Conférence prononcée le 26 octobre 2012 lors du colloque "Lille Design for Change" à l'Imaginarium de Tourcoing, pour Lille Design et Design For Change.
Le design, une philosophie "by practice" : où l'on définit le design en 12 propositions
1. LE DESIGN,
UNE PHILOSOPHIE
« BY PRACTICE »
où l’on définit le design en 12 propositions
www.stephane-vial.net
philosophe, chercheur, enseignant, designer interactif
(université paris 1 sorbonne, école boulle, lektum)
@svial
26 OCTOBRE 2012 LILLE DESIGN FOR CHANGE
4. Le design est avant tout une pratique de la pensée,
mais au XX e s. il n’y a pas eu de pensée du design
Le design n’a pas été constitué
en objet philosophique : pourquoi ?
7. Les philosophes ne se sont préoccupés
jusqu’ici que du beau et des beaux-arts
devenus arts plastiques (puis art contemporain)
Ils ont complètement ignoré les arts décoratifs
et les arts appliqués, traités comme « arts mineurs »
et devenus design (au rôle majeur !)
10. Les philosophes du XX esiècle n’ont pas saisi que
le design est l’émergence d’un nouveau genre culturel
qui n’est pas réductible à la culture de l’art, la culture
de la technique ou la culture de l’ingénierie
Le design est une culture sui generis
16. Terme introuvable
définition rigoureuse inexistante
dans les dictionnaires de langue
« le design est une activité
dont nous tolérons l’indéfinition » (J-L Frechin)
les designers se (com)plaisent dans l’indéfinition du design
chacun y va de sa formule ou de son bon mot
19. 1930’s
Les premières agences américaines
imposent l’expression industrial design
1950’s
Jacques Viénot propose de traduire en français
industrial design par esthétique industrielle (so french)
1971
L’Académie Française adopte le mot design (enfin)
1994
La loi Toubon propose de remplacer design par stylique (rires)
2010
L’INSEE propose de remplacer design par concept (problème)
2012
L’Académie Française préparerait un nouveau coup :
remplacer design par desseign (au secours)
22. LE DESIGN COMME DOING (formalisation)
Latinisme — designare, « marquer d’un signe »
(de + signum, « dessigner » i.e. dessiner)
Former des signes ou signer des formes
par le dessin (plans, croquis, perspectives, zonings...)
par le prototype (maquettes, patrons, wireframes...)
23. LE DESIGN COMME THINKING (conceptualisation)
Anglicisme — to design, « concevoir »
selon un plan, une intention, un dessein
Élaborer un projet qui repose sur
un concept créatif (une idée qui structure le projet)
une pensée de l’expérience (une analyse des usages et
des pratiques d’existence qui nourrit le projet)
26. DU REJET À L’ASSOMPTION
William Morris, 1880’s-1890’s
Les arts décoratifs pour sauver l’homme de l’industrie
Deutscher Werkbund, 1907
L’alliance des arts décoratifs avec le standard industriel
Peter Behrens, 1907
Directeur artistique de AEG
Walter Gropius, 1919
Le Bauhaus, première école d’art et de design
29. SOCIÉTÉ DE CONSOMMATION
Les designers deviennent « un clergé de gens en col
roulé noir avec des lunettes de designer qui travaillent
sur des petites choses » centrées sur l’esthétique,
l’image et la mode (Tim Brown, TED, juillet 2009)
32. RÉ-ENCHANTER LE MONDE
À l’heure de la révolution numérique et de la troisième
révolution industrielle (J. Rifkin), les designers doivent
redevenir des « penseurs de systèmes » (Tim Brown)
moins soucieux d’être des auteurs d’objet que des
créateurs d’expériences et de solutions nouvelles
37. LE DESIGN EST
UN EFFET
• avant d’être un espace, un produit ou un service,
le design est principalement un effet qui advient
dans un espace, un produit ou un service.
• le design n’est pas un étant mais un événement
il n’est pas « une chose qui est » mais « une chose qui
arrive » (Kenya Hara)
• il n’est pas une propriété des choses mais
une incidence ou un retentissement sur les choses
38. UN EFFET DE DESIGN EST
UN EFFET D’EXPÉRIENCE
• un effet de design est un événement qui se produit
dans l’expérience d’un usager, i.e. d’un sujet humain
• un effet de design transforme un usage brut en une
expérience-à-vivre qu’un sujet peut éprouver et qui
améliore son expérience d’exister
• soit en résolvant des problèmes, soit en simplifiant des
choses, soit en proposant de nouvelles possibilités, soit
en apportant de la poésie ou du plaisir
44. EFFET 1
« CALLIMORPHIQUE »
• première dimension : l’expérience sensorielle (sensation)
• un effet de design produit une expérience-à-vivre qui
passe par la forme : une forme issue du design peut être
spatiale, volumique, textile, graphique ou interactive
• l’effet de design est callimorphique car il produit une
« prime de séduction » (Freud), i.e. un supplément
désinteressé de plaisir lié à la perception de la beauté
formelle (expérience sensorielle)
46. EFFET II
« SOCIOPLASTIQUE »
• seconde dimension : l’expérience pratique (usages)
• un effet de design produit une expérience-à-vivre
destinée aux autres = les usagers : le design modifie
les usages, les manières de faire, les comportements
et les modes de vie, il réinvente les pratiques d’exister
• l’effet de design est socioplastique car il transforme les
pratiques sociales (il est un art de la « sculpture
sociale » selon Bernard Stiegler)
48. EFFET III
« ONTOPHANIQUE »
• troisième dimension : l’expérience ontique (l’être-au-monde)
• inspiration de Bachelard : la « phénoménotechnique »
• l’expérience est une construction phénoménotechnique : elle a
l’âge de nos dispositifs techniques ; la technique est une
structure a priori de la perception ou une matrice ontophanique
• l’effet de design est ontophanique car il crée l’environnement
phénoménotechnique de notre existence : la pâte du monde
dans lequel nous vivons est le fruit du design
50. DESIGN OU
PHILOSOPHIE ?
non seulement le design mérite d’être un objet
philosophique, mais il est peut-être lui-même une
nouvelle sorte de philosophie : une philosophie « by
practice », une discipline totale qui réfléchit le monde
et agit sur lui en intégrant en un seul geste (créatif)
les logiques de l’art, de la science, de la technique, de
l’entreprise et des sciences humaines
51. le design industriel est seulement
la forme originaire du design
tout peut être objet de design
design d’espace, design de produits, design textile,
design numérique, design urbain, design social...
l’architecture est désormais
une composante du design
53. Le design est une valeur d’enthousiasme
et d’enchantement, il nous porte
à voir en avant et croire en avant
il est le nouvel instrument du changement sociétal
et du ré-enchantement du monde
« Le design, c’est l’art d’enchanter
l’existence par les formes »
(Court traité du design, p. 118)
54. < MERCI />
« Le design, c’est l’art d’enchanter
l’existence par les formes. »
stéphane vial
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