3. trotskiste ? Qui est donc
ce Bolivar dont il se
réclame ?
Serge RaffyPublié le 21 avril 2017 à 12h33
Avez-vous lu "le Général dans son
labyrinthe" de Gabriel García
Márquez, récit ténébreux et
halluciné de la fin de Simon
Bolivar, le héros de l’indépendance
de l’Amérique du Sud ? Pour
comprendre la passion de Jean-
Luc Mélenchon pour ce continent
en éruption, il faut toujours revenir
à la littérature, au goût du chef de
la France insoumise pour les
épopées, et à ses propres racines,
bien sûr.
4. Avez-vous lu "le Général dans son
labyrinthe" de Gabriel García
Márquez, récit ténébreux et
halluciné de la fin de Simon Bolivar,
le héros de l’indépendance de
l’Amérique du Sud ? Pour
comprendre la passion de Jean-Luc
Mélenchon pour ce continent en
éruption, il faut toujours revenir à la
littérature, au goût du chef de la
France insoumise pour les épopées,
et à ses propres racines, bien sûr.
Ses deux grands-pères sont en effet
d’origine espagnole, l’un venant de
Valence, l’autre de la région de
Murcie. Il est donc un enfant de la
guerre civile espagnole et des luttes
révolutionnaires des années 1960
5. sur le sol latino-américain. Il porte
dans ses gênes ces luttes, cette
violence, dissimulées aujourd’hui
sous une forme pateline et
rigolarde. L’ancien militant
trotskiste se prétend bolivarien ?
Que cache donc cette filiation ?
Regardons de plus près.
Derrière le mythe
Bolivar
Simon Bolivar, contemporain de
Bonaparte, est le père spirituel de
tous les guérilleros barbus,
cubains, vénézuéliens, équatoriens,
du XXe siècle, de cette période que
la gauche n’a jamais vraiment
digérée. Elle a pourtant accouché
de solides dictatures militaires, ou
6. citoyennes, selon les époques, tout
aussi féroces que celles des
généraux Pinochet, au Chili, ou
Videla, en Argentine. Bolivar est la
figure incontournable, intouchable,
mythifiée, de ces nostalgiques qui
pratiquent le tri sélectif en matière
de despotisme.
Or, à lire le prix Nobel de
littérature colombien, inventeur du
réalisme magique, le général
Bolivar, au début du XIXesiècle,
n’est pas le héros positif fabriqué
par les idéalistes de tous poils. Il
est l’inverse d’un démocrate.
Quelle est son ambition, à son
époque ? Devenir le Napoléon des
Etats-Unis d’Amérique du Sud, un
genre d’empereur tout terrain,
d’homme de guerre habité par la
7. volonté de libérer les pays conquis
du joug de la Couronne espagnole,
mais sous son seul sceptre.
García Márquez, dans cet ouvrage
trop vite oublié, avec une lucidité
féroce, lui-même pourtant très lié à
Fidel Castro, décrit un homme qui
n’a provoqué sur son parcours que
ruines et guerres. Qu’a donc bâti ce
galonné mégalomane ? Rien.
Derrière le mythe Bolivar, il n’y a
qu’un gigantesque cimetière.
Bolivar, le grand bobard. C’est sur
ce formidable subterfuge que les
castristes et autres partisans des
Chavez, Maduro et leurs amis, ont
fabriqué un merveilleux conte
fantasmé plein de bruit et de
fureur.
8. La figure emblématique, désormais
christique, de ce tour de passe-
passe historique est sans conteste
Che Guevara, le Che, l’homme qui
créa les premiers centres
d’endoctrinement des paysans
cubains, dont personne ne parle
jamais. Surtout pas l’ancien
sénateur de l’Essonne.
Lisez Garcia
Marquez
A la mort d’Hugo Chavez, puis de
Fidel Castro, celui que certains
surnomment déjà "El Chon", en
référence à son héros, leur a rendu
un hommage appuyé, à Paris, avec
9. une émotion non feinte, comme s’il
perdait des membres de sa famille.
Il a même versé des larmes,
sincères, c'est son droit, pour ces
deux dictateurs, qui n’ont basé leur
pouvoir, non pas sur le soutien du
peuple, comme ils l’ont prétendu,
mais sur une mise en coupe réglée
de leur pays par l’armée.
Comment expliquer une telle
imprudence de la part de Jean-Luc
Mélenchon, pour ne pas dire une
forme d'aveuglement coupable ?
Pourquoi prendre de tels risques,
dans l'Hexagone, sur un sujet,
totalement annexe pour beaucoup
d’électeurs français ? Et si
lointain…
Le candidat-Narcisse, l’homme qui
s’aime tellement au point de se
10. démultiplier en six hologrammes,
éprouve-t-il de la nostalgie pour
ces épopées guerrières, ces
caudillos impitoyables et
volcaniques, amoureux du verbe,
des effets d’estrade, mais qui ont
sur leur CV un gros point noir : ils
ont ruiné leurs pays sans le
moindre scrupule, enfermés dans
leur mégalomanie impénitente.
Comme Simon Bolivar, le général
prisonnier dans son labyrinthe.
Bien sûr, Mélenchon n’a pas l’âme
d’un dictateur, mais sa faiblesse
quasi ontologique pour les petits
frères du général Tapioca dérange,
inquiète, interpelle. Les derniers
événements tragiques de Caracas
ne l'ont pas fait ciller. Il a même
utilisé la bonne vieille tactique du
11. détournement, en renvoyant les
âmes sensibles aux régimes du
Yemen ou du Qatar. Il a botté en
touche avec une superbe
désarmante. "Les gens, laissez
donc Bolivar et ses enfants
tranquilles !"
Pour ceux qui croient encore à la
fable d’un bolivarisme tempéré,
qu’ils n’hésitent pas, qu’ils lisent de
toute urgence Gabriel García
Márquez. Un petit tour dans un
labyrinthe ne fait jamais de mal. Et
c’est plutôt bien écrit…
Serge Raffy
Serge Raffy
Journa