1. N°241 - du 16 au 23 novembre 2010
Tea Party :
possible en
France ?
(photo Nikki Haley élue Gouverneur en Caroline
du Sud
le 02 novembre 2010)
2. Tea Party :
possible en
France ?
Les élections de novem-
bre 2010 sont interve-
nues dans un contexte fa-
vorable à l’alternance.
La constance de l’opi-
nion dans sa demande
Avec beaucoup de cons-
tance, l’opinion Américai-
ne a sanctionné Barack
Obama en restant fidèle
aux priorités qui avaient
fait son succès deux ans
plus tôt. Elle témoigne un
attachement certain à la
nouveauté des profils.
Cette nouveauté avait été
le socle du succès en
2008 quand les démocra-
tes offraient un double vi-
sage de nouveauté : le
premier candidat african-
american (Obama) et une
femme (Hillary Clinton).
Une enquête Princeton
Survey Research Associa-
tes (réalisée du 9 au 14
septembre 2008) avait
identifié les mots clefs as-
sociés à la popularité de
Barack Obama :
• inexpérimenté,
• changement,
• intelligent,
• jeune,
• charismatique,
• nouveau,
• énergique,
• espoir.
L’alternative 2008 était
entre le changement ris-
qué (Obama) contre l’im-
mobilisme expérimenté
(McCain).
L’opinion a choisi le chan-
gement risqué. Ce qui a
montré l’ampleur de sa
volonté de changer.
Cette volonté de changer
avait d’ailleurs été identi-
fiée par l’équipe de
McCain.
C’est ce marqueur qui a
conduit au choix de Sarah
Palin. Les premières se-
maines ont connu un re-
bond en fonction du
«Palin effect». Ce rebond
est emporté par la crise
de Wall Street qui inter-
vient le 15 septembre.
Mais l’effet Palin avait été
considérable. Il ne faut
pas oublier qu’entre le 06
septembre 2008 et le 15,
McCain mène dans les in-
tentions de vote creusant
même un écart de 5
points en sa faveur le 9
septembre 2008…
Le second facteur a été
l’enjeu majeur qu’est tou-
jours l’économie. L’écono-
mie domine toujours les
autres thématiques lors
d’une élection Américaine
dès qu’elle se détériore.
Là aussi, les chiffres par-
lent. En juin 2007 selon
l’indicateur CNN / Opinion
Research Corporation
Poll., les raisons du choix
sont les suivantes :
• Irak : 32 %,
• économie : 24 %,
• santé : 18 %,
• immigration illégale :
16 %,
• terrorisme : 10 %.
En septembre 2008, ces
raisons du choix sont les
suivantes :
• économie : 56 %,
2
3. Tea Party : possible en France ? (2/3)
3
Kristi Noem : un des
symboles de la nouvel-
le génération républi-
caine
Kristi Noem devrait être parmi
les prochains leaders de la
Chambre des Représentants.
Elle incarne cette génération
fraîche qui a déjoué tous les
pronostics en 12 mois. Elle a
cassé tous les codes des cam-
pagnes habituelles.
Elle a même mis en ligne un
bêtisier des séances d’enregis-
trements de ses clips
vidéos ...
4. • Irak : 13 %,
• santé : 12 %,
• terrorisme : 11 %
• immigration illégale :
6 %.
En septembre 2008, Oba-
ma est jugé plus compé-
tent que McCain pour ré-
gler les questions écono-
miques. Toutes les en-
quêtes lui donnent une
large avance sur les prio-
rités suivantes :
• résoudre la crise im-
mobilière,
• résoudre la crise fi-
nancière de Wall
Street,
…
Sur tous les volets écono-
miques, Obama est plus
crédible que McCain qui
est scotché par un credo
«do-nothing economics».
McCain n’est leader thé-
matique que sur le sujet
du meilleur Commandant
en Chef. Mais ce volet ne
sera pas parmi les 9 pre-
mières priorités pour le
choix de novembre 2008.
La troisième fragilité d’O-
bama en novembre 2010
résidait dans la composi-
tion même de son électo-
rat de novembre 2008.
A cette époque, il a obte-
nu le vote :
• des femmes,
• des plus diplômés,
• des moins de 30 ans,
• des minorités blacks
et hispaniques.
Or, ces deux derniers
segments se mobilisent
généralement peu.
Quant aux femmes, l’offre
républicaine 2010 a tota-
lement siphonné ce seg-
ment.
Par conséquent, les résul-
tats de novembre 2010
ne sont pas un effet de
mode mais bien une ten-
dance lourde durable de
l’opinion. Cette dernière a
débordé Obama pour
choisir l’offre qui répon-
dait aux critères qui
avaient construit son
choix pour 2008.
C’est ce constat qui
conduit actuellement le
Parti Républicain à mettre
en œuvre des mesures
emblématiques pour ne
pas subir en 2012 un re-
vers identique à celui d’O-
bama en 2010 et pour les
mêmes facteurs.
Les tendances lourdes de
l’opinion Américaine en
novembre 2010 étaient
les suivantes :
• 61 % considèrent
que le pays va dans
une mauvaise direc-
tion (sondage NBC
Wall Street Journal
du 30 août 2010),
• l’état de l’économie
est la priorité pour
47 % des sondés.
Vient ensuite la ré-
duction du déficit du
budget fédéral,
• les questions sociales
qui devaient être le
point fort du bilan
Obama sont relé-
guées aux dernières
Tea Party : possible en France ? (2/3)
4
5. places avec des
pourcentages margi-
naux.
Les priorités sont restées
les mêmes entre 2008 et
2010, à l’exception de la
percée de la question de
la réduction du déficit fé-
déral, mais l’appréciation
de l’opinion pour résoudre
ces problèmes a changé.
Hier, Obama était le plus
crédible pour régler ces
sujets.
En 2010, c’est l’offre ré-
publicaine qui est la plus
crédible :
• économie : 49 %
contre 38 % pour les
démocrates,
• l’emploi : 46 % pour
les Républicains
contre 41 % pour les
Démocrates,
• les dépenses publi-
ques : 50 % pour les
Républicains contre
35 % pour les Démo-
crates.
Dans le détail des enquê-
tes, cette évolution n’est
pas liée tant à une pro-
gression de l’offre républi-
caine qu’à la déception
sur l’offre démocrate.
Cette déception se mani-
feste plus globalement
sur la crédibilité du bilan
global des sortants.
Le taux de désapproba-
tion du Congrès s’élève à
70 %.
Ce chiffre record est le
produit de deux dossiers :
• l’insatisfaction liée au
statu quo perçu
quant à la réforme
de la régulation fi-
nancière,
• les conséquences fi-
nancières liées à la
réforme de la santé.
Une opinion consom-
matrice de résultats
Cette constance montre
que l’opinion Américaine
se comporte en consom-
matrice de solutions à ses
problèmes prioritaires.
Si le mandat donné ne
produit pas les résultats
attendus, elle sanctionne
et zappe en faisant appel
à l’autre offre compte te-
nu du bipartisme connu
par ce système politique.
Dans ce contexte, le
mouvement Tea Party
n’est qu’un épiphénomè-
ne.
Les deux phénomènes de
fond sont :
• l’émergence de l’opi-
nion consommatrice
de résultats,
• la volonté de sanc-
tion de l’élite politi-
que qui a été incapa-
ble de prévoir la cri-
se, incapable de fixer
une sortie rapide voi-
re même une seule
visibilité de calen-
drier de sortie.
Le premier volet découle
Les «bons citoyens
contre la méchante
élite»
La dernière révolte populiste
Américaine date du début des
années 80 avec la victoire de
Ronald Reagan.
A cette date, une révolution
intellectuelle se produit et ins-
talle de nouveaux schémas in-
concevables quelques années
plus tôt.
C'est la victoire des "bons ci-
toyens contre la méchante éli-
te".
Une élite intellectuelle à cette
époque qui se serait excessive-
ment éloignée des concepts
fondateurs de la démocratie
Américaine.
En quelques années, un ins-
tinct de liberté est favorisé ba-
sé sur une nouvelle alliance :
l'initiative économique et la
démocratie politique.
Le socialisme renvoie alors à
une nostalgie d'un passé auto-
ritaire et inefficace.
Ce populisme déclare retourner
aux principes fondateurs de la
démocratie Américaine :
- l'Etat doit être limité,
- L'économie doit être libre,
- Le système moral doit être
solide et indépendant (Eglises,
Universités, médias …).
Cette approche a donné nais-
sance à une révolution conser-
vatrice qui a changé la donne
pendant de nombreuses an-
nées.
Le "new look conservateur"
avait emporté sur son chemin
le radical chic de la côte Est. La
gauche Américaine était en
état de faillite.
Les Etats-Unis sont-ils à l’aube
d’une révolution de ce type ?
Tea Party : possible en France ? (2/3)
5
6. Une tempête inscrite dans les
chiffres
Dès la mi août 2010, notre lettre hebdo-
madaire a été parmi les premières publi-
cations a annoncé la défaite probable
(voir couverture ci-contre de notre lettre
229 du 24 août 2010).
Nous indiquions alors en introduction :
« En 2008, la mode était au change-
ment. En 2010, la mode est à la puni-
tion. Le résumé de cette évolution pour-
rait accréditer l’idée selon laquelle l’opi-
nion a muté. Elle est restée la même
respectant les tendances profondes qui
avaient fait la victoire de 2008 ».
Moins de trois mois plus tard, les ten-
dances produisaient le résultat analysé
dans cette lettre.
de l’évolution même des
partis politiques.
L’actuelle démocratie est
d’abord une démocratie
plébiscitaire reposant sur
le rapport direct à un lea-
der.
La fonction de gardien vi-
gilant d’un corps de doc-
trine est peu compatible
avec cette approche nou-
velle des contraintes élec-
torales.
Si ces nouvelles contrain-
tes réduisent considéra-
blement la faculté pour
un parti politique d’être le
gardien d’une stricte pro-
pagande idéologique, l’é-
volution vers une fonction
principale de pure média-
tion n’est pas sans dan-
ger.
Elle laisse une place très
importante aux seuls ar-
bitrages d’actualité et une
place d’autant plus gran-
de ultérieurement aux
groupes de pression faute
de cadre initial rigide.
Mais surtout, en temps de
crise, les partis politiques
sont fortement déstabili-
sés par les situations
heurtant les repères mo-
raux de l’opinion publi-
que.
Chaque révélation de ce
type est une réelle décla-
ration de guerre contre le
parti visé qui se doit de
réagir de façon violente et
symbolique. Toute accu-
sation de vice doit devenir
une déclaration de vertu
étouffant l’accusation ini-
tiale.
Cet espace là a été oc-
cupé par le Mouvement
Tea Party.
Sa virginité face au pou-
voir l’a auréolé de toutes
les vertus. L’incapacité du
Parti Démocrate à réfor-
mer Washington l’a fragi-
lisé.
Le Parti Républicain n’a
pas capitalisé cette fragili-
sation puisque le climat a
tourné à l’esprit «sortez
les sortants» d’où l’am-
pleur des défaites des
sortants dans les primai-
res y compris au sein mê-
me du Parti Républicain.
La lune de miel était rom-
pue. Mais elle était rom-
pue avec l’ensemble de la
Tea Party : possible en France ? (2/3)
6
7. classe politique tradition-
nelle.
Lors des élections inter-
médiaires, la sanction du
pouvoir en place inter-
vient souvent. Elle se tra-
duit généralement par
une érosion de la majorité
et bien plus rarement par
une inversion de cette
majorité.
Le tableau ci-dessous ex-
trait d’une note technique
de la Fondation Jean Jau-
rès dresse une comparai-
son dans le temps qui est
très utile pour juger de
l’ampleur des résultats du
2 novembre 2010.
Il ne s’agit pas d’une si-
tuation classique mais bel
et bien d’un score histori-
que puisque les gains
nets du Parti Républicain
Tea Party : possible en France ? (2/3)
7
8. sées à des vagues qui se-
couent les repères habi-
tuels.
Certes, le côté simplifica-
teur du bipartisme Améri-
cain ne contient aucun
édredon.
Mais la logique du second
tour n’autorise-t-elle pas
dans d’autres démocraties
ce même rapport simplifi-
cateur ?
La France peut-elle ap-
partenir à cette logique ?
Et si oui, quelles compo-
santes semblent actuelle-
ment les mieux placées
pour en bénéficier ?
dépassent très largement
les scores habituels com-
me le montre le tableau
ci-contre à rapprocher
des résultats antérieurs
présentés à la page 07.
Le 2 novembre 2010 a
été une vague historique
d’alternance et / ou de
sanction.
Comme les partis politi-
ques ont perdu de l’auto-
rité morale. Ils endiguent
moins les mouvements de
l’opinion.
Cette situation devrait se
retrouver dans de nom-
breuses autres démocra-
ties pareillement expo-
sées
.
Editeur :
Denis Bonzy
Newday
www.exprimeo.fr
Tea Party : possible en France ? (2/3)
8
9. Tea Party : possible en France ? (3/3)
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La génération du 02 novembre
2010 peut-elle essaimer au-
delà des frontières Américai-
nes ?
Si la France était impactée,
quelles conséquences prati-
ques pourraient en résulter ?
Le personnel politique Français
peut-il être exposé à une telle
vague de rejet ou la force des
partis classiques le protège-t-
il ? Ce sont quelques unes des
questions traitées dans notre
prochain numéro.
Parution le : 30 novembre
2010 (suite 3/3).