1. Numericable déploie sa nouvelle fibre commerciale
Magazine Challenges | 11.10.2007
Le câblo-opérateur veut faire oublier la sale
réputation récoltée du temps où il s'appelait Noos.
Pour séduire, il offre un très haut débit performant.
Et pour retenir l'abonné ? Le service clientèle
répond maintenant présent.
«Astreinte crise 24 h/24, 7 jours sur 7, numéro de portable : 06 xx xx xx.» Publicité pour un urgentiste du secteur
privé ? Pour un plombier express ? Pour un «pompier volant» ? Pas du tout. Ces quelques lignes forment la
signature de tous les courriels émis par la société Vae Solis, spécialisée dans la communication de crise.
Cette année, elle a eu fort à faire pour tirer le câblo-opérateur Numericable (l'ancien Noos) de la situation
catastrophique dans laquelle il était empêtré : boutiques prises d'assaut par les clients, mise sous surveillance par
la direction de la répression des fraudes, la DGCCRF, cumul de milliers de plaintes non traitées...
L'opérateur a frôlé le pire. «La crise est née parce que le nombre de plaintes non traitées a dangereusement
augmenté, et que nous avons perdu «l'historique clients» basé à Amsterdam - l'ancien siège de Noos - lorsque
nous l'avons rapatrié en région parisienne, explique Arnaud Polaillon, secrétaire général de Numericable. Elle est
aussi due au fait que nous avons fusionné quatre sociétés en deux ans.»
Reste que la communication de crise, avec un budget de 300 000 euros, semble avoir porté ses fruits : création
d'une hot line spécialisée dans les cas difficiles, doublement du personnel des plates-formes de réception
d'appels, lobbying auprès des élus locaux, très impliqués dans le câblage du territoire... Même la DGCCRF a
constaté une baisse des réclamations auprès de ses services : elles sont passées de 50 à moins de 10 par jour
entre février et juin (voir graphique). Du coup, elle a retiré l'avertissement infligé au câblo-opérateur.
Simple sursis ou changement de cap ? Disons-le tout net : en tant que technologie, le câble est mort. «Il est
attaqué à la fois par l'ADSL pour Internet et la téléphonie, par la TNT pour la télévision numérique, et par le wi-
max pour le très haut débit mobile», fait remarquer Dominique Roux, ex-membre de l'Autorité de régulation des
communications électroniques et des postes (Arcep), président de Bolloré Technologies.
La part de marché du câble dans le haut débit se traîne sous la barre des 10%, contre 60% aux Etats-Unis. Du
coup, Numericable annonce qu'il va mettre le turbo sur la fibre optique, qui permet d'obtenir des débits allant
jusqu'à 100 mégabits. «Sur notre parc de 9,3 millions de prises, nous avons déjà raccordé 1,1 million à notre
réseau fibre, et notre objectif est de parvenir à 2 millions fin 2007 et 7,5 millions fin 2009, annonçait en août
Arnaud Polaillon. Et nous allons investir 200 millions d'euros par an sur quatre ans pour atteindre cet objectif.»
L'atout des fourreaux
Un objectif très ambitieux : Orange, qui déploie son réseau fibre optique, ne vise que 27 000 foyers raccordables
fin 2007, et 1 million fin 2008. Numericable possède un atout : «Nous avons calculé qu'il fallait 10 milliards
d'euros pour créer un réseau en fibre ex nihilo, relève Roland Montagne, consultant à l'Idate. Et qu'il fallait investir
au moins 1 milliard d'euros lorsqu'on a l'avantage, comme Numericable, de disposer de fourreaux [tuyaux
souterrains. NDLR] dans lesquels ont peut facilement poser la fibre.» Autre avantage du câble : la société n'aura
qu'à relier sa fibre au câble coaxial à très haut débit qu'elle a installé depuis longtemps dans les immeubles.
Mais quelques inconnues demeurent. «Nous ne sommes pas sûrs du tout qu'ils tiendront cet objectif, ni même
qu'ils investiront réellement la somme annoncée», lâche un observateur extérieur. De fait, l'actionnaire de
Numericable, Ypso, une société de droit luxembourgeois, ne publie pas ses comptes. Selon lui, sa marge sur
Ebitda est de 50% du chiffre d'affaires (qui s'élève à 1,2 milliard d'euros depuis le rachat récent de Completel,
spécialisé dans le haut débit d'entreprise). A titre de comparaison, Free, dont l'économie est peu gourmande en
capitaux (Freebox à fabriquer, hot liners à rémunérer, droits à payer à France Télécom pour l'utilisation du réseau
cuivre), dégage un taux de 35%, le plus haut d'Europe dans sa catégorie. «Ce taux de 50% est élevé, mais il s
'explique par le fait que le réseau câblé actuel est amorti depuis longtemps», poursuit Roland Montagne. Du
coup, si l'on fait abstraction des 180 millions par an que la société doit rembourser pour ses emprunts (3 milliards
d'euros), des investissements annoncés et des coûts d'entretien du réseau, le chiffre d'affaires de la société n'est
pas loin de se confondre avec le résultat net...
Une proie intéressante ?
Une vraie machine à cash, qui pourrait faire tourner la tête aux acheteurs potentiels. Le quotidien économique
Les Echos annonçaient le 14 août qu'Ypso avait mandaté deux banques d'affaires, Morgan Stanley et Rothschild,
2. pour mener une cession du groupe Numericable. Les dirigeants des deux établissements ont démenti. Reste que
«le propre d'un fonds d'investissement comme Cinven [actionnaire majoritaire d'Ypso, à hauteur de 70%],
souligne un concurrent, c'est de revendre à terme sa participation avec une plus-value».
La question est de savoir si les annonces en termes d'investissements dans le réseau, dans le service client et
dans le renouvellement de l'offre ne sont qu'un lifting pour rendre la mariée plus présentable ou une vraie
opération de fond. «Ce qui est certain, c'est que Numericable gagnerait à sortir de la situation médiane dans
laquelle il se trouve», note Philippe Chauffard, directeur exécutif réseaux à Accenture. Numericable n'est en effet
ni un opérateur low-cost, ni un acteur qui s'est distingué par la richesse et la qualité de son offre. Ce qui pourrait
changer avec l'arrivée d'Olivier Gerolami. Le nouveau directeur opérationnel s'est fait connaître pour avoir réussi
le lancement de la TNT en France.
De fait, la nouvelle offre proposée est très attrayante : grâce à la fibre, il est possible de s'offrir jusqu'à 100 mégas
pour 29,90 euros par mois. Par ailleurs, le câblo-opérateur annonce une pléthore de services nouveaux, comme
la vidéo à la demande, en partenariat avec Canal Play, la télévision en haute définition, la possibilité d'utiliser
plusieurs services simultanément (TVHD et Internet, par exemple) sans dégradation du signal...
Un excellent «ping»
Last but not least, l'offre très haut débit affiche le deuxième meilleur «ping» du marché (le temps de réponse)
parmi toutes les offres haut débit. L'intérêt ? «Un bon «ping» permet aux joueurs en réseau d'avoir un avantage
décisif sur leurs adversaires», explique Nicolas Rosset, responsable du site Jeuxvideo.fr. De quoi séduire une
clientèle jeune et, surtout, accro aux nouvelles technologies.
«Cette offre enrichie peut être un bon moyen pour Numericable de se différencier dans la chaîne de valeur»,
admet Philippe Chauffard... Si les bugs disparaissent. «Ce n'est pas le cas, des erreurs de facturation
subsistent», note Gaëlle Patetta, de l'UFC-Que choisir. «Même si les plaintes ont baissé, nous avons conscience
que nous devons maintenir nos efforts», reconnaît Arnaud Polaillon. De fait, l'opérateur sait qu'il n'empêchera la
fuite de ses clients et n'en attirera de nouveaux qu'en garantissant un exceptionnel niveau de qualité et de
fiabilité. Selon Roland Montagne, l'enjeu est décisif : «Pour Numericable, un passage réussi à la fibre optique
représente clairement l'opération de la dernière chance.»
par Laurent Calixte