1. Invest L'invité
Grégoire Bordier
associé, banque bordier La prochaine crise? Et si elle
était comme celle de 1929?
L
a crise de 2008 est arrivée, elle a choqué s’est plus préoccupé de ses citoyens. Cela va
Les signes et elle sera bientôt passée. C'est le propre de pair avec des gouvernements et un appareil
des crises. Sur les deux cents dernières politique qui ne peut plus vraiment prendre les
avant-coureurs années, le monde en a vécu 40. Elles ont décisions difficiles même si elles peuvent être
sont là. toujours été suivies d'un rebond et d'une repri-
se des affaires. L'autre chose que l'on sait sur les
indispensables à la pérennité d’un système.
Les faillites, les défauts de paiement, même
Quelques- crises, c'est qu’elles découlent de bulles, d'ex- étatiques, sont un mal nécessaire pour qu’un
cès. J'aimerais partager quelques réflexions sur système économique puisse se développer sur
uns sont la prochaine crise et les mesures qui pourraient le long terme. Les coupes budgétaires aussi.
anecdotiques. être prises dans la gestion d'avoirs.
Défensive. Je suis convaincu que, dans
D’autres Signes. Et si la prochaine crise était com- les prochaines années, les marchés émergents
me celle de 1929? On ne peut pas être ban- et leur formidable essor vont tirer l’économie
beaucoup plus quier privé sans se poser cette question régu- mondiale et ainsi occulter les problèmes fon-
fondamentaux. lièrement. Les signes avant-coureurs sont là. damentaux énumérés ci-dessus. Mais la pro-
Quelques-uns sont anecdotiques comme une chaine crise risque bien d’être très sérieuse, car
banque qui propose, deux ans seulement après elle effacera d’un coup la somme de nos excès
une crise, des prêts hypothécaire de 90% de la qui s’aggravent de sauvetage en sauvetage. Et
valeur du bien. D’autres indices sont beaucoup ce sera le citoyen qui prendra probablement la
plus fondamentaux. décision de laisser tomber le système en refu-
Tout d’abord, par trois fois, en 1987, 2002 et sant simplement de le financer.
2008, l'économie mondiale a été sauvée par Le coût d’une attitude trop défensive, en prévi-
les Etats et leurs banques centrales. Par trois sion d’une catastrophe, est souvent trop élevée,
fois, les banques centrales ont fait massivement d’autant plus qu’il est impossible de déterminer
l'inverse de ce qu'elles ont fait en 1929. C'est- avec précision le renversement de tendance. En
à-dire qu’elles ont injecté un maximum de revanche, il me semble judicieux, aujourd’hui,
liquidités dans le système en baissant massive- de prendre progressivement une assurance
ment leurs taux d'intérêt. Lors de la dernière dans un portefeuille et la seule assurance qui
crise, les Etats n'ont pas hésité à emprunter me semble vraiment bonne, c’est l’or. Les autres
des milliards pour renflouer leur économie actifs réels – immobilier de rendement, actions
et pour acheter leur propre dette. Ce dernier de qualité ou même la terre agricole – ont été
élément est d'autant plus inquiétant que c'est très fortement secoués dans une crise comme
la première fois que les banques centrales uti- celle de 1929. Il faut donc prévoir un actif de
lisent ce moyen, donc sans maîtrise de l’impact réserve qui permette d’avoir suffisamment de
à long terme de cet outil. ressources pour traverser une crise qui, même
Deuxièmement, après vingt ans de croissance profonde, se terminera.
au travers de l’innovation informatique, les Ainsi je fixerai comme objectif d’avoir à terme
pays dits développés connaissent depuis 2000 10% d’un capital en or, tant pour un porte-
une croissance basée sur l’augmentation de la feuille qu’une entreprise. Il faut cependant
dette. Si le bien-être de tous est certainement savoir que plus l’économie mondiale s’amé-
amélioré, la pérennité de cette stratégie est liorera, plus il est probable que la valeur de
impossible. l’or baissera. A cela s’ajoute le fait que l’or ne
Finalement, nos économies développées sont à génère pas d’intérêt. C’est donc une assurance
bout de souffle. Jamais la société n’a été aussi qui coûte et qu’il faut acheter en prenant son
égalitaire. Il n’y a pas eu d’époque où l’Etat temps.
Photo: R. Colombo
98 PME Magazine / avril 2011