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77
L’importance de l’approche méthodologique dans la recherche
scientifique : Cas des doctorants en discipline géographique (Maroc)
Tarik COUISSI 1
, Abderrahim KASBAOUI 2
1
Docteur en Géographie, Université Ibn Tofail, Kénitra (Maroc)
2
Docteur en Géographie, Université Ibn Tofail, Kénitra (Maroc)
Résumé
Cet article a pour objectif principal de démontrer l’importance, voire la
fonction de la méthodologie de recherche pour les doctorants de la géographie
et de les guider vers les différentes voies possibles pour la réussite de leur
processus de recherche. Il se concentre, en fait, sur les principales méthodes
utilisées dans la recherche géographique et ses caractéristiques ainsi que les
types d’analyses en géographie (diachronique, synchronique et prospective). Il
s’appuie également sur les principales étapes de la recherche en géographie et
sur le rôle de la méthodologie de recherche. En effet, la méthodologie de
recherche joue un rôle très essentiel dans la réussite d’une bonne recherche
scientifique. En plus, elle est considérée comme un facteur clés de succès pour
les doctorants.
Mots-clés : Approche méthodologique, recherche scientifique, doctorants,
géographie, facteurs de méthodologie.
Abstract
This article has an objective to demonstrate the importance and even the
function of the research methodology for the doctoral students of geography
and to guide them towards the different possible ways for the success of their
research process. It focuses, in fact, on the main methods used in geographic
research and its characteristics as well as the types of analysis in geography
(diachronic, synchronic and prospective). It is also based on the main stages of
research in geography and the role of research methodology. Indeed, the
research methodology plays a very essential role in the success of good
scientific research. In addition, it is considered a key success factor for the
doctoral students.
Keywords: Methodological approach, scientific research, doctoral students,
geography, methodological factors.
78
Introduction
Il faut signaler tout d’abord que l’approche méthodologique joue un rôle
très important dans le contexte de recherche scientifique. Elle est considérée
comme un facteur clés de succès pour les doctorants de réaliser facilement un
bon travail de recherche.
Il est bien évident que la finalité principale d'une bonne méthodologie de
recherche est de faciliter la production d'un travail universitaire alliant richesse
documentaire et rigueur scientifique. Cependant, le choix d’une méthodologie
de recherche appropriée pour mener à bien le processus de recherche
scientifique n’est pas une tâche facile. Certes, la majorité des doctorants
rencontrent des difficultés dans le choix d’une bonne méthodologie de
recherche. Dans ce cadre, le choix d’une méthodologie a besoin plusieurs
recherches, guidages et encadrements par des professeurs. Ainsi, l’objet de
notre contribution est de guider les doctorants sur les différentes voies possibles
pour la conduite du processus de recherche et ceci dans un objectif d’efficacité
dans leur choix de méthode. Il vise également de démontrer le rôle de la
méthodologie de recherche pour les doctorants en géographie. En partant de ce
constat, notre problématique principale de cette étude est la suivante : « Quelle
est l’importance de la méthodologie de recherche pour les doctorants de la
géographie ? ». Dans ce contexte, quatre questions subsidiaires découlent de
cette problématique fondamentale:
 Quelles sont les grandes familles de méthodes les plus utilisées dans la
recherche géographique ?
 Quelles sont les principales méthodes utilisées dans la recherche
géographique et leurs caractéristiques ?
 Quels sont les types d’analyse en géographie ?
 Quelles sont les principales étapes de la recherche en géographie ?
Par conséquent, cet article est organisé de la manière suivante :
premièrement, nous définirons le concept de la méthode et la méthodologie.
Deuxièmement, nous tenterons de présenter les grandes familles de méthodes
les plus utilisées dans la recherche géographique. Ensuite, nous présenterons les
principales méthodes utilisées dans la recherche géographique et leurs
caractéristiques. Pareillement, nous exhiberons les types d’analyse en
géographie (diachronique, synchronique et prospective). De même, nous
exposerons les principales étapes de la recherche en géographie. Par la suite,
79
nous montrerons le rôle de la méthodologie de recherche pour les doctorants en
géographie.
1. Le cadre théorique et conceptuel
1.1. Définition de la méthode et la méthodologie
GRAWITZ (1993, p. 301) définit une méthode « comme l’ensemble des
opérations intellectuelles par lesquelles une discipline cherche à atteindre les
vérités qu’elle poursuit, les démontre, les vérifie ». La méthode est constituée
d’étapes et de procédures permettant d’appréhender la réalité ou du moins une
partie de la réalité. La méthodologie scientifique définit entre autres, les
exigences théoriques et opératoires de l’observation et confère aux résultats un
fondement légitime. Ce sont des façons de procéder ; les modes opératoires
directs sont mis en jeu dans le travail de recherche.
La compréhension de la réalité (ou d’une partie de celle-ci) suppose le
choix d’un point de vue théorique ou philosophique. Ce choix influence la
stratégie de recherche et les étapes à franchir. Ainsi, chaque discipline privilégie
une méthode. En géographie, cette méthode est centrée sur la perspective
spatiale des problèmes étudiés ; toute la construction intellectuelle est basée sur
cette perspective (Ibid.,).
Par ailleurs, la méthode est influencée par la perspective disciplinaire et
rassemble des moyens et des procédures spécifiques. Cela suppose la mise en
œuvre d’un cadre méthodologique comportant des étapes bien précises : « la
plupart d’entre elles sont comme un ensemble concerté d’opérations, mises en
œuvre pour atteindre un ou plusieurs objectifs ; un corps présidant à toute
recherche organisée ; un ensemble de normes permettant de sélectionner et
coordonner les techniques » (Ibid.,).
D’après AKTOUF (1987), la méthode est « la procédure logique d'une
science, c'est-à-dire l'ensemble des pratiques particulières qu'elle met en œuvre
pour que le cheminement de ses démonstrations et de ses théorisations soit clair,
évident et irréfutable ». De plus, la méthode est constituée d'un ensemble de
règles qui, dans le cadre d'une science donnée, sont relativement indépendantes
des contenus et des faits particuliers étudiés en tant que tels. Elle se traduit, sur
le terrain, par des procédures concrètes dans la préparation, l'organisation et la
conduite d'une recherche (Ibid.,).
En outre, la méthodologie est l'ensemble des techniques et méthodes qui
servent de guide à l'élaboration des recherches et qui orientent la démarche
scientifique. C'est la mise en forme des données afin de les rendre analysables
80
(ONTANDIPOULOS et al., 1990). La méthodologie devient alors une discipline
qui s’établit elle-même comme objet d’observation, d’analyse, de réflexion et de
contestation. La méthodologie ne reste pas un code stable, elle est sujette à des
remaniements. Comme le droit évolue en fonction des changements sociaux, la
méthodologie évolue en fonction des objets et des pratiques dominantes de
recherche. Ce sont le polymorphisme et la dynamique des objets et des pratiques
de recherche qui donnent à la codification des méthodes sa complexité et,
parfois même, ses apparentes contradictions (VAN DER MAREN, 1996).
D’après AVENIER et GAVARD-PERRET (2008), la méthodologie est « l’étude
des méthodes permettant de constituer des connaissances». Chaque méthode
s’articule autour d’un certain nombre d’outils de collecte et de traitement des
données. Dans ce cadre, la méthodologie de recherche comprend principalement
quatre méthodes :
 Méthode déductive : consiste à analyser le particulier à partir du général,
à lire une situation concrète spécifique à l'aide d'une grille théorique
générale préétablie (par exemple, appliquer le modèle de l'économie de
marché libre à l'étude du système économique d'une société
primitive) (AKTOUF, 1987).
 Méthode inductive : est plus courante que la première, elle consiste, au
contraire, à tenter des généralisations à partir de cas particuliers. On
observe des caractéristiques précises sur un ou plusieurs individus (objets)
d'une classe et on essaie de démontrer la possibilité de généraliser ces
caractéristiques à l'ensemble de la classe considérée. C'est la succession
observation — analyse — interprétation — généralisation. Elle est très
usitée en sciences sociales et s'appuie beaucoup sur les techniques
d'inférence statistique (tests qui permettent de mesurer le risque d'erreur et
l'étendue des possibilités de généralisations-extrapolations). Le sondage
d'opinion, l'étude de marché... relèvent de cette méthode (AKTOUF,
1987).
 Méthode analytique : c'est la méthode qui consiste à décomposer l'objet
d'étude en allant du plus complexe au plus simple. Tout comme la chimie
qui décompose les molécules en éléments simples, indécomposables, on
décomposera toutes les parties élémentaires pour ensuite reconstituer le
schéma d'ensemble. Cette méthode (qui recherche le plus petit composant
possible, l'unité de base des phénomènes) est à privilégier en laboratoire,
pour l'étude d'objets inertes ou de phénomènes non susceptibles de
81
transformations rapides. On la retrouve par exemple en linguistique
(L’organisation structurale d'une langue et la grammaire relèvent de
l'approche analytique), en histoire dans l'analyse des archives, des
documents... (AKTOUF, 1987).
 Méthode expérimentale : c'est la méthode généralement considérée
comme la plus scientifique et la plus exacte. Elle est née en physique et
dans les sciences de la nature. Elle consiste à mener une expérimentation
(en laboratoire ou sur le terrain) et à tenter de dégager des lois
généralisables à partir de l'analyse des observations recueillies durant
l'expérimentation. Ici, il y a toujours une préparation, un arrangement
préalable de la part du chercheur. Ne serait-ce que l'introduction (ou le
contrôle) d'un élément ou d'une variable qui serviront de « déclencheurs »
de conséquences ou de réactions à observer (par exemple, le choc
électrique sur les nerfs d'un animal décérébré, la goutte d'acide sur la
langue du chien de Pavlov, l'intensité de l'éclairage sur le rendement d'un
atelier de dessinateurs... (AKTOUF, 1987).
1.2. Les grandes familles de méthodes les plus utilisées dans la recherche
géographique
1.2.1. Les méthodes quantitatives
Il est à noter que les méthodes quantitatives sont des méthodes de
recherche généralement associées au positionnement positiviste et au mode de
raisonnement hypothético-déductif. Elles utilisent un certain nombre d’outils
d'analyse mathématiques et statistiques dans le but de décrire, expliquer et
prédire des phénomènes. Selon HLADY RISPAL (2002), le principe des
méthodes quantitatives est celui de la construction, la reconstruction ou la
réfutation de théorie. Parmi les méthodes qui s’apparentent à l’approche
quantitative on peut citer : l’enquête par sondage, les panels, l’expérimentation,
la mesure, etc.
Les méthodes de recherche quantitatives sont souvent considérées comme
synonyme de sciences naturelles ou «sciences dures», tandis que les méthodes
de recherche qualitatives ont été le plus souvent réservées aux «sciences
douces» ou sciences sociales (DENZIN et LINCOLN, 2005). Beaucoup de
scientifiques affirment que la recherche quantitative est supérieure car elle
recours aux statistiques, à l’expérimentation et aux enquêtes qui semblent
fournir plus de rigueur scientifique et d’objectivité et par conséquent fournir
plus d’apports théoriques (GUBA et LINCOLN, 1994).
82
1.2.2. Les méthodes qualitatives
Il est à signaler que la recherche qualitative est un terme générique qui
recouvre une variété de méthodes qui sont utilisées dans de nombreuses
disciplines (GUBA et LINCOLN, 1994). Elle est multidimensionnelle et elle est
utilisée pour étudier les phénomènes dans leur cadre naturel avec l'utilisation des
entretiens, analyse d'archives, observations et enquêtes et en tentant d'interpréter
les phénomènes en termes de sens fournis par les acteurs (DENZIN et
LINCOLN, 2005; GUBA et LINCOLN, 1994). Elle décrit et explique les modes
de relations et de données sous forme de mots et pas nécessairement sous formes
de chiffres ce qui en fait d’elle une démarche plus subjective par rapport aux
études quantitatives. Elle permet au chercheur d'établir des thèmes, des modèles
et des catégories de données basées sur la compréhension et l'interprétation du
chercheur (MILES et HUBERMAN, 1994). De façon générale, la méthode
qualitative couvre un ensemble de « techniques interprétatives qui cherchent à
décrire, décoder, traduire et généralement percer le sens et non la fréquence de
certains phénomènes » (COUTELLE, 2005).
Evidemment, l'utilisation de plusieurs méthodes, matériaux empiriques,
perspectives et participants dans une seule étude permet au chercheur de
développer la rigueur, la richesse et la triangulation pour n'importe quelle
enquête (DENZIN et LINCOLN, 2005).
Par conséquent, la recherche qualitative offre une vue globale et holistique,
menant à la compréhension des phénomènes et elle est de ce fait adaptée dans
les cas de construction de théories inductives (PERRY, 1998).
A cet égard, HLADY RISPAL (2002) distingue deux logiques dans la
recherche qualitative: déductive et inductive. La logique qualitative déductive
vise à approuver ou réfuter un modèle théorique en le confrontant aux données
tirées d’un échantillon, alors que la logique qualitative inductive vise la
construction d’une théorie à partir l’observation et l’étude de l’objet de la
recherche et des pratiques des acteurs (SAHRAOUI BENTALEB, 2011).
Pour réaliser une recherche avec des méthodes qualitatives, le chercheur/le
doctorant peur se référer à plusieurs stratégies de recherches. YIN (1994)
identifie l’expérimentation, l’étude de cas, l’enquête, l’analyse des archives et
l’étude historique. Dans ce qui suit, nous allons mettre l’accent sur la stratégie
de l’étude de cas.
2. Résultats et discussion
2.1. Les principales méthodes utilisées dans la recherche géographique et
83
leurs caractéristiques
2.1.1. La recherche fondamentale
Il nous semble important de signaler que la recherche fondamentale se
caractérise par l’accent particulier mis sur la conceptualisation et l’avancement
théorique de la discipline. Ce type d’analyse vise à définir – ou le plus souvent à
redéfinir – des concepts, à les préciser, en les enrichissant. Elle apparaît comme
une lecture critique des concepts, des modèles ou des théories généralement
acceptés. Cette « relecture » suppose une analyse dialectique et sémantique dans
le but d’apporter une nouvelle perspective épistémologique par une
reformulation conceptuelle, par l’intégration de nouveaux concepts dans un
modèle ou une théorie, ou encore par une vision synthétique impliquant un
effort d’intégration de ces nouveaux concepts au sein de modèles ou de théories
existantes (GUMUCHIAN et MAROIS, 2000).
En géographie, comme dans les autres sciences sociales, plusieurs
conceptions méthodologiques se sont manifestées dès l’origine : il en est ainsi de
la nette distinction entre le rationalisme et l’empirisme. Pour les rationalistes, la
démarche déductive part d’hypothèses, de schémas ou de modèles conceptuels.
Toute la démarche est essentiellement une construction intellectuelle cohérente
et logique. En revanche, pour les empiristes, la démarche de recherche s’inspire
de la réalité ou de l’expérience : ils puisent leurs connaissances dans cette même
observation de la réalité : « À l’opposé, l’empiriste affirme que l’origine de la
connaissance se trouve dans l’expérience. Il croit en la valeur de l’observation
i.e. la sensation. Le concret se trouve ainsi appréhendé par le
sensible... » (GRAWITZ, 1993).
Ainsi, la recherche fondamentale est orientée vers la production de
nouvelles connaissances, particulièrement vers la conceptualisation et
l’avancement théorique. Ce type de recherche ouvre la voie à l’innovation, à
l’adoption de nouveaux concepts, de nouvelles théories, de nouvelles approches
ou de méthodes (GRAWITZ, 1993).
2.1.2. La recherche exploratoire
La recherche exploratoire implique une démarche consistant à étudier une
question ou un sujet sur un territoire qui a été peu analysé. Elle permet la
découverte d’un milieu, d’une région ou d’un problème dans le but d’en
explorer les contours et de jeter les bases de travail pour des études ultérieures.
Elle se définit comme une première recherche, le défrichement d’une question,
un débroussaillage afin de saisir quelques repères, une « reconnaissance avant la
84
connaissance... » (AKTOUF, 1987). Cette modalité de recherche met en
évidence les caractéristiques du phénomène afin de proposer une théorisation ou
du moins des hypothèses et des pistes de recherche. La démarche exploratoire
impose le recours à la description. Elle est nécessaire et utile afin de poser les
vrais problèmes ou de proposer des hypothèses ou encore de cerner les contours
d’un problème particulier et de suggérer de nouvelles orientations de recherche.
On associe souvent la recherche exploratoire à la démarche inductive i.e. une
démarche qui mène à des généralisations dans le but de décrire et même dans
une certaine mesure d’expliquer (AKTOUF, 1987).
2.1.3. La recherche empirique
La recherche empirique renvoie à une démarche de nature, pour l’essentiel,
hypothético-déductive. On l’appelle parfois démarche par la démonstration car
elle part de l’hypothèse, d’une théorie ou d’un modèle. Les études de
vérification sont des exemples ; ce type de recherche où la démarche déductive
domine fait que le chercheur est confronté, directement dans la réalité, à la
valeur d’une hypothèse, d’un modèle ou d’une théorie. Le point de départ est
surtout une hypothèse « a posterioriste » que l’on veut tester ou confronter à la
réalité afin d’en vérifier la validité. Dans le cas d’une confirmation, la
proposition ou l’énoncé demeure vrai ; si l’hypothèse est fausse, le géographe
doit alors la reformuler. C’est ici qu’il ne faut pas confondre l’hypothèse de
recherche et l’hypothèse statistique : on peut « tester » une hypothèse sans
nécessairement passer par un test statistique. De la même manière, il ne faut pas
confondre la recherche empirique et l’expérimentation car la géographie
n’utilise pas des procédures expérimentales comme dans les sciences physiques.
La méthode expérimentale permet de contrôler les facteurs et les processus du
phénomène en cours d’étude (GUMUCHIAN et MAROIS, 2000).
2.1.4. La recherche appliquée
La recherche appliquée utilise une démarche orientée vers la solution d’un
problème concret et immédiat. Elle a une fonction utilitaire, dont le but est de
trouver une solution ou de faire des propositions ou des recommandations. La
recherche appliquée prépare une action ou une intervention qui est cohérente
avec le problème ou le mandat défini. Cela peut être un problème de localisation
d’un service public ou un problème relié à l’aménagement ou à l’environnement.
C’est le domaine de l’aide à la décision qui est ainsi privilégié, au sein du champ
de l’aménagement. Celui-ci peut être défini comme « l’ensemble des actions
concertées visant à disposer avec ordre les habitants, les activités, les
85
constructions, les équipements et les moyens de communication sur l’étendue du
territoire » (MERLIN et CHOAY, 1988). En matière d’aide à la décision, l’une
des questions centrales demeure celle de l’échelle d’application (MERLIN,
1997). Au géographe à privilégier une telle entrée : ce peut être là l’une de ses
spécificités au sein d’un champ d’intervention où se côtoient de fortes
nombreuses disciplines (GUMUCHIAN et MAROIS, 2000).
2.2. Les types d’analyse en géographie
2.2.1. L’analyse diachronique
L’une des manières de lire l’ensemble de la production géographique (si
tant est que cela soit encore possible... voire souhaitable), consiste à retenir une
grille simpliste, à trois entrées : travaux diachroniques, synchroniques ou de
prospectives.
L’analyse diachronique vise à étudier un ensemble de faits dans la durée,
positionnement fort répandu dans la discipline : évaluer l’évolution d’un
paysage ou même décrire à l’instant « T » un paysage, c’est accepter de prendre
un compte « l’épaisseur du temps » pour appréhender sa dynamique. Il en va de
même d’un paysage urbain ou rural, quel que soit son degré d’urbanité ou de
ruralité ! Peuvent ainsi être reconnus et reconstruits, des modèles diachroniques
qui « expriment le résultat d’une accumulation de phénomènes dans la durée,
comme les auréoles de la croissance concentrique des agglomérations
urbaines » (BRUNET, 1993, cité par GUMUCHIAN et MAROIS, 2000).
2.2.2. L’analyse synchronique
L’analyse synchronique représente ou étudie des faits qui sont arrivés en
même temps, simultanément. En géographie, il s’agit là d’un mode d’analyse
fort présent, presque inhérent au regard géographique lui-même. La place
centrale occupée par la description, le recours systématique au diagnostic
(spatial ou territorial), l’attrait pour l’état des lieux en sont autant de
manifestations (Ibid.,).
En effet, l’analyse synchronique ne saurait pour autant dédaigner, quand
nécessaire, certaines évolutions, certains processus historiques dans la mesure –
et uniquement dans la mesure – où ils peuvent être considérés comme des
éléments forts d’explication de la situation présente. Pareillement, l’analyse
synchronique renvoie au structuralisme, courant de pensée des années 1960
présent dans certaines sciences humaines et visant à privilégier dans l’analyse
des faits humains la totalité plus que l’individu, la simultanéité des faits plus que
86
leur évolution, leur aspect formalisable plutôt que la créativité propre à chaque
humain (Ibid.,).
2.2.3. L’analyse prospective
Il est impératif de signaler que l’analyse prospective vise à faire autre chose
que la simple prolongation de tendances ; il s’agit bien plutôt d’imaginer des
scénarios bâtis sur des hypothèses fortes et explicites. Un intérêt majeur de
l’étude prospective en géographie, notamment dans le domaine de la prospective
territoriale, « est d’amener à penser les systèmes de production d’espace dans
leur dynamique, à formuler des hypothèses, à prendre des risques [...] »
(BRUNET, 1993, cité par GUMUCHIAN et MAROIS, 2000). La lecture
régulière de la revue Futuribles ne peut être qu’un plus pour s’imprégner de
l’intérêt de ce type d’analyse.
2.3. Les principales étapes de la recherche en géographie
Il convient de prendre acte que la recherche scientifique est un processus
dynamique ou une démarche rationnelle qui permet d’examiner des
phénomènes, des problèmes à résoudre, et d’obtenir des réponses précises à
partir d’enquêtes ou d’investigations sur le terrain. Ce processus se caractérise
par le fait qu’il est systématique et rigoureux et conduit à l’acquisition de
nouvelles connaissances. D'ailleurs, les fonctions de la recherche sont de décrire,
d’expliquer, de comprendre, de contrôler, de prédire des faits, des phénomènes
et des conduites.
Il est particulièrement important de noter que la rigueur scientifique est
guidée par la notion d’objectivité, c’est-à dire que le chercheur ou le doctorant
ne traite que des faits, à l’intérieur d’un canevas défini par la communauté
scientifique. Certes, dans ce contexte, la recherche en géographie a plusieurs
étapes importantes :
 Première étape : La question de départ
Il faut formuler la question de départ en veillant à respecter les éléments
suivants : la clarté, la faisabilité et la pertinence.
 Deuxième étape : L’exploration
Elle se concentre sur les éléments suivants :
 Les lectures : visent à débuter les recherches bibliographiques,
sélectionner les textes, lire avec méthode, résumer et comparer les
textes entre eux, les textes et les entretiens préliminaires;
 Les premiers contacts avec le terrain d’étude : visent à conduire
les entretiens exploratoires, identifier les personnes- ressources, se
87
préparer à l’entretien, rencontrer les experts, témoins et autres
personnes concernées en adoptant une attitude d’écoute et
d’ouverture et décoder les discours.
 Troisième étape : La problématique
Il faut premièrement faire le point des lectures et des entretiens.
Deuxièmement, il faut donner un cadre théorique. Enfin, il faut expliciter la
problématique retenue au sein du cadre théorique précédemment défini (QUIVY
et VAN CAMPENHOUDT, 1988).
 Quatrième étape : La construction
Il faut construire les hypothèses, formaliser et éventuellement modéliser en
précisant :
- les relations entre les concepts ;
- les relations entre les hypothèses principales et secondaires ;
- la nature de la formalisation ou de la modélisation retenue (QUIVY et VAN
CAMPENHOUDT, 1988).
 Cinquième étape : L’observation (terrain spécifique et groupes retenus)
Dans cette étape, il est très important de délimiter le champ d’observation
et de concevoir l’instrument d’observation. Il est également essentiel de tester
l’instrument d’observation et procéder à la collecte des informations (Ibid.,).
 Sixième étape : L’analyse des informations
Il faut tout d’abord décrire et préparer les données pour l’analyse. Ensuite,
il faut mesurer les relations entre les variables. Enfin, il est très essentiel de
comparer les résultats attendus et les résultats observés (Ibid.,).
 Septième étape : L'interprétation des résultats
C'est la phase d'inférence, de « mise de signification » dans les résultats
obtenus à l'étape précédente. Il s'agit, selon l'expression plus familière, de faire
parler les chiffres, indices, coefficients... dégagés par l'analyse, et exprimer de
façon claire, argumentée, comment ces résultats constituent un progrès par
rapport au point de départ (AKTOUF, 1987).
 Huitième étape : La conclusion
Il s’agit dans cette étape, de se rappeler d’abord la démarche et de présenter
les résultats en les mettant en évidence. Ensuite, il est très utile de présenter les
nouvelles connaissances et éventuellement les conséquences pratiques et
opérationnelles.
2.4. Le rôle de la méthodologie de recherche pour les doctorants de la
géographie
88
Il est important de noter que la méthodologie de recherche scientifique est
considérée comme un élément principal pour les doctorants de la géographie.
Certes, elle permet aux chercheurs ou enquêteurs de mener à bien leurs
investigations et permet également aux lecteurs de les suivre avec aisance. De
plus, l’approche méthodologique aide les doctorants de voir et d'aborder les
phénomènes qui reflètent leurs croyances fondamentales quant à la nature du
modèle choisi. Elle assiste également les doctorants de bien présenter la
problématique essentielle et de fixer les objectifs principaux de telle recherche
ou étude ; elle permet aussi de formuler les hypothèses de recherche ainsi que la
démarche de travail de terrain.
Conclusion
Au terme de cette étude, nous pouvons constater que l’approche
méthodologique est considérée comme des procédures ou techniques spécifiques
utilisées pour identifier, sélectionner, traiter et analyser des informations sur un
sujet concerné. Elle joue un rôle très important dans la recherche scientifique.
Elle constitue également une bonne étape qui aide les doctorants de la
géographie de bien rédiger un bon travail de recherche scientifique et d’atteindre
leurs objectifs. Au clair, la méthodologie de recherche permet aux doctorants de
bien structurer et organiser leurs travaux de recherche. De manière plus
générale, si les doctorants ne suivent pas les étapes présentées de la
méthodologie de recherche géographique, ils ne réussiront pas dans leur travail
de recherche scientifique.
Il est alors important pour les doctorants de suivre de nombreuses
formations complémentaires organisées par leurs universités et de participer en
tant qu’auditeurs dans les colloques, les conférences et les journées d’étude en
vue d’acquérir un maximum d’informations sur l’approche méthodologique. Ils
doivent également lire des documents, des ouvrages et des articles traitant les
étapes de la méthodologie de recherche. De même, ils doivent suivre des
pertinentes orientations et des précieux conseils présentés par leurs encadrants
ou leurs directeurs de thèse pour mieux connaître la démarche méthodologique
adoptée dans leurs travaux de recherche.
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qualitative des organisations. Une introduction à la démarche classique et
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Collection : Thématique Sciences sociales, éditions Presses de l’Université
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 HLADY RISPAL, M. (2002) : La méthode des cas: Application à la
recherche en gestion, Edition De Boeck, Paris, 250 p.
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l’aménagement, PUF, Paris, 723 p.
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Edition P.U.M., Montréal.
 PERRY, C. (1998) : Processes of a case study methodology for postgraduate
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 QUIVY, R., VAN CAMPENHOUDT, L. (1988) : Manuel de recherche en
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plafond de verre au Maroc: Cas des femmes cadres au sein de grandes
entreprises privées. Thèse de Doctorat en Sciences de Gestion, Université
Toulouse 1, France.
90
 VAN DER MAREN, J.M. (1996) : Méthodes de recherche pour l’éducation.
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 YIN, R.K. (1994) : Case study research: Design and methods 2nd
ed.
Thousand Oaks, CA: Sage Publications.

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  • 1. 77 L’importance de l’approche méthodologique dans la recherche scientifique : Cas des doctorants en discipline géographique (Maroc) Tarik COUISSI 1 , Abderrahim KASBAOUI 2 1 Docteur en Géographie, Université Ibn Tofail, Kénitra (Maroc) 2 Docteur en Géographie, Université Ibn Tofail, Kénitra (Maroc) Résumé Cet article a pour objectif principal de démontrer l’importance, voire la fonction de la méthodologie de recherche pour les doctorants de la géographie et de les guider vers les différentes voies possibles pour la réussite de leur processus de recherche. Il se concentre, en fait, sur les principales méthodes utilisées dans la recherche géographique et ses caractéristiques ainsi que les types d’analyses en géographie (diachronique, synchronique et prospective). Il s’appuie également sur les principales étapes de la recherche en géographie et sur le rôle de la méthodologie de recherche. En effet, la méthodologie de recherche joue un rôle très essentiel dans la réussite d’une bonne recherche scientifique. En plus, elle est considérée comme un facteur clés de succès pour les doctorants. Mots-clés : Approche méthodologique, recherche scientifique, doctorants, géographie, facteurs de méthodologie. Abstract This article has an objective to demonstrate the importance and even the function of the research methodology for the doctoral students of geography and to guide them towards the different possible ways for the success of their research process. It focuses, in fact, on the main methods used in geographic research and its characteristics as well as the types of analysis in geography (diachronic, synchronic and prospective). It is also based on the main stages of research in geography and the role of research methodology. Indeed, the research methodology plays a very essential role in the success of good scientific research. In addition, it is considered a key success factor for the doctoral students. Keywords: Methodological approach, scientific research, doctoral students, geography, methodological factors.
  • 2. 78 Introduction Il faut signaler tout d’abord que l’approche méthodologique joue un rôle très important dans le contexte de recherche scientifique. Elle est considérée comme un facteur clés de succès pour les doctorants de réaliser facilement un bon travail de recherche. Il est bien évident que la finalité principale d'une bonne méthodologie de recherche est de faciliter la production d'un travail universitaire alliant richesse documentaire et rigueur scientifique. Cependant, le choix d’une méthodologie de recherche appropriée pour mener à bien le processus de recherche scientifique n’est pas une tâche facile. Certes, la majorité des doctorants rencontrent des difficultés dans le choix d’une bonne méthodologie de recherche. Dans ce cadre, le choix d’une méthodologie a besoin plusieurs recherches, guidages et encadrements par des professeurs. Ainsi, l’objet de notre contribution est de guider les doctorants sur les différentes voies possibles pour la conduite du processus de recherche et ceci dans un objectif d’efficacité dans leur choix de méthode. Il vise également de démontrer le rôle de la méthodologie de recherche pour les doctorants en géographie. En partant de ce constat, notre problématique principale de cette étude est la suivante : « Quelle est l’importance de la méthodologie de recherche pour les doctorants de la géographie ? ». Dans ce contexte, quatre questions subsidiaires découlent de cette problématique fondamentale:  Quelles sont les grandes familles de méthodes les plus utilisées dans la recherche géographique ?  Quelles sont les principales méthodes utilisées dans la recherche géographique et leurs caractéristiques ?  Quels sont les types d’analyse en géographie ?  Quelles sont les principales étapes de la recherche en géographie ? Par conséquent, cet article est organisé de la manière suivante : premièrement, nous définirons le concept de la méthode et la méthodologie. Deuxièmement, nous tenterons de présenter les grandes familles de méthodes les plus utilisées dans la recherche géographique. Ensuite, nous présenterons les principales méthodes utilisées dans la recherche géographique et leurs caractéristiques. Pareillement, nous exhiberons les types d’analyse en géographie (diachronique, synchronique et prospective). De même, nous exposerons les principales étapes de la recherche en géographie. Par la suite,
  • 3. 79 nous montrerons le rôle de la méthodologie de recherche pour les doctorants en géographie. 1. Le cadre théorique et conceptuel 1.1. Définition de la méthode et la méthodologie GRAWITZ (1993, p. 301) définit une méthode « comme l’ensemble des opérations intellectuelles par lesquelles une discipline cherche à atteindre les vérités qu’elle poursuit, les démontre, les vérifie ». La méthode est constituée d’étapes et de procédures permettant d’appréhender la réalité ou du moins une partie de la réalité. La méthodologie scientifique définit entre autres, les exigences théoriques et opératoires de l’observation et confère aux résultats un fondement légitime. Ce sont des façons de procéder ; les modes opératoires directs sont mis en jeu dans le travail de recherche. La compréhension de la réalité (ou d’une partie de celle-ci) suppose le choix d’un point de vue théorique ou philosophique. Ce choix influence la stratégie de recherche et les étapes à franchir. Ainsi, chaque discipline privilégie une méthode. En géographie, cette méthode est centrée sur la perspective spatiale des problèmes étudiés ; toute la construction intellectuelle est basée sur cette perspective (Ibid.,). Par ailleurs, la méthode est influencée par la perspective disciplinaire et rassemble des moyens et des procédures spécifiques. Cela suppose la mise en œuvre d’un cadre méthodologique comportant des étapes bien précises : « la plupart d’entre elles sont comme un ensemble concerté d’opérations, mises en œuvre pour atteindre un ou plusieurs objectifs ; un corps présidant à toute recherche organisée ; un ensemble de normes permettant de sélectionner et coordonner les techniques » (Ibid.,). D’après AKTOUF (1987), la méthode est « la procédure logique d'une science, c'est-à-dire l'ensemble des pratiques particulières qu'elle met en œuvre pour que le cheminement de ses démonstrations et de ses théorisations soit clair, évident et irréfutable ». De plus, la méthode est constituée d'un ensemble de règles qui, dans le cadre d'une science donnée, sont relativement indépendantes des contenus et des faits particuliers étudiés en tant que tels. Elle se traduit, sur le terrain, par des procédures concrètes dans la préparation, l'organisation et la conduite d'une recherche (Ibid.,). En outre, la méthodologie est l'ensemble des techniques et méthodes qui servent de guide à l'élaboration des recherches et qui orientent la démarche scientifique. C'est la mise en forme des données afin de les rendre analysables
  • 4. 80 (ONTANDIPOULOS et al., 1990). La méthodologie devient alors une discipline qui s’établit elle-même comme objet d’observation, d’analyse, de réflexion et de contestation. La méthodologie ne reste pas un code stable, elle est sujette à des remaniements. Comme le droit évolue en fonction des changements sociaux, la méthodologie évolue en fonction des objets et des pratiques dominantes de recherche. Ce sont le polymorphisme et la dynamique des objets et des pratiques de recherche qui donnent à la codification des méthodes sa complexité et, parfois même, ses apparentes contradictions (VAN DER MAREN, 1996). D’après AVENIER et GAVARD-PERRET (2008), la méthodologie est « l’étude des méthodes permettant de constituer des connaissances». Chaque méthode s’articule autour d’un certain nombre d’outils de collecte et de traitement des données. Dans ce cadre, la méthodologie de recherche comprend principalement quatre méthodes :  Méthode déductive : consiste à analyser le particulier à partir du général, à lire une situation concrète spécifique à l'aide d'une grille théorique générale préétablie (par exemple, appliquer le modèle de l'économie de marché libre à l'étude du système économique d'une société primitive) (AKTOUF, 1987).  Méthode inductive : est plus courante que la première, elle consiste, au contraire, à tenter des généralisations à partir de cas particuliers. On observe des caractéristiques précises sur un ou plusieurs individus (objets) d'une classe et on essaie de démontrer la possibilité de généraliser ces caractéristiques à l'ensemble de la classe considérée. C'est la succession observation — analyse — interprétation — généralisation. Elle est très usitée en sciences sociales et s'appuie beaucoup sur les techniques d'inférence statistique (tests qui permettent de mesurer le risque d'erreur et l'étendue des possibilités de généralisations-extrapolations). Le sondage d'opinion, l'étude de marché... relèvent de cette méthode (AKTOUF, 1987).  Méthode analytique : c'est la méthode qui consiste à décomposer l'objet d'étude en allant du plus complexe au plus simple. Tout comme la chimie qui décompose les molécules en éléments simples, indécomposables, on décomposera toutes les parties élémentaires pour ensuite reconstituer le schéma d'ensemble. Cette méthode (qui recherche le plus petit composant possible, l'unité de base des phénomènes) est à privilégier en laboratoire, pour l'étude d'objets inertes ou de phénomènes non susceptibles de
  • 5. 81 transformations rapides. On la retrouve par exemple en linguistique (L’organisation structurale d'une langue et la grammaire relèvent de l'approche analytique), en histoire dans l'analyse des archives, des documents... (AKTOUF, 1987).  Méthode expérimentale : c'est la méthode généralement considérée comme la plus scientifique et la plus exacte. Elle est née en physique et dans les sciences de la nature. Elle consiste à mener une expérimentation (en laboratoire ou sur le terrain) et à tenter de dégager des lois généralisables à partir de l'analyse des observations recueillies durant l'expérimentation. Ici, il y a toujours une préparation, un arrangement préalable de la part du chercheur. Ne serait-ce que l'introduction (ou le contrôle) d'un élément ou d'une variable qui serviront de « déclencheurs » de conséquences ou de réactions à observer (par exemple, le choc électrique sur les nerfs d'un animal décérébré, la goutte d'acide sur la langue du chien de Pavlov, l'intensité de l'éclairage sur le rendement d'un atelier de dessinateurs... (AKTOUF, 1987). 1.2. Les grandes familles de méthodes les plus utilisées dans la recherche géographique 1.2.1. Les méthodes quantitatives Il est à noter que les méthodes quantitatives sont des méthodes de recherche généralement associées au positionnement positiviste et au mode de raisonnement hypothético-déductif. Elles utilisent un certain nombre d’outils d'analyse mathématiques et statistiques dans le but de décrire, expliquer et prédire des phénomènes. Selon HLADY RISPAL (2002), le principe des méthodes quantitatives est celui de la construction, la reconstruction ou la réfutation de théorie. Parmi les méthodes qui s’apparentent à l’approche quantitative on peut citer : l’enquête par sondage, les panels, l’expérimentation, la mesure, etc. Les méthodes de recherche quantitatives sont souvent considérées comme synonyme de sciences naturelles ou «sciences dures», tandis que les méthodes de recherche qualitatives ont été le plus souvent réservées aux «sciences douces» ou sciences sociales (DENZIN et LINCOLN, 2005). Beaucoup de scientifiques affirment que la recherche quantitative est supérieure car elle recours aux statistiques, à l’expérimentation et aux enquêtes qui semblent fournir plus de rigueur scientifique et d’objectivité et par conséquent fournir plus d’apports théoriques (GUBA et LINCOLN, 1994).
  • 6. 82 1.2.2. Les méthodes qualitatives Il est à signaler que la recherche qualitative est un terme générique qui recouvre une variété de méthodes qui sont utilisées dans de nombreuses disciplines (GUBA et LINCOLN, 1994). Elle est multidimensionnelle et elle est utilisée pour étudier les phénomènes dans leur cadre naturel avec l'utilisation des entretiens, analyse d'archives, observations et enquêtes et en tentant d'interpréter les phénomènes en termes de sens fournis par les acteurs (DENZIN et LINCOLN, 2005; GUBA et LINCOLN, 1994). Elle décrit et explique les modes de relations et de données sous forme de mots et pas nécessairement sous formes de chiffres ce qui en fait d’elle une démarche plus subjective par rapport aux études quantitatives. Elle permet au chercheur d'établir des thèmes, des modèles et des catégories de données basées sur la compréhension et l'interprétation du chercheur (MILES et HUBERMAN, 1994). De façon générale, la méthode qualitative couvre un ensemble de « techniques interprétatives qui cherchent à décrire, décoder, traduire et généralement percer le sens et non la fréquence de certains phénomènes » (COUTELLE, 2005). Evidemment, l'utilisation de plusieurs méthodes, matériaux empiriques, perspectives et participants dans une seule étude permet au chercheur de développer la rigueur, la richesse et la triangulation pour n'importe quelle enquête (DENZIN et LINCOLN, 2005). Par conséquent, la recherche qualitative offre une vue globale et holistique, menant à la compréhension des phénomènes et elle est de ce fait adaptée dans les cas de construction de théories inductives (PERRY, 1998). A cet égard, HLADY RISPAL (2002) distingue deux logiques dans la recherche qualitative: déductive et inductive. La logique qualitative déductive vise à approuver ou réfuter un modèle théorique en le confrontant aux données tirées d’un échantillon, alors que la logique qualitative inductive vise la construction d’une théorie à partir l’observation et l’étude de l’objet de la recherche et des pratiques des acteurs (SAHRAOUI BENTALEB, 2011). Pour réaliser une recherche avec des méthodes qualitatives, le chercheur/le doctorant peur se référer à plusieurs stratégies de recherches. YIN (1994) identifie l’expérimentation, l’étude de cas, l’enquête, l’analyse des archives et l’étude historique. Dans ce qui suit, nous allons mettre l’accent sur la stratégie de l’étude de cas. 2. Résultats et discussion 2.1. Les principales méthodes utilisées dans la recherche géographique et
  • 7. 83 leurs caractéristiques 2.1.1. La recherche fondamentale Il nous semble important de signaler que la recherche fondamentale se caractérise par l’accent particulier mis sur la conceptualisation et l’avancement théorique de la discipline. Ce type d’analyse vise à définir – ou le plus souvent à redéfinir – des concepts, à les préciser, en les enrichissant. Elle apparaît comme une lecture critique des concepts, des modèles ou des théories généralement acceptés. Cette « relecture » suppose une analyse dialectique et sémantique dans le but d’apporter une nouvelle perspective épistémologique par une reformulation conceptuelle, par l’intégration de nouveaux concepts dans un modèle ou une théorie, ou encore par une vision synthétique impliquant un effort d’intégration de ces nouveaux concepts au sein de modèles ou de théories existantes (GUMUCHIAN et MAROIS, 2000). En géographie, comme dans les autres sciences sociales, plusieurs conceptions méthodologiques se sont manifestées dès l’origine : il en est ainsi de la nette distinction entre le rationalisme et l’empirisme. Pour les rationalistes, la démarche déductive part d’hypothèses, de schémas ou de modèles conceptuels. Toute la démarche est essentiellement une construction intellectuelle cohérente et logique. En revanche, pour les empiristes, la démarche de recherche s’inspire de la réalité ou de l’expérience : ils puisent leurs connaissances dans cette même observation de la réalité : « À l’opposé, l’empiriste affirme que l’origine de la connaissance se trouve dans l’expérience. Il croit en la valeur de l’observation i.e. la sensation. Le concret se trouve ainsi appréhendé par le sensible... » (GRAWITZ, 1993). Ainsi, la recherche fondamentale est orientée vers la production de nouvelles connaissances, particulièrement vers la conceptualisation et l’avancement théorique. Ce type de recherche ouvre la voie à l’innovation, à l’adoption de nouveaux concepts, de nouvelles théories, de nouvelles approches ou de méthodes (GRAWITZ, 1993). 2.1.2. La recherche exploratoire La recherche exploratoire implique une démarche consistant à étudier une question ou un sujet sur un territoire qui a été peu analysé. Elle permet la découverte d’un milieu, d’une région ou d’un problème dans le but d’en explorer les contours et de jeter les bases de travail pour des études ultérieures. Elle se définit comme une première recherche, le défrichement d’une question, un débroussaillage afin de saisir quelques repères, une « reconnaissance avant la
  • 8. 84 connaissance... » (AKTOUF, 1987). Cette modalité de recherche met en évidence les caractéristiques du phénomène afin de proposer une théorisation ou du moins des hypothèses et des pistes de recherche. La démarche exploratoire impose le recours à la description. Elle est nécessaire et utile afin de poser les vrais problèmes ou de proposer des hypothèses ou encore de cerner les contours d’un problème particulier et de suggérer de nouvelles orientations de recherche. On associe souvent la recherche exploratoire à la démarche inductive i.e. une démarche qui mène à des généralisations dans le but de décrire et même dans une certaine mesure d’expliquer (AKTOUF, 1987). 2.1.3. La recherche empirique La recherche empirique renvoie à une démarche de nature, pour l’essentiel, hypothético-déductive. On l’appelle parfois démarche par la démonstration car elle part de l’hypothèse, d’une théorie ou d’un modèle. Les études de vérification sont des exemples ; ce type de recherche où la démarche déductive domine fait que le chercheur est confronté, directement dans la réalité, à la valeur d’une hypothèse, d’un modèle ou d’une théorie. Le point de départ est surtout une hypothèse « a posterioriste » que l’on veut tester ou confronter à la réalité afin d’en vérifier la validité. Dans le cas d’une confirmation, la proposition ou l’énoncé demeure vrai ; si l’hypothèse est fausse, le géographe doit alors la reformuler. C’est ici qu’il ne faut pas confondre l’hypothèse de recherche et l’hypothèse statistique : on peut « tester » une hypothèse sans nécessairement passer par un test statistique. De la même manière, il ne faut pas confondre la recherche empirique et l’expérimentation car la géographie n’utilise pas des procédures expérimentales comme dans les sciences physiques. La méthode expérimentale permet de contrôler les facteurs et les processus du phénomène en cours d’étude (GUMUCHIAN et MAROIS, 2000). 2.1.4. La recherche appliquée La recherche appliquée utilise une démarche orientée vers la solution d’un problème concret et immédiat. Elle a une fonction utilitaire, dont le but est de trouver une solution ou de faire des propositions ou des recommandations. La recherche appliquée prépare une action ou une intervention qui est cohérente avec le problème ou le mandat défini. Cela peut être un problème de localisation d’un service public ou un problème relié à l’aménagement ou à l’environnement. C’est le domaine de l’aide à la décision qui est ainsi privilégié, au sein du champ de l’aménagement. Celui-ci peut être défini comme « l’ensemble des actions concertées visant à disposer avec ordre les habitants, les activités, les
  • 9. 85 constructions, les équipements et les moyens de communication sur l’étendue du territoire » (MERLIN et CHOAY, 1988). En matière d’aide à la décision, l’une des questions centrales demeure celle de l’échelle d’application (MERLIN, 1997). Au géographe à privilégier une telle entrée : ce peut être là l’une de ses spécificités au sein d’un champ d’intervention où se côtoient de fortes nombreuses disciplines (GUMUCHIAN et MAROIS, 2000). 2.2. Les types d’analyse en géographie 2.2.1. L’analyse diachronique L’une des manières de lire l’ensemble de la production géographique (si tant est que cela soit encore possible... voire souhaitable), consiste à retenir une grille simpliste, à trois entrées : travaux diachroniques, synchroniques ou de prospectives. L’analyse diachronique vise à étudier un ensemble de faits dans la durée, positionnement fort répandu dans la discipline : évaluer l’évolution d’un paysage ou même décrire à l’instant « T » un paysage, c’est accepter de prendre un compte « l’épaisseur du temps » pour appréhender sa dynamique. Il en va de même d’un paysage urbain ou rural, quel que soit son degré d’urbanité ou de ruralité ! Peuvent ainsi être reconnus et reconstruits, des modèles diachroniques qui « expriment le résultat d’une accumulation de phénomènes dans la durée, comme les auréoles de la croissance concentrique des agglomérations urbaines » (BRUNET, 1993, cité par GUMUCHIAN et MAROIS, 2000). 2.2.2. L’analyse synchronique L’analyse synchronique représente ou étudie des faits qui sont arrivés en même temps, simultanément. En géographie, il s’agit là d’un mode d’analyse fort présent, presque inhérent au regard géographique lui-même. La place centrale occupée par la description, le recours systématique au diagnostic (spatial ou territorial), l’attrait pour l’état des lieux en sont autant de manifestations (Ibid.,). En effet, l’analyse synchronique ne saurait pour autant dédaigner, quand nécessaire, certaines évolutions, certains processus historiques dans la mesure – et uniquement dans la mesure – où ils peuvent être considérés comme des éléments forts d’explication de la situation présente. Pareillement, l’analyse synchronique renvoie au structuralisme, courant de pensée des années 1960 présent dans certaines sciences humaines et visant à privilégier dans l’analyse des faits humains la totalité plus que l’individu, la simultanéité des faits plus que
  • 10. 86 leur évolution, leur aspect formalisable plutôt que la créativité propre à chaque humain (Ibid.,). 2.2.3. L’analyse prospective Il est impératif de signaler que l’analyse prospective vise à faire autre chose que la simple prolongation de tendances ; il s’agit bien plutôt d’imaginer des scénarios bâtis sur des hypothèses fortes et explicites. Un intérêt majeur de l’étude prospective en géographie, notamment dans le domaine de la prospective territoriale, « est d’amener à penser les systèmes de production d’espace dans leur dynamique, à formuler des hypothèses, à prendre des risques [...] » (BRUNET, 1993, cité par GUMUCHIAN et MAROIS, 2000). La lecture régulière de la revue Futuribles ne peut être qu’un plus pour s’imprégner de l’intérêt de ce type d’analyse. 2.3. Les principales étapes de la recherche en géographie Il convient de prendre acte que la recherche scientifique est un processus dynamique ou une démarche rationnelle qui permet d’examiner des phénomènes, des problèmes à résoudre, et d’obtenir des réponses précises à partir d’enquêtes ou d’investigations sur le terrain. Ce processus se caractérise par le fait qu’il est systématique et rigoureux et conduit à l’acquisition de nouvelles connaissances. D'ailleurs, les fonctions de la recherche sont de décrire, d’expliquer, de comprendre, de contrôler, de prédire des faits, des phénomènes et des conduites. Il est particulièrement important de noter que la rigueur scientifique est guidée par la notion d’objectivité, c’est-à dire que le chercheur ou le doctorant ne traite que des faits, à l’intérieur d’un canevas défini par la communauté scientifique. Certes, dans ce contexte, la recherche en géographie a plusieurs étapes importantes :  Première étape : La question de départ Il faut formuler la question de départ en veillant à respecter les éléments suivants : la clarté, la faisabilité et la pertinence.  Deuxième étape : L’exploration Elle se concentre sur les éléments suivants :  Les lectures : visent à débuter les recherches bibliographiques, sélectionner les textes, lire avec méthode, résumer et comparer les textes entre eux, les textes et les entretiens préliminaires;  Les premiers contacts avec le terrain d’étude : visent à conduire les entretiens exploratoires, identifier les personnes- ressources, se
  • 11. 87 préparer à l’entretien, rencontrer les experts, témoins et autres personnes concernées en adoptant une attitude d’écoute et d’ouverture et décoder les discours.  Troisième étape : La problématique Il faut premièrement faire le point des lectures et des entretiens. Deuxièmement, il faut donner un cadre théorique. Enfin, il faut expliciter la problématique retenue au sein du cadre théorique précédemment défini (QUIVY et VAN CAMPENHOUDT, 1988).  Quatrième étape : La construction Il faut construire les hypothèses, formaliser et éventuellement modéliser en précisant : - les relations entre les concepts ; - les relations entre les hypothèses principales et secondaires ; - la nature de la formalisation ou de la modélisation retenue (QUIVY et VAN CAMPENHOUDT, 1988).  Cinquième étape : L’observation (terrain spécifique et groupes retenus) Dans cette étape, il est très important de délimiter le champ d’observation et de concevoir l’instrument d’observation. Il est également essentiel de tester l’instrument d’observation et procéder à la collecte des informations (Ibid.,).  Sixième étape : L’analyse des informations Il faut tout d’abord décrire et préparer les données pour l’analyse. Ensuite, il faut mesurer les relations entre les variables. Enfin, il est très essentiel de comparer les résultats attendus et les résultats observés (Ibid.,).  Septième étape : L'interprétation des résultats C'est la phase d'inférence, de « mise de signification » dans les résultats obtenus à l'étape précédente. Il s'agit, selon l'expression plus familière, de faire parler les chiffres, indices, coefficients... dégagés par l'analyse, et exprimer de façon claire, argumentée, comment ces résultats constituent un progrès par rapport au point de départ (AKTOUF, 1987).  Huitième étape : La conclusion Il s’agit dans cette étape, de se rappeler d’abord la démarche et de présenter les résultats en les mettant en évidence. Ensuite, il est très utile de présenter les nouvelles connaissances et éventuellement les conséquences pratiques et opérationnelles. 2.4. Le rôle de la méthodologie de recherche pour les doctorants de la géographie
  • 12. 88 Il est important de noter que la méthodologie de recherche scientifique est considérée comme un élément principal pour les doctorants de la géographie. Certes, elle permet aux chercheurs ou enquêteurs de mener à bien leurs investigations et permet également aux lecteurs de les suivre avec aisance. De plus, l’approche méthodologique aide les doctorants de voir et d'aborder les phénomènes qui reflètent leurs croyances fondamentales quant à la nature du modèle choisi. Elle assiste également les doctorants de bien présenter la problématique essentielle et de fixer les objectifs principaux de telle recherche ou étude ; elle permet aussi de formuler les hypothèses de recherche ainsi que la démarche de travail de terrain. Conclusion Au terme de cette étude, nous pouvons constater que l’approche méthodologique est considérée comme des procédures ou techniques spécifiques utilisées pour identifier, sélectionner, traiter et analyser des informations sur un sujet concerné. Elle joue un rôle très important dans la recherche scientifique. Elle constitue également une bonne étape qui aide les doctorants de la géographie de bien rédiger un bon travail de recherche scientifique et d’atteindre leurs objectifs. Au clair, la méthodologie de recherche permet aux doctorants de bien structurer et organiser leurs travaux de recherche. De manière plus générale, si les doctorants ne suivent pas les étapes présentées de la méthodologie de recherche géographique, ils ne réussiront pas dans leur travail de recherche scientifique. Il est alors important pour les doctorants de suivre de nombreuses formations complémentaires organisées par leurs universités et de participer en tant qu’auditeurs dans les colloques, les conférences et les journées d’étude en vue d’acquérir un maximum d’informations sur l’approche méthodologique. Ils doivent également lire des documents, des ouvrages et des articles traitant les étapes de la méthodologie de recherche. De même, ils doivent suivre des pertinentes orientations et des précieux conseils présentés par leurs encadrants ou leurs directeurs de thèse pour mieux connaître la démarche méthodologique adoptée dans leurs travaux de recherche. Références bibliographiques  AKTOUF, O. (1987) : Méthodologie des sciences sociales et approche qualitative des organisations. Une introduction à la démarche classique et une critique. Les Presses de l'Université du Québec, Montréal, 190 p.
  • 13. 89  AVENIER, M.-J. et GAVARD-PERRET, M.-L. (2008) : Inscrire son projet de recherche dans un cadre épistémologique. In : GAVARD-PERRET, M.-L. et al., eds. Méthodologie de la Recherche en sciences gestion -Réussir son mémoire ou sa thèse. Paris: Pearson Education France, pp. 5–45.  COUTELLE, P. (2005) : Introduction aux méthodes qualitatives en Sciences de Gestion, Cours du CEFAG, Séminaires d’études qualitatives, pp.1–20.  DENZIN, N.K., LINCOLN, Y.S. (2005) : Handbook of qualitative research Third. In : DENZIN, N.K., LINCOLN, Y.S., eds., Thousand Oaks: Sage Publications.  GRAWITZ, M. (1993) : Méthodes des sciences sociales, Dalloz, Paris, 870 p.  GUBA, E., LINCOLN, Y. (1994) : Competing paradigms in qualitative research. In: DENZIN, N.K., LINCOLN, Y.S., eds. Handbook of qualitative research. London: Sage Publications, pp. 105–117.  GUMUCHIAN, H., MAROIS, C. (2000) : Initiation à la recherche en géographie, Aménagement, développement territorial, environnement. Collection : Thématique Sciences sociales, éditions Presses de l’Université de Montréal, Montréal, 425 p.  HLADY RISPAL, M. (2002) : La méthode des cas: Application à la recherche en gestion, Edition De Boeck, Paris, 250 p.  MERLIN, P., CHOAY, F. (1988) : Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement, PUF, Paris, 723 p.  MERLIN, P. (1997) : Géographie humaine, PUF, Paris, 576 p.  MILES, M.B., HUBERMAN, A.M. (1994) : Qualitative Data Analysis: An Expanded Sourcebook S. Publications, ed., Sage Publications.  ONTANDIPOULOS, A.P., et al., (1990) : Savoir préparer une recherche, Edition P.U.M., Montréal.  PERRY, C. (1998) : Processes of a case study methodology for postgraduate research in marketing. European Journal of Marketing, 32 (9/10), pp.785– 802.  QUIVY, R., VAN CAMPENHOUDT, L. (1988) : Manuel de recherche en Sciences Sociales, Dunod, Paris, 271 p.  SAHRAOUI BENTALEB, D. (2011) : Pratiques ressources humaines et plafond de verre au Maroc: Cas des femmes cadres au sein de grandes entreprises privées. Thèse de Doctorat en Sciences de Gestion, Université Toulouse 1, France.
  • 14. 90  VAN DER MAREN, J.M. (1996) : Méthodes de recherche pour l’éducation. 2ème édition De Boeck, Belgique, 502 p.  YIN, R.K. (1994) : Case study research: Design and methods 2nd ed. Thousand Oaks, CA: Sage Publications.