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GROUPE-ISM
Agrément/Habilitation n°001373MESRI/DGES/DESP
Domaine : Sciences de l’information et de la communication
Mention : Communication
MEMOIRE
Présenté par THIAM Coumba
Sous la supervision de : Pr Sidy Alpha NDIAYE
Encadreur : M. Mame Sala D. DIENG,
Consultant Formateur en communication
Pour l’obtention du diplôme de
Master In Business Administration
Option : Communication, leadership et relations publiques
SUJET :
Soutenu à Dakar le 28/12/2022 devant le jury composé de :
Président : Pr Abdourahman THIAM Structure de Rattachement
UCAD
Examinateur 1: M. Jean Lucien DIATTA Structure de Rattachement
ISM
Examinateur 2: M. Mouhamadou Barra LO Structure de Rattachement
ISM
Année 2021-2022
PROMOTION DE LA PARTICIPATION DES FEMMES AUX DÉBATS
PUBLICS EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : LE CAS DU PROJET
AFRI’KIBAARU
ii
AVERTISSEMENT
Le contenu de ce mémoire n’engage que l’auteure, il ne reflète ni l’opinion ni la position de
France média monde.
Résumé :
Mon implication dans un projet qui a pour vocation de renforcer les débats publics au Sahel
autour des thématiques liées aux ODD, donc autour de sujets de développement, m’a fait revoir
mes orientations. Étant une actrice directe dans ce projet (Responsable reporting), j’ai pu
réaliser à quel point les femmes ont toujours du mal à participer activement aux débats publics.
Malgré les avancées notables au Sahel, sur plusieurs plans, particulièrement l’éducation et les
technologies de l’information et de la communication, les femmes restent reléguées au second
plan. Quand elles se taisent, elles sont oubliées sur la sphère publique et quand elles parlent la
plupart est taxée de féministe. Comment donc garder le juste équilibre et favoriser leur
participation aux débats publics en sachant que les femmes constituent plus de la moitié de la
population mondiale ?
Notre présente étude qui porte sur la promotion de la participation des femmes aux débats
publics au Sahel s’est donc donné comme objectif, dans un premier temps, d’analyser la
contribution du projet Afri’Kibaaru dans la promotion de la participation des femmes dans les
débats publics. D’analyser la stratégie genre mise en œuvre par le projet, mais aussi essayer de
déterminer les obstacles liés à la participation des femmes aux débats publics. Nous avons
également analysé, l’impact que pourrait avoir une meilleure représentativité des femmes dans
les débats publics notamment dans la lutte contre les inégalités liées au genre encore d’actualité.
Il est ressorti de ce travail que les pesanteurs socioculturelles restent encore lourdes dans les
sociétés sahéliennes en général. Les croyances sociales qui menottent les femmes ont généré
d’autres obstacles qui renforcent davantage le mutisme des femmes et le système patriarcal.
Cette étude a pu montrer que malgré les efforts mis en place par le projet Afri’Kibaaru, pour
favoriser la prise de parole autant des hommes que des femmes, il reste rattrapé par les réalités
sociales qui favorisent la prise de parole des hommes et tentent d’inhiber celle des femmes.
Pour que les médias parviennent à un certain équilibre, il est primordial que les sociétés
évoluent et deviennent plus égalitaires, moins entachées de stéréotypes et de clichés sur les
femmes.
Mots clés : Débat public, média, leadership féminin, égalité sexes, développement durable.
ii
Abstract
My involvement in a project that aims to strengthen public debates in the Sahel around themes
related to the SDGs and therefore around development topics made me review my orientations.
Being a direct actor in this project (Reporting manager) I was able to realize how difficult it is
for women to participate in an active way on publics debates. Despite notable progress in the
Sahel, on several levels, particularly on education and information and communication
technologies, women remain relegated to the background. When they are silent, they are
forgotten in the public space and when they speak, most are accused of being feminists. So how
can we keep the right balance and promote their participation in public debates knowing that
women make up more than half of the world's population?
Our present study, which focuses on the promotion of women's participation in public debates
in the Sahel, set itself the first objective to analyze the contribution of the Afri'Kibaaru's project
in the promotion of women's participation in public debates. Analyze the gender strategy
implemented by the project and try to highlight the obstacles linked to the participation of
women in public debates. We also analyzed the impact that better representation of women in
public debates could have, particularly in the fight against gender inequalities that are still
relevant.
It emerged from this work that socio-cultural constraints are still heavy in Sahelian societies.
Social beliefs that handcuff women have generated other barriers that further reinforce women's
silence and the patriarchal system. This study was able to show that despite the efforts put in
place by Afri'Kibaaru's project to encourage both men and women to speak out, it remains
caught up in the social realities that encourage men to speak out and attempt to inhibit women's
voice.
If media want to achieve balance between men and women, it is essential that societies evolve
and become more egalitarian, less tainted by stereotypes and clichés about women
i
DEDICACE
Ce mémoire est entièrement dédié à ma sœur, mon autre, Mariam Thiam.
ii
REMERCIEMENTS
Je tiens en premier lieu, à remercier mon fils, Boubacar Mody Dia, pour sa patience et sa
compréhension malgré son si jeune âge.
Mes remerciements vont également :
A M. Mame Sala Dieng, mon encadrant, qui a su m’orienter au cours de l’élaboration de ce
travail et me motiver à persévérer.
A ma sœur, ma petite maman, Aicha Thiam, qui a toujours été un exemple pour moi et une
épaule sur laquelle compter.
A mes frères et mes sœurs pour leur soutien infaillible dans tous mes projets.
A l’équipe projet de Afri’Kibaaru, Anne-Marie Capomaccio et Francesca Valli pour leurs
encouragements et soutien.
A Hamadou T. Sy, Directeur de l’EJICOM, pour sa disponibilité et son soutien.
Aux membres des rédactions Rfi mandenkan/fulfulde/haoussa pour leur disponibilité.
Merci également à cette promotion exceptionnelle qu’est la CLRP 2021-2022.
Enfin, je remercie tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à la réalisation de ce travail.
iii
SIGLES ET ABREVIATIONS
AFD Agence Française de Développement
CCC Communication pour le changement de comportement
CEDEAO Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest
CFI Canal France International (Agence française de développement médias)
CODESRIA Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique
FMM France médias monde
IDH Indicateurs de Développement Humain
IEC Information, Éducation, Communication
IPAO Institut Panos Afrique de l’Ouest
OCDE Organisation de coopération et de développement économiques
ODD Objectifs de développement durable
OMD Objectifs du millénaire pour le développement
ONU Organisation des Nations Unies
OSC Organisations de la société civile
OXFAM Oxford Committee for Famine Relief
PAG Plan d’action genre
PESTEL Politique/Économique/Sociologique/Technologique/Environnemental/Légal
PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement
PNUE Programme des Nations Unies pour l’Environnement
RFI Radio France Internationale
SWOT Strengths/Weaknesses/Opportunities/Threats
UNFPA Fonds des Nations Unies pour la population
iv
SOMMAIRE
INTRODUCTION...................................................................................................................... 1
PARTIE I : CADRE THEORIQUE......................................................................................... 15
CHAPITRE I : ÉTUDE CONCEPTUELLE ........................................................................ 17
CHAPITRE II : LA REVUE DE LA LITTERATURE ....................................................... 27
CHAPITRE III : CADRE ORGANISATIONNEL.............................................................. 31
PARTIE II : CADRE ANALYTIQUE..................................................................................... 46
CHAPITRE I : METHODES ET TECHNIQUES D’INVESTIGATION ........................... 48
CHAPITRE II : DONNEES ET SOURCES-ECHANTILLONNAGE................................ 51
CHAPITRE III : DIAGNOSTIC, ANALYSE ET INTERPRETATION DES RESULTATS
.............................................................................................................................................. 55
CHAPITRE IV : RECOMMANDATIONS ......................................................................... 86
CONCLUSION ........................................................................................................................ 90
1
INTRODUCTION
2
La question de l’autonomisation des femmes est un grand défi à relever en Afrique
subsaharienne. Les femmes constituent plus de 50 % de la population, donc une frange
importante de la société, dont la contribution pourrait faire pencher la balance du
développement de manière positive. La place de la femme a certes beaucoup évolué et des
efforts considérables sont consentis par les organismes internationaux, militants des droits de
l’homme et aussi des États, toutefois il reste encore beaucoup à faire pour rétablir l’équilibre.
Dans la plupart des pays du Sahel, les sociétés sont régies par un système patriarcal qui relègue
les femmes au second plan et leurs rôles sont limités le plus dans le cercle familial. Aborder la
question de la participation des femmes dans l’espace public revient à soulever les questions
liées aux inégalités dont elles sont victimes et qui persistent encore dans nos sociétés. L’accès
à l’éducation, les mariages et grossesses précoces, ainsi que les autres inégalités socio-
économiques dont sont victimes les femmes se reflètent dans la plupart du temps sur la scène
médiatique. En plus d’une faible représentativité dans les débats publics, les femmes sont
également victimes de leur genre à travers des contenus médiatiques teintés de clichés et de
stéréotypes. Les médias accordent plus d’avantages aux hommes, qui sont mis en avant dans
les débats publics en tant que politiques, experts ou acteurs de développement.
Le développement des technologies de l’information et de la communication ainsi que de
l’entrepreneuriat ont participé à repositionner la femme comme actrice de développement
notamment dans les pays du Sahel. Cette évolution a contribué à atténuer cette image de la
femme, mère et femme au foyer tant médiatisée, il y a des années de cela. L’image des femmes
dans les contenus médiatiques s’est considérablement améliorée au fil du temps et les médias
s’intéressent aux femmes politiques, militantes, entrepreneures, aux associations et
coopératives féminines. Si les médias contribuent à valoriser la promotion des femmes, il n’en
demeure pas moins un outil qui perpétue les croyances sociales en plaçant la femme au cœur
des thématiques concernant la santé, la beauté ou le people1
.
Les femmes sont visibles dans les médias, mais cette représentativité n’est pas significative par
rapport au nombre de femmes vivant au Sahel et par rapport à leur contribution dans la société,
que ce soit sur le plan économique que politique. « Des recherches menées dans plus de 100
pays ont montré que 46 % des actualités, tant dans la presse écrite qu’à la radio et à la télévision,
comprennent des stéréotypes sexistes. Seuls 6 % des articles mettent en avant l’égalité des
sexes. Dans l’ombre, les hommes occupent encore 73 % des postes de cadres supérieurs dans
les médias, d’après une autre étude internationale qui s’est penchée sur 522 organismes
1
La rubrique qui concerne les célébrités dans les médias
3
d’information médiatique »2
. Alors que les femmes représentent la moitié de la population
mondiale, moins d’un tiers des personnages qui ont la parole dans les films sont de sexe féminin.
De nombreux engagements internationaux concernant les femmes ont pourtant été adoptés
notamment la Déclaration de Beijing de 1995 ainsi que les résolutions pertinentes du Conseil
de Sécurité des Nations Unies dont la résolution 1325 (2000) sur les « femmes, la paix et la
sécurité ». Au niveau africain, on retiendra particulièrement les engagements pris par les
organisations régionales en particulier l’Union Africaine et la CEDEAO pour une participation
accrue des femmes à la gouvernance et au sein des processus électoraux. Dans le prolongement
de ces engagements, certains États ont également adopté et mettent en œuvre des plans
nationaux concernant la promotion des femmes3
. Des stratégies nationales qui s’alignent sur les
ODD et qui ont pour principal objet de promouvoir et d’arriver à l’égalité entre les femmes et
les hommes, et cela dans les différents secteurs. Ces États signataires de la Déclaration de
Beijing, dont font partie les pays concernés4
par le projet Afri’Kibaaru, ont convenu que le
nombre de femmes présentes dans les médias devait augmenter, notamment à des postes
décisionnels. Plus d’efforts devraient également être consentis pour présenter les femmes
comme des leaders et des modèles à suivre et pour abandonner les stéréotypes.
Le pluralisme des opinions est un fondement essentiel de la démocratie. Les grands enjeux de
la société se débattent à partir de points de vue différents venant d’hommes et de femmes qui
la constituent. Campbell (1996) avait émis la remarque suivante : « Les vérités ne marchent pas
sur leurs propres jambes. Elles sont portées par des gens qui les transmettent à d’autres. Elles
doivent être présentées, défendues et répandues par le langage, les arguments et les appels ».
Ainsi les femmes, étant les principales concernées par les inégalités de traitement liées au genre,
sont plus aptes et mieux placées pour défendre leur cause.
D’énormes défis restent encore à relever pour que les femmes puissent pleinement participer
aux débats publics et être mieux représentées dans les médias. Leur contribution pourrait avoir
un impact considérable dans l’atteinte des Objectifs de développement durable définis par
l’ONU, en particulier les objectifs 5 et 16 : égalité entre les sexes et paix, justice et institutions
efficaces. Une meilleure représentation des femmes dans les médias, une prise en compte accrue
des enjeux liés au genre, à la fois dans les politiques éditoriales, dans les standards et modes de
fonctionnement des médias, participeront fortement à réduire les inégalités et à la construction
2
UNWOMEN, https://beijing20.unwomen.org/fr/in-focus/media, consulté le 11 avril 2022.
3
Politique Nationale Genre (PNG) : Burkina Faso (2009), Cameroun (2014), Mali (2011), Mauritanie (2015),
Niger (2008), Nigéria (2008) Sénégal (2015), Tchad (2011).
4
Mauritanie, Sénégal, Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad, Cameroun et Nigeria
4
d’une société plus égalitaire. C’est dans cette perspective qu’a été lancé le projet Afri’Kibaaru,
porté par le groupe France Médias Monde et financé par l’Agence Française de développement
(AFD). Le projet regroupe les radios Rfi fulfulde, Rfi mandenkan et Rfi haoussa. Son objectif
est de mettre à la disposition des populations du grand Sahel des contenus médiatiques fiables,
accessibles et attractifs pour appréhender le développement durable et leur permettre ainsi de
devenir acteurs de leur mise en œuvre.
Cette partie introductive de notre travail s’articulera sur plusieurs points, dont le premier sera
un survol du contexte général de la participation des femmes aux débats publics en Afrique
subsaharienne. Ensuite, de manière plus spécifique, nous aborderons la problématique, les
hypothèses de notre recherche, puis nous présenterons le cadre et le champ d’étude, et enfin,
nous tacherons d’expliquer en quoi ce travail est pertinent et les résultats attendus.
5
I. Contexte général de la participation des femmes aux débats publics en
Afrique subsaharienne
Les pays en voie de développement sont confrontés à plusieurs difficultés d’ordre économique,
social ou encore environnemental. Les pays de l’Afrique subsaharienne n’échappent pas à cette
réalité. Instabilité politique, pauvreté et famine minent la région sans oublier les crises
humanitaires et sécuritaires qui sont devenues récurrentes. Les pays du Sahel, font partie des
pays les plus pauvres au monde. Pourtant, c’est une région riche en ressources minières et
potentiel humain. Selon OXFAM, 20 % de la population sahélienne, soit 24 millions de
personnes, ont besoin d’une assistance humanitaire d’urgence en termes d’abris, d’accès à l’eau,
à la nourriture et à des moyens d’existence, aux soins de santé, à l’éducation et à une protection
effective et non-discriminée. C’est dans ce contexte de vulnérabilité qu’évoluent les femmes et
les inégalités dont elles sont victimes n’en sont qu’exacerbées. Il faut également souligner que
les effets combinés de la Covid-19 et des crises internationales récentes n’ont pas été favorables
à la condition de la femme particulièrement dans le domaine de l’éducation des jeunes filles et
les violences basées sur le genre.
Le score moyen de l’Indice de genre en Afrique pour 2019 est de 48,6 %, pour ce qui est de
l’Afrique « Au niveau régional, les différences sont notables. C’est dans la région du Sahel que
la situation reste préoccupante »5
. Le rapport sur l’indice de genre en Afrique fait le point sur
les progrès accomplis en Afrique en matière d’égalité des chances des femmes et des hommes,
d’accès aux services et de participation à la vie civile et politique. Il met l’accent sur cinq
domaines : femmes éducation et santé, jeunes femmes et emplois, développement agricole,
changement climatique et énergie et leadership. Les inégalités en matière d’éducation de base
sont faibles cependant peu de filles étudient certaines matières clés notamment les sciences, la
technologie, l’ingénierie et les mathématiques.
De manière générale les différences entre le nombre d’hommes et de femmes occupant des
postes de direction et de représentation sont très marquées en Afrique. L’Indice de genre
concernant la dimension « autonomisation et représentation » qui est de 21,3 % montre un
énorme écart entre les genres (rapport sur l’indice de genre en Afrique, 2019).
La différence d’accès à l’éducation conduit également à une moindre présence des femmes dans
les instances décisionnelles et les domaines spécifiques comme la science. Cette inégalité des
chances perpétrée depuis le bas âge à un impact considérable sur la visibilité des femmes dans
5
Rapport sur l’indice de genre en Afrique, 2019. Groupe de la Banque Africaine de Développement et la
Commission économique pour l’Afrique des Nations Unis, publication mars 2020
6
l’espace public et le développement du leadership féminin. Il s’y ajoute le poids de la société
encore ancrée dans une culture où la place de la femme est au foyer et non dans la sphère
publique ou les instances de prise de décision. Toutefois, avec l’essor des technologies de
l’information et de la communication le paysage médiatique en Afrique de l’Ouest a connu une
réelle révolution offrant ainsi plus d’espace aux femmes.
De l’ère des indépendances aux années 1980, la sphère médiatique était dominée par le
monopole avec les télévisions nationales. La libéralisation des ondes à partir des années 1990
a favorisé l’essor des médias, particulièrement les radios privées et communautaires. C’est au
cours des années 2000 avec l’avènement des nouvelles technologies de l’information et de la
communication que l’on assiste à une démocratisation sans précédent du secteur médiatique.
Les premières chaînes de télévision privées commencent à voir le jour proposant des
programmes beaucoup plus diversifiés. Elles gagnent en notoriété grâce aux programmes et à
l’actualité proposés qui reflètent davantage le quotidien et les préoccupations des populations
locales. La presse en ligne, qui n’était accessible qu’à un certain de nombre de privilégiés,
connaît un succès fulgurant notamment avec la multiplication des opérateurs de
télécommunication et les smartphones.
Dans les zones les plus rurales des pays du Sahel, où l’accès à Internet et à l’électricité est
encore limité, la radio reste le principal média par lequel les populations s’informent. Il s’agit
également du média le plus approprié pour toucher les populations nomades et les personnes en
situation de déplacement forcé, faits récurrents en Afrique subsaharienne. C’est dans cette
optique que le groupe FMM a mis en œuvre le projet Afri’Kibaaru qui participe à la
vulgarisation auprès des populations du Sahel, des thématiques liées aux ODD qui répondent
aux défis mondiaux concernant entre autres, la pauvreté, l’éducation, les inégalités, le climat,
la paix et la justice. Parmi toutes ces thématiques, la question de la réduction des inégalités
entre homme et femme apparaît comme un volet essentiel pour le projet. Des inégalités qui,
malheureusement, se reflètent également dans les médias.
7
II. La problématique
La question de la participation des femmes aux débats publics en Afrique subsaharienne
constitue une préoccupation centrale dans le cadre de la lutte contre les inégalités subies par les
femmes. Avec une population féminine de plus de 50 %6
en Afrique de l’Ouest, les femmes
sont pourtant quasiment invisibles sur la sphère médiatique et particulièrement quand il s’agit
de thématiques liées à la politique, l’économie, la science, la recherche voire même des sujets
qui les concernent directement. Le peu de femmes mises en avant intervient le plus souvent sur
les thématiques teintées de stéréotypes de genre comme la santé, la beauté ou la mode. Dans la
scène médiatique, les femmes sont souvent représentées en tant que victimes et très peu
interviennent en tant qu’experte ou actrice de développement. Et pourtant, les femmes font
partie intégrante de la société et participent activement dans tous les secteurs d’activités
notamment l’économie et la politique. S’agissant de l’agriculture par exemple, qui représente
le premier secteur de l’économie, les femmes alors qu’elles produisent 70 à 80 % des denrées
alimentaires ne représentent qu’un dixième des propriétaires fonciers. Elles ont entre 30 et 50
% moins d’accès aux intrants et à la traction animale que les hommes. Des données encore plus
frappantes montrent que les femmes ne représentent que 8 % des propriétaires fonciers et
accèdent à seulement 10 % du crédit disponible en Afrique de l'Ouest7
.
En Afrique subsaharienne, les inégalités liées au genre perdurent dans la mesure où les sociétés
sont fortement dominées par le patriarcat. Le poids de la tradition agit sur la perception et la
place accordée aux femmes et se reflète de facto dans les médias. Cette discrimination,
transposée dans les médias, ne contribue pas favorablement à l’amélioration de l’image de la
femme en tant qu’actrices essentielles au développement socioéconomique. Ainsi les médias
qui constituent un acteur clé de la démocratie agissent comme un instrument de renforcement
des stéréotypes et de la discrimination à l’égard des femmes. Le drame est que souvent les
femmes, elles-mêmes, contribuent à perpétuer ces perceptions et croyances dans leurs
témoignages dans les médias.
Dans sa politique genre, le projet Afri’Kibaaru envisage, à défaut d’arriver à 50 % de
participation féminine à l’antenne, de réduire considérablement les inégalités entre les hommes
et les femmes à l’antenne. Le premier bilan de Afri’Kibaaru qui affiche un taux global de
6
Données de la Banque mondiale,
https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SP.POP.TOTL.FE.ZS?locations=ZG, consulté le 6 septembre
2022
7
Vers l’autonomisation des femmes en milieu rural en Afrique, Les dossiers WillAgri 2019
8
représentativité féminine peu satisfaisant pour les rédactions mandenkan et fulfulde, montre
que le projet est encore loin de ses objectifs. En effet les rédactions fulfulde et mandenkan sont
confrontées à d’énormes difficultés pour avoir des femmes comme invitées à l’antenne. Les
rédactions disposent pourtant chacune d’une Recherchiste et référente genre chargée de faciliter
la recherche de sources particulièrement celles féminines. Cependant le résultat reste faible.
Lors de notre entretien exploratoire avec la recherchiste de la rédaction mandenkan, Bintou
Cissé, il en est ressorti le constat suivant : « Il est difficile de trouver certains profils dans des
domaines souvent considérés comme masculin dans nos sociétés. Et des fois, on trouve des
femmes expertes, capables de passer à l’antenne mais qui désistent à la dernière minute.
Certaines nous proposent leurs supérieurs, qui se trouve être des hommes. »
La sous-représentation des femmes à l’antenne montre que les femmes ont une moindre
participation dans les débats publics en Afrique subsaharienne. Malgré les efforts déployés par
les rédactions, un nombre encore insuffisant de femmes intervient dans les émissions diffusées.
Un fait qui n’est pas propre qu’aux deux rédactions, mais qui concerne pratiquement tout le
milieu médiatique africain. Une publication de Birame Faye, journaliste et coordonnateur
régional médias à l’Institut Panos Afrique de l’Ouest, en fait état : « En Afrique, dans 30 pays,
3 687 contenus médiatiques provenant de médias traditionnels et de nouveaux médias ont été
analysés en 2020. Cette étude a montré que la présence des femmes comme sources et sujets
traités n’a pas dépassé 22 %, contre 19 % en 2010. » Cette même publication affirme qu’à
l’issue d’études menées par l’Institut Panos Afrique de l’Ouest (IPAO) « en 2020, au Mali, au
Niger et au Sénégal, seules 9 % des personnes interrogées par les médias sont des femmes, et
cela en dépit de l’existence d’une expertise féminine ».
Ces constats montrent que les femmes occupent une place dérisoire dans la sphère médiatique
en termes de source fiable. Elles sont particulièrement mises en arrière-plan lorsqu’il s’agit de
débattre sur des sujets de développement, d’économie ou de politique. Et celles qui sont
généralement mise en avant dans les médias, consciemment ou inconsciemment, ne font que
contribuer à fortifier les idées reçues et les stéréotypes sur les femmes. Ce qui nous amène à
analyser la contribution du projet Afri’Kibaaru pour une meilleure représentativité des femmes
dans les débats publics. Il s’agit de voir si la réponse proposée par Afri’Kibaaru a un impact
significatif sur la visibilité et la valorisation des femmes dans la sphère publique. Autant de
questionnements qui nous permettra de réfléchir sur le thème : « Promotion de la participation
des femmes aux débats publics en Afrique subsaharienne : le cas du projet Afri’Kibaaru ».
9
Pour ce faire, dans le cadre de cette recherche, nous nous fixons comme point d’ancrage la
question centrale suivante : Quelle est la contribution du projet Afri’Kibaaru dans la promotion
de la participation des femmes aux débats publics ?
De cette question centrale, découlent les questions spécifiques suivantes auxquelles notre étude
tentera d’apporter des réponses :
 Est-ce que la stratégie genre mise en œuvre par Afri’Kibaaru est efficace ?
 Qu’est ce qui explique le fait que les femmes soient peu représentées dans les débats
publics au Sahel ?
 Dans quelle mesure la sous-représentation des femmes dans les débats publics peut
avoir un impact sur la lutte contre les inégalités liées au genre ?
III. Les Hypothèses de recherche
A l’issue de notre question centrale de recherche et des questions subsidiaires qui en
découlent, nous émettons les hypothèses suivantes :
1. Hypothèse générale
Le projet Afri’Kibaaru contribue positivement à la promotion de la participation des femmes
aux débats publics.
2. Hypothèses secondaires
 La stratégie genre mise en œuvre par le projet Afri’Kibaaru est efficace
 A l’image de la société, les femmes sont victimes d’inégalité de traitement par les
médias.
 Un accès limité à la formation, l’éducation et aux ressources économiques constitue un
obstacle à la promotion des femmes dans l’espace public
10
IV. Présentation du cadre et du champ d’étude
1. Le cadre de l’étude
Le cadre de notre étude concerne la zone du Sahel où s’étend le projet Afri’Kibaaru sur lequel
porte ce travail. Les huit pays suivants sont concernés : Burkina Faso, Cameroun, Mali,
Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal et Tchad. En 2021 la population de cette tranche du Sahel
est estimée par la Banque mondiale à 348 529 773 habitants soit 22 100 683 pour le Burkina
Faso, 27 198 628 pour le Cameroun, 21 904 983 pour le Mali, 4 614 974 pour la Mauritanie,
25 252 722 pour le Niger, 213 401 323 pour le Nigeria, 16 876 720 pour le Sénégal et 17
179 740 pour le Tchad8
.
Le Sahel est une région riche en potentiel humain et de développement, mais elle fait
malheureusement face à une crise multidimensionnelle. Les inégalités profondes qui séparent
certaines strates des populations nourrissent de nombreuses crises et conflits dans la région :
politique, de déplacements forcés, humanitaire, économique, environnementale, climatique,
alimentaire et sécuritaire. Avec 64,5 % de sa population ayant moins de 25 ans, le Sahel est
l’une des régions les plus jeunes du monde9
.
Le PNUD a calculé à ce sujet un indice de genre qui mesure le déficit de progrès résultant
d’inégalités subies par femme par rapport aux hommes. Sur les 162 pays classés pour l’année
2018, le Tchad, le Mali et le Niger figurent parmi les 10 pays ayant les inégalités de genre les
plus élevées, suivis par le Burkina Faso et le Cameroun (classés respectivement à la 147ème
et à
la 140ème
place).
Depuis la pandémie, les conditions de vie des plus démunis se sont de plus en plus dégradées.
Au Sénégal, en Mauritanie, au Burkina Faso, au Mali et au Niger, la moitié de la population vit
avec moins de 2 dollars par jour. En effet, le Sahel connaît une croissance démographique
élevée, et les indicateurs de développement humain (IDH) sont insuffisants. Quatre pays
sahéliens (le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Tchad) sont classés parmi les dix derniers
pays en termes d’IDH10
.
8
Source : Banque mondiale, https://donnees.banquemondiale.org/indicator/SP.POP.TOTL?locations=ZG,
consulté le 7 janvier 2023.
9
Source : Oxfam, https://www.oxfamfrance.org/financement-du-developpement/qu-est-ce-que-le-sahel/,
consulté le 17 octobre 2022.
10
L’IDH est calculé à partir de plusieurs indicateurs, tels que : l’espérance de vie à la naissance, le niveau
d’éducation et le revenu national brut par habitant. Source : Oxfam, https://www.oxfamfrance.org/financement-
du-developpement/qu-est-ce-que-le-sahel/, consulté le 17 octobre 2022.
11
1.1.Les femmes dans l’espace public médiatique au Sahel
La différence dans l’accès à l’éducation entre garçon et fille a, en partie, comme effet une faible
présence des femmes dans la sphère économique, politique et médiatique. La Mauritanie par
exemple est classée en dernière position sur l’entrepreneuriat des femmes en Afrique par la
Banque mondiale. Au niveau politique, les femmes n’y occupent qu’un siège parlementaire sur
cinq. La représentation des femmes hors de la sphère étant encore limitée, cette inégalité de
genre s’observe aussi dans le secteur des médias, que ce soit vis-à-vis des expertes invitées ou
des journalistes. On compte ainsi moins de 30 % de femmes parmi les journalistes et les
animateurs vedettes des médias d’Afrique francophone11
.
1.2.Les obstacles socioculturels
Les sociétés sahéliennes sont globalement acquises à une division sexuée des rôles qui relègue
les femmes dans la sphère privée. Dès leur plus jeune âge, les petites filles sont initiées aux
tâches ménagères, aux soins de leurs plus jeunes frères et sœurs ; on les exerce au calme, à la
patience, à l’obéissance, aux habitudes casanières, etc. Cette conception est défavorable à
l’acception du leadership des femmes en faisant de la politique et de la sphère publique, la «
chasse gardée » des hommes.
1.3.Les obstacles institutionnels et politiques
Les obstacles institutionnels et politiques mettent en relief le fossé existant entre la
multiplication des textes novateurs en matière de la promotion politique des femmes et la
persistance de leur sous-représentation au sein de l’espace politique. Les États sahéliens ont
adopté à plusieurs niveaux des textes qui mettent en avant le droit des femmes à participer aux
activités politiques et à exercer des responsabilités politiques au même titre que leurs
concitoyens de sexe masculin. Or, en dépit de la prolifération de ces textes, les femmes restent
sous-représentées dans les instances de décision, tant au niveau national que régional.
2. Délimitation du champ de l’étude
Avec l’essor des technologies de l’information et de la communication le paysage médiatique
en Afrique de l’Ouest a connu une réelle révolution. De l’ère des indépendances aux années
1980, la sphère médiatique était dominée par le monopole avec les télévisions nationales. La
libéralisation des ondes à partir des années 1990 a favorisé le développement des médias,
11
https://www.esfand.fr/post/genre-et-medias-au-sahel, 12 octobre 2022.
12
particulièrement les radios privées et communautaires. C’est au cours des années 2000 avec
l’avènement des technologies de l’information et de la communication que l’on assiste à une
démocratisation sans précédent du secteur médiatique. Cependant malgré un développement
fulgurant des médias, la question de la représentativité des femmes et la valorisation du
leadership féminin restent encore un défi.
Une étude d’Article 19 au Sénégal indique que les femmes occupent une place minime comme
thème d’information. Et cela, même dans des domaines où leurs rôles, leurs activités ou leurs
statuts et leurs responsabilités les interpellent au premier plan. Des études menées par l’Institut
Panos Afrique de l’Ouest (IPAO) en 2020, au Mali, au Niger et au Sénégal, ont montré que
seules 9 % des personnes interrogées par les médias sont des femmes, en dépit de l’existence
d’une expertise féminine.
Malgré le développement des technologies de l’information et de la communication le
pourcentage élevé de femmes au Sahel (plus de 50 %), la participation des femmes dans les
débats publics notamment sur les sujets portant sur le développement durable, reste encore très
faible. Ce travail de recherche nous permettra d’analyser cette situation à travers la composante
A du projet Afri’Kibaaru, portée par FMM et de voir dans quelle mesure elle contribue à la
promotion de la prise de parole des femmes dans l’espace public et donc du leadership féminin.
Nous nous sommes focalisés sur la période de janvier à décembre 2021 correspondant à la
première année de l’exécution du projet.
V. Pertinence de la recherche
Les femmes font partie des couches les plus vulnérables particulièrement dans les pays du Sahel
qui figurent sur la liste des pays les plus pauvres dans le monde. Elles sont confrontées à
d’innombrables difficultés tant sur le plan économique que social et subissent en conséquence
des injustices justifiées par leur statut de femme souvent relégué au second plan. L’image de la
société se reflète sur les médias, qui par ailleurs, n’accordent pas assez d’espace aux femmes et
participent ainsi de manière consciente ou inconsciente à véhiculer et à renforcer les stéréotypes
de genre. Les femmes font partie intégrante de la société et constituent plus de la moitié de la
population, c’est donc un impératif qu’elles fassent entendre leur voix pour lever le voile sur
les injustices et inégalités dont elles sont objets. Une participation plus accrue dans les débats
publics permettra aux femmes d’être au centre même des sujets qui les concernent et de
participer à l’élaboration de solutions plus appropriées. Cette recherche vise, dans un premier
temps à sensibiliser les acteurs médiatiques sur l’importance voire la nécessité de tendre
13
davantage le micro aux femmes, non sur des sujets souvent attribués aux femmes comme la
mode et la santé, mais sur des thématiques de développement telles que l’économie, la science
ou la politique, qui interpellent également les femmes.
Cette recherche se donne également comme mission d’inviter les femmes entrepreneures,
spécialistes, expertes ou non à occuper l’espace public et participer activement aux débats
publics afin de partager leurs connaissances et opinions sur les questions importantes de la
société. Nous pensons également que la participation active des femmes aux débats publics
pourrait avoir un impact considérable dans la vulgarisation et l’appropriation des thématiques
liées aux ODD, particulièrement l’ODD 5 : égalité des sexes/genre, mais aussi les ODD 3, 8 et
13 à savoir la santé, la croissance économique et les changements climatiques. Les femmes, en
plus d’occuper une place non négligeable dans l’économie particulièrement dans le secteur
informel, sont en première ligne sur les questions de santé mais aussi celles liées aux
changements climatiques et à la production durable.
Les médias ont la lourde et louable responsabilité de faire émerger des figures de rôles modèles
pour motiver plus de femmes à prendre la parole, mais aussi, à influencer les jeunes filles à
étudier et à prendre la relève.
VI. Les objectifs de recherche
1. Objectif général
L’objectif principal de ce travail de recherche est d’analyser la contribution du projet
Afri’Kibaaru dans la promotion de la participation des femmes dans les débats publics dans la
zone du Sahel.
2. Objectifs spécifiques
De manière spécifique, cette étude nous permettra également :
 D’analyser la stratégie genre mise en œuvre par le projet Afri’Kibaaru.
 De déterminer les facteurs de blocages de la participation des femmes aux débats publics
et de manière plus spécifique dans le cadre du projet Afri’Kibaaru.
 D’analyser l’impact que peut avoir une meilleure représentativité des femmes dans les
débats publics notamment dans la vulgarisation des thématiques liés aux ODD.
14
VII. Annonce discursive du plan
L’étape introductive nous a permis d’aborder le contexte de notre étude, de la situer dans le
temps et l’espace, de soulever la problématique et émettre des hypothèses avant d’énumérer les
résultats attendus. Dans la partie suivante de notre travail, il s’agira d’analyser le cadre
théorique avec, dans un premier temps la définition des concepts clés de cette étude à savoir le
débat public, le genre, l’égalité des sexes, médias, Sahel, leadership féminin et la
communication sociale.
La revue de la littérature nous a permis de faire un tour sur les écrits concernant notre
thématique. Nous avons également présenté le cadre organisationnel. Ensuite, dans la seconde
partie, nous nous sommes penchés sur le cadre analytique avec les méthodes et techniques
d’investigations utilisées, composées essentiellement d’une exploration documentaire et
d’études qualitatives avec des entrevues semi-directives, un questionnaire en ligne et enfin un
focus group.
Les résultats de la recherche seront ensuite présentés. Ainsi pour chacune des collectes de
données effectuées, nous avons fait sortir les points saillants et pertinents en lien avec les
objectifs de notre recherche avant de procéder à l’analyse et à l’interprétation des résultats.
Cette synthèse nous permettra par la suite d’apporter des éléments de réponses à nos questions
de recherches. Avant de conclure cette recherche, nous tâcherons d’émettre des
recommandations afin d’améliorer la représentation et la participation des femmes dans les
débats publics au Sahel.
15
PARTIE I : CADRE THEORIQUE
16
Le cadre théorique est l’une des grandes parties de notre travail. Elle est composée
en premier lieu de l’étude conceptuelle, puis d’une revue de la littérature qui fera
une synthèse des travaux antérieurs sur la représentation des femmes dans les
médias ainsi que la participation des femmes dans les débats publics. Nous
terminerons cette partie avec la présentation du cadre organisationnel de notre étude.
L’étude conceptuelle est une étape cruciale de la recherche qui nous permet d’aborder l’utilité
et le mode d’emploi des concepts. Pour une meilleure compréhension de notre travail, nous
allons commencer par une définition des concepts clés de notre thème de recherche à savoir :
débat public, développement durable, genre, média, Sahel, leadership féminin et
communication sociale. Après avoir défini les concepts clés de notre recherche, nous allons
dans le deuxième chapitre nous pencher sur les ouvrages et les écrits en lien avec notre sujet de
recherche. Il est important de souligner que dans le cadre de ce travail nous n’avons pas pu
trouver assez d’écrits sur la participation des femmes dans les débats publics ou dans l’espace
public. La plupart des ouvrages cités concerne l’espace public français mais reste en lien avec
notre étude.
Le troisième chapitre qui clos la première partie de notre travail présentera le cadre
organisationnel de la recherche à savoir le projet Afri’Kibaaru porté par F3M une filiale de
FMM. Nous reviendrons en large sur la présentation générale du projet ainsi que le groupe
FMM et les radios Rfi mandenkan, fulfulde et haoussa.
17
CHAPITRE I : ÉTUDE CONCEPTUELLE
I. Débat public
La notion de débat public est souvent comprise, dans le langage commun, comme l’ensemble
des éléments d’un sujet qui fait débat dans les médias et auprès du grand public et entraîne des
prises de position publiques. Cette définition large n’est pas celle retenue dans ce travail qui se
veut plus précis. Trois conditions déterminent alors la réalisation d’un débat public :
Un dispositif ponctuel doit être organisé ; il ne doit pas être pérenne, c’est-à-dire qu’il doit
comporter un début et une fin ;
Il s’agit d’un dispositif qui doit permettre « le débat », c’est-à-dire l’échange, la discussion,
l’argumentation, l’expression de différends, la controverse… ; à contrario, cela signifie qu’une
simple réunion publique ne constitue pas forcément un débat public, si elle se limite à diffuser
de l’information ou à faire entendre des points de vue, sans véritable échange ;
Enfin, le dispositif doit se dérouler « en public » c’est-à-dire de manière accessible et non
restreinte ou « privée » ; ainsi, des focus group ou des ateliers citoyens rendant un avis à une
autorité sans démarche publique de discussion, ne constituent pas des dispositifs de débat
public ; en sens inverse, le fait que le débat se déroule sur Internet n’empêche pas son caractère
« public », à partir du moment où l’échange est accessible à tous12
.
Ainsi définie, la notion de débat public se rattache au concept de démocratie et de liberté
d’expression plus que par le principe de la participation au pouvoir de décider, qui constitue
l’autre versant du concept démocratique. Si la notion de débat public présuppose la capacité
d’accès public au débat, elle ne définit pas pour autant le type de participants. Ceux-ci peuvent
être variés : acteurs institutionnels, politiques, leaders d’opinions, société civile, citoyens, etc.
A la question : « Le débat public est-il une chance pour la démocratie ou seulement un faire-
valoir pour entretenir son illusion ? », Patrick Charaudeau (2017) souligne que la réponse à
cette question dépend d’une « condition préalable » à savoir que le débat public fasse clairement
« émerger les opinions et les arguments » pour que les citoyens puissent « aboutir à une prise
de décision » réelle. Selon Charaudeau (2017) : « L’activité de débat est donc au fondement
même du pouvoir politique qui prend sa source dans le démos ». Le débat public selon cet
auteur, est à la fois un enjeu de vérité, de pouvoir et démocratie qui favorise le débat collectif
car « c’est par la controverse que commence la possibilité d’une participation lucide et
12
Rapport d’étude « Pour un débat citoyen sur la santé plus actif », Cabinet Planète Publique, Juillet 2011
18
responsable à la vie sociale et politique, c’est par la controverse que peut se développer et
s’entretenir une "culture du dissensus", fondement même du dialogue social »13
.
On ne peut parler de débat public sans soulever le concept « espace public », en d’autres termes
scène sur laquelle se déroule le débat. Habermas (1962) est le théoricien principal de ce
concept qu’il formule pour la première fois dans son ouvrage, Strukturwandel der Öffentlichkeit
(« L’espace public »). Depuis l’espace public est devenu l’un des concepts les plus débattus
dans le champ des sciences sociales, et particulièrement en communication. « Alain
Létourneau (2001) a résumé ce concept phare en un paragraphe, en rappelant sa filiation avec
la tradition kantienne : L’espace public, c’est un ensemble de personnes privées rassemblées
pour discuter des questions d’intérêt commun. Cette idée prend naissance dans l’Europe
moderne, dans la constitution des espaces publics bourgeois qui interviennent comme
contrepoids des pouvoirs absolutistes. Ces espaces ont pour but de médiatiser la société et l’État,
en tenant l’État responsable devant la société par la publicité, la Öffentlichkeit dont parlait Kant.
».14
Dans le cadre de cette recherche, la notion de « débat public » dépasse le cercle des experts,
politique et leaders d’opinions qui sont le plus souvent mis sous le feu des projecteurs, mais il
s’agit de la prise de parole des femmes, leaders, politique ou de manière plus spécifique de
simples citoyennes au sein de l’espace public. Par espace public, nous faisons référence à un
espace communicationnel notamment avec les médias et non un espace géographique.
II. Développement durable
Le développement durable est une forme de développement économique ayant pour objectif
principal de concilier le progrès économique et social avec la préservation de l'environnement,
ce dernier étant considéré comme un patrimoine devant être transmis aux générations futures15
.
La Commission Mondiale pour l'Environnement et le Développement de l'ONU, en donne la
définition suivante : « Le développement durable est un développement qui répond aux besoins
du présent sans compromettre la possibilité, pour les générations à venir, de pouvoir répondre
à leurs propres besoins. ».
13
Le Débat public. Entre controverse et polémique. Enjeu de vérité, enjeu de pouvoir, Patrick Charaudeau.
Compte rendu de Thierry Guilbert, file:///C:/Users/utilisateur1/Downloads/LS_164_0180.pdf, consulté le 9
décembre 2022.
14
L'espace public : concept fondateur de la communication, Marc Lits, Dans Hermès, La Revue 2014,
https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2014-3-page-77.htm , consulté le 7 novembre 2022.
15
Définition donnée par le dictionnaire La Toupie (en ligne)
https://www.toupie.org/Dictionnaire/Developpement_durable.htm,consulté le 7 novembre 2022.
19
En 2000, lors du sommet du Millénaire de l’ONU, les dirigeants mondiaux se sont engagés sur
8 objectifs chiffrés appelés Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), qui avait
pour objectif de réduire considérablement la pauvreté à l’horizon 2015. En 2015, l’Assemblée
générale des Nations unies entend poursuivre la dynamique des OMD dans le cadre d’un
nouveau programme intitulé Objectifs pour le développement durable (ODD). Un programme
qui se fixe 17 ODD à réaliser par tous les pays et toutes les parties prenantes à l’horizon 2030.
Le développement durable prend en compte de manière spécifique plusieurs aspects du
développement à savoir l’économie, le social, paix et justice, l’environnement et l’égalité entre
homme et femme. La question du genre est particulièrement prise en compte dans tout ce
processus de développement ce qui lui confère cet aspect transversal qui joint finalement tous
les autres ODD.
Il est également pertinent de rappeler que depuis près d’une cinquantaine d’années des efforts
sont consentis par les organismes internationaux et les États pour apporter des solutions aux
questions de développement durable particulièrement l’environnement. Ainsi, en 1972 se tient
à Stockholm la Conférence des Nations Unies sur l'environnement. Il s’agit de la première
conférence mondiale qui fait de l’environnement une question majeure. Les participants y
adoptent une série de principes pour une gestion écologiquement rationnelle de l'environnement
dont la Déclaration de Stockholm, le Plan d’action pour l’environnement ainsi que plusieurs
résolutions.
La Déclaration de Stockholm a marqué le début d'un dialogue entre pays industrialisés et pays
en développement concernant le lien qui existe entre la croissance économique, la pollution de
l'indivis mondial (l'air, l'eau, les océans) et le bien-être des peuples dans le monde entier. Elle
contient 26 principes. Une des grandes décisions de cette conférence fut la création du
Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE)16
. Vingt ans plus tard, en juin
1992 à Rio de Janeiro (Brésil), la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le
développement, connue sous le nom de Sommet "planète Terre", a adopté une déclaration qui
a fait progresser le concept des droits et des responsabilités des pays dans le domaine de
l'environnement.
La rencontre de Rio de Janeiro a souligné la façon dont les différents facteurs sociaux,
économiques et environnementaux sont interdépendants et évoluent ensemble. Les objectifs
premiers de ce sommet étaient de produire un agenda large et un nouveau plan pour l'action
16
Sources : Nations Unies, https://www.un.org/fr/conferences/environment/stockholm1972, consulté le 9
décembre 2022.
20
internationale sur les questions d'environnement et de développement qui aideraient à guider la
coopération internationale et la politique de développement durant le XXIe siècle17
.
Toutefois, étant donné que les grandes conventions internationales en matière d’environnement
de droits de l’homme ou du travail tardent à être ratifiées et mises en œuvre par certains pays,
les Nations Unies interpellent les entreprises pour qu’elles s’engagent directement. L’initiative
du Pacte Mondial (Global Compact) lancée par le Secrétaire général des Nations Unies en 1999
à Davos vise à faire prendre des engagements aux entreprises sur 9 principes tirés des accords
internationaux : la Déclaration universelle des droits de l’Homme, la Déclaration de
l’Organisation Internationale du Travail relative aux principes et droits fondamentaux du travail
et la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement18
.
III. Genre
Le "genre" transporté de l’anglais "Gender", est un concept sociologique désignant les "rapports
sociaux de sexe" et de façon concrète, l’analyse des statuts, rôles sociaux, relations entre les
hommes et les femmes dans une société donnée. Appliquée aux politiques publiques, l’analyse
ou perspective de genre a pour objectif de promouvoir l’égalité des femmes et des hommes en
prenant en compte les différences et la hiérarchisation socialement construite, qui produisent
des inégalités. On parle aussi "d’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes".
Une des définitions qui peut être retenue du genre est celle de Laure Bereni, et al. (2012) : «
Un système de bicatégorisation hiérarchisée entre les sexes (hommes/femmes) et entre les
valeurs et représentations qui leur sont associées (masculin/féminin). »
Dans notre démarche, nous allons également revenir sur les différences entre les termes « genre
» et « sexe ». Ann Oakley (1972) précise que "sexe" est un mot qui fait référence aux
différences biologiques entre mâles et femelles (...) "genre" par contre est un terme qui renvoie
à la culture : il concerne la classification sociale en "masculin" et "féminin" (...). On doit
admettre l’invariance du sexe comme on doit aussi admettre la variabilité du "genre".
L’historienne américaine Jane Scott (1986), propose une définition mettant l’accent sur la
dimension politique du genre : "le genre est un élément constitutif des rapports sociaux, fondé
17
Sources : Nations Unies, https://www.un.org/fr/conferences/environment/rio1992, consulté le 9 décembre
2022.
18
Du concept à la mise en œuvre du développement durable : théorie et pratique autour de guide SD 21000,
Christian Brodhag, Natacha Gondran et Karen Delchet, https://doi.org/10.4000/vertigo.3482, consulté le 9
décembre 2022.
21
sur des différences perçues entre les sexes, et le genre est une façon première de signifier des
rapports de pouvoirs".
Tableau I : Différence entre les concepts genre et sexe
Genre Sexe
Social, construit Biologique
Acquis Inné
Relatif : dépend des sociétés Universel
Dynamique Immuable
Source : l’auteure19
« On ne naît pas femme, on le devient », cette célèbre citation de Simone de Beauvoir (1949),
résume la notion de genre, dans le sens qu’elle peint la condition féminine comme étant une
construction de la société et de la culture. En mettant en cause les préjugés et les stéréotypes
qui ont contribué à faire de la femme un objet et des hommes un sujet, un absolu, Simone de
Beauvoir dépasse la simple revendication de droits réservés à la femme. Elle fonde les assises
d'une réflexion qui alimentera toute son œuvre : la femme doit se différencier de l'homme.
IV. Égalité des sexes
L’égalité est un droit fondamental de la personne humaine, quel que soit le sexe biologique ou
social et quelles que soient les différences entre les personnes. Les États se sont engagés à
garantir cette égalité en adoptant la Déclaration universelle des droits humains (1948). Celle-ci
stipule dans son article premier que « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité
et en droits ». Elle poursuit dans son article 2 que « chacun peut se prévaloir de tous les droits
et de toutes les libertés proclamées dans la présente Déclaration, sans distinction aucune,
notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute
autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation
».
L’organisation des Nations Unies consacrée à l’égalité des sexes et l’autonomisation des
femmes (ONU Femmes) donne la définition suivante de l’égalité des sexes :
19
Tous les tableaux avec la mention « Source : l’auteure » ont été réalisés à partir des recherches effectuées.
22
« Par égalité des sexes, on entend l’objectif consistant à ce que les femmes et les hommes et
les garçons et les filles bénéficient de l’égalité des droits, des responsabilités et des chances.
L’égalité ne signifie pas que femmes et hommes deviendront analogues, mais que leurs droits,
leurs responsabilités et leurs chances ne dépendront pas du fait d’être né homme ou femme.
L’égalité des sexes n’est pas une question féminine, car elle devrait concerner et intéresser
pleinement les hommes aussi bien que les femmes. L’égalité entre hommes et femmes est un
droit humain ainsi qu’une condition préalable et un indicateur d’un développement durable, axé
sur la population. Pour parvenir à l’égalité des sexes, il faudra prendre en compte les intérêts,
les besoins, les priorités et les rôles des hommes et des femmes, tout en étant pleinement
conscient de la diversité de différents groupes d’hommes et de femmes.20
»
Au Sahel la plupart des pays ont ratifié les principales conventions internationales et régionales
relatives aux droits des femmes dont la Convention sur l’élimination de toutes les formes de
discriminations à l’égard des femmes (CEDEF) et le protocole de Maputo21
.
Concrètement, l’égalité des sexes vise à assurer l’accès des femmes et des hommes aux mêmes
opportunités, droits, partage des ressources économiques, participation à l’exercice du pouvoir
politique tout en respectant leurs spécificités.
V. Média
La définition du concept médias donnée par le sociologue Rémy Rieffel, (2001) nous semble
pertinente et globale. Selon cet auteur les médias englobent « toutes les techniques et tous les
supports permettant aux hommes de communiquer entre eux, de transmettre des messages aux
contenus les plus variés. Seront donc pris en considération la presse, la radio, la télévision, mais
aussi le téléphone, la télématique, l’informatique (à l’exception du livre, du disque et du film
cinéma). » Il est également important de souligner que les médias sont souvent qualifiés de
quatrième pouvoir, par allusion aux trois pouvoirs constitutionnels, dans le processus de la
formation de l'opinion publique et dans l'influence que la révélation de ces faits peut avoir dans
les prises de position des citoyens.
Nous retrouvons donc les médias dans les catégories suivantes :
20
Le rôle des hommes et des garçons dans l’égalité des sexes, Nations Unies, Division de la promotion de la
femme, 2008 ; https://www.un.org/womenwatch/daw/public/w2000/08-52640_Women2000_FR_REV.pdf,
consulté le 14 novembre 2022
21
Le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes dit «
Protocole de Maputo » adopté le 11 juillet 2003 par la Conférence de l’Union africaine (UA)
23
Audio-visuel : ce sont les médias traditionnels qui émettent du son et des images pour
transmettre des informations.
Radiophonique : ce sont des supports exclusivement diffusés en format son. Son processus de
production est moins coûteux et plus simple que celui de la télévision. La radio est réputée être
le média le plus suivi en Afrique de l’ouest du fait de son accessibilité économique mais aussi
culturelle avec l’utilisation des langues locales. Le développement des technologies de
l’information a davantage ouvert la voie aux stations qui peuvent également être écoutées via
les canaux numériques. Le projet Afri’Kibaaru se matérialise grâce aux supports radios en
langues locales.
Presse écrite : il s’agit de journaux d’informations en format papier qui se déclinent en
plusieurs périodicité (quotidien, hebdomadaire ou mensuel). C'est un type de média en déclin
en raison de son coût de production élevé et de la concurrence des médias numériques.
Numérique : elles sont apparues dans les années 1980 sous le nom de nouvelles technologies
et ont révolutionné le monde des médias. Aujourd'hui, ils sont devenus des leaders de
l'information et se développent de jour en jour. Internet est devenu une source à partir de
laquelle des millions de personnes dans le monde trouvent plus rapidement et plus facilement
les informations en temps réel d’où la notion de « village planétaire ».
Pour le projet Afri’Kibaaru c’est un support essentiel qui draine beaucoup d’audience
notamment avec : l’application Pure radio et les plateformes numériques (Facebook et sites
internet).
VI. Sahel
Le mot Sahel (Es-Sahel) désigne « rivage » ou encore « bordure » en arabe. C’est l’espace de
transition qui sépare au nord le désert du Sahara, et au sud la zone soudanienne. Il s’agit d’une
région africaine qui inclut, au sens large, 10 pays : le Burkina Faso, le Cameroun, la Gambie,
la Guinée, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Nigeria, le Sénégal et le Tchad. Mais ceci constitue
la définition large du Sahel, puisqu’elle inclut aussi les pays qui sont « effleurés » par la bande
sahélienne au Sud (comme pour la Gambie, le Nigeria ou le Cameroun)22
.
Dans le livre blanc élaboré par l’UNFPA, « Comprendre le Sahel à travers son histoire, sa
géographie et ses défis sociodémographiques et sécuritaires », il est souligné : « Compris entre
22
Définition fournie par Oxfam, https://www.oxfamfrance.org/financement-du-developpement/qu-est-ce-que-le-
sahel/, consulté le 17 octobre 2022.
24
le Sahara et l’Afrique centrale, le Sahel a des frontières qui, loin d’être stabilisées, figées, sont
plutôt fluctuantes. Ainsi, le Sahel des climatologues n’est pas celui des experts des marches
céréalières. Celui des agences onusiennes de développement n’est pas celui des humanitaires,
ni ce dernier celui des « sécurocrates » pour désigner les forces d’intervention militaire. De fait
il n’existe pas un mais des Sahel et d’une agence à l’autre les contours de la carte sont
redessinés. »23
Tout ceci nous amène à préciser que notre travail de recherche se concentre essentiellement sur
les huit pays du Sahel ciblés par le projet Afri’Kibaaru que sont : le Burkina Faso, le Niger, le
Mali, la Mauritanie, le Sénégal, le Tchad, le Cameroun et le Nigéria.
VII. Leadership féminin
Souvent qualifié d'anglicisme, le terme leadership tire son origine du mot anglais leader. Selon
Le Nouveau Petit Robert (2005), le leadership est une fonction liée au commandement ou à la
direction. Il est relativement complexe à définir en raison de la multitude d'auteurs qui se sont
intéressés au concept. Toutefois, malgré l'étendue de ses représentations, trois points centraux
le caractérisent : le leadership est une compétence qui se développe au fil du temps, un processus
d'interaction entre le leader et ses collaborateurs et un processus d'influence vers la réalisation
d'objectifs communs (Maltais et al. 2007). Il ressort ainsi de ces principales composantes que
le leadership est un processus par lequel un individu influence un groupe pour réaliser un but
commun (Northouse, 2007)24
.
Le leadership est un concept en évolution et l'étude du leadership féminin est un phénomène
récent. Historiquement, le leadership s'est longtemps intéressé à l'étude du leadership politique,
des « grands hommes » qui définissaient le pouvoir, l’autorité et la connaissance (Klenke 1996).
Toutefois, nous notons plusieurs définitions du leadership féminin, pour certains auteurs, les
femmes peuvent être et sont des leaders, d'autres le définissent d'un point de vue féministe et
comme une question d'égalité et de droit à avoir les mêmes opportunités. Pour d’autres comme
Palmu-Joronen (2009), il fait référence à certaines caractéristiques féminines qui sont
précieuses dans les organisations d'aujourd'hui. Et il y a ceux qui pensent que le leadership ne
devrait pas du tout être différencié en tant que leadership féminin. Ainsi, Harding (2016) définit
23
https://wcaro.unfpa.org/sites/default/files/pub-pdf/fr_-
_comprendre_le_sahel_a_travers_son_histoire_sa_geographie_et_ses_defis_sociodemographiques_et_securitair
e_-_livre_blanc.pdf, consulté le 17 octobre 2022.
24
Rinfret, N. (2012). « Leadership », dans L. Côté et J.-F. Savard (dir.), Le Dictionnaire encyclopédique de
l’administration publique, www.dictionnaire.enap.ca, 17 octobre 2022.
25
le leadership féminin comme « la capacité d’une femme à influencer directement ou
indirectement d’autres personnes, au moyen de pouvoirs officiels ou de qualités personnelles,
afin qu’elles agissent conformément à ses intentions ou à un objectif commun ». 25
De nombreuses chercheuses féministes ont porté leur attention sur les représentations
médiatiques des femmes politiques, par exemple, Ross (1995), Trimble (2005), ou sur les
spécificités du discours politique féminin avec Jamieson (1988), Reiser (2009). Outre le fait
de représenter les femmes comme des « outsiders » du monde politique (Norris, 1996), les
politiciennes seraient aussi davantage dépeintes selon les stéréotypes du genre. Dans la lignée
de ces propos, plusieurs études illustrent que l’évaluation des acteurs politique se fait à partir
des représentations du leadership (Fridkin-Kahn, 1996 ; Heldman, Carroll et Olson 2005),
représentations qui sont pour nous construites selon les normes liées au genre. C’est ce que
démontrent Carroll et Fox (2006) qui illustrent qu’on attend des leaders qu’ils soient « forts,
dominants et sûrs d’eux-mêmes ». Des qualités plus souvent associées aux hommes qu’aux
femmes dans plusieurs cultures notamment dans la zone du Sahel.
VIII. Communication sociale
Notre travail rentre dans le cadre de la communication sociale, cependant avant de nous atteler
à la définition de ce concept, il nous parait pertinent de définir d’abord celui de communication
pour une meilleure compréhension.
La communication est une science sociale. Au croisement de plusieurs autres sciences (science
politique, sociologie, anthropologie, psychologie et sémiologie), les sciences de l’information
et de la communication sont nées dans la seconde moitié du XXe siècle. La communication,
selon Claude ROY (1995), « est un processus verbal ou non par lequel on partage une
information avec quelqu'un ou avec un groupe de manière que celui-ci comprenne ce qu'on lui
dit. Parler, écouter, comprendre, réagir... constituent les différents moments de ce processus.
La communication permet aux partenaires de se connaître, d'établir une relation entre eux.
Cela peut entraîner des modifications d'attitude et de comportement. »26
La communication sociale a donc pour objet l’influence des normes sociales et sociétales d’un
individu ou d’un groupe social plus ou moins large (de la société dans son ensemble à l’échelon
de la « communauté ») dans l’objectif de modifier leurs mentalités, attitudes et comportements.
25
Harding J. (2016). « Les principes fondamentaux du leadership inclusif » Revue militaire canadienne, Volume
16, Numéro 4, pp. 62-67
26
ROY, C., in Communication, Bidon, Tolérance, 12 juin, 1995, p.29.
26
C’est une communication d’influence qui touche aux modes de vie des populations, considérées
comme habitants, usagers, citoyens ou encore « bénéficiaires » de projets de développement.
On lui connaît différentes appellations en fonction de son champ d’application : information-
éducation-communication (IEC) parmi les méthodologies traditionnelles des années 1990 du
secteur du développement, sensibilisation (registre souvent associatif ou public),
communication publique (lorsqu’elle est mise en œuvre par un ministère par exemple),
communication pour le changement de comportements (CCC), mobilisation ou communication
participative (quand son objet social revêt des enjeux plus politiques) ou encore communication
communautaire (quand elle joue sur les codes sociaux locaux de l’échelon appelé «
communauté »).
27
CHAPITRE II : LA REVUE DE LA LITTERATURE
I. Les femmes toujours peu présentes dans la sphère publique
D’après la « Sociale institution and Gender Index », index développé par le Centre de
développement de l’OCDE pour mesurer le niveau d’inégalités de genre, les pays compris dans
la zone d’intervention du projet Afri’Kibaaru ont été classés en 2019 :
- dans la catégorie « très haut » : Cameroun
- dans la catégorie « haut » : Mali, Nigeria, Tchad
- dans la catégorie « intermédiaire » : Sénégal, Burkina Faso
Pour les deux pays non classés Mauritanie et Niger, des informations importantes n’ont pas été
communiquées et manquent pour effectuer une analyse complète. Pour les autres, il s’agit d’une
moyenne à l’échelle du pays et dans certaines zones les inégalités peuvent être encore plus
marquées.
Genre et changement social en Afrique, de l’Agence Universitaire de la Francophonie, donne
la parole à plusieurs femmes originaires de l’Afrique de l’Ouest, du centre et du Maghreb27
.
Dans ce document, elles reviennent sur la place qui leur est accordée dans la société maghrébine
et subsaharienne. Les intervenantes, font un état des lieux de la perception de la femme dans
une société africaine en pleine mutation. Une compilation de témoignages sur le rôle des
femmes que ce soit dans le domaine politique ou encore économique. Ce document démontre
que la prise en compte et le respect des droits des femmes en Afrique est encore à la traine
notamment dans la sphère publique.
Les inégalités sociales subites par les femmes tels que l’accès à l’éducation ou l’accès aux
ressources font qu’elles ont du mal à porter haut leur voix. Selon une publication de Friedrich
Ebert Stiftung, Violences basées sur le genre en Afrique de l’Ouest : cas du Sénégal, du Mali,
du Burkina Faso et du Niger, il existe une certaine opinion au sein de la société malienne qui
confine encore la femme au foyer, considérant cette dernière comme uniquement destinée aux
tâches ménagères et de procréation. Ce document, qui a passé en revue les législations en
vigueur dans le cadre de la protection des droits des femmes et les avancées juridiques dans les
pays étudiés, relève que l’effectivité de la loi sur le quota se trouve confrontée à la dure réalité
27
Genre et changement social en Afrique, une production de l’Agence Universitaire de la Francophonie sous la
direction de Margueritte Rollinde, 2010.
28
du faible niveau d’instruction des femmes. Un fait qui limite considérablement le nombre de
femmes leaders et leur impact sur les politiques de développement28
.
II. Une représentation partiale et partielle des femmes dans les médias
Les femmes sont moins nombreuses à la télévision que les hommes, malgré l’apparence de
« parité médiatique ». Clara Bamberger (2012), dans une analyse acerbe et pointue de la
sphère médiatique française met en exergue les inégalités subies par les femmes au sein de la
télévision mais aussi dans leur représentation médiatique. En plus de subir une inégalité d’ordre
quantitatif, les femmes font également face à une discrimination dans le traitement des sujets et
les contenus médiatiques. En effet, l’auteure démontre que sur la scène médiatique le rôle de
« l’expert, de l’intellectuel ou du professionnel » est attribué aux hommes au moment où les
femmes sont présentées en tant que « mères, simples témoins ou victimes ». Clara Bamberger
(2012), avec l’appui de données statistiques, met en exergue la participation des médias à
renforcer les stéréotypes de genre et les inégalités hommes/femmes. Dans son analyse, elle fait
ressortir la responsabilité des journalistes dans la faible visibilité des femmes dans les médias.
Plus encore, leur capacité à perpétuer en mettant sur la scène médiatique les rôles sociaux
communément attribués aux femmes.
Ainsi constate-t-elle, que « … les rubriques « Politique », « Économie » et « Crimes et
violence » - qui représentent les trois thèmes les plus traités par les médias d’information – se
caractérisent par une surreprésentation médiatique des hommes. Se retrouvent davantage de
femmes – bien que de façon encore minoritaire- dans les sujets ayant trait aux domaines du
social, de l’éducation, de la culture, des médias et de la santé. »
III. Les femmes peuvent-elles influencer le débat public ?
Comment les femmes peuvent-elles influencer les débats publics alors qu’elles sont peu
présentes dans l’espace public ? Dans un ouvrage qui compile des témoignages de femmes
leaders en France, Joly Andres (2022) recueille divers points de vue sur la perception des
femmes dans la vie professionnelle et surtout dans les médias. Patience Priso, spécialiste de
l’audiovisuel, après une brève analyse de l’image des femmes issues de la « diversité » dans les
28
Violences basées sur le genre en Afrique de l’ouest : cas du Sénégal, du Mali, du Burkina Faso et du Niger,
Ndeye Amy Ndiaye, Friedrich Ebert Stiftung 2021.
29
médias français, conclut qu’il reste beaucoup à faire et à consolider dans ce sens. Le pouvoir
d’influence des femmes reste encore cloisonné à leur genre et leur identité et celles-ci restent
encore écartées des organes décisionnaires importants qui touchent à l’économie, la science et
la justice. Ce qui lui fait dire que « le pouvoir des femmes à influencer le débat public est réel
dans l’éveil des consciences, mais un mythe dans la réalité des espaces publics ». Selon elle,
pour accroitre le pouvoir d’influence des femmes dans l’espace public, il faut que cela passe
nécessairement par l’éducation et par une augmentation significative de leur autonomie et de
leur pouvoir financier. Pour qu’il y ait un changement réel, il faut également une implication
de la sphère politique dirigeante.
Pour la journaliste Stéphanie Chemla-Sagnes, au-delà de la volonté des femmes à vouloir
investir l’espace public, il y a d’autres réalités sociales qui limitent leur élan : « Lorsque nos
journées comprennent trois volets professionnel, maternel et familial- nous choisissons de
consacrer le peu de temps qu’il nous reste à notre sphère intime au lieu d’aller courir les
plateaux télé ! »29
. A cause donc du rôle social dédié aux femmes, ces dernières peinent à se
consacrer à leur pleine expansion et se trouvent limitées dans la sphère publique. Au-delà de
ses limites, les femmes sont souvent cantonnées dans certains domaines qui semblent plus
appropriés à leur statut. Si une femme accède à un poste ministériel, il s’agit dans la plupart des
cas d’un poste dans le secteur social. L’éducation, l’environnement, l’égalité des sexes, la santé,
autant de postes qui sont proportionnellement le plus souvent aux mains des femmes. Alors que
la situation est tout autre en ce qui concerne la défense, l’économie, les transports et les finances.
Ces départements sont presque toujours aux mains des hommes30
.
IV. La représentation de la femme politique dans les médias
Analyser la représentation des femmes dans les médias ne peut se faire sans une analyse de la
représentation des femmes politiques dans les médias, car elles sont le plus souvent au premier
plan sur la scène médiatique. D’après Pierre Leroux et Cécile Sourd (2005), la représentation
des femmes politiques dans la presse relève d’un ensemble de principes naturalisés. L’univers
politique dominé par des hommes, associe à la figure de l’entrepreneur politique des qualités «
masculines » et la représentation des femmes tend à se référer à leur rôle traditionnel au sein de
29
Le pouvoir des femmes à influencer le débat public : mythe ou réalité, Joly Andres, 2022, page 20
30
Le pouvoir des femmes à influencer le débat public : mythe ou réalité, Joly Andres, 2022, page 35
30
l’univers domestique. Les auteurs analysent le traitement médiatique des femmes politiques par
la presse française. La mise en place de la parité a ravivé l’intérêt de la presse à l’égard des
femmes politiques qui restent encore relativement peu nombreuses aux postes de premier plan.
Cependant, « la représentation des femmes, quel que soit leur type d’investissement dans
l’univers politique, relève pour une large part de la convocation de stéréotypes de genre et de
la mise en scène du « féminin » ».
A cause de la rareté historique de figures féminines associées au politique, les références
mobilisées pour caractériser les femmes en politique sont relativement redondantes et renvoient
à des archétypes de la vision des « femmes de pouvoir ». Ainsi, trouve-t-on régulièrement celle
de la « pasionaria » (Bertini, 2002), de l’« égérie », de la « pétroleuse », ou encore de la «
dame de fer ».
Pour aller plus loin, les auteurs prennent l’exemple de la femme politique Marine Le Pen et
dépeignent la manière dont elle est représentée par la presse. « Le Pen conjugue en quelque
sorte les traits négatifs du féminin au masculin. La redondance des rappels de sa ressemblance
avec son père l’associe implicitement à un physique d’homme et « virilise » son identité : « Le
fils de son père » (titre du Point, 24/05/02), « Le Pen en jupon » (Le Point, 25/04/03), ou «
hussarde blonde » (titre du Point, 22/11/02), elle est stigmatisée par les allusions à ses manières
un peu rudes, à ses « coups de gueule », à sa voix rauque et à ses paroles souvent empreintes
de violence. Trop masculine, à l’instar par exemple de Margaret Thatcher (« le meilleur homme
de son cabinet »), elle semble trop affranchie du rôle féminin, et est confrontée à une situation
de double bind31
caractéristique des femmes en position de pouvoir ».
Ainsi comme souligné par le sociologue Bourdieu (1998) : « plus généralement, l’accès au
pouvoir, quel qu’il soit, place les femmes en situation de double bind : si elles agissent comme
des hommes, elles s’exposent à perdre les attributs obligés de la « féminité » et elles mettent en
question le droit naturel des hommes aux positions de pouvoir ; si elles agissent comme des
femmes, elles paraissent incapables et inadaptées à la situation ».32
31
Une double contrainte (de l'anglais double bind) est une situation dans laquelle une personne est soumise à
deux contraintes ou pressions contradictoires ou incompatibles. Wikipédia.
32
Pierre Leroux et Cécile Sourd, « Des femmes en représentation », Questions de communication, 2005,
https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/4076, consulté le 2 novembre 2022.
31
CHAPITRE III : CADRE ORGANISATIONNEL
I. Présentation du projet Afri’Kibaaru
Afri’Kibaaru est une initiative du groupe France Média Monde et de sa filiale CFI. Le terme «
Kibaaru » signifie « informations » dans les langues africaines ciblées à savoir le mandenkan,
le fulfulde et l’haoussa. Le projet est financé par l’AFD pour une durée de trois ans et demi (42
mois). Il se structure en deux composantes : la première, la composante A, objet de cette étude,
met en œuvre des activités de productions de contenus et de diffusion à grande échelle sur la
zone du projet. Et la deuxième, la composante B, est constituée d’activités de renforcement de
capacités et de transfert d’expertise au bénéfice de médias et de journalistes locaux. La
composante A, qui est la production en langues locales, est mise en œuvre par FMM par le biais
de sa radio RFI. Les contenus sont diffusés sur les antennes de RFI mandenkan, fulfulde et
haoussa, mais aussi sur celles de ses radios partenaires au Burkina Faso, Niger, Mali, Sénégal,
Tchad, Nigeria et Cameroun. Concernant la seconde composante, il s’agit particulièrement de
formations et de renforcement de capacités d’un large réseau de journalistes et de médias locaux
partenaires. L’objectif est de les professionnaliser dans l’animation de débats publics proposés
autour des ODD. Cette composante est principalement mise en œuvre par CFI et intègre
également des activités de transfert de compétences proposées par FMM.
Le groupe France Médias Monde réunit France 24, la chaîne d’information continue (en
français, en anglais, en arabe et en espagnol) ; RFI, la radio mondiale (en français et 15 autres
langues) et Monte Carlo Doualiya, la radio en langue arabe. FMM est également la société mère
de CFI, l'agence française de coopération médias, et est l'un des actionnaires de la chaîne
francophone généraliste TV5Monde.
32
Figure 1: Zone d’intervention du projet Afri’Kibaaru
Source : Afri’Kibaaru
33
II. Mise en œuvre du projet Afri’Kibaaru
Le projet Afri’Kibaaru a démarré le 01 juillet 2020. Rfi fulfulde nouvellement créée et Rfi
mandenkan qui diffuse depuis 2005 une heure quotidienne de programme, proposent une
nouvelle grille de programmes axée sur les thématiques liées aux ODD, à savoir : santé, genre,
environnement, économie, éducation et une émission interactive qui permet aux auditeurs de
participer aux débats sur l’actualité. Le lancement de cette nouvelle grille de programme a eu
lieu le 14 décembre 2020, dans les locaux des deux rédactions fulfulde et mandenkan situés à
Dakar. Les journalistes recrutés sont originaires de plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest à
savoir : le Sénégal, le Mali, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire et la Guinée. Les rédactions
disposent également d’un réseau de correspondants couvrant l’Afrique de l’Ouest et également
l’international. Les rédactions de Dakar et Lagos ont travaillé à constituer le réseau de
correspondants en fulfulde et à étoffer les réseaux existants en mandenkan et haoussa. L’objectif
étant que ces réseaux soient représentatifs des pays dans lesquels ces langues sont parlées, et
représentatifs des pays de forte actualité afin d’offrir aux auditrices et auditeurs une information
vérifiée et des points de vue diversifiés et équilibrés du monde entier.
III. Missions du projet Afri’Kibaaru
Afri’Kibaaru se donne comme principale mission de fournir des informations fiables aux
populations du Sahel essentiellement en langues locales, donc accessibles : le mandenkan, le
fulfulde et aussi l’haoussa. C’est une opportunité pour les populations d’être sensibilisées sur
les questions de développement et de mieux comprendre les enjeux liés au développement
durable. Elles pourront de ce fait prendre part activement aux débats qui les concernent
directement. Les questions liées au genre font partie des points essentiels mis en avant par le
projet Afri’Kibaaru. Elles sont prises en compte sur tous les aspects, du personnel au sein de la
rédaction à la qualité des contenus proposés.
Les missions de manière spécifique sont de :
 Répondre, à travers ces contenus, aux préoccupations des populations cibles.
 Participer à l’assainissement de l’espace médiatique et à l’expression de la diversité des
points de vue en mettant à la disposition des citoyens/citoyennes, des influenceurs et
des OSC des outils et connaissances leur permettant de participer efficacement au débat
public.
34
 Renforcer les capacités des médias locaux pour disposer de personnel bien formé aux
métiers de la radio, du web, et plus généralement au métier de journaliste, à ses droits
et devoirs, afin de renforcer la quantité et qualité de la couverture médiatique des
questions liées au développement durable.
IV. Les contenus de Rfi en langues locales
1. Aperçu sur les ODD
Avant de présenter les programmes de Rfi en langues locale, nous allons d’abord faire un bref
résumé des ODD qui sont par ailleurs au centre des contenus proposés. En septembre 2015,
193 chefs d’État rassemblés à New York adoptent 17 ODD. Leur objectif est de fixer une feuille
de route internationale pour le développement durable d’ici 2030. Ils couvrent l’ensemble des
champs du développement durable. Leur intuition est en effet que tous ces axes ne doivent pas
être traités séparément, de manière cloisonnée, mais bien ensemble. Ces 17 ODD sont :
-ODD 1. Éradication de la pauvreté : sous toutes ses formes et partout dans le monde.
-ODD 2. Lutte contre la faim : éliminer la faim et la famine, assurer la sécurité alimentaire,
améliorer la nutrition et promouvoir une agriculture durable.
-ODD 3. Accès à la santé : donner aux individus les moyens de mener une vie saine et aider au
bienêtre de tous à tous les âges.
-ODD 4. Accès à une éducation de qualité : veiller à ce que tous aient accès à l’éducation et
promouvoir des possibilités d’apprentissage de qualité dans des conditions équitables tout au
long de la vie.
-ODD 5. Égalité entre les sexes : parvenir à l’égalité des sexes en rendant les femmes et les
filles plus autonomes.
-ODD 6. Accès à l’eau salubre et l’assainissement : garantir l’accès de tous à l’eau et
l’assainissement et gérer les ressources en eau de façon durable.
-ODD 7. Recours aux énergies renouvelables : garantir l’accès de tous à des services
énergétiques fiables, durables et renouvelables à un coût abordable.
-ODD 8. Accès à des emplois décents : promouvoir une croissance économique soutenue,
partagée et durable, le plein-emploi productif et un travail décent pour tous.
-ODD 9. Innovation et infrastructures : Soutenir les petites entreprises pour qu’elles se
développent, favoriser le développement des entreprises qui respectent l’environnement et
35
fabriquent des produits sains (qui ne nuisent pas à notre planète ni aux populations) et permettre
l’accès de tous aux nouvelles technologies.
-ODD 10. Réduction des inégalités : réduire les inégalités entre les pays et au sein de chacun.
-ODD 11. Villes et communautés durables : créer des villes, des logements, des transports
ouverts à tous, sûrs, résistants et durables.
-ODD 12. Consommation responsable : instaurer des modes de consommation et de production
durables : éviter le gaspillage, diminuer les déchets et les biens de consommation (livres,
vêtements...) en réduisant, réutilisant et recyclant.
-ODD 13. Lutte contre le changement climatique : prendre des mesures d’urgence pour lutter
contre les changements climatiques et leurs conséquences.
-ODD 14. Protection de la faune et de la flore aquatiques : conserver et exploiter de manière
durable les océans, les mers et les ressources marines.
-ODD 15. Protection de la faune et de la flore terrestres : préserver et restaurer les écosystèmes
terrestres, en veillant à les exploiter de façon durable, gérer durablement les forêts, lutter contre
la déforestation, la désertification, stopper et inverser le processus de dégradation des terres et
mettre fin à l’appauvrissement de la biodiversité.
-ODD 16. Justice et paix : promouvoir la paix, assurer à tous l’accès à la justice et mettre en
place, à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et ouvertes.
-ODD 17. Partenariats pour les objectifs mondiaux : revitaliser le partenariat mondial au service
du développement durable et renforcer les moyens de ce partenariat. Les pays promettent
également de lutter contre le dérèglement climatique. Tous les objectifs intègrent bien entendu
la protection de l’environnement.33
2. Les programmes de Rfi
Le volume de production pris en charge par le projet est d’une heure par jour du lundi au
vendredi et d’une heure le weekend en mandenkan. Pour le fulfulde il s’agit de deux heures par
jour du lundi au vendredi, et une heure de diffusion le weekend. Sur une journée, cette
production se répartit en sessions d’information d’une demi-heure comprenant journaux et
magazines. Afin de mieux appréhender la couverture des thématiques liées aux ODD, nous
allons d’abord dresser un tableau de la matérialisation du projet Afri’Kibaaru à travers les radios
Rfi fulfulde, mandenkan et haoussa. Il est important de souligner que les présentateurs des
33
Résumé des ODD fourni par UNICEF, https://www.unicef.fr/sites/default/files/fiche_thematique_odd.pdf,
consulté le 12 décembre 2022
36
rédactions fulfulde et mandenkan travaillent en binôme sur les mêmes thématiques. Chaque
semaine, les deux rédactions dressent le même programme avec des sujets identiques pour les
magazines.
Les grilles de programmes de Rfi fulfulde/mandenkan sont inspirées des émissions
emblématiques de Rfi Afrique, diffusées en français. La grille est composée pour chaque
langue, de cinq magazines hebdomadaires qui traitent des thématiques liées aux ODD, un
magazine interactif quotidien qui traite des sujets d’actualités en abordant également les sujets
ODD de manière transversale. Les samedis un récapitulatif de l’actualité de la semaine est
proposé dans le magazine « Semaine actu » et les dimanches le magazine « Grand invité » met
en scène des personnalités évoluant dans différents domaines de la culture dont la littérature et
la musique ou encore des activistes et militants de droits de l’homme. Dans le cadre du projet
Afri’Kibaaru, Rfi Haoussa diffuse une émission exclusivement dédiée aux femmes intitulé en
haoussa « Rayuwata ». En haoussa, le magazine genre réalisé par la rédaction de Lagos, est un
magazine quotidien et non hebdomadaire comme en mandenkan et en fulfulde, traite de sujets
variés, qu’ils concernent exclusivement les femmes ou qu’il s’agisse de thématiques générales
analysées à travers le point de vue des femmes. Chaque magazine dispose d’un groupe
WhatsApp où les auditeurs peuvent interagir avec le journaliste, poser des questions et
participer aux débats.
3. Couverture des thématiques liées aux ODD
Le 14 décembre 2021 marque le premier anniversaire de la diffusion de la nouvelle grille en
mandenkan et en fulfulde, quant au magazine en haoussa consacré aux problématiques de genre,
il est diffusé depuis septembre 2020. Ainsi dans le cadre du projet Afri’Kibaaru, 1121 heures
ont été produites et diffusées en 2021, soit 626 heures pour la langue fulfulde, 365 pour le
mandenkan et 130,5 heures pour le haussa. L’année 2021 étant marquée par la pandémie de la
Covid 19, l’ODD Santé est beaucoup plus à la hausse que les autres ODD, soit 18% pour les
deux langues. Après une année de fonctionnement, les statistiques montrent que l’atteinte des
objectifs fixés en matière de couverture des sujets liés aux ODD est en bonne voie. En effet
selon le premier rapport annuel du projet Afri’Kibaaru, plus de 90% de la production en
fulfulde, mandenkan et haussa prend en compte les ODD.
37
Tableau II: Couverture des thématiques liées aux ODD
Magazines Nom en
fulfulde
Nom en
mandenkan
ODD prioritaire traité34 Jour de
diffusion
Priorité santé Cellal ko ngalu Kɛnɛya jɛmukan ODD 3 : Santé Lundi
Espace femmes Dinngiral
rewbe
Musow ka kɛnɛ ODD 5 : Égalité des sexes / Genre Mardi
Environnement Kiwal taariindi An ka lamini
lamɛn
ODD 6 : Eau et assainissement
ODD 7 : Énergie
ODD 12 : Consommation et
production durables
ODD 13 : Changements climatiques
ODD 14 : Océans
ODD 15 : Forêts, désertification et
biodiversité
Mercredi
Afrique
économie
Faggudu e
bamtaare afrik
Sɔrɔ ko ODD 1 : Pauvreté
ODD 2 : Faim et alimentation
ODD 8 : Croissance économique
ODD 12 : Consommation et
production durables
Jeudi
Le chemin de
l’école
Laawol
ganndal e needi
Kalanso sira kan ODD 4 : Éducation Vendredi
Appels dur
l’actu
On tottaama
kongol
Kuma be aw bolo ODD 16 et éventuellement tous les
ODD selon le sujet d’actualité
abordé
Lundi au
vendredi
Source : l’auteure
34
Selon l’angle abordé le magazine peut traiter à la fois deux ou plusieurs ODD. Le tableau suivant en donne des
exemples
38
Tableau III : Exemple de sujets de magazines abordant à la fois plusieurs ODD
Date diffusion Magazine Thème ODD
12 février 2021 Magazine
éducation
Égalité entre garçons et filles à
l’école
ODD4: Éducation
ODD5: Égalité des sexes/Genre
27 mai 2021 Magazine
Économie
Transformations des produits
forestiers non ligneux (accent
mis sur des femmes
entrepreneures)
ODD8: Croissance économique
ODD12: Consommation et
production durables
ODD5: Égalité des sexes / Genre
03 décembre
2021
Magazine
Interactif
Libre antenne : Coronavirus et
Sida/Association des victimes
de viol du 28 septembre en
Guinée
ODD3: Santé
ODD5: Égalité des sexes / Genre
ODD16: Paix et justice
28 décembre
2021
Magazine
Espace femme
Difficultés liées à l'emploi des
femmes
ODD5: Égalité des sexes / Genre
ODD8: Croissance économique
Source : l’auteure
39
Figure 2 : Prise en compte des ODD dans les magazines fulfulde, mandenkan et haoussa
Figure 3 : Magazines 2021, Répartition par ODD-Mandenkan
Figure 4 : Magazines 2021, Répartition par ODD-Fulfulde
Source : Rapport annuel Afri’Kibaaru 2021
40
5. Le réseau de diffusion Rfi
Les contenus produits sont diffusés à partir d’émetteurs propres à Rfi, les plateformes
numériques : sites internet, pages Facebook, l’application Pure Radio et enfin les reprises par
les radios partenaires. Au cours de l’année 2021, Rfi disposait en émissions propres de 39
émetteurs répartis dans la toute la zone projet. On compte 18 émetteurs pour Rfi Mandenkan,
13 émetteurs pour Rfi fulfulde et 08 émetteurs pour Rfi haoussa.
Dans les pays de la zone projet, les contenus en mandenkan, fulfulde et haoussa sont bien
diffusés depuis le 14 décembre 2020 sur les émetteurs de Rfi dans plusieurs villes
particulièrement dans les zones rurales.
A noter que la notoriété des radios Rfi fulfulde/mandenkan s’agrandit également grâce à ses
radios partenaires qui reprennent les magazines produits et diffusés. Ces radios partenaires sont
au nombre de deux cent trente (230) réparties dans toute la zone projet.
Figure 5 : Émetteurs Rfi et radios partenaires
Émetteurs radios partenaires Rfi
Émetteurs FM Rfi (source Afri’Kibaaru)
41
Figure 6 : Top 12 pays d’origine des auditeurs mandenkan 2021
Figure 7 : Top 12 pays d’origine des auditeurs fulfulde 2021
Source : Afri’Kibaaru
42
6. La politique genre de Afri’Kibaaru
La politique genre du projet, basée sur celle de FMM comprend plusieurs points. Elle prend en
compte les deux composantes du projet à savoir l’aspect production avec la qualité des contenus
et l’aspect formation et renforcement de capacité axé sur les journalistes et techniciens. Cette
politique se décline comme suit :
- Garantir la parité dans les recrutements
Au-delà des contenus, le respect de l’égalité Femme/Homme est une question essentielle pour
FMM et prend forme depuis le recrutement des équipes. Sur les 4 postes de cadres ouverts dans
le cadre du projet (co-rédaction en chef, supervision numérique, reporting), deux (2) sont
occupés par des femmes. L’équipe de journalistes est composée à parts égales de femmes et
d’hommes. Concernant les techniciens, 1 recrutement sur les 3 est une femme autodidacte, dans
un secteur où elles sont très peu représentées.
- Privilégier l’écriture inclusive
Les fiches de postes et rapports, sont rédigées en style d’écriture inclusive afin de mettre
l’accent sur la prise en compte de la parité.
- Former les journalistes à la prise en compte du genre
Deux formations ont été organisées juste après les premiers recrutements au mois de novembre
2020, une à Lagos et une à Dakar. Chaque année une formation recyclage genre est organisée
à la même période pour s’assurer que les journalistes se sont bien imprégnés du sujet et
permettre aux nouveaux arrivants d’être formés.
- Les référentes Genre
Un mécanisme de comptage des interventions d’expertes à l’antenne à Dakar est mis en place
par le projet. Il est géré par deux référentes genre qui sont également les recherchistes des
rédactions fulfulde et mandenkan.
- Production et diffusion de magazines genre
Dans le cadre du projet Afri’Kibaaru, un magazine spécifique dédié aux femmes est produit et
diffusé en haoussa tous les jours du lundi au vendredi, et le même magazine une fois par
semaine pour Rfi en mandenkan et en fulfulde.
- Le Plan d’action genre d’Afri’Kibaaru
Bien que le projet Afri’Kibaaru s’inspire de la politique genre mise en œuvre par FMM, donc
prend en compte le respect de l’égalité homme et femme dans sa mise en œuvre, l’élaboration
d’un plan d’action genre rentre dans le cadre de sa convention de partenariat avec l’AFD,
principal bailleur du projet. Le plan d’action genre élaboré en mars 2022 a été effectué par un
prestataire externe. L’objectif de ce plan d’action est de faire la lumière sur les actions déjà
43
mises en œuvre par Rfi dans le cadre de la promotion de l’égalité femme/homme. De nouvelles
actions seront également proposées pour renforcer le dispositif déjà existant.
Figure 8 : Tableau taux de femmes invitées 2021
Source : Afri’Kibaaru
7. Organigramme
L’équipe projet d’Afri’Kibaaru est assez restreinte, elle est composée :
 D’une Cheffe de projet
 D’une Responsable projet
 D’une Chargée gestion financière
 D’une Responsable reporting (Cf. organigramme)
Ci-dessous l’organigramme des rédactions Rfi mandenkan et Rfi fulfulde.
44
Figure 9 : Organigramme
45
Cette première partie nous a permis d’aborder trois points cruciaux de notre étude, il s’agit de
l’étude conceptuelle avec la définition de nos mots clés. Nous avons pu montrer en quoi
l’emploi de ces concepts est pertinent et utile à notre recherche. Ensuite nous avons passé en
revue des ouvrages, livres et rapports qui nous ont permis d’avoir un aperçu sur la question de
la participation des femmes dans les débats publics. Et enfin, nous avons terminé cette partie
en présentant le cadre organisationnel qui nous a permis de présenter le projet Afri’Kibaaru
porté par FMM et financé par l’AFD, qui se matérialise par la production et la diffusion de
contenus médiatiques sur les radios Rfi mandenkan, Rfi fulfulde et Rfi haussa.
46
PARTIE II : CADRE ANALYTIQUE
ANALYSE DE LA CONTRIBUTION DU PROJET AFRI’KIBAARU A LA PROMOTION
DE LA PARTICIPATION DES FEMMES AUX DEBATS PUBLICS
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  • 1. GROUPE-ISM Agrément/Habilitation n°001373MESRI/DGES/DESP Domaine : Sciences de l’information et de la communication Mention : Communication MEMOIRE Présenté par THIAM Coumba Sous la supervision de : Pr Sidy Alpha NDIAYE Encadreur : M. Mame Sala D. DIENG, Consultant Formateur en communication Pour l’obtention du diplôme de Master In Business Administration Option : Communication, leadership et relations publiques SUJET : Soutenu à Dakar le 28/12/2022 devant le jury composé de : Président : Pr Abdourahman THIAM Structure de Rattachement UCAD Examinateur 1: M. Jean Lucien DIATTA Structure de Rattachement ISM Examinateur 2: M. Mouhamadou Barra LO Structure de Rattachement ISM Année 2021-2022 PROMOTION DE LA PARTICIPATION DES FEMMES AUX DÉBATS PUBLICS EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : LE CAS DU PROJET AFRI’KIBAARU
  • 2. ii AVERTISSEMENT Le contenu de ce mémoire n’engage que l’auteure, il ne reflète ni l’opinion ni la position de France média monde.
  • 3. Résumé : Mon implication dans un projet qui a pour vocation de renforcer les débats publics au Sahel autour des thématiques liées aux ODD, donc autour de sujets de développement, m’a fait revoir mes orientations. Étant une actrice directe dans ce projet (Responsable reporting), j’ai pu réaliser à quel point les femmes ont toujours du mal à participer activement aux débats publics. Malgré les avancées notables au Sahel, sur plusieurs plans, particulièrement l’éducation et les technologies de l’information et de la communication, les femmes restent reléguées au second plan. Quand elles se taisent, elles sont oubliées sur la sphère publique et quand elles parlent la plupart est taxée de féministe. Comment donc garder le juste équilibre et favoriser leur participation aux débats publics en sachant que les femmes constituent plus de la moitié de la population mondiale ? Notre présente étude qui porte sur la promotion de la participation des femmes aux débats publics au Sahel s’est donc donné comme objectif, dans un premier temps, d’analyser la contribution du projet Afri’Kibaaru dans la promotion de la participation des femmes dans les débats publics. D’analyser la stratégie genre mise en œuvre par le projet, mais aussi essayer de déterminer les obstacles liés à la participation des femmes aux débats publics. Nous avons également analysé, l’impact que pourrait avoir une meilleure représentativité des femmes dans les débats publics notamment dans la lutte contre les inégalités liées au genre encore d’actualité. Il est ressorti de ce travail que les pesanteurs socioculturelles restent encore lourdes dans les sociétés sahéliennes en général. Les croyances sociales qui menottent les femmes ont généré d’autres obstacles qui renforcent davantage le mutisme des femmes et le système patriarcal. Cette étude a pu montrer que malgré les efforts mis en place par le projet Afri’Kibaaru, pour favoriser la prise de parole autant des hommes que des femmes, il reste rattrapé par les réalités sociales qui favorisent la prise de parole des hommes et tentent d’inhiber celle des femmes. Pour que les médias parviennent à un certain équilibre, il est primordial que les sociétés évoluent et deviennent plus égalitaires, moins entachées de stéréotypes et de clichés sur les femmes. Mots clés : Débat public, média, leadership féminin, égalité sexes, développement durable.
  • 4. ii Abstract My involvement in a project that aims to strengthen public debates in the Sahel around themes related to the SDGs and therefore around development topics made me review my orientations. Being a direct actor in this project (Reporting manager) I was able to realize how difficult it is for women to participate in an active way on publics debates. Despite notable progress in the Sahel, on several levels, particularly on education and information and communication technologies, women remain relegated to the background. When they are silent, they are forgotten in the public space and when they speak, most are accused of being feminists. So how can we keep the right balance and promote their participation in public debates knowing that women make up more than half of the world's population? Our present study, which focuses on the promotion of women's participation in public debates in the Sahel, set itself the first objective to analyze the contribution of the Afri'Kibaaru's project in the promotion of women's participation in public debates. Analyze the gender strategy implemented by the project and try to highlight the obstacles linked to the participation of women in public debates. We also analyzed the impact that better representation of women in public debates could have, particularly in the fight against gender inequalities that are still relevant. It emerged from this work that socio-cultural constraints are still heavy in Sahelian societies. Social beliefs that handcuff women have generated other barriers that further reinforce women's silence and the patriarchal system. This study was able to show that despite the efforts put in place by Afri'Kibaaru's project to encourage both men and women to speak out, it remains caught up in the social realities that encourage men to speak out and attempt to inhibit women's voice. If media want to achieve balance between men and women, it is essential that societies evolve and become more egalitarian, less tainted by stereotypes and clichés about women
  • 5. i DEDICACE Ce mémoire est entièrement dédié à ma sœur, mon autre, Mariam Thiam.
  • 6. ii REMERCIEMENTS Je tiens en premier lieu, à remercier mon fils, Boubacar Mody Dia, pour sa patience et sa compréhension malgré son si jeune âge. Mes remerciements vont également : A M. Mame Sala Dieng, mon encadrant, qui a su m’orienter au cours de l’élaboration de ce travail et me motiver à persévérer. A ma sœur, ma petite maman, Aicha Thiam, qui a toujours été un exemple pour moi et une épaule sur laquelle compter. A mes frères et mes sœurs pour leur soutien infaillible dans tous mes projets. A l’équipe projet de Afri’Kibaaru, Anne-Marie Capomaccio et Francesca Valli pour leurs encouragements et soutien. A Hamadou T. Sy, Directeur de l’EJICOM, pour sa disponibilité et son soutien. Aux membres des rédactions Rfi mandenkan/fulfulde/haoussa pour leur disponibilité. Merci également à cette promotion exceptionnelle qu’est la CLRP 2021-2022. Enfin, je remercie tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à la réalisation de ce travail.
  • 7. iii SIGLES ET ABREVIATIONS AFD Agence Française de Développement CCC Communication pour le changement de comportement CEDEAO Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest CFI Canal France International (Agence française de développement médias) CODESRIA Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique FMM France médias monde IDH Indicateurs de Développement Humain IEC Information, Éducation, Communication IPAO Institut Panos Afrique de l’Ouest OCDE Organisation de coopération et de développement économiques ODD Objectifs de développement durable OMD Objectifs du millénaire pour le développement ONU Organisation des Nations Unies OSC Organisations de la société civile OXFAM Oxford Committee for Famine Relief PAG Plan d’action genre PESTEL Politique/Économique/Sociologique/Technologique/Environnemental/Légal PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement PNUE Programme des Nations Unies pour l’Environnement RFI Radio France Internationale SWOT Strengths/Weaknesses/Opportunities/Threats UNFPA Fonds des Nations Unies pour la population
  • 8. iv SOMMAIRE INTRODUCTION...................................................................................................................... 1 PARTIE I : CADRE THEORIQUE......................................................................................... 15 CHAPITRE I : ÉTUDE CONCEPTUELLE ........................................................................ 17 CHAPITRE II : LA REVUE DE LA LITTERATURE ....................................................... 27 CHAPITRE III : CADRE ORGANISATIONNEL.............................................................. 31 PARTIE II : CADRE ANALYTIQUE..................................................................................... 46 CHAPITRE I : METHODES ET TECHNIQUES D’INVESTIGATION ........................... 48 CHAPITRE II : DONNEES ET SOURCES-ECHANTILLONNAGE................................ 51 CHAPITRE III : DIAGNOSTIC, ANALYSE ET INTERPRETATION DES RESULTATS .............................................................................................................................................. 55 CHAPITRE IV : RECOMMANDATIONS ......................................................................... 86 CONCLUSION ........................................................................................................................ 90
  • 10. 2 La question de l’autonomisation des femmes est un grand défi à relever en Afrique subsaharienne. Les femmes constituent plus de 50 % de la population, donc une frange importante de la société, dont la contribution pourrait faire pencher la balance du développement de manière positive. La place de la femme a certes beaucoup évolué et des efforts considérables sont consentis par les organismes internationaux, militants des droits de l’homme et aussi des États, toutefois il reste encore beaucoup à faire pour rétablir l’équilibre. Dans la plupart des pays du Sahel, les sociétés sont régies par un système patriarcal qui relègue les femmes au second plan et leurs rôles sont limités le plus dans le cercle familial. Aborder la question de la participation des femmes dans l’espace public revient à soulever les questions liées aux inégalités dont elles sont victimes et qui persistent encore dans nos sociétés. L’accès à l’éducation, les mariages et grossesses précoces, ainsi que les autres inégalités socio- économiques dont sont victimes les femmes se reflètent dans la plupart du temps sur la scène médiatique. En plus d’une faible représentativité dans les débats publics, les femmes sont également victimes de leur genre à travers des contenus médiatiques teintés de clichés et de stéréotypes. Les médias accordent plus d’avantages aux hommes, qui sont mis en avant dans les débats publics en tant que politiques, experts ou acteurs de développement. Le développement des technologies de l’information et de la communication ainsi que de l’entrepreneuriat ont participé à repositionner la femme comme actrice de développement notamment dans les pays du Sahel. Cette évolution a contribué à atténuer cette image de la femme, mère et femme au foyer tant médiatisée, il y a des années de cela. L’image des femmes dans les contenus médiatiques s’est considérablement améliorée au fil du temps et les médias s’intéressent aux femmes politiques, militantes, entrepreneures, aux associations et coopératives féminines. Si les médias contribuent à valoriser la promotion des femmes, il n’en demeure pas moins un outil qui perpétue les croyances sociales en plaçant la femme au cœur des thématiques concernant la santé, la beauté ou le people1 . Les femmes sont visibles dans les médias, mais cette représentativité n’est pas significative par rapport au nombre de femmes vivant au Sahel et par rapport à leur contribution dans la société, que ce soit sur le plan économique que politique. « Des recherches menées dans plus de 100 pays ont montré que 46 % des actualités, tant dans la presse écrite qu’à la radio et à la télévision, comprennent des stéréotypes sexistes. Seuls 6 % des articles mettent en avant l’égalité des sexes. Dans l’ombre, les hommes occupent encore 73 % des postes de cadres supérieurs dans les médias, d’après une autre étude internationale qui s’est penchée sur 522 organismes 1 La rubrique qui concerne les célébrités dans les médias
  • 11. 3 d’information médiatique »2 . Alors que les femmes représentent la moitié de la population mondiale, moins d’un tiers des personnages qui ont la parole dans les films sont de sexe féminin. De nombreux engagements internationaux concernant les femmes ont pourtant été adoptés notamment la Déclaration de Beijing de 1995 ainsi que les résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité des Nations Unies dont la résolution 1325 (2000) sur les « femmes, la paix et la sécurité ». Au niveau africain, on retiendra particulièrement les engagements pris par les organisations régionales en particulier l’Union Africaine et la CEDEAO pour une participation accrue des femmes à la gouvernance et au sein des processus électoraux. Dans le prolongement de ces engagements, certains États ont également adopté et mettent en œuvre des plans nationaux concernant la promotion des femmes3 . Des stratégies nationales qui s’alignent sur les ODD et qui ont pour principal objet de promouvoir et d’arriver à l’égalité entre les femmes et les hommes, et cela dans les différents secteurs. Ces États signataires de la Déclaration de Beijing, dont font partie les pays concernés4 par le projet Afri’Kibaaru, ont convenu que le nombre de femmes présentes dans les médias devait augmenter, notamment à des postes décisionnels. Plus d’efforts devraient également être consentis pour présenter les femmes comme des leaders et des modèles à suivre et pour abandonner les stéréotypes. Le pluralisme des opinions est un fondement essentiel de la démocratie. Les grands enjeux de la société se débattent à partir de points de vue différents venant d’hommes et de femmes qui la constituent. Campbell (1996) avait émis la remarque suivante : « Les vérités ne marchent pas sur leurs propres jambes. Elles sont portées par des gens qui les transmettent à d’autres. Elles doivent être présentées, défendues et répandues par le langage, les arguments et les appels ». Ainsi les femmes, étant les principales concernées par les inégalités de traitement liées au genre, sont plus aptes et mieux placées pour défendre leur cause. D’énormes défis restent encore à relever pour que les femmes puissent pleinement participer aux débats publics et être mieux représentées dans les médias. Leur contribution pourrait avoir un impact considérable dans l’atteinte des Objectifs de développement durable définis par l’ONU, en particulier les objectifs 5 et 16 : égalité entre les sexes et paix, justice et institutions efficaces. Une meilleure représentation des femmes dans les médias, une prise en compte accrue des enjeux liés au genre, à la fois dans les politiques éditoriales, dans les standards et modes de fonctionnement des médias, participeront fortement à réduire les inégalités et à la construction 2 UNWOMEN, https://beijing20.unwomen.org/fr/in-focus/media, consulté le 11 avril 2022. 3 Politique Nationale Genre (PNG) : Burkina Faso (2009), Cameroun (2014), Mali (2011), Mauritanie (2015), Niger (2008), Nigéria (2008) Sénégal (2015), Tchad (2011). 4 Mauritanie, Sénégal, Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad, Cameroun et Nigeria
  • 12. 4 d’une société plus égalitaire. C’est dans cette perspective qu’a été lancé le projet Afri’Kibaaru, porté par le groupe France Médias Monde et financé par l’Agence Française de développement (AFD). Le projet regroupe les radios Rfi fulfulde, Rfi mandenkan et Rfi haoussa. Son objectif est de mettre à la disposition des populations du grand Sahel des contenus médiatiques fiables, accessibles et attractifs pour appréhender le développement durable et leur permettre ainsi de devenir acteurs de leur mise en œuvre. Cette partie introductive de notre travail s’articulera sur plusieurs points, dont le premier sera un survol du contexte général de la participation des femmes aux débats publics en Afrique subsaharienne. Ensuite, de manière plus spécifique, nous aborderons la problématique, les hypothèses de notre recherche, puis nous présenterons le cadre et le champ d’étude, et enfin, nous tacherons d’expliquer en quoi ce travail est pertinent et les résultats attendus.
  • 13. 5 I. Contexte général de la participation des femmes aux débats publics en Afrique subsaharienne Les pays en voie de développement sont confrontés à plusieurs difficultés d’ordre économique, social ou encore environnemental. Les pays de l’Afrique subsaharienne n’échappent pas à cette réalité. Instabilité politique, pauvreté et famine minent la région sans oublier les crises humanitaires et sécuritaires qui sont devenues récurrentes. Les pays du Sahel, font partie des pays les plus pauvres au monde. Pourtant, c’est une région riche en ressources minières et potentiel humain. Selon OXFAM, 20 % de la population sahélienne, soit 24 millions de personnes, ont besoin d’une assistance humanitaire d’urgence en termes d’abris, d’accès à l’eau, à la nourriture et à des moyens d’existence, aux soins de santé, à l’éducation et à une protection effective et non-discriminée. C’est dans ce contexte de vulnérabilité qu’évoluent les femmes et les inégalités dont elles sont victimes n’en sont qu’exacerbées. Il faut également souligner que les effets combinés de la Covid-19 et des crises internationales récentes n’ont pas été favorables à la condition de la femme particulièrement dans le domaine de l’éducation des jeunes filles et les violences basées sur le genre. Le score moyen de l’Indice de genre en Afrique pour 2019 est de 48,6 %, pour ce qui est de l’Afrique « Au niveau régional, les différences sont notables. C’est dans la région du Sahel que la situation reste préoccupante »5 . Le rapport sur l’indice de genre en Afrique fait le point sur les progrès accomplis en Afrique en matière d’égalité des chances des femmes et des hommes, d’accès aux services et de participation à la vie civile et politique. Il met l’accent sur cinq domaines : femmes éducation et santé, jeunes femmes et emplois, développement agricole, changement climatique et énergie et leadership. Les inégalités en matière d’éducation de base sont faibles cependant peu de filles étudient certaines matières clés notamment les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques. De manière générale les différences entre le nombre d’hommes et de femmes occupant des postes de direction et de représentation sont très marquées en Afrique. L’Indice de genre concernant la dimension « autonomisation et représentation » qui est de 21,3 % montre un énorme écart entre les genres (rapport sur l’indice de genre en Afrique, 2019). La différence d’accès à l’éducation conduit également à une moindre présence des femmes dans les instances décisionnelles et les domaines spécifiques comme la science. Cette inégalité des chances perpétrée depuis le bas âge à un impact considérable sur la visibilité des femmes dans 5 Rapport sur l’indice de genre en Afrique, 2019. Groupe de la Banque Africaine de Développement et la Commission économique pour l’Afrique des Nations Unis, publication mars 2020
  • 14. 6 l’espace public et le développement du leadership féminin. Il s’y ajoute le poids de la société encore ancrée dans une culture où la place de la femme est au foyer et non dans la sphère publique ou les instances de prise de décision. Toutefois, avec l’essor des technologies de l’information et de la communication le paysage médiatique en Afrique de l’Ouest a connu une réelle révolution offrant ainsi plus d’espace aux femmes. De l’ère des indépendances aux années 1980, la sphère médiatique était dominée par le monopole avec les télévisions nationales. La libéralisation des ondes à partir des années 1990 a favorisé l’essor des médias, particulièrement les radios privées et communautaires. C’est au cours des années 2000 avec l’avènement des nouvelles technologies de l’information et de la communication que l’on assiste à une démocratisation sans précédent du secteur médiatique. Les premières chaînes de télévision privées commencent à voir le jour proposant des programmes beaucoup plus diversifiés. Elles gagnent en notoriété grâce aux programmes et à l’actualité proposés qui reflètent davantage le quotidien et les préoccupations des populations locales. La presse en ligne, qui n’était accessible qu’à un certain de nombre de privilégiés, connaît un succès fulgurant notamment avec la multiplication des opérateurs de télécommunication et les smartphones. Dans les zones les plus rurales des pays du Sahel, où l’accès à Internet et à l’électricité est encore limité, la radio reste le principal média par lequel les populations s’informent. Il s’agit également du média le plus approprié pour toucher les populations nomades et les personnes en situation de déplacement forcé, faits récurrents en Afrique subsaharienne. C’est dans cette optique que le groupe FMM a mis en œuvre le projet Afri’Kibaaru qui participe à la vulgarisation auprès des populations du Sahel, des thématiques liées aux ODD qui répondent aux défis mondiaux concernant entre autres, la pauvreté, l’éducation, les inégalités, le climat, la paix et la justice. Parmi toutes ces thématiques, la question de la réduction des inégalités entre homme et femme apparaît comme un volet essentiel pour le projet. Des inégalités qui, malheureusement, se reflètent également dans les médias.
  • 15. 7 II. La problématique La question de la participation des femmes aux débats publics en Afrique subsaharienne constitue une préoccupation centrale dans le cadre de la lutte contre les inégalités subies par les femmes. Avec une population féminine de plus de 50 %6 en Afrique de l’Ouest, les femmes sont pourtant quasiment invisibles sur la sphère médiatique et particulièrement quand il s’agit de thématiques liées à la politique, l’économie, la science, la recherche voire même des sujets qui les concernent directement. Le peu de femmes mises en avant intervient le plus souvent sur les thématiques teintées de stéréotypes de genre comme la santé, la beauté ou la mode. Dans la scène médiatique, les femmes sont souvent représentées en tant que victimes et très peu interviennent en tant qu’experte ou actrice de développement. Et pourtant, les femmes font partie intégrante de la société et participent activement dans tous les secteurs d’activités notamment l’économie et la politique. S’agissant de l’agriculture par exemple, qui représente le premier secteur de l’économie, les femmes alors qu’elles produisent 70 à 80 % des denrées alimentaires ne représentent qu’un dixième des propriétaires fonciers. Elles ont entre 30 et 50 % moins d’accès aux intrants et à la traction animale que les hommes. Des données encore plus frappantes montrent que les femmes ne représentent que 8 % des propriétaires fonciers et accèdent à seulement 10 % du crédit disponible en Afrique de l'Ouest7 . En Afrique subsaharienne, les inégalités liées au genre perdurent dans la mesure où les sociétés sont fortement dominées par le patriarcat. Le poids de la tradition agit sur la perception et la place accordée aux femmes et se reflète de facto dans les médias. Cette discrimination, transposée dans les médias, ne contribue pas favorablement à l’amélioration de l’image de la femme en tant qu’actrices essentielles au développement socioéconomique. Ainsi les médias qui constituent un acteur clé de la démocratie agissent comme un instrument de renforcement des stéréotypes et de la discrimination à l’égard des femmes. Le drame est que souvent les femmes, elles-mêmes, contribuent à perpétuer ces perceptions et croyances dans leurs témoignages dans les médias. Dans sa politique genre, le projet Afri’Kibaaru envisage, à défaut d’arriver à 50 % de participation féminine à l’antenne, de réduire considérablement les inégalités entre les hommes et les femmes à l’antenne. Le premier bilan de Afri’Kibaaru qui affiche un taux global de 6 Données de la Banque mondiale, https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SP.POP.TOTL.FE.ZS?locations=ZG, consulté le 6 septembre 2022 7 Vers l’autonomisation des femmes en milieu rural en Afrique, Les dossiers WillAgri 2019
  • 16. 8 représentativité féminine peu satisfaisant pour les rédactions mandenkan et fulfulde, montre que le projet est encore loin de ses objectifs. En effet les rédactions fulfulde et mandenkan sont confrontées à d’énormes difficultés pour avoir des femmes comme invitées à l’antenne. Les rédactions disposent pourtant chacune d’une Recherchiste et référente genre chargée de faciliter la recherche de sources particulièrement celles féminines. Cependant le résultat reste faible. Lors de notre entretien exploratoire avec la recherchiste de la rédaction mandenkan, Bintou Cissé, il en est ressorti le constat suivant : « Il est difficile de trouver certains profils dans des domaines souvent considérés comme masculin dans nos sociétés. Et des fois, on trouve des femmes expertes, capables de passer à l’antenne mais qui désistent à la dernière minute. Certaines nous proposent leurs supérieurs, qui se trouve être des hommes. » La sous-représentation des femmes à l’antenne montre que les femmes ont une moindre participation dans les débats publics en Afrique subsaharienne. Malgré les efforts déployés par les rédactions, un nombre encore insuffisant de femmes intervient dans les émissions diffusées. Un fait qui n’est pas propre qu’aux deux rédactions, mais qui concerne pratiquement tout le milieu médiatique africain. Une publication de Birame Faye, journaliste et coordonnateur régional médias à l’Institut Panos Afrique de l’Ouest, en fait état : « En Afrique, dans 30 pays, 3 687 contenus médiatiques provenant de médias traditionnels et de nouveaux médias ont été analysés en 2020. Cette étude a montré que la présence des femmes comme sources et sujets traités n’a pas dépassé 22 %, contre 19 % en 2010. » Cette même publication affirme qu’à l’issue d’études menées par l’Institut Panos Afrique de l’Ouest (IPAO) « en 2020, au Mali, au Niger et au Sénégal, seules 9 % des personnes interrogées par les médias sont des femmes, et cela en dépit de l’existence d’une expertise féminine ». Ces constats montrent que les femmes occupent une place dérisoire dans la sphère médiatique en termes de source fiable. Elles sont particulièrement mises en arrière-plan lorsqu’il s’agit de débattre sur des sujets de développement, d’économie ou de politique. Et celles qui sont généralement mise en avant dans les médias, consciemment ou inconsciemment, ne font que contribuer à fortifier les idées reçues et les stéréotypes sur les femmes. Ce qui nous amène à analyser la contribution du projet Afri’Kibaaru pour une meilleure représentativité des femmes dans les débats publics. Il s’agit de voir si la réponse proposée par Afri’Kibaaru a un impact significatif sur la visibilité et la valorisation des femmes dans la sphère publique. Autant de questionnements qui nous permettra de réfléchir sur le thème : « Promotion de la participation des femmes aux débats publics en Afrique subsaharienne : le cas du projet Afri’Kibaaru ».
  • 17. 9 Pour ce faire, dans le cadre de cette recherche, nous nous fixons comme point d’ancrage la question centrale suivante : Quelle est la contribution du projet Afri’Kibaaru dans la promotion de la participation des femmes aux débats publics ? De cette question centrale, découlent les questions spécifiques suivantes auxquelles notre étude tentera d’apporter des réponses :  Est-ce que la stratégie genre mise en œuvre par Afri’Kibaaru est efficace ?  Qu’est ce qui explique le fait que les femmes soient peu représentées dans les débats publics au Sahel ?  Dans quelle mesure la sous-représentation des femmes dans les débats publics peut avoir un impact sur la lutte contre les inégalités liées au genre ? III. Les Hypothèses de recherche A l’issue de notre question centrale de recherche et des questions subsidiaires qui en découlent, nous émettons les hypothèses suivantes : 1. Hypothèse générale Le projet Afri’Kibaaru contribue positivement à la promotion de la participation des femmes aux débats publics. 2. Hypothèses secondaires  La stratégie genre mise en œuvre par le projet Afri’Kibaaru est efficace  A l’image de la société, les femmes sont victimes d’inégalité de traitement par les médias.  Un accès limité à la formation, l’éducation et aux ressources économiques constitue un obstacle à la promotion des femmes dans l’espace public
  • 18. 10 IV. Présentation du cadre et du champ d’étude 1. Le cadre de l’étude Le cadre de notre étude concerne la zone du Sahel où s’étend le projet Afri’Kibaaru sur lequel porte ce travail. Les huit pays suivants sont concernés : Burkina Faso, Cameroun, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal et Tchad. En 2021 la population de cette tranche du Sahel est estimée par la Banque mondiale à 348 529 773 habitants soit 22 100 683 pour le Burkina Faso, 27 198 628 pour le Cameroun, 21 904 983 pour le Mali, 4 614 974 pour la Mauritanie, 25 252 722 pour le Niger, 213 401 323 pour le Nigeria, 16 876 720 pour le Sénégal et 17 179 740 pour le Tchad8 . Le Sahel est une région riche en potentiel humain et de développement, mais elle fait malheureusement face à une crise multidimensionnelle. Les inégalités profondes qui séparent certaines strates des populations nourrissent de nombreuses crises et conflits dans la région : politique, de déplacements forcés, humanitaire, économique, environnementale, climatique, alimentaire et sécuritaire. Avec 64,5 % de sa population ayant moins de 25 ans, le Sahel est l’une des régions les plus jeunes du monde9 . Le PNUD a calculé à ce sujet un indice de genre qui mesure le déficit de progrès résultant d’inégalités subies par femme par rapport aux hommes. Sur les 162 pays classés pour l’année 2018, le Tchad, le Mali et le Niger figurent parmi les 10 pays ayant les inégalités de genre les plus élevées, suivis par le Burkina Faso et le Cameroun (classés respectivement à la 147ème et à la 140ème place). Depuis la pandémie, les conditions de vie des plus démunis se sont de plus en plus dégradées. Au Sénégal, en Mauritanie, au Burkina Faso, au Mali et au Niger, la moitié de la population vit avec moins de 2 dollars par jour. En effet, le Sahel connaît une croissance démographique élevée, et les indicateurs de développement humain (IDH) sont insuffisants. Quatre pays sahéliens (le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Tchad) sont classés parmi les dix derniers pays en termes d’IDH10 . 8 Source : Banque mondiale, https://donnees.banquemondiale.org/indicator/SP.POP.TOTL?locations=ZG, consulté le 7 janvier 2023. 9 Source : Oxfam, https://www.oxfamfrance.org/financement-du-developpement/qu-est-ce-que-le-sahel/, consulté le 17 octobre 2022. 10 L’IDH est calculé à partir de plusieurs indicateurs, tels que : l’espérance de vie à la naissance, le niveau d’éducation et le revenu national brut par habitant. Source : Oxfam, https://www.oxfamfrance.org/financement- du-developpement/qu-est-ce-que-le-sahel/, consulté le 17 octobre 2022.
  • 19. 11 1.1.Les femmes dans l’espace public médiatique au Sahel La différence dans l’accès à l’éducation entre garçon et fille a, en partie, comme effet une faible présence des femmes dans la sphère économique, politique et médiatique. La Mauritanie par exemple est classée en dernière position sur l’entrepreneuriat des femmes en Afrique par la Banque mondiale. Au niveau politique, les femmes n’y occupent qu’un siège parlementaire sur cinq. La représentation des femmes hors de la sphère étant encore limitée, cette inégalité de genre s’observe aussi dans le secteur des médias, que ce soit vis-à-vis des expertes invitées ou des journalistes. On compte ainsi moins de 30 % de femmes parmi les journalistes et les animateurs vedettes des médias d’Afrique francophone11 . 1.2.Les obstacles socioculturels Les sociétés sahéliennes sont globalement acquises à une division sexuée des rôles qui relègue les femmes dans la sphère privée. Dès leur plus jeune âge, les petites filles sont initiées aux tâches ménagères, aux soins de leurs plus jeunes frères et sœurs ; on les exerce au calme, à la patience, à l’obéissance, aux habitudes casanières, etc. Cette conception est défavorable à l’acception du leadership des femmes en faisant de la politique et de la sphère publique, la « chasse gardée » des hommes. 1.3.Les obstacles institutionnels et politiques Les obstacles institutionnels et politiques mettent en relief le fossé existant entre la multiplication des textes novateurs en matière de la promotion politique des femmes et la persistance de leur sous-représentation au sein de l’espace politique. Les États sahéliens ont adopté à plusieurs niveaux des textes qui mettent en avant le droit des femmes à participer aux activités politiques et à exercer des responsabilités politiques au même titre que leurs concitoyens de sexe masculin. Or, en dépit de la prolifération de ces textes, les femmes restent sous-représentées dans les instances de décision, tant au niveau national que régional. 2. Délimitation du champ de l’étude Avec l’essor des technologies de l’information et de la communication le paysage médiatique en Afrique de l’Ouest a connu une réelle révolution. De l’ère des indépendances aux années 1980, la sphère médiatique était dominée par le monopole avec les télévisions nationales. La libéralisation des ondes à partir des années 1990 a favorisé le développement des médias, 11 https://www.esfand.fr/post/genre-et-medias-au-sahel, 12 octobre 2022.
  • 20. 12 particulièrement les radios privées et communautaires. C’est au cours des années 2000 avec l’avènement des technologies de l’information et de la communication que l’on assiste à une démocratisation sans précédent du secteur médiatique. Cependant malgré un développement fulgurant des médias, la question de la représentativité des femmes et la valorisation du leadership féminin restent encore un défi. Une étude d’Article 19 au Sénégal indique que les femmes occupent une place minime comme thème d’information. Et cela, même dans des domaines où leurs rôles, leurs activités ou leurs statuts et leurs responsabilités les interpellent au premier plan. Des études menées par l’Institut Panos Afrique de l’Ouest (IPAO) en 2020, au Mali, au Niger et au Sénégal, ont montré que seules 9 % des personnes interrogées par les médias sont des femmes, en dépit de l’existence d’une expertise féminine. Malgré le développement des technologies de l’information et de la communication le pourcentage élevé de femmes au Sahel (plus de 50 %), la participation des femmes dans les débats publics notamment sur les sujets portant sur le développement durable, reste encore très faible. Ce travail de recherche nous permettra d’analyser cette situation à travers la composante A du projet Afri’Kibaaru, portée par FMM et de voir dans quelle mesure elle contribue à la promotion de la prise de parole des femmes dans l’espace public et donc du leadership féminin. Nous nous sommes focalisés sur la période de janvier à décembre 2021 correspondant à la première année de l’exécution du projet. V. Pertinence de la recherche Les femmes font partie des couches les plus vulnérables particulièrement dans les pays du Sahel qui figurent sur la liste des pays les plus pauvres dans le monde. Elles sont confrontées à d’innombrables difficultés tant sur le plan économique que social et subissent en conséquence des injustices justifiées par leur statut de femme souvent relégué au second plan. L’image de la société se reflète sur les médias, qui par ailleurs, n’accordent pas assez d’espace aux femmes et participent ainsi de manière consciente ou inconsciente à véhiculer et à renforcer les stéréotypes de genre. Les femmes font partie intégrante de la société et constituent plus de la moitié de la population, c’est donc un impératif qu’elles fassent entendre leur voix pour lever le voile sur les injustices et inégalités dont elles sont objets. Une participation plus accrue dans les débats publics permettra aux femmes d’être au centre même des sujets qui les concernent et de participer à l’élaboration de solutions plus appropriées. Cette recherche vise, dans un premier temps à sensibiliser les acteurs médiatiques sur l’importance voire la nécessité de tendre
  • 21. 13 davantage le micro aux femmes, non sur des sujets souvent attribués aux femmes comme la mode et la santé, mais sur des thématiques de développement telles que l’économie, la science ou la politique, qui interpellent également les femmes. Cette recherche se donne également comme mission d’inviter les femmes entrepreneures, spécialistes, expertes ou non à occuper l’espace public et participer activement aux débats publics afin de partager leurs connaissances et opinions sur les questions importantes de la société. Nous pensons également que la participation active des femmes aux débats publics pourrait avoir un impact considérable dans la vulgarisation et l’appropriation des thématiques liées aux ODD, particulièrement l’ODD 5 : égalité des sexes/genre, mais aussi les ODD 3, 8 et 13 à savoir la santé, la croissance économique et les changements climatiques. Les femmes, en plus d’occuper une place non négligeable dans l’économie particulièrement dans le secteur informel, sont en première ligne sur les questions de santé mais aussi celles liées aux changements climatiques et à la production durable. Les médias ont la lourde et louable responsabilité de faire émerger des figures de rôles modèles pour motiver plus de femmes à prendre la parole, mais aussi, à influencer les jeunes filles à étudier et à prendre la relève. VI. Les objectifs de recherche 1. Objectif général L’objectif principal de ce travail de recherche est d’analyser la contribution du projet Afri’Kibaaru dans la promotion de la participation des femmes dans les débats publics dans la zone du Sahel. 2. Objectifs spécifiques De manière spécifique, cette étude nous permettra également :  D’analyser la stratégie genre mise en œuvre par le projet Afri’Kibaaru.  De déterminer les facteurs de blocages de la participation des femmes aux débats publics et de manière plus spécifique dans le cadre du projet Afri’Kibaaru.  D’analyser l’impact que peut avoir une meilleure représentativité des femmes dans les débats publics notamment dans la vulgarisation des thématiques liés aux ODD.
  • 22. 14 VII. Annonce discursive du plan L’étape introductive nous a permis d’aborder le contexte de notre étude, de la situer dans le temps et l’espace, de soulever la problématique et émettre des hypothèses avant d’énumérer les résultats attendus. Dans la partie suivante de notre travail, il s’agira d’analyser le cadre théorique avec, dans un premier temps la définition des concepts clés de cette étude à savoir le débat public, le genre, l’égalité des sexes, médias, Sahel, leadership féminin et la communication sociale. La revue de la littérature nous a permis de faire un tour sur les écrits concernant notre thématique. Nous avons également présenté le cadre organisationnel. Ensuite, dans la seconde partie, nous nous sommes penchés sur le cadre analytique avec les méthodes et techniques d’investigations utilisées, composées essentiellement d’une exploration documentaire et d’études qualitatives avec des entrevues semi-directives, un questionnaire en ligne et enfin un focus group. Les résultats de la recherche seront ensuite présentés. Ainsi pour chacune des collectes de données effectuées, nous avons fait sortir les points saillants et pertinents en lien avec les objectifs de notre recherche avant de procéder à l’analyse et à l’interprétation des résultats. Cette synthèse nous permettra par la suite d’apporter des éléments de réponses à nos questions de recherches. Avant de conclure cette recherche, nous tâcherons d’émettre des recommandations afin d’améliorer la représentation et la participation des femmes dans les débats publics au Sahel.
  • 23. 15 PARTIE I : CADRE THEORIQUE
  • 24. 16 Le cadre théorique est l’une des grandes parties de notre travail. Elle est composée en premier lieu de l’étude conceptuelle, puis d’une revue de la littérature qui fera une synthèse des travaux antérieurs sur la représentation des femmes dans les médias ainsi que la participation des femmes dans les débats publics. Nous terminerons cette partie avec la présentation du cadre organisationnel de notre étude. L’étude conceptuelle est une étape cruciale de la recherche qui nous permet d’aborder l’utilité et le mode d’emploi des concepts. Pour une meilleure compréhension de notre travail, nous allons commencer par une définition des concepts clés de notre thème de recherche à savoir : débat public, développement durable, genre, média, Sahel, leadership féminin et communication sociale. Après avoir défini les concepts clés de notre recherche, nous allons dans le deuxième chapitre nous pencher sur les ouvrages et les écrits en lien avec notre sujet de recherche. Il est important de souligner que dans le cadre de ce travail nous n’avons pas pu trouver assez d’écrits sur la participation des femmes dans les débats publics ou dans l’espace public. La plupart des ouvrages cités concerne l’espace public français mais reste en lien avec notre étude. Le troisième chapitre qui clos la première partie de notre travail présentera le cadre organisationnel de la recherche à savoir le projet Afri’Kibaaru porté par F3M une filiale de FMM. Nous reviendrons en large sur la présentation générale du projet ainsi que le groupe FMM et les radios Rfi mandenkan, fulfulde et haoussa.
  • 25. 17 CHAPITRE I : ÉTUDE CONCEPTUELLE I. Débat public La notion de débat public est souvent comprise, dans le langage commun, comme l’ensemble des éléments d’un sujet qui fait débat dans les médias et auprès du grand public et entraîne des prises de position publiques. Cette définition large n’est pas celle retenue dans ce travail qui se veut plus précis. Trois conditions déterminent alors la réalisation d’un débat public : Un dispositif ponctuel doit être organisé ; il ne doit pas être pérenne, c’est-à-dire qu’il doit comporter un début et une fin ; Il s’agit d’un dispositif qui doit permettre « le débat », c’est-à-dire l’échange, la discussion, l’argumentation, l’expression de différends, la controverse… ; à contrario, cela signifie qu’une simple réunion publique ne constitue pas forcément un débat public, si elle se limite à diffuser de l’information ou à faire entendre des points de vue, sans véritable échange ; Enfin, le dispositif doit se dérouler « en public » c’est-à-dire de manière accessible et non restreinte ou « privée » ; ainsi, des focus group ou des ateliers citoyens rendant un avis à une autorité sans démarche publique de discussion, ne constituent pas des dispositifs de débat public ; en sens inverse, le fait que le débat se déroule sur Internet n’empêche pas son caractère « public », à partir du moment où l’échange est accessible à tous12 . Ainsi définie, la notion de débat public se rattache au concept de démocratie et de liberté d’expression plus que par le principe de la participation au pouvoir de décider, qui constitue l’autre versant du concept démocratique. Si la notion de débat public présuppose la capacité d’accès public au débat, elle ne définit pas pour autant le type de participants. Ceux-ci peuvent être variés : acteurs institutionnels, politiques, leaders d’opinions, société civile, citoyens, etc. A la question : « Le débat public est-il une chance pour la démocratie ou seulement un faire- valoir pour entretenir son illusion ? », Patrick Charaudeau (2017) souligne que la réponse à cette question dépend d’une « condition préalable » à savoir que le débat public fasse clairement « émerger les opinions et les arguments » pour que les citoyens puissent « aboutir à une prise de décision » réelle. Selon Charaudeau (2017) : « L’activité de débat est donc au fondement même du pouvoir politique qui prend sa source dans le démos ». Le débat public selon cet auteur, est à la fois un enjeu de vérité, de pouvoir et démocratie qui favorise le débat collectif car « c’est par la controverse que commence la possibilité d’une participation lucide et 12 Rapport d’étude « Pour un débat citoyen sur la santé plus actif », Cabinet Planète Publique, Juillet 2011
  • 26. 18 responsable à la vie sociale et politique, c’est par la controverse que peut se développer et s’entretenir une "culture du dissensus", fondement même du dialogue social »13 . On ne peut parler de débat public sans soulever le concept « espace public », en d’autres termes scène sur laquelle se déroule le débat. Habermas (1962) est le théoricien principal de ce concept qu’il formule pour la première fois dans son ouvrage, Strukturwandel der Öffentlichkeit (« L’espace public »). Depuis l’espace public est devenu l’un des concepts les plus débattus dans le champ des sciences sociales, et particulièrement en communication. « Alain Létourneau (2001) a résumé ce concept phare en un paragraphe, en rappelant sa filiation avec la tradition kantienne : L’espace public, c’est un ensemble de personnes privées rassemblées pour discuter des questions d’intérêt commun. Cette idée prend naissance dans l’Europe moderne, dans la constitution des espaces publics bourgeois qui interviennent comme contrepoids des pouvoirs absolutistes. Ces espaces ont pour but de médiatiser la société et l’État, en tenant l’État responsable devant la société par la publicité, la Öffentlichkeit dont parlait Kant. ».14 Dans le cadre de cette recherche, la notion de « débat public » dépasse le cercle des experts, politique et leaders d’opinions qui sont le plus souvent mis sous le feu des projecteurs, mais il s’agit de la prise de parole des femmes, leaders, politique ou de manière plus spécifique de simples citoyennes au sein de l’espace public. Par espace public, nous faisons référence à un espace communicationnel notamment avec les médias et non un espace géographique. II. Développement durable Le développement durable est une forme de développement économique ayant pour objectif principal de concilier le progrès économique et social avec la préservation de l'environnement, ce dernier étant considéré comme un patrimoine devant être transmis aux générations futures15 . La Commission Mondiale pour l'Environnement et le Développement de l'ONU, en donne la définition suivante : « Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la possibilité, pour les générations à venir, de pouvoir répondre à leurs propres besoins. ». 13 Le Débat public. Entre controverse et polémique. Enjeu de vérité, enjeu de pouvoir, Patrick Charaudeau. Compte rendu de Thierry Guilbert, file:///C:/Users/utilisateur1/Downloads/LS_164_0180.pdf, consulté le 9 décembre 2022. 14 L'espace public : concept fondateur de la communication, Marc Lits, Dans Hermès, La Revue 2014, https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2014-3-page-77.htm , consulté le 7 novembre 2022. 15 Définition donnée par le dictionnaire La Toupie (en ligne) https://www.toupie.org/Dictionnaire/Developpement_durable.htm,consulté le 7 novembre 2022.
  • 27. 19 En 2000, lors du sommet du Millénaire de l’ONU, les dirigeants mondiaux se sont engagés sur 8 objectifs chiffrés appelés Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), qui avait pour objectif de réduire considérablement la pauvreté à l’horizon 2015. En 2015, l’Assemblée générale des Nations unies entend poursuivre la dynamique des OMD dans le cadre d’un nouveau programme intitulé Objectifs pour le développement durable (ODD). Un programme qui se fixe 17 ODD à réaliser par tous les pays et toutes les parties prenantes à l’horizon 2030. Le développement durable prend en compte de manière spécifique plusieurs aspects du développement à savoir l’économie, le social, paix et justice, l’environnement et l’égalité entre homme et femme. La question du genre est particulièrement prise en compte dans tout ce processus de développement ce qui lui confère cet aspect transversal qui joint finalement tous les autres ODD. Il est également pertinent de rappeler que depuis près d’une cinquantaine d’années des efforts sont consentis par les organismes internationaux et les États pour apporter des solutions aux questions de développement durable particulièrement l’environnement. Ainsi, en 1972 se tient à Stockholm la Conférence des Nations Unies sur l'environnement. Il s’agit de la première conférence mondiale qui fait de l’environnement une question majeure. Les participants y adoptent une série de principes pour une gestion écologiquement rationnelle de l'environnement dont la Déclaration de Stockholm, le Plan d’action pour l’environnement ainsi que plusieurs résolutions. La Déclaration de Stockholm a marqué le début d'un dialogue entre pays industrialisés et pays en développement concernant le lien qui existe entre la croissance économique, la pollution de l'indivis mondial (l'air, l'eau, les océans) et le bien-être des peuples dans le monde entier. Elle contient 26 principes. Une des grandes décisions de cette conférence fut la création du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE)16 . Vingt ans plus tard, en juin 1992 à Rio de Janeiro (Brésil), la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, connue sous le nom de Sommet "planète Terre", a adopté une déclaration qui a fait progresser le concept des droits et des responsabilités des pays dans le domaine de l'environnement. La rencontre de Rio de Janeiro a souligné la façon dont les différents facteurs sociaux, économiques et environnementaux sont interdépendants et évoluent ensemble. Les objectifs premiers de ce sommet étaient de produire un agenda large et un nouveau plan pour l'action 16 Sources : Nations Unies, https://www.un.org/fr/conferences/environment/stockholm1972, consulté le 9 décembre 2022.
  • 28. 20 internationale sur les questions d'environnement et de développement qui aideraient à guider la coopération internationale et la politique de développement durant le XXIe siècle17 . Toutefois, étant donné que les grandes conventions internationales en matière d’environnement de droits de l’homme ou du travail tardent à être ratifiées et mises en œuvre par certains pays, les Nations Unies interpellent les entreprises pour qu’elles s’engagent directement. L’initiative du Pacte Mondial (Global Compact) lancée par le Secrétaire général des Nations Unies en 1999 à Davos vise à faire prendre des engagements aux entreprises sur 9 principes tirés des accords internationaux : la Déclaration universelle des droits de l’Homme, la Déclaration de l’Organisation Internationale du Travail relative aux principes et droits fondamentaux du travail et la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement18 . III. Genre Le "genre" transporté de l’anglais "Gender", est un concept sociologique désignant les "rapports sociaux de sexe" et de façon concrète, l’analyse des statuts, rôles sociaux, relations entre les hommes et les femmes dans une société donnée. Appliquée aux politiques publiques, l’analyse ou perspective de genre a pour objectif de promouvoir l’égalité des femmes et des hommes en prenant en compte les différences et la hiérarchisation socialement construite, qui produisent des inégalités. On parle aussi "d’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes". Une des définitions qui peut être retenue du genre est celle de Laure Bereni, et al. (2012) : « Un système de bicatégorisation hiérarchisée entre les sexes (hommes/femmes) et entre les valeurs et représentations qui leur sont associées (masculin/féminin). » Dans notre démarche, nous allons également revenir sur les différences entre les termes « genre » et « sexe ». Ann Oakley (1972) précise que "sexe" est un mot qui fait référence aux différences biologiques entre mâles et femelles (...) "genre" par contre est un terme qui renvoie à la culture : il concerne la classification sociale en "masculin" et "féminin" (...). On doit admettre l’invariance du sexe comme on doit aussi admettre la variabilité du "genre". L’historienne américaine Jane Scott (1986), propose une définition mettant l’accent sur la dimension politique du genre : "le genre est un élément constitutif des rapports sociaux, fondé 17 Sources : Nations Unies, https://www.un.org/fr/conferences/environment/rio1992, consulté le 9 décembre 2022. 18 Du concept à la mise en œuvre du développement durable : théorie et pratique autour de guide SD 21000, Christian Brodhag, Natacha Gondran et Karen Delchet, https://doi.org/10.4000/vertigo.3482, consulté le 9 décembre 2022.
  • 29. 21 sur des différences perçues entre les sexes, et le genre est une façon première de signifier des rapports de pouvoirs". Tableau I : Différence entre les concepts genre et sexe Genre Sexe Social, construit Biologique Acquis Inné Relatif : dépend des sociétés Universel Dynamique Immuable Source : l’auteure19 « On ne naît pas femme, on le devient », cette célèbre citation de Simone de Beauvoir (1949), résume la notion de genre, dans le sens qu’elle peint la condition féminine comme étant une construction de la société et de la culture. En mettant en cause les préjugés et les stéréotypes qui ont contribué à faire de la femme un objet et des hommes un sujet, un absolu, Simone de Beauvoir dépasse la simple revendication de droits réservés à la femme. Elle fonde les assises d'une réflexion qui alimentera toute son œuvre : la femme doit se différencier de l'homme. IV. Égalité des sexes L’égalité est un droit fondamental de la personne humaine, quel que soit le sexe biologique ou social et quelles que soient les différences entre les personnes. Les États se sont engagés à garantir cette égalité en adoptant la Déclaration universelle des droits humains (1948). Celle-ci stipule dans son article premier que « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ». Elle poursuit dans son article 2 que « chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamées dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation ». L’organisation des Nations Unies consacrée à l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU Femmes) donne la définition suivante de l’égalité des sexes : 19 Tous les tableaux avec la mention « Source : l’auteure » ont été réalisés à partir des recherches effectuées.
  • 30. 22 « Par égalité des sexes, on entend l’objectif consistant à ce que les femmes et les hommes et les garçons et les filles bénéficient de l’égalité des droits, des responsabilités et des chances. L’égalité ne signifie pas que femmes et hommes deviendront analogues, mais que leurs droits, leurs responsabilités et leurs chances ne dépendront pas du fait d’être né homme ou femme. L’égalité des sexes n’est pas une question féminine, car elle devrait concerner et intéresser pleinement les hommes aussi bien que les femmes. L’égalité entre hommes et femmes est un droit humain ainsi qu’une condition préalable et un indicateur d’un développement durable, axé sur la population. Pour parvenir à l’égalité des sexes, il faudra prendre en compte les intérêts, les besoins, les priorités et les rôles des hommes et des femmes, tout en étant pleinement conscient de la diversité de différents groupes d’hommes et de femmes.20 » Au Sahel la plupart des pays ont ratifié les principales conventions internationales et régionales relatives aux droits des femmes dont la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes (CEDEF) et le protocole de Maputo21 . Concrètement, l’égalité des sexes vise à assurer l’accès des femmes et des hommes aux mêmes opportunités, droits, partage des ressources économiques, participation à l’exercice du pouvoir politique tout en respectant leurs spécificités. V. Média La définition du concept médias donnée par le sociologue Rémy Rieffel, (2001) nous semble pertinente et globale. Selon cet auteur les médias englobent « toutes les techniques et tous les supports permettant aux hommes de communiquer entre eux, de transmettre des messages aux contenus les plus variés. Seront donc pris en considération la presse, la radio, la télévision, mais aussi le téléphone, la télématique, l’informatique (à l’exception du livre, du disque et du film cinéma). » Il est également important de souligner que les médias sont souvent qualifiés de quatrième pouvoir, par allusion aux trois pouvoirs constitutionnels, dans le processus de la formation de l'opinion publique et dans l'influence que la révélation de ces faits peut avoir dans les prises de position des citoyens. Nous retrouvons donc les médias dans les catégories suivantes : 20 Le rôle des hommes et des garçons dans l’égalité des sexes, Nations Unies, Division de la promotion de la femme, 2008 ; https://www.un.org/womenwatch/daw/public/w2000/08-52640_Women2000_FR_REV.pdf, consulté le 14 novembre 2022 21 Le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes dit « Protocole de Maputo » adopté le 11 juillet 2003 par la Conférence de l’Union africaine (UA)
  • 31. 23 Audio-visuel : ce sont les médias traditionnels qui émettent du son et des images pour transmettre des informations. Radiophonique : ce sont des supports exclusivement diffusés en format son. Son processus de production est moins coûteux et plus simple que celui de la télévision. La radio est réputée être le média le plus suivi en Afrique de l’ouest du fait de son accessibilité économique mais aussi culturelle avec l’utilisation des langues locales. Le développement des technologies de l’information a davantage ouvert la voie aux stations qui peuvent également être écoutées via les canaux numériques. Le projet Afri’Kibaaru se matérialise grâce aux supports radios en langues locales. Presse écrite : il s’agit de journaux d’informations en format papier qui se déclinent en plusieurs périodicité (quotidien, hebdomadaire ou mensuel). C'est un type de média en déclin en raison de son coût de production élevé et de la concurrence des médias numériques. Numérique : elles sont apparues dans les années 1980 sous le nom de nouvelles technologies et ont révolutionné le monde des médias. Aujourd'hui, ils sont devenus des leaders de l'information et se développent de jour en jour. Internet est devenu une source à partir de laquelle des millions de personnes dans le monde trouvent plus rapidement et plus facilement les informations en temps réel d’où la notion de « village planétaire ». Pour le projet Afri’Kibaaru c’est un support essentiel qui draine beaucoup d’audience notamment avec : l’application Pure radio et les plateformes numériques (Facebook et sites internet). VI. Sahel Le mot Sahel (Es-Sahel) désigne « rivage » ou encore « bordure » en arabe. C’est l’espace de transition qui sépare au nord le désert du Sahara, et au sud la zone soudanienne. Il s’agit d’une région africaine qui inclut, au sens large, 10 pays : le Burkina Faso, le Cameroun, la Gambie, la Guinée, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Nigeria, le Sénégal et le Tchad. Mais ceci constitue la définition large du Sahel, puisqu’elle inclut aussi les pays qui sont « effleurés » par la bande sahélienne au Sud (comme pour la Gambie, le Nigeria ou le Cameroun)22 . Dans le livre blanc élaboré par l’UNFPA, « Comprendre le Sahel à travers son histoire, sa géographie et ses défis sociodémographiques et sécuritaires », il est souligné : « Compris entre 22 Définition fournie par Oxfam, https://www.oxfamfrance.org/financement-du-developpement/qu-est-ce-que-le- sahel/, consulté le 17 octobre 2022.
  • 32. 24 le Sahara et l’Afrique centrale, le Sahel a des frontières qui, loin d’être stabilisées, figées, sont plutôt fluctuantes. Ainsi, le Sahel des climatologues n’est pas celui des experts des marches céréalières. Celui des agences onusiennes de développement n’est pas celui des humanitaires, ni ce dernier celui des « sécurocrates » pour désigner les forces d’intervention militaire. De fait il n’existe pas un mais des Sahel et d’une agence à l’autre les contours de la carte sont redessinés. »23 Tout ceci nous amène à préciser que notre travail de recherche se concentre essentiellement sur les huit pays du Sahel ciblés par le projet Afri’Kibaaru que sont : le Burkina Faso, le Niger, le Mali, la Mauritanie, le Sénégal, le Tchad, le Cameroun et le Nigéria. VII. Leadership féminin Souvent qualifié d'anglicisme, le terme leadership tire son origine du mot anglais leader. Selon Le Nouveau Petit Robert (2005), le leadership est une fonction liée au commandement ou à la direction. Il est relativement complexe à définir en raison de la multitude d'auteurs qui se sont intéressés au concept. Toutefois, malgré l'étendue de ses représentations, trois points centraux le caractérisent : le leadership est une compétence qui se développe au fil du temps, un processus d'interaction entre le leader et ses collaborateurs et un processus d'influence vers la réalisation d'objectifs communs (Maltais et al. 2007). Il ressort ainsi de ces principales composantes que le leadership est un processus par lequel un individu influence un groupe pour réaliser un but commun (Northouse, 2007)24 . Le leadership est un concept en évolution et l'étude du leadership féminin est un phénomène récent. Historiquement, le leadership s'est longtemps intéressé à l'étude du leadership politique, des « grands hommes » qui définissaient le pouvoir, l’autorité et la connaissance (Klenke 1996). Toutefois, nous notons plusieurs définitions du leadership féminin, pour certains auteurs, les femmes peuvent être et sont des leaders, d'autres le définissent d'un point de vue féministe et comme une question d'égalité et de droit à avoir les mêmes opportunités. Pour d’autres comme Palmu-Joronen (2009), il fait référence à certaines caractéristiques féminines qui sont précieuses dans les organisations d'aujourd'hui. Et il y a ceux qui pensent que le leadership ne devrait pas du tout être différencié en tant que leadership féminin. Ainsi, Harding (2016) définit 23 https://wcaro.unfpa.org/sites/default/files/pub-pdf/fr_- _comprendre_le_sahel_a_travers_son_histoire_sa_geographie_et_ses_defis_sociodemographiques_et_securitair e_-_livre_blanc.pdf, consulté le 17 octobre 2022. 24 Rinfret, N. (2012). « Leadership », dans L. Côté et J.-F. Savard (dir.), Le Dictionnaire encyclopédique de l’administration publique, www.dictionnaire.enap.ca, 17 octobre 2022.
  • 33. 25 le leadership féminin comme « la capacité d’une femme à influencer directement ou indirectement d’autres personnes, au moyen de pouvoirs officiels ou de qualités personnelles, afin qu’elles agissent conformément à ses intentions ou à un objectif commun ». 25 De nombreuses chercheuses féministes ont porté leur attention sur les représentations médiatiques des femmes politiques, par exemple, Ross (1995), Trimble (2005), ou sur les spécificités du discours politique féminin avec Jamieson (1988), Reiser (2009). Outre le fait de représenter les femmes comme des « outsiders » du monde politique (Norris, 1996), les politiciennes seraient aussi davantage dépeintes selon les stéréotypes du genre. Dans la lignée de ces propos, plusieurs études illustrent que l’évaluation des acteurs politique se fait à partir des représentations du leadership (Fridkin-Kahn, 1996 ; Heldman, Carroll et Olson 2005), représentations qui sont pour nous construites selon les normes liées au genre. C’est ce que démontrent Carroll et Fox (2006) qui illustrent qu’on attend des leaders qu’ils soient « forts, dominants et sûrs d’eux-mêmes ». Des qualités plus souvent associées aux hommes qu’aux femmes dans plusieurs cultures notamment dans la zone du Sahel. VIII. Communication sociale Notre travail rentre dans le cadre de la communication sociale, cependant avant de nous atteler à la définition de ce concept, il nous parait pertinent de définir d’abord celui de communication pour une meilleure compréhension. La communication est une science sociale. Au croisement de plusieurs autres sciences (science politique, sociologie, anthropologie, psychologie et sémiologie), les sciences de l’information et de la communication sont nées dans la seconde moitié du XXe siècle. La communication, selon Claude ROY (1995), « est un processus verbal ou non par lequel on partage une information avec quelqu'un ou avec un groupe de manière que celui-ci comprenne ce qu'on lui dit. Parler, écouter, comprendre, réagir... constituent les différents moments de ce processus. La communication permet aux partenaires de se connaître, d'établir une relation entre eux. Cela peut entraîner des modifications d'attitude et de comportement. »26 La communication sociale a donc pour objet l’influence des normes sociales et sociétales d’un individu ou d’un groupe social plus ou moins large (de la société dans son ensemble à l’échelon de la « communauté ») dans l’objectif de modifier leurs mentalités, attitudes et comportements. 25 Harding J. (2016). « Les principes fondamentaux du leadership inclusif » Revue militaire canadienne, Volume 16, Numéro 4, pp. 62-67 26 ROY, C., in Communication, Bidon, Tolérance, 12 juin, 1995, p.29.
  • 34. 26 C’est une communication d’influence qui touche aux modes de vie des populations, considérées comme habitants, usagers, citoyens ou encore « bénéficiaires » de projets de développement. On lui connaît différentes appellations en fonction de son champ d’application : information- éducation-communication (IEC) parmi les méthodologies traditionnelles des années 1990 du secteur du développement, sensibilisation (registre souvent associatif ou public), communication publique (lorsqu’elle est mise en œuvre par un ministère par exemple), communication pour le changement de comportements (CCC), mobilisation ou communication participative (quand son objet social revêt des enjeux plus politiques) ou encore communication communautaire (quand elle joue sur les codes sociaux locaux de l’échelon appelé « communauté »).
  • 35. 27 CHAPITRE II : LA REVUE DE LA LITTERATURE I. Les femmes toujours peu présentes dans la sphère publique D’après la « Sociale institution and Gender Index », index développé par le Centre de développement de l’OCDE pour mesurer le niveau d’inégalités de genre, les pays compris dans la zone d’intervention du projet Afri’Kibaaru ont été classés en 2019 : - dans la catégorie « très haut » : Cameroun - dans la catégorie « haut » : Mali, Nigeria, Tchad - dans la catégorie « intermédiaire » : Sénégal, Burkina Faso Pour les deux pays non classés Mauritanie et Niger, des informations importantes n’ont pas été communiquées et manquent pour effectuer une analyse complète. Pour les autres, il s’agit d’une moyenne à l’échelle du pays et dans certaines zones les inégalités peuvent être encore plus marquées. Genre et changement social en Afrique, de l’Agence Universitaire de la Francophonie, donne la parole à plusieurs femmes originaires de l’Afrique de l’Ouest, du centre et du Maghreb27 . Dans ce document, elles reviennent sur la place qui leur est accordée dans la société maghrébine et subsaharienne. Les intervenantes, font un état des lieux de la perception de la femme dans une société africaine en pleine mutation. Une compilation de témoignages sur le rôle des femmes que ce soit dans le domaine politique ou encore économique. Ce document démontre que la prise en compte et le respect des droits des femmes en Afrique est encore à la traine notamment dans la sphère publique. Les inégalités sociales subites par les femmes tels que l’accès à l’éducation ou l’accès aux ressources font qu’elles ont du mal à porter haut leur voix. Selon une publication de Friedrich Ebert Stiftung, Violences basées sur le genre en Afrique de l’Ouest : cas du Sénégal, du Mali, du Burkina Faso et du Niger, il existe une certaine opinion au sein de la société malienne qui confine encore la femme au foyer, considérant cette dernière comme uniquement destinée aux tâches ménagères et de procréation. Ce document, qui a passé en revue les législations en vigueur dans le cadre de la protection des droits des femmes et les avancées juridiques dans les pays étudiés, relève que l’effectivité de la loi sur le quota se trouve confrontée à la dure réalité 27 Genre et changement social en Afrique, une production de l’Agence Universitaire de la Francophonie sous la direction de Margueritte Rollinde, 2010.
  • 36. 28 du faible niveau d’instruction des femmes. Un fait qui limite considérablement le nombre de femmes leaders et leur impact sur les politiques de développement28 . II. Une représentation partiale et partielle des femmes dans les médias Les femmes sont moins nombreuses à la télévision que les hommes, malgré l’apparence de « parité médiatique ». Clara Bamberger (2012), dans une analyse acerbe et pointue de la sphère médiatique française met en exergue les inégalités subies par les femmes au sein de la télévision mais aussi dans leur représentation médiatique. En plus de subir une inégalité d’ordre quantitatif, les femmes font également face à une discrimination dans le traitement des sujets et les contenus médiatiques. En effet, l’auteure démontre que sur la scène médiatique le rôle de « l’expert, de l’intellectuel ou du professionnel » est attribué aux hommes au moment où les femmes sont présentées en tant que « mères, simples témoins ou victimes ». Clara Bamberger (2012), avec l’appui de données statistiques, met en exergue la participation des médias à renforcer les stéréotypes de genre et les inégalités hommes/femmes. Dans son analyse, elle fait ressortir la responsabilité des journalistes dans la faible visibilité des femmes dans les médias. Plus encore, leur capacité à perpétuer en mettant sur la scène médiatique les rôles sociaux communément attribués aux femmes. Ainsi constate-t-elle, que « … les rubriques « Politique », « Économie » et « Crimes et violence » - qui représentent les trois thèmes les plus traités par les médias d’information – se caractérisent par une surreprésentation médiatique des hommes. Se retrouvent davantage de femmes – bien que de façon encore minoritaire- dans les sujets ayant trait aux domaines du social, de l’éducation, de la culture, des médias et de la santé. » III. Les femmes peuvent-elles influencer le débat public ? Comment les femmes peuvent-elles influencer les débats publics alors qu’elles sont peu présentes dans l’espace public ? Dans un ouvrage qui compile des témoignages de femmes leaders en France, Joly Andres (2022) recueille divers points de vue sur la perception des femmes dans la vie professionnelle et surtout dans les médias. Patience Priso, spécialiste de l’audiovisuel, après une brève analyse de l’image des femmes issues de la « diversité » dans les 28 Violences basées sur le genre en Afrique de l’ouest : cas du Sénégal, du Mali, du Burkina Faso et du Niger, Ndeye Amy Ndiaye, Friedrich Ebert Stiftung 2021.
  • 37. 29 médias français, conclut qu’il reste beaucoup à faire et à consolider dans ce sens. Le pouvoir d’influence des femmes reste encore cloisonné à leur genre et leur identité et celles-ci restent encore écartées des organes décisionnaires importants qui touchent à l’économie, la science et la justice. Ce qui lui fait dire que « le pouvoir des femmes à influencer le débat public est réel dans l’éveil des consciences, mais un mythe dans la réalité des espaces publics ». Selon elle, pour accroitre le pouvoir d’influence des femmes dans l’espace public, il faut que cela passe nécessairement par l’éducation et par une augmentation significative de leur autonomie et de leur pouvoir financier. Pour qu’il y ait un changement réel, il faut également une implication de la sphère politique dirigeante. Pour la journaliste Stéphanie Chemla-Sagnes, au-delà de la volonté des femmes à vouloir investir l’espace public, il y a d’autres réalités sociales qui limitent leur élan : « Lorsque nos journées comprennent trois volets professionnel, maternel et familial- nous choisissons de consacrer le peu de temps qu’il nous reste à notre sphère intime au lieu d’aller courir les plateaux télé ! »29 . A cause donc du rôle social dédié aux femmes, ces dernières peinent à se consacrer à leur pleine expansion et se trouvent limitées dans la sphère publique. Au-delà de ses limites, les femmes sont souvent cantonnées dans certains domaines qui semblent plus appropriés à leur statut. Si une femme accède à un poste ministériel, il s’agit dans la plupart des cas d’un poste dans le secteur social. L’éducation, l’environnement, l’égalité des sexes, la santé, autant de postes qui sont proportionnellement le plus souvent aux mains des femmes. Alors que la situation est tout autre en ce qui concerne la défense, l’économie, les transports et les finances. Ces départements sont presque toujours aux mains des hommes30 . IV. La représentation de la femme politique dans les médias Analyser la représentation des femmes dans les médias ne peut se faire sans une analyse de la représentation des femmes politiques dans les médias, car elles sont le plus souvent au premier plan sur la scène médiatique. D’après Pierre Leroux et Cécile Sourd (2005), la représentation des femmes politiques dans la presse relève d’un ensemble de principes naturalisés. L’univers politique dominé par des hommes, associe à la figure de l’entrepreneur politique des qualités « masculines » et la représentation des femmes tend à se référer à leur rôle traditionnel au sein de 29 Le pouvoir des femmes à influencer le débat public : mythe ou réalité, Joly Andres, 2022, page 20 30 Le pouvoir des femmes à influencer le débat public : mythe ou réalité, Joly Andres, 2022, page 35
  • 38. 30 l’univers domestique. Les auteurs analysent le traitement médiatique des femmes politiques par la presse française. La mise en place de la parité a ravivé l’intérêt de la presse à l’égard des femmes politiques qui restent encore relativement peu nombreuses aux postes de premier plan. Cependant, « la représentation des femmes, quel que soit leur type d’investissement dans l’univers politique, relève pour une large part de la convocation de stéréotypes de genre et de la mise en scène du « féminin » ». A cause de la rareté historique de figures féminines associées au politique, les références mobilisées pour caractériser les femmes en politique sont relativement redondantes et renvoient à des archétypes de la vision des « femmes de pouvoir ». Ainsi, trouve-t-on régulièrement celle de la « pasionaria » (Bertini, 2002), de l’« égérie », de la « pétroleuse », ou encore de la « dame de fer ». Pour aller plus loin, les auteurs prennent l’exemple de la femme politique Marine Le Pen et dépeignent la manière dont elle est représentée par la presse. « Le Pen conjugue en quelque sorte les traits négatifs du féminin au masculin. La redondance des rappels de sa ressemblance avec son père l’associe implicitement à un physique d’homme et « virilise » son identité : « Le fils de son père » (titre du Point, 24/05/02), « Le Pen en jupon » (Le Point, 25/04/03), ou « hussarde blonde » (titre du Point, 22/11/02), elle est stigmatisée par les allusions à ses manières un peu rudes, à ses « coups de gueule », à sa voix rauque et à ses paroles souvent empreintes de violence. Trop masculine, à l’instar par exemple de Margaret Thatcher (« le meilleur homme de son cabinet »), elle semble trop affranchie du rôle féminin, et est confrontée à une situation de double bind31 caractéristique des femmes en position de pouvoir ». Ainsi comme souligné par le sociologue Bourdieu (1998) : « plus généralement, l’accès au pouvoir, quel qu’il soit, place les femmes en situation de double bind : si elles agissent comme des hommes, elles s’exposent à perdre les attributs obligés de la « féminité » et elles mettent en question le droit naturel des hommes aux positions de pouvoir ; si elles agissent comme des femmes, elles paraissent incapables et inadaptées à la situation ».32 31 Une double contrainte (de l'anglais double bind) est une situation dans laquelle une personne est soumise à deux contraintes ou pressions contradictoires ou incompatibles. Wikipédia. 32 Pierre Leroux et Cécile Sourd, « Des femmes en représentation », Questions de communication, 2005, https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/4076, consulté le 2 novembre 2022.
  • 39. 31 CHAPITRE III : CADRE ORGANISATIONNEL I. Présentation du projet Afri’Kibaaru Afri’Kibaaru est une initiative du groupe France Média Monde et de sa filiale CFI. Le terme « Kibaaru » signifie « informations » dans les langues africaines ciblées à savoir le mandenkan, le fulfulde et l’haoussa. Le projet est financé par l’AFD pour une durée de trois ans et demi (42 mois). Il se structure en deux composantes : la première, la composante A, objet de cette étude, met en œuvre des activités de productions de contenus et de diffusion à grande échelle sur la zone du projet. Et la deuxième, la composante B, est constituée d’activités de renforcement de capacités et de transfert d’expertise au bénéfice de médias et de journalistes locaux. La composante A, qui est la production en langues locales, est mise en œuvre par FMM par le biais de sa radio RFI. Les contenus sont diffusés sur les antennes de RFI mandenkan, fulfulde et haoussa, mais aussi sur celles de ses radios partenaires au Burkina Faso, Niger, Mali, Sénégal, Tchad, Nigeria et Cameroun. Concernant la seconde composante, il s’agit particulièrement de formations et de renforcement de capacités d’un large réseau de journalistes et de médias locaux partenaires. L’objectif est de les professionnaliser dans l’animation de débats publics proposés autour des ODD. Cette composante est principalement mise en œuvre par CFI et intègre également des activités de transfert de compétences proposées par FMM. Le groupe France Médias Monde réunit France 24, la chaîne d’information continue (en français, en anglais, en arabe et en espagnol) ; RFI, la radio mondiale (en français et 15 autres langues) et Monte Carlo Doualiya, la radio en langue arabe. FMM est également la société mère de CFI, l'agence française de coopération médias, et est l'un des actionnaires de la chaîne francophone généraliste TV5Monde.
  • 40. 32 Figure 1: Zone d’intervention du projet Afri’Kibaaru Source : Afri’Kibaaru
  • 41. 33 II. Mise en œuvre du projet Afri’Kibaaru Le projet Afri’Kibaaru a démarré le 01 juillet 2020. Rfi fulfulde nouvellement créée et Rfi mandenkan qui diffuse depuis 2005 une heure quotidienne de programme, proposent une nouvelle grille de programmes axée sur les thématiques liées aux ODD, à savoir : santé, genre, environnement, économie, éducation et une émission interactive qui permet aux auditeurs de participer aux débats sur l’actualité. Le lancement de cette nouvelle grille de programme a eu lieu le 14 décembre 2020, dans les locaux des deux rédactions fulfulde et mandenkan situés à Dakar. Les journalistes recrutés sont originaires de plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest à savoir : le Sénégal, le Mali, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire et la Guinée. Les rédactions disposent également d’un réseau de correspondants couvrant l’Afrique de l’Ouest et également l’international. Les rédactions de Dakar et Lagos ont travaillé à constituer le réseau de correspondants en fulfulde et à étoffer les réseaux existants en mandenkan et haoussa. L’objectif étant que ces réseaux soient représentatifs des pays dans lesquels ces langues sont parlées, et représentatifs des pays de forte actualité afin d’offrir aux auditrices et auditeurs une information vérifiée et des points de vue diversifiés et équilibrés du monde entier. III. Missions du projet Afri’Kibaaru Afri’Kibaaru se donne comme principale mission de fournir des informations fiables aux populations du Sahel essentiellement en langues locales, donc accessibles : le mandenkan, le fulfulde et aussi l’haoussa. C’est une opportunité pour les populations d’être sensibilisées sur les questions de développement et de mieux comprendre les enjeux liés au développement durable. Elles pourront de ce fait prendre part activement aux débats qui les concernent directement. Les questions liées au genre font partie des points essentiels mis en avant par le projet Afri’Kibaaru. Elles sont prises en compte sur tous les aspects, du personnel au sein de la rédaction à la qualité des contenus proposés. Les missions de manière spécifique sont de :  Répondre, à travers ces contenus, aux préoccupations des populations cibles.  Participer à l’assainissement de l’espace médiatique et à l’expression de la diversité des points de vue en mettant à la disposition des citoyens/citoyennes, des influenceurs et des OSC des outils et connaissances leur permettant de participer efficacement au débat public.
  • 42. 34  Renforcer les capacités des médias locaux pour disposer de personnel bien formé aux métiers de la radio, du web, et plus généralement au métier de journaliste, à ses droits et devoirs, afin de renforcer la quantité et qualité de la couverture médiatique des questions liées au développement durable. IV. Les contenus de Rfi en langues locales 1. Aperçu sur les ODD Avant de présenter les programmes de Rfi en langues locale, nous allons d’abord faire un bref résumé des ODD qui sont par ailleurs au centre des contenus proposés. En septembre 2015, 193 chefs d’État rassemblés à New York adoptent 17 ODD. Leur objectif est de fixer une feuille de route internationale pour le développement durable d’ici 2030. Ils couvrent l’ensemble des champs du développement durable. Leur intuition est en effet que tous ces axes ne doivent pas être traités séparément, de manière cloisonnée, mais bien ensemble. Ces 17 ODD sont : -ODD 1. Éradication de la pauvreté : sous toutes ses formes et partout dans le monde. -ODD 2. Lutte contre la faim : éliminer la faim et la famine, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir une agriculture durable. -ODD 3. Accès à la santé : donner aux individus les moyens de mener une vie saine et aider au bienêtre de tous à tous les âges. -ODD 4. Accès à une éducation de qualité : veiller à ce que tous aient accès à l’éducation et promouvoir des possibilités d’apprentissage de qualité dans des conditions équitables tout au long de la vie. -ODD 5. Égalité entre les sexes : parvenir à l’égalité des sexes en rendant les femmes et les filles plus autonomes. -ODD 6. Accès à l’eau salubre et l’assainissement : garantir l’accès de tous à l’eau et l’assainissement et gérer les ressources en eau de façon durable. -ODD 7. Recours aux énergies renouvelables : garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et renouvelables à un coût abordable. -ODD 8. Accès à des emplois décents : promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein-emploi productif et un travail décent pour tous. -ODD 9. Innovation et infrastructures : Soutenir les petites entreprises pour qu’elles se développent, favoriser le développement des entreprises qui respectent l’environnement et
  • 43. 35 fabriquent des produits sains (qui ne nuisent pas à notre planète ni aux populations) et permettre l’accès de tous aux nouvelles technologies. -ODD 10. Réduction des inégalités : réduire les inégalités entre les pays et au sein de chacun. -ODD 11. Villes et communautés durables : créer des villes, des logements, des transports ouverts à tous, sûrs, résistants et durables. -ODD 12. Consommation responsable : instaurer des modes de consommation et de production durables : éviter le gaspillage, diminuer les déchets et les biens de consommation (livres, vêtements...) en réduisant, réutilisant et recyclant. -ODD 13. Lutte contre le changement climatique : prendre des mesures d’urgence pour lutter contre les changements climatiques et leurs conséquences. -ODD 14. Protection de la faune et de la flore aquatiques : conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines. -ODD 15. Protection de la faune et de la flore terrestres : préserver et restaurer les écosystèmes terrestres, en veillant à les exploiter de façon durable, gérer durablement les forêts, lutter contre la déforestation, la désertification, stopper et inverser le processus de dégradation des terres et mettre fin à l’appauvrissement de la biodiversité. -ODD 16. Justice et paix : promouvoir la paix, assurer à tous l’accès à la justice et mettre en place, à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et ouvertes. -ODD 17. Partenariats pour les objectifs mondiaux : revitaliser le partenariat mondial au service du développement durable et renforcer les moyens de ce partenariat. Les pays promettent également de lutter contre le dérèglement climatique. Tous les objectifs intègrent bien entendu la protection de l’environnement.33 2. Les programmes de Rfi Le volume de production pris en charge par le projet est d’une heure par jour du lundi au vendredi et d’une heure le weekend en mandenkan. Pour le fulfulde il s’agit de deux heures par jour du lundi au vendredi, et une heure de diffusion le weekend. Sur une journée, cette production se répartit en sessions d’information d’une demi-heure comprenant journaux et magazines. Afin de mieux appréhender la couverture des thématiques liées aux ODD, nous allons d’abord dresser un tableau de la matérialisation du projet Afri’Kibaaru à travers les radios Rfi fulfulde, mandenkan et haoussa. Il est important de souligner que les présentateurs des 33 Résumé des ODD fourni par UNICEF, https://www.unicef.fr/sites/default/files/fiche_thematique_odd.pdf, consulté le 12 décembre 2022
  • 44. 36 rédactions fulfulde et mandenkan travaillent en binôme sur les mêmes thématiques. Chaque semaine, les deux rédactions dressent le même programme avec des sujets identiques pour les magazines. Les grilles de programmes de Rfi fulfulde/mandenkan sont inspirées des émissions emblématiques de Rfi Afrique, diffusées en français. La grille est composée pour chaque langue, de cinq magazines hebdomadaires qui traitent des thématiques liées aux ODD, un magazine interactif quotidien qui traite des sujets d’actualités en abordant également les sujets ODD de manière transversale. Les samedis un récapitulatif de l’actualité de la semaine est proposé dans le magazine « Semaine actu » et les dimanches le magazine « Grand invité » met en scène des personnalités évoluant dans différents domaines de la culture dont la littérature et la musique ou encore des activistes et militants de droits de l’homme. Dans le cadre du projet Afri’Kibaaru, Rfi Haoussa diffuse une émission exclusivement dédiée aux femmes intitulé en haoussa « Rayuwata ». En haoussa, le magazine genre réalisé par la rédaction de Lagos, est un magazine quotidien et non hebdomadaire comme en mandenkan et en fulfulde, traite de sujets variés, qu’ils concernent exclusivement les femmes ou qu’il s’agisse de thématiques générales analysées à travers le point de vue des femmes. Chaque magazine dispose d’un groupe WhatsApp où les auditeurs peuvent interagir avec le journaliste, poser des questions et participer aux débats. 3. Couverture des thématiques liées aux ODD Le 14 décembre 2021 marque le premier anniversaire de la diffusion de la nouvelle grille en mandenkan et en fulfulde, quant au magazine en haoussa consacré aux problématiques de genre, il est diffusé depuis septembre 2020. Ainsi dans le cadre du projet Afri’Kibaaru, 1121 heures ont été produites et diffusées en 2021, soit 626 heures pour la langue fulfulde, 365 pour le mandenkan et 130,5 heures pour le haussa. L’année 2021 étant marquée par la pandémie de la Covid 19, l’ODD Santé est beaucoup plus à la hausse que les autres ODD, soit 18% pour les deux langues. Après une année de fonctionnement, les statistiques montrent que l’atteinte des objectifs fixés en matière de couverture des sujets liés aux ODD est en bonne voie. En effet selon le premier rapport annuel du projet Afri’Kibaaru, plus de 90% de la production en fulfulde, mandenkan et haussa prend en compte les ODD.
  • 45. 37 Tableau II: Couverture des thématiques liées aux ODD Magazines Nom en fulfulde Nom en mandenkan ODD prioritaire traité34 Jour de diffusion Priorité santé Cellal ko ngalu Kɛnɛya jɛmukan ODD 3 : Santé Lundi Espace femmes Dinngiral rewbe Musow ka kɛnɛ ODD 5 : Égalité des sexes / Genre Mardi Environnement Kiwal taariindi An ka lamini lamɛn ODD 6 : Eau et assainissement ODD 7 : Énergie ODD 12 : Consommation et production durables ODD 13 : Changements climatiques ODD 14 : Océans ODD 15 : Forêts, désertification et biodiversité Mercredi Afrique économie Faggudu e bamtaare afrik Sɔrɔ ko ODD 1 : Pauvreté ODD 2 : Faim et alimentation ODD 8 : Croissance économique ODD 12 : Consommation et production durables Jeudi Le chemin de l’école Laawol ganndal e needi Kalanso sira kan ODD 4 : Éducation Vendredi Appels dur l’actu On tottaama kongol Kuma be aw bolo ODD 16 et éventuellement tous les ODD selon le sujet d’actualité abordé Lundi au vendredi Source : l’auteure 34 Selon l’angle abordé le magazine peut traiter à la fois deux ou plusieurs ODD. Le tableau suivant en donne des exemples
  • 46. 38 Tableau III : Exemple de sujets de magazines abordant à la fois plusieurs ODD Date diffusion Magazine Thème ODD 12 février 2021 Magazine éducation Égalité entre garçons et filles à l’école ODD4: Éducation ODD5: Égalité des sexes/Genre 27 mai 2021 Magazine Économie Transformations des produits forestiers non ligneux (accent mis sur des femmes entrepreneures) ODD8: Croissance économique ODD12: Consommation et production durables ODD5: Égalité des sexes / Genre 03 décembre 2021 Magazine Interactif Libre antenne : Coronavirus et Sida/Association des victimes de viol du 28 septembre en Guinée ODD3: Santé ODD5: Égalité des sexes / Genre ODD16: Paix et justice 28 décembre 2021 Magazine Espace femme Difficultés liées à l'emploi des femmes ODD5: Égalité des sexes / Genre ODD8: Croissance économique Source : l’auteure
  • 47. 39 Figure 2 : Prise en compte des ODD dans les magazines fulfulde, mandenkan et haoussa Figure 3 : Magazines 2021, Répartition par ODD-Mandenkan Figure 4 : Magazines 2021, Répartition par ODD-Fulfulde Source : Rapport annuel Afri’Kibaaru 2021
  • 48. 40 5. Le réseau de diffusion Rfi Les contenus produits sont diffusés à partir d’émetteurs propres à Rfi, les plateformes numériques : sites internet, pages Facebook, l’application Pure Radio et enfin les reprises par les radios partenaires. Au cours de l’année 2021, Rfi disposait en émissions propres de 39 émetteurs répartis dans la toute la zone projet. On compte 18 émetteurs pour Rfi Mandenkan, 13 émetteurs pour Rfi fulfulde et 08 émetteurs pour Rfi haoussa. Dans les pays de la zone projet, les contenus en mandenkan, fulfulde et haoussa sont bien diffusés depuis le 14 décembre 2020 sur les émetteurs de Rfi dans plusieurs villes particulièrement dans les zones rurales. A noter que la notoriété des radios Rfi fulfulde/mandenkan s’agrandit également grâce à ses radios partenaires qui reprennent les magazines produits et diffusés. Ces radios partenaires sont au nombre de deux cent trente (230) réparties dans toute la zone projet. Figure 5 : Émetteurs Rfi et radios partenaires Émetteurs radios partenaires Rfi Émetteurs FM Rfi (source Afri’Kibaaru)
  • 49. 41 Figure 6 : Top 12 pays d’origine des auditeurs mandenkan 2021 Figure 7 : Top 12 pays d’origine des auditeurs fulfulde 2021 Source : Afri’Kibaaru
  • 50. 42 6. La politique genre de Afri’Kibaaru La politique genre du projet, basée sur celle de FMM comprend plusieurs points. Elle prend en compte les deux composantes du projet à savoir l’aspect production avec la qualité des contenus et l’aspect formation et renforcement de capacité axé sur les journalistes et techniciens. Cette politique se décline comme suit : - Garantir la parité dans les recrutements Au-delà des contenus, le respect de l’égalité Femme/Homme est une question essentielle pour FMM et prend forme depuis le recrutement des équipes. Sur les 4 postes de cadres ouverts dans le cadre du projet (co-rédaction en chef, supervision numérique, reporting), deux (2) sont occupés par des femmes. L’équipe de journalistes est composée à parts égales de femmes et d’hommes. Concernant les techniciens, 1 recrutement sur les 3 est une femme autodidacte, dans un secteur où elles sont très peu représentées. - Privilégier l’écriture inclusive Les fiches de postes et rapports, sont rédigées en style d’écriture inclusive afin de mettre l’accent sur la prise en compte de la parité. - Former les journalistes à la prise en compte du genre Deux formations ont été organisées juste après les premiers recrutements au mois de novembre 2020, une à Lagos et une à Dakar. Chaque année une formation recyclage genre est organisée à la même période pour s’assurer que les journalistes se sont bien imprégnés du sujet et permettre aux nouveaux arrivants d’être formés. - Les référentes Genre Un mécanisme de comptage des interventions d’expertes à l’antenne à Dakar est mis en place par le projet. Il est géré par deux référentes genre qui sont également les recherchistes des rédactions fulfulde et mandenkan. - Production et diffusion de magazines genre Dans le cadre du projet Afri’Kibaaru, un magazine spécifique dédié aux femmes est produit et diffusé en haoussa tous les jours du lundi au vendredi, et le même magazine une fois par semaine pour Rfi en mandenkan et en fulfulde. - Le Plan d’action genre d’Afri’Kibaaru Bien que le projet Afri’Kibaaru s’inspire de la politique genre mise en œuvre par FMM, donc prend en compte le respect de l’égalité homme et femme dans sa mise en œuvre, l’élaboration d’un plan d’action genre rentre dans le cadre de sa convention de partenariat avec l’AFD, principal bailleur du projet. Le plan d’action genre élaboré en mars 2022 a été effectué par un prestataire externe. L’objectif de ce plan d’action est de faire la lumière sur les actions déjà
  • 51. 43 mises en œuvre par Rfi dans le cadre de la promotion de l’égalité femme/homme. De nouvelles actions seront également proposées pour renforcer le dispositif déjà existant. Figure 8 : Tableau taux de femmes invitées 2021 Source : Afri’Kibaaru 7. Organigramme L’équipe projet d’Afri’Kibaaru est assez restreinte, elle est composée :  D’une Cheffe de projet  D’une Responsable projet  D’une Chargée gestion financière  D’une Responsable reporting (Cf. organigramme) Ci-dessous l’organigramme des rédactions Rfi mandenkan et Rfi fulfulde.
  • 52. 44 Figure 9 : Organigramme
  • 53. 45 Cette première partie nous a permis d’aborder trois points cruciaux de notre étude, il s’agit de l’étude conceptuelle avec la définition de nos mots clés. Nous avons pu montrer en quoi l’emploi de ces concepts est pertinent et utile à notre recherche. Ensuite nous avons passé en revue des ouvrages, livres et rapports qui nous ont permis d’avoir un aperçu sur la question de la participation des femmes dans les débats publics. Et enfin, nous avons terminé cette partie en présentant le cadre organisationnel qui nous a permis de présenter le projet Afri’Kibaaru porté par FMM et financé par l’AFD, qui se matérialise par la production et la diffusion de contenus médiatiques sur les radios Rfi mandenkan, Rfi fulfulde et Rfi haussa.
  • 54. 46 PARTIE II : CADRE ANALYTIQUE ANALYSE DE LA CONTRIBUTION DU PROJET AFRI’KIBAARU A LA PROMOTION DE LA PARTICIPATION DES FEMMES AUX DEBATS PUBLICS