Odilon Redon Dossier de presse de la Fondation Beyeler
1. FONDATION BEYELER
Communiqué de presse
Odilon Redon
2 février – 18 mai 2014
Odilon Redon (né en 1840 à Bordeaux, mort à Paris en 1916) compte, avec son cosmos chromatique,
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parmi les artistes les plus surprenants des débuts de l’art moderne. Marquant la jonction entre le XIX
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et le XX siècles, l’œuvre de ce représentant majeur du symbolisme français est déterminée par
l’interaction entre tradition et innovation.
Très prisé de ses contemporains tels que Paul Cézanne ou Paul Gauguin, Redon compte parmi les
principaux pères fondateurs de l’art moderne. « Redon a fait beaucoup pour les jeunes artistes. Il leur
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a montré la voie », remarquait le sculpteur Aristide Maillol au début du XX siècle. De fait, de
nombreux membres de la jeune génération d’artistes ont rapidement vu en lui un modèle. Pierre
Bonnard admirait ainsi sa maîtrise de l’interaction entre matière et mystère, tandis qu’Henri Matisse
était ensorcelé par son expressivité chromatique absolument unique, qui trouvera plus tard des échos
dans ses propres tableaux.
L’œuvre de ce poète de la couleur se caractérise par des ruptures et des contrastes et suit une
évolution conduisant du noir profond des premiers travaux au fusain et des lithographies précoces à
l’« explosion chromatique » des pastels et des huiles ultérieurs. Complexes et énigmatiques, ses
œuvres passent de l’inquiétant à la sérénité : des monstres bizarres surgissent au côté de créatures
célestes – rêve et cauchemar, nature et imagination se côtoient.
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La création de Redon annonce différents courants qui occuperont une place majeure dans l’art du XX
siècle : on peut évoquer ainsi le fauvisme, le cubisme et le surréalisme aussi bien que l’abstraction.
D’où un lien évident avec la Collection Beyeler, dans laquelle Redon, sans y être représenté, constitue
une référence pour de nombreux artistes qui y figurent. C’est le cas notamment de Pierre Bonnard,
Henri Matisse, Pablo Picasso, Vassily Kandinsky, Piet Mondrian, Max Ernst ou même Barnett
Newman et Mark Rothko.
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Cette exposition propose ainsi un « autre » regard sur l’évolution de l’art des débuts du XX siècle,
complétant en quelque sorte la perspective d’Ernst et Hildy Beyeler sur leur grandiose collection.
Même si le couple Beyeler n’a pas personnellement acquis d’œuvres de Redon, un grand nombre de
toiles et de travaux sur papier de l’artiste ont été vendus ou négociés par la Galerie Beyeler au fil des
décennies.
On peut découvrir dans cette présentation tous les thèmes directeurs de la création de Redon, ainsi
que les idées et les innovations essentielles de son œuvre si variée tant par le contenu que par la
technique. Les sources d’inspiration les plus diverses s’y côtoient — de l’histoire de l’art, de la
littérature et de la musique aux sciences naturelles, en passant par la philosophie et la religion
occidentales et orientales. L’exposition est organisée par groupes d’œuvres au sein d’une chronologie
libre. Ces ensembles illustrent les principales sphères d’intérêt de l’artiste ainsi que ses rapports à la
modernité.
Les œuvres exposées proviennent de collections particulières et de musées suisses et internationaux
de renom, tels que le Museum of Modern Art et le Metropolitan Museum of Art de New York ou le
Rijksmuseum d’Amsterdam. Le Musée d’Orsay a accordé à cette exposition un soutien exceptionnel
avec le prêt de neuf chefs-d’œuvre. Conçue sous forme d’une présentation tout à la fois vaste et
concentrée de la quintessence de la création artistique de Redon, cette exposition se concentre sur sa
dimension d’avant-garde et, partant, sur son importance de précurseur de l’art moderne.
Un des principes du symbolisme se reflète dans le culte artistique du mystérieux et de l’ambivalent
cher à Redon. Dans son Manifeste littéraire de 1886 consacré au symbolisme, le poète français Jean
Moréas écrivait : « Le caractère essentiel de l'art symbolique consiste à ne jamais aller jusqu'à la
conception de l'Idée en soi ». Le symbolisme s’opposait également à l’imitation de la nature du
2. réalisme et de l’impressionnisme et ne considérait le monde et ses aspects extérieurs que comme les
symboles d’une réalité plus profonde, l’art servant d’intermédiaire entre ces différents niveaux.
Dans le contexte des « Noirs » de jeunesse, les mystérieuses et inquiétantes représentations de
têtes, de visages et d’yeux font partie des thèmes clés de l’œuvre de Redon. Le fusain précoce Tête
de martyr sur une coupe de 1877 (Kröller-Müller Museum, Otterlo) évoque l’état de transition entre
mort, rêve et contemplation immobile — des thèmes majeurs de l’œuvre de Redon en général —, tout
en incarnant la souffrance sublimée que l’artiste a aussi célébrée dans l’image qu’il se faisait de luimême. Dans l’étrange fusain de 1880 intitulé Le Cube (collection particulière), un œil isolé plane dans
l’air telle une planète stylisée sous forme de dé. L’intégration de l’œil dans un cube peut être
interprétée comme un commentaire sur la technicisation du regard par l’appareil photographique et
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marque en même temps une crise de la représentation du corps dans l’art du XIX siècle.
Le groupe des Noirs comprend également des phénomènes cosmiques comme les ténèbres solaires
apocalyptiques du Noyé de 1884 (Rijksmuseum, Amsterdam), ainsi que de curieux hybrides entre
plante, humain et animal qui laissent déjà apparaître une affinité avec le surréalisme. Les
monstrueuses chimères de L’Araignée souriante (Kunsthaus Zürich) ou de Fleur de marécage (Dian
Woodner Collection, New York ), de 1881 l’une comme l’autre, témoignent en outre de l’intérêt
précoce de Redon pour la théorie darwinienne de l’évolution.
Le recueil de 11 planches lithographiques de Redon intitulé Dans le Rêve de 1879
(Gemeentemuseum La Haye) se situe au début de son impressionnante création gravée et contient
de nombreux motifs et figures caractéristiques de son œuvre. Dans ce premier album lithographique,
Redon définit le rêve comme lieu de l’imagination artistique et en fait le programme même de sa
création.
L’épanouissement proprement unique de la couleur chez Redon débute avec le motif des yeux clos et
des scènes de nuit mystiques des années 1890 et symbolisent le passage dans son évolution
artistique du noir ténébreux à la luminosité de la couleur. On peut également ranger parmi ces scènes
de nuit le pastel très rarement montré La Mort de Bouddha réalisé vers 1899 (Millicent Rogers
Collection). Redon y témoigne de sa faculté toute particulière de prêter aux couleurs une intensité, un
rayonnement et une pureté uniques. Cette conception de la couleur se manifestera plus tard dans les
œuvres d’Henri Matisse, qui admirait beaucoup l’art de Redon et fit l’acquisition de La Mort de
Bouddha dès 1900.
Le passage à la couleur dans l’œuvre de Redon trouve son apogée dans des thèmes mythologiques
tels que celui du char d’Apollon. Dans son interprétation artistique du sujet, il rend hommage à son
grand modèle Eugène Delacroix (1798–1863), qui avait traité le même sujet un demi-siècle
auparavant dans une peinture destinée au plafond d’une galerie du Louvre. Le char du dieu du soleil
Apollon représente pour Redon « le triomphe de la lumière sur les ténèbres. C’est la joie du grand
jour opposée aux tristesses de la nuit et des ombres et comme la joie d’un sentiment meilleur après
l'angoisse. » Ce Char d’Apollon (vers 1910), un prêt exceptionnel du Musée d’Orsay de Paris,
présente sous un jour particulièrement magistral cette apothéose de la lumière dans lequel le motif se
dissout peu à peu en couleur pure.
Les tableaux spirituels présentant des thèmes bouddhistes et chrétiens sont un élément central de
son œuvre au même titre que les représentations méditatives de barques. Le pastel d’une extrême
subtilité intitulé Christ en croix (vers 1895, Stiftung Sammlung E. G. Bührle, Zürich), aux douces
transitions chromatiques de rose, de bleu pâle et de gris, révèle en outre l’influence flagrante de
Redon sur la période rose de Picasso.
Le botaniste Armand Clavaud, défenseur de la doctrine darwinienne de l’évolution, a influencé
précocement les idées de Redon sur la nature et a affûté son regard « microscopique ». Ce regard
bien particulier trouve une manifestation particulièrement spectaculaire dans les visions aquatiques et
aériennes de Redon, où observation précise de la nature et imagination libre se côtoient sans
transition. En même temps, on prend ici clairement conscience de la rupture de Redon avec
l’impressionnisme, trop « superficiel » à son goût.
L’idée, défendue par Clavaud, que la vie terrestre trouve son origine dans la vie aquatique, s’exprime
de façon aussi prégnante que poétique dans les Papillons de 1910 (The Museum of Modern Art, New
York). Comme surgi de la mer ou jailli d’une fleur, un essaim de papillons multicolores plane audessus d’une côte rocheuse, semblant vouloir animer la terre encore aride. Par leurs couleurs
3. somptueuses et leur diversité formelle, ces papillons incarnent chez Redon l’art inhérent à la nature
tout en symbolisant par leur faculté de métamorphose la mutabilité et l’évolution fondamentales des
formes naturelles. C’est ainsi que dans Papillons, Redon élabore à l’aide des éléments de l’air, de
l’eau et de la terre sa propre vision d’une histoire de la création et de la genèse de la flore et de la
faune.
On peut rattacher aux compositions florales ensorcelantes de Redon les représentations de femmes
idéales de la littérature, comme Ophélie ou Béatrice, qui sont comme enchâssées dans les fleurs et
entretiennent une mystérieuse interaction avec le monde végétal. C’est ainsi que dans le tendre
Hommage à Léonard de Vinci (vers 1914 ; Stedelijk Museum, Amsterdam), qui se réfère au célèbre
tableau de Vinci intitulé La Vierge, l’Enfant et Sainte Anne, le personnage de Marie s’incline avec
amour au-dessus d’une flore colorée, célébrant ainsi la force spirituelle de la nature. Mais l’idée d’une
symbiose entre humain et fleur s’exprime également à travers les portraits féminins individuels de
Redon, dans lesquels le modèle est entouré d’un entrelacement d’arrière-plans et d’éléments floraux
qui accentue encore la fragilité de leur aspect.
Dans ses célèbres bouquets, Redon, en poète et en visionnaire de la couleur, finit par faire de la
somptuosité débordante de la floraison une véritable explosion chromatique et un authentique
hommage à la peinture pure et à l’art. Redon écrit ainsi dans « À soi-même » : « L’art est une fleur qui
s’épanouit librement, hors de toute règle… » Cette liberté et cette innovation de la création se
manifestent dans les Fleurs (vers 1903 ; Kunstmuseum, Saint-Gall) de façon particulièrement
marquée, ces extraordinaires fleurs irréelles annonçant déjà les « Muschelblumen », les « fleurs
coquillages » des Fleurs de neige (1929) de Max Ernst appartenant à la Collection Beyeler. Le
puissant pastel Vase au guerrier japonais (vers 1905 ; Courtesy Galleri K, Oslo) révèle en outre le vif
intérêt de Redon pour l’art japonais, qui prêta alors de nouvelles impulsions à la peinture européenne.
Les panneaux muraux décoratifs de grand format destinés au château de son mécène, le baron de
Domecy en Bourgogne et qui furent réalisés en 1900/1901 (Musée d'Orsay, Paris), représentent peutêtre les compositions les plus radicales de Redon. Ces extraits de paysages se caractérisent par
l’absence de représentation d’un lieu ou d’un espace définis. On distingue plusieurs troncs d’arbres
portant des feuilles et des boutons de fleurs qui s’enfoncent dans l’espace dépourvu d’horizon et
forment une structure recouvrant toute la surface. Dans ces décorations peintes, Redon dépasse
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l’ornemental pour accéder à l’abstraction, qui trouve ici, à l’aube du XX siècle, une des ses formes
d’expression picturale les plus précoces.
Le commissaire de cette exposition est Raphaël Bouvier, conservateur à la Fondation Beyeler, qui l’a
conçue.
À l’occasion de cette exposition, un catalogue richement illustré en allemand et en anglais avec tiré à
part en français est publié par Hatje Cantz Verlag, Ostfildern. Il contient notamment des contributions
de Raphaël Bouvier, Jodi Hauptman et Margret Stuffmann. 176 pages, 127 illustrations en couleur,
prix: 62.50 CHF (ISBN 978-3-906053-12-7, édition anglaise: 978-3-906053-13-4).
Images de presse : sont disponibles sur http://pressimages.fondationbeyeler.ch
Informations complémentaires :
Elena DelCarlo, M.A.
Head of PR / Media Relations
Tel. + 41 (0)61 645 97 21, presse@fondationbeyeler.ch, www.fondationbeyeler.ch
Fondation Beyeler, Beyeler Museum AG, Baselstrasse 77, CH-4125 Riehen
Heures d’ouverture de la Fondation Beyeler: tous les jours 10h00–18h00, le mercredi jusqu’à
20 h.