caféine est la subs- tance qui s’en sort le mieux avec peu d’effets indési- rables, une légère tachycardie en cas de consomma- tion excessive, à plus de trois ou quatre tasses par jour, mais « au fond, c’est un très bon produit le temps d’une révision, d’une réunion ou encore au volant », estime le Pr Jean-Dominique de Korwin, médecin interniste au CHRU de Nancy, vice-président de la Fédération des spécialités médicales. Le bilan est moins positif pour les deux médicaments, Modafinil et Méthylphénidate. Le premier peut permettre de sauter une nuit, mais augmente donc considérable- ment la dette de sommeil, ce qui peut déclencher cer- tains troubles psychiatriques. Il y a, par ailleurs, des effets indésirables : arythmie, tachycardie, maux de tête, vertiges, troubles de l’humeur, dépendance. Quant au Méthylphénidate, il est associé à des acci- dents cardio-vasculaires, hypertension, voire accident vasculaire cérébral. En outre, en modifiant l’état de vigilance habituel et le fonctionnement psy- chique, tous deux sont susceptibles d’altérer les capacités réelles au moment d’un examen ! « Ces risques existent et doivent être connus même s’ils sont modérés pour des utilisations ponctuelles chez des jeunes en bonne santé », tempère Jean-Dominique de Korwin. Enfin, concernant les drogues illicites, le risque de dépendance est bien connu, et la cocaïne entraîne un risque d’accident cardio-vasculaire immédiat. « Ces produits sont des dérivatifs qui ne résolvent en rien les problèmes de gestion du stress et d’hygiène de vie. Il est nécessaire de préserver sa santé physique et psychique », avertit Jean-Dominique de Korwin. Aude Rambaud Certaines substances licites ou illicites ont la réputation d’augmenter les performances cognitives. Le bénéfice est incertain et les effets indésirables potentiellement sérieux. DOPANTS Les effets délétères des psychostimulants
  • 27. abécédaire.. 41 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020 ● Les LED, qui assurent le rétroéclairage dans les écrans des ordinateurs, tablettes et smartphones, ont des luminances très faibles et ne présentent donc pas de risque pour la rétine, d’après la Société française d’ophtalmologie. Mais leur lumière bleue est, en revanche, nocive pour le sommeil. ● Nous clignons des yeux en moyenne 5 fois par minute devant un ordinateur, contre 12 dans la vie courante. ● Ilestrecommandédeprendreunepausevisuelle de 20 secondes toutes les 20 minutes en regardant au loin par la fenêtre pour prévenir la fatigue visuelle, mais aussi de bouger a minima 5 minutes toutes les heures pour empêcher la survenue de troubles musculo-squelettiques. BON À SAVOIR _u e J ours et nuits, les écrans sont omniprésents. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel remarque, par exemple, que, si le taux d’équipement en téléviseurs est de 93,1 %, « plusieurs écrans alternatifs permettent une certaine flexibilité dans l’accès aux conte- nus : en premier lieu l’ordinateur (85,6 % des foyers), puis le smartphone (75 % des 11 ans et plus) et enfin la tablette (48,2 % des foyers) ». Voilà pour la maison. Au travail, au moins deux Français sur trois utilisent un ordinateur, dont certains durant plus de sept heures par jour : la dernière enquête menée par le ministère du Travail note que c’est le cas pour 13,4 % des salariés. Comme le souligne Laurent Kerangueven, ergonome à l’Institut national de recherche et de sécurité, « un tel usage des écrans n’est pas sans effets sur la santé : on observe de la fatigue visuelle, psychique et physique, des douleurs dans le bas du dos, les cervicales ou les épaules ». Cependant, toute une série de bonnes pratiques sont applicables pour minorer les problèmes. La première d’entre elles consiste naturellement à s’accorder des pauses, et à lâcher l’écran des yeux : la fatigue visuelle est un phénomène réversible qui disparaît avec le repos. Ses symptômes sont assez faciles à repérer : une vue qui se trouble, des diffi- cultés à passer d’une vision rapprochée à une vision de loin, mais aussi les yeux qui deviennent rouges, secs ou qui piquent, voire des éblouissements, des paupières lourdes, des maux de tête… « S’il n’a pas été démontré que travailler sur écran déclenche des pathologiesvisuelles,onsait,enrevanche,quecelapeut révéler des défauts visuels préexistants, raison pour laquelle il faut consulter un ophtalmologue quand on ressent ces symptômes », commente Laurent Keran- gueven. Le cas échéant, il convient de choisir les moyens de correction visuelle appropriés, en tenant compte de l’activité professionnelle. Mais qu’il y ait ounonunproblèmedevue,ils’agitaussid’intervenir sur le poste de travail, pour minimiser les risques. ATTENTION À L’IMPLANTATION DU MONITEUR « On doit aussi tenir compte de l’environnement lumi- neux autour de l’écran, pour éviter les contrastes trop importants », poursuit l’ergonome. Il s’agit ici de limiterletravaild’adaptationdel’œilàlaluminosité, mais aussi de réduire le risque d’éblouissement. De ce point de vue, il convient de veiller à l’implantation de son écran par rapport aux sources de lumière, faute de quoi, on s’expose à d’inconfortables reflets rendant la lecture difficile. « Mieux vaut s’éloigner des fenêtres, et en tout cas, éviter de placer l’écran dos Vision floue, yeux qui piquent, maux de tête, coup de barre… Ces symptômes nous menacent à force de rester trop longtemps les yeux rivés sur un écran. ÉCRANS Attention à la fatigue visuelle et mentale
  • 28. abécédaire.. 42 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020 Adoptons et faisons adopter aux enfants de bonnes pratiques : s’accorder des pauses, lâcher l’écran des yeux, choisir le bon éclairage ou face à elles. Il faut préférer la position perpendi- culaire, tout en équipant les fenêtres de stores renvoyant une partie de la lumière sur le plafond », explique Laurent Kerangueven. « Mais aussi ne pas se mettre juste au-dessous d’une source d’éclairage artificiel » et éviter toute source de lumière dans le champ visuel. Des filtres antireflet sont bienvenus, d’autant que certains écrans, notamment sur les tablettes et smartphones, se comportent comme de véritables miroirs… UN RISQUE DE SÉCHERESSE OCULAIRE Autres paramètres à surveiller de près : la taille de l’écran, sa résolution, sa distance par rapport à l’œil. En pratique, on préconise de 50 à 80 cm de distance, selon la taille du moniteur. Mais il convient égale- ment de se montrer vigilant quant à l’aménagement du poste de travail, et surtout le positionnement de l’écran par rapport au clavier et aux documents consultés. S’ils sont trop éloignés, « le muscle ciliaire est fortement sollicité quand le regard passe fréquem- ment d’une zone à l’autre », note l’ergonome François Cail. Enfin, la position de l’écran par rapport aux yeux joue également. Car plus on regarde vers le haut, moins on cligne des yeux et plus l’évaporation lacrymale est importante, d’où le risque de sécheresse oculaire qui « peut considérablement altérer la qualité de vie, en particulier si la cornée est abîmée », d’après le Pr Christophe Baudoin, de l’Ins- titut de la vision à Paris. Il est donc recommandé de placer le haut du moniteur à l’horizontale des yeux (et plus bas avec des lunettes à verres progressifs). D’autant que, selon les tâches à effectuer, le cligne- ment des yeux est encore réduit par l’usage intensif de la souris et par la focalisation sur son pointeur. Le travail sur ordinateur est également à l’origine de stress et de fatigue psychique. Les troubles sont parti- culièrement présents en cas de travail répétitif de saisie, lors de la prise en main d’un nouveau logiciel, lorsque la cadence est imposée par l’ordinateur, ou encore, quand on est sollicité en permanence sans pouvoirfairedepausementaleaucoursdelajournée. Une situation qu’ont vécue beaucoup de gens pendant la période de confinement et de télétravail imposéeparlapandémiedeCovid-19.«Letélétravail a fortement augmenté le temps passé par certains sala- riés devant l’écran, fait remarquer Laurent Kerangueven. Dans une journée de travail normale au bureau, il y a alternance des temps sur écran, des temps de réunion, des temps passés au téléphone, des temps d’échange informel avec les collègues. Alors qu’en télé- travail, la grande majorité des tâches s’effectue devant l’écran. » De fait, le confinement a accru le temps d’écran – tant chez les actifs que chez les étudiants et lesenfants.Ilresteàespérerquechacunaurasuentirer desleçonspourgéreraumieuxsonorganisationetson seuil de sensibilité à la fatigue sur écran. A. L.-B.
  • 29. abécédaire.. 43 / LE FIGARO SANTÉ / Octobre-Décembre 2020 e R ares sont les tout-petits à se plaindre de fatigue ! « Ce sont souvent les parents qui signalent en consultation que leur enfant a du mal à se réveiller le matin », constate le Dr Fabienne Kochert, pédiatre à Orléans et prési- dente de l’Association française de pédiatrie ambu- latoire (Afpa). D’autres manifestations évoquent la fatigue chez l’enfant : irritabilité, agitation et diffi- culté de concentration à l’école notamment. « Les enfants ont moins de coups de barre car ils luttent pour tenir le coup », précise la présidente de l’Afpa.« Mais un déficit d’attention et une plainte au niveau des apprentissages, dès la maternelle, doivent alerter. Une consultation concernant des troubles scolaires doit toujours amener à rechercher un trouble du sommeil. » Dans ce domaine, les vraies pathologies sont rares, à l’exception du syndrome des jambes sans repos qui concernerait autour de 2 % des enfants en France. À l’origine d’un besoin impérieux de bouger les jambes,ilfragmentelesommeil.Lemouvementsou- lage l’inconfort que l’enfant traduit souvent par « mal aux jambes ». Il existe souvent un caractère familial. Un traitement peut être proposé. Dans la grande majorité des cas, la fatigue, chez un enfant grognon et irritable, est liée à un problème de rythme, rappelle le Dr Kochert. Attention, notam- ment, à l’intervention parentale intrusive en phase d’endormissement du bébé, source de mauvaises habitudes. « Un nourrisson qui va s’endormir est parfois agité, mais il vaut mieux le laisser sans le reprendre dans les bras. De même qu’entre 1 et 3 ans, la phase d’endormissement peut être laborieuse, et les bébés ont une période de sommeil léger assez longue, pendant laquelle ils restent sensibles à ce qui se passe dans leur environnement. » En entrant ou restant dans sa chambre, les parents risquent de faire durer le problème. Mais ce sont surtout les couchers trop tardifs qui déclenchent la fatigue. « Les parents nous demandent desvitamines,maisc’estlemodedeviedel’enfantqu’il faut revoir. Entre garderie, cantine et étude, puis devoirs le soir pour les plus grands… les journées sont interminables, et les enfants sont souvent complète- ment épuisés au bout de six semaines. D’autant que beaucoup ne se reposent pas le week-end », met en garde le Dr Kochert. Les plus petits peuvent récupé- rer en faisant la sieste, recommandée en cas de dette de sommeil si l’enfant en a besoin, en se rappelant que le plus important reste de suivre ses besoins indi- viduels.Commechezl’adulte,lesbesoinsnesontpas les mêmes : il y a chez les enfants de petits et de gros dormeurs. GRASSES MATINÉES À LIMITER Les adolescents, au sommeil souvent très décalé, apprécient peu de se lever tôt. « Leur fatigue se mani- feste généralement par de l’irritabilité, un décrochage scolaire (un jeune qui dort en classe n’arrive pas à suivre),voiredeladépressionetdel’obésité»,explique le Dr Marc Rey, neurologue et président de l’Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV). Un ado en manque de sommeil aura davantage tendance à grignoter et il se sent moins bien dans sa peau… un cercle vicieux, dont il faut sortir en réduisant sa dette chronique de sommeil. « Mais mieux vaut se lever à 10 heures et sortir, quitte à faire une sieste en début d’après-midi. » Quant aux grasses matinées jusqu’à midi, elles doivent être exceptionnelles. Pour le Dr Rey, la société et l’Éducation nationale commen- cent à se rendre compte des effets délétères du manque de sommeil. « Mais les grandes campagnes sont encore peu répandues. À quand celle qui s’intitule- rait : “Faites la sieste tous les jours” ? » R. B. Les enfants fatigués sont rarement somnolents. Mais gare à l’agitation, aux troubles de la concentration et aux difficultés dans les apprentissages. ENFANTS Détecter leurs signes de fatigue