Lettre Exprimeo : Rick Perry ou le retour du cow-boy
1. N°271 - 4 octobre 2011
Rick Perry ou le retour
du cow-boy
républicain
2. Rick Perry ou le
retour du cow-boy
républicain
Traditionnellement, les
Américains votent pour
une destinée, pour un
spectacle, pour un ga-
gnant.
La destinée, c’est l’assu-
rance que le rêve est pos-
sible pour chacun.
Le spectacle, c’est le mor-
ceau d‘Histoire raconté
par un cursus et par le
sens perçu de la campa-
gne.
Le gagnant, c’est celui qui
devient d’abord le maître
du temps de la campa-
gne, qui pousse l’autre à
la faute, qui réagit plus
vite, qui incarne l’énergie
qui doit donner demain
une espérance pour cha-
cun.
Dans le camp républicain,
un candidat est actuelle-
ment en passe d’incarner
cette destinée, ce specta-
cle, cette logique du ga-
gnant : Rick Perry.
Il a réussi son entrée en
campagne, s’installant en
tête des intentions de vo-
tes au sein du collège des
républicains avec une
avance de 8 points en
moyenne sur Mitt Rom-
ney.
Transformer 2012
en referendum sur
le retour de
l’Amérique
Pour le moment, si Rick
Perry mène au sein du
collège des républicains, il
est battu au second tour
face à Barack Obama
avec un écart plus impor-
tant que son concurrent
Mitt Romney.
Tout l’enjeu pour lui
consiste désormais à
transformer la présiden-
tielle en un referendum
sur le «retour de l’Améri-
que».
Rick Perry se veut ainsi
l’héritier de Reagan, pla-
çant le scrutin 2012 dans
les traces du vote de
1980.
L’un des plus grands stra-
tèges électoraux améri-
cains, Richard Wirthlin,
Conseiller de Ronald Rea-
gan, a résumé en une for-
mule les campagnes plé-
biscitaires «si nous réus-
sissions à faire de la cam-
pagne de 1980 un réfé-
rendum sur les résultats
obtenus par Jimmy Car-
ter, l’élection était acqui-
se».
Son homologue dans le
camp démocrate à cette
époque, Patrick Caddell, a
résumé leur enjeu de la
façon suivante «sachant
ce que le peuple pensait
du Président, nous de-
vions axer notre campa-
gne sur le futur car sur le
passé nous étions
convaincus d’être battus à
plate couture».
Le scrutin 1980 a tourné
sur la Présidence Carter
et R. Reagan a réalisé l’un
des plus beaux scores de
toute l’histoire électorale
des USA.
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3. Rick Perry ou le retour du cow-boy républicain
3
Sarah Palin : probable
absente en 2012
Elle avait réveillé l’électorat
républicain en 2008 plaçant
McCain devant Obama jusqu’à
la crise de Wall Street de mi-
septembre 2008. En 2010, son
soutien a fait des succès lors
des élections intermédiaires.
Mais depuis, elle est beaucoup
trop passée à la case people.
Des révélations assassines sur
sa vie privée l’ont fait chuter
dans les sondages où elle re-
cueille désormais moins de 10
% des intentions de votes. Sa
chance paraît derrière elle.
4. Depuis 1980, rien n’a
changé ou plutôt tout
s’est amplifié.
Premier élément, les
campagnes sont deve-
nues des campagnes plé-
biscitaires. C’est un réfé-
rendum sur une ou deux
questions qui font l’opi-
nion publique à un mo-
ment donné. Tout l’enjeu
réside dans la capacité à
influer sur l’émergence
desdites questions. Cette
«bataille culturelle»
conditionne le choix du
terrain de la bataille élec-
torale.
Second élément, la réalité
politique a de plus en plus
imposé le bilan du prési-
dent sortant comme l’un
des enjeux majeurs si ce
n’est en permanence l’en-
j e u p r i n c i p a l d u
«référendum».
La société est tellement
atomisée qu’il est impos-
sible de concevoir une
campagne portant sur des
réponses précises cas par
cas.
Un territoire fédéral
avec une mosaïque
de situations
Chacun s’accorde à re-
connaître que l’opinion
publique Française est de
plus en plus segmentée.
L’impact géographique
est de plus en plus fort.
Le Sud a une sociologie et
un comportement électo-
ral différents du Nord.
Face à cette réalité, que
dire d’un Etat fédéral
considérablement plus
grand, diversifié, exposé
à des cultures diverses ?
L’Amérique décide selon
des schémas qui ont fait
l’objet d’études très préci-
ses.
Il existe un clivage réel
entre les Républicains et
les Démocrates.
Les Républicains atten-
dent un leader fort.
Leur principal critère est
l’examen de la force mo-
rale de son tempérament.
Pour les Démocrates,
c’est la capacité de juge-
ment qui compte.
La sécurité nationale est
la première priorité pour
les Républicains tandis
qu’elle est largement de-
vancée par l’économie
pour les Démocrates.
Pour ces derniers, les
questions sociales arri-
vent même devant la sé-
curité nationale.
Bien entendu, géographi-
quement, l’Amérique des
rivages est plus ouverte
que l’Amérique profonde.
Mais surtout, de toutes
ces enquêtes, il résulte
que l’électeur Américain
ne vote pas quand il ne
connaît pas le candidat.
Ces données portaient en
Rick Perry ou le retour du cow-boy républicain
4
5. elles les scores des pri-
maires 2008 dès l’instant
que les candidats ne s’at-
taquaient pas à la modifi-
cation de certains traits
de leur image de marque.
Ainsi, chez les Républi-
cains, Giuliani rassurait
sur la question de sécuri-
té mais son tempérament
a p p a r a i s s a i t t r o p
«libéral». Huckabee n’é-
tait pas assez connu. Mitt
Romney, en dépit d’ef-
forts considérables, en
janvier 2008, n’était tou-
jours pas connu par 40 %
des Américains.
Par conséquent, seul
McCain réunissait les trois
données majeures chez
les Républicains : être
connu, être doté d’un
tempérament fort, rassu-
rer en matière de sécuri-
té. Il a tenu face à tous
les vents contraires et at-
tendu l’élimination des
autres concurrents.
Chez les Démocrates, en
janvier 2008, John Ed-
wards était connu mais
son profil restait un mys-
tère. Hillary Clinton était
connue, perçue comme
compétente mais 50 %
des Démocrates doutaient
de sa sincérité. Hillary
Clinton est progressive-
ment devenue une carica-
ture de la politicienne
froide et calculatrice.
Barack Obama était jugé
comme commettant des
erreurs sur le terrorisme
mais parvenait à installer
une communication émo-
tionnelle accélérant sa
notoriété et sa bonne
image de marque.
Barack Obama a non seu-
lement bénéficié des fai-
blesses de ses concur-
rents mais il a su monter
une campagne qui soit
une belle chorégraphie
électorale calibrée pour
devenir un feuilleton quo-
tidien avec ses rebondis-
sements et ses temps
forts. Il a su s’adapter à
la nouvelle démarche de
communication : il faut
parler à l’œil.
Il faut d’autant plus parler
à l’œil que l’électorat est
infidèle. Il zappe. C’est la
preuve de sa maturité
donc de sa liberté.
Cette situation accélère
les renversements de ré-
sultats. Il n’y a plus de
hiérarchie irrémédiable-
ment installée.
Cette situation impose
surtout une hyper-
visibilité.
La nouvelle ère de com-
munication réside dans le
fait de considérer l’opi-
nion comme seul interlo-
cuteur permanent. Dans
ce cadre, l’hyper-visibilité
est devenue une nécessi-
té. Elle est la seule façon
de maintenir le lien avec
un public de plus en plus
exposé à des messages
divers et de plus en plus
exigeant.
Mitt Romney:
le contraire de Rick
Perry
Le positionnement de Mitt
Romney est entièrement axé
sur deux sujets : l’emploi et les
valeurs morales.
Ses capacités de bon gestion-
naire sont unanimement recon-
nues. Il fut l’organisateur des
JO de 2002 à Salt Lake City.
Ses valeurs morales qui tran-
chent avec les mœurs de Was-
hington.
Il est capable de lever des
fonds considérables ; ce qui
avait déjà été le cas en 2007
donc a fortiori si ses perspecti-
ves de succès se confortent.
Mais il doit faire face à deux
problèmes. Il est perçu comme
un modéré. Il est éloigné des
exagérations du mouvement
Tea Party.
Il est mormon. En 2007, cette
question religieuse était deve-
nue centrale lors du lancement
réussi de sa candidature.
Il n’est pas à exclure qu’elle le
redevienne si sa désignation
par le Parti Républicain était
d’actualité.
Son atout majeur : qu’il soit le
seul républicain capable de ga-
gner le duel avec Obama.
Romney pourrait alors bénéfi-
cier d’un vote utile.
Ce n’est pas le cas actuelle-
ment. Romney est battu par
Obama même si l’écart est plus
faible que lors d’un duel entre
Obama et Perry. La radicalisa-
tion du collège républicain de-
vient un obstacle pour Romney
qui doit miser sur une faute de
Perry pour que ce dernier per-
de la crédibilité nécessaire.
Rick Perry ou le retour du cow-boy républicain
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6. Alastair Campbell (ancien
Conseiller de Tony Blair)
rappelle l’expression d’u-
sage «il faut faire la mé-
téo». L’enjeu consiste
donc à préempter le ter-
rain et à imposer aux au-
tres d’y venir.
C’est cette technique qu’a
remarquablement mise en
œuvre Rick Perry lors du
lancement de sa candida-
ture.
Un extrême
visibilité sur des
bases simples
Pour cela, une nouvelle
méthode voit le jour aux
USA qui est celle de la
communication par un
mot.
Il s’agit de prendre un po-
sitionnement et de tra-
vailler son pouvoir d’évo-
cation par la technique de
l’entonnoir : les 100
mots, puis les 50, puis les
20 et le mot clef qui résu-
me tout.
C’est ce mot clef qu’il faut
matraquer en permanen-
ce pour que l’opinion le
reçoive, l’enregistre, l’ac-
cepte, se l’approprie.
Dans la journée, tout est
zapping.
Pour échapper à cette
érosion immédiate, le
message doit être percu-
tant, concret, unique et
répété.
Il doit être unique dans
son évocation mais multi-
ple dans ses applications.
Parce qu’il est unique
dans son évocation, il ad-
met la répétition qui est
la meilleure garantie de
sa perception.
Cette évocation passe
également par des polé-
miques qui vont animer
l’opinion.
La polémique enfle à sa
naissance. Puis, elle se
calme et il ne reste que le
pouvoir d’évocation
quand quelques jours plus
tard l’opinion est passée à
un autre sujet.
Cette méthode ne résiste
pas devant deux assas-
sins :
- les voix divergentes
dans son propre camp qui
Rick Perry ou le retour du cow-boy républicain
6
7. imposent de démultiplier
les messages donc de
sortir de la logique de l’u-
nicité,
- l’erreur sur le message
attendu par l’opinion.
En ce qui concerne les di-
vergences dans le camp
républicain, c’est l’étape
actuellement traversée
par Rick Perry dans son
duel avec Mitt Romney.
Romney incarne le modé-
ré intellectuel face à Perry
qui chausse les bottes du
cow-boy héritier des an-
nées Reagan y compris
avec leurs excès.
C’est un positionnement
sécurisé tant que Romney
est également donné per-
dant lors d’un second tour
face à Obama se privant
ainsi d’un réflexe de vote
utile.
S’agissant du message
attendu par l’opinion, Per-
ry veut être le représen-
tant de l’Amérique pro-
fonde face à Obama sup-
posé incarner l’élite qui
passe d’un pied sur l’au-
tre selon les circonstan-
ces.
En réalité, la bataille ac-
tuelle de communication
porte davantage sur l’i-
mage d’Obama que sur
celle de Perry. Les répu-
blicains veulent installer
l’image d’un Obama dis-
tant, qui sourit devant les
caméras mais qui préfère
les dossiers aux être hu-
mains.
Un responsable froid, voi-
re même hautain qui n’a
pas été à la hauteur de la
situation parce qu’il est
trop «compliqué».
Perry prêche des valeurs
simples :
- une croisade morale sur
l’emploi et la baisse des
impôts,
- la lutte contre la dette
publique,
- la rigueur sur les débats
de société.
Rick Perry ou le retour du cow-boy républicain
7
8. face aux bureaucrates de
Washington.
Il se sert de la crise com-
me d’une alliée.
Elle serait le constat quo-
tidien des échecs de Was-
hington alors que lui au
Texas a pu faire vivre sa
«preuve locale».
Pour l’instant, cette dia-
lectique fonctionne. C’est
le retour du cow-boy ré-
publicain qui veut défaire
l’intellectuel démocrate.
Il prépare un choc d’ima-
ges : Obama le sinueux
face à Perry le roc, tout
d’un bloc.
Là est la force de Perry :
incarner une image de
l’Amérique qui répond aux
besoins profonds des
classes populaires et
moyennes.
Perry tente de faire rêver
de nouveau les Améri-
cains. La réalité nationale
s’y prête peu. Mais il dé-
place le débat en le si-
tuant sur le terrain du le-
dership.
Comme Reagan, Perry
veut redonner confiance
aux Américains.
Il sort la campagne d’un
débat sur des proposi-
tions précises pour le si-
tuer dans une autre di-
mension.
Il ne parle pas de politi-
que mais de valeurs. Il
parle de loi et d’ordre.
L’optimisme est son tra-
vail. Il s’agit de revenir
aux valeurs traditionnel-
les à l’intérieur et au res-
pect de l’Amérique à l’ex-
térieur.
C’est simple donc effica-
ce. Perry veut incarner la
renaissance de l’Amérique
Editeur :
Newday
www.exprimeo.fr
Rick Perry ou le retour du cow-boy républicain
8
9. Alain Juppé ou le retour à la mode
9
Recours, sauveur, Premier
Ministre … : aucun qualifi-
catif laudateur ou aucune
fonction ne paraît désor-
mais impossible pour Alain
Juppé.
Il est à la mode. Aux yeux
de l’opinion, tout ce qu’il
entreprend est bon, juste,
efficace.
C’est une évolution consi-
dérable qui reste la derniè-
re embellie pour la droite
dans la perspective de la
présidentielle 2012.