2. Appui à l’implantation d’un
processus d’institutionnalisation de
l’égalité entre les sexes
dans le secteur de l’emploi,
de la formation professionnelle
et de la protection sociale
Diagnostic de l’état de
l’égalité/équité
dans le secteur de
l’emploi, la formation
professionnelle et
la protection sociale
3. Appui à l’implantation d’un
processus d’institutionnalisation de
l’égalité entre les sexes
dans le secteur de l’emploi,
de la formation professionnelle
et de la protection sociale
Diagnostic de l’état de
l’égalité/équité
dans le secteur de
l’emploi, la formation
professionnelle et
la protection sociale
Avec l’appui de
l’Agence canadienne
de développement international (ACDI)
le Fonds d’appui à l’égalité entre les sexes (FAES II)
le Fonds de développement des Nations Unies
pour la femme (UNIFEM)
Rabat, juin 2010
6. Diagnostic de l’état de l’égalité/équité dans le secteur de l’emploi,
de la formation professionnelle et de la protection sociale
Abréviations et acronymes
ACDI Agence canadienne de développement international
ADS Agence de développement social
AFT Administration du Fonds du travail
AMO Assurance maladie obligatoire
ANAPEC Agence nationale de l’emploi et des compétences
APC Approche par compétence
BIT Bureau international du travail
BO Bulletin officiel
BSG Budgétisation sensible au genre
BTP Bâtiment et travaux publics
CDE Convention sur les droits de l’enfant
CEDEF Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations
à l’égard des femmes
CGEM Confédération générale des entrepreneurs du Maroc
CNOPS Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale
CNSS Caisse nationale de sécurité sociale
CSF Système des contrats spéciaux de Formation
DE Direction de l’Emploi
EEG Egalité et équité de genre
ENBTF Enquête nationale sur le budget temps des femmes
FAES Fonds d’appui à l’égalité entre les sexes
FP Formation professionnelle
GIAC Groupement interprofessionnel d’aide au conseil
HCP Haut Commissariat au Plan
IEEG Institutionnalisation de l’égalité et équité de genre
IMM Industries mécaniques et métallurgiques
INDH Initiative nationale pour le développement humain
IPEC International Programme for the Elimination of Child Labor
MDSF Ministère du Développement social, de la Famille et de la Solidarité
MEF Ministère de l’Économie et des Finances
MEFP Ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle
7
7. Diagnostic de l’état de l’égalité/équité dans le secteur de l’emploi,
de la formation professionnelle et de la protection sociale
MEN Ministère de l’Education nationale
MMSP Ministère de la Modernisation des Secteurs publics
OFPPT Office de la Formation professionnelle et de la Promotion du Travail
OIT Organisation internationale du travail
PME Petite et moyenne entreprise
PNACT Programme national d’amélioration des conditions de travail
PSMT Programme stratégique à moyen terme
PU Plan d’urgence
RGPH Recensement général de la population et de l’habitat
TH Textile-habillement
UNIFEM Programme des Nations Unies pour le Développement de la Femme
8
8. Diagnostic de l’état de l’égalité/équité dans le secteur de l’emploi,
de la formation professionnelle et de la protection sociale
Remerciements
Pour l’élaboration du présent diagnostic et du Programme stratégique à moyen terme pour
l’institutionnalisation de l’égalité et l’équité de genre dans le secteur de l’emploi, de la formation
professionnelle et de la protection sociale, le ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle,
de concert avec le Fonds d’appui à l’égalité entre les sexes de l’Agence canadienne de développement
international, a fait appel à une équipe de consultantes composée de Madame Rabéa Naciri, experte
en matière genre et droits humains, et de Madame Amina Lotfi, consultante en égalité entre les
sexes. Nous leurs adressons nos plus vifs remerciements pour l’effort déployé et pour leur apport et
leur contribution considérable et très engagée à la réalisation de ce projet.
9
9. Diagnostic de l’état de l’égalité/équité dans le secteur de l’emploi,
de la formation professionnelle et de la protection sociale
Introduction
1. Contexte global de l’égalité/équité au Maroc
1. Les femmes marocaines ont toujours travaillé. Toutefois, les évolutions récentes ont participé à
transformer le statut et leurs conditions d’emploi et de travail en raison de leur accès à l’éducation et à
la formation, d’une part, des changements intervenus dans les structures familiales et dans le marché
du travail, d’autre part. Education, formation, recul de l’âge au mariage et baisse du taux de fécondité
sont des conditions inédites dans l’histoire récente des femmes marocaines, conditions qui
commencent à affecter le marché de l’emploi.
2. Longtemps abordée sous l’angle du social et du familial, la question de la promotion des femmes au
Maroc a progressivement commencé à être réfléchie et intégrée en tant que composante transversale
des politiques publiques. L’élaboration du Plan d’action national pour l’intégration des femmes au
développement (1998) et les dynamiques ayant entouré les débats autour de ce Plan d’action ont
contribué à l’évolution des approches de la question de l’égalité des sexes qui ont de plus en plus
tendance à comprendre et à mobiliser les représentations et les rôles sociaux des hommes et des
femmes.
À partir de 1998-1999, plusieurs chantiers pour la révision de la législation nationale et des politiques
publiques ont été lancés, avec l’appui de la coopération internationale et à la demande du mouvement
des femmes.
1.1. Au niveau normatif
3. Le Maroc a initié des réformes destinées à harmoniser la législation nationale avec les conventions
internationales auxquelles il est partie. Il s’agit notamment de :
• la promulgation du Code de la famille (2004) qui constitue une réforme majeure 1 accompagnée de la
création des sections de justice de la famille, de l’institution d’un juge chargé des mariages et de la
reconnaissance du Ministère public comme partie prenante dans la mise en œuvre de ce code ;
• la révision partielle du Code de la nationalité (2007) qui a permis aux femmes de transmettre leur
nationalité d’origine à leurs enfants ;
• la réforme partielle du Code pénal 2 qui a renforcé la protection des femmes contre les violences, en
général, et les violences conjugales, en particulier ; la révision de certaines dispositions du Code de
procédure pénale 3 a permis aux femmes de se constituer partie civile contre leurs époux sans
l'autorisation de la juridiction saisie ;
1. Loi n° 70-03 promulguée adoptée en janvier 2004 et entrée en vigueur le 5 février 2004.
2. Loi n°24-03 promulguée le 11 novembre 2003.
3. B.O. 30 janvier 2003.
11
10. Diagnostic de l’état de l’égalité/équité dans le secteur de l’emploi,
de la formation professionnelle et de la protection sociale
• la consécration par le Code du travail 4 (2003) du principe de non-discrimination, y compris entre les
hommes et les femmes 5 (en matière d’emploi, de salaires) ; par ailleurs, les femmes peuvent
participer sur un pied d’égalité avec les hommes à toutes les activités syndicales 6 (droit de la femme
mariée d'adhérer et de participer à l’administration et à la gestion d’un syndicat professionnel) 7 ;
• la révision de la loi organique de la chambre des représentants (article 1) et du code électoral (2008)
qui a intégré des mesures pour promouvoir la participation des femmes aux mandats électifs
nationaux et locaux 8 ;
• l’émancipation de la femme mariée grâce à la suppression de l’autorisation maritale pour
l’établissement d’un contrat de travail en 1996 (article 726 du dahir formant code des obligations et
contrats), pour l’exercice du commerce 9 (1995), pour l’obtention du passeport (circulaire du ministère
de l’Intérieur, 1994) ;
• la révision de plusieurs statuts particuliers de la fonction publique qui a permis d’ouvrir aux femmes
certaines fonctions interdites par le passé : services actifs de la police, facteur, agent de ligne des PTT,
officier des douanes et de l’autorité territoriale.
4. Par ailleurs, la pratique conventionnelle du Maroc n’a eu de cesse d’évoluer durant les dernières
années: ratification de CEDEF et CDE (1993) 10 et adhésion quasi systématique aux conventions de
l’OIT, à l’exception des conventions n° 87 concernant la liberté syndicale 11 et n° 183 12 sur la protection
de la maternité 13.
1.2. Les politiques publiques et l’égalité et équité de genre
5. Les politiques publiques sont devenues plus sensibles aux questions de l’égalité et équité sociale en
général et celle de genre en particulier :
• la généralisation de l’éducation obligatoire (accent mis sur les filles rurales dans le cycle primaire) et
l’appui à l’alphabétisation des adultes, notamment des femmes, et la révision des curricula scolaires
de façon à promouvoir les valeurs et principes des droits de l’homme, parmi lesquels l’égalité entre
les sexes 14 ;
• l’adoption de la « Stratégie nationale pour l’Égalité et l’Équité entre les sexes » 15 (2006), en vue
d’intégrer la dimension genre dans l’ensemble des politiques publiques sectorielles ;
4. Loi n° 65-99 promulguée le 11 septembre 2003.
5. Il s’agit notamment de : l’interdiction de la discrimination entre les salariés fondée sur le sexe, la couleur, la race, la situation
familiale, l’opinion politique et syndicale (art. 9 du code de travail) ; le droit de la femme de conclure un contrat de travail et
d’adhérer à un syndicat professionnel et participer à son administration et sa gestion (art 9 ) ; l’interdiction de la discrimination
en matière de salaire entre les sexes pour un travail de valeur égale (article 346) ; le harcèlement sexuel et l’incitation à la
débauche de la part de l’employeur considérés comme faute grave et le départ de la femme salariée suite à une faute considéré
comme un licenciement abusif (art 40) ; la fixation du congé de maternité à 14 semaines (art 152).
6. Le Maroc n'est pas partie à la Convention n° 87 de l'OIT relative à la liberté syndicale.
7. Le non-respect de cette prescription est un délit punissable d'une amende de 15 000 à 30 000 dirhams.
8. Ces mesures ont permis, lors du scrutin local de juin 2009, de porter les candidatures féminines à 20 458 (soit 250 % de
plus qu’en 2003) et l’élection de 3 408 femmes (soit un peu plus de 12 % des sièges locaux) contre 127 lors des élections locales
précédentes (0,56 %). Les résultats des élections législatives de 2002 ont été considérés comme un pas positif suite à l’accès
de 35 femmes à la Chambre des représentants (de 0,6 % à 10,0 %).
9. Art. 17 du code de commerce : « La femme mariée peut exercer le commerce sans autorisation de son mari. Toute convention
contraire est réputée nulle. »
10. Le message royal du 10 décembre 2008 a annoncé l’intention du Maroc de lever les réserves émises sur la CEDEF.
11. L’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession fait partie des principes concernant les droits
fondamentaux : liberté d’association et reconnaissance effective du droit de la négociation collective, élimination de toute forme
de travail forcé ou obligatoire, abolition effective du travail des enfants. Sont donc considérées comme fondamentales les
conventions de l’OIT en relation avec ses principes.
12. En mars 2010, le conseil des ministres a approuvé la ratification de cette convention par le Maroc.
13. Il s’agit des conventions internationales du travail n° 100 et n° 111. La convention n° 183 sur la protection de la maternité a
été approuvée en conseil des ministres le 17 juillet 2004 sans avoir encore été ratifiée officiellement par le Maroc.
14. La réforme préconise que les manuels scolaires doivent désormais intégrer les principes « d’équité et d’égalité qui fondent le
nouveau Code de la famille ».
15. Royaume du Maroc, SEFEPH, Stratégie nationale pour l’Égalité et l’Équité entre les sexes par l’intégration de l’approche genre dans
les politiques et les programmes de développement, 2006. Avec l’appui de la GTZ.
12
11. Introduction
• l’expérience, entamée en 2005, par le ministère de l’Économie et des Finances (MEF) dans le cadre
du processus de réforme des dépenses publiques, de processus de « gendérisation » du budget de
l’État (BSG) et la publication depuis 2006 par ce ministère de « rapports genre » accompagnant la
loi de finances ;
• l’élaboration d’une charte nationale pour promouvoir l’image de la femme dans les médias;
• l’élaboration et la mise en œuvre de la Stratégie nationale de lutte contre les violences à l’égard des
femmes (2002) et de son plan opérationnel (2005) ;
• l’élaboration, avec l’appui de l’ACDI-FAES, des programmes à moyen terme d’institutionnalisation de
l’égalité entre les sexes dans le secteur de la communication (décembre 2006), la fonction publique
(janvier 2007) et dans le système éducatif (octobre 2008).
6. En dépit de l’engagement officiel en faveur de l’égalité et de l’équité de genre et les progrès
accomplis, l’accès des femmes marocaines à l’activité et à emploi et les conditions dans lesquelles cette
activité se déploie sont confrontés à des contraintes et à des résistances d’ordre économique et social
mais aussi du fait des orientations des politiques publiques en matière d’éducation, de formation,
d’emploi et de lutte contre le chômage.
7. Conscient de ces défis et afin d’y faire face, le ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle
(MEFP) a mis en place, avec le soutien de l’ACDI-FAES, le présent projet d’appui à l’implantation d’un
processus d’institutionnalisation de l’égalité et équité de genre (IEEG). Ce projet, qui se veut une
approche structurante de gouvernance en matière d’EEG par le développement d’une capacité
institutionnelle et technique à construire, se décline en deux étapes :
• la première étape jettera les bases d’une prise en charge institutionnelle de l’égalité entre les sexes
dans les politiques et champs d’action du MEFP et des institutions sous sa tutelle, sur la base d’un
diagnostic participatif en EEG et d’un plan stratégique à moyen terme (PSMT) dans les secteurs de
l’emploi, de la formation professionnelle et de la protection sociale ; à ces fins, le ministère a déjà
constitué un comité de coordination pour lancer ce projet ;
• la seconde étape concerne l’élaboration d’un plan ministériel stratégique d’institutionnalisation de
l’égalité entre les sexes ; d’autres partenaires, telle l’UNIFEM, se sont associés au FAÉS-ACDI et au
MEFP pour la réalisation de cette deuxième étape.
2. Objectif et bénéficiaires du projet
2.1. Objectifs
8. Objectif à long terme : contribuer à l’intégration de l’égalité entre les sexes dans les politiques de
l’emploi, de la formation professionnelle et de la protection sociale et à la promotion des valeurs
égalitaires dans ces secteurs.
But : appuyer l’implantation d’un processus d’institutionnalisation de l’égalité entre les sexes au sein du
ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle.
2.2. Groupes cibles et résultats attendus
9. Les groupes ciblés par le présent projet :
• les décideurs et cadres du ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle ;
• les points focaux genre (PFG) mis en place dans les structures du ministère de l’Emploi et de la
Formation professionnelle et au sein des organismes sous tutelle ;
• le Comité de coordination du projet.
10. Résultats attendus à court, moyen et long terme :
• Le comité de coordination du projet, dont les 16 points focaux genre, est formé sur les approches et
méthodes de l’institutionnalisation de l’égalité entre les sexes et s’est approprié les problématiques
d’égalité entre les sexes dans les secteurs de l’emploi, de la formation professionnelle et de la
protection sociale.
13
12. Diagnostic de l’état de l’égalité/équité dans le secteur de l’emploi,
de la formation professionnelle et de la protection sociale
• Ce diagnostic participatif est diffusé aux décideurs du ministère de l’Emploi et de la Formation
professionnelle.
• Un programme à moyen terme (PSMT) d’institutionnalisation de l’égalité entre les sexes est élaboré,
validé et adopté par le MEFP.
3. Méthodologie adoptée
11. L’élaboration du diagnostic participatif qui fait l’objet de la présente et première mission a obéi à la
démarche méthodologique suivante :
• analyse de la documentation pertinente relative à la situation de l’égalité et équité de genre (EEG)
dans les secteurs de l’emploi et de la formation professionnelle ;
• accompagnement/appui au comité de coordination du projet et des points focaux genre pour la
structuration (schémas organisationnels, attribution, tâches, etc.) des mécanismes organisationnels
qui seront chargés de l’IEEG ;
• formation des membres du comité de coordination du projet et les 16 points focaux genre mis en
place dans les structures du MEFP sur les approches et les méthodes de l'institutionnalisation de
l’EEG ;
• rencontres et entretiens avec les responsables du MEFP et des institutions sous tutelle (voir les listes
des institutions et des personnes rencontrées en annexe) : responsables des départements de
l’emploi et de la formation professionnelle, membres du comité de coordination, points focaux
genre, etc. ;
• le processus participatif d’élaboration du présent diagnostic a été ponctué de plusieurs réunions et
ateliers de discussion et de validation ayant impliqué aussi bien les points focaux genre que les
responsables et décideurs des deux départements du MEFP et des institutions sous tutelle.
12. Le présent rapport est organisé comme suit :
• la première partie dresse un état des lieux global et sensible à la dimension genre dans le domaine
de la formation professionnelle, de l’emploi, de la protection sociale et des conditions de travail ;
• la deuxième partie présente le diagnostic participatif de l’état de l’égalité et équité de genre dans le
département de l’emploi et de la formation professionnelle et les institutions sous sa tutelle ;
• la troisième et dernière partie revient sur les principaux constats, propose les orientations et les axes
stratégiques pour l’élaboration d’un programme stratégique à moyen terme pour
l’institutionnalisation de l’EEG (PSMT).
14
13. Diagnostic de l’état de l’égalité/équité dans le secteur de l’emploi,
de la formation professionnelle et de la protection sociale
1
Etat des lieux selon le genre :
formation professionnelle, activité
et emploi, protection sociale
et conditions de travail
Introduction
13. Le travail féminin, problématique économique, sociale mais aussi culturelle et idéologique est une
réalité à la fois économique et un fait social total 16. En effet, la situation des femmes sur le marché du
travail est un excellent indicateur de l’état d’une société, du fonctionnement du marché de l’emploi, de
la place du travail dans le système des valeurs, et, enfin, elle est un indicateur des relations et rapports
entre les hommes et les femmes, de leur statut social et de leur position dans la société 17. En effet, le
droit des femmes à l’emploi est un enjeu économique et social politique et idéologique. C’est un des fils
conducteurs les plus importants pour appréhender la situation des femmes qui touchent aux
représentations et aux pratiques sociales, aux politiques économiques et aux législations, à l’évolution
du marché du travail et aux rapports sociaux de sexe dans la sphère familiale. L’accès à l’emploi pose
donc, inévitablement, la question de la liberté des femmes, les conditions dans lesquelles elles travaillent
posent celles de l’égalité entre les sexes 18.
14. Eu égard à l’objet de l’étude et à la complexité et l’étendue du champ à investiguer, la présente partie
se limitera à brosser un tableau synthétique et forcément schématique de l’état des lieux de la prise en
compte de la dimension genre dans le secteur de l’éducation et de la formation professionnelle, de
l’emploi, de la protection sociale et des conditions de travail.
1. Genre, éducation et formation professionnelle
15. Grâce aux profils de formation qu’il dispense, le système scolaire et de formation intervient
fortement dans la décision des femmes à participer au marché du travail, dans la répartition de la main-
d’œuvre par secteur d’activité et occupation professionnelle, dans la configuration de l’emploi selon le
statut professionnel et, enfin, dans l’accès à un travail rémunéré. Mais l’éducation des femmes n’est pas
seulement un atout favorisant une meilleure intégration dans le marché du travail. Elle a d’autres
conséquences sur la conception de la vie, en général, du travail, du mariage, de la famille et de la
citoyenneté, en particulier.
16. Margaret Maruani, Danièle Meulders, Mettre l’emploi au cœur du débat, in Marché du travail et genre, Maghreb Europe, Brussels
Economics Series, Edition du DULBEA asbi, GDRE, MAGE, INSEA, DULBEA, 2004, p. 7.
17. Idem.
18. Idem.
15
14. Diagnostic de l’état de l’égalité/équité dans le secteur de l’emploi,
de la formation professionnelle et de la protection sociale
1.1. Genre et éducation
16. A l’échelle nationale, les écarts entre les sexes tendent à diminuer dans le cycle primaire et à
l’université. La parité garçons-filles est presque atteinte dans l’enseignement primaire urbain, alors que
le taux de parité ne dépasse pas 0,55 dans le secondaire collégial rural (0,90 en milieu urbain) et 0,61
dans le secondaire qualifiant rural (0,98 dans l’urbain). De plus, les taux de déperdition des filles – pour
l’ensemble des cycles – ont enregistré une dégradation continue 19.
Tableau 1
Indice de parité entre les sexes (2006-2007)
National Urbain Rural
Primaire 0,87 0,93 0,81
Secondaire Collégial 0,81 0,90 0,55
Secondaire Qualifiant 0,93 0,98 0,61
Source : MEN, statistiques 2006-2007.
17. En 2002-2003, la part des étudiantes était de 45,4 %. Elle est actuellement de 46,5 % pour
l’ensemble des établissements universitaires publics et de 44,9 % pour le privé. Toutefois, la part des
étudiantes diminue sensiblement au niveau du troisième cycle, au sein duquel les étudiantes ne
représentent plus que 35,9 %. L’abandon par les étudiantes des études doctorales révèle le regain
d’une inégalité de fait entre les sexes. Cette inégalité peut être observée en examinant la répartition
selon le type de diplôme. La parité est presque complète chez les diplômés des 1er et 2e cycles 20
(48 %), elle est de 39,5 % pour le 3e cycle 21 ; pour les doctorants d’Etat, cette proportion tombe à
22,37 % 22.
18. Malgré l’évolution positive en matière de lutte contre l’analphabétisme, les effectifs des
analphabètes tendent plutôt à augmenter en relation avec l’accroissement démographique et la non-
généralisation de la scolarisation rurale. Près de 10 millions de Marocains – dont 7 millions de
femmes – ne savent ni lire ni écrire 23.
19. Quant aux aspects qualitatifs, les filles ont tiré un grand bénéfice des efforts consentis par le
gouvernement en matière d’orientation vers les filières scientifiques et techniques. En effet, les écarts
entre les filles et garçons ont tendance à se réduire au sein de certaines filières universitaires
traditionnellement masculines. En 2006-2007, la part des étudiantes nouvellement inscrites a
augmenté de 28,15 % dans la filière « sciences de l’ingénieur », de 37,7 % dans la filière
« technologie » et de 24,87 % dans la filière « sciences et technologie ».
20. En dépit des orientations de la charte nationale de l’éducation et de la formation 24 qui incitent à
prendre en considération les valeurs des droits de l’homme lors de la révision des curricula et
l’élaboration des nouveaux manuels scolaires 25, certaines disciplines (manuels de la langue arabe et de
l’instruction islamique) continuent à présenter les relations hommes-femmes dans une logique figée
des rôles sociaux de genre au détriment de la diversité et du caractère interchangeable de ces derniers.
19. COSEF, Le taux de redoublement (garçons et filles) est passé pour le primaire de 13,2 % en 1997-1998 à 13,8 % en 2003-
2004 ; et pour le qualifiant, de 17,1 % en 1996-1997 à 19,9 % en 2003-2004.
20. Licence, doctorat en médecine, pharmacie, dentaire et ingénieur d’Etat.
21. DESA, DEES, doctorat et doctorat d’Etat.
22. MEN, 2006-2007.
23. RGPH, 2004.
24. La charte nationale de l’éducation et de la formation a annoncé explicitement « le respect, dans toutes activités et services
d'éducation et de formation, des principes et des droits reconnus à l'enfant, à la femme et à l'homme, en général, tels que les stipulent les
conventions et les déclarations internationales ratifiées par le Royaume du Maroc» et précise que « des programmes […] seront consacrés
à […] apprendre et respecter ces droits ».
25. MEN, Orientations et choix éducatifs concernant la révision des curricula, document de cadrage, mai 2001.
16
15. Etat des lieux selon le genre
1.2. Genre et formation professionnelle
21. La formation professionnelle permet en principe aux hommes et aux femmes d’obtenir une
qualification et ainsi d’éviter de rejoindre les rangs de la main-d’œuvre non qualifiée.
Des études récentes ont montré que la probabilité pour les jeunes filles de s’insérer dans le marché de
l’emploi est plus forte lorsqu’elles sont dotées d’un diplôme de technicienne spécialisée (43 points
pourcentage par rapport aux femmes n’ayant aucune éducation).
Cette probabilité est plus élevée que pour celles dotées d’un diplôme d’études universitaires (32 points
pourcentage).
22. Le système de formation professionnelle se caractérise par une croissance rapide de sa capacité
d’accueil et de ses effectifs. En 2008-2009, il compte 2031 établissements, dont 480 relèvent du
secteur public et 1551 du secteur privé ; il compte 282 199 stagiaires dont 251 607 en mode résidentiel
et alterné et 30 592 en formation par apprentissage. 72 % des stagiaires sont inscrits dans le secteur
public et 28 % dans le secteur privé.
Les formations offertes par les établissements publics sont gratuites et celles offertes par le secteur
privé, payantes. Depuis 2007, le gouvernement a instauré des mesures d'encouragement au profit des
établissements privés de formation.
1.2.1. L’accès à la formation
23. Depuis la mise en œuvre de la charte nationale de l’éducation et formation, le système de formation
professionnelle enregistre une augmentation de sa capacité d’accueil. Cette croissance des effectifs n’a
pas affecté la part des filles dans le système de formation professionnelle ; elle s’est maintenue à 58 %
pour le secteur privé et à 35 % pour le secteur public, signifiant par là que l’offre de formation émanant
du secteur public ne répond pas de manière égalitaire à la demande de formation des garçons et des
filles puisque ces dernières sont amenées à payer leur formation auprès du secteur privé, qui répond
mieux à leur demande de formation.
Tableau 2
Evolution de l’effectif des stagiaires en formation résidentielle
et alternée par secteur (2002-2009)
Public Privé Total
Année
Total Filles (%) Total Filles (%) Total Filles (%)
2003-2004 98 1 77 30 64 818 56 162 995 40
2004-2005 106 029 34 65 764 65 171 793 43
2005-2006 1 20 331 37 66 270 57 186 601 44
2006-2007 135 670 34 67 184 59 202 854 43
2007-2008 150 867 34 73 368 60 224 235 42
2008-2009 175 328 35 76 279 58 251 607 42
Source : Département de la formation professionnelle, Rapport genre, 2009.
24. Entre 2000 et 2009, l’évolution des effectifs féminins en mode résidentiel et alterné est restée
stable dans le secteur privé et n’a augmenté que de 4 points dans le secteur public. Cette augmentation
est principalement l’œuvre de l’OFPPT qui a pratiquement multiplié par cinq ses effectifs féminins. Pour
les autres opérateurs, l’évolution a été fluctuante.
17
16. Diagnostic de l’état de l’égalité/équité dans le secteur de l’emploi,
de la formation professionnelle et de la protection sociale
Tableau 3
Evolution effectifs des stagiaires par opérateur (formation résidentielle et alternée)
2000-2001 2008-2009
Département formateur
Total Filles Total Filles
OFPPT 53 592 11 463 155 265 51 767
Agriculture 3 086 308 4 096 914
Tourisme 2 526 1 157 4 367 1 910
Pêches 747 14 691 30
Artisanat 3 019 1 151 1 679 553
Jeunesse et Sports 8 010 7 977 5 383 5 383
Intérieur 1 823 365 — —
Urbanisme 317 140 62 22
HCAR 604 420 196 159
Energie et mines 174 31 200 23
Justice 840 3 085 176
Santé 78 50 50 06
Equipement 138 22 194 46
ESITH 283 120 — —
Education nationale 225 47 — —
CCI 16 10 60 26
Total du public 75 478 23 275 (31%) 175 328 60 989 (35%)
Total du privé 56 445 32 971 (58%) 76 279 43 960 (58%)
Total général 131 923 56 246 (42%) 251 607 104 975 (42%)
Source : DFP, La Formation professionnelle en chiffres, 2000-2001 et 2008-2009.
25. Par ailleurs, la capacité d’accueil du système de formation professionnelle reste très limitée en
milieu rural. Les stagiaires en formation résidentielle et alternée n’y représentent que 2 % de l’effectif
global. Les filles représentent 22 % des stagiaires en milieu rural et 1 % des stagiaires-filles au niveau
national 26.
26. En matière de niveau de formation. L’évolution des effectifs des stagiaires-filles par niveau de
formation en mode résidentiel et alterné montre que leur part dans les niveaux « technicien et
technicien spécialisé » augmente plus rapidement que pour les niveaux « qualification et de
spécialisation ». En 2008-2009, la parité est atteinte pour le niveau « technicien spécialisé » et
pratiquement atteinte pour le niveau « technicien » ; toutefois, elle est loin d’être atteinte pour les
niveaux « qualification » (31 %) et « spécialisation » (39 %).
26. Département de la FP, Place des filles dans le système de formation professionnelle, octobre 2009.
18
17. Etat des lieux selon le genre
Tableau 4
Évolution des effectifs des stagiaires-filles par niveau de formation
(formation résidentielle et alternée)
Année/Niveau 2002-2003 2003-2004 2004-2005 2005-2006 2006-2007 2007-2008 2008-2009
Tech. spécialisé 6 670 9 74 1 1 3 90 1 18 823 24 681 29 603 33 328
Technicien 20 672 24 286 27 543 28 324 30 596 34 367 38 34 1
Qualification 17 275 1 7 355 17 1 41 18 48 1 18 211 1 8 048 19 1 29
Spécialisation 15 554 15 95 1 15 326 16 38 1 1 3 069 1 3 1 53 14 1 77
Total 60 1 7 1 67 333 73 9 1 1 82 009 86 557 95 1 7 1 1 04 975
Source : DEPF : La formation professionnelle en chiffres, 2008-2009.
Dans les zones rurales où le taux d’abandon scolaire est plus élevé chez les filles que chez les garçons,
la formation professionnelle (niveau qualification et spécialisation) constitue une réponse pertinente
aux besoins en formation des filles qui ont interrompu leurs études collégiales.
27. En matière de secteur de formation. En 2007-2008, les femmes représentent 43 % des lauréats
de la FP tous secteurs confondus. Elles sont prédominantes dans des secteurs qui débouchent sur des
métiers traditionnellement féminins : santé et paramédical, textile et habillement, coiffure et
esthétique ; administration, gestion et commerce et artisanat. Elles sont largement minoritaires dans
les trois secteurs nouvellement investis : les IMME, la pêche maritime, le bâtiment et les travaux
publics. Par ailleurs, dans les secteurs de l’information et de la communication, l’hôtellerie et le
tourisme, la tendance est de plus en plus à la parité.
Tableau 5
Répartition des lauréates par secteur, 2007-2008
(formation résidentielle et alternée)
Secteur public Secteur privé Public+privé
Secteur de formation
Total Filles Total Filles Total Filles
Administration, gestion
12 437 8 710 (70 %) 11 095 6 395 (58 %) 23 532 15 105 (64%)
et commerce
Agriculture 1 670 363 (22 %) 5 0 1 675 363 (22 %)
Artisanat 2 299 928 (40 %) 1 412 1 306 (92 %) 3 711 2 234 (60 %)
Assistance au ménage 443 443 62 61 505 504
Audiovisuel et arts graphiques 756 361 (48 %) 983 309 (3 1 %) 1 739 670 (38 %)
BTP 10 223 549 (5 %) 167 77 (46 %) 10 390 626 (6 %)
Coiffure et esthétique 541 347 (64 %) 14 478 9 873 (68 %) 15 019 10 220 (68 %)
Hôtellerie et tourisme 5 908 2 249 (38 %) 1 998 982 (49 %) 7 906 3 231 (40 %)
IMME 19 641 371 (1,9 %) 575 12 (2 %) 20 216 383 (1,9 %)
Industrie agroalimentaire 291 91 (31 %) 47 20 (42,5 %) 338 1 1 1 (32,8 %)
Santé et paramédical 89 34 (38 %) 3 592 3 104 (86 %) 3 681 3 138 (85 %)
Textile et habillement 7 288 4 750 (65 %) 1 195 1 107 (92,6 %) 8 483 5 857 (69 %)
T.I.C. 5 661 2 649 (46,7 %) 4 242 1 637 (38,5 %) 9 903 4 286 (43 %)
19
18. Diagnostic de l’état de l’égalité/équité dans le secteur de l’emploi,
de la formation professionnelle et de la protection sociale
Secteur public Secteur privé Public+privé
Secteur de formation
Total Filles Total Filles Total Filles
Transport et logistique 1 88 48 (25,5 %) 111 46 (41 %) 299 94 (31 %)
Chimie et plasturgie 1 81 37 (20,0 %) 0 0 181 37 (20 %)
Cuir 600 120 (20,0 %) 0 0 600 120
Pêche maritime 26 1 7 (2,60 %) 0 0 261 7 (2,6 %)
Total 68 477 22 057 39 962 24 929 10 8439 46 986
32 % 62 % 43
Source : DEPF : La formation professionnelle en chiffres, 2008-2009.
28. En matière de formation par apprentissage
Ce mode de formation, mis en place en 2000 pour corriger les disparités en matière d’offre de
formation entre le milieu rural et urbain, permet aux jeunes d’acquérir des qualifications
professionnelles en vue d’une meilleure adéquation formation-emploi et d’une insertion rapide dans la
vie active.
En 2005-2006, la formation par apprentissage n’a concerné que 17 % des apprenties. En l’espace de
4 ans, ce taux a pratiquement doublé : il est passé à 32% en 2008-2009. Cette évolution semble
toutefois plus marquée dans les secteurs de l’agriculture (18 % en 2008-2009 contre 0,07 % en
2005-2006) et de l’artisanat (32 % en 2008-2009 contre 19 % en 2005-2006).
Comme pour la formation résidentielle et alternée, les secteurs de l’artisanat de service, du bâtiment
et de la pêche maritime restent des secteurs à prédominance fortement masculine, et les secteurs du
textile/habillement/cuir et des services/santé/éducation reste des secteurs à prédominance féminine.
Malgré cette évolution, le taux des filles bénéficiaires de la formation par apprentissage reste faible par
rapport à celui de la formation résidentielle et alternée.
Tableau 6
Evolution des effectifs des apprentis par année et par secteur de formation
2005-2006 2006-2007 2007-2008 2008-2009
Secteur de formation
Total Filles Total Filles Total Filles Total Filles
Agriculture 8 562 6 (0,07 %) 5 901 1 320 (22 %) 9 558 2 116 (22 %) 8 786 1 584 (18 %)
Artisanat de production 3 988 743 (32 %) 3 496 1 129 (32 %) 4 681 1 624 (35 %) 5 185 1 678 (32 %)
Artisanat de eervice 4 791 31 (0,64 %) 2 269 45 (2 %) 2 232 77 (3 %) 2 320 7 (0,30 %)
Bâtiment 2 217 3 (0,13 %) 1 385 0 1 945 0 2 204 46 (2 %)
Pêche maritime 1 757 0 1 810 0 1 925 19 (1 %) 2 367 0
Textile-habillement et cuir 860 793 (92 %) 573 536 (94 %) 1 477 1 069 (72 %) 1 934 1 602 (83 %)
Hôtellerie Restauration 2 849 1 389 (49 %) 2 807 1 281 (46 %) 2 940 1 252 (43 %) 3 562 1 067 (30 %)
Services/Education 1 541 123 (80 %) 1 936 1611 (83 %) 2 613 2 158 (82 %) 4 234 3 409 (80 %)
Total 26 565 4 202 (17 %) 20 177 5 922 (29 %) 27 371 8 315 (30 %) 30 592 9 393 (32 %)
Source : DFP.
20
19. Etat des lieux selon le genre
1.2.2. Les caractéristiques de l’insertion des lauréates de la FP dans le marché du travail
29. Le MEFP réalise annuellement depuis 1987 des enquêtes en vue de mesurer le niveau d’insertion
professionnelle des lauréats et des lauréates 27. Ces enquêtes permettent de dégager les informations
relatives au taux d’emploi et d’insertion professionnelle des lauréats et lauréates de la formation
professionnelle.
30. En matière d’insertion dans le marché du travail. Les enquêtes soulignent les constats suivants :
• les lauréates ont plus de difficultés à accéder à un premier emploi dans les neuf mois qui suivent
l’obtention de leur diplôme ;
• le taux d’inactivité est plus élevé chez les lauréates mariées en raison de la difficulté à mener de front
la vie familiale et la vie professionnelle ;
• les lauréat-e-s du secteur public trouvent plus facilement un premier travail que ceux du secteur privé ;
• les lauréat-e-s ont une aptitude insuffisante pour trouver un premier emploi ;
• les candidates accèdent difficilement à un premier emploi quand elles sont diplômées d’un secteur
traditionnellement masculin ;
• les lauréates ayant un diplôme de niveau de qualification ont plus de difficultés à trouver un premier
emploi ;
• l’écart entre les sexes en matière d’accès à diminue avec l’élévation du niveau du diplôme obtenu.
31. En matière de cheminement professionnel. En vue d’avoir des données plus détaillées en matière
d’emploi et d’insertion, le MEFP réalise également des enquêtes de cheminement professionnel des
lauréats et lauréates trois années après l’obtention de leur diplôme. Selon l’enquête de cheminement
de 2004, le taux d’insertion des lauréates est pratiquement équivalent à celui des lauréats. En outre,
les filles accèdent plus facilement au statut de permanent et sont mieux rémunérées que les garçons.
Enfin, plus de 80 % des lauréates considèrent que leur formation est en parfaite adéquation avec
l’emploi qu’elles occupent.
2. Genre, activité et chômage
32. En 2008, la population totale âgée de 15 ans et plus a atteint 22,27 millions de personnes dont
11,27 millions d’actifs (10,19 millions pourvus d’un emploi et 1,08 million au chômage) et 11 millions
d’inactifs. Près de 52 % de la population active âgée de 15 ans et plus résident en milieu urbain, dont
26,9 %, sont des femmes.
2.1. Genre et activité
33. Le taux d’activité des femmes a enregistré d’importantes fluctuations au cours des dernières
années, passant de 12,0 % en 1982 à 26,6 % en 2008 28. Le taux d’activité des hommes qui s’établit
à 75,9 % en 2008, a moins fluctué que celui des femmes pour la même période. Durant les dernières
années, on assiste à la stagnation, voire à la baisse du taux de féminisation de la population active (il
était de 27,1 % en 2006 et de 27,2% en 2007) 29.
34. Actuellement, la participation des femmes marocaines au marché du travail est l’une des cinq plus
faibles de la région Moyen-Orient-Afrique du Nord (MENA) 30 :
• près de 2 citadines sur 10 et 4 rurales sur 10 sont actives ;
• plus de 4 % des femmes en âge de travailler (15 ans et plus) et dotées d’un diplôme d’études
secondaires et supérieures ne participent pas au marché du travail.
35. Par ailleurs, si la population active âgée de 15 ans et plus a augmenté d’environ 1,1 % durant l’année
écoulée, cette hausse a concerné exclusivement les zones urbaines (2,2 % contre 0,2 % en milieu
27. Ces enquêtes concernent les 9 premiers mois qui suivent l’obtention du diplôme.
28. Ces fluctuations pourraient être liées au changement des techniques de mesure de l’activité et sont plus importantes pour
les femmes rurales que pour les urbaines, l’activité non rémunérée étant un phénomène essentiellement rural.
29. Haut Commissariat au Plan, « Activité, emploi, chômage : résultats détaillés », 2008.
30. Royaume du Maroc, Objectifs du Millénaire pour le développement, Rapport national 2007, septembre 2008, p. 31.
21
20. Diagnostic de l’état de l’égalité/équité dans le secteur de l’emploi,
de la formation professionnelle et de la protection sociale
rural) et les hommes. Le taux d’activité des femmes a légèrement diminué (0,2 % pour les hommes et
0,5 % pour les femmes). La baisse du taux d’activité féminin a concerné toutes les tranches d’âge au-
dessus de 15 ans et toutes les catégories de diplômées.
Ce taux d’activité des femmes varie selon l’âge, le statut matrimonial et le diplôme :
36. Selon l’âge 31, les actifs âgés de moins de 35 ans représentent plus que la moitié des actifs (51,3 %).
Cette proportion est de 52,2 % chez les femmes et de 51,0 % chez les hommes. Si les taux d’activité
des hommes dépassent de loin ceux des femmes et ce pour toutes les tranches d’âge, toutefois, le taux
d’activité masculin atteint son maximum (96,1 %) pour la tranche d'âges 35-44 ans, puis enregistre
une baisse continue jusqu’à 38,8 % pour les personnes âgées de 60 ans et plus. Quant au taux
d'activité des femmes, il croît jusqu'à atteindre son maximum (32,3 %) pour le groupe d’âge 25-34 ans,
avant de chuter à 12,4 % pour les femmes du troisième âge. Ces données signifient que les femmes
entrent un peu plus tôt sur le marché du travail et le quittent de façon précoce. Leur cycle professionnel
est en moyenne plus court que celui des hommes.
37. Selon le statut matrimonial, le taux d’activité des citadines mariées est de 12 % contre 79,0 % pour
les hommes (HCP, 2008). Le mariage a tendance à sanctionner les femmes en général, les citadines
et les plus jeunes, en particulier. Les femmes ont un cycle professionnel plus précoce et plus court que
celui des hommes, surtout dans les emplois féminins précaires, où le modèle professionnel discontinu
est majoritaire. Dans les secteurs où l’emploi est permanent et protégé, l’activité féminine tend vers un
modèle de cycle de vie professionnel continu (pas de suspension ni arrêt à cause du mariage).
38. Selon le niveau d’éducation, plus du tiers de la population active âgée de 15 ans et plus n’a aucun
niveau scolaire. La majorité des femmes actives est analphabète (58,9 % des femmes contre 32,9 %
des hommes) 32. Chez les femmes rurales, le taux d’analphabétisme atteint 84,6 %. Plus le niveau du
diplôme est élevé, plus l’écart entre les taux d’activité des hommes et des femmes s’atténue. Ainsi,
l’écart passe de 57 % pour les «sans diplôme» à 20,9 % pour les personnes diplômées de niveau
supérieur. Toutefois, les évolutions récentes du marché de l’emploi montrent que la baisse de l’activité
a davantage touché les femmes diplômées.
2.2. Genre, emploi et chômage
2.2.1. En ce qui concerne l’emploi
39. Le volume de la population active occupée atteint 10,38 millions de personnes en 2008 avec un
taux d’emploi national de 45,8 % (68,7 % chez les hommes et 24,0 % chez les femmes). Cette
disparité entre les deux sexes a été relevée avec la même ampleur dans les deux milieux de résidence
(46,9 % de différence en milieu urbain et 41,6 % en milieu rural).
40. Selon l’âge au premier travail, des disparités importantes existent entre les hommes et les femmes:
près de deux actifs occupés ruraux sur trois ont débuté leur activité à moins de 15 ans, alors qu’en milieu
urbain, cette proportion n’est que d’un actif sur quatre. Ce constat peut être expliqué, entre autres, par
le mode d’organisation de l’activité en milieu rural, qui favorise la participation des enfants à l’activité, et
par le taux de scolarisation relativement élevé dans les villes. De même, 73,6 % des femmes ont
commencé à travailler avant 15 ans, alors qu’en milieu urbain, cette proportion n’excède pas 14 %.
41. Selon le niveau d’éducation, plus de deux tiers des actifs occupés adultes (âgés de 15 ans et plus)
sont sans diplôme. Le taux d’emploi des adultes varie selon le diplôme. Il est plus élevé chez les
diplômés de niveau supérieur (53,8 %) suivis par les non-diplômés (48,4 %) et en troisième lieu par
les diplômés de niveau moyen (37 %). Pour les hommes, le taux d’emploi le plus élevé est enregistré
parmi les non-diplômés (78,5 %), alors que pour les femmes, le taux le plus élevé est relevé chez les
personnes ayant un diplôme de niveau supérieur (39,3 %). Par ailleurs, il y a lieu de noter que l’écart
en matière de taux d’emploi entre hommes et femmes est plus important dans la catégorie des non-
diplômés (53,2 % de différence). Cet écart diminue avec le niveau du diplôme pour atteindre 25 %
pour les diplômés de niveau supérieur.
31. Haut-commissariat au Plan, « Activité, emploi, chômage : résultats détaillés », 2008.
32. HCP : Enquête Emploi et chômage, Résultats détaillés, 2008.
22
21. Etat des lieux selon le genre
42. Entre 2007 et 2008, 133 000 emplois ont été créés, soit une augmentation de 1,3 %. Cette
évolution est le résultat d’un accroissement de l’emploi urbain de 3,1 % (hommes : + 3,6 % femmes :
+ 1,6 %) et d’un recul de 0,4 % en zones rurales (- 0,2 % pour les hommes et - 0,4 % pour les
femmes). En zone rurale, 20 000 emplois ont été perdus, résultat d’une régression de l’emploi agricole
de 68 000 postes (- 1,7 %) et d’un accroissement de l’emploi non agricole de 48 000 postes.
43. Concernant les moyens de recherche d’emploi, la majorité des chômeurs a recours aux méthodes
traditionnelles (80,8 %). Le contact direct avec les employeurs vient ainsi en première position
(40,9 %) suivi par le recours aux amis et à l’entourage (39,9 %). Cependant, les diplômés de niveau
supérieur cherchent leur emploi principalement en passant des concours (29,5 %) ou en répondant
aux annonces (24,7 %).
2.2.2. En ce qui concerne le chômage
44. La population active en chômage 33 est dominée par les citadins (79,8 % des chômeurs) 34. Les
femmes actives sont relativement plus exposées au chômage (9,8 %) que les hommes (9,6 %). Les
citadines sont les plus exposées, avec un taux de chômage qui dépasse celui des citadins de 7,3 %.
45. Le chômage est surtout le fait des jeunes actifs de moins de 35 ans (82,2 %) et des diplômés
(68,1%). Plus de la moitié des chômeurs (54,6 %) n'ont jamais travaillé (56,6% des citadins et 46,6 %
des ruraux). Pour les hommes, les chômeurs ayant un diplôme de niveau moyen prédominent
(48,0 %) ; alors que pour les femmes, ce sont les diplômées de niveau supérieur qui occupent la
première place (41,6 %). La durée moyenne du chômage des hommes a baissé de 2,5 mois entre 2007
et 2008, pour s’établir à 34,2 mois, alors que chez les femmes, elle a augmenté de 1,8 mois pour
s’établir à 41,6 mois en 2008 35.
46. Dans les années 90, le taux de chômage des femmes était généralement supérieur à celui des
hommes, écart qui a eu tendance à s’estomper depuis 2000. En 2006 et 2007, les taux de chômage
se sont établis au même niveau pour les deux sexes, soit 9,7 % et 9,8 %. En revanche, en 2008, les
femmes chôment un peu plus que les hommes ; en effet, si le volume du chômage a enregistré une
légère baisse -14 000 chômeurs, soit un recul de 1,3 %, cette baisse a été plus importante chez les
hommes (-1,6 %) que chez les femmes (-0,4) 36.
47. Deux autres indicateurs viennent aggraver les écarts selon le sexe en matière de chômage :
• le fort taux de chômage des femmes diplômées est un réel défi pour les politiques publiques et pour
la société tout entière compte tenu du rendement social élevé de l’éducation des femmes et des
impacts centraux de leur emploi rémunéré au plan individuel, familial et social.
• la durée du chômage est plus longue pour les femmes que pour les hommes : en 2007, plus de
7 femmes sur 10 ont connu un chômage de plus de 12 mois (contre 6 sur 10 pour les hommes).
2.2.3. En ce qui concerne le sous-emploi
48. En 2008, la population active occupée sous-employée 37 est estimée, au niveau national, à près de
974 000 personnes (446 000 en milieu urbain et 527 000 en milieu rural), soit un taux de sous-
emploi de 9,6 %. Par milieu de résidence, ce taux est de 8,9 % en milieu urbain et de 10,2 % en milieu
rural. La majorité des citadins sous-employés sont des salariés, avec une part de 66,7 % (63,4 % pour
les hommes et 80,7 % pour les femmes). En revanche, en milieu rural, la majorité de cette population
sont des non-rémunérés (aides familiales et apprentis), ils représentent 39,9 % (36,6 % pour les
hommes contre 72,2 % pour les femmes). Ces données apportent un éclairage sur les écarts de
salaires entre les hommes et les femmes dans les secteurs productifs et les services.
33. Les données du chômage rural sont à prendre avec précaution, car le concept n’est pas très bien adapté aux réalités de ce
milieu.
34. HCP, Enquête Emploi, op. cit., 2008.
35. HCP, 2008, op.cit.
36. Idem.
37. La population en état de sous-emploi, telle qu'elle est définie dans le cadre de l'enquête, est constituée des deux catégories
suivantes : sous-emploi lié à la durée du travail et autres formes d’emploi inadéquates.
23
22. Diagnostic de l’état de l’égalité/équité dans le secteur de l’emploi,
de la formation professionnelle et de la protection sociale
2.3. La ségrégation du marché de l’emploi selon le genre
2.3.1. La ségrégation horizontale du marché du travail
49. La ségrégation horizontale du marché du travail 38 au Maroc est très forte. En milieu rural, plus des
trois quarts de la population active occupée exerce dans le secteur de l’agriculture, forêt et pêche
(91,7 % chez les femmes contre 69,6 % chez les hommes). Les femmes sont concentrées d’abord dans
le secteur primaire (agriculture, forêt et pêche) puis dans celui des services. Le textile et habillement,
les services et l’industrie agro-alimentaire occupent 88,5 % des citadines.
Le secteur de « l’agriculture, forêt et pêche» demeure le principal pourvoyeur d’emplois au niveau
national. Il emploie 40,9 % des actifs occupés, suivi par le secteur des services avec 37,2 %. Par milieu
de résidence, près des deux tiers (62,3 %) des actifs occupés citadins travaillent dans le secteur des
services et près d’un travailleur sur cinq exerce dans l’industrie.
50. En dépit des progrès et des efforts consentis en matière d’éducation et de formation, les femmes
restent concentrées dans les secteurs d’activité traditionnellement féminins et sont ainsi confinées
dans un petit nombre de métiers.
2.3.2. La ségrégation verticale du marché du travail
51. D’une façon générale, la ségrégation verticale 39 du marché du travail se donne à voir à travers la
répartition de la population active occupée selon les grands groupes de professions. Les professions les
plus exercées sont celles relatives au groupe « ouvriers et manœuvres de l’agriculture et de la pêche »,
avec 26,2 % des actifs occupés (3,2 % dans les villes et 48,4 % dans les campagnes). Les ouvriers
qualifiés des métiers artisanaux viennent en deuxième rang (17,3 %), suivis du groupe des
« manœuvres non agricoles, manutentionnaires, petits métiers » (16,0 %). Les groupes des « cadres
supérieurs et membres des professions libérales » et « membres des corps législatifs, élus,
responsables hiérarchiques » affichent les proportions les plus faibles, avec respectivement 1,6 % et
0,9 % des actifs occupés.
52. Selon le statut professionnel, la population féminine occupée se caractérise par la prédominance du
salariat. En effet, en 2008, près de 34 % des femmes occupées sont des salariées. Chez les femmes
citadines, cette proportion atteint 78,7 %.
Dans le rural, la main d’œuvre féminine est fortement concentrée dans la catégorie « ouvriers et
manœuvres agricoles et de la pêche (avec un taux de féminisation de 51 %) suivie de loin par la
catégorie « artisans et ouvriers qualifiés des métiers artisanaux » (19,8 %). Cette forte concentration
des femmes s’explique par le poids important du groupe aides familiales dans l’emploi rural (74,6 %
des aides familiaux sont des femmes). Par ailleurs, selon le RGPH (2004) seules 6,3 % des femmes
rurales sont des exploitantes agricoles contre 24,7 % des hommes ruraux.
Tableau 7
Classement du taux de féminisation des professions des femmes actives
Professions des actives rurales Professions des actives urbaines
Ouvriers manœuvres agricole et de la pêche 50,9 % Cadres moyens 38,9 %
Exploitant agricoles, pêcheurs, forestiers, chasseurs Ouvriers manœuvres agricole et de la pêche 31,8 %
et travailleurs assimilés 20,1 %
Artisans et ouvriers qualifiés des métiers Cadres supérieurs et membres des professions
artisanaux 19,2% libérales 30,5 %
Cadres moyens 18,9% Employées 25,9 %
Cadres supérieurs et membres de professions Manouvres non agricole manutentionnaires et
libérales 11,1% travailleurs des petits métiers 22 %
Elaboré à partir de l’enquête Emploi et chômage, HCP, 2008.
38. La ségrégation horizontale renvoie à la concentration des femmes dans certains secteurs d’activité.
39. La ségrégation verticale renvoie à la concentration (ou à la surreprésentation) des femmes dans certains niveaux de la
hiérarchie professionnelle, indépendamment du secteur d’activité concerné.
24
23. Etat des lieux selon le genre
53. En milieu urbain, la ségrégation verticale de l’activité féminine est moins forte qu’en milieu rural,
mais plus prononcée comparée aux les actifs masculins dont les professions sont plus diversifiées.
3. Genre, conditions de travail et protection sociale
3.1. Travail non rémunéré et inégalité salariale
54. Les femmes actives sans rémunération représentent prés de 31 % de la population féminine
occupée (84 % des femmes rurales). Contrairement aux pays développés, le travail non rémunéré au
Maroc ne se limite pas aux activités domestiques et bénévoles mais s’étend à des activités productives
qui ne sont pas rémunérées même si elles ont une valeur marchande. Les effectifs globaux des femmes
appartenant à ces deux catégories seraient de 609 000 femmes. Les aides familiales sont de loin la
catégorie la plus importante (591 000 femmes), surtout dans le rural (566 000).
L’activité non rémunérée des femmes ne concerne donc pas une population marginale mais bien un
phénomène massif ne manquant pas d’avoir des implications très lourdes au plan économique et social.
En effet, c’est l’emploi rémunéré – et non pas seulement le travail – qui est un facteur d’émancipation
et d’autonomie des femmes leur permettant de renforcer leur capacité de négociation du patriarcat
dans le couple, dans la famille et dans la société.
55. L’inégalité devant le salaire entre les hommes et les femmes est une donnée structurelle. Les
informations fines et globales pouvant donner une image exacte de la discrimination salariale fondée
sur le genre par secteur et catégorie de professions ne sont pas disponibles. Toutefois, certaines
informations sectorielles permettent d’avancer deux constats :
• dans la fonction publique, où la loi établit une stricte égalité des salaires pour le même travail, les
femmes (près du tiers du personnel de l’État) ne perçoivent que 29 % de la masse salariale annuelle
brute 40 : cette différenciation est liée au fait que les femmes occupent les postes les moins bien
rémunérés ;
• dans le secteur privé, la discrimination pure (non expliquée) varie selon les secteurs comme le
montrent les données ci-dessous :
Tableau 8
Structure de l’écart salarial en pourcentage du salaire masculin
Secteur d’emploi Total Expliqué Discrimination
1999
Public 12,8 % – 8,8 % 21,6 %
Exportateur 5,5 % – 2,6 % 8,1 %
Autres secteurs 40,3 % 11,3 % 29,0 %
Total 33,7 % 11,2 % 22,5 %
1993
Public 8,9 % – 13,6 % 22,5 %
Exportateur 9,6 % 7,1 % 2,4 %
Autres secteurs 28,9 % – 5,6 % 34,5 %
Total 23,4 % – 1,4 % 24,8 %
MDSFS : L’égalité des salaires entre les hommes et les femmes dans le secteur privé marocain,
Saâd Belghazi, Projet GTZ/MDSFS- 2008.
40. A. Ajbilou, « Activité économique, vulnérabilité à la pauvreté et inégalités entre hommes et femmes », Atelier femmes et
hommes au Maroc : analyse de la situation et de l’évolution des écarts dans une perspective genre, Royaume du Maroc, Direction
de la statistique, UNIFEM, PNUD, ESCWA, 18-19 mars, 2003.
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24. Diagnostic de l’état de l’égalité/équité dans le secteur de l’emploi,
de la formation professionnelle et de la protection sociale
3.2. Genre, conditions de travail et protection sociale
56. Les données globales et sexo-spécifiques sur les infractions au code du travail ne sont pas
disponibles. Certaines études ont montré que si, dans les grandes entreprises, les règles du droit du
travail sont généralement appliquées, il n'en va pas de même pour de nombreux employeurs, surtout
dans les petites structures : horaires de travail excessifs, salaire inférieur au salaire minimum, employés
non déclarés à la CNSS, discriminations liées à la rémunération pour un travail de valeur égale, non
paiement des heures supplémentaires, licenciement des salariées pour motif de grossesse et absence
de la chambre d’allaitement, etc. La crainte de perdre leur travail fait que les salariées acceptent ces
entorses à la loi et les couvrent même à l'égard de l'inspection du travail. L'insuffisance des contrôles
de l'Inspection du travail ne fait que favoriser cette situation.
57. En dépit de la sanction et de l’incrimination du harcèlement sexuel sur les lieux du travail, cette
question reste un tabou absolu. Les victimes continuent à se taire de peur des représailles et des
menaces qui peuvent peser sur leur emploi et aussi par crainte des réactions de leur propre famille 41.
58. De plus, les femmes ont un taux de syndicalisation relativement faible. L’adhésion des femmes à un
syndicat est un phénomène exclusivement urbain et très faible (1,8 %). Cependant, les taux d’adhésion
sont plus élevés chez les femmes ayant un niveau universitaire (11 %) 42. Selon une étude qualitative
réalisée auprès des femmes dirigeantes syndicalistes, les rapports avec les collègues sont difficiles :
« La lutte est double, d’abord parce que tu es femme et parce que tu n’es pas une femme qui accepte tout. Dès
qu’une femme critique, prend la parole dans une assemblée d’hommes elle se crée un double problème : en
tant que femme et en tant que femme qui ose…La solution réside dans le nombre, il faut que la masse des
militantes soit suffisamment importante pour pouvoir s’imposer » 43. Par ailleurs, l'accès inéquitable des
femmes à la formation continue et au perfectionnement ainsi que la culture organisationnelle
contribuent à entraver leur accès aux postes de responsabilité.
59. Genre et système de protection sociale : le système de la protection sociale au Maroc est basé
globalement sur le salariat et sur le postulat du salarié masculin chef de ménage. En effet, la législation
ne concerne pas l'ensemble des travailleuses. Le Code du travail 44 exclut expressément de sa sphère
d'application les employés de maison et les travailleurs du secteur artisanal traditionnel 45. Il prévoit
aussi l'exclusion possible de certaines catégories professionnelles d'employeurs fixées par voie
réglementaire, après avis des organisations professionnelles les plus représentatives. Cette exclusion
vise le petit artisanat “moderne” et peut s'appliquer dès lors que l'employeur est une personne
physique n'employant pas plus de cinq personnes et ayant un revenu ne dépassant pas cinq fois la
tranche exonérée de l'impôt général sur le revenu. Sont donc exclues du champ d'application du code
du travail des catégories très vulnérables de travailleuses.
60. Il importe de signaler que le régime de la sécurité sociale a été étendu aux travailleurs des
exploitations agricoles, forestiers et de leurs dépendances en 1981 46, le régime d’assurance maladie
obligatoire (mars 2006) et le bŒnéfice des allocations familiales (juillet 2008). Toutefois, en matière
d’accès aux soins de santé, seuls 17 % des actifs occupés sont affiliés à un système de couverture
médicale. Par milieu de résidence, cette proportion est de 31,4 % en milieu urbain contre 3,5 % en
milieu rural. Par sexe, ce taux est de 17,3 % pour les hommes contre 16,1 % pour les femmes 47.
41. Selon plusieurs études réalisées sur la question, une femme victime de harcèlement sexuel est toujours soupçonnée de l’avoir
provoqué d’une manière ou d’une autre.
42. ENBTF, 139, 151.
43. Collectif 95 Maghreb Egalité, Collectif 95 Maghreb Egalité : Résistances et violences à l’égard du travail des femmes au Maghreb.
Le cas du Maroc, à paraître.
44. Articles 1 à 5.
45. Article 4 du code du travail : « Les conditions d'emploi et de travail des employés de maison qui sont liés au maître de maison par
une relation de travail sont fixées par une loi spéciale. Une loi spéciale détermine les relations entre employeurs et salariés et les conditions
de travail dans les secteurs à caractère purement traditionnel. » Seules les petites entreprises employant la famille et cinq personnes
au plus sont concernées par cette dernière exclusion.
46. Selon le HCP, la population active occupée dans les exploitations agricoles, qui est caractérisée par la prédominance des
exploitations individuelles/familiales est de l’ordre de 4,2 millions (dont 40 % de femmes) : 43 % de la population active
occupée nationale et 80 % de la population active occupée rurale.
47. Haut Commissariat au Plan, Activité, emploi, chômage : résultats détaillés, 2008.
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25. Etat des lieux selon le genre
61. Le régime de l’assurance maladie obligatoire (AMO) reflète le type d’insertion des femmes sur le
marché du travail, de larges catégories de femmes au travail ne sont pas couvertes par ce régime. Les
aides familiales, les domestiques de maison et les femmes travaillant dans le secteur traditionnel ne
bénéficient encore d’aucune protection sociale ni médicale En effet, elles ne sont que 30 % à bénéficier
de l’assurance maladie obligatoire (70 % pour les hommes). Par ailleurs, ce régime dispose dans son
article 40 : « Si les époux sont tous deux assurés, les enfants sont rattachés au mari. »
62. Traditionnellement, la retraite vieillesse pour les femmes résidait essentiellement dans le nombre
d’enfants, plus spécifiquement dans le nombre des garçons. Cette option n’est plus viable pour les
femmes, les familles et la société 48. Or, le régime de retraite actuel reste fondé sur l’image
traditionnelle du modèle de la famille nucléaire où l’homme est le soutien économique principal de la
famille.
Tableau 9
Les pensions selon l’âge et le sexe
Age moyen Pension moyenne Ecart
Pension
H F H F H/F
Invalidité 52,00 50,50 2 008,85 1 774,80 + 234,05
Survivant 80,30 60,50 688,1 0 894,60 - 206,50
Vieillesse 70,1 0 70,1 0 1 576,30 1 293,20 + 283,1 0
Source : CNCC.
63. Malgré les dispositions du code de travail, la majorité des femmes gagnent moins que les hommes,
et de nombreuses femmes travaillent à temps partiel ou occupent des emplois précaires ou à contrat
déterminé, se trouvant ainsi face à des systèmes de sécurité et des droits à la retraite insuffisants 49.
En effet, les hommes travaillent en moyenne 13,3 heures de plus que les femmes. Cet écart varie
largement selon l’âge et le diplôme : il enregistre une augmentation continue en fonction de l’âge pour
atteindre 14,3 heures de différence pour la tranche d’âge 45-59 ans. Par niveau de diplôme, l’écart entre
hommes et femmes diminue en fonction du niveau de diplôme de 15,2 heures pour les non-diplômés à
4,9 heures pour les détenteurs d’un diplôme de niveau supérieur 50. Cette situation implique que les
cotisations et les prestations de retraite sont moins élevées que celles des hommes 51, comme le
montrent les données ci-dessus.
64. La persistance de la polygamie impose un coût élevé aux régimes de retraite car les hommes âgés,
voire retraités, qui épousent généralement des femmes plus jeunes, imposent des coûts plus élevés au
système. En effet, la retraite vieillesse du survivant a des chances d’être payée sur une durée plus
longue 52.
65. Les prestations de survie pour les enfants sont divisées par deux si le père est vivant, mais pas si
la mère est la survivante. Dans tous les cas, les prestations de survivant ne peuvent être cumulées avec
une retraite vieillesse. Les femmes perdent également les prestations de la pension de survie si elles
travaillent. Sous les dispositions en vigueur, si une femme vient à mourir avant son époux, il ne pourra
pas bénéficier de sa retraite. Ce type de discrimination lié au sexe n’affecte pas nécessairement la
défunte épouse, mais affecte le bien-être des survivants 53. Par ailleurs, la femme divorcée ne peut
48. « La Réforme de la retraite et l’égalité des sexes dans la région Moyen-Orient-Afrique du Nord (MENA) », Nadereh Chamlou,
Conseillère Senior ; Région Moyen-Orient-Afrique du Nord (MOAN), Conférence régionale sur la retraite, Rabat, Maroc, 1er juin
2005.
49. Dans la fonction publique, tout fonctionnaire a droit à une pension de retraite après 21 années au moins d'exercice effectif
pour les hommes et seulement 15 années de service effectif pour les femmes (loi n° 011-71 du 30 décembre 1971 instituant un
régime des pensions civiles, plusieurs fois modifiée et complétée).
50. HCP, Enquête nationale « Emploi et chômage », 2008, op. cit.
51. Les femmes peuvent prendre leur retraite plus tôt.
52. Idem.
53. « La Réforme de la retraite et l’égalité des sexes dans la région Moyen-Orient-Afrique du Nord (MENA) », op. cit.
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