Cet article vise à susciter chez les étudiants en Droit l'amour de la méthodologie juridique , qui est une matière combien importante dans les études de Droit et dans la vie professionnelle d'un juriste.
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L'importance de la méthodologie juridique dans les études de Droit.
1. L’IMPORTANCE DE LA METHODOLOGIE
JURIDIQUE DANS LES ETUDES DE DROIT
Cet article vise à motiver l’étudiants en DROIT, à éprouver un réel sentiment
affectif pour la méthodologie juridique, qui est un élément combien important au
cours de ses études et éventuellement dans sa vie professionnelle à venir.
Par KOFFI Kouamé
Emmanuel, étudiant en
MASTER DROIT PUBLIC
ECONOMIQUE à
l’UNIVERSITE des
LAGUNES.
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Qu’est-ce que la méthodologie ? C’est la première question que l’on se
pose et à laquelle l’on aimerait également avoir une réponse, lorsqu’on tombe
sur une telle thématique. « La méthodologie peut s’appréhender comme
l’ensemble de règles et de démarches adoptées pour conduire une recherche »
Centre National de Ressources textuelles et Lexicales. Elle exprime la manière de
faire, le chemin qui permet d’atteindre un but. Autrement dit, la méthodologie,
c’est l’attitude intellectuelle qu’adopte celui qui est en quête de quelque chose
ou qui désire réaliser quelque chose. Appliquer une méthodologie ou la méthode,
appelle un effort de l’esprit, partant d’un point de départ à un point de
destination.
Toute science possède sa propre méthodologie de raisonnement. Par exemple,
les Mathématiques avec la méthode de l’analyse et la synthèse ; la science
physique avec l’expérimentation, l’observation ; la sociologie avec l’analyse
causale, l’individualisme méthodologie et la rationalité etc…
Ainsi, le Droit étant une science ; la science qui étudie les méthodes, les outils qui
permettent de connaitre et créer des règles ; possède sa propre méthodologie de
raisonnement. Il est donc clair que pour des études de Droit réussies, les étudiants
doivent s’imprégner obligatoirement de ce que c’est que la méthodologie pour
pouvoir assimiler toutes les approches requises pour dompter la matière. C’est
en ce sens que, Pacôme FIENI Juriste-analyste Sénior en Droit privé, donnait dans
son ouvrage METHODOLOGIE JURIDIQUE, cette image qui illustre au mieux
l’importance de la méthodologie. Il affirmait : « la méthode est semblable au
moyen de locomotion adapté pour porter les bagages, les bagages de nos
connaissances de fond, assimilées durant les longues heures consacrées à la
lecture de nos cours et autres supports de connaissance. Si vous ignorez la
mécanique du moyen de locomotion, vous n’arriverez pas à destination. Ce que
les étudiants doivent garder à l’esprit, c’est qu’ils seront démunis toutes les fois
qu’ils méconnaîtront la méthode de résolution de l’exercice auquel ils sont
soumis. » A travers cette affirmation, nous percevons l’indispensabilité pour un
étudiant en Droit de maitriser la méthodologie juridique. Puisque, sans cette
maitrise, il sera difficile pour l’étudiant de pouvoir mettre ses connaissances,
acquises après de nombreuses heures d’études, en pratique.
Aujourd’hui, il est triste de constater que bon nombre d’étudiants en Droit n’ont
pas une maitrise parfaite, voire même, une maitrise moyenne de la méthodologie
juridique. C’est-à-dire, les différentes méthodes des exercices juridiques que sont
: la dissertation juridique, le cas pratique, le commentaire de texte ou de doctrine
et le commentaire d’arrêt. C’est un véritable problème. En effet, aujourd’hui les
étudiants en Droit, en général, on en tête cette conception selon laquelle, le plus
important c’est de valider les matières. La maitrise et la compréhension des
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matières passent en second plan. C’est le cas de la méthodologie, qui n’est pas
une véritable priorité pour ces derniers. A qui la faute ? L’étudiant ou l’enseignant
? La faute ne doit être imputable ni à l’un ni à l’autre. Les deux détiennent chacun
une part de responsabilité dans cet « échec méthodologique. »
La faute est d’abord imputable aux enseignants. En effet, l’étudiant qui
commence nouvellement ses études de droit n’a aucune notion de la voie à suivre
pour traiter un exercice juridique, si jamais on le lui demandait. C’est à
l’enseignant que revient donc, la lourde charge et la lourde tâche d’initier les
nouveaux venus aux rites et pratiques que requiert l’apprentissage du droit, la
résolution des exercices juridiques.
Malheureusement, la formation est bâclée ; les cours distillés à la hâte, laissant
les étudiants à leur propre sort. Et en cela, nous constatons tous les retombés
de ce laxisme pédagogique ; des étudiants de 2ème, 3ème, 4ème voire 5ème
année incapables de rédiger correctement l’introduction d’une dissertation
juridique ou d’un cas pratique, pour faire plus simple. Cette situation préoccupe
et elle doit nous préoccuper. En effet, que ça soit en entreprise, dans un cabinet
ou dans une institution, les juristes qui y travaillent sont et seront amenés à
résoudre des cas juridiques ; à apporter des solutions aux problèmes juridiques
auxquels feront faces ces entités.
Or, pour arriver à faire cela, une connaissance et une maitrise pointilleuse de la
méthodologie est nécessaire. Ce qui sous-entend, qu’un juriste sans une
maitrise de la méthode ne sera pas assez productif dans la profession qu’il va
exercer.
A l’instar des enseignants, l’étudiant est lui aussi responsable de cet échec
méthodologique. Certes, il est vrai, que ceux qui sont chargés de prodiguer la
science de la méthodologie manquent au devoir. Mais l’étudiant lui-même, a le
devoir de se former personnellement. Il est bon de savoir, qu’en ce qui concerne
les études universitaires, l’étudiant à une grande part à jouer dans sa formation.
Sa formation personnelle est considérable. Mais le constat est qu’aujourd’hui,
les étudiants qui sont censés étudier, cultiver l’amour de la connaissance et de
l’apprentissage, ont troqué les études à l’amusement et à la fête.
Il est donc important de revenir à la source : la formation. Il le faut. C’est un
impératif. L’on doit miser sur la formation. Pas n’importe laquelle, une formation
de qualité. Un juriste bien formé est une valeur sûre pour la société. Par contre,
un juriste mal formé est un danger, une menace pour le bon fonctionnement de
la société et de la justice.
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Pour pallier ce problème, quelques reflexes que je qualifierai de déontologie pour
des études de droit réussies, sont essentielles voire indispensables pour
l’étudiant.
Premier réflexe : l’étudiant doit chercher à comprendre son cours et non à le
maitriser par cœur. Nombreux sont les étudiants qui ont l’art de mémoriser les
cours par cœur, de les réciter les yeux fermés. Malheureusement, ceux qui
s’adonnent à cette pratique, ne pourront toujours pas expliquer et transmettre la
substance de la matière bossée, parce qu’ils n’ont pas cherché à comprendre la
matière. Connaitre son cours par cœur ce n’est pas comprendre son cours. On
peut connaitre son cours de Droit constitutionnel sans pour autant le
comprendre. Ces deux notions sont clairement opposées et doivent être
nuancées. C’est une bonne chose de connaitre son cours par cœur, mais le
comprendre, c’est encore mieux. En effet, avec la compréhension du cours,
l’étudiant pourra s’adapter à n’importe quelle situation. Contrairement à celui qui
bosse son cours par cœur si jamais il est victime de l’oubli.
Deuxième reflexe : l’étudiant doit énormément s’exercer. C’est en s’exerçant que
la maitrise de la méthodologie sera acquise. C’est en forgeant qu’on devient
forgeron comme on le dit couramment. Maitriser la théorie de la méthodologie
c’est bien, mais savoir comment l’appliquer c’est encore meilleur. En première
année, je ne maitrisais vraiment pas la méthodologie juridique. J’avais du mal à
traiter les sujets de devoirs et d’examens auxquels j’étais confronté. En deuxième
année, je me suis mis à m’exercer. Au fil du temps, la maitrise des différentes
méthodes commença à naitre. Aujourd’hui, j’arrive à traiter les différents
exercices juridiques (cas pratique, commentaire de texte et de doctrine,
dissertation, commentaire d’arrêt) avec aisance. C’est par la pratique et l’exercice
qu’un étudiant en droit deviendra percutant.
L’étudiant doit être animé également d’un esprit de curiosité. En parlant de
curiosité, je fais référence à l’envie d’apprendre. C’est-à-dire, approcher les
devanciers pour avoir plus d’explications relativement aux cours qui n’auront pas
été bien saisis au bond ou par rapport à la méthodologie d’un exercice qui n’aura
pas été maitrisée.
Troisième reflexe : L’étudiant doit toujours envisager les choses sous l’angle du
Droit (opération de qualification). Cette attitude consiste à regarder les situations
avec les yeux d’un juriste et non pas avec des yeux communs à tous : c’est
l’opération de qualification juridique qui concrétise ce réflexe. Il exige de
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l’étudiant ou du juriste qu’il ait une bonne représentation des réalités juridiques
qui recouvrent chaque situation. Ce qui implique une bonne maitrise du cours.
Par exemple : Si on présente une situation faisant état de ce qu’un mari, ne
supportant plus sa femme, désire se séparer d’elle afin de pouvoir en épouser
une autre, cette situation renvoie à l’hypothèse du divorce. Le divorce est la «
réalité juridique » qui couvre la situation présentée.
Ce qu’on demande à l’étudiant, c’est de qualifier la situation, les faits qui lui sont
présentés. Il doit, précisément, rattacher les faits de la situation à une réalité
juridique. Dans notre exemple, les faits de la situation ont été rattachés au
divorce.
Quel est l’intérêt d’acquérir ce réflexe, donc de qualifier systématiquement ? En
qualifiant, l’étudiant colle les faits de la situation à une des réalités juridiques
étudiées au cours. Une fois qu’il a procédé ainsi, il circonscrit son champ d’étude
à la réalité juridique (thème) qu’il a identifiée. En rattachant les faits de la
situation au divorce, il écarte de son activité de raisonnement, les autres réalités
juridiques (telles que la succession, l’incapacité, etc.). Et comme chaque réalité
juridique porte en son sein des règles de Droit qui la régissent, qui la déterminent,
l’étudiant, par l’opération de qualification, écarte toutes les règles juridiques qui
ne concernent pas le domaine du divorce. Il peut, alors, limiter et fixer son
attention sur les règles (régime) applicables au divorce ; c’est dans ce régime qu’il
doit puiser la règle (ou les règles) qui correspond à la question posée par la
situation. Comme on peut le voir, la qualification permet d’isoler le corps de règles
dont on aura besoin pour répondre à la question.
Quatrième réflexe : Avoir le souci du mot juste et faire le choix de la clarté dans
l’expression des idées. Le mot juste est le mot exact, celui qu’il faut pour traduire
le fond de notre pensée. L’étudiant devra régulièrement se demander si les mots
qu’il utilise pour construire son raisonnement sont ceux qu’exige la discipline
juridique considérée. Cela renvoie à la maîtrise du vocabulaire juridique
approprié. Afin d’accéder plus facilement à la connaissance des mots d’une
matière du Droit, l’étudiant devra, constamment, solliciter un dictionnaire
juridique pour découvrir, au fur et à mesure que le cours se déroule, le sens des
termes techniques employés. En procédant ainsi, il se familiarise avec ces mots
et, en en comprenant le sens, il pourra les utiliser à bon escient.
Par exemple : S’il est amené à étudier un cas pratique dans lequel il est fait état
de la volonté d’une personne de changer de prénom, l’étudiant qui, dans sa
résolution, utiliserait indifféremment les termes « nom » et « prénom », se
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méprendrait gravement. En effet, en Droit, notamment en Droit ivoirien, le nom
et le prénom ne renvoient pas complètement à la même réalité et obéissent à des
régimes juridiques différents. Même si, communément, on a tendance à ne pas
faire la distinction entre les deux au point que, généralement, lorsqu’on demande
le « nom » d’une personne, celle-ci répond machinalement en donnant son «
prénom », le Droit établit, en ce qui le concerne, une distinction entre les deux
termes. Il faut donc être attentif pour bien voir que la question du changement
de nom n’est pas la même que celle du changement de prénom. Car, on sait qu’à
titre principal le nom ne peut être changé pour être remplacé par un autre, et
que, par contre, le prénom peut l’être (pour juste motif) ; les solutions ne sont
pas les mêmes, alors il faut éviter d’employer indifféremment ces deux termes
comme s’ils recouvraient la même réalité.
Par ailleurs, la clarté est une vertu que l’étudiant doit, régulièrement, cultiver
dans l’énoncé de ses idées, dans leur explication ou démonstration. L’idée doit
être exprimée clairement, c’est-à-dire de façon à être comprise (respect de la
syntaxe, à savoir la place des mots, et de la sémantique, à savoir le sens des mots).
Ensuite, son explication doit être réalisée dans un langage cohérent, accessible à
l’intelligence. Il ne doit jamais perdre de vue que le correcteur veut s’assurer qu’il
a compris le cours, et que le seul moyen pour ce dernier de s’en convaincre, c’est
de lire une copie qui n’exprime pas des idées confuses, des développements
contradictoires. Il doit éviter les tortures faites à la langue française.
Par exemple : On ne peut pas affirmer que « le Premier ministre est le vrai chef
du gouvernement », soutenir plus loin que, « en réalité, c’est le Président de la
République qui est le chef du gouvernement, puisque c’est lui qui nomme le
Premier ministre », et finir en retenant que « dans le fond, on peut considérer le
ministre de l’Économie et des Finances comme le patron, dans la mesure où la
bonne marche de la politique économique repose sur ses épaules ». Après avoir
lu un tel étudiant, on ne sait toujours pas qui est vraiment le chef du
gouvernement, du Premier ministre au ministre de l’Économie et des Finances en
passant par le Président de la République.
N.B. : Bien écrire naît surtout de l’habitude de la lecture. Retourner à vos livres,
et lisez de grands auteurs (Léopold Sédar SENGHOR, Zadi ZAOUROU, Jean-Marie
ADIAFFI, Tiburce KOFFI, Alain MABANCKOU, Jean d’ORMESSON, Voltaire, etc.),
qui ont une expression écrite correcte. Revisitez les ouvrages de grammaire et de
conjugaison pour réapprendre les règles de la rédaction écrite. À cet effet,
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n’éprouvez aucune gêne ou honte à utiliser les ouvrages de l’école primaire ou
du collège, car l’apprentissage est un exercice d’humilité.
Cinquième réflexe : l’étudiant en Droit doit être constamment animé d’un esprit
démonstratif. Démontrer, suppose de montrer. Mais démontrer, ce n’est pas
uniquement montrer ; c’est surtout montrer en justifiant l’idée qu’on veut faire
valoir. La qualité de juriste exige un esprit démonstratif. Le juriste est un «
médecin » singulier qui doit justifier et persuader du bien-fondé de son opinion.
Le médecin, lui, comme le font remarquer, François GRUA et Nicolas CAYROL,
dans leur ouvrage Méthode des études de droit, n’a pas besoin d’exposer sa
science pour soigner le patient. En revanche, « on attend toujours du juriste une
démonstration », soulignent-ils à juste titre ; ainsi, insistent-ils, « pour tous les
juristes, faire du droit consiste toujours à convaincre. L’avocat doit convaincre le
juge. Le juge doit convaincre le juge supérieur. Le professeur doit convaincre
l’étudiant et vice-versa ».