La méconnaissance des rapports entre l’Etat camerounais et ses collectivités territoriales décentralisées emmène certains individus à observer l’Etat comme le maître, et les collectivités comme l’esclave. C’est pourquoi la question de la consistance du pouvoir de l’Etat sur les CTDs s’impose. Une lecture de sociologie politique des textes juridiques de la décentralisation, nous montre que ce pouvoir d’Etat consiste en trois mouvements : cadre, encadrer, recadrer. Il cadre les collectivités en organisant leur champ de mouvement et d’action. Il encadre, en les soutenant et les accompagnant de diverses manières. Il recadre, en les sanctionnant plus ou moins fortement en fonction de la gravité du motif.
Cadrer, Encadrer, Recadrer : Le Pouvoir de l'Etat sur les CTDs au Cameroun
1. 1
DOCUMENT D’ANALYSE DE LA DECENTRALISATION ET
DU DEVELOPPEMENT LOCAL
N°005
N°005 DOCUMENT D’ANALYSE DE LA DECENTRALISATION ET DU
DEVELOPPEMENT LOCAL
CADRER, ENCADRER,
RECADRER :
LE POUVOIR DE L’ETAT
SUR LES CTDS
Wilfried OYAMBE
Analyste-chercheur
Mai 2021
Sociologie politique des textes juridiques
de la décentralisation au Cameroun
2. 2
DOCUMENT D’ANALYSE DE LA DECENTRALISATION ET
DU DEVELOPPEMENT LOCAL
N°005
CADRER, ENCADRER,
RECADRER :
LE POUVOIR DE L’ETAT
SUR LES CTDS
Sociologie politique des textes juridiques
de la décentralisation au Cameroun
4. 4
DOCUMENT D’ANALYSE DE LA DECENTRALISATION ET
DU DEVELOPPEMENT LOCAL
N°005
ABREVIATION
CGCTD Code Général des Collectivités Territoriales Décentralisées
CF Contrôleur Financier
CP Comptable Public
CTD Collectivité Territoriale Décentralisée
DSCE Document Stratégique pour la Croissance et l’Emploi
DSRP Document stratégique pour la réduction de la pauvreté
MINCO Ministère Chargé Des Collectivités Territoriales
MINFI Ministère chargé des Finances
NOSO Nord-Ouest et Sud-Ouest du Cameroun
PIC Public Indepedent Conciliator
PRC Président de la République du Cameroun
SGc Secrétaire Général de la Commune
SGr Secrétaire Général de la Région
SND30 Stratégie National de développement du Cameroun 2020-2030
5. 5
DOCUMENT D’ANALYSE DE LA DECENTRALISATION ET
DU DEVELOPPEMENT LOCAL
N°005
RESUME
-
La méconnaissance des rapports entre l’Etat camerounais et ses collectivités
territoriales décentralisées emmène certains individus à observer l’Etat comme
le maître, et les collectivités comme l’esclave. C’est pourquoi la question de la
consistance du pouvoir de l’Etat sur les CTDs s’impose. Une lecture de
sociologie politique des textes juridiques de la décentralisation, nous montre
que ce pouvoir d’Etat consiste en trois mouvements : cadre, encadrer,
recadrer. Il cadre les collectivités en organisant leur champ de mouvement et
d’action. Il encadre, en les soutenant et les accompagnant de diverses
manières. Il recadre, en les sanctionnant plus ou moins fortement en fonction
de la gravité du motif.
6. 6
DOCUMENT D’ANALYSE DE LA DECENTRALISATION ET
DU DEVELOPPEMENT LOCAL
N°005
ABSTRACT
The ignorance of the relationship between the Cameroonian state and its
decentralized territorial communities leads some individuals to observe the
state as the master, and the communities as the slave. This is why the question
of the consistency of state power over the CTDs arises. A political sociology
reading of the legal texts of decentralization shows us that this state power
consists of three movements: regulate, frame, reframe. It regulates
communities by organizing their field of movement and action. He frames,
supporting and accompanying them in various ways. It reframes, by
sanctioning them more or less strongly according to the gravity of the reason.
7. 7
DOCUMENT D’ANALYSE DE LA DECENTRALISATION ET
DU DEVELOPPEMENT LOCAL
N°005
Sommaire
ABREVIATION.................................................................................................... 4
RESUME.............................................................................................................. 5
ABSTRACT.......................................................................................................... 6
SOMMAIRE........................................................................................................ 7
INTRODUCTION................................................................................................. 9
A - L’ETAT CADRE LES CTDS ........................................................................ 14
a) Le Pouvoir D’adoubement : consacrer et déconsacrer l’exécutif local............................ 14
b) Le Pouvoir Géopolitique Artisanal : créer, modeler et supprimer la collectivité.............. 14
c) Le Pouvoir Réglementaire : orienter et réglementer l’action de la collectivité ................ 15
i. Fixation de l’orientation stratégique................................................................................. 15
ii. Fixation de la réglementation ........................................................................................... 16
B - L’ETAT ENCADRE LES CTDS.................................................................... 18
a) Un Pouvoir de Nomination Stratégique : SGc, SGr, CF, CP, et PIC.......................................... 18
b) Un Pouvoir d’Appui............................................................................................................................... 18
i. Un appui matériel................................................................................................................ 19
ii. Un appui immatériel............................................................................................................ 19
c) Un Pouvoir Décisionnel........................................................................................................................ 20
d) Le Pouvoir De Suivi-Contrôle ............................................................................................................. 21
i. Le pouvoir de suivi............................................................................................................... 21
ii. Le pouvoir de contrôle ....................................................................................................... 23
C - L’ETAT RECADRE LES CTDS .................................................................... 25
a) Le Pouvoir De Sanction : Suspension et annulation .................................................................... 25
i. Pour les écarts...................................................................................................................... 25
ii. Pour les manquements....................................................................................................... 25
iii. Pour les fautes.................................................................................................................. 26
iv. Pour désobéissance........................................................................................................ 26
b) Le Pouvoir De Coercition Irrésistible ................................................................................................ 27
i. La substitution ou prise de contrôle .................................................................................. 27
ii. La dissolution/destitution .................................................................................................... 27
CONCLUSION ................................................................................................. 29
REFERENCES BIBLIOGRAPHIES ....................................................................... 30
8. 8
DOCUMENT D’ANALYSE DE LA DECENTRALISATION ET
DU DEVELOPPEMENT LOCAL
N°005
Du même auteur
-
- N°001 - ELECTION REGIONALE AU CAMEROUN : COLLEGE ELECTORAL,
ELIGIBILITE ET VOTE. Dogmatique et Analyse du code électoral et des
textes de la décentralisation.
- N°002 - DECRYPTAGE DE LA REPARTITION DES CONSEILLERS REGIONAUX
AU CAMEROUN. Analyses comparées et Interprétation des chiffres.
- N°003 - LES 02 BUREAUX REGIONAUX AU CAMEROUN : Configurations Et
Organigrammes théoriques. Dogmatique et Analyse du Code la
décentralisation.
- N°004 - RÔLE DES REGIONS ET REPARTITION DES COMPETENCES
DECENTRALISEES AU CAMEROUN. Dogmatique et Analyse des textes de
la décentralisation.
9. 9
DOCUMENT D’ANALYSE DE LA DECENTRALISATION ET
DU DEVELOPPEMENT LOCAL
N°005
CADRER, ENCADRER, RECADRER :
LE POUVOIR DE L’ETAT SUR LES CTDS
Sociologie politique des textes juridiques de la décentralisation au Cameroun
-
INTRODUCTION
Le pouvoir de l’Etat sur les collectivités territoriales décentralisées – CTDs - au
Cameroun. Voilà un sujet qui a souvent fait l’objet, ou du moins été évoqué,
suggéré, directement, ou indirectement, dans les conversations et les débats,
que ce soit dans la rue, dans les émissions télévisées ou radiodiffusées. En effet,
il s’est souvent posé la question de savoir si les collectivités étaient
véritablement autonomes.
A cette préoccupation, il est facile de tomber dans la négation car, dans ces
échauffourées verbales et télédiffusées, une bonne partie des protagonistes a
tendance à mettre volontiers en affront, l’Etat et les CTDs, comme des
adversaires, comme s’il y avait un bras de fer, une lutte de (rapport de) force
entre l’un et l’autre, voire entre l’un et les autres.
Même si, au fond, ce n’est pas une hérésie que de supporter cette thèse, car
valable d’un certain point de vue scientifique, il reste qu’à notre sens, et à celui
de bien d’autres juristes et de fonctionnaires chevronnés tels l’écrivain Jean
Pierre Kuate, le motif ou le postulat central de cette thèse semble absurde.
Nous le démontrerons dans les lignes suivantes. Mais avant, procédons à une
petite, mais déterminante, clarification conceptuelle.
Petite, mais déterminante clarification conceptuelle : le pouvoir
A priori, nous avons une idée plus ou moins précise de ce qu’est un Etat
(territoire, peuple, autorité politique et coercitive exclusive), et de ce qu’est
une collectivité territoriale décentralisée (commune, communauté urbaine, et
région) au Cameroun. Mais nous ne pouvons pas en dire autant du terme
« pouvoir ». En effet, même si on l’utilise, et/ou l’entend, et/ou le lit chaque jour,
le concept de « pouvoir » n’est pas toujours très clair dans la pensée en
mouvement. Des penseurs le reconnaissent. J.G March écrivait « tout compte
fait, le pouvoir est un concept décevant »1. Dans un article titré «Some
1
James G. March, dans «The power of power », in D. Easton, Varieties of Political Theory, Englewood Cliffs,
1966, p. 70. Cité par Goetschy Janine, Les théories du pouvoir, Sociologie du travail, 23ᵉ année n°4, Octobre-
décembre 1981. pp. 447-467, p.459.
Wilfried OYAMBE, Chercheur-doctorant
Université de Douala
10. 10
DOCUMENT D’ANALYSE DE LA DECENTRALISATION ET
DU DEVELOPPEMENT LOCAL
N°005
ambiguities in the notion of power» (1964), le politologue William H. Riker
demandait « s'il ne vaudrait pas mieux renoncer à l'utilisation de ce concept »2.
C’est vous dire à quel point, il n’est pas simple de penser le pouvoir, et qu’il n’y
a pas de honte à avoir des difficultés à concevoir un concept qu’on perçoit
régulièrement.
En fait, malgré nos certitudes – en réalité des illusions de certitudes - on confond
facilement le terme, avec celui de « compétence », « influence »,
« persuasion », « participation », « puissance », « contrôle social »,
« domination », « force »3, « capacité ». C’est pourquoi, il nous semble
déterminant de préciser ce qu’on entend par pouvoir dans le cadre de notre
exercice.
Qu’est-ce que le pouvoir ?
Comme dit plus haut, « pouvoir » est un terme souvent utilisé pour désigner la
capacité, la compétence, la possibilité, ou encore la domination d’un élément
sur un autre. Cette dernière proposition est la plus séduisante, car intuitive. Mais
restons prudent.
En effet, il existe au moins deux conceptions du pouvoir. Le Lexique de Science
politique4 d’Olivier Nay, pose le pouvoir comme « une relation asymétrique par
laquelle un acteur social (individu, un groupe, une classe sociale, une
institution) obtient d’autres acteurs des comportements qu’ils n’auraient eu
spontanément. Il suppose la coercition. » Le lexique poursuit en précisant que
le pouvoir politique désigne « les relations coercitives s’exerçant au nom des
affaires collectives (celles qui concernent la société dans son ensemble) ».
Cette définition se rapproche de celle du sociologue et politologue américain
Robert Dahl qui estime, schématiquement, que le pouvoir est la capacité pour
A de faire faire à B ce que ce dernier n’aurait fait n’eut été l’action de A5. En
résumé, il s’agit donc de la contrainte opérante exercée par un élément
premier, sur un élément second.
Mais, il faut savoir qu’il existe des penseurs qui s’opposent à cette définition. En
effet, des auteurs comme R. Bierstedt, Bachrach et Baratz, pensent que le
pouvoir est « la capacité préalable qui rend l'utilisation de la force possible ; ...
(c'est) la capacité à recourir à la force et non sa mise en œuvre effective »6,
c’est-à-dire une capacité potentielle. Cette perception ou concept du
pouvoir est d’ailleurs partagée par de nombreux analystes.
2
William Harrison Riker, dans «Some ambiguities in the notion of power », American Political Science Review,
juin 1964, p. 348. Cité par Goetschy Janine, ibid.
3
Comme le relève Goetschy Janine, ibid., p.455.
4
Olivier Nay (dir), Lexique de Science politique : vie et institution politique, 3ème
édition, 2014, p.452.
5
On peut le retrouver dans l’article de Goetschy Janine, op.cit., p.448.
6
Repris par Goetschy Janine, op.cit., p.455.
11. 11
DOCUMENT D’ANALYSE DE LA DECENTRALISATION ET
DU DEVELOPPEMENT LOCAL
N°005
Cependant, au vu de la réalité, il convient d’adopter une définition qui
implique les deux aspects, car si le pouvoir est une capacité potentielle (ex :
armes nuclaires), il devient véritablement opérant lorsque l’autre (l’altérité)a
conscience de cette capacité. C’est aussi l’avis de Dennis H. Wrong7 qui
estime qu’à côté de la capacité potentielle ou pouvoir latent, il faut un passif
d’utilisation de la capacité, et une certitude auprès de B de ce que A peut
effectivement lui imposer ce qu’il veut (pour reprendre le schéma de R.Dahl).
En résumé, nous retiendrons que le pouvoir est une capacité potentielle avérée
et considérée comme contraignante et opérante par celui chez qui elle est
susceptible de s’appliquer.
Quelques griefs à la théorie populaire de l’automutilation géopolitique
A l’audition de notre définition, il serait alors tentant d’envisager notre thème
dans une optique musclée, au vu de l’esprit des débats récurrents que nous
relevions plus tôt et portant sur notre sujet - les contours exacts du pouvoir de
l’Etat sur les CTDs au Cameroun -. En effet, on imagine bien le monstre froid de
Nietsche, dans une quête effrénée visant à contraindre les CTDs à se soumettre
à lui pour réaliser sa volonté absolue, quitte à les neutraliser gratuitement. Mais
cela serait quelque peu paradoxal. Pourquoi un Etat créerait des entités infra-
étatiques, et lutterait ensuite contre elles ? N’est-ce pas absurde ? Un Etat qui
veut éliminer ses propres territoires, cela relève de l’automutilation
géopolitique.
L’Etat étant une organisation wébérienne et donc rationnelle, cette possibilité
relève de l’improbable. En effet, l’Etat est volontairement passé d’une
concentration politique absolutiste au moyen-âge, à une déconcentration
politique dans le monde contemporain. Il a choisi cette démarche dans le but
de se faciliter la tâche afin d’éviter, à en reprendre Lammenais, « l'apoplexie
au centre et la paralysie aux extrémités »8. Sans déconcentration du pouvoir
central, le système ne peut pas marcher9. On a donc laissé émerger les
collectivités locales décentralisées, avec leur autonomie, parce qu’on estime
que cela facilitera la gouvernance. C’est un décret impérial français qui laissait
lire qu’« on gouverne bien de loin, on administre mieux de près »10.
Il serait donc, sauf cas de force majeure, absurde, de lutter contre une mesure
que l’on a soi-même prise, pour son propre bien-être11.
Bien évidemment, dans l’absolu, ce n’est pas impossible. On peut par
exemple, nous opposer le fait qu’un Etat peut décider de changer totalement
d’organisation, ou de lutter contre des entités infra-étatiques. Mais dans le
7
Ibid, op.cit., p.456.
8
Jean Waline, Droit administratif, 27ème
édition, 2018, Dalloz, p.57
9
Idem, p.57.
10
C’est l’exposé liminaire du décret impérial français du 25 mars 1852. Olivier Diederichs et Ivan Luben, La
déconcentration, PUF,1995, p.3.
11
Car en géopolitique, les Etats sont des organismes vivants.
12. 12
DOCUMENT D’ANALYSE DE LA DECENTRALISATION ET
DU DEVELOPPEMENT LOCAL
N°005
premier cas, on n’est pas dans le sujet, car changer n’est pas lutter ou éliminer.
Il ne s’agit pas de se battre avec les collectivités, mais de changer de méthode
d’administration. Dans le second cas, que les faits semblent confirmés, le
postulat de base est erroné. En fait, dans les conflits qui semblent opposés l’Etat
central à ses entités infra-étatiques (Biafra au Nigéria, NOSO au Cameroun,
Corse en France, etc…), ce ne sont pas les entités elles-mêmes, mais des
groupes situés à l’intérieur, qui luttent contre l’Etat central. Autrement dit, ce
ne sont pas les Maires, ou les élus locaux qui luttent, mais des individus ou des
groupes nationalistes, primordialistes ou sécessionnistes qui n’ont ni la légitimité
légale, ni le mandat représentatif. On ne peut donc pas dire que l’Etat lutte
contre ses entités infra-étatiques. Tenu au fait que nous partons du principe
d’une situation normale, caractérisée par une paix relative. On se rend bien
compte que l’automutilation est difficilement concevable.
Voilà ainsi évacué le postulat des « théoriciens » de l’automutilation
géopolitique. Le débat reste ouvert cependant.
Dernières précisions : un pouvoir spécifique
Nous devons souligner que le pouvoir dont il s’agit ici, n’est pas un pouvoir
simple, ou classique. Il ne s’agit pas de n’importe quel pouvoir. Il s’agit du
pouvoir de l’Etat.
La différence première, entre les autres pouvoirs, et le pouvoir de l’Etat tient au
fait que, ce dernier est formalisé. Il ne s’exerce pas, en principe, au hasard, et
dans un but exclusivement hégémonique ou dominateur. Le pouvoir de l’Etat
est plus civilisé et noble. Civilisé, car il s’articule selon une réglementation
établie. Noble, car Il s’exerce pour le bien supérieur de l’intérêt général.
Mais, ce n’est pas, tout. Vous noterez qu’une association, une entreprise, peut
se mettre en œuvre pour l’intérêt général, tout en respectant la
réglementation. Ils auraient alors le même pouvoir que l’Etat. Il y aurait, comme
vous le subodorez déjà, un élément distinctif spécifique au niveau de l’Etat.
Le pouvoir d’Etat se différencie du pouvoir de ces autres entités par le fait qu’il
est « irrésistible », c’est-à-dire doué d’une force contraignante qui lui permet de
faire triompher sa volonté (l’intérêt général) face à l’intérêt individuel12. Ce qui
signifie que l’Etat peut prendre des décisions et les exécutées à vent contraire
de la volonté de son vis-à-vis. Pour faire respecter sa volonté, il peut porter
atteinte à l’intégrité physique de son vis-à-vis au besoin. Bien entendu, en
restant dans le cadre de la loi. Il s’agit du monopole de la violence physique
légitime chère à Max Weber. Résumons. Le pouvoir d’Etat ou Puissance
Publique se caractérise, par son but d’intérêt général, sa puissance irrésistible,
et sa capacité coercitive exclusive, dans le respect des lois en vigueurs sur le
plan internet et externe (international). C’est un des postulats centraux de ce
12
Jean Waline, Droit administratif, op.cit., p.41.
13. 13
DOCUMENT D’ANALYSE DE LA DECENTRALISATION ET
DU DEVELOPPEMENT LOCAL
N°005
billet. Cette puissance peut être critiqué au vu de l’actualité sanglante,
subversive et trouble, mais ce n’est pas le sujet de ce billet.
Traiter du Pouvoir d’Etat sur les CTDs revient alors à présenter la capacité
potentielle établit comme avérées et contraignantes de l’Etat envers les CTDs,
c’est-à-dire ce qu’il peut faire et qui soumet la CTD, oriente son action, l’oblige
contre son gré, la surplombe sur les compétences de cette dernière. Quelle est
sa consistance ?
L’objectif ici, c’est de saisir la consistance, du pouvoir de l’Etat sur les
collectivités camerounaises. Pour l’atteindre, la posture analytique choisie est
celle de la sociologie politique du droit, c’est-à-dire une étude des textes
juridiques comme moyens d’atteinte d’objectifs du politique (du
gouvernant)13. Nos matériaux seront principalement sur le Code Général des
Collectivités Territoriales Décentralisées, les arrêtés, décrets et lois portant sur les
collectivités, et la constitution.
Après analyse du Code Général des Collectivités Territoriales Décentralisées et
des textes associés, nous avons identifié un pouvoir d’Etat qui cadre (A),
encadre (B), et recadre(C) les CTDs.
13
Nkot Fabien, « Usages politiques du droit de la presse au Cameroun : notes de sociologie politique du droit »,
Polis : revue camerounaise de science politique, vol.13, p.13-27, p.13.
14. 14
DOCUMENT D’ANALYSE DE LA DECENTRALISATION ET
DU DEVELOPPEMENT LOCAL
N°005
A - L’ETAT CADRE LES CTDS
D’après le CGCTD, l’Etat est celui qui met en place le cadre dans lequel peut
évoluer les CTDs au Cameroun. Pour cela, il exerce un pouvoir d’adoubement
qui consacre et déconsacre les exécutifs (a), un pouvoir d’artisan géopolitique
qui peut créer, modifier et supprimer les collectivités(b), et un pouvoir
réglementaire qui oriente les actions de développement et pose les règles du
jeu (c).
a) Le Pouvoir D’adoubement : consacrer et déconsacrer
l’exécutif local
Selon le Code Général des CTDs, l’Etat est celui qui initie le processus de
désignation des exécutifs locaux, et avalise de manière définitive les exécutifs
des CTDs après leur élection. Sans lui, pas d’élection, pas d’exécutif local. C’est
le pouvoir d’adoubement.
L’Etat lance le processus qui va aboutir à l’installation de la tête des CTDs. En
effet, c’est lui qui, par la voix du préfet, convoque la toute 1ère session du
Conseil Municipal pour l’élection du Maire et de ses Adjoints (art.199), ou du
Maire de la Ville et de ses Adjoints (art.246.al.2) pour la communauté urbaine.
C’est aussi lui qui, par la voix du gouverneur, convoque le Conseil Régional
pour l’élection du Bureau Régional (art.280.al.2 et art.307).
L’Etat consacre juridiquement et définitivement les exécutifs des CTDs et leur
démission. En effet, la qualité de membre de l’exécutif d’une collectivité
territoriale est constatée par arrêté du Ministre chargé des collectivités
territoriales – MINCO - (art.116.al2.). L’élection du Président et des membres du
bureau du Conseil Régional (art.309.al.2), ainsi que du bureau du Conseil
exécutif Régional(art.356), est constatée par le même ministre. Le Conseil
exécutif Régional prête serment devant la cour d’Appel compétente (art.358),
au même titre que le Président du Conseil Régional (art.310). En ce qui
concerne les démissions, le Maire (art.231), comme le Président du Conseil
Régional (art.318) adressent une lettre recommandée au MINCO. Cette lettre
doit être acceptée pour que la démission soit valide. Mais il faut dire qu’1 mois
après la seconde lettre recommandée, la démission est légalement de fait
(art.231.al2 et art.318). Par extension, on peut aussi évoquer le fait que le
transfert des meubles et immeubles liés à l’exercice d’une compétence
transférée, est constaté par décret du Premier Ministre (art.24.al2).
b) Le Pouvoir Géopolitique Artisanal : créer, modeler et
supprimer la collectivité
Face aux CTDs, l’Etat a aussi le pouvoir géopolitique artisanal. Par ces termes,
nous voulons dire qu’il a le pouvoir de les créer, de les modifier, et de les
15. 15
DOCUMENT D’ANALYSE DE LA DECENTRALISATION ET
DU DEVELOPPEMENT LOCAL
N°005
supprimer. Notons que ce pouvoir ne peut être exercé que par le Président de
la République du Cameroun -PRC-.
En ce qui concerne le pouvoir de création de CTD, l’Etat du Cameroun a la
possibilité constitutionnelle de créer une région (art.61 de la constitution). Il a
aussi le pouvoir de créer une commune(art.148.al1.), ainsi qu’une
communauté urbaine (art.2 de la loi n°87-015 du 15 juillet 1987 portant création
des communautés urbaines).
Après avoir créé une CTD, l’Etat peut la modifier à sa guise. C’est ainsi qu’il
peut modifier les contours du territoire et le nom d’une région (art.61 de la
constitution). En plus d’avoir aussi toutes ces facultés sur la commune, l’Etat
peut aussi en changer le chef-lieu (art.148). Il peut décider de les regrouper
temporairement aussi (art.151).
Et si le contexte l’impose, l’Etat peut tout simplement supprimer une CTD. Il peut
supprimer une commune de sang froid (art.148). Même comme
techniquement, la suppression vaut rattachement, ce qui signifie qu’en réalité,
la commune « supprimée » est intégrée dans une autre.
c) Le Pouvoir Réglementaire : orienter et réglementer l’action de
la collectivité
Face aux collectivités territoriales décentralisées, l’Etat dispose du pouvoir
réglementaire. Cela signifie que l’Etat fixe l’orientation stratégique de
développement (i) et pose les règles (ii) qui vont guider le fonctionnement des
CTDs.
i. Fixation de l’orientation stratégique
L’Etat oriente le développement des CTDs au niveau stratégique. En effet,
l’Etat du Cameroun possède une stratégie de développement national. Celle-
ci est inscrite dans la Vision adoptée en 2009, consistant à faire du Cameroun
« un pays émergent, démocratique et uni dans sa diversité à l’horizon 2035 »14
et qui recouvre l’ensemble des domaines de la vie de l’Etat. Nous avons eu le
Document stratégique pour la réduction de la pauvreté (DSRP) – avant 2009 -
, puis le Document Stratégique pour la Croissance et l’Emploi (DSCE) dont la
stratégie prévisionnelle prenait fin le 31 décembre 2019. Depuis le 1er janvier
2021, le Cameroun s’est engagé dans la Stratégie National de développement
2020-2030 (SND30). Aujourd’hui, les CTDs doivent délaisser les stratégies passées
(DSRP et DSCE), et s’aligner sur le dernier document d’orientation SND30. En
conséquence, leurs budgets et leurs programmes doivent être en cohérence
avec les objectifs économiques de l’Etat (art.386.al2.). Ceci concerne les
programmes communaux (art.409.al3.), ainsi que les programmes régionaux
(art.409.al4.). Le CGCTD précise bien que les plans communaux et régionaux
14
Stratégie Nationale de Développement, 1ère
éd.,2020, Ministère de l’Économie, de la Planification et de
l’Aménagement du Territoire, p.25.
16. 16
DOCUMENT D’ANALYSE DE LA DECENTRALISATION ET
DU DEVELOPPEMENT LOCAL
N°005
de développement, et les plans régionaux d’aménagement du territoire sont
élaborés en tenant compte des plans de développement et d’aménagement
nationaux (art.76.al2).
ii. Fixation de la réglementation
C’est aussi l’Etat qui pose les règles du jeu, c’est-à-dire, la réglementation sur
la base de laquelle les CTDs vont fonctionner. Son action porte sur le plan
interne (influence les actions internes), et le plan externe (qui influence les
actions externes).
- Sur le plan interne : l’Etat fixe l’organigramme-type et le règlement
intérieur type des Régions (art.496). Il fixe le tableaux-types des emplois
communaux(art.210). Il fixe aussi, les charges types et les règlements
types (art.493 et art.494), les modalités de création, d’organisation et de
fonctionnement des comités de quartier et de village (art.182) et la
nomenclature des programmes des CTDs (art.409). Pour définir le
nombre de Conseillers Municipaux et d’Adjoints au Maire, on se base sur
le nombre tiré du recensement officiel de la population effectué par
l’Etat (art.166.al2.).
Dans le domaine financier, la CTD est tenue de respecter les dispositions
du Code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion
des finances publiques, et celles de la loi portant régime financier de
l’Etat (art.372.al2). L’élaboration du budget des CTDs se fait selon une
lettre circulaire conjointe du MINCO et du MINFI (Ministère des Finances)
(art.416.al2). L’élaboration et l’adoption finale du budget des CTDs se
fait selon un calendrier et des modalités fixés conjointement par le
MINCO et le MINFI (art.415) ; calendrier qui est en phase avec le
calendrier budgétaire de l’Etat (art.415.al2). Le budget de la CTD
respecte une nomenclature fixée par décret de la Primature
(art.376.al5), interdit certaines dépenses comme les prêts à personne
privée (art.406.al2) et en impose d’autres comme les salaires (art.404).
Aussi, les contrôleurs financiers fonctionnent selon un décret du Président
de la république (art.436.al2). En dernière position, on peut citer les
compétences transférées, par le CGCTD, les décrets du Premier ministre,
les arrêtés ministériels, et la constitution.
- Sur le plan externe : il faut noter que c’est l’Etat qui fixe le montant de
l’allocation réservée à la décentralisation (art.25), ainsi que les modalités
de versement de cette dotation (art.396.al2.). Il désigne aussi, à travers
la primature, des modalités d’exercice par l’Etat des compétences
transférées en cas de carence dûment constatée (art.18.al2 et al3.), les
modalités de contrôle technique des services locaux en régie par l’Etat
(art.45.al2), les modalités d’affectation/détachement/mis à disposition
du personnel de l’Etat auprès de la CTD (art.22.al2). Les CTDs
fonctionnent sur la base des CGCTD, du Code de marché publics, de la
Loi des Finances, de décrets du Premier ministre, des arrêtés ministériels,
17. 17
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et de la constitution. Il est même prévu la mise en place d’une fonction
publique locale (art.22.al3.). La CTD exercent ses compétences dans le
respect de la défense nationale (art.16).
L’Etat camerounais a le pouvoir irrésistible de cadrer l’action des collectivités
à travers un pouvoir d’adoubement des exécutifs locaux, un pouvoir
géopolitique artisanal de modelage des collectivités, et un pouvoir
réglementaire d’orientation de leur action. C’est le maître du jeu. Une fois les
collectivités créées et mises en route, l’Etat les encadre.
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B - L’ETAT ENCADRE LES CTDS
Selon le CGCTD, l’Etat veille à ce que les CTDs fonctionnent selon la
réglementation juridique et technique. Pour cela, il exerce un pouvoir de
nomination à des postes stratégiques(a), un pouvoir d’appui aux
communes(b), et un pouvoir décisionnel qui peut déterminer l’avenir d’une
CTD(c).
a) Un Pouvoir de Nomination Stratégique : SGc, SGr, CF, CP, et
PIC
Les Secrétaires Généraux, Public Independent Conciliator, et comptables
publics des collectivités sont des postes stratégiques car, leur action à une
influence déterminante sur l’évolution, la stabilité et l’intégrité de la collectivité.
Ils sont désignés, et changés par l’Etat pour assurer la présence de la
compétence à ses postes. C’est le pouvoir de nomination stratégique.
Ainsi, au niveau de la commune, le Secrétaire général (SGc) de Mairie est
nommé par le MINCO, sur proposition du Maire, certes (art.214). L’Etat (à
travers le PRC) nomme aussi au poste de Secrétaire général de la Région (SGr)
(art.323). Les premiers SGr du Cameroun sont connus depuis le décret
n°2021/043 du 25 janvier 2021 portant nomination des Secrétaires Généraux
des Conseils Régionaux.
Dans les régions NOSO, il existe un poste spécial. Il s’agit du Public Independant
Conciliator, en abrégé PIC. Il est chargé d’assurer le bon fonctionnement des
collectivités, et de régler les difficultés éventuelles entre l’administration
décentralisée et les administrés selon la réglementation en vigueur. Ce dernier
est nommé par l’Etat, via décret présidentiel (art.368), sur proposition du
Président du Conseil Exécutif Régional et du gouverneur, certes.
On observe aussi les nominations de l’Etat (MINFI) au poste de Contrôleur
financier (CF) auprès de chaque collectivité (art.436). Son rôle est la
vérification de la fidélité et de la validité des opérations comptables. Il reçoit
le produit de la vente des biens de la collectivité (art.60.al2). De même un
comptable public (CP) est nommé (art.437.al2), pour assurer le recouvrement
des recettes et le paiement des dépenses locales (art.438).
b) Un Pouvoir d’Appui
Selon les textes irriguant la décentralisation, l’Etat bénéficie aussi d’un pouvoir
d’appui destiné à épauler les CTDs qui sont sur son territoire. Cet appui est de
nature matérielle(i) (financière et matérielle), et immatérielle (informationnelle,
consultative et technique) (ii).
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i. Un appui matériel
Dans ce type d’appui, on distingue :
- L’appui financier : l’Etat affecte chaque année, une tranche d’au moins
15% de ses recettes au bénéfice du financement partiel de la
décentralisation (art.25.al1 à al3.). Et s’il arrive que les ressources
financières mises à disposition se révèlent insuffisantes au point de
remettre en question la continuité du service public, l’Etat peut
débloquer un financement spécial pour les CTDs dans de telles difficultés
(art.26.al3). Par ailleurs, toute nouvelle charge qu’induit un texte
réglementaire doit être accompagnée d’un financement
compensatoire (art.26.al2) ;
- L’appui matériel : en effet, l’Etat peut mettre ses biens meubles (le
mobilier, les véhicules, les ordinateurs, les fournitures, etc…) et immeubles
à la disposition des administrations décentralisées (art.30). Dans le cas
d’un transfert de compétence, cette faculté devient une obligation « de
plein droit » (art.24). L’appui matériel concerne aussi la sécurité des
personnes, et notamment de l’élu local. L’Etat appuie la CTD dans le
cadre de la protection et, le cas échéant, du dédommagement de l’élu
local (art.129).
ii. Un appui immatériel
Dans ce type d’appui, il faut distinguer :
- L’appui informationnel : Au mois de janvier de chaque année, le
représentant de l’Etat expose devant l’Assemblée Régionale, un rapport
spécial sur l’activité des services de l’Etat dans la Région (art.349). Si le
chef de l’exécutif de la collectivité ne convoque pas la session
budgétaire dans les délais, le représentant de l’Etat le lui rappelle, par
prescription sans délai (art.422.5). En temps normal, l’Etat a aussi une
mission d’appui en information (art.84.al2) qui participe du partage
d’informations entre la CTD et l’Etat, informations qui, récoltées par ce
dernier, peuvent être complémentaires, au vu de son expertise
supérieure à celle des entités décentralisées ;
- L’appui consultatif : Cette expertise justifie l’appui consultatif, encore
appelé appui-conseil, que l’Etat peut apporter aux CTDs (art.84).
L’appui-conseil consiste à fournir des conseils, avis, suggestions, aux CTDs
dans l’exercice de leur compétence (art.84.al2). Tous ces appuis sont
destinés à assurer le bon fonctionnement des services locaux (art.85) ;
- L’appui technique : l’expertise de l’Etat justifie aussi son appui technique
auprès des CTDs. En effet, en cas de carence constatée par le MINCO,
l’Etat peut se substituer à l’administration décentralisée et mener les
opérations correspondantes aux compétences que la CTD en question
ne peut exercer valablement (art.18.al2.). Pour cela, le personnel de
l’Etat peut être affecté auprès de la CTD (art.22.al2). Une fonction
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publique locale est prévue (art.22.al3), mais en attendant, l’Etat exerce
un contrôle technique sur les services en régie des CTDs (art.45.al1 et al2).
Il peut être sollicité en sa juridiction des comptes, par la CTD (Conseil)
pour effectuer le contrôle de la gestion financière de la CTD (art.485). Il
peut aussi être sollicité en son personnel, au cours d’une session
communale (art.177.al4).
c) Un Pouvoir Décisionnel
Le pouvoir d’encadrement de l’Etat se manifeste aussi par le pouvoir
décisionnel limité qu’il a sur les CTDs. Décisionnel, car il peut empêcher une
action ou l’autoriser. Limité car il ne concerne que certaines questions. Ce
pouvoir est effectivement déterminant sur certaines questions financières,
matérielles, d’organisation interne, d’administration.
• Le domaine financier
Portant sur les questions financières, l’Etat décide de l’autorisation ou non, et
selon la réglementation en vigueur :
- De l’adoption et de certaines modalités de l’exécution du budget : le
budget de la collectivité (art.426) ; des emprunts intérieurs (art.399);
l’admission en non-valeur des créances jugées irrécouvrables (art.442);
l’ouverture d’une régie d’avance pour le paiement des dépenses
courantes de fonctionnement (art.447); des virements de crédits de
programme à programme (art.378.al2) ; tout acte pris et portant sur : les
budgets, les comptes et les autorisations spéciales de dépenses , les
emprunts et garanties d’emprunts, les conventions relatives à l’exécution
et au contrôle des marchés publics, sous réserve des seuils de
compétences prévus par la réglementation en vigueur (art.76.al1); le
vote d’un budget annexe (art.376.al4) ; (par le MINFI) l’acceptation de
la mise à disposition de financement au bénéfice des collectivités ou de
leur établissement (art.384.al2).
- De la gestion de l’actionnariat : l’acquisition des actions ou obligations
des sociétés chargées d’exploiter des services locaux (art.52) ainsi que
de leur aliénation (art.54.al2); la réception à titre de redevance des
actions d’apports ou part des fondateurs émises par lesdites sociétés
(idem); la modification des statuts d’une société dans laquelle la CTD à
des droits conformément à la réglementation (art.52.al3);
- Du recrutement du personnel et du traitement des élus locaux : le
recrutement du personnel (art.76); (par le MINCO) le montant des
indemnités des membres de l’exécutif de la collectivité (art.134); (par le
MINCO) le montant des frais de location et d’entretien immobiliers de
l’immeuble pris en charge par la collectivité au bénéfice du chef de
l’exécutif (art.135.al6) ; (par le MINCO) le montant de l’indemnité des
membres des commissions constituées par l’organe délibérant de la
collectivité(art.140).
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• Le domaine matériel
Portant sur les questions matérielles, l’Etat décide de l’autorisation ou non, et
selon la réglementation en vigueur : de l’acceptation des dons et legs (art.400,
art.69, et art.67.al1 et al2) sauf à titre conservatoire (art.400.al2) ; de modifier
l’affectation d’un don ou legs (art.70) ; tout acte pris et portant sur les affaires
domaniales (art.76.al1).
• Le domaine administratif
Ce domaine concerne l’organisation internet et l’administration proprement
dite. Portant sur les questions d’organisation interne, l’Etat décide de
l’autorisation ou non, et selon la réglementation en vigueur : d’une dérogation
aux cahiers des charges types et aux règlements types (art.494), de la création
d’un poste d’Adjoint spécial (art.198.al1).
Portant sur les questions d’administration, l’Etat décide de l’autorisation ou non,
et selon la réglementation en vigueur : de tout acte de gestion pris par les chefs
des exécutifs des collectivités concernant les projets d’intérêt local initiés sur le
domaine public maritime et fluvial (art.31 et art.33.al3, mais on se demande
pourquoi le législateur parle de « formalité ») ; tout acte pris dans les domaines
suivants : les convention de coopération internationale, les affaires domaniales
, les délégations de services publics au-delà du mandat en cours de l’organe
délibérant de la CTD, les conventions relatives à l’exécution et au contrôle des
marchés publics, sous réserve des seuils de compétences prévus par la
réglementation en vigueur , le recrutement du personnel, suivant les modalités
fixées par voie réglementaire (art.76) ; les plans communaux de
développement, les plans régionaux de développement et d’aménagement
du territoire (art.76.al2) ; de la création de la police Municipale (art.216.al3).
d) Le Pouvoir De Suivi-Contrôle
Le pouvoir d’encadrement de l’Etat se manifeste aussi par le pouvoir de suivi-
contrôle qu’à l’Etat sur les CTDs. Suivi, car il est informé sur toutes les actions de
la CTD, et suit donc tout ce qu’elle fait (i). Contrôle, car il examine la plupart
des documents officiels de la CTD (ii).
i. Le pouvoir de suivi
Le pouvoir de suivi est une faculté qui se manifeste par l’obligation
d’information qu’ont les CTDs envers l’Etat. Ce qui permet à ce dernier de
connaitre tout ce qui se passe, et de suivre leur évolution. Le représentant de
l’Etat a ainsi accès aux informations financières, aux informations internes, et à
certaines informations spécifiques aux régions à statut spécial.
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• D’informations financières
Concernant les informations financières, on note que tout financement
provenant des bailleurs de fonds internationaux, au bénéfice des collectivités
et établissements doivent faire l’objet d’un rapport à l’Etat (MINCO et MINFI)
(art.384). D’ailleurs, le chef de l’exécutif de la collectivité a l’obligation de
communiquer à l’Etat : son budget voté, ses annexes (art.425), les décisions
réglementaires et individuelles liées aux budgets, comptes et autorisations
spéciales de dépenses, emprunts et garanties d’emprunts, conventions de
coopération internationale, affaires domaniales, conventions relatives à
l’exécution et au contrôle des marchés publics (art.76.al2 et al3).
Une fois approuvé, une copie du budget est transmise au MINCO et au MINFI
(art.429). Le compte administratif est aussi transmis au représentant de l’Etat
pour approbation (art.471.al2) ; et si c’est validé, une copie est transmise au
MINFI et au MINCO (art.471.al3). De même, un compte administratif jugé
irrégulier sera rejeté et rapporté au représentant de l’Etat dans un délai de 72H
(art.470).
• D’informations internes à la collectivité
L’Etat a aussi accès aux informations stratégiques de la collectivité. Le
représentant de l’Etat reçoit du chef de l’exécutif local, des informations
nécessaires à l’exercice de ses attributions (art.83.al1b), y compris les données
des projets implémentés dans le cadre de la coopération décentralisée (art.17
du décret 2011/1116/PM du 26 avril 2011 fixant les modalités de la coopération
décentralisée). Il reçoit copie des actes pris par la collectivité (art.74). Les
décisions réglementaires et individuelles liées au pouvoir de police du chef de
l’exécutif de la collectivité, ainsi que ses actes quotidiens sont transmis au
représentant de l’Etat et au responsable local du MINCO (art.75.al2).
L’Etat assite de plein droit aux sessions du Conseil Municipal (art.177.al3) et aux
sessions du Conseil Régional (art.325). Si bien que, lorsque le lieu du Conseil
Municipal est changé, le représentant doit en être informé (art.170.al1). Il peut
aussi aller chercher des informations en participant aux conférences des
commissions des régions débattant de questions d’intérêt commun (art.99). Les
délibérations prises par le Conseil Régional ou l’Assemblée Régionale (art.350)
sont conservées de manière chronologique auprès du représentant de l’Etat
(art.294). Il est même au courant du planning annuel de congé des membres
de l’exécutifs des collectivités (art.137). Si le chef de l’exécutif doit s’absenter
de son territoire, il doit tenir informer le représentant de l’Etat (art.144.al3). De
même, lorsqu’il met en mission des élus locaux ou lui-même, le chef de
l’exécutif doit en informer l’Etat (art.130.al2). Par ailleurs, le MINCO est aussi
informé de la démission des Maires(art.231), et des Présidents de Conseil
Régional(art.318).
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• D’informations spécifiques aux zones à statut spécial
En zone à statut spécial, l’Etat a accès à des informations spécifiques. La liste
des membres élus du Conseil Exécutif Régional est notifiée par le représentant
de l’Etat (art.357). Aussi, le Public Independent Conciliator, organe spécifique
au Nord-Ouest et au Sud-Ouest, ayant articulé une injonction infructueuse à
l’endroit de collectivités défaillantes, transmet un rapport spécial sur la situation
au représentant de l’Etat (art.370.al3).
ii. Le pouvoir de contrôle
Le pouvoir de contrôle est une faculté qui se manifeste par la vérification
systématique, par l’Etat, des actes des CTDs. Ce qui lui permet de s’assurer
qu’elles restent dans le cadre de la réglementation, et des orientations
stratégiques nationales. Le pouvoir de contrôle de l’Etat sur les collectivités, et
leurs établissements sont exercés, sous l’autorité du Président de la République,
par le MINCO, et par le représentant de l’Etat dans la collectivité (art.73.al1)
dans le respect de la réglementation.
En fait, le CGCTD prévoit que les actes pris par le Maire ou le Conseil Municipal
sont communiqués au représentant de l’Etat qui en assure le contrôle (art.215).
Le représentant de l’Etat, le cas échéant, informe alors le chef de la
collectivité, en attirant son attention vers les illégalités relevées sur les actes
examinés (art.77). Il peut alors demander une seconde lecture de l’acte
contrôlé15 (art.74.al4). Le représentant de l’Etat exerce aussi un contrôle sur les
publications et l’exécution des lois, mesure de portée et de sureté générale du
Maire (art.211). Même chose dans le domaine de la police Municipale
(art.216). La présence du représentant de l’Etat est de droit lors des séances du
Conseil Régional (art.325). Il peut même les ajourner16 (art.325.al3). La régularité
et la performance à l’exécution du budget sont soumises au contrôle
juridictionnel et administratif (art.481 et art.483.al1). Celles de la gestion de la
collectivité, et des établissements publics locaux peuvent aussi être examinées
(art.483.al2), ou auditées à la demande de l’Etat (art.486).
15
Dans un délai de 15 jours.
16
Dans le cas particulier de la 1ère séance suivant un exercice budgétaire.
24. 24
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L’Etat camerounais a le pouvoir d’encadrer les collectivités à travers un pouvoir
de nomination à des postes stratégiques de la collectivité, un pouvoir d’appui
matériel et immatériel, un pouvoir décisionnel déterminant, et un pouvoir de
suivi-contrôle. Une grande partie des opérations des collectivités nécessite
encore l’accord du représentant de l’Etat. De plus, avec les nominations
stratégiques, et le suivi-contrôle, il est clair que l’Etat souhaite contrôler le
fonctionnement et l’évolution des CTDs en son sein. Mais cette attitude vise
moins à les aliéner qu’à s’assurer qu’elles fonctionnent et évoluent, légalement
et convenablement. C’est pourquoi lorsqu’elles s’écartent du droit chemin,
elles sont recadrées par le pouvoir central.
25. 25
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C - L’ETAT RECADRE LES CTDS
Cette partie illustre à suffisance l’esprit de l’article 219 du CGCTD qui rappelle
que les attributions confiées aux élus locaux n’enlèvent en rien, au
représentant de l’Etat, la capacité de prendre toute mesure de sureté « exigés
par les circonstances ». En effet, une réglementation de type pénaliste existe
aussi pour les collectivités. Si la CTD ne respecte ni la réglementation, ni les
orientations stratégiques, l’Etat peut exercer un pouvoir de sanction(a), ainsi
qu’un pouvoir de coercition irrésistible(b) pour rétablir l’ordre.
a) Le Pouvoir De Sanction : Suspension et annulation
Le CGCTD prévoit des sanctions en termes de suspension et d’annulation pour
ceux qui ne le respecte pas, notamment pour les écarts(i), pour les
manquements(ii), pour les fautes(iii), et pour les actes de désobéissance de
l’autorité de l’Etat de droit(iv).
i. Pour les écarts
Dans le cadre des sanctions des écarts des opérations des CTDs, on note les
écarts à la norme juridique, les écarts aux sujets réglementaires d’ordre du jour.
Au chapitre des écarts à la norme, tout acte pris par la collectivité en violation
des lois, de la constitution, ou/et de la réglementation est frappé de nullité
absolue à travers un arrêté du représentant de l’Etat (art.39.al3). Ce dernier
peut prendre des mesures conservatoires appropriées au besoin (art.39.al4).
De même, un Conseil Régional qui siège et statut en dehors de ses sessions
légales, est frappé par toute mesure appropriée et immédiate, prise par le
représentant de l’Etat, et visant à mettre fin à la réunion illégale (art.289). L’Etat
se réserve le droit de poursuivre le Conseil incriminé en justice (art.289.al3).
Concernant les écarts aux sujets réglementaires, la session d’un Conseil
Régional qui parle d’autres choses que de ce qui relève de ses compétences
et de ses attributions (art.100), est arrêtée par l’Etat (art.289). De même, la
convention de coopération décentralisée dont l’objet a été détourné peut-
être suspendue (art.18 du décret 2011/1116/PM du 26 avril 2011).
ii. Pour les manquements
Les sanctions de l’Etat touchent aussi aux manquements des collectivités,
notamment de l’exécutif de la collectivité, et des Conseillers Municipaux. A
propos de l’exécutif, l’Etat sanctionne les membres d’exécutif local qui ne
résident pas dans leur collectivité. Après une mise en demeure sans
changement, la rémunération est suspendue (MINCO) pour le membre en
cause (art.144.al4). A propos des Conseillers Municipaux, il est écrit que tout
membre ayant manqué 3 sessions sans motif valable, et après avoir été invité
à s’expliquer par le Maire, peut être déclaré démissionnaire par le MINCO
(art.188) avec avis du Conseil Municipal. Plus généralement, tout membre du
26. 26
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Conseil Municipal qui ne remplit pas les fonctions à lui dévolues par la loi peut
être déclaré démissionnaire par le MINCO dans les mêmes conditions (art.189).
iii. Pour les fautes
Plus utile encore, les sanctions de l’Etat tombent aussi sur les fautes commises
par les collectivités. En cas de violation des lois et règlements en vigueur, ou de
fautes lourdes, le Maire et ses Adjoints, après demande d’explication, peuvent
être suspendus par le MINCO pour 03 mois (art.225). Mais si cela est nécessaire,
le représentant de l’Etat peut le relever de ses fonctions à titre conservatoire
(art.488.al3). Si des actes commis par la collectivité sont entachés
d’irrégularités, le représentant de l’Etat peut les annuler, notamment en cas
d’emprise ou de voie de fait (art.77.al4). C’est ce qui explique l’annulation, par
le préfet, de l’arrêté municipal du maire de Douala 1er instituant la fermeture
de 7 écoles maternelles municipales, en mars 2021.
Un Conseil Municipal peut être suspendu par le MINCO pour 02 mois, s’ils violent
la loi, ou porte atteinte à la sécurité de l’Etat, à l’ordre public, à l’intégrité du
territoire nationale, ou tout simplement s’il ne peut plus fonctionner
convenablement (art.186). Les individus n’échappent pas à la règle. Pour les
mêmes raisons, le Président du Conseil Régional et son bureau peuvent être
suspendus (art.314).
En temps de guerre, et en cas d’intelligence avec l’ennemi, les Conseillers
régionaux peuvent être suspendus de manière individuelle (art.305). Le PRC
peut aussi décider de le suspendre en temps de guerre, jusqu’à la fin des tirs
(art.191). Le Conseil Régional peut être suspendu dans les mêmes conditions
que son homologue communal (art.296). Le Maire et les Conseillers Municipaux
peuvent aussi être suspendu par le PRC en temps de guerre (art.236).
iv. Pour désobéissance
Il peut arriver que les collectivités décident volontairement de ne pas respecter
l’Etat de droit, et s’inscrivent dans la désobéissance. Le CGCTD a prévu des
sanctions au risque. Il considère deux situations : celle du chef de l’exécutif
désobéissant, et celle de l’organe délibérant désobéissant. Concernant le
chef de l’exécutif désobéissant, un Maire identifié comme inéligible à ses
fonctions, et qui refuse de céder la place, malgré l’interpellation du MINCO,
peut être suspendu, ou déclaré démissionnaire (art.229 et art.230).
La désobéissance des organes délibérants repose surtout sur le vote du
budget. Si, malgré l’arbitrage du représentant de l’Etat, l’organe délibérant
refuse de voter le budget, il peut être suspendu pour 02 mois (art.423). Le
représentant peut aussi modifier le budget de la collectivité si le statu quo
demeure (art.427) dans le cadre de la réglementation, c’est-à-dire, sans
pouvoir ni augmenter les dépenses, ni en inscrire de nouvelles, et encore moins
de faire des modifications qui ne soient pas légalement et initialement
obligatoires.
27. 27
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b) Le Pouvoir De Coercition Irrésistible
Le CGCTD prévoit aussi un pouvoir de coercition irrésistible pour l’Etat envers
les CTDs. Il s’agit aussi de sanction, mais qui sont plus contraignantes, et
définitives. En effet, ce pouvoir se manifeste en ce que l’Etat se substitue aux
élus locaux délinquants (i), ou les destitue tout simplement(ii).
i. La substitution ou prise de contrôle
Lorsque le cas l’impose, l’Etat peut décider de se substituer aux exécutifs et
organes délibérants locaux.
Nous avons la substitution en temps normal. Dans le cas où le budget n’est
toujours pas voté après les délais, le représentant met en demeure la
collectivité d’y remédier, et jusqu’à ce que le budget soit voté et approuvé il
reconduit le budget de l’exercice précédent par douzième provisoire (art.428).
En cas de défaillance du Maire à convoquer une session extraordinaire à la
demande de l’Etat, et après une mise demeure de 72H, c’est le représentant
de l’Etat qui signe les convocations pour la tenue de la session du Conseil
Municipal (art.171.al3 et art.172.al3 et al4). Cerise sur le gâteau, en cas de
nécessité lié au développement harmonieux du territoire, ou d’urgence, l’Etat
peut exercer les compétences transférées de la collectivité correspondante
(art.18.al2). Concernant le chef de l’exécutif désobéissant, un Maire ou un
Maire de Ville qui refuse de poser les actes prescrits par la loi, après mise en
demeure, se voit substituer par le MINCO (art.227).
Nous avons aussi la substitution en situation particulière. Lorsqu’un Conseil
Régional est dissout, le PRC crée une délégation spéciale qui va s’occuper des
affaires courantes, aux mesures conservatoires, et à la recherche de solutions
aux affaires dont l’urgence est avérée, dans les limites de la réglementation
(art.298 complété par art.193.al2). De même, en temps de guerre, le PRC peut
suspendre le Conseil Municipal de la commune, et, le cas échéant, crée une
délégation spéciale habilitée à prendre les mêmes décisions que le Conseil
Municipal (art.191 et art.236.al2).
Heureusement que la réglementation exonère les exécutifs locaux supplantés
avec souveraineté, de toute responsabilité sur les actes commis par le
substituant étatique (art.15).
ii. La dissolution/destitution
Les organes de collectivité récalcitrants ne sont pas à l’abri d’une dissolution
ou d’une destitution. Le Conseil Municipal peut être dissout par le PRC, s’il viole
la loi, ou porte atteinte à la sécurité de l’Etat, à l’ordre public, l’intégrité du
territoire nationale, ou tout simplement s’il ne peut plus fonctionner
convenablement, après le délai computé à l’arrêté de suspension du MINCO
(art.187 complété par art.186). Les Maire et Adjoints qui s’inscrivent hors de la
loi et portent atteinte à la fortune publique peuvent être révoqué par le PRC
(art.225.al2 et art.226). De même, et pour les mêmes motifs, le PRC peut
28. 28
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dissoudre un Conseil Régional17(art.297 complété par art.296), ainsi que son
Président et son bureau (art.315). Dans cette logique, les actes commis et
illégaux sont envoyés à la justice administrative, ou si leur illégalité est
manifeste, annulés par le représentant de l’Etat (art.77.al2, al3 et al 4). Dans le
même ordre d’idée, le MINCO peut mettre fin à une convention de
coopération décentralisée (art.18.al2 du décret 2011/1116/PM, op.cit.).
Ce n’est pas tout. Un élu local qui ne réside pas dans sa collectivité de
rattachement prend le risque de se faire destituer depuis le sommet de l’Etat
(art.144.al5). Il court même le risque d’être délester de ses fonctions par le
représentant de l’Etat, et déchu ministériellement (MINCO) s’il est condamné
pour délit, ou lorsque son comportement nuit gravement aux intérêts de sa
collectivité (art.488). Autre situation : une fois que le Maire est identifié comme
inéligible à ses fonctions, et qu’il refuse de céder la place, malgré
l’interpellation du MINCO, il peut être déclaré démissionnaire (art.229 et
art.230). Au niveau de la Région, le Président de région désobéissant se voit
notifié la cessation de fonction et cours le risque d’être déchu «
présidentiellement » (art.316). Ici aussi, un Président paresseux se verra
remplacer dans les actes de la collectivité par le MINCO (art.322).
L’Etat camerounais a le pouvoir de recadrer les collectivités à travers la
sanction et la coercition. Pour chaque écart, il existe une sanction. Les
collectivités délinquantes sont reprises en main, et les exécutifs défaillants
peuvent être destitués. L’Etat a pris la peine de s’assurer qu’il peut garder le
contrôle, même par la force, que ce soit en temps normal, ou en temps de
guerre, de ses collectivités. Cela montre bien que, de ses collectivités, il en
prend soin.
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Certes après avis du Conseil constitutionnel.
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DOCUMENT D’ANALYSE DE LA DECENTRALISATION ET
DU DEVELOPPEMENT LOCAL
N°005
CONCLUSION
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Nous voici arrivé à la fin de notre exercice. Notre objectif était de saisir la
consistance du pouvoir de l’Etat sur les collectivités territoriales décentralisées
camerounaises. Et nous avons vu, à travers une analyse de sociologie politique
du droit sous fond de philosophie naturaliste appliquée à la géopolitique, que
son pouvoir se décline en 3 grands mouvements : Cadrer, encadrer, et
recadrer. Lorsqu’il cadre, il est maître du jeu. Il pose les bases juridiques et
stratégiques, et crée, modifie et supprime les collectivités à sa guise. Lorsqu’il
encadre, il injecte la compétence à des postes stratégiques, et entoure les
collectivités du matériel et de l’expertise dont elles ont besoin. Lorsqu’il
recadre, il sanctionne les collectivités délinquantes, et peut les neutraliser pour
rétablir l’ordre. Clairement, l’étude montre que l’Etat camerounais garde un
contrôle de proximité sur ses collectivités./
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DOCUMENT D’ANALYSE DE LA DECENTRALISATION ET
DU DEVELOPPEMENT LOCAL
N°005
REFERENCES BIBLIOGRAPHIES
Articles :
- Goetschy Janine, « Les théories du pouvoir », Sociologie du travail, 23ᵉ
année n°4, Octobre-décembre 1981. pp. 447-467 ;
- Nkot Fabien, « Usages politiques du droit de la presse au Cameroun :
notes de sociologie politique du droit », Polis : revue camerounaise de
science politique, vol.13, pp.13-27.
Ouvrages :
- Jean Waline, Droit administratif, 27ème édition, 2018, Dalloz, p.57 ;
- Olivier Diederichs et Ivan Luben, La déconcentration, PUF,1995, P.132 ;
- Olivier Nay (dir), Lexique de Science politique : vie et institution
politique, 3ème édition, 2014, P.628.
Textes juridiques :
- Loi n° 2019/024 du 24 décembre 2019 portant code général des
collectivités territoriales décentralisées ;
- Loi n°96/06 du 18 janvier 1996 Portant révision de la Constitution du 02
juin 1972, modifiée et complétée par la loi n°2008/001 du 14 avril 2008 ;
- Décret 2011/1116/PM du 26 avril 2011 fixant les modalités de la
coopération décentralisée.
Document :
- Stratégie Nationale de Développement, 1ère éd.,2020, Ministère de
l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire,
P.231.