1. N°234 - semaine du 27 septembre au 04 octobre 2010
2 novembre
2010:
la politique
change de
sexe ?
2. 2 novembre 2010:
la politique change de
sexe ?
Chaque élection Américai-
ne reflète le culte du
neuf. L’électorat exprime
son souhait de repartir
sur des bases nouvelles
et ainsi parvenir à
«recommencer le mon-
de».
Chaque élection présiden-
tielle est marquée par
cette logique de rupture.
En 1976, Jimmy Carter
promettait la fin d’une
présidence machiavéli-
que.
En 1980, Reagan mar-
quait le retour d’un pays
qui entendait être inter-
nationalement respecté.
En 1992, la victoire de
Clinton était celle de la
proximité et du retour
aux priorités intérieures.
En 2000, le succès de
Bush était le triomphe
d’une Amérique morale.
En 2008, le triomphe de
Barack Obama fut celui
d’un nouveau leadership
basé sur une Présidence
moins «impériale» et une
puissance internationale
moins dogmatique.
Par ailleurs, il importe de
noter que chaque prési-
dentielle a une part de
ses racines dans les élec-
tions du mid term.
La présidentielle 2008 a
ses racines directes dans
la campagne du mid term
en novembre 2006. Une
élection qui marque une
sévère défaite républicai-
ne avec le réel tournant
du scandale inattendu dit
«le scandale Foley».
Ce tournant traduit deux
phénomènes importants.
La place prépondérante
de la morale pour
«l’Amérique profonde»,
dont le droite religieuse
qui a contribué aux der-
nières victoires républicai-
nes de façon décisive de-
puis 2000, conduit à une
forte abstention qui défait
des sortants Républicains
dans des fiefs classiques.
La propension immédiate
de cette «Amérique pro-
fonde» à stigmatiser tous
les «pêchés» des Capita-
les de la Côte Est dont
Washington, capitale poli-
tique ou New York, capi-
tale économique et mé-
diatique et à souhaiter du
neuf pour évoluer vers un
candidat d’un profil plus
modeste, au cursus moins
aisé et issu de territoires
intérieurs moins privilé-
giés.
Aujourd’hui, fidèles à cet-
te culture du «un nou-
veau départ» c'est-à-dire
de nouveaux leaders avec
des idées nouvelles, les
citoyens réaffirment leur
besoin de changement.
Le curseur du change-
ment est poussé plus loin
que d’ordinaire.
Les anciens leaders «ont
fait leur temps». Une as-
piration au changement
de têtes se fait jour.
Les élections primaires
ont marqué une réelle
2
3. 2 novembre 2010 : la politique change de sexe ?
3
John Thune : dernier
recours pour les mo-
dérés ?
John Thune devait faire son
«tour de chauffe» pour 2012.
La poussée du Mouvement Tea
Party a surpris ce modéré per-
suadé que la présidentielle se
gagne toujours au centre. Il
est donc resté à l’écart pen-
sant que ce Mouvement ne
tiendrait pas la distance. Non
seulement, cette radicalisation
a persisté mais elle a gagné
en force.
C’est donc une nouvelle donne
politique totale qui peut résul-
ter du 2 novembre.
4. sanction contre l’esta-
blishment : être sortant
sans être sorti a relevé de
l’exploit.
Le climat de la revan-
che du peuple
Lors des primaires, l’opi-
nion a clairement indiqué
ce qu’elle ne voulait plus
accepter :
• l’idéalisme frustré,
• les attitudes tradi-
tionnelles.
Elle attend une nouvelle
génération qui soit atta-
chée au pragmatisme, à
l’équité et surtout sou-
cieuse de «résoudre les
problèmes du quotidien».
Ces «problèmes du quoti-
dien» ont deux priorités :
• l’emploi,
• la diminution des
taxes.
Ce besoin de neuf comme
de quotidienneté a ouvert
un espace particulier en
faveur des femmes qui
ont effectué une percée
s a n s p r é c é d e n t :
«nouvelle génération ré-
publicaine» avec les va-
leurs du Tea Party.
Une génération qui expri-
me avec virulence la vo-
lonté de limiter les pou-
voirs de l’Etat fédéral et
par conséquent sa défian-
ce face à certaines réfor-
mes de Barack Obama
qui, selon elle, entraînent
une augmentation sensi-
ble de la bureaucratie fé-
dérale.
Casser le politiquement
correct
Au milieu des années 60,
quand la mode a consisté
à chercher à mieux com-
prendre la construction de
la campagne de JFK, plu-
sieurs conseillers dont
son frère Bobby ont
consenti à quelques confi-
dences.
Pour expliquer les nom-
breuses innovations, l’in-
terprétation (ou la légen-
de?) a voulu que l’équipe
de JFK dresse un tableau
à trois colonnes.
La première était un thè-
me d’interventions.
La seconde visait à établir
sur ce thème la position
que prendrait un politicien
classique.
La troisième colonne
consistait alors à se posi-
tionner à l’opposé de cet-
te attitude classique et à
analyser si cette attitude
restait possible.
L’innovation était alors
garantie.
Le fond de la campagne
2008 de Barack Obama
semble avoir été conçu à
partir d’un marqueur sim-
ple : être à l’opposé du
comportement de GW
Bush.
Le scrutin présidentiel de
2 novembre 2010 : la politique change de sexe ?
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5. novembre 2008 est inter-
venu dans un contexte
marqué par plusieurs fac-
teurs majeurs à l’impor-
tance décroissante :
• le rejet des années
Bush,
• la volonté de change-
ment radical,
• la personnalité de
Barack Obama.
Tous ces éléments se
cumulaient pour susciter
une vague de sanction
des années Bush qui in-
carnaient alors :
- l’incapacité à conduire
des améliorations signifi-
catives sur des sujets de
politique intérieure avec
des «scandales» qui ont
choqué l’opinion à l’exem-
ple de la catastrophe Ka-
trina,
- un Congrès qui est de-
venu difficilement géra-
ble. Il était en proie à des
clivages multiples. Cha-
que projet présidentiel
faisait l’objet d’une guerre
à l’amendement. Tout
était bon pour se démar-
quer d’un projet présiden-
tiel. Cette guerre à l’a-
mendement rencontrait
même une nouvelle mode
: l’amendement biparti-
san qui était signé par
des parlementaires des
deux camps.
- un pouvoir qui donnait le
sentiment d’avoir acté un
divorce désormais irrémé-
diable avec l’opinion (à
l’exemple de la décision
présidentielle d’immunité
accordée à Lewis Libby,
ex Chef de Cabinet de son
Vice-Président). Le Prési-
dent est alors apparu dé-
finitivement coupé du
pays. Ce sentiment s’est
amplifié par le traitement
de certaines affaires qui
ont éloigné le Président
de l’image de morale que
son engagement person-
nel religieux avait créée.
- un pouvoir manipulateur
qui n’hésitait pas à mentir
à l’opinion pour parvenir à
ses fins.
La feuille de route du can-
didat Obama semblait
alors calquée sur le com-
portement opposé à ces
repères des années Bush.
Le Congrès devrait se
transformer en accéléra-
teur du changement. Le
débat ne serait plus sur le
thème des amendements
bipartisans mais sur la li-
gne de fracture au sein
du Parti Républicain entre
ceux qui donnent une
chance aux mesures Oba-
ma et ceux qui souhaitent
ouvertement l’échec.
L’opinion serait une invi-
tée permanente au dialo-
gue. Les nouvelles tech-
nologies seraient mises à
contribution pour permet-
tre cet échange.
Mais surtout, comme rien
ne peut remplacer le
contact direct, deux me-
sures occuperaient une
place privilégiée :
Sarah Palin et le choix
affinitaire
Sarah Palin a construit un
maillage des Etats qui de-
vrait s’avérer redoutable-
ment efficace lors des pri-
maires républicaines.
Dans ce maillage, les
«nouvelles républicaines» à
l’exemple de Nikki Haley
(photo page 08) occupent
une place privilégiée. Elles
occupent la politique mais
aussi le journalisme comme
E. Hasselbeck (photo page
4).
Elles sont les «championnes
des gens ordinaires». Elles
louent l’héroïsme au quoti-
dien : faire vivre sa famille
en respectant des valeurs
fortes.
Ce parti pris de proximité
crée la valeur à la mode : le
choix affinitaire. Le vote est
désormais un choix d’appar-
tenance : le candidat qui
peut le mieux connaître
donc comprendre ses en-
jeux. Celui-là seul mérite la
confiance.
Sarah Palin a lancé avec
talent le symbole de la
«maman grizzly» : celle qui
lutte de toutes ses forces
contre l’environnement hos-
tile pour sauver les siens.
Cette génération est en pas-
se de changer la donne en
cumulant le tempérament
de fer et le charme de feu.
Les campagnes publicitaires
occupent à fond un position-
nement séducteur.
Elles viennent de changer
l’image du Parti Républicain
et le réconcilier avec l’élec-
torat populaire.
2 novembre 2010 : la politique change de sexe ?
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6. John Thune : le dernier recours pour
les moins radicaux
John Thune incarne la nouvelle génération
du Parti Républicain. Il est Sénateur du Da-
kota du Sud. Il fait partie des orateurs ve-
dettes pour les candidats aux élections de
novembre 2010.
Toute son histoire personnelle le relie au
Dakota du Sud où il est né le 7 janvier
1961. Il a grandi dans la ville de Muro
(Dakota du Sud). Il a effectué son parcours
universitaire dans cet Etat. En 1984, il épou-
se Kimberley Weems, elle-même originaire
de cet Etat. Son parcours professionnel est
toujours lié à la politique. Il débute comme
Assistant de Jim Abdnor, Sénateur. Puis il
occupe des postes administratifs dans des
structures gérées par des responsables ré-
publicains. Sa première candidature date de
1996 quand il est élu à la Chambre des Re-
présentants.
Il connaît deux réélections à cette fonction
dont l’une particulièrement brillante puisqu’il
capitalisera la plus grande marge dans l’his-
toire du Dakota du Sud lors d’une élection.
En 2002, il se présente au Sénat mais il est
battu. Il se présente alors dans une autre
circonscription sénatoriale en 2004. A cette
époque, peu d’observateurs parient sur ses
chances de victoire car il est candidat contre
le Démocrate Tom Daschle qui n’est autre
que le leader des Démocrates au Sénat.
Pourtant, le 2 novembre 2004, il bat Tom
Daschle et devient l’un des symboles de la
jeune génération Républicaine.
John Thune parie sur une présidentielle qui
se gagne au centre. Par conséquent, il garde
toujours ses distances avec les thèses les
plus populistes du Mouvement Tea Party.
C’est tout l’enjeu du 2 novembre et des rap-
ports de forces internes.
• les déplacements sur
le terrain,
• les contacts avec des
salles qui permettent
l’échange direct.
Enfin, la sincérité et la
transparence seraient des
valeurs sans cesse défen-
dues comme des priori-
tés. L’opinion Américaine
n’a jamais pardonné à
GW Bush de l’avoir enga-
gée dans des décisions
sur la base de critères er-
ronés voire mensongers.
Cet élément intentionnel
avait donné naissance à
une réelle colère populai-
re sous la forme d’un dé-
tournement de confiance.
L’opinion était prête à
pardonner des erreurs
mais pas des mensonges.
Cette dimension morale
devait être une dimension
permanente de la nouvel-
le Présidence.
Obama débordé dans la
course au peuple : le
tournant du printemps
2009
Le tournant est apparu
début avril 2009 quand
un sondage de l’Institut
Zogby a laissé apparaître
une chute de 15 points
dans la cote de confiance
du Président, soit 8 points
de moins que la cote de
confiance de GW Bush à
la même date lors de son
premier mandat …
Des journalistes, pourtant
parfois démocrates, com-
mencent alors à prendre
des distances.
Ce climat montre le véri-
table enjeu de Barack
Obama : assurer la repri-
se économique.
Le style Obama c’est d’a-
bord une présence, une
silhouette, un sourire.
C’est un freshman destiné
à exorciser les ratés de
Bush et les mœurs de
Washington.
Il est un cocktail de nou-
veauté, de jeunesse et de
professionnalisme. Un
professionnalisme qui a
donné naissance à une
nouvelle génération high
tech.
Mais cette génération est
confrontée à la crise.
2 novembre 2010 : la politique change de sexe ?
6
7. Un professionnalisme qui
repose aussi sur un prag-
matisme revendiqué qui
relègue les idéologies au
musée, qui a installé une
nouvelle administration
avant tout soucieuse de
«résoudre les problè-
mes».
Au-delà de cette ambian-
ce globale, il y a un ren-
dez-vous : lutter contre la
précarité et contre la pau-
vreté liées à un volant de
chômage exceptionnel.
Ce rendez-vous allait
conditionner l’avenir de la
popularité de Barack Oba-
ma dans l’opinion publi-
que.
Les Républicains ne s’y
sont pas trompés. Si le
«problème de l’emploi»
n’était pas rapidement ré-
solu, la crise de confiance
serait vite là.
C’est cette analyse qui a
expliqué alors le nouveau
comportement des Répu-
blicains : pas de quartier !
Ils vont épingler l’élitisme
de Barack Obama qui
avait déjà été pendant la
campagne présidentielle
une de ses faiblesses.
Ils font la chasse aux gaf-
fes y compris sur la forme
comme cette interview
donnée avec un sourire
permanent comme si la
jubilation d’être au pou-
voir l’emportait sur le
partage des malheurs. Ils
sont persuadés que le
style ne résistera pas à
une conjoncture durable
de chômage.
Ce qui importe, ce sont
les indices économiques.
La grande leçon de la po-
pularité de Reagan a rési-
dé d’abord dans une pé-
riode quasi-plein emploi.
Un plein emploi atteint y
compris au prix de déficits
considérables mais le
plein emploi. Sous l’admi-
nistration Reagan, 9 mil-
lions de nouveaux em-
Charlie Crist : l’avenir des Indépen-
dants ?
Charlie Crist en décidant de se maintenir
comme candidat indépendant dans la Séna-
toriale de Floride change totalement la don-
ne de cette élection. Mais surtout, il rappelle
l’enjeu considérable des triangulaires dans
la vie politique Américaine.
C’est un enjeu ancien et au plus haut ni-
veau. John Anderson ou Ralph Nader sont
des noms qui ont ébranlé des édifices prési-
dentiels du côté des Démocrates.
La victoire de Reagan en 1980 aurait-elle
été la même en l’absence de John Anderson
qui «chassait sur les terres démocrates» et
qui a dépassé le seuil des 5 % ? C’est loin
d’être évident.
Du côté républicain, Ross Perot a été associé
à la «décennie noire» pour les Républicains.
Dans un duel, le troisième homme impose
au camp dont il est le plus proche de creu-
ser encore davantage l’écart.
Parfois, le montant de cet écart, s’il doit dé-
passer les 5 %, revient à un handicap insur-
montable.
C’est la question qui se pose désormais pour
les Républicains bien au-delà du seul cas de
Charlie Crist.
Comment le Parti Républicain peut-il conci-
lier les ancrages populistes du Mouvement
Tea Party et les programmes plus modérés ?
Si les modérés s’estiment contournés par les
populistes dans des conditions qui faussent
la primaire, ils peuvent ensuite estimer né-
cessaire de se maintenir.
Combien seront-ils dans ce cas et dans
quels Etats ? C’est tout l’équilibre des élec-
tions du mid term qui peut être modifié. La
poussée des Républicains les plus radicaux
pourraient aller jusqu’à justifier une candi-
dature indépendante en 2012 ?
Si l’échec de C. Crist est cuisant, il pourrait
surtout montrer qu’il n’y a pas d’espace
pour une «troisième voie».
2 novembre 2010 : la politique change de sexe ?
7
8. sont certes toujours un
défi délicat pour le pou-
voir en place. La crise ou-
vrait une course au peu-
ple. La nouvelle généra-
tion du Parti Républicain
est en passe d’emporter
largement cette course
changeant la donne pour
2012.
Vivant dans un monde de
divertissements chargé
d’émotions fortes, à la re-
cherche de sensations, la
nouvelle génération des
candidates républicaines
a été capable de faire vi-
vre des vibrations nouvel-
les. C’est probablement là
l’enseignement le plus
important. La politique
n’a pas changé de sexe.
Elle a d’abord changé de
sens. L’électeur a cherché
du spectaculaire, du fan-
tasme, des émotions, de
la surprise encore davan-
tage que d’ordinaire.
Comme si, dans la moro-
sité ambiante, il voulait
réhabiliter la quête de la
sensation. A l’instar de
«poupées russes», la
nouvelle génération répu-
blicaine offre plusieurs ni-
veaux. Le look est sexy
mais le contenu est mo-
ral. Cette bipolarité a été
un atout déterminant : la
surprise dans la forme et
le classicisme sur le fond.
C’est la vie à la rescousse
de la politique fragilisée
par la crise.
plois ont été créés.
L’inflation est tombée de
12, 4 % à moins de 4 %.
Un organisme d’études
(Cabinet Seymour Lipset)
a publié une analyse qui
montrait que la courbe de
popularité de Reagan
était collée très exacte-
ment à celle des créations
d’emplois. Une enquête a
démontré alors que 48 %
des votes étaient liés à ce
retour à l’emploi. L’endet-
tement fédéral a alors
battu des records histori-
ques (2 000 milliards de
dollars). Mais tout résidait
dans le niveau d’emploi.
Or sur le front du chôma-
ge, tout s’est détérioré
ces deux dernières an-
nées.
En mars 2009, l’économie
Américaine avait détruit
663 000 emplois plaçant
le chômage au plus haut
depuis 25 ans. Il y aurait
à ce jour 28 millions de
personnes confrontées à
un problème d’emploi.
C’est une réelle bombe
politique.
C’est cette bombe là qui
explose le 2 novembre en
impactant directement le
nouveau rapport des for-
ces politiques.
Les élections du mid term
Editeur :
Newday
www.exprimeo.fr
2 novembre 2010 : la politique change de sexe ?
8
9. Villepin : au second tour en 2012 ? 9
A moins de 18 mois de la
présidentielle française,
Dominique de Villepin est
l’énigme.
Désormais installé au
centre de l’échiquier poli-
tique, sa démarche intri-
gue, passionne, exaspère
mais ne laisse jamais in-
différent. Sa présence au
second tour est-elle pos-
sible ?
Parution le : 4 octobre
2010