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LE TOUR DE LA QUESTION
Quel avenir pour le media for equity en France ?
Apparu dans les années 2000 en Scandinavie,
le media for equity, modèle d’investissement
permettant d’offrir des espaces publicitaires en
échange d’une prise de participation au sein du
capital d’une start-up, s’est beaucoup développé
en Suède et en Allemagne ces dernières
années, avec des fonds spécialisés comme
Aggregate Media et GMPVC (German Media
Pool). Axel Springer a également investi par ce
biais au sein de Airbnb, tandis que le groupe
de télévision allemand ProSiebenSat.1 Media a
créé une filiale dédiée à ce type de financement,
Seven Ventures. Au total, on recenserait plus de
200 opérations de media for equity en Europe.
Il existe deux types de financement en
media for equity : l’investissement directement
effectué par le groupe média, et le financement
par l’intermédiaire d’un fonds spécialisé qui réunit
plusieurs médias pour accroître la diffusion des
campagnes. En général, la prise de participation
oscille entre 5 et 15 %. Médias et fonds
spécialisés n’ont pas vocation à rester au capital
au-delà de cinq ans, afin de tirer profit de leur
investissement par la revente de leurs parts.
En France, en 2012, 5M Ventures a été le
premier fonds d’investissement à se lancer sur
le secteur du media for equity - en s’associant à
20 Minutes et Clear Channel -, suivi par le groupe
Express-Roularta qui a créé L’Express Ventures,
sa structure spécialisée. De son côté, M6 a opéré
deux financements en media for equity, au sein du
site e-commerce MisterGoodDeal en 2005 et de
monalbumphoto.fr en 2010. TF1 l’a également fait
il y a quelques semaines, en investissant au sein
de Sejourning, société de location d’appartements
entre particuliers. Pour les médias, ce type
d’opérations permet de se diversifier sans avoir à
investir de fonds.
« Le media for equity a beaucoup davantages pour
les médias : accompagner le développement de
start-up en lien avec nos cibles lecteurs, tester
l’efficacité de nos offres publicitaires au sein de
l’activité d’une société dans laquelle nous avons
des intérêts financiers, prendre des parts dans
une entreprise à fort potentiel, et monétiser
nos invendus publicitaires », détaille à Satellinet
Renaud Grand-Clément, directeur général adjoint
de 20 Minutes.
Toutefois, le media for equity se heurte à quelques
limites. La première est de convertir la valeur
d’espaces publicitaires, en grande majorité
des invendus (et dont les tarifs sont valorisés
en brut), en part au sein du capital de la société,
selon sa valorisation. De plus, ces financements,
qui n’apportent pas d’investissements
supplémentaires au sein de la société, doivent
s’accompagner de levées de fonds en numéraire,
en amont ou concomitamment pour permettre à la
société de se développer.
Le media for equity consiste à offrir aux start-up des opérations de publicité
et de communication en échange d’une prise de participation dans le
capital de la société. Cette pratique, très développée en Europe du Nord et
en Allemagne depuis les années 2000, a fait son apparition en France il y a
quelques années. Les investissements peuvent se faire soit en direct, comme
avec M6, TF1 et L’Express - qui a créé sa propre structure L’Express Ventures -
soit indirectement, comme pour 20 Minutes et Clear Channel, qui se sont
associés au fonds d’investissement spécialisé 5M Ventures. Au total,
une dizaine d’opérations ont déjà été conclues dans l’Hexagone.
Quelles sont, à chaque fois, les modalités économiques entre les acteurs ?
Quels sont leurs premiers résultats ? Comment ce type de financement est
amené à évoluer ? Et comment les fonds d’investissement traditionnels
appréhendent-ils ces nouveaux dispositifs ? Satellinet a interrogé les
principaux acteurs de ce nouvel écosystème que sont L’Express Ventures,
5M Ventures et 20 Minutes, ainsi que les fonds d’investissement
Partech Ventures et Ventech, et deux start-up, Youboox et Kitchen Trotter.
Satellinet - L’actualité de la Communication et des Médias en ligne
«Cetypede
financement
convientaux
start-upqui
commencent
àgénérerdes
revenusmais
manquentencore
denotoriété.
Al’inverse,cen’est
paspertinentpour
dessociétésde
tailleimportante.»
RaphaëlLabbé
(L’ExpressVentures)
Satellinet - Hôtel de Retz, 9 rue Charlot 75003 Paris - Tél. : 01 40 29 47 48 - Fax : 01 42 78 70 36
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2. #208 Lundi 14 juillet 2014
LE TOUR DE LA QUESTION
« Ce type de financement convient aux start-up
qui commencent à générer des revenus mais
manquent encore de notoriété. A l’inverse, ce
n’est pas pertinent pour des sociétés de taille plus
grande », estime Raphaël Labbé, investisseur au
sein de L’Express Ventures.
A travers 5M Ventures, fonds d’investissement
qui collabore avec 20 Minutes et Clear Channel, et
l’Express Ventures, structure au service des titres
du groupe l’Express-Roularta, Satellinet dresse
les enjeux de cette nouvelle pratique, encore
balbutiante en France.
UN COMPLÉMENT AU FONDS D’INVESTISSEMENT
Le media for equity permet d’accéder à des
campagnes de notoriété d’envergure, a priori
inaccessibles à une jeune société, au sein de
médias traditionnels, en télévision, presse, radio,
affichage et sur le numérique. « En Europe, les
fonds d’investissement sont réticents à financer
des start-up pour leur visibilité. Le media for
equity intervient au-delà de l’amorçage, dans une
logique d’accélération. Nous ne sommes donc pas
en concurrence avec les fonds d’investissement
traditionnels, puisque les start-up doivent
également obtenir un soutien financier pour
déployer leur stratégie de communication en SEO
et SEM », indique à Satellinet Christophe Montague,
fondateur du fonds 5M Ventures.
Il y a trois ans, le fonds Partech Ventures a investi
un ticket de moins de deux millions d’euros
au sein de la société allemande de e-commerce
Avandeo, en parallèle à une opération de media for
equity en Allemagne avec ProSiebenSat.1. « Cela
a permis d’apporter un certain nombre de leads
à Avandeo. Mais le marché est assez opaque en
termes de tarifications publicitaires, ce qui rend
la marge de négociation difficile, ainsi que la
mesure du retour sur investissement », estime
Jean-Marc Patouillaud, general partner de Partech
Ventures.
Toujours en Allemagne, le fonds d’investissement
Ventech a également effectué une opération
similaire avec ProSiebenSat.1 au sein de la société
asgoodasnew, spécialisée dans la revente de
produits électroniques d’occasion. « L’opération
a plutôt bien fonctionné, car c’est une société qui
s’adresse au grand public. L’enjeu est que le produit
de la société corresponde à la cible du média,
surtout en télévision, qui est un média d’envergure.
De plus, il est indispensable d’avoir des équipes
séniors au sein des start-up pour obtenir de
bons emplacements lors des négociations avec
les régies publicitaires », indique Claire Houry,
general partner de Ventech.
En effet, la valeur des espaces publicitaires alloués
aux start-up est plutôt opaque, puisque les tarifs
initiaux, affichés en brut, peuvent atteindre une
décote de 60 à 90 % par rapport au prix net final.
Surtout, la majorité de ces espaces publicitaires
sont des invendus, ce qui rend encore plus difficile
l’estimation de leur valeur, qui détermine la part de
participation dans le capital de la société.
Plus il y a d’espaces disponibles et plus la décote
est importante. Le risque étant que le média
n’alloue que des emplacements peu valorisants
à la start-up. Il apparaît toutefois possible de
réserver des espaces publicitaires, en fonction
du calendrier événementiel, et de déployer une
campagne personnalisée au sein des différents
supports ou titres du média.
« L’intérêt est de mettre en avant la start-up,
puisque nous sommes directement impliqués
dans son développement, du fait de notre présence
au capital. Notre positionnement a beaucoup
évolué avec le développement des adexchanges,
qui nous permet de vendre nos espaces invendus.
Mais la logique va au-delà du rendement
publicitaire et nous arrivons à conclure des deals
supérieurs au RTB », affirme Raphaël Labbé,
investisseur au sein de L’Express Ventures.
CINQ OPÉRATIONS
PAR L’EXPRESS VENTURES
En septembre 2012, L’Express-Roularta a lancé
sa structure spécialisée en media for equity,
L’Express Ventures. Cette SAS est détenue à
58 % par le groupe L’Express, et à 42 % par
quatre entrepreneurs à titre individuel : Raphaël
Labbé, ancien directeur de l’innovation de
L’Express, Stéphane Boukris (fondateur de
l’ancien Faismesdevoirs. com), Eric Bennephtali
(cofondateur de Mediastay), et Laurent Schwartz
(fondateur de Gold.fr).
Depuis, cinq opérations ont été conclues : avec
Short Edition, plate-forme communautaire de
diffusion de nouvelles littéraires en formats
courts, ChicPlace, site internet dédié à la vente
d’articles de mode et d’accessoires pour enfants,
Morning Croissant, spécialisée dans l’échange
d’appartements, Immo-inverse, dans l’immobilier
et Kitchen Trotter, pour l’envoi de box alimentaires.
Deux nouvelles opérations sont prévues à la
rentrée.
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3. qui prend directement des parts dans la
société. Les modalités économiques reposent
sur un partage de revenus sur la revente des
parts de la start-up entre 5M Ventures et ses
médias partenaires, au prorata de la valeur des
montants accordés par le média.
5M Ventures a vocation à rester entre 2 et 5 ans
au capital de la société ciblée. Jusqu’ici, trois
transactions ont été conclues : avec JobAroudMe,
un site d’offres d’emplois géolocalisées, E-loue,
site de location de biens entre particuliers, et
Youboox, qui propose des e-books à lire en
streaming et sur abonnement. « Notre ambition
est de développer le media for equity en France.
Les récentes annonces de TF1, par exemple,
montrent que ce type de financement est en train
de se démocratiser », estime Christophe Montague.
5M Ventures s’apprête à conclure une deuxième
levée de fonds d’environ 400 000 euros auprès de
business angels pour financer ses prochaines
transactions. Son objectif est désormais de
conclure une dizaine de transactions par an,
avec des prises de participation de 3 à 15 %
valorisées entre 300 000 euros et 3 millions
d’euros.
S’il apparaît complexe de pouvoir mesurer l’impact
d’une campagne de notoriété en télévision ou
en affichage, les retombées d’une opération
de communication sur le numérique sont plus
facilementquantifiables.Endiffusantdesbannières
et des interstitiels au sein des applications mobiles
et tablettes de 20 Minutes de juin à juillet 2013,
10 000 nouveaux inscrits gratuits ont été générés
au sein de Youboox. La société, créée en 2012
par Hélène Mérillon, Vincent Daubry et Fabien
Sauleman, propose un catalogue de 70 000 livres
numérisés consultables sur ordinateur, mobile et
tablette. Le modèle économique est basé sur une
offre gratuite, financée par la publicité, et payante
à 9,99 euros. Youboox s’est associé à 5M Ventures
lors de sa levée de fonds de 1 million d’euros,
auprès de business angels et des éditions Atlas.
« Le financement en media for equity nous a
permis d’accéder à des campagnes de publicité
à des coûts moins importants. Dans le cas de
20 Minutes, nous ciblions les détenteurs de
smartphonesetdetablettes.J’aicomparélestarifs
proposés par 20 Minutes et Clear Channel avec
ceux d’autres régies pour garder une marge de
négociation et pouvoir diffuser une campagne
impactante. Le media for equity est un mode
de financement alternatif qui permet à tous les
acteurs - médias, start-up et fonds - d’y trouver
des intérêts financiers intéressants sans avoir
à avancer d’argent », estime Hélène Mérillon,
présidente de Youboox.
#208 Lundi 14 juillet 2014
LE TOUR DE LA QUESTION
A chaque fois, L’Express prend entre 5 et 10 %
du capital de la société, en échange d’une
valeur d’espaces publicitaires comprise entre
250 000 et 350 000 euros bruts au sein de ses
titres (L’Express, L’Expansion, Point de Vue,
Zeste, L’Express Styles...). L’objectif de l’Express
est de conclure entre 4 et 6 transactions par an.
« Nous commençons par des petits tickets sur
une campagne d’un an pour pouvoir adapter
la campagne en fonction des supports et des
retombées. Nous sommes dans une logique
de courbe d’apprentissage et de soutien, pour
construire une relation privilégiée sur le long
terme », ajoute Raphaël Labbé.
Ces partenariats peuvent également aboutir
à élargir les activités BtoC de la start-up en
activités BtoB. En juin 2013, Kitchen Trotter, créé
par Pierre-François Lotiron, Kenza Hachimi et
Aïcha Mansouri - qui propose des box culinaires
par abonnements (25 euros par mois / 240 euros
par an) - a ainsi créé une box de Noël en partenariat
avec le magazine Zeste, dont le nom était mis en
évidence sur le produit. La promotion a été assurée
dans les pages du journal. Quelques milliers de
box ont été écoulées. Les revenus ont été partagés
entre L’Express et Kitchen Trotter. Depuis, la
start-up a développé ce type de partenariat BtoB
avec le groupe Prisma et son magazine Cuisine
Actuelle.
20 MINUTES ET CLEAR CHANNEL
ASSOCIÉS AU FONDS 5M VENTURES
Autre système de financement dans le media for
equity : l’accès à des campagnes de communication
au sein de plusieurs médias, par l’intermédiaire
d’un fonds d’investissement. L’avantage est de
bénéficier d’une plus large audience sur plusieurs
supports. Toutefois, cela nécessite des frais de
commission supplémentaires par rapport à un
financement en direct entre les différents acteurs.
C’est le type de structure qu’ont créée Christophe
Montague et Steeve Louzoun en 2012. Premier
à s’être positionné sur ce segment en France,
5M Ventures intervient comme intermédiaire
au sein de la transaction et gère directement
les modalités financières, ainsi que le suivi des
opérations.5MVenturesestassociéàdeuxmédias :
20 Minutes, pour la presse et le numérique, et
Clear Channel, pour l’affichage. Des négociations
sont en cours pour s’adosser à d’autres médias.
Les médias clients de 5M Ventures - Clear
Channel France et 20 Minutes - accordent des
espaces publicitaires de plusieurs centaines
de milliers d’euros en échange de créances sur
5M Ventures. C’est le fonds d’investissement
>>>
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«Lesrécentes
annoncesdeTF1,
parexemple,
montrentque
cetypede
financementest
entraindese
démocratiser.»
ChristopheMontague
(5MVentures)
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