Étude économique 2020 | Les Télécoms : premiers acteurs du numérique
Table ronde Legos du 4 avril 2013
1. Avec :
Avec :
Jean-Benoît Besset – Chef de Projet Stratégique - Orange,
Jean-Benoît Besset – Chef de Projet Stratégique - Orange,
Laurent Schlosser - Directeur de la Division Opérateurs et MobilitéMobilité -
Laurent Schlosser - Directeur de la Division Opérateurs et - Microsoft,
Microsoft, - Responsable du Secteur Télécoms - BearingPoint,
Henri Tcheng
Henri Le Mouël - Directeur Général de la FFTélécoms, - BearingPoint,
Yves Tcheng - Responsable du Secteur Télécoms
Yves LeProt - Dirigeant - Legos
Pascal Mouël - Directeur Général de la FFTélécoms,
Pascal Prot - Dirigeant - Legos
COMPTE-RENDU
Cette table ronde est le premier événement organisé par Legos, pionnier de
l’externalisation de téléphonie fixe et mobile « pure player » en marque blanche, à
destination des opérateurs locaux et des intégrateurs. Elle a réuni des acteurs du monde
des télécoms, principalement ceux du conseil et de l’intégration de services télécoms.
Legos
+33 1 75 85 00 00
info@legos.fr
40 rue d’Oradour-sur-Glane - 75015 Paris
2. Table ronde Legos, le 4 avril 2013
Introduction par Solveig Godeluck
Demain, tous opérateurs. Cette idée paraîtra sans doute bizarre, voire abracadabrante, à la plupart
d’entre vous ici ce soir.
Et c’est normal. Quand on parle de réseaux télécoms, par association d’idée, on pense « monopole
naturel ». Il coûte tellement cher de construire un réseau, il y a de tels effets de taille critique, que
ce monopole est une évidence. Et tous les efforts entrepris depuis la libéralisation des télécoms
tendent plutôt à remplacer ce monopole naturel par une sorte d’oligopole culturel.
Bref, France Télécom est toujours là, et SFR, Bouygues Telecom ou Free ne doivent leur existence
qu’à la volonté de l’Etat et à la vigilance des régulateurs. Quant aux opérateurs virtuels grand
public, ils ont eu la vie très dure depuis un an. Leur vie ne tient qu’à un fil - ce qui est très dur
quand on est opérateur wireless.
Par ailleurs, pourquoi une entreprise chercherait-elle soudain à faire le sale boulot des opérateurs ?
Je résume : Faire des plans de déploiement à 5 ans ou plus, gérer d’effroyables systèmes
d’information sur lesquels le temps a laissé sa marque, rendre des comptes à des clients
exaspérants ! Les entrepreneurs ne sont pas fous à ce point.
Et pourtant, quelque chose est en train de se fissurer dans cet apparent statu quo.
Les opérateurs télécoms ne sont plus tout à fait certains de rester les maîtres de l’accès dans le
monde de demain. Car la porte d’entrée vers l’Internet, ce sont de plus en plus Google, Apple,
Facebook ou Amazon, surnommés la bande à GAFA. On parle aussi des « over the top » parce
qu’ils chevauchent les réseaux des autres pour proposer leurs services directement aux
internautes.
Quand Apple enregistre en direct sur son site tous les acheteurs de son iPhone, il y a un début de
désintermédiation. Même scenario lorsqu’Amazon prend en charge de manière invisible le coût de
la connexion 3G dans sa tablette, pour les clients qui veulent télécharger des ebooks. Autre
exemple frappant, Google Voice, un numéro unique pour vous joindre sur les terminaux de votre
choix.
Mais on peut bouleverser encore plus profondément le modèle. Je citerai Skype, le numéro un de la
voix sur IP, qui gère aujourd’hui le tiers des minutes de communications internationales à l’échelle
mondiale. C’est un grand des télécoms, même s’il refuse d’être étiqueté opérateur. On peut aussi
imaginer que demain, un « over the top » parvienne à bâtir un réseau hétéroclite, fait d’accords
d’itinérance et de hotspots Wifi. Ou bien, ce qui revient à peu près au même, qu’un fabricant de
terminaux devienne propriétaire de sa carte SIM scellée, et vende des abonnements sans même
que l’on sache qui opère l’infrastructure.
Vu du monde de l’entreprise, ce n’est pas si bizarre que ça, finalement.
Cela fait déjà longtemps que les entreprises cherchent à unifier leurs communications. Un salarié,
une adresse IP, c’est comme ça que ça marche déjà.
Dans l’univers professionnel, la voix est déjà une application, une petite icône sur un écran, un
logiciel hébergé dans le cloud. Elle accompagne des services de travail collaboratif, un peu comme
la feuille de salade à côté du steak dans votre assiette au restaurant.
Et puis dans l’entreprise, il y a moins de tabous. Certains fabricants de voitures vont devenir
propriétaires d’un parc de cartes SIM parce que créer des modèles économiques alternatifs devient
une nécessité à l’âge de l’Internet des objets.
Bref, petit à petit des entreprises qui n’ont rien à voir avec le métier d’opérateur en acquièrent
certains attributs. La vraie question, finalement, c’est « qu’est-ce qu’un opérateur ? » Faut-il avoir
un réseau ? Héberger des applications de communication ? Gérer des profils clients ?
Je vous propose d’y réfléchir ensemble, autour de cette table. Le format de cette table ronde se
veut convivial, donc si la salle veut réagir, participer, n’hésitez pas.
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3. Table ronde Legos, le 4 avril 2013
Solveig Godeluck : vous dîtes dans votre Livre Blanc qu’il est de plus en plus facile de
devenir opérateur grâce à la technologie, pourquoi ?
Pascal Prot – Dirigeant de Legos : c’est facile de devenir opérateur et de facturer des services
de communication à ses clients. En revanche, la réglementation n’a pas évolué en matière de
services de téléphonie, elle reste la même et s’impose à tous les opérateurs. Derrière la voix de
Skype, il y a des opérateurs. Google Voice a contracté un accord avec Sprint aux Etats-Unis pour
prendre en charge tous les aspects régulés – tous les aspects compliqués. A partir du moment où
elles choisissent le bon acteur – le bon bricoleur et sa boîte à outils - les entreprises peuvent libérer
leurs initiatives marketing, de services et créer des offres. Il y a autant de business model que de
stratégies d’entreprise, comme La Poste qui est devenue MVNO (Mobile Virtual Network Operator),
qui maintenant équipe tous les facteurs de Smartphones, et qui a également un projet de box.
D’autres comme un fabricant automobile ou un grand compte peuvent déployer leurs stratégies.
On peut imaginer par exemple qu’avec la restructuration de l’actionnariat de SFR, Canal +
envisage de créer ses propres offres « triple play ». Toutes ces entreprises vont chercher un acteur
qui n’a pas une offre retail trop contraignante pour, comme vous le disiez en introduction, faire « le
sale boulot ». Vous parliez également de MtoM tout à l’heure, il y a des cartes SIM dans les
machines à café, est-ce que Nespresso doit devenir opérateur ou être un simple distributeur de
SFR, Orange ou Bouygues Telecom ? Pourquoi ne pas devenir opérateur ! Il faut regarder le
business model et la masse critique à obtenir. Il y a quelques années, on devait envisager le
business model sur 15 ans et il fallait déployer sur 1 voire 5 millions de clients. Aujourd’hui,
150 000 utilisateurs peuvent faire tourner un business model parfaitement rentable. En choisissant
le bon acteur / bricoleur, l’entreprise peut se concentrer sur son cœur de métier, sur l’optimisation
de ses coûts de commercialisation, de marketing ou de son système d’information. Un acteur
comme Legos est flexible et agile et n’a pas les systèmes legacies des grands opérateurs qui sont
une véritable chape de plomb. On peut écouter Audi raconter son projet de GPS communicant dans
la voiture. On est bricoleur, on va vite et on peut suivre les envies de nos clients. Il y a une envie
qui est très forte et qui se banalise, car devenir opérateur fait de moins en moins peur. Avant, il
fallait établir une première étude faite par des consultants juste pour faire le dossier de demande
de licence. Aujourd’hui, une simple déclaration suffit. Mais toute la mécanique derrière, toute la
boîte à outil du bricoleur est toujours la même et il faut arriver à la manier plus simplement.
Solveig Godeluck : vous dîtes également dans votre Livre Blanc, que la France est plutôt
en retard, pouvez-vous nous en dire plus sur ce point ?
Pascal Prot : cet argumentaire est surtout valable sur le recours quasi systématique à
l’externalisation, et notamment le Centrex, qui est un modèle établi dans les pays anglo-saxons et
qui n’a jamais pris en France. Pour des raisons culturelles, peut-être technologiques, mais
également car les intégrateurs Voix sur le marché n’ont pas conseillé leurs clients vers le Centrex.
Quelques confrères mettent en avant des offres Centrex. Nous ne sommes pas dogmatiques, nous
nous adaptons. Pour nous, que ce soit un PABX hébergé ou un Centrex ou un IPBX mutualisé, ça
marche aussi bien. Il y avait besoin de déployer le haut-débit, de le banaliser pour pouvoir
déployer des couches de service. Maintenant c’est fait. Avant les entreprises étaient plus
hésitantes. Aujourd’hui, la conjoncture est favorable car elles ne peuvent plus perdre de temps à
hésiter. La masse des entreprises est en retard, car elles sont cajolées par leur opérateur
historique. Mais certaines initiatives ressortent des cartons du fait de la morosité car les entreprises
cherchent des relais de croissance et des remèdes à la crise.
Solveig Godeluck, c’est bien d’avoir des bricoleurs, il faut également une boîte à outils. Et
vous en avez une. Parlons de ces outils qui servent à faire des communications unifiées
pour les entreprises. Où en est-on avec Skype et Lync ?
Laurent Schlosser, Directeur de la division Opérateurs et Mobilité de Microsoft : Skype est
un peu grand public. Mais on va tout de suite déminer le terrain. Il y a une procédure en cours.
L’ARCEP a demandé au procureur de la République d’enquêter. Cela fait longtemps que l’on discute
avec l’ARCEP. On n’a pas le même point de vue mais on va continuer à discuter. L’ARCEP considère
que Skype est un opérateur. Nous considérons que Skype est une application qui fonctionne sur
internet. Comme c’est en cours, je ne vais pas pouvoir vous en dire plus. Et comme ce soir, on est
plus axé sur le monde de l’entreprise, parlons des entreprises. Il y a une dynamique avec une
double pression dans l’entreprise. Premièrement, il y a le besoin de plus d’efficacité, de
collaboration et de décloisonnement des entreprises qui sont de plus en plus distantes et
internationales. Donc il faut faciliter le fonctionnement à distance, le télétravail, la productivité et la
capacité de travailler au sein d’équipes distantes et « dispatchées » à différents endroits. Le
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4. Table ronde Legos, le 4 avril 2013
deuxième élément est une pression sur la réduction des coûts. Il y a un besoin de mettre en place
des solutions qui soient très simples pour pouvoir partager des documents, sans avoir une salle
avec une table ronde, des écrans, des caméras, qui sont des salles extrêmement coûteuses.
Aujourd’hui la technologie avec sa webcam, que l’on connaît dans le grand public, est valable dans
l’entreprise avec des outils de collaboration très efficaces (messageries instantanée intégrée avec
l’annuaire d’entreprise, la messagerie email classique, les communications unifiées y compris les
conférences téléphoniques, le partage d’un même document pour des collaborateurs qui ne sont
pas géographiquement au même endroit). Cette double pression fait qu’il y a une tendance très
forte de la part des entreprises à s’équiper de ces solutions de communications unifiées.
Solveig Godeluck, avez-vous quelques chiffres ?
Laurent Schlosser : chez Microsoft tout est dans la division qui regroupe Office, Sharepoint,
Exchange et Lync. Elle représente 24 Milliards de $ et croît de 10% par an. Si on regarde Lync plus
particulièrement, qui est la solution qui permet de communiquer en messagerie instantanée, en
téléconférence, en visioconférence ou en communication vocale, sur les 100 grandes sociétés au
monde, plus de 90 sont équipées de cette solution. Plus de 5 millions d’utilisateurs utilisent cette
solution en entreprise. Ces solutions peuvent être utilisées par les entreprises qui ont leur propre
système d’information dans leur data center, qu’il soit managé par sa DSI ou par un tiers. La
même solution fonctionne chez un Services Provider qui peut en revendre l’usage à ses clients. Les
grands Services Provider en France l’utilisent, comme par exemple, SFR Business Team, qui l’a
complètement intégré à son Centrex dans les solutions revendues sur l’activité Entreprises. Cette
même solution fonctionne dans le Cloud Microsoft. Dans ce cas, c’est du standardisé par rapport à
ce que peut customiser un Services Provider avec sa boîte à outils. C’est un service qu’on sait offrir
et opérer dans le Cloud et que les opérateurs peuvent revendre à leurs clients. C’est le cas chez
SFR Business Team ou Orange Business Services.
Solveig Godeluck, avez-vous des retours des utilisateurs ? Ces outils sont-ils
disruptifs dans l’organisation ?
Laurent Schlosser : les utilisateurs votent surtout avec leurs pieds. Ils utilisent, ils n’utilisent pas.
Je crois surtout beaucoup aux tendances de fond comme le fait de travailler à domicile tout en
étant complètement connecté avec la totalité de son entreprise comme si on y était. Donc il faut
plutôt apprécier l’adoption par les utilisateurs à l’aune de la progression des équipements sur le
marché. On a des taux de croissance qui sont au-delà de 150% par exemple pour Office 365, la
version Cloud de ces solutions. Mon appréciation est donc qu’il y a une vraie adoption de la part
des utilisateurs parce que cela répond à un vrai besoin.
Solgveig Godeluck : Orange s’est également positionné sur ce marché des
communications unifiées d’entreprise, un marché sur lequel il y a énormément de
concurrence. Quels arguments de vente mettez-vous en avant ?
Jean-Benoît Besset, Chef de Projet stratégique France chez Orange : je ne vais pas vous
faire la retape d’Orange, vous n’êtes pas venus avec votre carnet de chèque pour commander. Je
ne vais pas non plus vous expliquer pourquoi on est les premiers et les meilleurs, même si j’en suis
convaincu. Les autres sont très beaux aussi. Il faut plutôt se poser la question : « pourquoi nos
clients viennent nous voir ? » Il y a le poids de l’habitude, c’est indéniable. On bénéficie du fait
qu’on a été opérateur historique, donc c’est naturel de venir chez France Telecom, même si on
s’appelle Orange maintenant. On a également beaucoup de monde chez Orange qui travaille dans
la recherche et sur les réseaux. Car le premier élément pour que tout cela fonctionne, est qu’il faut
d’abord un réseau. On fait du Centrex en France et on voit que ça ne décolle pas. On fait beaucoup
plus de PABX alors qu’un Centre Opérateur a beaucoup plus intérêt à faire du Centrex, car il capte
plus de valeur. Mais ça ne marche pas. Les solutions Cloud de Microsoft ou de Cisco vont donner un
nouveau souffle. Ce ne sera pas du Centrex. Ce sera beaucoup plus évolutif, car le Centex a deux
ans de retard sur les roadmaps de PABX. Les solutions Cloud vont faire sortir la téléphonie de
l’entreprise pour aller dans le Cloud privé ou dans le Cloud de l’opérateur ou dans le Cloud de
Microsoft. Les clients viennent chez nous car ils savent qu’ils peuvent trouver de tout, que ce soit
du PABX, du Centrex, de la fibre, du cuivre, du mobile. Tout ce qui existe, existe chez nous
quasiment. On n’est pas forcément les meilleurs sur tout, mais si nos clients continuent à venir
chez nous, c’est qu’ils sont contents. Sinon, ils iraient voir ailleurs parce que l’offre est pléthorique
en effet.
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5. Table ronde Legos, le 4 avril 2013
Solveig Godeluck : est-ce un marché difficile ?
Jean-Benoît Besset : c’est un marché super facile, on ne fait rien de la semaine (rires). Le
marché Entreprises est moins secoué que le marché grand public en ce moment. Mais il a toujours
été difficile et hyper concurrentiel avec des concurrents respectables, des gros, des petits, et tout
le monde se bat comme des chiens
Solgveig Godeluck : les entreprises en opérant leur système de communications unifiées
deviennent-elles des opérateurs ou est-une une idée fausse ?
Henri Tcheng, Responsable du secteur Télécoms chez BearingPoint : ce qui est certain,
c’est le besoin qu’on toutes les entreprises de communiquer et d’apporter de bons services de
communications unifiées à leurs salariés et à tous leurs partenaires externes (fournisseurs, clients
et autres partenaires). Cela n’en fait pas forcément ou pas du tout des opérateurs. J’avais écrit un
livre il y a 10 ans sur devenir opérateur mobile sans réseau. Je n’ai pas touché beaucoup de
royalties de droit d’auteur depuis 4 ans (rires). On a vendu peut-être 2 exemplaires à La Poste.
Devenir opérateur mobile était une bonne idée au moment où il n’y avait encore que 3 opérateurs.
Il faut se rappeler qu’être MVNO, c’est jouer sur un espace économique entre un achat de prix de
gros de la minute et le prix retail, avec une guerre tarifaire incroyable sur le marché français. Le
prix du mobile français est 2 à 3 fois inférieur (plutôt 3 fois inférieur) à celui qu’on trouve dans les
grands pays comparables. Même le prix de l’ADSL est 2 fois inférieur avec les offres « Triple Play »
par rapport à d’autres pays comparables. Donc, on est dans un marché retail qui est extrêmement
agressif en terme de prix et du coup, l’espace économique pour des MVNO est extrêmement réduit,
en tout cas sur le marché du grand public. Cela peut être un peu différent sur le marché des
entreprises. Mais on voit bien la difficulté de ce marché, car Orange occupe une position
dominante. Les entreprises ont besoin de réassurance, de confiance, de sécurité, de fiabilité, de
marque. C’est pourquoi l’opérateur historique pèse énormément dans les choix des clients
Entreprises. C’est un marché très segmenté, il y a les petits pros qui veulent être considérés
comme des gros, mais dont le faible volume fait qu’ils ne peuvent pas bénéficier d’une force de
vente dédiée, c’est de la vente par téléphone. Plus on monte vers les grands comptes, plus le
département achat est professionnalisé, plus les prix peuvent être négociés auprès d’une force de
vente dédiée. Pour résumé, devenir opérateur sur le secteur grand public sur le marché français, je
ne recommanderai à personne de le faire. Le dernier à l’avoir fait, c’est La Poste, et je pense qu’il
ne devrait pas y en avoir d’autre. En revanche, sur les services aux entreprises, la chaîne de valeur
s’est beaucoup complexifiée. Il y a des cartes SIM dans les voitures, dans les tablettes, et dans un
certain nombre d’objets communicants. On peut se demander si le MtoM (Machine to Machine) ne
va pas faire exploser la chaîne de valeur et si un nombre d’acteurs du MtoM qui sont face aux
clients finaux, ne voudraient pas devenir opérateur d’un certain nombre de services, qui incluront
des services de communication. J’y crois beaucoup car il y a l’intrusion d’un nouvel acteur qui veut
innover. Dans tous les projets Machine to Machine, il y a du développement et de l’intégration de
services à valeur ajoutée. Sur ce marché-là, il y a un vrai questionnement. Pour autant, devenir
opérateur, détenant une licence et faisant partie de la Fédération Française des Télécoms, j’y crois
moins, car il y a quand même des obligations. Si Skype devient opérateur demain, régulé par
l’ARCEP, il y aura des obligations d’interceptions (d’écoutes légales) ou de véhiculer des appels
d’urgence. Je ne suis pas certain qu’ils aient envie de le faire, car c’est très compliqué de répondre
à ces obligations, que ce soit dans un réseau de fixe ou de mobile.
Solveig Godeluck : à la FFT, êtes-vous inquiet du succès des applications de VoIP ou de
messagerie instantanée et de toutes ces technologies qui se développent à toute vitesse,
créées par des entreprises qui n’investissent pas forcément dans les réseaux ? Ces
applications sont-elles des menaces pour les opérateurs ?
Yves Le Mouël, Président de la FFTélécoms : il faut revenir aux bases de ce qu’est un
opérateur télécoms, qui est une personne morale ou physique qui exploite un réseau de
communications électroniques. Soit on est exploitant, donc on a un réseau qui est territorialisé
dans un pays – ce facteur géographique est extrêmement important – soit on fournit des services
de communications électroniques et là, c’est sans frontière, on n’est pas borné par un réseau. Au
cours de ces 10 dernières années, se sont passées des choses fondamentales qui ont balayé ce
secteur : l’arrivée massive de l’IP dans toutes les communications électroniques et la
mondialisation. Autour de cela, on essaie de faire vivre des vieux concepts réglementaires. Car
effectivement, quand on est opérateur, on a des droits et également des obligations d’ordre
réglementaires, fiscales et qui portent aussi sur les investissements qui doivent être faits sur le
territoire dans lequel on opère. Dans l’ancienne structure de l’ancien marché des télécoms, il y
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avait des couches distinctes : le fabricant de réseau ou les fournisseurs de terminaux qui
fournissaient leurs équipements aux opérateurs, ensuite les opérateurs, puis les fournisseurs de
services ou de contenu. Aujourd’hui, comme des plaques tectoniques, tout ce monde-là glisse les
uns sur les autres et font les métiers des uns et des autres. Il n’y a plus de frontière aussi
clairement définie qu’avant. Et parce que la technologie le permet, on assiste à un choc de plaques
à l’échelle mondiale. Ce que souhaite les opérateurs qui exercent dans un pays et qui investissent
dans des réseaux, est que cette concurrence soit loyale, transparente et équitable, et ceci, sur des
éléments aussi importants que la réglementation et la fiscalité. On constate que les OTT, qui sont
suffisamment nombreux pour être pris en compte, sont dans une construction mondiale d’un
business basée sur ce qui se fait en matière d’optimisation fiscale. Ils utilisent le fait d’être
fournisseur de logiciel et non opérateur de réseau, pour fournir des services de communications
électroniques, puisqu’ils permettent de faire de la voix, de la messagerie, de l’accès au contenu
etc. Certains consultants ont évalué qu’à l’horizon 2015, ils pèseraient pour 10 % de ce qu’avaient
auparavant les opérateurs européens dans ces domaines-là. Cela n’est plus marginal, et cela croît
énormément. Tant mieux. Chacun a le droit de faire valoir ses atouts. Ce qu’il faut, c’est qu’on
ramène ce territoire du numérique mondial sur ce qu’on appelle un level playing field, où chacun
est amené à exercer son activité avec des règles, des contraintes et des capacités équitables. C’est
ce que l’on souhaite du côté de la Fédération. On sait que cela prendra un peu de temps, mais on
espère que cela viendra.
Solveig Godeluck : cela viendra comment ?
Yves Le Mouël : On voit bien qu’en ce moment on s’intéresse aux problématiques de fiscalité, car
on est en période de crise. Chaque gouvernement cherche à trouver de l’argent pour ses caisses et
s’interroge, comme l’article dans Le Monde de ce soir par exemple, sur les 1000 milliards
d’évasions fiscales qui ont lieu sur la surface du globe. Il y a des domaines dans lesquels on voit
cet évitement fiscal (on ne parle pas d’évasion fiscale dans ce cas-là, car les acteurs opèrent de
manière légale). Que ce soit Microsoft, Google, Apple ou les autres qui utilisent soit la naïveté de la
règlementation européenne, soit un certain nombre d’astuces juridiques qui reposent sur des
éléments légaux. Si on était à leur place, on ferait exactement pareil. Mais il faut savoir que quand
on est opérateur de réseaux, il faut continuer à investir entre 6 et 7 milliards d’euros chaque
année, hors achat de licence. Et si on veut qu’ils continuent à investir, il faut qu’ils continuent à
pouvoir dégager le free cash flow pour pouvoir le faire. Ce n’est pas avec des prix qui sont
effectivement les plus bas du monde dans le domaine des mobiles ou dans celui du « triple play »
qu’on va pouvoir continuer longtemps. Toute la règlementation française et européenne a focalisé
son attention sur les dépenses du consommateur - un consommateur heureux étant un
consommateur qui ne paie pas beaucoup ses communications électroniques - et donc on se trouve
face à des opérateurs français et européens qui ont de plus en plus de mal à répondre à l’obligation
de continuer à investir dans les réseaux. Si un opérateur n’investit pas pendant un an ou lève le
pied pendant un an, cela tient encore la route. Cela a été fait dans un certain nombre de cas de
figure. Mais s’il le fait pendant 2 ou 3 ans, c’en est terminé de la qualité de service et de
l’innovation. Cet investissement est donc une obligation. C’est la clé du succès. C’est pourquoi, il
faut faire en sorte à ce que ces opérateurs puissent poursuivre leurs investissements et continuer à
permettre à d’autres acteurs, qui n’investissent pas dans des réseaux, de faire leur métier et de
dégager de la valeur ajoutée. Ce qui est pénalisant aujourd’hui c’est que la valeur ajoutée dégagée
sur l’ensemble du secteur du numérique est captée essentiellement par les OTT. Il ne s’agit pas
d’être dans l’exclusion, on a besoin de tous ces acteurs et je suis admiratif de toutes ces
entreprises. Simplement, il faut que chacun joue avec les mêmes règles du jeu quand on exerce
sur le même métier. Et comme ces métiers, comme je le disais, fusionnent ou deviennent plus
confus, il y a donc une nécessaire adaptation de la règlementation nationale et européenne à faire
et le plus vite sera le mieux.
Solveig Godeluck : cela nous amène à nous interroger sur « qu’est-ce qu’un
opérateur » ? A partir de quand devient-on opérateur ? Pour vous, Skype n’est pas un
opérateur télécoms alors qu’est-ce que c’est ?
Laurent Schlosser : nous ne sommes pas un fournisseur de services de communications
électroniques au regard de la loi française. Nous sommes une application. En tant qu’observateur
du marché des télécoms, puisque nous côtoyons les opérateurs au quotidien, pour nous, ce sont
les Tiers de confiance des clients. Un opérateur est celui qui connaît les technologies, qui sait
conseiller son client et lui proposer le panel de services qui répond à ses besoins. Et nous, grand
acteur mondial « chevaucheur de réseau », notre stratégie est de fournir aux opérateurs télécoms
les technologies qui permettent de développer leur argumentaire. Quand on regarde notre
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collaboration avec Bouygues Entreprises, SFR Business Team ou Orange Business Services, il s’agit
pour nous du meilleur canal pour adresser les besoins des petites et des moyennes entreprises.
C’est pourquoi nous nous allions à eux. Comme le précisait Henri Tcheng, qu’on soit une petite ou
une grande entreprise, on a besoin d’un Tiers de confiance avec lequel on a l’habitude de travailler.
On a besoin de proximité. Et quand on s’adresse à ces entreprises, naturellement, elles nous disent
qu’elles veulent travailler avec leur agence Orange Business Services par exemple pour qu’elle leur
fournisse leur package de services technologiques dont elles ont besoin. C’est le premier point. Le
deuxième point est que, quand ils ont créé la mobilité et les réseaux, nos législateurs ont
également créé la pilule empoisonnée pour enquiquiner les opérateurs, qui est la portabilité du
numéro. Donc quand vous êtes opérateur, la première chose qui vous préoccupe, c’est « comment
je réduis mon churn », « comment je crée de la fidélisation client ». Dans le monde de l’entreprise,
il n’y a rien de mieux que de mettre la main sur le système d’information, car cela réduit votre
churn à vitesse grand V. Quand vous devez changer de flotte mobile d’un opérateur à un autre, il
suffit de changer de carte SIM, ça ne coûte rien. Mais quand il s’agit de changer d’hébergeur et de
fournisseur de services qui fait tourner votre système d’information, votre messagerie, votre
intranet, vos communications unifiées, c’est beaucoup plus compliqué pour une entreprise. Et donc,
les opérateurs de télécoms ont un atout magnifique, c’est qu’ils ont cette proximité avec le client.
Ils ont acquis cette légitimité de Tiers de confiance pour leur facturer des services technologiques,
et ils sont les mieux placés par la nature de leurs activités, pour être ceux qui sont capables de leur
fournir le bouquet de services numériques qui répond à leurs besoins. Et donc, naturellement, le
besoin du client Entreprise rencontre celui de l’opérateur qui est vital, à savoir celui de créer de la
fidélisation et de développer son business. Enfin, il faut renvoyer le législateur à ses décisions. Il a
décidé de créer une concurrence de folie en France. On est donc dans un marché où il y en a un qui
va mourir, un des gros. C’est la guerre. En terme tarifaire, on a poussé la compétition à l’extrême
au point que les opérateurs le disent officiellement dans leurs offres, la voix n’est plus un business.
Et du coup, la préoccupation des opérateurs aujourd’hui est d’arriver à vendre de la valeur à leurs
clients. Ils ont besoin de tous les types d’usages, aussi bien grand public qu’entreprise, pour
expliquer la valeur de la 4G et de son investissement. Il faut que les utilisateurs voient les
bénéfices et les usages de la 4G. Pour cela, la vidéo ou la visioconférence sont des bons exemples.
Solveig Godeluck : pour les autres autour de la table, qu’est-ce qu’un opérateur pour
vous ?
Henri Tcheng : je ne suis pas opérateur parce que je ne fais pas concurrence à mes clients. En
revanche, il faut regarder un certain nombre de faits ou de présomptions concernant la fourniture
de services de communications électroniques. Quand on touche des clients qu’on essaie de
conquérir par ce service, pour échanger de la voix ou de la donnée, quand on en touche un revenu
direct ou indirect, c’est un signe. Et puis, si on revient aux obligations, celles concernant la volonté
des Etats de pouvoir mettre des interceptions légales ou de pouvoir utiliser les services d’urgence.
Si un service de communication, tel qu’il soit, devient le service principal de quelqu’un, c’est-à-dire,
s’il n’a plus de ligne RTC, il faut que cette personne puisse avoir accès à des services d’appel
d’urgence. Par exemple, il y a 3 ans, BlackBerry a été blacklisté pendant quelques semaines Inde
et au Moyen Orient suite aux attentats de Bombay, car les terroristes communiquaient uniquement
entre eux sur BBM. Cela veut dire que l’impossibilité pour un Etat de faire des interceptions légales
sur les services de BBM devient un problème de sécurité intérieure. C’est peut-être aussi un signe
que BlackBerry est devenu opérateur de communications électroniques tout simplement.
Yves Le Mouël : il serait intéressant de revoir les définitions à l’aune de ce qu’est aujourd’hui le
monde des communications. En 2007 ou 2008, le groupe des régulateurs européens avait choisi de
ne rien changer en disant qu’effectivement la voix sur IP entre ordinateurs n’entrait pas dans le
schéma d’opérateur télécoms. On est bien obligé de constater que les choses ont beaucoup évolué
et que ça continue d’évoluer très vite. Il faut que la règlementation s’adapte à ce que l’on vit
quotidiennement, c’est-à-dire, quelque chose qui change tous les jours. Elle doit être dans le même
courant que le reste de l’activité. C’est un premier point. Deuxième aspect des choses, un
opérateur est quelqu’un qui dans son ADN a le mot interopérabilité. Un opérateur permet à tout
autre, qui s’est déclaré, de se connecter et de s’interconnecter avec lui. C’est comme ça qu’on a eu
les premiers échanges de communication à travers le monde. Que l’on parle à un Chinois ou à un
Américain, on savait se numéroter. Et derrière cela, il y a la création d’un certain nombre de
services, qui sont des services à vocation quasi universel. Prenons des exemples de ce qui va
arriver comme le mobile sans contact. Il y a des normes qui sont en train de se mettre en place
qu’il faut exploiter. Cela représente un potentiel de développement majeur qui sera sans doute le
3ème ou le 4ème souffle de tout ce qui concerne la mobilité. Et cela se fait (ou devrait se faire) à
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travers l’interopérabilité qu’ont les opérateurs. Il y a également tout ce qui concerne l’exploitation
du RCS qui devrait arriver très prochainement chez les opérateurs. Ou encore toute sorte de
choses autour du Smart Home. On est dans un système dans lequel un opérateur permet à
d’autres composantes de se connecter et de rendre l’univers périphérique intelligent.
Solveig Godeluck : on peut se demander s’il n’y a pas une démocratisation du métier
d’opérateur. Cependant on ne va pas entrer dans un monde beaucoup moins
interopérable ?
Yves Le Mouël : soit on a ce modèle d’interopérabilité, soit on a un autre modèle que nous
propose aujourd’hui typiquement Apple, qui est un monde fermé. La première chose que vous
faites quand vous achetez un iPhone, c’est de donner votre numéro de carte bancaire. C’est
fascinant et cela ne choque personne. Vous êtes ensuite pris dans un phénomène global qui est
verticalisé et qui va continuer avec l’iPad, puis la télé d’Apple etc. Je trouve cela magique, mais
c’est un système fermé. Il faut savoir ce que le citoyen du monde veut, est-ce un monde ouvert ou
un monde fermé, qui va capter la valeur de bout en bout de la chaîne (terminal, services, etc). Ce
sont ces problèmes auxquels il faut penser et qu’il faut résoudre.
Pascal Prot : si on prend le cadre stricte. En France, un opérateur est quelqu’un qui se déclare. Il
suffit donc de se déclarer et d’obéir à toutes les obligations. Ce qui n’est pas si simple. Il y a la
boîte à outils et il faut avoir les connaissances technologiques. Il faut savoir comment le faire, de
manière rentable, et trouver un modèle qui permet de délivrer ces obligations et de les respecter.
Ensuite, il y a l’obligation rappelée par Yves Le Mouël qui est celle de s’interconnecter. Cette
interopérabilité est aussi toute une mécanique. Il y a eu une rupture fondamentale il y a quelques
années qui est le protocole convergent SIP. C’est l’opportunité sur laquelle se sont basés les OTT et
qui fait les beaux jours de Legos aujourd’hui, en permettant à toutes les infrastructures qui étaient
hétérogènes (par service, les gens du mobile avaient leur normes, ceux du fixe ou de l’html avaient
les leur) d’être réunies autour d’un même protocole. Ce qui facilite l’interfonctionnement,
l’interopérabilité entre tous ces réseaux. Du coup, c’est assez simple de créer et de développer un
modèle opérateur, parce qu’on n’a pas les systèmes legacies qu’on doit traîner derrière soi.
Microsoft non plus. Derrière Skype, il y a du SIP, derrière MSN, il y avait du H323, cela a évolué
vers du SIP. Après Skype a fait un peu de l’Apple en mettant un Codec qu’ils ont bien verrouillé
pour avoir leur technologie propriétaire. Un opérateur est donc quelqu’un qui va prendre le modèle
à bras le corps et qui va savoir le faire tourner. On est moins axé sur le réseau d’accès mais on est
à fond sur les interconnexions et les interopérabilités. Sur l’ensemble de nos clients qui deviennent
opérateur (non pas au sens réglementaire, mais au sens de fournir des services de communication
- téléphonie fixe, mobile ou de convergence entre les deux), tous nous demandent s’ils doivent
devenir opérateur pour facturer des services de téléphonie, et être en phase avec la
réglementation et la loi française, la fiscalité, etc. On s’est demandé comment répondre à cette
question. L’ARCEP pose régulièrement la question au marché : faut-il réviser les
conditions minimums ? Au début, on répondait à nos clients qu’il fallait qu’ils se déclarent. Même si
cela signifiait de recevoir des emails de l’ARCEP tous les trimestres pour poser des questions sur
les ressources en numéro ou le nombre de minutes vendues dans le mois, etc, et pour demander
de payer des redevances. Se déclarer signifiait également de recevoir des demandes de L’ANSI,
sur la manière dont sont faites les interceptions de sécurité ou encore si les équipements sont
R226, etc. On leur disait de se déclarer car c’était plus prudent. Puis, on a dit à nos clients que
Legos, étant déclaré opérateur, le contrat qui nous lie leur permet d’adosser totalement leurs
obligations sur les nôtres. Si on vient leur demander une écoute, c’est nous qui l’opérons et qui
allons techniquement l’assurer. Il suffit de nous envoyer la commission rogatoire. Pareil pour les
numéros d’urgence. On va s’occuper de ce qui est obligatoire réglementairement. Donc
aujourd’hui, seule la moitié de nos clients sont déclarés opérateurs, l’autre moitié ne l’est pas, ne le
souhaite pas et ne doit pas strictement le faire, parce qu’ils ont le bon partenaire derrière eux qui
assume toutes les obligations qu’ils doivent présenter facialement. Lorsque Skype propose des
services qui requièrent l’interopérabilité, ils ont un partenaire qui est déclaré opérateur et assume
les obligations. Pour reprendre l’exemple de la boîte à outils, il faut qu’il y ait une boîte à outil dans
la chaîne. Ensuite de savoir qui doit la détenir ou qui doit la faire tourner, le modèle s’adapte au
cas par cas en fonction de l’opportunité sur laquelle on travaille.
Jean-Benoît Besset : si c’est l’Etat qui le demande, un opérateur est quelqu’un qui suit des
réglementations et paient des taxes, qui ont servi à payer des choses aussi baroques que l’arrêt de
la publicité sur France Télévision par exemple. On peut se demander quel est le lien ? Dans ce cas-
là, personne n’a envie d’être opérateur. La vision que je peux avoir d’Orange en tant qu’opérateur,
c’est d’abord des collaboratrices et des collaborateurs. On est nombreux chez Orange. C’est ensuite
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un réseau. Un opérateur MVNO vit parce qu’il y a un opérateur de réseau. Pas d’opérateur de
réseau, pas de MVNO, pas de Skype, pas d’Apple. Notre positionnement historique et assumé est
d’être le leader du réseau en France. C’est également une capacité financière importante, car le
réseau représente des investissements énormes. Yves Le Mouël mentionnait 6 milliards d’euros par
an, une bonne part revient à Orange. C’est tous les ans. Et ce sont des investissements qui ont une
rentabilité très longue. Pour sortir de l’univers des Télécoms, j’écoutais Monsieur Edouard Leclerc
se plaindre des marges catastrophiques du secteur de la distribution, puisqu’il faisait 2% de marge.
Sauf que lorsqu’il met 1 euro sur la table, une semaine après, cet euro lui a rapporté 2 centimes,
donc au bout d’un an, 1 euro lui a rapporté 1,4 euros. Dans les télécoms, lorsque l’on met 1 euro
sur la table, il commence à rapporter au bout de quelques années (rarement en dessous de 18
mois). C’est pour cette raison que nous avons des taux de marge qui sont plus importants que
dans la distribution. Quand on est MVNO, on n’a pas besoin d’une capacité financière importante
puisqu’on ne porte pas tous ces investissements. On doit simplement investir sur des services et
sur de la gestion de la relation client, qui sont des investissements qui tournent beaucoup plus vite.
Enfin, il faut être capable de gérer les clients. Il y a peu d’entreprises dans le monde capables de
gérer des dizaines de millions de clients. Google ne sait pas gérer des dizaines de millions de
clients. Ils n’envoient pas des factures tous les mois aux clients, ils n’ont pas de SAV ou de hotline,
etc. Un opérateur comme Orange, doit être capable de facturer, de recouvrer (ce n’est pas la
même chose) et de gérer tout le SAV du client.
Solveig Godeluck : vous imaginez le nombre d’employés que Google devrait avoir pour
faire cela à l’échelle mondiale ?
Jean-Benoît Besset : pour ce business model là, il n’est pas sûr que la publicité suffise à financer
l’entreprise.
Questions / commentaires de la salle :
Je vous remercie beaucoup pour cette conférence. Je l’ai trouvé très intéressante. Je travaille dans
le conseil en télécommunications au sens large, et je m’interrogeais en même temps que vous sur
la définition d’un opérateur. Il y a une distinction que je fais et dont on n’a pas parlé, c’est la notion
d’opérateur pour son propre réseau. Je pense par exemple aux universités qui sont opérateurs
pour leurs étudiants, pour leurs campus. Ce sont des opérateurs et ils ont des raisons de l’être. Ils
ne sont pas franchement des concurrents de Skype, de Legos ou d’Orange. Ils se fournissent à la
DIVOP pour la plupart. C’est une frange d’opérateurs qui existe parce qu’il y a des impératifs
budgétaires, les universités ne roulant pas sur l’or. Les conseils généraux le font, des associations
le font également dans des plaques géographiques qui sont délaissées par la fibre et par les
investissements. Au bout du compte, ces opérateurs ont toute leur légitimité et complètent le
panorama que vous avez fait ce soir. Ils sont tous enregistrés auprès de l’ARCEP mais selon une loi
qui est différente de celle de l’opérateur qui vend au public, puisqu’ils vendent à une clientèle
privée.
Suite à ce débat, ce que je comprends, c’est qu’il n’y a pas une seule définition d’opérateur et que
cette définition peut être multiple en fonction du rôle et des responsabilités de chacun. Et c’est la
conclusion que j’en tirerai. Comme on l’a dit, il y a une homogénéisation ou un recoupement des
différents business. Sans cette agglomération, on n’arrive pas à créer de la valeur ou de la nouvelle
valeur. Chaque entreprise, que ce soit les opérateurs historiques, les opérateurs physiques ou ceux
qui se positionnent sur un business type Over The top, n’arrive pas à créer cette nouvelle
innovation ou toutes ces opportunités qui permettront d’évoluer et de répondre aux besoins du
marché. Il y a vraiment deux notions d’opérateurs. Dans le cadre de la règlementation, il faut bien
différentier ces deux rôles, pour que tout le monde, même s’ils ont des rôles différents, puissent
travailler ensemble et créer de la valeur pour tout le monde.
L’équipe Legos
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