1. Classes Préparatoires Privées
Année scolaire : 2006-2007
Ibn Al Ghazi, Rabat
THEME : LE TEMPS
Sujet : La flèche du temps
Réalisé par : HAOUARI NADIR
Encadré par le professeur : BEL KHEIRI DRISS
2. REMERCIEMENTS
A mon encadrant monsieur le professeur : Bel Kheiri Driss,
Je suis infiniment sensible à l’enseigne honneur que vous m’avez faite en acceptant d’encadrer ce
travail. Vous m’avez accueilli avec bienveillance et amabilité. Vous avez guidé à l’élaboration de ce
travail par votre rigueur. Veuillez trouvez ici, l’expression de mon immense gratitude.
J’exprime mes sincères remerciements à tous mes professeurs de sup. et spé. pour leurs efforts, leur
patience et leur disponibilité en faisant de notre formation leur priorité.
Je tiens à remercier également le staff administratif Ibn Al Ghazi qui a veillé au bon déroulement de
nos études et ce par l’écoute, les conseils et les propositions de solutions.
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3. Sommaire
I. Introduction : choix du sujet
II. Le temps
II.1. Problèmes de définition du temps
II.2. Ecoulement du temps
II.3. Topologie du temps
III. La flèche du temps
III.1. Définition de la flèche du temps
III.2. Preuves de l’existence de la flèche du temps
III.3. Importance de la flèche du temps
III.4. Exemples de flèches du temps
III.5. Flèche du temps universelle?
IV. Conclusion
Annexe 1 : Fiche T.I.P.E
Annexe 2 : Transparents de l’exposé.
V. Bibliographie
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4. I. Introduction : Choix du sujet
Le choix de ce sujet est basé sur les remarques suivantes :
♦Tous les phénomènes physiques étudiés en classe préparatoires sont des phénomènes temporelles.
♦En mécanique newtonienne, toutes les équations qui régissent les phénomènes physiques restent
invariantes par un changement de t en -t, c’est à dire que le cours du temps est arbitraire pour les
lois qui régissent ces phénomènes.
♦Beaucoup de transformations qu’on étudie ne vont que dans un sens, c’est le cas, par exemple, de la
chaleur qui se propage toujours spontanément du corps le plus chaud vers le corps le plus froid.
Mais ce qui m’a paru vraiment important c’est que dans nos cours, on rencontre beaucoup de
transformations décrites comme réversibles, c’est à dire qu’on peut définir comme étant des
transformations au cours desquelles le système reste en équilibre à chaque instant de son évolution et
ceci sachant que ce genre de transformations demande un temps infini en plus qu’on ne rencontre
presque jamais cette réversibilité dans la vie quotidienne.
C’est ce dernier point en fait qui m’a poussé à poser la question suivante : ″ N’existerait-il pas une
flèche de temps qui rendrait compte de cette irréversibilité ?″
Pour répondre à cette question, commençons d’abord par dire quelques mots sur le concept temps.
II. Le temps
II.1. Problèmes de définition du temps
Le temps est une question difficile à aborder du fait que c’est l’un des concepts les plus fondamentaux
qui soient et donc on ne peut pas le ramener à quelque chose plus fondamentale que lui.
Pour parler du temps, il faut faire attention à ne pas le confondre avec des mots comme : la succession, la
simultanéité, la durée, le changement, l’époque, le devenir, l’attente, etc.…
Il faut aussi veiller à ne pas commettre l’erreur de confondre l’objet et sa fonction ; par exemple quand on
dit que le ″ temps passe″, on veut en fait exprimer la succession entre passé, présent et futur. Mais, si on
considère que ″ le temps est ce par quoi la réalité persiste à être présente et ce en renouvelant
continuellement ce que nous appelons l’instant présent″, alors on voit que le temps ne passe pas car la
réalité est toujours présente.
II.2. Ecoulement du temps
Les jeux de langage constituent des obstacles pour notre compréhension du temps et nous poussent à
utiliser des images au lieu des mots pour penser le temps.
C’est pour cela qu’on compare le temps à un fleuve car les deux s’écoulent de la même façon comme
l’affirment certains physiciens, même si cette idée se trouve confrontée à de puissants arguments :
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5. Temps
⇔
Fleuve
Les deux s’écoulent
de la même façon.
• Le fleuve a une vitesse, le temps n’en a pas.
• Le fleuve s’écoule par rapport à ses berges fixes, mais existe t-il quelque chose qui n’est pas affectée
par l’écoulement du temps ?
• Le moteur du fleuve est la gravité, qu’en est-il du temps?
II.3. Topologie du temps
Revenons maintenant au concept du temps en physique. En 1604, Galilée fut le premier à utiliser le temps
de façon claire en physique et ce pour décrire la chute des corps :
r
r
dV
F= m
dt
avec
r
F
: Somme des forces qui s’appliquent à ce corps
m : Masse du corps
r
V : Vitesse du corps
Puis, en 1687, Newton posa les fondations de la topologie du temps dans son traité des ″Principia″.
Cette topologie que la mécanique newtonienne affecte au temps est plus pauvre que celle de l’espace, en
effet, on se trouve devant un temps unidimensionnel et continu, ce qui ne laisse que 2 choix possibles : un
temps linéaire ou cyclique.
Les physiciens ont choisi d’adopter un temps linéaire plutôt que cyclique en vertu du principe de
causalité qui stipule que la cause d’un phénomène est nécessairement antérieure au phénomène lui
même.
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6. Ce principe de causalité semble interdire un voyage dans le temps car ceci permettrait à priori de
changer le passé et donc contredit le fait que si quel que chose a eu lieu, il sera éternellement vrai
qu’elle a eu lieu, même s’il n’y a plus de trace, même s’il n’y a pas de témoins et même si elle n’a
laissé aucun effet.
On remarque donc que la description newtonienne du temps n’est en fait qu’une spatialisation de ce
dernier et que le fait qu’il est continu et unidimensionnel peut être remis en cause comme c’est le cas
pour l’espace.
En effet, les travaux effectués en 1980 par le mathématicien Alain Connes ont dévoilé l’existence de
géométries non commutatives qui permettent de considérer des structures spatiales présentant un
caractère discontinu sans que cela ne brise les symétries fondamentales sur lesquelles repose la
physique actuelle et dont l’un des axes les plus étudiés est la théorie des cordes qui stipule l’existence
de supercordes vibrant dans des espaces à 10 dimensions dont l’une est temporelle, 3 sont celles
qu’on connaît et 6 dimensions spatiales sont enroulées sur elles mêmes.
Mais ceci pose d’énormes difficultés conceptuelles :
• Comment pourrait-on concevoir une atomicité du temps ?
• Combien de temps dureraient les périodes privées de temps ?
• Comment pourrions-nous comprendre l’existence de plusieurs temps ?
• Si ces temps sont bouclés, cela ne violerait-il pas le principe de causalité en obligeant des particules
à remonter périodiquement dans leur passé ?
Autant de questions auxquelles la physique actuelle ne peut répondre et qui sont laissées au jour où
toutes les théories seront unifiées sous le drapeau de la fameuse ″théorie M″.
En revenant au temps linéaire, on remarque qu’il est représenté par une droite munie d’une flèche dans
la plupart des livres :
Or un temps linéaire n’est pas nécessairement une droite, il peut être représenté par une courbe
de la façon suivante :
III. Flèche du temps
III.1. Définition de la flèche du temps
La flèche sur la courbe précédente n’est précisément pas la flèche du temps mais elle indique
l’impossibilité de voyager dans le temps et que si on est présent à un instant t, on est obligé de suivre le
cours du temps.
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7. La différence entre cours du temps et flèche du temps réside dans le fait que la flèche du temps exprime
l’irréversibilité des phénomènes physiques c’est à dire l’interdiction pour un phénomène physique qui
était à un instant tA à l’état initial A de retrouver cet état à un instant tA’ ultérieur à tA .
III.2. Existence de la flèche du temps
Certes, l’existence de cette flèche du temps a été longtemps rejeté par Poincaré dans son célèbre
théorème : le théorème de récurrence de Poincaré qui stipule que : ″ tout système peut retrouver dans son
futur un état physique qu’il a connu dans le passé″.
Mais les travaux de Ludwig-Boltzmann ont changé les choses en expliquant l’irréversibilité apparente des
phénomènes physiques par deux considérations essentielles :
• D’abord, on est incapable de décrire complètement un phénomène macroscopique car ceci nécessite de
considérer des systèmes de plus en plus grands jusqu’à considérer l’univers tout entier dont on ne
connaît pas toutes les composantes. Ceci nous réduit donc à décrire les phénomènes d’une façon
statistique.
• Puis, notre description de l’évolution d’un phénomène est nécessairement dissymétrique puisque nous
connaissons l’état initial des choses mais pas leur état final. On introduit donc une sorte d’asymétrie
temporelle dans notre description.
On peut ajouter à ces deux points le fait que l’expérience quotidienne connaît une infinité de phénomènes
irréversibles.
En effet, un œuf qui tombe par terre et se casse ne rebondira jamais sur la table dans son même état
initial.
Un autre exemple moins trivial, peut être, mais aussi quotidien est la transmission d’énergie thermique
entre corps. Cette transmission se fait spontanément du corps le plus chaud vers le corps le plus froid et
jamais l’inverse et ceci comme le stipule l’énoncé historique de Clausius et le montre la loi de Fourier :
uuuuu
r
r
jth = −λ.gradT
r
jth : flux thermique
λ: constante positive
T : température absolue
Le deuxième principe de la thermodynamique, dont l’objet est l’évolution de l’entropie au cours des
échanges de chaleur, postule que l’entropie d’un système (c’est à dire la fonction d’état qui permet de
rendre compte du désordre dans le système) isolé ne peut qu’augmenter et donne lieu donc à une loi
physique non symétrique par rapport au temps.
III.3. Importance de la flèche du temps
L’importance de cette flèche réside surtout dans les liens qu’elle entretient avec le temps et qu’on peut
résumer de la façon suivante :
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8. • D’abord, il y a la contrainte du principe de causalité qui impose au temps de suivre un cours bien précis
même si ce principe ne parle que de cause et d’effet et donc de phénomènes temporels.
• Puis, le fait que le temps est mesuré par des phénomènes cycliques comme la rotation de la terre autour
du soleil et la rotation des aiguilles d’une montre.
• Ensuite, comme il a été signalé tout à fait au début, le temps n’est pas défini et on ne peut le rapprocher
de nos sens qu’en étudiant tout ce qui est en relation avec lui et en particulier la notion de la flèche du
temps.
• Enfin, il y a la célèbre phrase d’Einstein qui dit : ″ le temps c’est ce qui reste quand on retire aux
phénomènes temporels toutes les propriétés qui leur sont propres″.
III.4. Exemple de flèche du temps
Les exemples de flèches du temps sont nombreux, on peut citer par exemple :
a) La flèche thermodynamique qui a été introduite par le célèbre physicien Ilya Prigogine sous forme
*
d’un ″temps entropique″ t censé rendre compte de l’évolution irréversible d’un système et ce de la
manière suivante :
*
ò dt =
1
1
ds = ò p(t ) dt (I)
aò
a
avec:
ds = p (t )dt = dSe + dS p
a = cte ¹ 0
dS : variation d'entropie d'un système
p (t ) : production d'entropie par unité du temps
dSe : entropie échangée avec le milieu extérieur
dS p : entropie produite au sein du système
L’équation ( I ) Signifie que :
• t* se dilate d’autant plus que la production d’entropie par unité de temps augmente.
• Contrairement au temps physique, le temps entropique s’arrête si l’entropie du système devient
constante, c’est à dire lorsque le système est dans un état de désordre maximal.
Il n’est donc pas exagéré de dire que le temps entropique est le temps physique habillé par les
changements qui se produisent pendant des durées précises.
Ces deux points nous permettent de conclure que le temps entropique ne s’écoule que dans la mesure où
il produit de la nouveauté, en d’autres termes, l’irréversibilité des processus temporels qui n’est rien
d’autre que la flèche du temps joue le rôle de moteur pour le temps entropique. Ceci montre, une fois
encore, l’importance de la relation entre le temps et sa flèche.
b) la flèche du temps radiative basée sur le fait que toute source radiative est vouée à s’éteindre.
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9. III.5. Flèche universelle du temps
Une dizaine d’autres flèches, proposées par les physiciens, s’ajoutent à celles mentionnées
précédemment, ce qui nous amène à la question suivante : n’existerait-il pas une flèche du temps
universelle maîtresse de toutes les autres ?
Actuellement, les chercheurs se penchent sur une flèche intitulée flèche cosmologique qui promet d’être
la réponse à la problématique posée.
La flèche cosmologique est liée au phénomène d’expansion de l’univers qui rend impossible tout retour
d’un système à son état initial à cause de l’évolution de l’univers lui même.
Donc, pour comprendre le rôle de cette flèche, il faut d’abord comprendre la nature de l’expansion de
l’univers, en cherchant un peu du côté de l’origine du temps lui même.
Le phénomène de l’expansion de l’univers a été démontré en remarquant ce que l’on appelle un ″
décalage vers le rouge″, c’est à dire que la fréquence apparente de galaxies mesurée est inférieure à la
fréquence réelle ce qui ne peut être justifié qu’en attribuant à ces galaxies une vitesse d’entraînement.
Avant le temps de Planck, c’est à dire à un instant antérieur à 10-43s de l’âge de l’univers, la théorie du
Big-bang stipule que les conditions de densité étaient si élevées que des effets quantiques devaient se
combiner à la gravitation alors que ces deux théories correspondaient à deux théories incompatibles.
D’ailleurs, il y a deux autres raisons qui poussent les chercheurs à combiner les deux théories :
• D’abord, pour une particule se déplaçant à une vitesse proche de la vitesse de la lumière, on se trouve
devant un problème qu’on peut énoncer de la façon suivante : ″ la particule est très rapide donc sa
cinématique est redevable à la relativité restreinte, mais elle, est aussi petite, donc sa dynamique
est redevable à la mécanique quantique″. D’où la nécessité de formuler une théorie gravitoquantique.
• Puis, les chercheurs se demandent comment le monde pourrait-il répondre à la fois aux attentes des
théories gravitationnelles et quantiques et ce en tenant compte de leurs différences fondamentales.
En 1996, un groupe de chercheurs a proposé une théorie unifiant gravité et effets quantiques sous le nom
de la gravité quantique et qui repose sur le raisonnement suivant :
D’après la relativité générale, la gravité est décrite par la géométrie de l’espace-temps, d’où le caractère
dynamique de ce dernier. Mais, selon la physique quantique, tout ce qui est dynamique est d’une certaine
manière indéterminé.
Une conséquence immédiate de cela, est l’abandon des notions d’espace-temps, d’écoulement du temps
et de géométrie au profit d’un superespace S et d’une géométrie quantique.
Le tableau suivant permet d’expliquer un peu plus cette notion de gravité quantique par comparaison à la
mécanique quantique.
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10. Mécanique quantique
Gravité quantique
La mécanique quantique est née de la
La gravité quantique est née de la quantification
quantification de la mécanique classique.
de la relativité générale
En mécanique quantique, la particule n’existe pas. En gravité quantique, l’espace-temps n’existe pas
Quand on fait des mesures, tout se passe à la fin
On doit avoir l’impression que l’espace-temps
comme s’il y avait des particules.
Existe.
L’état d’un système, dit état quantique, est décrit
L’état d’un système, dit état quantique, est décrit
par la fonction d’onde de Schrödinger dans le
par la fonction d’onde de Wheeler non pas dans
cadre spatio-temporel.
le cadre spatio-temporel mais dans le cadre d’un
superespace S.
La sensation d’écoulement du temps est due à la
La sensation d’écoulement du temps est due à la
Superposition d’instants infiniment proches.
Superposition de plusieurs espaces-temps..
En mécanique quantique, on utilise des
En gravité quantique, on définit une géométrie
Géométries non commutatives.
Quantique basée sur : le calcul de Regge, la
gravité en boucles, les réseaux de spins, la
topologie algébrique, les espaces fibrés, etc.…
L’expérimentateur peut réaliser des expériences et Ici par contre, l’observateur est nécessairement à
repérer les évènements par le temps qu’indique sa l'intérieur du système et ce par définition même
montre tout en restant, lui et le temps avec lequel de l’univers.
il effectue ses mesures, extérieurs au système.
Toutes les mesures doivent être effectuées par
Toutes les mesures sont effectuées par rapport à
rapport au temps.
une variable qui se voit dotée de la plupart des
propriétés qu’on attribue au temps. Cette variable
est en fait un temps opérationnel certes,
différent du temps vrai, mais apparemment liée
à l’univers
On peut dire que ce qui change vraiment avec cette théorie c’est toute notre perception du temps et ce à
travers la sensation d’écoulement du temps qui résulte ici d’une succession d’espace-temps dans un
superespace S, au lieu d’une succession d’instants infiniment proches dans un cadre spatio-temporel.
IV. Conclusion
Pour résumer la situation, nous dirons que malgré les difficultés à définir le temps, la cosmologie
(classique) associée à la physique quantique permet de définir un temps opérationnel par rapport auquel
on repère l’évolution de l’univers. Ce temps qui répond à la presque totalité des attentes des physiciens ne
10
11. rend compte que de quelques unes des propriétés fondamentales qu’on associe psychologiquement au
temps. Par exemple, le temps opérationnel ne permet pas d’associer le passé immédiat, l’instant présent et
le futur imminent pour créer ce que nous appelons la mélodie. Il n’a pas de rythme comme c’est le cas du
temps psychologique qui en a un et qui varie avec l’intensité de la signification pour nous des événements
qui se produisent.
N’est ce pas qu’à force de schématisation, on a fini par omettre quelques unes des propriétés
fondamentales du temps?
C’est là une question qui sera discutée une autre fois.
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