Internet, levier de renforcement des stratégies de city branding (virginie mahé)
1. Virginie Mahé Monographie 2010
« Perspectives et mises en application
d’Internet comme levier
de renforcement des stratégies
de city-branding »
Rome, Paris et Amsterdam : trois métropoles européennes au
cœur des problématiques du marketing territorial numérique
Monographie de Master 2 Management de la Communication
Communication Publique et Marketing Territorial,
Sciencescom, 18 juillet 2010.
1
2. Virginie Mahé Monographie 2010
RESUME
Dans un contexte de concurrence accrue et mondialisée entre métropoles, l’attractivité
des villes est un enjeu de taille pour servir leur compétitivité, et c’est en partie pour y répondre
que les marques de city-branding se multiplient actuellement. Bien plus, elles cherchent à
proposer un projet global pour le territoire, qui permette de se différencier durablement, tout en
respectant l’identité du territoire, et en contribuant à créer de la cohésion entre habitants,
institutions et acteurs économiques. Or, à l’heure du tout numérique, les collectivités ne peuvent
rester insensibles aux nouvelles possibilités offertes par le web 2.0. Pour étudier en détail la
relation entre le numérique et les stratégies de city-branding, nous avons choisi de centrer notre
attention sur trois capitales européennes, Rome, Paris et Amsterdam. Après avoir synthétisé
les récents efforts en matière de marketing territorial de ces métropoles, nous nous attacherons
à décrire et analyser leurs sites internet. L’objectif est de voir si les stratégies choisies se
reflètent sur internet, et si oui, de quelle manière et avec quelles adaptations. Il s’agit donc de
cerner les nouveaux enjeux du numérique pour les marques de ville, notamment à travers
l’analyse et la comparaison des stratégies de city-branding et de leurs applications numériques
pour trois métropoles européennes, afin de voir de quelles manières internet est employé
comme levier de renforcement dans les stratégies de city-branding. Ainsi, cette étude s’attache
à cerner la notion de city-branding, son concept, les explications de son succès, mais aussi ses
limites d’applications. Elle fait également le point sur les relations entre les collectivités et les
outils numériques, résumant l’évolution des pratiques et démontrant les opportunités qu’elles
peuvent retirer de ce média. Enfin, dans un troisième temps, elle fait une analyse comparée des
stratégies de marketing territorial et des sites internet de ces trois capitales d’Europe
occidentale.
ABSTRACT
In a context of an increased and globalized competition between major cities, the
attractivity of the cities is a key stake in order to help their competitiveness, and the current
development of cities brands is in part due to that point. Furthermore, these brands are trying to
offer a global project for the territory, which can allow the cities to differentiate themselves on
the long term, while respecting the territory’s identity and contributing to create cohesion
between inhabitants, organizations and economical protagonists. Now, in a digital world, the
local authorities can’t stay impervious to the new possibilities offered by the web 2.0. In order to
study in detail the relation between the digital and the city-branding strategies, we have chosen
to center our attention on 3 European capitals, Rome, Paris and Amsterdam. After having
synthesized the place branding recent efforts of these 3 major cities, we will describe and
analyze their websites. The aim is to see if the strategies chosen are reflected on the interne,
and if so, how and with which adaptations. The issue is to define the new stakes of the digital
for the cities brands, particularly through the analyze and the comparison of the city-branding
strategies and of their digital applications, for 3 major European cities, in order to determine how
the internet is used as a tool of reinforcement for the city-branding strategies. This study wants
to examine the city-branding concept, its success explanations, but also the limits of its
application. It also takes stock of the relations between the local authorities and the digital tools,
summarizing the practices ‘evolution and demonstrating the opportunities they can get of this
media. At last, this study makes a compared analysis of the place branding strategies and of the
websites of these 3 Western European capitals.
Remerciements : Je tiens à remercier Philippe Ourliac et Boris Maynadier pour le
temps qu’ils m’ont consacré en interviews téléphoniques ; Emile Hooge, Jean-Philippe Clément
et Daphné Kakaiya pour leur aide dans mes recherches ; Akim Chekhab pour ses conseils
avisés et sa disponibilité.
2
4. Virginie Mahé Monographie 2010
INTRODUCTION
“Although place promotion is in itself not new, it has become a more widespread and
systematic activity as cities engage in fierce competition for a finite number of tourists,
residents, and businesses”1 : le marketing territorial voit aujourd’hui ses champs d’application et
s’élargir pour proposer de véritables projets de ville, que cherchent à incarner les marques de
city-branding. “I amsterdam”, “Lond-on”, “Only Lyon”, “It's Me!bourne”, “You®otterdam”...
Aujourd’hui, de plus en plus de grandes métropoles lancent leur marque de ville, afin d’assurer
leur promotion, tout en donnant une cohérence et un sens à la marque : signature et logo ne
sont alors plus que les éléments symboliques de cette démarche de city-branding, la face
émergée de l’iceberg en quelque sorte. Par ailleurs, les grandes métropoles se font de plus en
plus présentes sur internet, ce média désormais largement utilisé dans nos pays occidentaux :
simple rôle de ‘vitrine’ ou réel usage stratégique du web (concertation avec la population,
développement économique…), les collectivités investissent variablement le numérique.
Ces deux constats nous amènent à nous poser la question de la relation entre le
numérique et les stratégies de city-branding : ces dernières se reflètent-elles sur internet ? Si
oui, de quelle manière et avec quelles adaptations ? Il s’agit donc de cerner les nouveaux
enjeux du numérique pour les marques de ville, notamment à travers l’analyse et la
comparaison des stratégies de city-branding et de leurs applications numériques pour trois
métropoles européennes, afin de voir de quelles manières internet est employé comme levier
de renforcement dans les stratégies de city-branding.
Si l’on veut déterminer comment les stratégies de city-branding se traduisent en termes
de réalisation sur internet, il faut partir d’un postulat de départ selon lequel le city-branding
serait une démarche cumulative, une sorte de parcours jalonné d’étapes de progression2. En
somme, la première étape en serait le marketing de ville classique, de type logo/slogan, et,
après avoir créé une marque de ville, l’aboutissement en serait la mise en place d’une stratégie
de city-branding déclinée sur le web. La présence sur internet de la marque serait donc
proportionnelle à la puissance de marque « in real life ». Pour vérifier -ou infirmer- cela, il faudra
envisager les opportunités et les difficultés que rencontrent ces métropoles pour mettre
numériquement en valeur leur avantage concurrentiel. Cela demande de connaître les
stratégies choisies par les villes et les réalisations qui y correspondent (événementiel,
aménagement du territoire…), avant d’envisager leur déclinaison sur le web.
Pour répondre à toutes ces questions, nous étudierons dans un premier temps le
contexte et les enjeux de ces marques de ville d’un nouveau genre, à travers l’examen des
concepts autour desquels elles se construisent. Puis nous mènerons une étude de cas : nous
choisirons pour ce faire trois métropoles européennes, Rome, Paris et Amsterdam, qui ont
développé de manière plus ou moins approfondie des stratégies de city-branding, et nous
analyserons leur présence de marque sur internet.
1
Carl Grodach, “Urban branding: an analysis of city homepage imagery”, Journal of Architectural and Planning
Research n° 26(3), Chicago, avril 2009, p. 182.
2
C’est d’ailleurs de ce même postulat que part la thèse de Julia Winfield-Pfefferkorn, The branding of cities (2005).
4
5. Virginie Mahé Monographie 2010
I- LE CITY-BRANDING, UN OUTIL AU SERVICE DE LA COMPETITIVITE
DES METROPOLES
C’est dans un contexte bien particulier qu’est né le concept de city-branding au début
des années 2000 : le fonctionnement de l’économie selon les pôles que sont les métropoles, le
renforcement de la concurrence au niveau mondial entre ces métropoles, et enfin le besoin de
renouvellement des stratégies de marketing territorial des villes, banalisées et souvent
superficielles. Partant de ce triple constat, il convient d’expliciter le concept de city-branding,
son succès mais aussi ses limites d’application. Cela nous amènera à nous pencher plus en
détail sur l’enjeu de cette démarche de marketing territorial, à savoir valoriser l’image de la ville
et lui donner du sens, pour renforcer son attractivité dans un contexte hautement compétitif.
I-1. le city-branding, où quand la ville se fait marque
“Creating a distinctive brand that captures the spirit of a city must be able to inspire – the
travelers, the industry and the general populace itself” : c’est ainsi que Julia Winfield-
Pfefferkorn, qui a fait des recherches sur le concept dès 20053, résume le concept de city-
branding. Mai savant d’aborder de plus près cette notion et ses applications, il est nécessaire
de récapituler le contexte dans lequel elle se développe.
I-1. a) Le développement des marques de ville dans un contexte concurrentiel
internationalisé
Depuis la Renaissance en Europe, les villes, sources de richesse au travers du
développement du commerce et du capitalisme naissant, n’ont cessé de prendre de
l’importance dans le fonctionnement des sociétés, au point de se multiplier et de s’étendre de
manière exponentielle : c’est le phénomène de l’urbanisation, qui devient massif et mondial au
XXème siècle. De plus en plus et dans tous les domaines, les villes se trouvent confrontées à
des concurrentes. « La compétition entre grandes villes n’est pas un fait nouveau : elle existe
depuis que les échanges entre pays existent, mais dans le contexte actuel d’une mondialisation
accélérée, elle a pris un nouveau visage et les villes redoublent d’ingéniosité pour mettre en
avant leurs atouts »4. Dans ce contexte de concurrence marquée, que ce soit au niveau
national ou international, le nouvel enjeu consiste à être toujours plus attractif afin d’assurer son
développement touristique et économique à plus ou moins long terme.
Largement diffusées et partagées dans le monde économique, les théories de Michael
Porter sur la façon dont une entreprise peut réussir dans un environnement fortement
concurrentiel sont transposées depuis quelques dizaines d’années au marketing des territoires.
Ainsi, pour obtenir un avantage compétitif durable, deux solutions sont possibles : la domination
par la faiblesse des coûts (non transposable directement aux territoires à cause d’une plus
grande complexité et diversité des paramètres qui entrent en jeu), ou bien la différenciation.
Cette stratégie de différenciation a pour objectif de déterminer une position unique sur le
marché, qui durera tant que les concurrents ne sont pas en mesure d'offrir un avantage
similaire. On notera que d’après Christopher Lovelock5, cette différenciation entre deux produits
tangibles similaires (comme par exemple deux métropoles européennes comparables) passe
notamment par le développement des services immatériels.
Constitué de méthodes et d’outils de promotion des territoires désormais bien ancrés
dans les pratiques, le marketing territorial est donc plus que jamais stratégique pour se
différencier, et c’est en tant que tel qu’il évolue, tirant – insuffisamment parfois – leçon du passé
3
The branding of cities (2005) p. 13.
4
Emile Hooge, « La cote des ville », p. 45.
5
Cf. Le marketing des services, de Christopher H. Lovelock, Jochen Wirtz et Denis Lapert (2004).
5
6. Virginie Mahé Monographie 2010
et s’adaptant aux changements contextuels et sociétaux6. Par exemple, il suit le profond
mouvement de transformation fonctionnelle des Etats, qui voit les pouvoirs centralisés
nationaux laisser toujours plus de compétences aux territoires et aux métropoles les
composant. En France, cela se traduit par le processus de décentralisation, engagé depuis
1982. De centralisateurs et stratèges, les Etats passent de plus en plus à un rôle de
coordinateurs de réseaux : aux métropoles d’opter pour les choix stratégiques et opérationnels
adéquats, afin d’émerger dans ce contexte de baisse des ressources publiques et de
financiarisation accrue de la compétition entre territoires7.
S’il l’enjeu est toujours pour les territoires de se différencier, on ne recourt désormais
plus systématiquement aux leviers de développement utilisés aux débuts du marketing
territorial, dans les années 1980 ou 1990, tels que les grands bâtiments signés d’architectes de
renom8. Dorénavant, le marketing territorial doit élaborer des projets cohérents, réalistes et
différenciants, afin de générer pour le territoire un avantage durable et non duplicable. Cela
passe notamment par l’intégration de l’identité du territoire au cœur de la stratégie, mais aussi
par un réel positionnement sur un marché concurrentiel en constante évolution. De plus en plus
d'élus sollicitent ainsi les cabinets de conseil et des agences de communication pour réfléchir
en profondeur sur leur territoire et définir le positionnement, la stratégie de différenciation ou la
façon d'améliorer l'image de leur ville9.
I-1. b) Une économie profondément métropolitaine
Comme le souligne Benoît Meyronin dans son ouvrage Le Marketing Territorial (2009)10,
on assiste aujourd’hui à l’accentuation d’une tendance : l’économie fonctionne plus que jamais
selon l’organisation en métropoles11. Le phénomène de métropolisation a débuté aux Etats-Unis
avant de se développer en Europe et au Japon à partir des années 1970, et de se diffuser
aujourd’hui partout dans le monde. Ce renforcement des villes capitales et des grandes villes
situées en tête d'un réseau urbain voit ainsi s'étendre le tissu périurbain, posant d’importants
problèmes environnementaux et d’infrastructures. Les métropoles concentrent les activités de
commandement (économique, politique, culturel...), les fonctions tertiaires supérieures et les
flux, ce qui explique en partie leur forte attractivité. Cela s’accompagne également d’une
redéfinition des espaces au sein de la ville : les fonctions qui consomment beaucoup d’espace
(loisirs, commerce, industries) sont rejetées dans les périphéries alors que les centres-villes
sont marqués par l'habitat favorisé et les activités à forte valeur ajoutée.
On constate donc l’émergence de villes qui sont également des puissances
économiques : ainsi, le Grand Londres représente 17% du PIB britannique, devançant les PIB
6 Cf. Benoît Meyronin, Le Marketing Territorial, 2009 : « l’âge d’or du marketing territorial est encore à venir et il
évolue au gré des soubresauts de l’économie mondiale et de la géopolitique ».
7. Pour appuyer ce point, il suffit de se pencher sur la question de la captation des IDE (investissements directs à
l’étranger) : il s’agit pour les territoires d'attirer les investisseurs étrangers en mettant en valeur son attractivité
(infrastructures de qualité, présence de districts industriels, qualité de la main d'œuvre, compétitivité-coût,etc.). Les
IDE participent donc à la construction des avantages comparatifs d'une économie.
8
Il ne s’agit pas d’ôter toute valeur à ces démarches de marketing territorial, qui restent encore fondamentales
aujourd’hui. Elles ne peuvent simplement plus être utilisées seules et en elles-mêmes : elles doivent s’inscrire dans
un projet plus global de territoire.
9
On pourra consulter à ce sujet La société conquise par la communication de Bernard Miège. D’après l’auteur, nous
sommes actuellement dans une phase de « relations publiques généralisées », qui voient les politiques de
communication des pouvoirs publics rechercher le consensus et s’adresser avant tout aux
individus/consommateurs/citoyens (et non plus aux groupes). Cette importance pour les élus de l’image et de la
recherche du consensus est un motif de plus pour développer une marque portant haut les couleurs du territoire.
10
P.59-60.
11
Etymologiquement, vient du grec métèr (mère) et polis (cité). On pourra consulter sur le sujet Pierre Veltz,
Mondialisation, villes et territoires : l’économie d’archipels, Paris, PUF, 1996. D’après l’auteur, l’économie fonctionne
désormais à partir d’ « archipels » que sont les métropoles, qui centralisent le pouvoir et les flux.
6
7. Virginie Mahé Monographie 2010
nationaux de la Belgique ou du Portugal. C’est pourquoi le marketing des villes se pense
désormais en fonction d’une concurrence accrue entre grandes aires urbaines pour capter
l’attention des cadres, les investissements des entreprises et des organismes publics, ou
encore la manne touristique12.
I-1. c) Le concept de city-branding
C’est dans ce contexte de forte concurrence internationalisée entre métropoles que
certaines villes ont mis au point des procédés novateurs de marketing territorial, et que des
chercheurs ont commencé à travailler sur le notion de city-branding.
Le concept et les enjeux
Qu’est-ce que le city-branding ?
Pour attirer investisseurs, touristes et habitants, la marque de territoire doit mettre en
avant les bénéfices observables retirés par les résidents, les entrepreneurs et/ou les visiteurs.
Mais la ville n’est pas que physique, elle est aussi conceptuelle : en effet, elle peut mettre en
avant non seulement son patrimoine bâti et naturel, mais aussi des savoir-faire, et au fond, une
image symbolique. La ville peut désormais devenir une marque, et retrouver en partie une très
ancienne tradition européenne, celle des devises et des blasons. L’objectif est de se distinguer,
d’avoir une identité reconnue, à travers une plus-value immatérielle : l’image du territoire.
D’après Julia Winfield-Pfefferkorn13, ce dernier élément essentiel peut provenir de l’expérience
des habitants, de la façon dont ceux-ci sont perçus à l’extérieur14, de ce que la ville représente
ou met en avant (ex : Nantes et la culture), ou encore de l’apparence de la ville (urbanisme,
patrimoine…)
Selon Boris Maynadier15, qui a fait sa thèse sur le sujet, « ce qui change au début des
années 2000, c'est le passage du marketing de la ville à la marque de ville », c’est-à-dire au
city-branding. Avant les années 2000, les « marques » de ville se résumaient bien souvent à un
logo et à une signature. Désormais, il s'agit de mettre en œuvre des moyens divers et variés
(outils marketing, urbanisme, architecture…) au service d’un projet de marque, qui doit être en
cohérence avec un projet de territoire plus global. Les notions de projet et de « sens » sont
donc au cœur de la démarche de city-branding, et plus globalement au centre de la conception
actuelle de la marque.
En effet, il faut rapprocher cette évolution de la conception de la marque de territoire de
celle du marketing marchand, qui, comme l’a qualifié Andréa Semprini16, est passé du
« management de la marque » au « management par la marque » : le travail sur l’identité de la
marque et de ses valeurs se veut désormais au centre des pratiques entrepreneuriales, de la
culture d’entreprise mais aussi de la relation-client. Aujourd’hui, les marques sont centrales
dans le fonctionnement de nos sociétés, et cela s’explique notamment par le fait qu’elles
franchissent de plus en plus les limites du seul secteur de la consommation : au croisement de
l’économie, de la communication, de la culture ou encore de la politique, les marques sont
toujours plus puissantes, mais aussi toujours plus critiquées. Dans une société où prédomine
l'immatériel, les marques proposent aux individus comme aux communautés des "mondes
12
Cf. infra l’analyse des notions de compétitivité et d’attractivité des métropoles aujourd’hui. Sur le tourisme urbain et
ses enjeux, cf. notamment l’article de François Mommens « La ville ludique, nouvelle destination touristique ».
13
cf. Julia Winfield-Pfefferkorn, The branding of cities (2005) p. 23 sqq.
14
Par exemple, le fameux accueil glacial des provinciaux par les parisiens ne contribuent pas à donner une bonne
image de la capitale dans les régions françaises.
15
Boris Maynadier est professeur à l'Iseg Toulouse et spécialiste du city-branding ; il a écrit Marque de ville, étude
des modalités sémiotiques de génération d'une marque par une ville ; thèse de doctorat sous la direction de Jean-
Marc Décaudin, 2009.
16
Andréa Semprini, La marque, une puissance fragile, 2005.
7
8. Virginie Mahé Monographie 2010
possibles", aidant ainsi les consommateurs-citoyens à donner un contenu et un sens à leurs
projets. Par ailleurs, comme le souligne Boris Maynadier17, ces évolutions correspondent à un
changement de perception de la ville postmoderne : désormais, les hommes « conçoivent les
villes comme des ensembles de possibilités. Ils abordent les villes comme autant de lieux où
réaliser leurs projets et bougent en fonction de ceux-ci. De fait, ils mettent les villes dans une
véritable situation de concurrence pour les attirer ».
Comment conçoit-on une marque de ville ?
Issue des techniques de marketing classiques, la méthode de constitution de marque
est sensiblement la même : étude du positionnement marketing, benchmarking puis définition
d’objectifs18. On notera qu’il est impossible de créer l’image d’une ville dans l’esprit des gens
sans partir de certains fondements existants, tels que des éléments physiques de
reconnaissance (monuments, rivière…). Il faut donc partir des réalités du terrain (histoire,
économie, démographie…), mais aussi tenir compte des grandes tendances de l’époque,
comme par exemple l’importance de la santé et le goût pour la nature et l’authenticité, ou
encore l’individualisme et le goût des services personnalisés. L’enjeu pour être une bonne
« marque-ville » est de présenter des caractéristiques qui puissent être aisément identifiées et
qui donnent une image positive de la ville.
On observe que les stratégies de city-branding réussies se sont appuyées sur des
pratiques qui ont consisté à intégré l’ensemble des acteurs, publics comme privés, liés à la
promotion du territoire ou à sa gestion. Ainsi, l’un des facteurs clés expliquant le succès de la
marque française ONLYLYON est d’avoir su fédérer des acteurs aussi bien institutionnels
qu’économiques : ADERLY (agence de développement économique de Lyon), Aéroports de
Lyon, CCI de Lyon, Cité Centre de Congrès de Lyon, Grand Lyon, Département du Rhône,
Medef Lyon-Rhône, Lyon Tourisme et Congrès, ou encore Université de Lyon sont quelques
uns des acteurs à s’être associés à cette démarche. Structurer et fédérer un ensemble
d’acteurs de nature variée qui gravitent autour du territoire semble bien être un critère
fondamental de réussite des stratégies de city-branding.
Succès et limites
Les succès
« As is generally observed in relation to branding, city-branding creates a snowball
effect, putting cities without a brand under pressure to develop one ». Comme le notent J. Stigel
et S. Frimann19, aujourd’hui, les marques de ville se multiplient un peu partout, au point de se
demander s’il ne s’agit pas d’un effet de mode. Autre preuve du succès de ces marques de
territoires, certaines marques commencent à s’exporter : ainsi, en acquérant la marque Louvre,
Abu Dhabi s’est offert un peu du prestige culturel de Paris.
Les raisons expliquant le succès du city-branding doivent cependant être cherchées plus
en profondeur que le seul effet de mode. Une de ces raisons réside certainement dans les
difficultés économiques rencontrées par les villes, comme le note Emile Hooge : « à l’heure où
l’économie est en berne, la concurrence entre villes pour attirer les entreprises, les talents, les
touristes ou pour fidéliser leurs habitants, pourrait se faire plus rude »20. De plus, Boris
Maynadier explique que « les notions de projet et de valeurs correspondent aussi aux besoins
de l’individu contemporain » : le consommateur-citoyen ne souhaite plus être passif mais être
intégré au sein d’un projet plus global qui le concerne. Autre argument majeur : contrairement à
17
Dans Emile Hooge, « La cote des villes », Futuribles, analyse et prospective, juillet-août 2009, n°
354, p. 49-50.
18
On peut lire le détail de la création de la marque « I amsterdam », qui correspond à ce schéma, au III-B)-3.
19
« City Branding – All smoke, no fire ? », Nordicom Review n° 27, 2006, p.247.
20
Emile Hooge, « La cote des villes », p. 45.
8
9. Virginie Mahé Monographie 2010
une simple campagne de communication, la marque s’inscrit durablement dans le temps, ou du
moins cherche à le faire21.
Par ailleurs, les succès les plus marqués concernent des grandes villes. D’après Boris
Maynadier, cela s’explique par le fait que ces dernières ont souvent des objectifs de
développement économiques et une stratégie pour les atteindre bien définis, sans même parler
des moyens économiques conséquents consacrés au marketing territorial. De plus, le city-
branding permet de répondre à des ambitions de rayonnement international : par sa forme
condensée22, la marque de ville facilite l’assimilation et l’identification de la ville et de ses
caractéristiques, ainsi que l’inscription dans des réseaux internationaux.
Enfin, dernier élément expliquant le succès du city-branding pour les métropoles : la
marque de ville permet de donner une identité et du sens à une échelle territoriale en plein
boom, l’agglomération. En effet, avec le phénomène métropolitain, qui voit l’élargissement des
villes ainsi que l’effacement des frontières physiques entre ville et campagne, c’est désormais
cet échelon de « ville élargie » qui est le plus pertinent. En France, cela est renforcé par le fait
que ce sont les communautés d’agglomération qui ont la charge de l’urbanisme et du
développement économique. On notera toutefois avec Philippe Ourliac23 que « lorsque le
périmètre est bien défini (comme dans le cas d’une commune), on maîtrise beaucoup plus les
tenants et aboutissants de l’image » : la marque est alors plus lisible et plus facile à
développée, mais elle risque de ne pas durer dans le temps, faute d’avoir pris en compte les
réalités du terrain. Jean Haëntjens24 insiste sur ce dernier point : « Les grandes villes se
trouvent au cœur de bassins de vie qui dépassent largement leurs limites administratives […].
Au cours des prochaines années, la capacité stratégique des villes dépendra donc en partie de
la complicité qui parviendra à s’instaurer entre les différents niveaux institutionnels ».
Les limites
Toutefois, on pourra souligner avec Boris Maynadier25 que si les marques de villes se
multiplient aujourd’hui, « la démarche est récente et parfois encore maladroite ». Réussir à
élaborer un réel projet de city-branding, cohérent, durable et différenciant n’est pas donné à tout
le monde et de nombreuses approches restent encore superficielles en se concentrant sur
« l’image » supposée de la ville. Il est parfois difficile aujourd'hui d'établir les résultats de ces
nouvelles stratégies. Certaines sont en effet relativement récentes et l’on n’a pas encore le
recul nécessaire pour bien les évaluer. De plus, il faut noter que le branding ne se suffit pas en
soi, mais qu’il faut bien mettre en œuvre une vraie stratégie de marketing territorial, avec des
effets visibles et mesurables sur le terrain, pour obtenir un réel impact sur l’image de la ville et
donc en retirer des bénéfices. Il ne s’agit pas de se disperser dans les problématiques d’image
de la ville : « la création d’une marque doit permettre à la ville d’éviter de se perdre dans son
reflet »26.
Toutefois, l’évaluation des stratégies de city-branding montre bien souvent les limites de
l’application aux territoires des méthodes marketing traditionnelles : interdépendance et
multiplicité des cibles, volonté de faire consensus et d’obtenir des retombées à différentes
21
Une illustration de l’importance de ce dernier point réside dans l’intitulé d’un département à l’Agence Régionale de
Développement d’Ile de France : « Direction de l’attractivité durable des territoires »
22
Cf. Boris Maynadier, dans Emile Hooge, « La cote des villes », p. 50.
23
Philippe Ourliac est Délégué Général de l’Observatoire des Territoires Numériques. Source : interview
er
téléphonique réalisée le 1 juin.
24
« Stratégies et avenir des villes européennes », Futuribles, analyse et prospective, juillet-août 2009, n°
354, p.5-17.
25
Dans Emile Hooge, « La cote des villes », p. 50.
26
Boris Maynadier dans Emile Hooge, « La cote des villes », Futuribles, analyse et prospective, juillet-août 2009,
n°
354, p. 49.
9
10. Virginie Mahé Monographie 2010
échelles font que les valeurs portées sont souvent imprécises ou similaires entre concurrents
(« carrefour de », héliotropisme, pôles Euro-…).
Jørgen Stigel et Søren Frimann ont particulièrement étudié les limites de cette
adaptation du concept de marque au cas des villes27. Ils reprennent, pour mieux la contester,
l’argumentation classique selon laquelle le marketing et ses méthodes seraient adaptables tels
quels à la ville : la ville représente le « business » et ses avantages sont ses « produits ».
Comme la plupart des villes ont des services et des infrastructures similaires à offrir, l’enjeu
consiste à se différencier en créant un positionnement unique. C’est dans cette perspective que
l’on donne à la ville une « personnalité », avec une identité et des valeurs. La critique des
auteurs est la suivante : même dans le cas d’un individu, une identité est dynamique ; elle varie
en fonction du contexte et des relations interpersonnelles. Cela devient encore plus complexe
dans le cas d’une ville, qui regroupe des individus, des communautés, des institutions28…
Une autre difficulté du city-branding que les auteurs soulignent réside dans le fait que la
marque doit refléter la conception que les habitants-citoyens se font de leur ville en même
temps que la vision que les visiteurs extérieurs peuvent expérimenter : il faut donc retrouver
une cohérence entre la prise en compte des dimensions interne et externe. Par ailleurs,
contrairement au marketing classique, il est impossible de maîtriser la communication qui
provient de cibles internes. En effet, on ne peut diriger ni gérer le comportement et la
communication des habitants. Autre point complexe à gérer : le nombre des parties prenantes
particulièrement élevé, et donc plus susceptible de provoquer des conflits d’intérêt.
Répondre à la concurrence de plus en plus forte entre les villes, voilà ce qui pousse bon
nombre d’entre elles à se lancer dans une démarche de création de marque. Apparaît alors la
nécessité de réfléchir en profondeur sur l’identité de son territoire et d’identifier des objectifs
stratégiques. Mais à vouloir satisfaire toutes les parties prenantes, tout en touchant l’ensemble
des cibles identifiées, le risque est grand de mettre en avant des valeurs généralistes et donc
peu pertinentes pour valoriser la destination. Cette menace de banalisation ne peut que
s’aggraver avec la multiplication des démarches de création de marques de ville. Au final, rares
sont les exemples qui savent remédier à toutes ces difficultés pour faire de la marque un
véritable outil de promotion à l’extérieur et de fédération au plan local. Le travail sur l’identité
d’un territoire reste extrêmement complexe à mener, si tant qu’il soit possible de définir une
« personnalité » de ville. Comme le résume Gérard Collomb, « l’enjeu, pour se distinguer, est
de construire à la fois de la cohésion, de l’adhésion, de la visibilité, par une image cohérente qui
emprunte aussi bien au passé qu’à la construction d’un imaginaire à venir, via une mise en
scène symbolique de la métropole »29. Peut-être le secret de la réussite est-il d’être conscient
de toutes ces difficultés et de faire des choix de priorités assumés, en sachant que de toute
manière l’on n’obtiendra pas de consensus.
I-2. La course à la compétitivité et à l’attractivité des territoires
Au fond, ce qui est en jeu derrière cette démarche de création de marque de la ville,
c’est bien de savoir s’adapter aux évolutions économiques et d’anticiper les défis de demain
pour mieux y répondre. Il s’agit de rester dans la course, en cherchant sans cesse à améliorer
sa compétitivité.
27
« City-branding – All smoke, no fire ? », Nordicom Review n° 27, 2006, p.245-268
28
J. Stigel : “The identity of a city is an abstract construct that cuts away concrete differences and contrasts while
presupposing constancy and consensus” (p. 248).
29
« Les villes européennes en coopétition », Futuribles 354, p. 30.
10
11. Virginie Mahé Monographie 2010
I-2. a) Les notions de compétitivité et d’attractivité des territoires
De nos jours, la métropolisation est un phénomène particulièrement important, qui
redessine les paysages et réorganise l’économie en réseaux dont les grandes villes constituent
les nœuds. On l’a vu, la concurrence n’a jamais été aussi marquée entre les territoires pour
attirer des investissements et se développer.
Compétition, compétitivité et coopétition
Connotée a priori négativement, la compétition entre métropoles peut aussi être
ressentie positivement car elle « agit comme un moteur fondé sur l’émulation, pour inciter les
villes à se réinventer, à se développer, et non pas comme un frein »30. Cela correspond alors au
concept de ‘compétitivité’, que Michael Parkinson différencie de la compétition : dans ce dernier
cas, lorsqu’une cité gagne, une autre perd, alors qu’en fait les villes peuvent accroître toutes
ensemble leur compétitivité et leurs bénéfices31.
Jumelages de communes, réseaux associatifs ou encore regroupement de villes par
projet marquent une évolution dans la perception de cette concurrence : entre compétition et
entraide, se développe aujourd’hui le concept de « coopétition ». Définie par Gérard Collomb
comme une « alliance entre plusieurs villes sur une thématique précise [qui] contribue à
développer la compétitivité de chacune et à renforcer le poids de l’ensemble sur la scène
mondiale », elle s’inscrit dans une tradition d’échanges entre villes a priori concurrentes qui
remonte au moins à la Renaissance. La nouveauté réside ici dans le renforcement du
fonctionnement en réseau, et ce à une échelle mondialisée. Cela se traduit par exemple par le
réseau Eurocities, qui rassemble 137 métropoles à dimension internationale de 34 pays
européens32.
Par ailleurs, « la capacité d’un territoire à exercer un avantage compétitif change dans le
temps »33 : ainsi, non seulement les villes doivent trouver une stratégie de développement
cohérente et efficace, mais elles doivent aussi et surtout réussir à relever le challenge sans
cesse renouvelé de l’adaptation. Prendre en compte et intégrer les innovations technologiques,
toujours plus promptes à se succéder, adapter son offre en fonction des nouveaux concurrents
ou des nouvelles préférences et usages sociétaux, voici quelques uns des défis stratégiques
auxquels sont confrontées les métropoles.
L’attractivité des métropoles le nouvel enjeu
De plus en plus, compétitivité et attractivité sont des notions liées entre elles. En effet,
l’image des villes compte désormais beaucoup dans les choix des investisseurs. De plus, pour
attirer la main d’œuvre très qualifiée toujours plus mobile, les seules opportunités de carrière ne
suffisent plus ; les transports, la qualité de vie ou le dynamisme culturel sont des nouveaux
critères particulièrement importants.
En tant que condition nécessaire à la compétitivité, il s’agit dans un premier temps
d’éclaircir le concept d’attractivité des territoires. Pour ce faire, nous utiliserons notamment
30
Gérard Collomb, maire de Lyon, interviewé par Jean Haëntjens ( Futuribles, p. 20).
31
Competitive european cities : Where do the core cities stand ?, Final report to core cities working group (2003),
p.19 : “We follow Michael Storper and define it as the ability of an economy to attract and maintain firms with stable or
rising market shares in an activity, while maintaining stable or increasing standards of living for those who participate
in it. And competitiveness is different from competition. Competition can be a zero-sum game, in which if one city
wins another loses. By contrast cities can all increase their competitiveness at the same time, so that all cities and
the national economy can simultaneously grow and benefit”.
32
L’association a pour vocation de défendre les intérêts de ses membres en pratiquant du lobbying auprès des
institutions européennes, mais aussi en proposant une plate-forme d’échange des expériences et connaissances en
politique urbaine des différentes métropoles. Le site internet : http://www.eurocities.eu/main.php.
33
Benoît Meyronin, Le marketing territorial, p. 76
11
12. Virginie Mahé Monographie 2010
l’étude de Paris-Dauphine sur l’attractivité résidentielle des villes françaises34. D’après les
auteurs, l’attractivité est une « force d’attraction [qui] permet de capter des ressources en les
fixant plus ou moins durablement sur place. L’attractivité est donc à la fois la cause de
mouvements et un facteur d’ancrage. Elle peut être mesurée par les flux entrants et sortants de
populations, d’emplois ou de capitaux ». Les différentes formes d’attractivité peuvent cependant
entrer en conflit : songeons par exemple aux tensions provoquées entre touristes et habitants à
la haute-saison. A cette première définition, objective, qui correspond à la notion d’attraction,
vient s’ajouter une autre dimension, plus subjective : l’attrait. En effet, les villes n’attirent pas
seulement grâce à leurs performances économiques, elles attirent aussi grâce à leur ambiance,
leur patrimoine architectural, leur passé : les causes psychologiques ne sont pas absentes de la
notion d’attractivité, loin de là. On peut résumer l’enjeu de l’attractivité ainsi : « Dans un
contexte de concurrence accrue entre les villes, elle s’offre comme un puissant levier pour
trouver et défendre sa place dans un cercle géographique, économique et social élargi sous le
coup de la mondialisation. […]Enfin, l’attractivité constitue un pari. À la fois effective et
potentielle, elle dépend non seulement des ressources objectives des villes mais de l’action de
leurs élus, élites économiques, investisseurs et habitants »35.
Il est complexe de définir les composantes de l’attractivité et cela relève parfois de choix
de critères subjectifs. Ainsi, les auteurs de la précédente étude prennent pour indicateurs la
géographie et le climat, l’accessibilité, la démographie, l’organisation politique, l’économie,
l’urbanisme, le logement, les conditions sociales, les infrastructures, la culture et le patrimoine,
ainsi que l’environnement et la politique de développement durable. Mais d’autres choix sont
possibles.
Ainsi, Christian Vandermotten36, dans un article de 2009, étudie ce qui fonde l’attractivité
des métropoles. Il prend en compte le PIB par habitant par rapport aux moyennes nationales37,
ainsi que l’indice de fonctionnalité, calculé selon l’importance des fonctions administratives,
touristiques, de commandement, de la qualité patrimoniale, et de la place dans l’économie de la
connaissance38. Il intègre également dans son étude l’indice d’internationalisation, déterminé en
fonction de la présence de sièges sociaux et de bureaux de grandes firmes mondialisées, et
selon la connectivité aérienne. L’auteur souligne toutefois que même pour les métropoles les
mieux classées, c’est-à-dire à la fois fonctionnelles, internationalisées et à haut niveau de vie,
d’importants défis restent à relever pour conforter leurs avantages à l’avenir. Ces défis sont
avant tout d’ordre social et consistent, entre autres, à parvenir à une réelle intégration de la
population immigrée, sous peine d’aggraver la déconnexion entre réussite économique
générale et situation locale du marché du travail. Les conséquences en seraient le
renforcement des tensions sociales, impactant alors forcément l’image de la métropole.
L’étalement urbain constitue un autre défi de taille : outre des problèmes de mobilité, il
complique la gouvernance des métropoles dans la mesure où, bien souvent, les limites
administratives ne correspondent pas aux bassins d’activités.
Toutefois, d’autres choix encore de critères sont possibles, comme en témoignent les
nombreux classements d’attractivité de métropoles : partant de critères différents, plus ou
34
Alexandre Hervé, Cusin François, et Juillard Claire, L’attractivité résidentielle des agglomérations françaises :
Enjeux, mesure et facteurs explicatifs, Université Paris-Dauphine, juillet 2010.
35
Hervé Alexandre, François Cusin et Claire Juillard, L’attractivité résidentielle des agglomérations françaises :
Enjeux, mesure et facteurs explicatifs, Université Paris-Dauphine, juillet 2010, p.16.
36
Christian Vandermotten est l’ancien président de l’Institut de gestion de l’environnement et d’aménagement du
territoire. Il a publié dans la revue Futuribles un article intitulé « Les villes qui gagnent, les villes qui perdent. Forces
et faiblesses des régions métropolitaines européennes ».
37
En 2005, Paris arrive ainsi à 154 de PIB/habitant (pour une moyenne nationale de 100), Rome à 135 et
Amsterdam à 142.
38
Sur cette indice, en 2005 Paris atteint la note de 9,5 sur 10 ; Rome la note de 8,4 et Amsterdam la note de 8,2.
12
13. Virginie Mahé Monographie 2010
moins objectifs et mesurables, ils aboutissent à des résultats forts divers selon l’objectif
recherché et les cibles.
I-2. b) la folie du classement
Dans la course à la compétition, les villes expriment souvent le souhait d’apparaître en
haut des classements d’attractivité, y voyant un outil de promotion du territoire. Correspondant
à une évolution sociétale qui tend à tout noter39, ce type de classement se multiplie, nationaux
ou internationaux, destinés soit au grand public, soit aux experts. Emile Hooge, consultant en
prospective et marketing, a étudié la question dans un article très complet sur le sujet, paru en
2009.
Des avantages et des limites des classements d’attractivité des villes
D’après Emile Hooge, un classement, s’il est utilisé avec recul et objectivité, peut ainsi
fournir aux décideurs un outil pour mesurer les forces et les faiblesses de son territoire et donc
élaborer des stratégies adaptées. Gérard Collomb, maire de Lyon, partage ce point de vue :
« Le Grand Lyon utilise ces classements comme un baromètre pour évaluer la réussite de sa
stratégie dans certains domaines »40. Le système du classement peut aussi permettre d’ajuster
une politique de marketing territorial en fonction des résultats obtenus ; il contribue aussi bien
entendu la promotion de la ville41.
Toutefois, l’auteur souligne les faiblesses structurelles de ces classements.
Premièrement, les critères retenus pour établir ces classements, tels que la qualité de vie ou la
créativité, ne font pas consensus quant à leur impact direct sur le développement d’un territoire.
Ensuite, l’on peut reprendre les mêmes critiques que celles adressées au city-branding en
général : il n’est pas seulement question de marketing et de communication et des politiques
publiques doivent être mises en place pour aboutir à des résultats visibles et concrets. Là aussi,
Emile Hooge souligne la volonté de se différencier qui aboutit bien souvent dans les faits à des
solutions de plus en plus standardisées. Ces classements correspondent aussi à des visions
subjectives, portées par des intérêts financiers, culturels, sociaux, etc. qui tendent à présenter
prioritairement un certain type d’offre ou d’intérêt (hommes d’affaires, classe créative, famille,
jeunes, étudiants…).
Les différents classements : critères classiques et nouveaux critères de
compétitivité
D’après Emile Hooge, deux types de classement cohabitent : ceux qui mesurent la
valeur matérielle de la ville à partir de critères objectifs, et ceux qui prennent en compte
l’appréciation subjective et s’attachent donc plus à la valeur d’image de la ville.
Quelques classements
o La démarche rationnelle et la valeur matérielle
On peut donner comme exemple le classement European Cities of the Future, publié
tous les ans par le magazine britannique Foreign Direct Investment. Les critères utilisés par ce
classement sont par exemple les infrastructures, les coûts, ou encore le potentiel économique
(inflation, activité commerciale…) des villes. Le top 5 pour 2008-2009 est ainsi constitué, par
39
On pourra consulter à ce sujet Les cahiers de l’évaluation n° 4 : Notation = évaluatio n ? du Centre d’Analyse
stratégique (janvier 2010), disponible sur http://www.strategie.gouv.fr/article.php3?id_article=1138&IdTis=XTC-
DFKX-0OLQ4-DD-D9M3G-XP5.
40
« Les villes européennes en coopétition », Futuribles 354, p. 29.
41
On peut songer au succès éditorial du classement annuel du Point des « villes françaises où il fait bon vivre ».
13
14. Virginie Mahé Monographie 2010
ordre décroissant, de Londres, Paris, Berlin, Copenhague puis Amsterdam. Pourtant, les
hiérarchies données par ces différents classements varient grandement, mettant ainsi en
lumière la complexité de la mesure de la compétitivité d’une ville.
On remarque que les indices notant la qualité de vie sont particulièrement prisés, à
l’instar du Quality of Living Index, publié chaque année par le cabinet Mercer. Les 39 critères de
ce classement prennent ainsi en compte l’environnement politique et social, économique,
socioculturel, ou encore les loisirs ou le logement. Comme ce type de classement se veut
objectif, il ne prend pas en compte le ressenti émotionnel du vécu et ne permet donc pas de
mettre en valeur des villes très dynamiques au niveau de la culture ou des loisirs.
o L’approche subjective et la valeur d’image
Une autre méthode consiste à prendre en compte les avis des habitants et des
entrepreneurs locaux. Le classement European Cities Monitor représente bien cette tendance.
Publié annuellement par Cushman & Wakefield, c’est aujourd’hui l’un des classements les plus
utilisés par les agences de développement. Le top 5 en 2009 est le suivant (ordre décroissant) :
Londres, Paris, Francfort, Barcelone, Bruxelles, tandis qu’Amsterdam vient prendre la 8ème
position et Rome la 25ème. Mais ce classement est surtout basé sur l’avis de dirigeants de
grandes entreprises et reste donc partial.
Un autre classement possible est celui proposé par la société GMI de Simon Anholt, le
City Brands Index. A partir d’une enquête nourrie de plus de 15000 témoignages à travers le
monde, cet indice évalue le statut de 60 métropoles, l’endroit, le potentiel économique,
l’attractivité, les habitants et enfin les conditions de vie. En 2009, le top 5 était : Paris, Sydney,
Londres, Rome et New York. Dans ce classement, l’ambiance vivante est mise en valeur. Ces
deux classements sont parfois critiqués pour leur manque d’objectivité ; toutefois, ils adoptent
une démarche rationnelle et apportent aux villes de précieux renseignements sur la manière
dont elles sont perçues.
Quoi qu’il en soit, on peut conclure avec Emile Hooge que « ces indicateurs ‘objectifs’
que les villes utilisent pour mesurer leur compétitivité sur la scène internationale doivent être
manipulés avec précaution, tant leurs modes de construction influent sur le classement
obtenu ». Néanmoins, ils sont tout de même révélateurs d’une certaine réalité de terrain, et
peuvent donc en tant que tels guider les décideurs dans l’élaboration de leur stratégie de
développement territorial.
Critères classiques et nouveaux critères
On le voit à travers ces différents classements, de nouveaux critères plus ou moins
subjectifs font leur apparition pour mesurer l’attractivité des métropoles à l’aune de la
perception que les habitants en ont. Certains chercheurs ont mis en valeur d’autres leviers, tels
que la classe créative de Richard Florida ou encore la vivabilité.
o la « classe créative »
Le terme fut inventé par l’économiste Richard Florida en 200242. La classe créative
comprend selon lui les personnes qui créent des nouvelles idées, des nouvelles technologies
dans le domaine des sciences, de l’ingénierie, de l’architecture, de l’éducation, des arts, de la
musique ou encore des loisirs. Autour de ce groupe central gravite un autre groupe : des
personnes dont le métier consiste à résoudre des problèmes complexes et exige donc un
jugement objectif, un haut niveau d’éducation. Ces métiers où le capital humain est
fondamental sont ceux de la finance, de la justice, du commerce et de la santé. Les valeurs
centrales de cette classe créative sont la créativité, l’individualité, la différence, et le mérite.
42
The Rise of the Creative Class, Basic Books. Cf. le résumé et les critiques de sa thèse dans Julia Winfield-
Pfefferkorn, The branding of cities (2005), p. 115-125.
14
15. Virginie Mahé Monographie 2010
Même si ce groupe reste nettement moins important en nombre que la « working
class », il a pris une importance économique cruciale au cours des dernières décennies. Or
cette classe créative inverse la tendance : elle ne va plus dans une ville seulement parce qu’il y
a du travail ; elle recherche non seulement un emploi qualifié et intéressant mais aussi de quoi
satisfaire ses attentes en terme de loisirs (équipements culturels et sportifs…), des
infrastructures lui facilitant la vie quotidienne (cf. l’importance du métro) ou encore une
ambiance générale qui lui convienne. Avec la mondialisation et le développement d’internet, la
compétition entre les villes pour attirer cette classe créative s’est renforcée. Si dans les années
1980 et 1990 elle se concentrait avant tout aux Etats-Unis, désormais, il faut aussi compter
avec les métropoles du « Vieux Monde », voire avec celles de pays en plein développement,
tels que la Chine. Ce n’est pas par hasard si l’un des projets phares du développement de la
métropole nantaise s’appelle « Quartier de la Création » : destiné à réunir les acteurs locaux de
l’innovation, mais aussi des artistes ou encore des étudiants, ce projet répond en partie à des
ambitions d’accroissement de l’attractivité de Nantes.
o la « vivabilité »
L’un des enjeux pour les villes de demain sera d’attirer les actifs mais aussi de savoir les
garder. En effet, « la ville n’est pas seulement un lieu où l’on travaille, mais aussi un lieu où l’on
vit. La concurrence porte donc désormais sur la capacité à valoriser la qualité de vie des villes
et de l’image dont elles jouissent auprès de publics plus ou moins ciblés »43. C’est pourquoi,
comme l’écrit Jean Haëntjens, « la ‘vivabilité’ deviendra un argument majeur dans la
compétition entre les villes »44, d’autant plus avec l’allongement de la durée de vie,
l’augmentation du temps libre, et le développement des exigences environnementales.
L’attractivité résidentielle est donc appelée à prendre toujours plus d’importance dans la
compétitivité mondialisée des métropoles. Pour l’auteur, les villes qui s’en sortiront le mieux
seront celles qui sauront répondre à cet enjeu par la « capacité à conduire et tenir des
stratégies inventives ». Il souligne également un problème d’échelle : en dessous de la barre
des 100 000 habitants, les villes ont rarement les compétences techniques et les moyens
financiers pour mettre en place des stratégies très élaborées. A l’inverse, les très grandes
agglomérations posent des problèmes au niveau de la mobilité ou encore de l’étalement urbain.
De plus, comme nous l’avons déjà souligné, se pose souvent le problème d’un décalage entre
les limites administratives et les réalités du bassin de vie et d’emploi : la notion de projet de
territoire ne rejoint pas toujours la notion géographique et économique de ce même territoire.
o Valeurs fonctionnelles et valeurs identitaires
D’après Emile Hooge, et toujours dans l’objectif de se différencier, les villes sont
aujourd’hui globalement conscientes de la nécessité de prendre en compte leurs valeurs
matérielles (logique coûts-avantages, mesure par des indicateurs objectifs) ainsi que leurs
valeurs d’image (enquêtes subjectives). Toutefois, deux leviers pourraient être développés
selon lui afin d’asseoir une marque réellement forte, différenciante, cohérente et durable : les
valeurs fonctionnelles et les valeurs identitaires.
Dans le premier cas, celui des valeurs fonctionnelles, il s’agit de prendre en
considération la qualité du fonctionnement proposée par la ville (tolérance, gouvernance,
interactions…) ; cela s’évalue par des études de cas ou par l’expérimentation directe de la
ville45. Dans le second cas, les valeurs identitaires, « les villes sont en compétition sur leurs
43
Hervé Alexandre, François Cusin et Claire Juillard, L’attractivité résidentielle des agglomérations françaises :
Enjeux, mesure et facteurs explicatifs, Université Paris-Dauphine, juillet 2010, p.12.
44
« Stratégies et avenir des villes européennes », Futuribles 354.
45 On songe ici au projet « la 27ème Région », qui vise à mener des expériences d’innovation sociale par
l’installation de « Territoires en résidence » : une équipe pluridisciplinaire constituée de designers, d’innovateurs
numériques, d’architectes, de sociologues et de chercheurs, vient expérimenter un équipement ou un espace public.
ème
La 27 Région se positionne comme un "laboratoire des nouvelles politiques publiques à l’âge numérique" et place
le partage des bonnes pratiques et autres processus collaboratifs au cœur de son projet.
15
16. Virginie Mahé Monographie 2010
capacités à créer un sentiment d’appartenance et à porter un discours engagé sur le monde » :
cela passe par l’exploration des récits de la ville.
Si cette théorie de la « Creative Class » a le mérite de mettre en valeur des dynamiques
jusque là latentes, des critiques ont été émises par des économistes, notamment sur les indices
que Florida utilise pour comprendre la classe créative, et les conclusions qu'il en tire pour la
gestion des villes. Ainsi, Edward Glaseser, professeur d’Economie à Harvard, remarque que, du
point de vue des élus, il n’est pas évident de proposer des projets qui s’adressent uniquement à
une minorité d’élite et non à la majorité des habitants-électeurs. Aaron Bernstein affirme de son
côté que la classe créative au sens où l’entend Florida est trop restreinte pour pouvoir être le
socle d’économies toutes entières. Comme le remarque Boris Maynadier, « l'erreur serait fatale:
vouloir attirer la Classe Créative et négliger les autres »46. L’auteur liste d’autres critiques, telles
que le manque de précision dans la définition du concept de « classe créative », la difficulté à
mesurer ou même à comprendre la notion de ‘talent’, ou encore les problèmes d’adaptation de
la théorie en dehors des Etats-Unis47.
En définitive, la classe créative, à elle seule, ne peut suffire à revitaliser nos villes :
l’amélioration du cadre de vie (transports notamment), de la sécurité ou de la qualité de
l’éducation sont d’autres critères à prendre en compte. Quelle que soit l’importance de cette
classe créative au sein de l’économie postmoderne, l’ensemble des chercheurs qui ont travaillé
sur le sujet reconnaissent le rôle désormais fondamental du capital humain dans la compétitivité
des métropoles. Cela marque le besoin de réinventer l’économie occidentale, afin notamment
de répondre à la concurrence directe de la Chine : il s’agit désormais de se positionner sur la
phase amont de la production, à savoir la conception, ainsi que sur les services de haute
qualité, domaines qui exigent le plus de valeur ajoutée humaine. Quant aux classements, s’ils
sont largement critiquables, ils permettent néanmoins aux décideurs de se faire une idée du
niveau de compétitivité et d’attractivité de leur territoire, et peuvent les aider à se fixer des
objectifs comme dans le cas d’Amsterdam48. De plus, ils contribuent à rendre visible et à faire
reconnaître les stratégies de marketing territorial auprès des habitants et des leaders d’opinion,
comme en témoigne Gérard Collomb : « les classements n’influencent pas véritablement la
stratégie, mais celle-ci cherche plutôt à être lisible en utilisant le vecteur de ces
classements »49.
Actuellement, de plus en plus de villes ont recours à des stratégies de city-branding. Si
elles réussissent à exprimer l’identité de la ville et ses valeurs, elles peuvent en effet apporter
un avantage différenciant durable dans un environnement toujours plus compétitif.
Particulièrement adaptées aux dimensions, aux ambitions et aux moyens des métropoles, elles
permettent notamment un positionnement marketing au niveau international, qui peut se
traduire dans les classements très prisés d’attractivité. L’enjeu est de taille : donner du sens à la
ville, proposer un projet de territoire pour attirer talents et investissements et fidéliser les
habitants. Mais les écueils sont nombreux : ne pas se contenter d’une stratégie de marketing
territorial pour mettre en place de réelles politiques d’aménagement et de développement,
savoir faire des choix de priorités en termes de cibles et d’objectifs, intégrer la dimension
interne au même titre que l’externe, ou encore éviter la banalisation du message et des valeurs,
voilà de véritables défis à relever lors de l’élaboration d’une marque de city-branding.
46
Article daté du 15 août 2006 sur son blog (http://www.brandingthecity.com/article-3540423.html)
47
Pour une liste récapitulative des critiques émises contre Florida, voir l’article de Boris Maynadier sur son blog,
daté du 21 juillet 2006 (http://www.brandingthecity.com/article-3337434.html)
48
Cf. III-B).
49
« Les villes européennes en coopétition », Futuribles 354, p. 30.
16
17. Virginie Mahé Monographie 2010
II- INTERNET ET LES MÉTROPOLES, DES PRATIQUES EN PLEINE
EVOLUTION
Aujourd’hui, qu’elles le veuillent ou non, les collectivités doivent être présentes sur
internet. Mieux, elles doivent en adopter les nouveaux usages, et notamment ceux du web 2.0,
ce qui d’instaurer de nouvelles pratiques administratives et politiques, vers plus d’ouverture et
de dialogue. Plus qu’une contrainte, certaines y voient l’opportunité de développer une
nouvelles attitude, plus tournée vers l’échange et plus adaptée aux différentes cibles. Si les
situations sont contrastées, dans l’ensemble, les pratiques évoluent et intègrent de plus en plus
cette dimension d’interactivité et de dialogue, notamment à travers la mise en place de
stratégies numériques, ce qui se traduit dans les outils numériques, sites internet et réseaux
sociaux compris.
II-1. L’ère du numérique : le renforcement des inégalités ?
II-1. a) Le numérique, plus présent que jamais…
Le numérique n’a jamais eu autant d’importance dans la société mondialisée dans
laquelle nous vivons désormais : l’équipement en internet à domicile et sur le lieu de travail ne
cesse d’augmenter et les internautes sont toujours plus nombreux50, dans toutes les catégories
de population et dans toutes les tranches d’âge. De plus, avec l’avènement du web 2.0, on
assiste à la montée en puissance du communautaire et du participatif. Les nouvelles interfaces
permettent désormais aux internautes, même avec peu de connaissances techniques, de
s'approprier les nouvelles fonctionnalités du web et d’interagir avec le site, mais aussi entre
eux. Ainsi, la Toile facilite le regroupement par passions et choix de vie, en dehors du statut
social ou des origines culturelles, et sans tenir compte des frontières étatiques ou
administratives. Parmi les autres innovations prometteuses apportées par internet, on peut citer
la réalité augmentée, qui permet de ‘virtualiser’ le réel, tandis que les mondes virtuels tentent de
se rapprocher du réel. Ces tendances, ainsi que l’importance désormais cruciale d’internet, ne
vont faire que se renforcer avec la génération des digital natives (ou génération Y51) : ayant
grandis avec l’informatique, l’internet et l’électronique portable, ils en ont acquis une maîtrise
intuitive et placent ces usages au cœur de leurs pratiques professionnelles et privées.
II-1. b) … mais pas pour tout le monde
Dès lors qu’il est question du numérique, de fortes inégalités doivent être soulignées.
Une première disparité réside dans le taux d’équipement en informatique et en connexions haut
débit. Cela concerne avant tout les pays en voie de développement, au premier rang desquels
se trouve l’Afrique subsaharienne : sur plus de 17 millions de km2 et pour un milliard d’habitants
en 2009, elle ne possède que 12 millions de lignes fixes de téléphone (soit 1.2 ligne pour 100
habitants)52. Bien souvent, au petit nombre des infrastructures vient aussi s’ajouter la mauvaise
qualité des liaisons. Cela engendre de la marginalisation économique, une faiblesse structurelle
de compétitivité, des difficultés de transmission des savoirs et de l’information… Toutefois, ce
type d’inégalités se retrouve également dans les pays les plus riches. Ainsi, en France, le
50
En 2009, 64% des français sont ainsi internautes (source : Ipsos profiling 2008-V2).
51
On peut lire à ce sujet , dont voici un extrait : « Les optimistes soutiennent que la génération du numérique
constitue un groupe privilégié, né à l’aube d’une nouvelle ère qui diffusera la créativité de milliards de gens et mettra
les connaissances à la portée de tous ceux qui le désirent. Les pessimistes la considèrent comme une génération
perdue, séduite par la technologie qui les pousse à accepter une vie virtuelle facile et superficielle au lieu d’une vie
plus dure, mais plus gratifiante – et dans ce processus, peut être perdent-ils une partie de leur humanité ».
52
Cf. l’article « Fracture numérique Nord-Sud » de Dominique Roux (professeur à l’université de Paris-Dauphine)
dans le Dictionnaire politique d’Internet et du numérique (p.44-45).
17
18. Virginie Mahé Monographie 2010
Crédoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie) a élaboré un
indice mesurant l’inégalité d’accès aux technologies de l’information : cet indice est passé de 29
sur 100 en 1996 à 12 sur 100 en 200953. Cette amélioration s’explique en partie par des
politiques publiques volontaires54.
Si certaines inégalités s’atténuent depuis le début des années 2000, telles que la
présence sur internet selon le sexe, en revanche « l'écart entre les catégories de la population
les plus aisées et éduquées, presque totalement équipées et très utilisatrices des services
numériques, et les catégories à faible niveau de revenu et d'éducation, reste très important »55.
L’âge reste un facteur discriminant puisqu’en 2009, seuls 42% des retraités avaient un
ordinateur à domicile. Enfin, autre inégalité, celle du lieu d’habitation. Etant donné qu’il est plus
facile de déployer les réseaux supportant ces communications dans des zones à forte densité
de population, on note de fait un certain retard des zones rurales. Pourtant, l’’enjeu est fort,
comme le souligne Bruneau Retailleau, sénateur de Vendée : « le numérique est en effet un
multiplicateur de croissance et de productivité. Un investissement dans ce secteur a trois fois
plus d’impact sur la productivité que n’importe quel autre investissement »56.
Cependant, les disparités les plus importantes dans les pays occidentaux résident
aujourd’hui non dans l’équipement mais dans les usages. Non seulement il faut savoir se servir
du matériel (ordinateur, logiciels), mais il est aussi nécessaire désormais de savoir utiliser les
TIC pour rechercher et exploiter l’information. Or une grande partie des internautes se
contentent d’utiliser une petite partie des possibilités offertes par la Toile, comme la messagerie
ou la simple recherche. Par exemple, 74 % des cadres supérieurs font des achats sur Internet,
contre 36 % seulement des ouvriers. Les « espaces publics numériques » qui se développent
depuis quelques années en France cherchent à répondre à ces problématiques, mais la route
est encore longue57. Malgré ces disparités, internet demeure un média d’avenir, de plus en plus
diffusé, et qui ouvre de nombreuses possibilités aux collectivités.
II-2. Les rapports complexes des collectivités au numérique
Les collectivités ont souvent tendance à adopter les usages, les méthodes et les
analyses du marketing produit et corporate avec un train de retard, même si certaines d’entre
elles jouent le rôle de précurseurs. Il en va de même pour l’utilisation du web 2.0, qui permet
pourtant aux villes d’adopter une démarche plus proche de l’internaute.
II-2. a) Une image en pleine évolution
Trop souvent, les collectivités véhiculent une image négative d’elles-mêmes dans le
monde numérique : faible présence sur internet, sites institutionnels encore bien souvent sur le
modèle du web 1.0 (non interactif, simple étalage d’informations), absence des réseaux
sociaux… Si ce retard notable par rapport aux pratiques des particuliers et surtout à celles des
entreprises correspond à une certaine réalité (notamment dans le cas des petites collectivités
53
Cf. l’article « Un accès inégal aux technologies de l’information » sur le site de l’Observatoire des Inégalités
(http://www.inegalites.fr/spip.php?page=article&id_article=467#nb1).
54
Cf. le site gouvernemental de l’Atelier d’aménagement numérique des territoires : http://www.ant.developpement-
durable.gouv.fr/
55
Cf. l’article « Fracture numérique sociale » de Daniel Kaplan (Délégué général de la Fing), dans le Dictionnaire
politique d’Internet et du numérique p. 45-46
56
Cf. article « Aménagement du territoire » par Bruneau Retailleau, sénateur de la Vendée, dans le Dictionnaire
politique d’Internet et du numérique (p.3).
57
On peut consulter sur ce sujet le portail Netpublic de la Délégation aux usages de l'Internet
(http://www.netpublic.fr/).
18
19. Virginie Mahé Monographie 2010
territoriales), cette image négative relève désormais bien souvent du passé pour les
métropoles. Progressivement, les pratiques numériques des institutions et des pouvoirs publics
évoluent, grâce à certaines collectivités plus novatrices, que l’on trouve notamment parmi les
plus grandes collectivités territoriales, telles que les métropoles, les départements58 ou les
régions. Quelques explications peuvent être avancées à ce fait : les grandes collectivités ont
plus de moyens financiers et humains, ce qui leur permet de mettre en place des divisions
chargées du numérique, qu’elles soient intégrées ou non au service communication. De plus,
les nouvelles technologies ou leurs nouveaux usages se diffusent avant tout dans des zones
très urbanisées, où l’innovation technologique prend une part importante dans l’économie
locale : cela correspond plus aux réalités des grandes villes que des petites communes.
Ces améliorations des sites internet se constatent également au niveau de l’Etat,
comme a pu le mettre en évidence une étude de 200459. Ainsi, depuis les années 2000, la
plupart des sites internet ministériels français ne se contentent plus d’être de simples vitrines
promotionnelles de tel ou tel ministère, et dans l’ensemble, « la qualité technique est
indiscutable pour la très grande majorité des sites avec l’usage de technologies dynamiques
côté serveur ». Pour revenir aux villes, les différentes études qui sont menées depuis quelques
années montrent toutes un investissement de plus en plus important sur internet, que ce soit en
terme de budget, de personnel qualifié, d’outils numériques, voire de recherche et
développement d’applications innovantes. On peut faire ici le parallèle avec le management :
dans les secteurs stratégiques, et surtout pour ceux à forte valeur ajoutée humaine, la
coordination, la planification et l’animation jouent des rôles essentiels. C’est également le cas
pour les sites internet de collectivités, et les petites structures ont évidemment nettement moins
de moyens pour mettre au point des sites élaborés et surtout pour les alimenter et les animer
par la suite.
II-2. b) Des pratiques qui changent : les apports d’internet
du point de vue de la collectivité
Comme pour les entreprises, le web permet aux territoires de cibler de manière plus fine
et différenciée, de faciliter et d’élargir les contacts, ainsi que d’ouvrir de nouvelles opportunités
de fidélisation. On peut également citer d’autres avantages apportés par internet, tels que
l’accessibilité sur de plus en plus de supports (internet mobile notamment), la flexibilité et un
nouveau rôle de plus en plus important : la veille. L’intelligence territoriale est particulièrement
importante dans un environnement en perpétuelle évolution ; elle permet de se tenir informé
des expériences des autres villes, notamment en matière d’urbanisme, d’innovation sociale et
bien sûr de marketing territorial.
du point de vue des internautes
Quant aux internautes, ils bénéficient d’informations mises à jour plus facilement et donc
plus régulièrement, ainsi que d’interfaces lisibles et ergonomiques. En effet, la démarche
« user-centric », qui place l’usager au centre du fonctionnement du site et de l’agencement du
contenu, se développe de plus en plus. Elle permet une navigation par profil d’utilisateur, et, du
point de vue du webmaster, un ciblage et une analyse des données facilités. Le conseil général
de Loir et Cher a ainsi sélectionné six profils différents d’internautes dès la page d’accueil :
jeunes, familles, handicapés, collectivités, seniors et associations. C’est une possibilité
parmi d’autres, mais il faut retenir que cette approche est de plus en plus conseillée par les
webmarketers et les experts du marketing territorial.
58
Pour les départements français, on consultera avec profit l’étude d’Uséo, Etude des stratégies de communication
en ligne des collectivités : l’exemple des Conseils Généraux, 2009 (disponible sur demande auprès du cabinet).
59
David Alcaud et Amar Lakel, « Les nouveaux « visages » de l'administration sur Internet : pour une évaluation des
o
sites publics de l'état », Revue française d'administration publique 2/2004 (n 110), p. 297-313. Disponible sur
http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=RFAP_110_0297&AJOUTBIBLIO=RFAP_110_0297.
19
20. Virginie Mahé Monographie 2010
La relation territoire/habitant
Pour Philippe Ourliac, internet est avant tout un medium, dont le principal avantage est
la réaction et la réactivité en temps réel. Cela transforme en profondeur la relation entre les
habitants et la collectivité puisque les premiers peuvent de plus en plus dialoguer directement
avec la seconde. Plus que l’interactivité ou la concertation, le web permet de faire émerger et
d’entretenir une communauté de marque , à la fois pour communiquer entre les différents
acteurs mais aussi pour fédérer les habitants, potentiels ambassadeurs du territoire. Se faire
légitimer par d’autres parties prenantes, voici un enjeu de taille que cherchent à relever les
marques de villes. On peut citer ici l’exemple de Copenhague, qui, sur une démarche de type
« open source », laisse son logo « C-Open-Hagen, Open for you », ouvert à la personnalisation
de tout un chacun60 : il s’agit donc d’un imaginaire que chacun nourrit, mais avec un retour pour
la collectivité.
En résumé, on peut dire qu’investir le numérique est stratégique car il permet d’atteindre
les couches socio-économiques riches et instruites, de cibler les secteurs à haute valeur
ajoutée, de capter et diffuser l’innovation, de capitaliser les savoir-faire, de mettre en réseau les
industries et territoires et enfin d’assurer un niveau dense et fiable de communication à très
forte valeur ajoutée.
II-2. c) Internet et la démocratie participative
En tant qu’« ambassadeurs » en puissance de leur territoire, les citoyens peuvent servir
la démarche de city-branding. Ainsi, la marque ONLYLYON s'appuie sur un réseau
d'ambassadeurs très organisé : 700 en 2007, ils sont aujourd'hui plus de 4 000 chefs
d'entreprises, écrivains, journalistes, artistes... à véhiculer une image positive de la ville aux
quatre coins du globe. Pourtant, les habitants sont en général difficilement associés à la
création de la marque de ville ou plus généralement aux décisions prises sur le territoire, alors
même que le web 2.0 offre de nouveaux outils participatifs.
Mais qu’est-ce que la démocratie participative ? Résumé en quelques mots, le concept
semble idyllique. Le postulat de départ : les personnes concernées par les décisions ont leur
mot à dire dessus. La promesse : la contribution du public influencera les décisions, qui seront
plus durables car ce sont les « vrais » besoins qui sont exprimés. Si certains procédés de
démocratie participative existent depuis des dizaines d’années, telles que les réunions de
quartier, ils sont de plus en plus complétés par de nouveaux procédés qui recourent aux outils
numériques. Sur ces derniers, deux visions s’affrontent61. La première, optimiste, loue la
possibilité nouvelle pour le citoyen de réagir immédiatement, de disposer de sources
d’information multiples et de s’exprimer sans réelle possibilité de censure, voire de se regrouper
pour agir, sans nécessairement se rencontrer physiquement. Il pourrait même éventuellement
participer directement à la prise de décision grâce au vote électronique. A l’inverse, d’autres ont
une vision plus catastrophiste et pensent que l’on retrouve derrière le discours d’égalité (grâce
à la gratuité) et de fraternité (grâce aux communautés virtuelles) le même fonctionnement
d’échanges marchands que dans le monde physique. De plus, ils soulignent le fossé qui ne
manquera pas de se creuser entre ceux qui participeront au développement technologique et
ceux qui seront laissés en arrière.
La vérité se situe certainement entre ces deux positions bien tranchées. Il faut toutefois
souligner que la démocratie n’est possible que si les citoyens y sont formés et la distance
symbolique imposée par le système électoral représentatif ne saurait être entièrement effacée
si l’on veut que la démocratie soit aussi fonctionnelle. Quoi qu’il en soit, il est vrai que
désormais, le citoyen est plus informé et plus exigeant et qu’il s’exprime plus facilement sur les
60
Voir à ce sujet l’article de Vincent Gollain du 30 décembre 2009 http://www.marketing-territorial.org/article-
copenhague-cote-marketing-territorial-41972206.html.
61
Cf. article « Cyberdémocratie » dans Principales notions sur la stratégie de l’information - Dictionnaire critique de
F.-B. Huyghe, p. 14 sq.
20
21. Virginie Mahé Monographie 2010
politiques publiques qui le concernent62 : certains parlent d’un passage d’une démocratie
« majoritaire » à une démocratie « pluri-minoritaire ». Un exemple d’initiative de participation
citoyenne utilisant les outils numériques est donné par la ville de Bordeaux, qui a organisé un
concert le 3 avril 2010 à la suite duquel les jeunes pouvaient voter par flashcodes63. Ils avaient
la possibilité de choisir par SMS entre 17 actions prioritaires identifiées au préalable par le
Conseil des Jeunes de Bordeaux. L’expérience est novatrice et intéressante, mais reste à
perfectionner, notamment à cause du caractère consensuel des questions posées. Plus
globalement, la volonté de dialogue citoyen des collectivités peut se traduire par la mise en
place de formulaires de contact, de forums ou d’une démarche de transparence64.
Les outils numériques peuvent incontestablement aider les collectivités qui le
souhaitent à mettre en place une démarche plus concertée et participative. Mais des limites
doivent être soulignées : ainsi, les collectivités se contentent trop souvent de consulter les
citoyens, sans intégrer réellement leurs avis et/ou leurs besoins dans la stratégie. Le web et ses
outils ne sauraient à eux seuls résoudre la crise de confiance généralisée dans les pays
occidentaux de la part des citoyens envers les institutions et la démocratie représentative. Mais
ils constituent un premier pas important vers plus d’information, de transparence et de
participation citoyenne dans la gestion des politiques publiques. Dans le cadre d’une stratégie
de city-branding, il est nécessaire d’intégrer ce type d’approche de la relation avec l’habitant,
qui est une cible à ne pas négliger en marketing territorial, voire un relais potentiel pour la
marque de territoire. Cela contribue en effet à créer un rapport basé sur l’échange, et répond
aux attentes de l’internaute et du citoyen nouvelle génération.
II-3. Les outils internet des métropoles
II-3. a) Les sites internet des villes
Les sites internet des collectivités évoluent progressivement : d’une attitude « web 1. »
de pure présentation, correspondant à la version on line d’une plaquette de communication, ils
deviennent de plus en plus de réels outils stratégiques au service des administrations, des
citoyens-usagers, des entrepreneurs et des touristes. Ils sont particulièrement importants
aujourd’hui dans une stratégie de marketing territorial, car ils constituent bien souvent le
premier moyen promotionnel de la ville. C’est de plus un outil souple, car comme le souligne
l’américain Carl Grodach, “websites are a space in which the local government has total control
of how the municipality appears — public officials can selectively decide which buildings,
people, and places will symbolize the city”65.
Différentes typologies
Les sites internet des métropoles doivent désormais répondre à des attentes diversifiées
de la part des habitants-citoyens, mais aussi des touristes ou encore des investisseurs. Au fur
et à mesure que les études se multiplient sur le numérique et les collectivités, des typologies de
stratégies de communication on-line et de sites internet sont proposées.
62
Cf. l’article « Démocratie locale »de André Santini (député des Hauts-de-Seine et maire d’Issy-les-Moulineaux),
dans le Dictionnaire politique d’Internet et du numérique p.29.
63
Cf. « Bordeaux lance le premier flashvote pour améliorer la démocratie participative » du 4 mai 2010, disponible
sur http://www.innovcity.fr/2010/05/04/bordeaux-lance-le-premier-flashvote-pour-ameliorer-la-democratie-
participative/.
64
Cf. l’étude Uséo, Comment les collectivités s'impliquent dans le Dialogue citoyen et les réseaux sociaux ? (atelier
aux Rencontres d’Autrans, janvier 2010).
65
Grodach, “Urban branding: an analysis of city homepage imagery”, Journal of Architectural and Planning Research
n° 26(3), Chicago, avril 2009, p. 184.
21
22. Virginie Mahé Monographie 2010
o Dès 2001, l’Artesi (agence de développement des TIC au service des territoires,
associée au Conseil régional d’Ile-de-France) voyait 5 catégories de sites
internet66 : l’e-plaquette ou " site vitrine " (sites de la première génération), l'e-
guide ou la " vitrine enrichie ", l’e-journal ou site d’ « actualités » (sites de la 2ème
génération), l'e-animation ou le site "dynamique, coopératif et interactif ", et enfin,
l’e-portail ou le site " ouvert ", qu’il désignait comme « la prochaine génération qui
se dessine ».
o D’après Hervé Pargue67, trois démarches orientées vers l’utilisateur (dites « user-
centric ») peuvent être mentionnées : il s’agit alors pour les sites des collectivités
de répondre aux demandes des « internautes-usagers »68 qui recherchent des
informations pratiques dans leurs démarches avec les services administratifs.
Mais ces sites internet doivent également fournir des informations aux
« internautes-citoyens » qui se renseignent sur la vie publique de leur cité, et
d’autres encore aux « internautes-consommateurs » sur l’ensemble des biens et
services qu’offre la collectivité en matière de culture, de sports et de loisirs.
o Une autre typologie des stratégies de communication on line des collectivités est
celle proposée par le cabinet Uséo en 2009. Elle distingue les axes stratégiques
qui visent avant tout à valoriser la collectivité en tant qu’organisation, ceux
privilégiant le contact avec les citoyens et enfin ceux qui cherchent à mettre en
valeur le territoire. Dans chacun de ces axes, l’étude distingue trois niveaux, en
fonction d’une attitude plus ou moins « 2.0 », c’est-à-dire laissant plus ou moins
de place au dialogue avec l’internaute-citoyen69.
o D’après l’étude de David Alcaud et Amar Lakel70, plusieurs types de sites internet
de collectivités peuvent être repérés. Les auteurs font notamment la distinction
entre les sites à vocation de représentation institutionnelle et les « sites
portails », qui servent de voie d'accès unique vers les différents sites de
l’institution, en fonction des besoins et/ou du profil de l’internaute. Par ailleurs, ils
notent un certain retard à adopter une démarche plaçant l’usager au cœur du
service public, à travers une ergonomisation dynamique des sites ou
l’établissement de profils des usagers : de nombreux sites proposent encore une
information ordonnée sur le modèle du schéma organisationnel de
l’administration.
Cette liste de typologies est loin d’être exhaustive, et les différentes analyses qui la
composent sont autant valables les unes que les autres. Elles permettent d’aborder les sites
internet des métropoles sous différents angles : les fonctions de présentation (informations
institutionnelles et pratiques, actualités), la promotion du territoire (tourisme et investissements),
les services aux habitants et l’e-administration, et le dialogue avec le citoyen.
66
Cf. l’article sur http://www.artesi.artesi-idf.com/public/article/observatoires/2003-2eme-analyse-des-sites-de-
ville.html?id=5136
67
Hervé Pargue est consultant web, spécialisé dans les problématiques du secteur public.
68
Cf. l’article « Les 3 postures d’un internaute sur un site de collectivité locale » sur www.blog-territorial.com daté du
er
1 avril 2010 et signé de Hervé Pargue.
69
Parmi les conclusions de l’étude, on notera que la thématique du dialogue citoyen est l’axe stratégique le moins
bien traité dans les sites internet des conseils généraux.
70
« Les nouveaux « visages » de l'administration sur Internet : pour une évaluation des sites publics de l'état », 2004.
Si cette étude concerne les sites internet des ministères, elle peut néanmoins être adaptée à notre mémoire sur les
métropoles.
22
23. Virginie Mahé Monographie 2010
Un site web idéal ?
Au vu des analyses de sites web des collectivités qu’il est possible de consulter, on peut
lister une liste d’éléments essentiels à la réussite du site internet d’une métropole71. Tout
d’abord, au niveau du contenant, il importe d’avoir une charte graphique dynamique et moderne
et en cohérence avec l’esprit de la marque de ville. Quant au contenu, l’internaute doit pouvoir
trouver très rapidement l’information qu’il cherche, d’où l’importance de l’agencement des
pages d’accueil. En quelques secondes, l'internaute doit vérifier que le site sur lequel il arrive
correspond bien à sa requête sur un moteur de recherche, y trouver rapidement l'information
recherchée, et être rassuré quant au sérieux des contenus présentés. Dans cette perspective,
un moteur de recherche interne ainsi qu’un formulaire de contact (à condition que du personnel
soit prévu pour assurer les réponses !) sont de bons outils.
Les informations disponibles doivent être d’ordre institutionnel72, mais l’on doit
également pouvoir trouver les dernières actualités, des informations pratiques, ou encore les
lieux de sorties, les sites patrimoniaux, etc. L’objectif est de produire et diffuser des informations
publiques accessibles au plus grand nombre et réutilisables par des tiers. Pour que le site
corresponde aux attentes et aux besoins actuels des internautes, l’interactivité doit être une
fonctionnalité transversale du site, avec la possibilité de laisser des commentaires et de
partager des articles, ainsi que des renvois vers les réseaux sociaux. Autre point qui doit être
présent sur l’ensemble du site : la mise en ligne de contenu multimédia. La présence de vidéos
et d’images, au même titre que le contenu texte, permet de rendre le site plus attractif et offre
des possibilités plus dynamiques de diffuser un message. Dernière fonctionnalité transversale
importante : la traduction en langues étrangères. Si rendre son site accessible en anglais
semble être le minimum, plus la métropole est grande et exprime des ambitions internationales,
plus elle devra réaliser des efforts financiers pour traduire son site en d’autres langues.
Quelques tendances…
Pour mieux répondre aux différents besoins et attentes, de plus en plus de villes
déclinent désormais leur présence sur le web en plusieurs sites : l’information est ainsi répartie
thématiquement et le site « mère » de la ville centralise les différents accès. On peut alors
trouver un site institutionnel, destiné prioritairement aux habitants (cible interne), puis un ou des
sites destiné(s) à la promotion de la ville en externe, que ce soit pour le tourisme ou pour le
développement économique. On notera que cela correspond bien souvent à une réalité
administrative, qui voit confier les missions de promotion touristique et de développement
économique à des agences spécifiques73. Cette logique de portail permet de mutualiser les
moyens, tout en améliorant la lisibilité sur internet ; elle peut aussi permettre d’associer d’autres
acteurs du territoire de la collectivité autour d’un projet collectif74.
Si dans l’ensemble les sites internet des villes se sont grandement améliorés ces
dernières années, l’accès aux ressources publiques se diffuse quant à lui lentement. Promesse
d’une dynamique créative et « condition de l’émergence d’innovations sociales et
71
On peut consulter sur le sujet l’article d’Alexandra Francon, « Rive de Gier : un nouveau site Internet très "2.0" »,
disponible sur BlogTerritorial. Deux autres articles très intéressants proposent des modèles de cahiers des charges
de site internet pour les collectivités : celui de Pierre Croizet sur le site Etourisme.info (cf. bibliographie) et celui de
l’Artési.
72
Cf. le cahier des charges de l’Artési, p.6 : « Au même titre que les autres médias d’information publique locale, le
site web doit permettre de présenter la collectivité, ses missions et compétences, ses services administratifs et ses
élus ».
73
Ainsi, si l’on prend l’exemple de Paris, nous avons un premier site institutionnel, celui de la mairie, qui constitue un
portail :(http://www.paris.fr/portail/accueil/Portal.lut?page_id=1), le site de l’office de tourisme
(http://www.parisinfo.com/) et enfin le site de l’agence de développement économique de Paris
(http://www.parisdeveloppement.com/).
74
L’exemple idéal est celui du site d’Amsterdam, analysé à la fin du III.
23
24. Virginie Mahé Monographie 2010
économiques »75, l’ouverture des données publiques vise à permettre aux usagers et aux
développeurs de s’approprier et de retravailler les données mises à disposition pour créer de
nouveaux services utiles au grand public. Dans les villes pionnières, telles que Rennes en
février 201076, ou encore Londres77, cette ouverture débute souvent par le domaine des
transports, avant de s’étendre à d’autres secteurs, comme les données démographiques par
exemple.
II-3. b) Les médias sociaux
En dehors des sites internet, vitrines désormais obligatoires, les villes les plus
innovantes et les plus ouvertes au dialogue intègrent de plus en plus les réseaux sociaux et les
nouvelles applications technologiques dans leurs stratégies numériques.
Investir les médias sociaux, une nécessité à l’heure du Web 2.0
Réseaux sociaux, blogs, wikis et autres applications mobiles se développent dans les
collectivités, répondant ainsi à de nouvelles exigences de dialogue et d’interaction de la part de
l’internaute. S’investir sur les médias sociaux exige peu de compétences techniques ; en
revanche, cela demande du temps, et il ne faut pas s’attendre à rentabiliser rapidement ces
investissements : l’apport se situe plutôt en matière de contenu, de commentaires et surtout de
proximité avec la marque. Le nouveau défi pour les directions de la communication est donc
désormais de faire passer leur collectivité dans l'ère du « conversationnel »78, en s’aidant
notamment des réseaux sociaux et des opportunités du web 2.0.
Toutefois, si les collectivités semblent avoir nettement amélioré leurs sites internet, elles
accusent en revanche un retard marqué en ce qui concerne les médias sociaux. Ainsi, d’après
l’étude Uséo, « la méconnaissance et l’incompréhension des médias sociaux dans les
collectivités sont équivalentes à celles d’Internet il y a 10 ans »79. Mais loin d’être un effet de
mode, toutes les collectivités investissent et s’approprient progressivement ce champ de
l’internet, restant ainsi en phase avec les nouveaux usages sociétaux. Les pages Facebook se
multiplient80, permettant ainsi la création d’une communauté de « fans », ainsi que les comptes
Youtube ou encore Twitter, de façon moins développée toutefois car ces comptes demandent à
être alimentés régulièrement.
Les comptes Twitter des villes se multiplient notamment depuis 200981. En effet, cette
plate-forme d’échange d’informations permet aux collectivités à la fois de diffuser une
information en temps réel, plus moderne et plus conversationnelle, mais aussi d’animer un tissu
75
On peut consulter à ce sujet sur le site de la Fing l’article « Données publiques, du concept à l’action », sur
http://fing.org/?Donnees-publiques-du-concept-a-l.
76
Cf. l’interview de Xavier Crouan, directeur de l’Information et de l’innovation numérique de Rennes Métropole &
Ville, par Sabine Blanc : « Libération des données: “On ne reviendra pas en arrière” », article publié sur Owni (site de
« digital journalisme ») le 14 juin 2010 (http://owni.fr/2010/06/14/liberation-des-donnees-on-ne-reviendra-pas-en-
arriere/).
77
La ville a même un site internet spécifique dédié à la publication de ses données : http://data.london.gov.uk/.
78
USEO (cabinet conseil), Etude des stratégies de communication en ligne des collectivités : l’exemple des conseils
généraux, 2009, slide 2.
79
p. 74.
80
Exemples : Page “I love Roma” : plus de 288 000 fans (http://www.facebook.com/pages/I-ROMA-
/73752886533?ref=search#!/pages/I-ROMA-/73752886533?v=wall&ref=search) ; page officielle de la mairie de Paris
: plus de 258 000 fans (http://www.facebook.com/paris?ref=search#!/paris?v=info&ref=search) ; page officielle de la
ville d’Amsterdam : plus de 211 000 fans http://www.facebook.com/pages/Amsterdam-
Netherlands/Amsterdam/23770137243?ref=search#!/pages/Amsterdam-
Netherlands/Amsterdam/23770137243?v=info&ref=search&__a=10&ajaxpipe=1
81
En France, la ville pionnière sur Twitter est encore une fois Rennes, en décembre 2008. En juin 2010, 16 grandes
villes françaises sur 50 sont sur Twitter. On peut lire sur le sujet l’étude du cabinet Uséo « Twitter, un nouveau canal
de la relation usagers ».
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