1. Mercredi 25 novembre 2020 Les Echos
Marie-Josée Cougard
@CougardMarie
Les Britanniques disent des Fran-
çais qu’ils sont « les seuls à parler
demangeravantdesemettreàtable,
pendant et après ». Après s’être mis
à l’écoute des réseaux sociaux
entre juillet 2018 et août 2019,
puis avoir mené une étude appro-
fondie du comportement de
95 familles, la fondation Nestlé
et Ipsos confirment que l’alimen-
tation est LE sujet principal de
conversation des Français.
Au-delà de ce constat fonda-
mental, il en ressort que la notion
de « plaisir » est toujours primor-
diale à table, mais que des change-
mentssontencours,quivontconti-
nuer d’obliger l’industrie à se
remettre en question.
Malgré l’invasion des écrans
danslaviedetous,endépitduCovid
et du confinement, les Français
demeurent attachés à leur modèle
alimentaire et à la notion de par-
tage, souligne Youmna Ovazza,
chezIpsos.Ilsmangentetcuisinent
ensemble à 83 %, selon l’étude
Nestlé/Ipsos. Trois repas par jour,
ensembleetàheuresfixes.« Labase
du repas pris en famille reste com-
mune même si chacun revendique
beaucoupplussondroitàlasingula-
rité », dit le sociologue Thibaut
Saint Pol. Ainsi, chacun apportera
sa touche personnelle au plat de
pâtes. « Le goûter ne concerne plus
seulement les enfants, il fait désor-
mais souvent l’objet d’une pause au
travail entre collègues », ajoute-t-il.
Près d’un Français sur deux a pris
l’habitude de goûter de temps à
autre. Même en visio.
Le phénomène du « fait chez
soi » n’a pas attendu la pandémie
pour se développer. Les scandales
alimentaires sont passés par là. Les
multiples mises en cause de la
nourriture, des ingrédients, des
additifs jugés nocifs et qui sont au
fur et à mesure écartés, voire inter-
dits. Le résultat a provoqué « un cli-
mat de méfiance », selon Youmna
Ovazza, qui a profondément bous-
culé les raisonnements industriels.
Partagés entre les craintes et les
doutes, « un peu perdus », selon
Ipsos, les Français ont opté pour la
cuisine à la maison, celle dont ils
maîtrisent la composition. Ils privi-
légient l’origine française pour la
moitié d’entre eux quand ils achè-
tent les produits alimentaires.
La contrainte économique
« Ils lisent de plus en plus les étiquet-
tes et sont de plus en plus attentifs à
la composition des aliments »,
pointe Ipsos. Ils sont 54 % à regar-
der des applis telles que Yuka pour
les informations nutritionnelles,
mais plus de façon « frénétique »
comme cela a été le cas au début.
« Ils s’en servent désormais surtout
face aux nouveaux produits ».
« Lagamelleaubureau »s’inscrit
dans tout ce nouveau schéma. « On
apporte de plus en plus son repas
d’abord pour des raisons économi-
Les Français sont de
plus en plus nombreux
à se réapproprier
leur alimentation
quotidienne, selon
une enquête conjointe
de la Fondation Nestlé
et de l’institut Ipsos.
Un Français sur trois
apporte son repas
sur son lieu de travail.
ques, mais aussi dans 40 % des cas
pour contrôler le contenu de son
assiette », abonde Youmna Ovazza.
Les Français se sont remis à cuisi-
ner les restes. « Cela évite le gâchis
et permet la créativité », dit-elle.
Le « batch cooking », qui consiste
à préparer les plats de la semaine
en une séance de cuisine, se déve-
loppe lui aussi.
PrèsdestroisquartsdesFrançais
aspirentàmangersainetéquilibré.
Maisilsmanquentsouventderepè-
res et « se sentent un peu perdus ».
Plus de 40 % cherchent à réduire le
sucre et le sel et 75 % font attention
aux valeurs nutritionnelles. L’ali-
mentation végétale, la baisse de
l’alcool, de la sauce, la tendance
zéro (zéro gluten, zéro lactose, etc.)
sont « des notions minoritaires ».
Principal obstacle à manger
équilibré pour un Français sur
deux : le coût. « Ce point a été
amplifié par la crise sanitaire.
Les Français se sentent obligés de
faire des arbitrages », selon l’étude
Ipsos/Nestlé. « La fracture sociale
alimentaire s’est renforcée. » Les
problèmes de surpoids sont beau-
coupplusmarquésdanslescatégo-
ries sociales défavorisées, rappelle
Thibaut de Saint Pol. n
Le« faitmaison »faitsaliver
lesFrançais
Les Français demeurent attachés à leur modèle alimentaire et à la notion de partage. Photo iStock