1. N°259 - du 12 au 18 avril 2011
2012 :
la nouvelle idéologie :
le style ! (2/3)
2. 2012 :
la nouvelle idélogie :
le style !
Dans la vie commerciale,
il importe de ne pas
confondre l’entreprise, les
produits, la marque.
L’entreprise est la face
collective d’une organisa-
tion. Elle confère une légi-
timité juridique, sociale,
voire morale.
Les produits sont des en-
tités matérielles qui ré-
pondent à des besoins
différenciés.
La marque dépasse ces
deux statuts et rôles. Elle
est un «être de discours
immatériel».
Cette définition porte les
caractéristiques majeures
d’une marque :
• c’est d’abord une en-
tité symbolique,
• elle communique en
premier par et sur
l’imaginaire,
• elle s’appuie sur des
codes ancrés dans
une culture de va-
leurs, de goûts, de
styles, d’éthiques,
• elle possède des at-
tributs notamment
g r a p h i q u e s q u i
créent un univers
spécifique,
• elle est une référence
vivante avec les évo-
lutions qui en résul-
tent en matière de
succès ou d’échecs.
La force de la notion de
marque c’est de faire
naître dans un territoi-
re limité une référence
qui s’auto-légitime par-
ce qu’elle devient im-
médiatement évocatri-
ce.
Par sa seule référence,
une marque produit un
discours, des termes, des
couleurs, des symboles …
Parce qu’elle porte des
valeurs fortes, elle est
alors devenue un collectif
d’énonciations. Elle per-
met de se situer face au
reste du public. Elle
confère une légitimité
morale, sociale. Elle don-
ne du sens bien au-delà
de sa simple réponse pra-
tique immédiate à un be-
soin.
Quand les responsa-
bles politiques devien-
nent des marques
La communication politi-
que peut-elle créer des
marques à l’exemple de la
réalité commerciale ?
Cette question a été au
centre d’un ouvrage pu-
blié en 2008 intitulé :
«Ségolène la femme mar-
que».
L’auteur, François Belley,
décortique méthodique-
ment le dispositif de créa-
tion d’une marque et fait
le parallèle avec le par-
cours de Ségolène Royal
en donnant des grilles de
lectures parfois originales
mais toujours très inspi-
rées ; ce qui crée l’intérêt
de cet ouvrage.
Compte tenu de la perte
de crédibilité des partis
politiques, cet ouvrage
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3. 2012 : la nouvelle idéologie : le style ! (2/3)
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Nicolas Hulot ou
l’étape de plus
La candidature de Nicolas Hu-
lot en 2012 serait une étape
de plus dans la place croissan-
te des images dans la vie pu-
blique française. Nicolas Hulot
est une marque. D’abord au
sens commercial du terme.
Ensuite, il est venu en politi-
que. Sur ce chemin, il a connu
une évolution contraire à cel-
les de prédécesseurs qui
étaient d’abord des scientifi-
ques avant d’être des vedettes
médiatiques. Là, c’est la
consécration d’un parcours
entièrement dominé par les
images.
4. insiste sur une transfor-
mation majeure : les res-
ponsables politiques doi-
vent construire leur mar-
que.
La répartition des fonc-
tions devient nouvelle. Le
parti politique devient
l’Institution c'est-à-dire la
face publique de l’organi-
sation collective.
Les responsables ou can-
didats de cette Institution
sont les produits com-
muns qui sont les entités
multiples de cette Institu-
tion.
A l’intérieur même de cet-
te Institution, certains
produits peuvent aspirer
à créer des marques.
Ceux là seront les pro-
duits leaders appelés à
régénérer l’Institution, à
la remettre en phase de
croissance parce que les
partis politiques, comme
toutes les autres structu-
res, connaissent des éta-
pes de croissance, de ma-
turité et de déclin selon
des cycles différents du
privé avec des amplitudes
moindres.
La phase de croissance
est désormais condition-
née par l’élection majeure
qu’est l’élection présiden-
tielle.
Toutes les vies publiques
sont organisées autour de
la détermination de la
fonction clef du pouvoir
exécutif. Là, il s’agit de
l’élection présidentielle
(Etats-Unis, France). Ail-
leurs, il est question de
l’élection qui mène à la
qualité de Premier Minis-
tre (Canada, Grande-
Bretagne, Italie …).
Cette désignation du per-
sonnage clef de l’exécutif
compose une nouvelle of-
fre selon 5 familles :
- les non-présidentiables,
- les ex-présidentiables,
- les pré-présidentiables,
- les présidentiables,
- les ex-Présidents.
La place sur la route in-
certaine de la présidentia-
bilité est désormais le
curseur de la carrière de
tout responsable politique
national.
Cette nouvelle réalité
structure la totalité du jeu
des acteurs de la vie poli-
tique.
Par conséquent, la multi-
plication des candidatures
à la présidentielle est une
évolution naturelle in-
contournable.
Dans cette course, cha-
que acteur doit définir sa
marque.
Quatre critères sont en
quelque sorte la fonction-
nalité permettant de faire
passer un leader du rang
de produit au rang de
marque :
- l’action,
- l’imaginaire,
- l’affirmation,
- le décalage.
L’action est le territoire
2012 : la nouvelle idéologie : le style ! (2/3)
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5. de ceux qui sont au
pouvoir. C’est un terri-
toire très difficile à cons-
truire. Ainsi, dans l’exer-
cice de l’action, la majori-
té présidentielle n’est pas
arrivée à s’imposer com-
me créatrice de valeurs et
elle subit excessivement
le virus de l’urgence. Ce
virus altère la perception
de ses axes fondamen-
taux puisque l’urgence
produit un flux trop élevé
de messages.
L’imaginaire est le ter-
ritoire d’outsiders qui
capitalisent une valeur
refuge. L’opinion se prê-
te alors au jeu d’une scé-
narisation mettant en
perspective une situation
différente si l’outsider
était dans le territoire de
l’action. Nicolas Sarkozy a
occupé ce territoire à
compter de 2005, ce qui
était la preuve du désir
qu’il avait créé dans l’opi-
nion. Ce fut aussi le cas
de Ségolène Royal au
cours de l’année 2006.
L’affirmation est le
troisième espace. L’opi-
nion enregistre une décla-
ration mais ne cherche
pas à la mettre en pers-
pective parce qu’elle n’a
pas encore investi cette
affirmation d’une force
imaginaire.
Le décalage, c’est celui
qui est entretenu par
ceux qui veulent
«changer le marché
même».
Si aujourd’hui, la vie
publique Française est
marquée par l’indiffé-
rence c’est qu’aucune
marque n’occupe plus
sérieusement le terri-
toire de l’imaginaire à
de très rares excep-
tions près.
Le territoire de l’action est
occupé par Nicolas Sark-
zoy avec une hyperactivi-
té et des provocations qui
nuisent à la qualité de la
perception. Ce n’est pas
tant une bataille de
contenus que de percep-
tions.
Le territoire du décalage
est occupé par des candi-
dats de l’extrême .
Le territoire de l’affirma-
tion est occupé par les
autres leaders mais aucun
d’eux ne change de caté-
gorie pour passer au
champ de l’imaginaire.
Il n’y a peut-être que Do-
minique Strauss-Kahn qui
est maintenant sur le
chemin de cette transfor-
mation ? Alors qu’il ne
remplit pas les conditions
d’être le premier pour
2012 car ce ne sera pas
sa première campagne de
ce type ni un cursus origi-
nal pour l’intéressé, il a
créé une nouvelle catégo-
rie : la compétence inter-
nationale qui vient défen-
dre «son» pays.
L’opinion Française aime
ce parcours. La popularité
de Jacques Delors dans
les années 90 avait été
France : la place du
style : une progression
permanente depuis
1974
Avril 1974, en pleine campa-
gne électorale, VGE convie
des médias lors d’un bain de
mer. C’est la première fois
sous la Vème République
que le corps d’un candidat
est ainsi exposé.
Dans les années 80, Fran-
çois Léotard s’est créé une
étoile médiatique en gérant
de façon habile le jogging
quasi-quotidien, la partici-
pation aux marathons les
plus prestigieux. Images
d’autant plus fortes que la
course a toujours été perçue
comme un symbole de liber-
té et de bonne santé.
Ce type d’images est un vrai
cœur de cible. La curiosité,
la sensualité, le plaisir : tout
était réuni pour des images
fortes en émotion et fortes
en réaction émotionnelle à
deux degrés. Le degré direct
qui est le message premier
de l’image : homme en for-
me qui prend soin de son
corps.
L’impact indirect est sou-
vent double à l’endroit d’un
Président âgé mais aussi à
destination de l’ensemble de
la classe politique française
peu caractérisée par des
élus «sexy».
Ce style a occupé une place
importante en 2007 avec la
vidéo sur Nicolas Sarkozy et
Human Bomb à Neuilly. Il
était un exemple de coura-
ge, d’abnégation, de solidité
dans les épreuves.
2012 : la nouvelle idéologie : le style ! (2/3)
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6. annonciatrice de ce pos-
tulat de «sauveur» qui ar-
rive auréolé de son pres-
tige international.
Ségolène Royal n’appar-
tient plus à cette fonction
d’imaginaire car elle s’est
réduite progressivement à
la création d’une mode
(les femmes au pouvoir)
et non pas d’une tendan-
ce durable.
De plus cet imaginaire re-
pose sur trois qualités qui
marquent des étapes suc-
cessives :
- la singularité,
- la fédération,
- la valorisation.
Pour gagner en recon-
naissance de marque, il
faut être le premier et
non pas le meilleur.
C’est le chemin direct. Ni-
colas Sarkozy fut le pre-
mier à défier en rebelle
permanent un Chef d’Etat
de sa propre majorité.
Ségolène Royal fut la pre-
mière femme candidate
d’un grand parti à une
présidentielle.
En étant les premiers sur
des territoires différents,
ils ont bénéficié d’une
clarté, d’une simplicité qui
ont amplifié l’efficacité de
leurs positionnements.
La fédération est la ca-
pacité à être reconnu par
d’autres et donc à favori-
ser le sentiment de se
joindre à une vague en
cours de constitution.
Quant à la valorisation,
c’est le sentiment ancien
que la marque rendra de-
main meilleur.
C’est l’étape la plus diffi-
cile car elle fait appel à
l’imaginaire.
Cet imaginaire en politi-
que se construit désor-
mais sur des bases très
fragiles.
D’abord, chaque électeur
vote pour soi et non pas
pour un candidat. La
«nouvelle génération»
des électeurs a une ap-
proche citoyenne voisine
de celle de la consomma-
tion courante.
Il s’agit de détecter les
mesures qui permettront
d’améliorer son sort indi-
viduel.
2012 : la nouvelle idéologie : le style ! (2/3)
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7. L’opinion vote pour
une star pas pour un
responsable politique.
Le star système a frappé
la vie politique Française.
Il s’agit de représenter
des valeurs au-delà des
fonctions. Les fonctions
ramènent à l’action
concrète. Les valeurs vont
au-delà. Elles sont le sens
d’une destinée. Elles
créent l’imaginaire. Or la
marque est du ressort de
l’imaginaire.
L’opinion vote pour un
gagnant. Pas pour un
perdant. Le dernier
exemple le plus caricatu-
ral au sein pourtant d’un
«électorat conceptuel»,
c’est le vote du 16 no-
vembre 2006 au sein du
Parti Socialiste. Le score
de S. Royal n’aurait ja-
mais été le même sans
les sondages la plaçant
aussi largement en tête et
indiquant qu’elle était la
seule à gagner le second
tour. Cette réalité est dé-
sormais perçue si large-
ment qu’elle détourne
pour partie la vocation
des sondages instrumen-
talisés comme «témoins
scientifiques» de la victoi-
re à venir.
C’est d’ailleurs étonnant
de constater que née par
les sondages en 2006,
Ségolène Royal est lestée
par les sondages en 2011
dans des conditions au
parallélisme implacable à
l’exception des bénéficiai-
res.
Tout le travail des candi-
dats doit donc consister à
créer cet imaginaire en
intégrant les contraintes
propres à la vie politique.
C’est un travail difficile,
long et incertain.
Difficile, car l’opinion
Française est habituée à
une publicité commerciale
à fort potentiel esthéti-
que. S’éloigner de cet
univers c’est prendre le
risque de ne pas retenir
2012 : la nouvelle idéologie : le style ! (2/3)
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8. quée par deux caractéris-
tiques :
- elle est visuelle,
- elle est émotionnelle.
Tout l’enjeu consiste à
distinguer le contenu
émotionnel de la réaction
émotionnelle. Ce qui im-
porte, c’est bien entendu
la réaction émotionnelle
c'est-à-dire la conséquen-
ce qui résulte du message
visuel. Plus la réaction
émotionnelle est forte
plus l’impact du message
est grand, efficace.
l’attention.
Or les contraintes légales
des dépenses de campa-
gne limitent considérable-
ment le recours à des
techniques élaborées
donc coûteuses. C’est ain-
si l’ensemble de la com-
munication publique qui
est parfois contrainte de
«jouer en basse division».
C’est un travail long, car
une marque ne se cons-
truit pas en quelques se-
maines. Ce sont des an-
nées de travail. Dans ce
calendrier, la difficulté
majeure consiste à
conserver une certaine
cohérence.
Enfin, c’est un travail in-
certain car l’opinion bou-
ge beaucoup et consom-
me vite les modes. Par
conséquent, le caractère
aléatoire occupe une pla-
ce de plus en plus impor-
tante.
Comme le temps électoral
passe vite, de nombreu-
ses élaborations compli-
quées peuvent être ren-
voyées à d’autres épo-
ques.
Parce qu’il s’agit de créer
un imaginaire, le style
prend une place majeure
et il est constitué d’abord
par l’image. La communi-
cation moderne est mar-
Editeur :
Newday
www.exprimeo.fr
2012 : la nouvelle idéologie : le style ! (2/3)
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9. 2012 : la nouvelle idéologie : le style ! (3/3)
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2012 : quels imaginaires de
marques ?
Est-il possible d’appliquer à la
présidentielle une méthodolo-
gie qui lie d’ordinaire les
consommateurs à une mar-
que ?
Le nom de chaque candidat
porte-t-il une vision de la so-
ciété ?
La diminution des ancrages
politiques ouvre-t-elle de nou-
veaux espaces pour des imagi-
naires ?
Parution le : 19 avril 2011.