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ASp
la revue du GERAS
15-18 | 1997
Anglais et français de spécialité
Michel Perrin, Jacky Martin et Michel Petit (dir.)
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/asp/2643
DOI : 10.4000/asp.2643
ISSN : 2108-6354
Éditeur
Groupe d'étude et de recherche en anglais de spécialité
Édition imprimée
Date de publication : 1 décembre 1997
ISSN : 1246-8185
Référence électronique
Michel Perrin, Jacky Martin et Michel Petit (dir.), ASp, 15-18 | 1997, « Anglais et français de spécialité »
[En ligne], mis en ligne le 16 avril 2012, consulté le 19 mars 2021. URL : http://
journals.openedition.org/asp/2643 ; DOI : https://doi.org/10.4000/asp.2643
Ce document a été généré automatiquement le 19 mars 2021.
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SOMMAIRE
Anglais et français de spécialité
Thème du colloque annuel du GERAS, Paris, ENS Ulm, mars 1997
Approches linguistiques des langues spécialisées
Pierre Lerat
English for specific purposes (ESP) et français sur objectifs spécifiques (FOS) : le préalable
du contenu préalable
Denis Lehmann
Recherche comparative internationale à la base de trois méthodes de LSP
Martine Verjans
Étude longitudinale de la prise de notes d'un cours universitaire français : le cas d'étudiants
étrangers d'un cursus européen
Martine Faraco
Français vs English : histoire d'une rencontre avec penalty... et sans retour
Elizabeth Crosnier
Recherches sur corpus en langue de spécialité
Du bon usage des corpus dans la recherche sur le discours spécifique
Jacky Martin
Les collocations et la construction du savoir scientifique
Christopher Gledhill
Collocations in translation: Personal textbases to the rescue of dictionaries
Uzoma Chukwu
Applications des concordanciers à l'enseignement de la grammaire anglaise en DEUG
Joseph Rézeau
Procédure de constitution d’un corpus attesté d’articles de recherche scientifique en vue
d’une étude contrastive
Patrick Bachschmidt
Stylistique du discours scientifique
Introduction à la section 3
Michel Petit
Stylistique(s) contrastive(s) du discours scientifique
Michel Petit
Stylistique et discours scientifique
Gilles Mathis
ASp, 15-18 | 1997
1
Quelle rhétorique pour les articles scientifiques ?
Pierre Labrosse
Stratégies et styles rédactionnels de l’article de recherche : les ressources de l’utilisateur
non-natif devant publier en anglais
Claude Sionis
L’anglais de la recherche médicale : une grande diversité
Christiane Beaufrère-Bertheux
Enseignement/Apprentissage de la langue spécialisée
Reading skills for weak learners
Madeline Lutjeharms
Évaluation, motivation et formation
Patrick Doucet
Can EGP learning strategies be successfully used in the ESP learning process?
Savka Blagojevic
Needs-based syllabus design for students of English in Hungarian technical universities
Csilla Sárdi
Le développement de cohérences transversales et verticales dans l’enseignement des langues
étrangères
Françoise Haramboure
« Mais où est donc passé mon crédit documentaire ? » Acquisition du langage de spécialité
Les avatars d'un parcours d'apprentissage dans une classe d'étudiants en commerce international
Marie-Françoise Joncheray
La mondialisation de l’économie : de nouveaux enjeux, de nouveaux contextes culturels
Olivier Sturge-Moore
Analyses de discours spécifiques
The integration of verbal and non-verbal materials in some instances of written scientific
discourse
Claude Sionis
Written scientific discourse beyond words
Claude Sionis
Schématisations iconiques, schématisations discursives dans le message publicitaire
Thérèse Brouat
From author to reviewer to editor: Negotiating the claim in a scientific article
A study of French researchers publishing in English
Susan Birch-Bécaas
Genre analysis of article introductions in economics
Igor Lakic
Le discours juridique en France et en Angleterre
Convergences et spécificités
Bernard Galonnier
ASp, 15-18 | 1997
2
From argumentation to argument: Interaction in the conference hall
Pauline Webber
Your very first ESP text (wherein Chaucer explaineth the astrolabe)
David Banks
Lexiques et syntaxes des textes spécialisés
Le passif dans les notices techniques grand public du matériel audiovisuel Kenwood
Jacques Coulardeau
Prolégomènes à la phraséologie comparée en langue de spécialité : exemple de l’anglais et du
français de la finance
Catherine Resche
La détermination passive et quelques thématisations particulières en anglais médical
Didier Carnet
Contribution à l’amélioration de la compréhension et de la traduction des adjectifs composés
en classe de langue de spécialité
Mourad Boughedaoui
ASp, 15-18 | 1997
3
Anglais et français de spécialité
Thème du colloque annuel du GERAS, Paris, ENS Ulm, mars 1997
ASp, 15-18 | 1997
4
Approches linguistiques des langues
spécialisées
Pierre Lerat
1 Comme les langues spécialisées ne sont rien d’autre que des usages spécialisés des
langues naturelles, leur étude suppose la prise en compte des différents niveaux de
l’analyse linguistique.
2 Leur spécificité est essentiellement lexico-syntaxique, du côté des formes, et lexico-
conceptuelle, du côté des contenus, d’où le besoin de théories appropriées. Les enjeux
sont principalement l’aide à la traduction, à la rédaction, à la documentation et à
l’apprentissage. Comme ces différentes activités seront de plus en plus assistées, il y a
lieu de s’attacher en priorité à ce qui est gérable sous la forme de bases de données et
mobilisable avec sécurité et rapidité.
3 Si l’on admet ces principes généraux, il faut en tirer quelques conséquences. La
première est théorique : la meilleure conception d’ensemble est celle qui lexicalise au
maximum la syntaxe et qui, en matière conceptuelle, tire le plus parti du jeu des
relations typiques entre les mots. La seconde est méthodologique : la meilleure base de
données est celle qui réunit les connaissances linguistiques et encyclopédiques dont ont
besoin les usagers.
4 En privilégiant ainsi le lexique, on risque de réduire le langage à un jeu de contraintes
formelles et logiques, au détriment de la dimension énonciative et pragmatique.
L’objection serait forte si l’étude de cette dimension était plus avancée et avait obtenu
des résultats indiscutablement scientifiques au sens ordinaire. Les sciences du langage,
comme les autres, ne se constituent qu’en intégrant leurs résultats aux acquis
provisoires des disciplines voisines et en s’en appropriant certains ; or on est encore
loin d’une situation où toutes les observations sur l’activité de langage, sur les textes et
sur les situations d’énonciation constitueraient un corps de connaissances réellement
systématisable.
5 Une autre limite du présent article résulte de son intitulé même, qui reflète un point de
vue essentiellement descriptif : il est clair que l’exploitation didactique de cette mise en
perspectives linguistiques appartient aux professionnels qui sont les professeurs du
ASp, 15-18 | 1997
5
secteur LANSAD. Enseigner une LSP suppose des méthodes appropriées qui ne sont pas
mon objet propre mais dont je ne méconnais pas l’importance. C’est pourquoi mon
espoir est de susciter des idées d’intégration d’approches linguistiques à la
méthodologie de l’enseignement des langues spécialisées.
1. Fondements linguistiques
6 Aucune théorie linguistique, quelle qu’elle soit, n’a jamais isolé le fonctionnement des
langues spécialisées de celui des langues naturelles en général. Que l’on se tourne vers
la théorie du signe issue de Saussure, vers la théorie de la proposition issue de la
tradition logique, vers celle de la phrase au sens des grammaires formelles ou vers la
théorie de l’énoncé élaborée depuis les années soixante, les avis convergent sur deux
points essentiels : d’une part une langue spécialisée n’est pas une simple nomenclature,
d’autre part la production de textes scientifiques et techniques suppose la mobilisation
de compétences linguistiques plus larges. Il ne faut donc pas s’étonner des limites du
rendement ni des méthodes audiovisuelles ni des expériences de type niveau-seuil.
7 Sur ce fond de compétence générale de langue et de communication, des tendances
caractéristiques n’en sont pas moins remarquables. La principale est probablement
l’importance particulière de l’écriture, y compris de l’écriture de signes non
linguistiques, comme les formules propres à la notation dans telle ou telle science ; je
ne dirai rien ici de cette spécificité sémiotique, qui est étrangère à mon propos, mais
elle est de grande conséquence. Les autres tendances sont observables aux différents
niveaux de l’analyse de l’écrit, c’est-à-dire, dans la pratique, à chaque étape du travail
sur les suites de chaînes de caractères.
1.1. Niveau lexical
8 Les unités lexicales spécialisées présentent par rapport aux autres les particularités
suivantes.
9 - Elles utilisent la dérivation au bénéfice de la monosémie. Par exemple, homogénéiser et
mélanger sont des verbes d’usage large : ce sont pour des humains ou pour des matériels
des façons d’agir sur des humains ou des objets concrets ou abstraits, donc les sujets et
les compléments possibles ne constituent pas des classes sémantiques ; en revanche, en
plomberie, un homogénéiseur est un type particulier de robinet, que l’on appelle aussi un
mélangeur. Le sens, en pareil cas, n’est pas seulement dépendant de la connaissance de
la langue, mais ici la langue ne fait que mettre de l’ordre dans la connaissance des
choses. Il en va de même dans les sciences : hydrique est l’adjectif propre à parler de
l’eau si et seulement si l’on a en vue l’eau en tant que corps chimique. Une conséquence
pédagogique capitale résulte de cette propriété : l’enseignant de langue maternelle
spécialisée gagne à être également spécialiste de la matière concernée. La situation est
un peu différente en langue étrangère, mais le recours aux professionnels du domaine y
est plus ou moins nécessaire aussi.
10 - Les expressions spécialisées utilisent à forte dose la composition nominale au bénéfice
de la dénomination des objets techniques et scientifiques. Cette fonction de
dénomination fait que le composé ne peut être validé comme dénomination que par un
professionnel, même si sa reconnaissance et son analyse sont facilitées par des tests
linguistiques et le repérage des candidats rendu possible par un simple calcul
ASp, 15-18 | 1997
6
statistique portant sur les cooccurrences lexicales. Il faut bien voir en effet qu’un
composé relevant du vocabulaire technique n’a pas de spécificité grammaticale par
rapport à un composé non technique mais que sa structure dépend entièrement des
propriétés typologiques générales de telle langue. Ainsi, notoirement, il est facile de
reconnaître un composé dans une langue germanique, nettement plus difficile de le
faire dans une langue romane ; par exemple, formellement, rien n’indique que les
expressions accident du travail et jour ouvrable sont lexicalisées en français, alors qu’il en
va tout autrement pour Arbeitsunfall et Werktag en allemand.
11 - Dans les vocabulaires spécialisés, le lien entre le mot technique et sa racine tend à être
distendu. C’est bien entendu le cas, tout particulièrement, de l’emprunt, mais aussi de
la métaphore, et également du composé ; ainsi, un arbre à cames est un arbre, mais
seulement au sens technologique, et l’équivalent allemand Nockenwelle n’a qu’un
rapport analogique avec l’idée de « vague » ou d’« onde » attachée à Welle.
1.2. Niveau syntaxique
12 Au niveau de la phrase complexe, les tendances sont à la fois bien connues et limitées à
quelques particularités comme le style abstrait (obtenu notamment par des
nominalisations et des adjectivations), le style impersonnel (qui dépend du jeu combiné
des voix, des modes, des temps et des personnes) et le style explicite (où les
articulations sont exprimées par des connecteurs logiques). Faute de travaux
comparatifs systématiques, il est difficile de dire si ce sont vraiment les contenus qui
jouent un rôle, ou si l’on n’est pas plutôt en face d’un mode d’énonciation particulier,
celui de tout discours didactique, quelle que soit la matière exposée. Les professeurs
ont avantage à ne pas trop dissocier le savoir et sa transmission, ni la transmission
scolaire et l’apprentissage en situation ; les linguistes, qui sont aussi bien souvent des
professeurs, sont bien placés pour comprendre ces amalgames ; il convient néanmoins
qu’ils ne limitent pas l’énonciation technique à celle du cours ou du rapport de stage, et
qu’ils aient en vue des pratiques plus vitales dans les entreprises, telles que le mode
d’emploi, le devis ou le cahier des charges.
13 - À un niveau plus global, celui du texte, les instruments linguistiques d’analyse restent
très limités : la « grammaire de texte » obtient peu de résultats en dehors du traitement
des anaphores, la typologie des actes de langage manque encore de robustesse, la
notion d’environnement cognitif est nécessaire mais peu technique pour le moment, et
elle relève plus de la logique que de la syntaxe proprement dite.
14 - C’est au niveau de la phrase simple et du groupe de mots que les progrès de la
linguistique formelle sont les plus remarquables à l’heure actuelle et les plus
bénéfiques à l’étude des textes spécialisés. On l’a vu plus haut à propos des
dénominations composées. On le voit mieux encore là où la sémantique se confond avec
l’interprétation de suites syntaxiques, c’est-à-dire dans le jeu des prédicats et des
arguments qui saturent les prédicats. Autrement dit, un intérêt particulier de la
syntaxe des langues spécialisées est qu’elle a une grande pertinence dès que la
construction du verbe, du nom ou de l’adjectif impose un type de complément
spécifique ou, inversement, que les noms d’objets appellent des expressions
prédicatives appropriées. Ce contrôle réciproque des mots dépendants et des mots
régissants dans la phrase simple et dans le syntagme conduit à attacher une importance
toute particulière à la distribution fine : celle des classes grammaticales, à un premier
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niveau, celle des traits de sous-catégorisation comme « humain » ou « concret », à un
deuxième niveau, celle des « classes d’objets » au sens de Gaston Gross, à un troisième
niveau, celle enfin des classes réduites à une ou quelques unités lexicales compatibles
(ainsi, sulfurique est difficilement employable autrement qu’à la suite immédiate
d’acide). Par exemple, le patient contracte une hépatite, le client contracte avec
l’assureur, le muscle se contracte : dans le premier cas l’objet appartient à une classe
sémantique homogène, celle des maladies, dans le deuxième il s’agit nécessairement
d’une personne juridique, dans le dernier le sujet est concret et matériel, sans propriété
plus spécifique.
15 À titre d’exemple, la langue des assurances n’est pas seulement une nomenclature de
dictionnaire spécialisé, mais un jeu de relations entre des acteurs, des opérations, des
risques, etc. Sa maîtrise est celle des liens prévisibles entre d’une part des expressions
prédicatives verbales, comme assurer, nominales, comme assureur, assurance et assuré,
ou adjectivales, comme assuré, et d’autre part le cortège de leurs arguments typiques
(assurer un bien, assurance sur la vie, véhicule assuré, etc.).
16 De façon plus élémentaire, parce que purement formelle, la distribution simplement
grammaticale des mots, y compris celle des articles et des prépositions, est un guide
indispensable pour la traduction. L’élaboration des systèmes de traduction automatique
est éclairante pour l’aide à la traduction purement humaine, parce qu’ils exigent
l’explicitation des contraintes de cooccurrence. Ainsi, il est sans utilité de dire que
l’expression à terme est une locution, car cette information ne sert à rien pour la
traduire en anglais ou en allemand ; ce qui importe en pareil cas est de lui affecter une
catégorie grammaticale précise car, selon qu’il s’agit d’un emploi adjectival ou
adverbial la traduction, pour un même domaine de connaissances, celui des marchés
financiers, sera différente. Une opération à terme sera a forward transaction, ein
Termingeschäft, un cours à terme a forward rate, ein Terminkurs; acheter à terme sera to
buy forward, avec une position postverbale, auf Termin kaufen, sans soudure et avec une
préposition. Rien de tout cela ne va de soi, surtout pour un apprenant, un non-
spécialiste ou un étranger même disposant déjà d’une certaine familiarité avec la
langue.
1.3. Niveau conceptuel
17 Dans la tradition antimentaliste qui a prévalu autour du structuralisme, le linguiste
n’était pas tenu d’avoir une théorie du concept, et seul le psycholinguiste était
préoccupé de la compatibilité des travaux sur les langues et des travaux sur
l’acquisition des connaissances. Le projet interdisciplinaire connu sous le nom de
sciences cognitives a le mérite, entre autres, de rappeler la nécessité de privilégier les
approches compatibles, d’une discipline à l’autre. À cet égard la terminologie, dès les
années trente, a pris parti pour l’école viennoise de philosophie du langage, soucieuse
des relations entre les mots et les choses à travers des conceptualisations, au risque de
se couper pour un temps d’une linguistique devenue immanentiste avec Saussure. On
peut maintenant reprocher à la philosophie analytique de ne pas avoir fait une part
suffisante au sujet conceptualisant, et donc à la terminologie d’avoir privilégié un point
de vue ontologique plutôt que culturaliste, mais au moins le terme est clairement la
dénomination d’un concept depuis Wüster.
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8
18 Comment définir le concept ? La définition la plus satisfaisante, selon les critères de la
linguistique, ne peut pas être celle qui sépare le concept de sa dénomination dans une
langue naturelle donnée, car ce serait méconnaître à la fois l’importance des
différences de conceptualisations selon les cultures et celle de l’arbitraire relatif selon
les racines lexicales utilisées. Il y a donc lieu, à mon avis, d’adopter une conception
compatible à la fois avec les exigences de la linguistique et celle de disciplines
connexes, à commencer par la psychologie. C’est ce que fait dans un ouvrage récent
Sylvain Auroux (1996 : 207). Pour cet auteur, le concept est un « réseau hétérogène
d’informations dont le mot ne forme que l’un des composants, les autres étant les
représentations sensorielles (visuelles, tactiles, olfactives) et les informations
culturelles typiques (clé : instrument pour ouvrir/fermer des portes) ».
19 On peut bien entendu formuler autrement la même idée. On retrouve ici, en particulier,
les entrées lexicales et encyclopédiques de Sperber et Wilson (1986 : 86), ce qui peut
donner envie de prendre en compte aussi des entrées logiques, autorisant la déduction
de concept à concept, ainsi que le font ces auteurs ; au reste, l’exemple de « clé »
signale, implicitement, une implication nécessaire, l’hyponymie de clé par rapport à
instrument. Telle quelle, cette définition est adéquate pour rendre compte du statut
particulier du terme : elle intègre au concept la dénomination (ou les dénominations),
elle prend en compte des propriétés perceptuelles, comme la forme schématique des
objets dans le Dictionnaire de la machine-outil de Wüster, et énumère les relations
prédicatives typiques. Ainsi, une clé de serrure porte un nom, clé, elle a une forme
dessinable, c’est un instrument qui a quelque chose à voir avec le concept de porte ; de
même, une clé à bougies a en commun avec la clé de serrure un élément de
dénomination, clé, elle correspond à un objet de forme différente et à fonction
également spécifique, puisqu’elle sert à visser et dévisser des bougies de véhicule
automobile. Dans ces conditions, ce qui est important en langue spécialisée est le
concept, entièrement différent selon les liens notionnels que permettent d’expliciter
les relations avec les prédicats « ouvrir » et « visser » et avec les objets « porte » et
« bougie », alors qu’en langue générale c’est le continuum qui est privilégié : visser,
c’est une façon de serrer, le résultat est de fermer, et à ce compte les classes d’objets
typiques ne sont plus que des cas particuliers d’un même schème. La différence est
importante au point de vue méthodologique, car d’un côté l’essentiel est la logique de
l’action sur le réel, dans l’autre c’est une logique du signifié immanent. Les langues
spécialisées, à mon avis, imposent un point de vue encyclopédique, et donc une rupture
avec la tradition du dictionnaire général unilingue, qui met l’accent sur les continuités
en prenant le parti du mot et non pas celui du concept.
20 La sémantique du concept, à ce compte, est ainsi une sémantique entièrement
relationnelle : relation entre dénomination et informations diverses, relations de
généricité et de spécificité, relations prédicatives. La polysémie des expressions
prédicatives correspond dans une large mesure à la variabilité des arguments qui vont
avec, et celle des objets dépend des propriétés référentielles (appréhendables par la
perception et la catégorisation). D’où la pertinence de la notion de domaine de
connaissances : il y a clé et clé, selon qu’il s’agit de musique, de serrurerie ou de
mécanique automobile. L’hyperonymie varie aussi avec les points de vue induits par les
domaines de connaissances ; le lait de vache est toujours du lait de vache, mais pour
l’industriel c’est un produit, pour le médecin un aliment, pour le chimiste un liquide. Si
la polysémie est facile à gérer dans une base de données prenant en compte des
ASp, 15-18 | 1997
9
différences de domaines, la polyhiérarchie l’est moins ; le problème se pose surtout
pour la documentation, mais on le rencontre aussi dès qu’on essaie de concevoir une
base de connaissances terminologiques multidomaine.
2. Une description d’emplois typiques
2.1. Pour une description limitée
21 Paradoxalement, les langues spécialisées sont relativement simples, parce que les
contraintes lexicales, sémantiques et pragmatiques y sont fortes. La prise en
considération de domaines est quelquefois mal comprise, comme l’imposition
artificielle d’oeillères alors que dans la communication réelle il y a du coq à l’âne, des
niveaux de langue, des interactions variées etc. L’analyse d’interviews de techniciens
ou celle d’articles de scientifiques à destination du grand public fournit des arguments
aux tenants d’une « socioterminologie » qui ressemble beaucoup à une analyse de
discours à entrée lexicale comme on en faisait dans les années 70. Si l’on a en vue les
connaissances capitalisées par une discipline à un moment donné et si l’on a le souci de
représenter ces connaissances en vue de leur transmission, il faut bien accepter l’idée
qu’il y a des disciplines et des sous-disciplines, des tâches imposant des procédures et
une exigence de précision dans toute communication professionnelle. Là encore, la
terminologie a été bien orientée dès ses débuts, en liant sa productivité à l’activité de
normalisation ; conçue comme une linguistique d’ingénieur à l’origine, la terminologie
a été pensée d’emblée comme instrument de résolution de problèmes. L’erreur a été de
séparer les concepts de leurs expressions linguistiques au point de miser sur
l’esperanto pour faciliter la communication et y accroître la sécurité. La vérité est que
la communication professionnelle doit tenir compte des bizarreries des langues
naturelles et tendre malgré tout vers la prévisibilité maximale, au risque d’utiliser une
langue de travail unique, quand la sécurité des passagers d’un avion constitue un enjeu
prioritaire.
2.2. Pour une description fonctionnelle
22 Un besoin de description systématique des langues spécialisées se fait sentir
principalement en matière d’aide à l’apprentissage, à la rédaction, à la traduction et à
la documentation.
23 Une vue trop étroite de l’apprentissage pourrait conduire à se passer d’informations
phonétiques, graphiques, morphologiques et syntaxiques. Ce serait une erreur, car rien
ne va de soi dans une matière aussi soumise à la prolifération des emprunts, des sigles
et des néologismes de toutes sortes. De même, il faut prendre en compte des
informations encyclopédiques et culturelles. Au total, mérite d’être pris en
considération tout ce qui n’est pas prédictible à partir soit d’une compétence
linguistique générale soit des connaissances de sens commun.
24 Pour la rédaction, il importe d’ajouter des connaissances portant sur les normes
textuelles. Les instruments de référence ne sont pas seulement les correcteurs des
traitements de textes, inspirés plus ou moins de manuels traditionnels, mais aussi, dans
telle entreprise, telle feuille de style, tel formulaire (de contrat, par exemple) ou tel
thesaurus permettant d’utiliser un vocabulaire contrôlé.
ASp, 15-18 | 1997
10
25 L’aide à la traduction requiert des ressources facilement accessibles. La traduction
spécialisée supposant une bonne connaissance générale de deux langues, c’est sur le
vocabulaire que les difficultés se concentrent. Elles exigent un traitement systématique
des équivalences. Il y a toujours une solution mutatis mutandis, et ce qu’il faut expliciter
ce sont les conditions de l’équivalence. C’est pourquoi je préfère la notion d’équivalence
conditionnelle à celle de degré d’équivalence, le problème n’étant pas celui de la plus
ou moins grande adéquation mais celui des conditions linguistiques et pragmatiques où
il y a véritablement adéquation entre les formulations dans les deux langues.
26 Pour la documentation, l’important est la cohérence des thesaurus. Par rapport aux
dictionnaires, les thesaurus se caractérisent par deux spécificités principales : d’une
part le recours à un vocabulaire entièrement contrôlé pour dénommer les
connaissances nécessaires dans un secteur d’activité, d’autre part la structuration de
ces connaissances en termes de généricité/spécificité, de tout/partie, d’agents et
d’objets typiques. Cette cohérence a un prix élevé : il est impossible d’en intégrer les
informations dans un système de traduction automatique généraliste sans les avoir
réévaluées pour cet usage externe. Par exemple, à Gaz de France prix du gaz désigne
conventionnellement le prix d’achat que paie l’entreprise à ses fournisseurs, le prix de
vente étant dénommé tarif du gaz. Pour le client, le tarif est bien sûr un prix, mais le
thesaurus n’est pas fait pour les clients.
2.3. Pour une description informatisable
27 Il existe un instrument logiciel permettant de retrouver à la demande des informations
si elles sont codées correctement : c‘est le système de gestion de bases de données. Il est
applicable à des objets linguistiques pour autant que ceux-ci sont clairement identifiés,
d’où l’importance de la monosémie, qui est le lot des langues spécialisées, non des
langues en général. Des mots pris dans un sens technique auront en commun, pour la
langue prise en compte, un certain nombre d’attributs tels que la partie du discours, le
genre grammatical, le nombre, les dérivés, les composés, le domaine, le cas échéant la
classe d’objets, les prédicats appropriés, une définition, une note, une source, etc. Ces
attributs prennent des valeurs en nombre limité (comme les genres et les nombres des
substantifs ainsi que les domaines), ou au contraire extrêmement variables (comme les
prédicats appropriés, les notes et les définitions). Seuls les cas de valeurs en nombre
prédéterminé sont exploitables en matière de traitement automatique des langues,
mais dans une base destinée à des usagers humains l’accès à une définition est très
éclairant si la définition est bonne, et la mention de la source est une indication utile
sur l’usage.
28 Les grands instruments disponibles, comme EURODICAUTOM et TERMIUM, ont été
entrepris sans théorie linguistique. Inversement, les grands dictionnaires de langue
informatisés, comme le Trésor de la langue française, sont pauvres en informations
pertinentes sur le vocabulaire scientifique et technique. Enfin, les limites des systèmes
de traduction automatique sont connues. Ils donnent satisfaction là où il s’agit de
textes répétitifs, à syntaxe simple et à vocabulaire entièrement contrôlé. On obtiendra
des résultats supérieurs en affinant les analyseurs syntaxiques et en mettant au point
des analyseurs sémantiques au sens où l’entend Catherine Fuchs (in Piotrowski 1996 :
171). L’enjeu est d’arriver à « prédire, à l’aide d’un système de règles de filtrage mutuel,
la valeur prise par chaque usage polysémique dans un énoncé ». On est très loin de
ASp, 15-18 | 1997
11
pouvoir obtenir des succès spectaculaires dans le cas de mots courants tels que bon ou
faire, mais les langues spécialisées se prêtent mieux à des filtrages mutuels entre mots
conceptuellement solidaires dans un champ notionnel propre à un domaine. Par
exemple, clôture est polysémique au sein même du droit, puisque susceptible d’une
acception concrète (à propos de fossés ou de murs) ou d’une acception abstraite (à
propos d’inscriptions ou de sessions), mais le prédicat approprié mitoyen permet un
filtrage conditionnel ; de même, portefeuille et action sont tous deux polysémiques, mais
dans portefeuille d’actions les deux mots se désambiguïsent réciproquement.
Conclusion
29 Un exemple me permettra de synthétiser les connaissances linguistiques afférentes à
un usage spécialisé d’un mot polysémique du français. Ce mot n’est pas scientifique,
mais il est devenu technique par sa professionnalisation dans notre civilisation,
puisqu’il s’agit d’assurance.
30 Dans le domaine des assurances, on peut établir des classes d’objets telles que celle des
assureurs et même celle des assurés, en procédant de façon cumulative, en extension.
On peut aussi faire un inventaire plus linguistique et moins empirique, celui des types
d’opérations propres à la profession et celui des objets assurables. Un nombre limité de
structures propositionnelles simples met en relations ces acteurs et ces actions. Ainsi,
les assurés s’assurent contre (et non pas « s’assurent de »), ils prennent (ou, mieux,
contractent) une assurance, ils ont une police d’assurance, etc.. Ils assurent [+ groupe
nominal] (et non pas [+ QUE]), le groupe nominal désigne normalement un bien, etc.
Aucune de ces particularités n’est dictée par le système de la langue en tant que tel. Il
importe donc de les énumérer explicitement. Voilà pour la représentation des
connaissances linguistiques spécialisées, dont on voit qu’elles ne sont pas
indépendantes de la connaissance des choses.
31 En matière de connaissance du domaine, une base de données peut rendre compte de
façon systématique de quelques propriétés conceptuelles ; ainsi, une assurance est un
cas particulier de contrat, ou encore elle comporte des clauses. Ces relations ont une
trace linguistique : l’hyperonymie de contrat se reconnaît à la vérité de propositions
comme « une assurance est un contrat » et à la plausibilité d’anaphores comme « mon
assurance... ce contrat » ; de même, le syntagme clauses du contrat et la phrase le contrat
comporte telle clause valident ensemble la relation partie-tout. Ainsi, la connaissance des
choses se reflète en retour dans la langue.
32 Au niveau du texte, les assurances supposent l’usage réglé de formulaires et de lettres-
types. Il existe même un mot spécial, police d’assurance, pour dénommer un écrit
contractuel propre à ce domaine. Ici la pragmatique prévaut, et la linguistique a peu de
part dans les tests qui pourraient valider ces écrits : tests de complétude, en
confrontant la police avec un modèle comportant exhaustivement les clauses
nécessaires dans leur ordre procédural, tests de pertinence pour vérifier l’adéquation
des données factuelles les unes avec les autres, de l’identité des contractants aux
risques couverts.
33 Cette fois, le linguiste est, enfin, incompétent.
ASp, 15-18 | 1997
12
BIBLIOGRAPHIE
Auroux, S. 1996. La philosophie du langage. Paris : Presses Universitaires de France.
Gross, G. 1996. Les expressions figées. Paris : Ophrys.
Lerat, P. 1995. Les langues spécialisées. Paris : Presses Universitaires de France.
Piotrowski D. (dir.). 1996, Lexicographie et informatique. Paris : Didier Érudition.
Sperber, D. et D. Wilson. 1986. Relevance. Oxford : Blackwell.
Saussure, F. de. 1978 [1916]. Cours de linguistique générale, T. de Mauro (dir.). Paris : Payot.
RÉSUMÉS
Les langues spécialisées sont les langues naturelles face aux connaissances professionnelles. Les
dénominations complexes, les distributions restreintes et les relations interconceptuelles sont
trois caractéristiques majeures. La documentation et la traduction ont besoin de prendre en
compte des domaines et des classes d’objets.
LSPs are natural languages used with reference to professional knowledge. Complex
designations, restricted distributions and interconceptual links are the major features.
Documentation and translation need to take into account domains and categories of objects.
INDEX
Mots-clés : classe d’objets, concept, dénomination, distribution, domaine, langue spécialisée
Keywords : category of objects, concept, designation, distribution, domain, specialised language
AUTEUR
PIERRE LERAT
Pierre Lerat est professeur de linguistique à l'Université Paris 13et a dirigé le Département des
sciences de l’homme et de la société du CNRS. Il a consacré sa recherche aux questions de
lexicologie, de lexicographie (générale et spécialisée, notamment juridique), de terminologie et
de sémantique lexicale. Principal ouvrage: Les langues spécialisées, 1995 publié aux Presses
universitaires de France. pierre.lerat@wanadoo.fr
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English for specific purposes (ESP) et
français sur objectifs spécifiques
(FOS) : le préalable du contenu
préalable
Denis Lehmann
1 Redoutable honneur, pour un non-angliciste, que de tenter ici la synthèse entre ce qui
rapproche et ce qui sépare les conceptions britanniques et françaises en matière
d’enseignement des langues étrangères aux publics dits « spécifiques ». Mais si j’en ai
accepté le risque c’est que, dans ce secteur de la didactique des langues, un spécialiste
de français langue étrangère ne peut aujourd’hui faire l’économie de suivre à la jumelle
ce qui se passe et s’écrit à l’autre bout du tunnel1
.
2 Je me dis aussi que la mise en balance de ces deux traditions revient à comparer
l’éléphant et la puce ; et que ma préférence avouée pour le plus gros des deux
représente à coup sûr un atout décisif. Car la première différence entre l’English for
Specific Purposes (dorénavant ESP) et le Français sur Objectifs Spécifiques (ci-après
FOS) est évidemment de nature quantitative : ici un marché de formation linguistique
assez restreint, d’un dynamisme grandissant mais encore limité, auquel ne correspond
qu’un marché éditorial étroit, ne comptant au surplus qu’une maigre poignée d’auteurs
potentiels ; là un marché de formation immense, ouvrant des perspectives non
négligeables à de puissants éditeurs alimentés par nombre d’équipes, institutions et
auteurs ayant pignon sur rue.
3 Si le bilan de ce qui nous unit et de ce qui nous sépare va principalement nous conduire
à ausculter la sphère des théorisations didactiques et des choix méthodologiques
subséquents, il me semble utile de porter sur la question deux brefs éclairages
préalables qui touchent d’abord au poids tout à fait particulier qu’exercent les réalités
extra-didactiques (politiques, économiques et institutionnelles) sur l’activité didactique
en FOS, puis à la cartographie comparée des domaines, disciplinaires et professionnels,
de cette activité dans les deux champs.
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1. L’influence des réalités politico-économico-
institutionnelles en FOS
4 Depuis la Seconde Guerre mondiale au moins, la diffusion de sa langue et de sa culture a
représenté pour la France une « affaire d’État », si l’on veut bien considérer
l’expression dans ses deux sens.
5 1.1. À la différence de la plupart des autres pays nourrissant les mêmes ambitions, des
institutions d’État sont en charge de cette politique et d’une partie significative de sa
mise en oeuvre : singulièrement les ministères des Affaires étrangères et de la
Coopération, par le truchement des Services culturels de nos ambassades et des
organismes qui en dépendent, soit en propre (Services de Coopération Linguistique et
éducative des Instituts et Centres culturels), soit indirectement (les Alliances françaises
et leur réseau ; l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Étranger, qui régit les écoles
et lycées français) ; sans oublier ni la part que prend le ministère de l’Éducation dans ce
concert ni, plus sujettes à variation et plus pianissimo, celles des ministères en charge de
la culture ou de la francophonie.
6 1.2. Plus significatif encore sans doute, le fait que, de tous les pays dits industrialisés, ce
soit le nôtre qui consacre le plus fort pourcentage du budget de l’État à la diffusion de
sa langue et de sa culture. Par delà la baisse tendancielle et probablement irréversible
de ce pourcentage, on a pu naguère observer une étroite corrélation entre, d’un côté, la
chronologie des « chocs pétroliers » et, de l’autre, les « dents de scie » qui affectent
cette baisse et qu’accompagnent, avec une régularité quasi métronomique, les virages
(parfois à cent quatre-vingts degrés) des politiques de diffusion culturelle et
linguistique.
7 Mieux encore peut-être qu’une typologie de paramètres constituant l’éventail des
possibles en matière de politiques linguistiques, de politiques éducatives et de
politiques de diffusion, les quelques propos que voici2
— propos de plume comme de
fins de repas, d’ailleurs — illustrent, jusque dans le prosaïsme des uns et le cynisme de
quelques autres, la prégnance qu’exercent sur le FOS les sphères économique, politique
et institutionnelle3
(voir figure 1).
Figure 1
1. « La francophonie ouvre à la France un marché potentiel de 150 millions de consommateurs. »
2. « S’agissant de l’image que nous donnons, pouvons-nous échapper à la fatalité qui nous
condamne à naviguer entre la culture classique (type Lagarde et Michard), le cocorico
technologique (type T.G.V.) et les délices de Paris (type Coco Chanel) ? »
3. « Au-delà de la scolarisation, c’est l’absence d’un environnement culturel francophone qui
constitue le plus souvent l’obstacle principal à une diffusion efficace de notre langue. »
4. « Marcel Dassault ou Victor Hugo ? »
5. « Ce dont nous avons besoin c’est de la langue française et non de sa culture. »
6. « Peu importe la langue, ce que nous exportons c’est la France. »
7. « Mettre l’accent sur nos points forts et non sur nos faiblesses. »
8. « Là où le français est distancé de façon irréversible, on limitera les objectifs à des auditoires
spécialisés en liaison avec nos opérations de coopération économique, technique et scientifique. »
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8 Bien entendu, les choix politiques ainsi affichés manquent rarement, pour peu qu’ils
émanent de décideurs, de se traduire en termes sonnants et trébuchants venant
rythmer les fluctuations en moyens investis par la sphère politique française au service
de ces choix. Le constater n’est pas feindre d’ignorer que l’enseignement de toute
langue étrangère est avant tout l’affaire de chaque pays, de ses propres décideurs,
enseignants, apprenants. Ainsi du « frances instrumental » en Amérique Latine : après
avoir suscité les travaux sur la méthodologie d’apprentissage de la lecture entrepris par
plusieurs équipes françaises à la fin des années soixante-dix, il n’a guère été affecté par
les avatars de la politique de diffusion française.
2. L’éventail des secteurs d’intervention
9 Consultation des catalogues de grands éditeurs britanniques ou fossé quantitatif
évoqué tout à l’heure, tout donne à penser que l’ESP couvre probablement au mieux
l’éventail des disciplines, domaines, métiers et professions, sans que pour autant cette
couverture ait partout la même épaisseur. Il n’en va pas du tout de même s’agissant du
FOS.
2.1. Disciplines, professions, métiers
10 À se pencher sur les deux indicateurs que constituent la production éditoriale de
manuels et les diplômes de langue spécialisée, on aboutit sensiblement au même
diagnostic : seuls deux domaines du FOS tirent à peu près leur épingle du jeu. Le
« français des affaires », bien doté en manuels, souvent récents, nantis en proportion
croissante de supports électroniques réputés interactifs (bande vidéo, CD-Rom) ; il doit
une bonne part de son dynamisme à l’action de la Chambre de Commerce et d’Industrie
de Paris et à son réseau planétaire, tissé par association avec une multitude de centres
d’enseignement qui trouvent leur intérêt dans la préparation aux certificats de français
spécialisé de la CCIP. Le « français du tourisme » bénéficie lui aussi, bien qu’à moindre
titre, des mêmes conditions de diffusion.
11 Quant aux travaux universitaires ayant donné lieu à production ou valorisation
pédagogique, ils concernent très majoritairement le secteur des Sciences humaines et
sociales.
12 À cette maigre moisson, on peut ajouter quelques propositions de topographie4
et deux
enquêtes déjà anciennes, livrées à l’initiative du Ministère des Affaires étrangères entre
1987 et 1990. Des analyses menées par J. Couillerot et H. Farid (1990) sur la seconde
livrent les enseignements significatifs (voir figure 2).
Figure 2
1. Français des affaires : 27 % des opérations (1 pays sur 4)
2. Français de l’hôtellerie et du tourisme : 20 % des opérations
3. Français scientifique et technique : 20 % des opérations
4. Français juridique : 10 % des opérations
5. Français des relations internationales : 10 % des opérations
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2.2. Publics : professionnels ou étudiants ?
13 Si la distinction — traditionnelle en ESP — entre « Occupational Purposes » et « Academic
Purposes » a pu s’incarner naguère en FOS de façon assez exemplaire dans de vastes
opérations de mise à niveau linguistique connues sous l’appellation de « boursiers
prioritaires »5
force est de reconnaître que le marché éditorial persiste à ignorer
superbement6
le « Français sur Objectifs Académiques » et que nombre d’étudiants
étrangers continuent à connaître l’échec dans leurs études en France pour des raisons
essentiellement linguistiques. À l’aune des résultats bruts de l’enquête MAE, il pourrait
sembler qu’il en aille autrement hors de France, où près de 50 % des opérations
recensées concernent des étudiants (voir figure 3).
Figure 3
1. Public étudiant (formation initiale ou continue) : 312 opérations 46 % du public
2. Agents de l’État motivés : 125 opérations 19 % du public
3. Public du secteur privé pressé : 97 opérations 15 % du public
4. Public composite mal cerné : 133 opérations 20 % du public
14 Du moins serait-on porté à le croire, si un discret constat de la même étude ne révélait
qu’une grosse moitié des opérations recensées sous l’étiquette FOS désignent en fait des
cours de langue usuelle, qui n’ont de spécifiques que de rassembler ici des étudiants
médecins et là des étudiants juristes. Déplorable réalité qui caractérise aussi, semble-t-
il, bon nombre des nouveaux cours de « langue pour non-spécialistes » de nos propres
universités.
2.3. Capacité/habileté/compétence
15 Dernière particularité notable du FOS, surtout en contexte universitaire étranger : un
assez important déséquilibre en faveur de l’écrit et particulièrement de la
compréhension écrite, du fait de choix « stratégiques » privilégiant, aux fins de
développement, l’accès à la bibliographie scientifique, technologique et professionnelle
en français. C’est ce que l’on nomme « frances instrumental » en Amérique latine, option
aujourd’hui largement répandue et dont on ne peut que se féliciter :
16 (i) elle constitue une réponse fonctionnelle à des besoins dotés de quelque semblant de
réalité ; autrement dit, si des sources bibliographiques en français sont à la portée des
étudiants concernés, ce qui est loin d’être toujours le cas ; ou qu’elle ne se trouve pas
dictée par la dérisoire étroitesse des masses horaires consenties aux langues étrangères
dans les cursus universitaires bien plus que par des besoins réels ;
17 (ii) à la condition, enfin, qu’elle n’ouvre toute grande la porte aux plus antédiluviennes
des pratiques : version et explication de texte notamment, parées à l’occasion des
vertueux atours de l’éclectisme.
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3. Présupposés théoriques et conceptions didactiques
18 Nous voici donc, avec ces dernières considérations, à la charnière entre caractéristiques
des publics et nature de la construction méthodologique proposée en réponse. C’est
maintenant aux aspects proprement didactiques que sera consacrée la poursuite de ce
qui rapproche ou, à l’inverse, sépare le FOS et L’ESP. Deux remarques préliminaires
s’imposent néanmoins.
19 Il est patent qu’en matière d’innovation méthodologique le vent souffle de l’ouest
depuis pas mal d’années. Si les revues britanniques citaient volontiers les spécialistes
français au plus fort de la vague structuro-globale-audio-visuelle et des « langues de
spécialité », il n’en va plus du tout de même aujourd’hui, où les flux se sont totalement
inversés ; certains voudraient n’y voir qu’un effet secondaire des travaux menés sous
l’égide du Conseil de l’Europe, exonérant à trop bon compte les didacticiens du Français
langue étrangère de leur dynamisme perdu.
20 D’autre part, ce que je vais présenter maintenant pourrait donner à croire qu’ESP et
FOS seraient en quelque sorte monolithiques ; simple illusion qui ne tiendrait alors
qu’au mode de présentation adopté (Tableau 1), où l’expéditif le dispute au lapidaire un
peu plus que de raison ; y sont schématisés, en lignes et en colonnes :
21 (i) trois tendances méthodologiques « canoniques » : loin d’être majoritaires ou
dominantes dès leur apparition, échelonnée sur une longue période (ce qui ne les
empêche nullement de cohabiter aujourd’hui encore), elles ont seulement représenté
alors le courant « moderniste », alternatif, novateur, celui par rapport auquel les autres
courants ont été amenés à se situer ;
22 (ii) les fortunes diverses rencontrées selon moi, respectivement au sein de l’ESP et du
FOS, par chacune de ces trois tendances ;
23 (iii) enfin, le point de vue qui est le mien aujourd’hui sur chacune d’elles, et qui ne peut
évidemment se confondre avec l’état du FOS, ni moins encore lui tenir lieu de doctrine.
3.1. Panorama schématique : trois tendances majeures et
canoniques
Tableau 1
ESP
(panorama schématique et
subjectif)
FOS
(panorama schématique et
subjectif)
FOS
(point de vue personnel)
1
Linkstiks and Philogs
= de AL à Applied DA
des survivances notables
= résidus grammaire -
traduc./ langues de
spécialité= AD appliquée
décidément NON, mais ... places
et fonctions de l’intervention
linguistique
2
Pr Trim and Dr Soandso
=« système » européen
« SABOC »
plutôt « rétro » mais
« tendance »
OUI oui => oui MAIS =>
finalement NON : critique du
modèle « SABOC »
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3
Sing along with Lancaster !
= priorité aux modalités de
l’apprentissage = contenu : non
linguistique/pas de contenu
préalable
plutôt NON
(« restons français ! » donc
cartésiens ...)
OUI et NON, ENCORE que :
besoin des besoins,
diversifier les
contenus,importance des
modalités de l’apprentissage
Commentaires
24 Linkstiks § Philogs : On pardonnera des facéties qui ne seraient que de potache si elles ne
se voulaient un hommage moins discret que sincère à certains travaux (publiés ou non,
je ne l’ai jamais su) de Tom Hutchinson concernant les représentations que les
enseignants de langue se font de leur métier. Heureuse coïncidence, Hutchinson est
bien connu des anglicistes pour des positions novatrices, en matière d’ESP notamment
(Hutchinson § Waters, 1987), qui sont par ailleurs la marque de son université7
. Les
qualificatifs utilisés par notre auteur (j’ose à peine, ici, souligner l’allusion transparente
aux sinistres Bandarlogs) ne laissent planer aucun doute sur son opinion concernant les
tendances de type « linguistique appliquée ». Bien que stigmatisées de longue date par
nombre de linguistes et didacticiens de toutes langues, elles n’en continuent pas moins
à prospérer, y compris dans les didactiques de nos deux langues8
, qu’elles empruntent
ou non la forme particulière et teintée de modernisme d’une analyse de discours
appliquée. De l’autre bord d’un affrontement stérile et très franco-français, le rejet de
la linguistique appliquée dégénère trop souvent en rejet de la linguistique dans son
entier, là où l’on rêve de n’y trouver que refus de toute logique de disqualification, de
refoulement, de l’affrontement boutiquier, en somme de tout ce qui, non dit, se
pourrait exprimer en ces termes : « les seules questions que je peux traiter sont des questions
d’ordre linguistique ; donc, seules sont dignes d’intérêt les questions relevant de la linguistique ;
toute autre est frappée de nullité, problème qui n’existe pas ! ».
25 Professor Trim and Doctor Soandso : Ici, chacun aura reconnu ce courant novateur qui,
sous l’impulsion du Conseil de l’Europe à la charnière des années 60 et 70 va marquer
durablement la didactique des langues étrangères, en Europe et bien au-delà. La
référence à John Trim, infatigable animateur des groupes d’experts, ne surprendra
personne ; elle veut aussi souligner le statut de « balise » tenu par le document de 1973
(Trim, ed.), premier jalon largement diffusé en préliminaire à l’élaboration successive
des niveaux-seuils. Rappelons que s’y trouvent rassemblés les principes essentiels du
système européen en gestation : à côté des modes d’organisation généraux (place des
niveaux-seuils dans un syllabus constitué d’unités capitalisables notamment), trois
contributions articulées donnent à voir la philosophie du projet en ce qu’elle
représente de plus innovant :
26 (i) Celle de R. Richtérich marque l’irruption, en alternative à l’ancienne « centration sur
le contenu », d’une première forme de « centration sur l’apprenant », par la prise en
compte de l’extrême diversité
des situations d’apprentissage (S),
des publics d’apprenants visés (A),
de leurs besoins langagiers (B) liés à des situations cibles également très diverses,
le tout devant déboucher sur la formulation d’objectifs d’apprentissage (O).
27 Une telle approche concrétise en même temps l’émergence d’un regard de nature
sociologique dans la didactique des langues, qu’il contribue ainsi largement à fonder.
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28 (ii) Celle de D. Wilkins complète le modèle de traitement des demandes de formation
linguistique dans sa dernière étape, l’élaboration du contenu langagier d’apprentissage
(C)9
. Ce modèle s’incarne ensuite dans un texte de Van Ek, présentant le Threshold Level
dont il est le concepteur et qui viendra bientôt inaugurer la série des niveaux-seuils. Ici,
deuxième « révolution » didactique, de nature linguistique cette fois : rendue possible
par les évolutions de cette discipline dans les années soixante et appelée aussi bien par
un Widdowson que par un Roulet, elle invite à se tourner vers ce que ce dernier
nommait les « linguistiques de l’usage ». S’agissant des unités linguistiques de contenu,
elles s’incarnent chez Wilkins en « notions » et « fonctions », cadre dont s’inspire, en
partie du moins, le Threshold Level. Marquant doublement leur différence, les
concepteurs de la version consacrée au français10
, qui paraît l’année suivante, placeront
Austin, Searle et la théorie des actes de parole (ou de langage) au coeur d’un appareil
dont le titre, Un niveau-seuil, donne à voir, non sans un soupçon d’ostentation, qu’il se
veut une simple proposition jetée à l’océan des possibles.
29 Le sort qui sera réservé ici et là au projet européen dans la seconde moitié des années
soixante-dix diffère évidemment sur bien d’autres points. S’agissant du système dans
son ensemble, à une adhésion somme toute modérée ne répond, du côté du FOS, qu’une
critique elle-même timide : si, quant au principe, la prise en compte des besoins fait
tant bien que mal son chemin, les outils d’identification restent le plus souvent au
placard. Par contre, c’est sur le terrain linguistique (conception de Un niveau-seuil et
recours à la théorie des actes de parole) que se concentre une contestation (parfois
violemment polémique) issue de divers courants, notamment : chercheurs du CRAPEL
de Nancy, proches (et d’ailleurs traducteurs) de T.C. Jupp ; têtes pensantes et agissantes
de la revue DRLAV, à l’Université Paris 8 ; linguistes et didacticiens de l’Université Paris
7 se réclamant de la théorie d’Antoine Culioli11
. Pour ce qui est de la didactique de
l’anglais langue étrangère et de l’ESP, à une adhésion d’autant plus massive qu’elle est
plus aisée (la formation continue y est d’implantation plus ancienne et les nouvelles
linguistiques de référence beaucoup mieux connues, puisque majoritairement
autochtones) font écho des réactions de rejet qui n’en seront que plus vives (à la fois
plus rapides et plus tonitruantes), plus globales, et infiniment plus radicales.
30 Sing along with Lancaster : Facilité de présentation encore, dans la troisième strate du
tableau 1, que d’avoir réservé la vedette aux gens de Lancaster, marquant ainsi l’impact
persistant de ce qui s’est fait là ; nul n’oublie pour autant que, parmi les didacticiens de
l’anglais, il s’en trouva bien d’autres à tailler des croupières au Conseil de l’Europe et à
ses épigones12
. Quant à ce sing along, il claironne13
le retour en grâce des modalités de
l’apprentissage, noeud gordien d’un nouveau virage méthodologique qui fait suite à une
décennie très profondément marquée par le modèle du Conseil de l’Europe.
3.2. Le préalable du contenu préalable
3.2.1. Trois modes de gestion de la diversité
31 L’alternative à trois termes qui vient dessiner mon horizon didactique trouve sa
rationalité dans la spécificité essentielle — peut-être la seule — d’un domaine qui, par
ailleurs, colle à une histoire récente de la didactique des langues dont elle épouse assez
exactement les courants majeurs ; spécificité qu’en sociologie des organisations l’on
nommerait un problème de « gestion de la complexité », et qui est surtout un problème
de gestion de la diversité. La parenté entre FOS/ESP et Formation continue est ici assez
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évidente. Ces deux champs ont en effet en commun d’avoir à gérer une infinité de
critères diversificateurs, là où les systèmes éducatifs scolaires ne se donnent le plus
souvent à traiter, en fait de paramètres, que l’âge des apprenants-élèves, traduit dans la
succession des cycles et des classes, au long d’un cursus fort linéaire. Ce dispositif est
seulement complexifié en bout de course par la répartition des élèves au sein de
quelques segments parallèles, faisant alors intervenir plus explicitement des
paramètres de contenu.
32 Face au défi de la diversité/complexité, l’attitude des didacticiens des langues a
consisté à choisir un angle privilégié de traitement, modalité que l’on avait pris
l’habitude, en Français langue étrangère du moins, de désigner du terme de
« centration ». Le Tableau 2 ci-dessous schématise les trois types de centration qui
peuvent être envisagés et qui représentent autant de tendances canoniques,
correspondant à la fois :
aux trois questions classiques : « quoi ? », « à qui ? » et « comment ? »
aux trois objets constitutifs de l’activité d’enseignement/apprentissage, ou plus précisément
à une construction didactique opérée sur ces trois objets
aux trois strates « de fantaisie » du tableau 1.
Tableau 2
type de centration paramètre privilégié
1. Linguistique appliquée = « sur le contenu » la langue/le discours
2. Système européen
S - A - B - O - C
= « sur l’apprenant »
les besoins langagiers
(= les situations cibles)
3.1 Contenu non
linguistique
ou
3.2. Pas de contenu
préalable
=
« sur
l’apprentissage »
les opérations cognitives
les pratiques de classe : tâches ou activités
communicatives,
résolution de problèmes, etc.
3.2.2. Introuvable apprenant
33 La deuxième tendance, éclose avec les années soixante-dix sous les couleurs d’un
changement de « centration » avait, en réalité, pour caractéristique et, surtout, pour
effet imprévu de renouveler les conditions de détermination des contenus
d’enseignement eux-mêmes, encore et toujours posés comme préalable à toute réponse
adéquate au défi de la diversité des publics demandeurs de formation linguistique. En
somme, outre divers autres défauts, elle m’apparaît aujourd’hui comme une fausse
« centration sur l’apprenant », une « centration sur le contenu » maintenue et qui ne
dit pas son nom ; point de vue, on le voit, qui n’est guère différent de celui exprimé
naguère par Hutchinson et Waters (1987). En résumé :
34 - Réduction, refoulement du sujet : l’apprenant n’y est pris en compte que d’un
unique point de vue, auquel se trouve presque toujours réduite l’analyse : celui de ses
besoins supposés ; à ce titre, il est bien difficile de considérer que l’apprenant soit
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véritablement appréhendé en tant que « sujet », dans ses dimensions aussi bien sociales
que psychologiques.
35 - Idéalisation : à y regarder de plus près, ces besoins que l’on s’attache à identifier
minutieusement ne sont pas les siens ; j’entends par-là que si Carla Lambda, hôtesse de
l’air, et Peter Soandso, steward, souhaitent suivre un cours de FOS en vue d’affronter le
légendaire monolinguisme des voyageurs français, ce ne sont pratiquement jamais
leurs propres besoins qui servent de référence mais ceux, postulés, d’un « sujet-
hôtesse/steward-locuteur-idéal » parlant un « français-idéal » dans des « situations-de-
communication-idéales » avec les « sujets-passagers-locuteurs-idéaux » des « avions-
idéaux » d’une « compagnie-idéale ».
36 - Paris (risqués) et stéréotypes (tenaces) : ce qui vient d’être dit n’est que l’effet
pervers d’une problématique opératoire qui semblait a priori prometteuse, celle des
situations cibles. Mais le rôle de baromètre des contenus qui lui est attribué n’autorise
qu’un seul jeu : celui des « comme si » (comme si tout le monde avait les mêmes
habitudes et comportements culturels, réagissait de la même manière, parlait de la
même manière, apprenait de la même manière, etc.), aux antipodes d’une centration
vraie sur les spécificités des apprenants. Les risques du pari se cumulent avec celui,
maintes fois observé, de ne voir retenues que les plus prévisibles et les plus
stéréotypées de ces situations, celles où tout énoncé produit est correct, où tout énoncé
produit est compris ; et où il y a toujours un pilote dans l’avion...
37 - Déplacement de perspective : au bout du compte, parti d’une problématique de
nature sociologique destinée à interroger la diversité des publics d’apprenants, on en
revient subrepticement à une problématique linguistique (et, dans le meilleur des cas,
sociolinguistique) où les deux seules questions qui vaillent sont : (i) quelles sont les
formes linguistiques observables dans un corpus de situations de communication
désignées comme cibles ? (ii) Lesquelles de ces formes doivent être acquises par un
alloglotte désireux de communiquer efficacement dans de telles situations ?
38 Ceci étant, le rejet d’une telle démarche ne justifie en aucune manière que l’on puisse
conclure — et certains ne s’en sont pas privés — à l’inutilité, voire à la nocivité, d’une
quelconque prise en compte des besoins. Il ne disqualifie ni les outils d’identification, ni
moins encore l’utilité et l’usage de la notion de situation cible. Ce qui est ici en
question, c’est l’hyper-linéarité mécanique du système SABOC conduisant à
l’hypertrophie des effets pervers, l’enchaînement univoque de relations de cause à effet
sous-tendant une séquence immuable d’opérations didactiques posées comme
canoniques et, au total, la traduction-réduction, immédiate et imprudente, de chacun
des constituants à celui qui le suit (voir figure 4).
Figure 4
39 Situation = Apprenant = Besoins = Objectifs = Contenus (langagiers d’apprentissage)
40 On devrait également se garder d’en conclure sans plus d’examen qu’une véritable
centration sur l’apprenant demeure hors de nos prises. Remarquons simplement ceci :
quelle que soit la langue étrangère en question, c’est du côté de l’apprentissage en
autonomie que semble se poursuivre aujourd’hui en France sa quête la plus active. Et
craignons, par-dessus tout, qu’en dépit de ses évidents avantages, cette formule ne soit
bientôt plus que le dernier des miroirs aux alouettes, si l’on ne s’y donne les moyens de
gérer au plus près la diversité des représentations, habitudes et comportements
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d’apprentissage ; on ne pourrait alors que succomber à ce même fléau qui mine la
centration sur l’apprenant dans une pratique de cours ordinaire.
3.2.3. La France est-elle une île ?
41 Enfin, l’alternative qui voit le jour au tournant des années quatre-vingt entend
renverser l’ordre des priorités didacticiennes en faveur des modalités de
l’apprentissage, grandes absentes du projet européen. Souvent présenté comme un
abandon du « quoi enseigner/apprendre ? » au profit d’un « comment enseigner/
apprendre ? », ce virage est cependant assez loin de se négocier dans un ordre aussi
parfait. Ce qui, aux yeux de quelques-uns, marque le passage à une deuxième
génération des approches communicatives venant tout naturellement redresser les
balbutiements de la première sera salué, ailleurs, comme l’avènement d’une ère
didactique nouvelle, parfois affublée du nom de « post-communicatif » :
42 (i) D’un côté, certains didacticiens — anglo-saxons surtout, de Lancaster ou d’ailleurs —
se font les champions de l’inutilité, voire de la nocivité du « quoi enseigner/
apprendre ? » et en concluent qu’il n’y a pas lieu de se préoccuper plus avant d’élaborer
des contenus préalables (le 3.2. du Tableau 2) ; pour eux, le contenu ne sera tout au plus
que le relevé a posteriori de ce qui s’est passé dans un cours.
43 (ii) Mais il en est d’autres, également didacticiens de l’anglais langue étrangère, pour ne
mettre en question que le contenu même du contenu préalable, et non pas son
principe : ils proposent alors des contenus et des syllabus (contenus organisés en
progression) qui ne sont plus constitués d’unités linguistiques mais de tâches à
accomplir dans la langue cible en vue de son acquisition (le 3.1. du Tableau 2) ; tâches
ou opérations, cognitives ou communicatives, ou encore d’apprentissage, peu importe
au total, ces contenus centrés sur le « comment apprendre ? » s’illustrèrent tout
particulièrement dans une opération qui fit couler beaucoup d’encre, le « Bangalore
project », conduit par N.S. Prabhu (1987).
44 (iii) Enfin, de l’autre côté de l’échiquier se font jour, surtout de la part des didacticiens
français ou francophones, de fortes résistances à l’abandon des contenus linguistiques
préalables, qui pourront à l’occasion passer pour conservatrices dès lors qu’elles
impliquent une certaine forme de statu quo, même si l’on n’y refuse pas pour autant
qu’une attention plus soutenue soit portée aux modalités de l’apprentissage.
45 Et si peut s’élever (voir Tableau 1) l’invocation rituelle à un supposé cartésianisme
français, c’est bien qu’elle fait, au bout du compte, l’affaire des diverses parties. Ici
comme repoussoir (décidément, on ne les changera pas...) et là comme armure, ou
rempart : impossible, pour un esprit français, d’admettre que l’on puisse enseigner sans
savoir ce que l’on va enseigner ; pas de salut sans programme ; et un programme cela se
prépare (à l’avance), cela se programme. Telle est à peu près la position tenue, au sein
même des débats d’experts du Conseil de l’Europe à la fin des années quatre-vingt, par
des didacticiens aussi autorisés que Denis Girard et Jeanine Courtillon (1988).
46 Cette position apparaît, chacun l’aura compris, encore plus fortement ancrée s’agissant
de FOS. On ne parvient pas, en effet, à y surmonter ce qui a, pour bon nombre de
didacticiens français, toutes les apparences d’une contradiction première : quel sens y
a-t-il à parler de besoins et d’objectifs si l’absence de traduction sous forme de contenu
prédéterminé interdit tout contrôle de leur plus ou moins grand degré de satisfaction ?
Pour dire les choses autrement14
: comment être sûr de ne pas vendre du Victor Hugo à
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23
ceux qui veulent du Marcel Dassault, si les contenus ne sont pas soigneusement définis
à l’avance ? Une telle attitude pourrait cependant ne plus représenter tout à fait la
situation actuelle, tant se multiplient les signes de la distance grandissante prise par les
enseignants vis-à-vis des méthodes rigidement organisées et, du coup, à l’égard de
contenus du même type15
.
3.3. Compromis de raison ou « réponse de Normand » ?
47 Que penser, finalement, lorsque s’affrontent des positions aussi tranchées ? Celle que
pour ma part j’ai adoptée depuis quelques années16
revêt toutes les apparences d’une
tentative de conciliation des contraires. En outre, comme elle n’a pas encore subi
l’épreuve des faits par l’expérience de l’enseignement-apprentissage, on ne saurait trop
dire ce que vaut un pari n’ayant guère dépassé le stade des postulats de principe.
48 Quoi qu’il en soit, ancrée dans l’attachement à une certaine forme de programmation
susceptible d’assurer le cadrage des objectifs langagiers d’apprentissage, cette position
ne peut être tenue pour médiane que dans la mesure où elle conduit à n’adhérer sans
restrictions à aucune des propositions alternatives qui inondent aujourd’hui le marché
méthodologique.
49 Rompant, comme on l’a vu, avec la logique hyperlinéaire du système SABOC et de ses
divers avatars, elle n’aboutit pas pour autant à disqualifier
50 (i) ni l’identification des besoins, à condition que celle-ci serve à la gestion continue de
leurs besoins par les apprenants eux-mêmes, plutôt qu’à la définition d’objectifs et de
contenus immuablement gravés dans la cire ;
51 (ii) ni des outils tels que les inventaires et les analyses de situations cibles, pour peu que
leur usage soit lui aussi découplé de la stricte détermination de contenus
immuablement... et vise à alimenter le cours en matériaux ou échantillons langagiers
sélectionnés non aléatoirement et de telle sorte qu’ils soient représentatifs des
situations et des types de discours réputés requérir une compétence particulière dans
la langue cible, en instruments d’évaluation et de régulation du couple besoins/
objectifs, eux aussi placés à la libre disposition des apprenants.
52 Tout cela montre, sans la moindre ambiguïté me semble-t-il, à quel point la question du
contenu langagier demeure au centre du débat. Elle nécessiterait beaucoup plus que
quelques « réglages » hâtifs ; je m’en tiendrai néanmoins, pour finir, à trois points
essentiels.
3.3.1. Des contenus constitués de procédures ou de tâches ?
53 Les enseignants et didacticiens du FOS prêtent-ils une oreille attentive aux principes et
modèles des contenus composés, en matière d’unités, de tâches ou d’activités —
d’apprentissage ou communicatives — requérant l’usage de la langue cible ? On serait
tenté de dire : une oreille sans doute mais, les deux, certainement pas ; réponse on ne
peut plus normande en effet, et qui se décomposera donc en deux.
54 Tout d’abord, on s’interrogera sur la crédibilité que peut avoir aujourd’hui le syllabus
procédural de N.S. Prabhu auprès des didacticiens français, qui n’en ont eu
connaissance qu’à travers Prabhu (1987) et l’âpre polémique longuement étalée, dans
Applied Linguistics et ELT Journal notamment. Les didacticiens de l’anglais, déplacés
naguère à Bangalore en cohortes aussi serrées que choisies, mesureront la frustration
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et le scepticisme qui saisissent leurs collègues français au vu des informations livrées
par l’ouvrage de 1987 : quel progrès, en effet, y a-t-il à définir le contenu en termes de
tâche à accomplir plutôt qu’en termes d’unités langagières, lorsque la situation de
communication ou la tâche elle-même — décider d’un voyage en train à partir d’un
tableau indicateur, par exemple — sont si stéréotypées qu’elles ne laissent aucune place
à une créativité langagière qui est le fondement même de la compétence de
communication ? D’autre part, sur le même exemple, et pour rappeler des vérités
premières autrefois épinglées par Roulet : chercher l’heure d’arrivée d’un train que l’on
ne prendra pas est-il plus formateur, d’un point de vue communicatif, que demander du
feu à un laboratoire de langue ?
55 Mais faut-il pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain ? Tâche et activité occupent
dorénavant en FOS une place qui, pour n’être pas nécessairement marquée comme
relevant de l’affichage explicite du contenu, ne cesse de croître. D’abord, parce que la
pratique de la simulation globale connaît une vogue qui doit sans doute beaucoup à
quelques précurseurs, notamment du BELC (les Debyser, Caré, Yaïche, et d’autres
encore). Maintenant que, l’expérience venant, les règles en sont clairement établies, les
écueils repérés, les animateurs talentueux en nombre suffisant, on voit fleurir les
simulations à caractère plus nettement professionnel.
56 D’une façon beaucoup plus générale, à côté de cette technique particulière mais
relevant du même ordre de philosophie pédagogique, s’impose peu à peu la nécessité
d’alternatives aux pratiques de formation linguistique classiques, disons dans la
tradition « des cours de langue » ; infligées à des adultes engagés dans la vie
professionnelle, elles génèrent de la régression, à coup sûr (s’asseoir derrière des
rangées de tables...), des doses variables de frustration, sans doute (parler quand on n’a
rien à dire et, pour le reste...), des savoir-faire communicatifs, peut-être. L’une de ces
alternatives désirables consiste à « professionnaliser » le cadre et le temps de la
formation ; à faire en sorte que — hors toute idéalisation — l’ambiance, les activités, le
recours aux outils, le rapport au savoir, bien loin de ressembler à ce qu’ils sont dans
une classe, prennent plutôt les tonalités du travail de laboratoire (à condition qu’il ne
soit pas de langue), du bureau d’étude, de l’agence, de la réunion d’expertise, et que
sais-je encore. Les modes d’utilisation de l’ordinateur représentent d’ailleurs un
puissant révélateur du très profond clivage qui, en matière d’apprentissage, sépare ceci
et cela.
3.3.2. Contenus et contenus
57 Revenons une dernière fois à l’idée selon laquelle le FOS perdrait toute spécificité si un
minimum de programmation ne venait garantir que la formation proposée soit en
adéquation avec les besoins des apprenants. Seule une vision réductrice, archaïque et,
pour tout dire, inculte de l’activité d’acquisition-apprentissage peut conduire à
conclure que le « principe d’adéquation » fait obligation d’enseigner les types de
discours dont la pratique est requise par ou pour ces apprenants ; ce qui importe, en la
matière, est que les apprenants soient placés au contact de ces discours et de leurs
situations d’usage. En termes de démarche didactique, il s’agit alors de construire un
environnement (ou décor, ou paysage) langagier représentatif de ce qui attend
l’apprenant à l’issue de son apprentissage, environnement qu’il sera invité à fréquenter
librement (en fait plus ou moins librement selon ses habitudes d’apprentissage et, le cas
échéant, celles de ses condisciples, et selon les conceptions méthodologiques de
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l’enseignant). Cet ensemble, échantillonné et représentatif, constitue bel et bien un
contenu ; simplement ce n’est, pour utiliser la terminologie consacrée, ni un contenu
d’enseignement, ni un contenu d’apprentissage. Je me suis habitué depuis bientôt vingt
ans17
à le nommer, faute de mieux, un « contenu pour l’apprentissage » : si l’expression
n’est pas de celles qui font carrière dans le slogan, elle n’en désigne pas moins
exactement l’objet en question.
58 Une telle pratique situe clairement la question des contenus dans une problématique
« de l’abondance », par opposition à la problématique « du petit pas » ou « de la
pénurie » (selon qu’on la loue ou qu’on la stigmatise), qui caractérise généralement les
contenus prédéfinis. Cette pédagogie de l’abondance n’est, tout compte fait, que le fruit
d’un réalisme hérité, notamment, des travaux acquisitionnistes : on n’y fait pas mine
d’ignorer que tout apprenant ne fait jamais son miel que là où il l’entend et comment il
l’entend.
59 Mais comme elle invite aussi à ce que les apprenants introduisent eux-mêmes des
éléments de contenu, notamment à l’occasion de leurs tentatives de communication en
langue cible, cette conception du « contenu pour l’apprentissage » relève également des
approches communicatives de seconde ou de dernière (?) génération18
, ou encore de
toute forme de pédagogie se donnant pour moteur l’interaction communicative entre
les participants engagés dans l’activité d’enseignement-apprentissage. Peu importe au
total la dénomination : de toute pédagogie où l’acquisition des savoir-faire a sa place au
sein du cours, dans le temps et le lieu de l’apprentissage, et pas seulement en dehors, ce
dernier étant voué à la seule acquisition de savoirs linguistiques ou métalinguistiques.
3.3.3. La composante culturelle dans les contenus
60 Il s’agit là d’un point tout à fait primordial, si ce n’est même le préalable à tous les
autres ; mais comme je ne cesse d’y revenir depuis quatre ans, je m’abstiendrai de le
développer ici encore. Bien maigre secours, en effet, que des rudiments de grammaire
et de vocabulaire, quand la complète méconnaissance des habitudes culturelles de
l’Autre vient ruiner toute possibilité de compréhension dans les relations de travail ou
d’affaires et les échanges scientifiques ou technologiques.
61 Le problème n’est nullement de trouver des exemples d’obstacles culturels à la
communication exolingue dans le travail, alors que se multiplient recherches sur les
cultures d’entreprise et travaux de sociologie interculturelle19
. Il est d’abord de
bousculer des chapes de représentations chevillées à l’esprit des enseignants (tout au
moins des enseignants français de langues) comme (me semble-t-il) à celui de beaucoup
d’apprenants, les portant à tenir la science et la culture, les langues comme véhicule de
l’une et comme véhicule de l’autre, pour territoires hermétiquement étanches, aliénés,
antagonistes, inconciliables, irréconciliables. C’est au prix de cette forme (quelque peu
ironique) d’acculturation que la composante culturelle de la relation à l’étranger, dont
la vague se fait aujourd’hui lame de fond s’agissant d’apprentissage de la « langue
usuelle », recevra droit de cité dans les contenus des cours de FOS.
62 Quant aux outils et dispositifs susceptibles de permettre cette intégration, ils ne font
pas non plus défaut. On se limitera, pour finir, à la seule mention de deux réalisations
déjà bien connues et du plus grand intérêt pour la manière dont elles articulent,
chacune à sa manière, langue et culture, en une configuration polymorphe où des
syllabus divers composent le curriculum d’enseignement-apprentissage : d’une part les
ASp, 15-18 | 1997
26
travaux de Michael Byram et, d’autre part, le « curriculum multidimensionnel
canadien »20
.
BIBLIOGRAPHIE
AUPELF-Crédif, éds. 1982. Transferts de formation. Paris : AUPELF.
Béacco, J.-Cl. et D. Lehmann (dir.). 1990. Publics spécifiques et communication spécialisée. Paris :
Hachette (Coll. F-Recherches et applications).
Brumfit, C. & K. Johnson (dir.). 1979. The Communicative Approach to Language Teaching. Oxford :
Oxford University Press.
Byram, M. 1992. Culture et éducation en langue étrangère. Paris : Hatier/Didier-Crédif (Coll. LAL).
Couillerot, J. et H. Farid. 1990. « Français sur objectifs spécifiques. Parier sur l’ouverture ». Le
français dans le monde 235.
Girard, D., J. Courtillon, B. Page et R. Richterich. 1988. Choix et distribution des contenus dans les
programmes de langues. Strasbourg : Conseil de l’Europe.
Hutchinson, T. & A. Waters. 1987. English for Specific Purposes. A learning-centred approach.
Cambridge : Cambridge University Press (Coll. New Directions in Language Teaching).
LeBlanc, R. 1989. « Le curriculum multidimensionnel : une approche intégrée pour
l’enseignement de la langue seconde ». Études de linguistique appliquée 75.
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linguistique appliquée 98.
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Hachette (Coll. F-Références).
Mariet, F. 1980. « Les armes égales que sont les mots. Sur la dimension sociologique de la
rhétorique des sciences économiques ». In Lehmann D. (dir.), Lecture fonctionnelle de textes de
spécialité. Paris : Didier (Coll. VIC).
Prabhu, N.S. 1987. Second Language Pedagogy. Oxford : Oxford University Press (Coll. Applied
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Trim, J. (dir.). 1973. Systèmes d’apprentissage des langues vivantes par les adultes. Strasbourg : Conseil
de l’Europe.
Trimble, L. 1985. English for Science and Technology. A discourse approach. Cambridge : Cambridge
University Press.
NOTES
1. Le présent article est le texte remanié de la conférence plénière prononcée par l’auteur lors du
18e
colloque du GERAS à l’ENS Ulm de Paris en mars 1997, dont le thème était Langue anglaise de
spécialité/langue française de spécialité.
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2. Volontairement non référencés, ils émanent surtout de « décideurs » français, parfois de
didacticiens français (2 et 4), parfois de partenaires étrangers (5).
3. Pour un exposé des conditions et effets de cette prégnance, se reporter au chapitre 3 de
Lehmann (1993).
4. Voir les interventions de B. Aubert à la table ronde concluant Béacco et Lehmann, dir. (1990).
5. AUPELF-Crédif, éds (1982).
6. C'est ainsi qu'un excellent matériel expérimental réalisé par deux collègues de Paris 8 et
Paris 10 est resté dans les cartons faute de trouver éditeur à... sa taille.
7. Puisque l'on parle à son propos d'une « École de Lancaster », illustrée notamment, outre les
précédents, par les plumes de Breen, Candlin ou encore Allwright.
8. J'ai, pour ma part (1993), concentré sur le seul Trimble un tir présentant l'avantage décisif
d'être bien trop court pour atteindre jamais une telle cible, tout en me préservant des foudres de
mes collègues Linkstiks ou Philogs français.
9. Aussi ai-je cédé à la commodité de désigner ce modèle par la formule « système SABOC ».
10. E. Roulet et l'équipe du Crédif animée par D. Coste : J. Courtillon, M. Martins-Baltar, E. Papo.
11. Il n'est certainement pas indifférent de noter que ces deux groupes avaient en commun
d'être principalement constitués d'anglicistes.
12. Voir, à côté d'une prise de distance qui ne se démentira pas chez Widdowson, les nombreuses
publications, collectives ou non, de la fin des années 1970. Notamment, Brumfit & Johnson, dir.
(1979).
13. On est censé y voir une allusion à ces immortels compagnons des veillées anglo-saxonnes que
furent les disques de la série « Sing along with Mitch ».
14. Par référence au bouquet d'opinions (en l'occurrence la citation 4) sur la diffusion du
français présenté au début de cet exposé.
15. À l'appui de ce qui n'est pas qu'un sentiment : à l'occasion d'un DEA entrepris sous ma
direction, Caroline Chevalier montre, recensement à l'appui, que bon nombre des manuels
récents de français des affaires n'affichent explicitement aucun contenu syntaxique spécifique.
16. Elle apparaissait déjà pour l'essentiel dans l'avant-dernier chapitre de Lehmann (1993),
notamment 7.3., 192 et sq.
17. Depuis que, dans le cadre d'un projet mené au sein du Crédif, le sociologue François Mariet
en construisit un premier et magistral exemplaire, selon des principes largement empruntés à
P. Bourdieu ; voir Mariet (1980).
18. Du moins Christopher Brumfit (dans Brumfit & Johnson, dir. [1979], 183) considère-t-il
l'apport de contenu par les apprenants comme « l'impact le plus durable du mouvement
communicatif » (c'est moi qui traduis).
19. Pour une première information, Lehmann (1993), chapitre 1.
20. Pour le second, on se reportera à Leblanc et, si l'on souhaite plus de détails, aux six ouvrages
non référencés publiés en 1990, sous la direction du même LeBlanc, par l'Association canadienne
des professeurs de langues secondes et M Éditeur.
RÉSUMÉS
L’état comparatif de l’ESP et du FOS amène d’abord à pointer la totale disproportion existant
entre les deux marchés linguistiques et éditoriaux ; puis à souligner le poids tout particulier des
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facteurs « politiques » en FOS. Autre asymétrie, encore, que l’influence persistante des thèses
anglo-saxonnes sur les positions françaises au plan méthodologique. Schématiquement décrit,
celui-ci se caractérise dans les deux secteurs par la coexistence de trois mêmes courants, toujours
concurrents bien qu’inégalement porteurs. Mais si l’on s’accorde assez bien aujourd’hui pour se
défier de démarches trop systématiques et prêter une attention croissante aux modalités de
l’apprentissage, les didacticiens français demeurent, quant à eux, particulièrement sensibles à la
nécessité méthodologique d’un contenu d’enseignement préalable — défini en termes
linguistiques et/ou non linguistiques — en vue de ménager la diversité des besoins et des
objectifs.
A comparison of ESP and its equivalent for the French language (FSP) highlights the
disproportion between the two markets, in both linguistic and editorial terms, also the fact that
“political” factors play a part in FSP. A further difference is the continued influence of Anglo-
Saxon arguments on French methodology. This is described briefly, noting that in both sectors
are found the same three trends, though in varying degrees of intensity. There is now agreement
over the fact that methods which are too systematic are to be avoided, and more attention should
be paid to modalities of language learning. Nevertheless, French didacticians remain particularly
sensitive to the methodological necessity for having a pre-determined programme content
defined in linguistic and/or non-linguistic term — in order to deal with the diverse needs and
objectives of learners.
INDEX
Mots-clés : besoins, centration sur la langue, centration sur l’apprenant, composante culturelle,
curriculum, ESP, FOS, situation-cible, syllabus, système
Keywords : cultural component, curriculum, ESP, FSP, language-centred approach, learner-
centred approach, need, syllabus, system, target-situation
AUTEUR
DENIS LEHMANN
Denis Lehmann est maître de conférences HDR à l’Université Denis Diderot, UFR de Linguistique,
où il assume la responsabilité du cursus de Français langue étrangère, après avoir passé vingt
années au Crédif (ENS de Fontenay-Saint Cloud). Ses travaux et publications portent sur la
linguistique textuelle et la didactique des langues, notamment le FOS, de la lecture (y compris
assistée par ordinateur), les curriculums d’enseignement-apprentissage, les relations entre
linguistique et la didactique des langues.
ASp, 15-18 | 1997
29
Recherche comparative
internationale à la base de trois
méthodes de LSP
Martine Verjans
Justification de la recherche
1 La recherche comparative internationale Linguaplan Limburg 1993-19971
, ayant mené
au développement de trois méthodes de langues de spécialité (LSP), trouve ses origines
dans deux constatations : le caractère essentiellement exportateur de l’activité
économique flamande d’une part et la pénurie de méthodes d’apprentissage ciblées de
langue étrangère (LE)2
pour des publics professionnels d’autre part.
2 L’économie flamande3
repose essentiellement sur un très dense tissu de PME-PMI4
à
effectif réduit5
réalisant un pourcentage important6
de leur chiffre d’affaires grâce à
l’exportation. Franchir des frontières nationales n’implique pas forcément la
confrontation à une autre langue, mais la situation géographique spécifique7
des
entreprises flamandes inclut tout naturellement un contact allophone, constatation
d’autant plus valable pour le Limbourg8
. Obstacle ou défi ?
3 Malgré le nombre toujours croissant des centres de formation en communication
allophone et en dépit des multiples initiatives d’organismes en tout genre (patronat
flamand, gouvernement, VDAB9
), entrepreneurs et formateurs ne se disent que
rarement satisfaits des résultats des formations suivies. Comment expliquer que, des
deux côtés, de sérieux efforts soutenus n’aboutissent pas au rendement tellement
urgent ?
4 Il s’avère que trop souvent, les méthodes d’apprentissage de LE destinées tant aux
publics professionnels qu’aux élèves de la formation initiale (surtout professionnel et
technique) sont doublement inadaptées : leur contenu ne correspond pas aux besoins
professionnels (futurs) des apprenants, et leur démarche didactique ne prend pas
suffisamment en compte les spécificités du groupe cible. Les centres de ressources ne
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fournissent pas non plus les solutions requises : ordinairement ils ne présentent que
des documents authentiques bruts et ils sont le plus souvent liés à l’apprentissage en
autonomie complète ou en semi-autonomie – dernière parade de nombre d’organismes.
Plusieurs facteurs (psycholinguistiques et autres) sont probablement la cause de la
rentabilité médiocre de ce genre de formations. Une dialectique rigoureuse à ce sujet
nous mènerait trop loin puisqu’elle n’entre pas dans les objectifs du présent article,
mais elle se justifierait certainement. Les « autoroutes de l’information », dernière
nouveauté technologique et si alléchantes qu’elles soient du point de vue de la
motivation (elles pourront bien servir de carotte...), ne permettent malheureusement
(toujours) pas l’entraînement à la production orale ni l’évaluation de cette compétence
combien importante dans la plupart des milieux professionnels.
5 Pour aider à faire face à ces multiples défaillances, l’unité de recherche en linguistique
appliquée du Centre universitaire du Limbourg (LUC-CTTL) a monté le projet
mentionné. Cette recherche comparative se voulait à échelle internationale afin de
pouvoir découvrir les différences éventuelles entre les pays concernés quant aux
besoins de communication professionnelle en LE, en vue de l’objectif final, à savoir la
réalisation de modules répondant aux besoins identifiés, utilisables dans
l’enseignement présentiel ou en semi-autonomie (avec tutorat). Ils devraient conduire
au plus vite à la fixation d’automatismes de communication professionnelle en évitant
les explications grammaticales et toute forme de métalangue.
Des contenus adaptés aux besoins professionnels
(futurs) en matière de communication en LE
6 Le principe de base de Linguaplan Limburg 1993 - 1997 était de puiser toute information
dans les différents secteurs économiques auprès des personnes mêmes en poste. Cette
approche nous paraît la seule fournissant des garanties d’authenticité et de
fonctionnalité aux contenus d’une méthode conçue pour des publics à besoins précis et
délimités. D’ailleurs, le projet Linguaplan Limburg s’était fixé comme objectif final de
développer des modules de communication en LE afin de satisfaire les réels besoins des
utilisateurs. À cette fin, un consortium a été composé regroupant des centres de
recherche en linguistique appliquée10
ainsi que des organisations professionnelles et
patronales11
de cinq pays de l’UE.
7 Cette recherche comparative internationale s’est déroulée en trois phases.
8 La première phase, plutôt générale et essentiellement quantitative, a fourni l’inventaire
des besoins en matière de communication en LE, toutes fonctions et toutes activités
économiques confondues, et ce au niveau transnational, à savoir des pays partenaires
du projet. Une réponse à plusieurs questions s’imposait :
dans quels secteurs et pour quelles fonctions les besoins en LE s’avèrent-ils les plus urgents ?
pour quelles langues ou, en d’autres termes, quelle est la hiérarchie des LE ?
quel est le mode de communication privilégié (téléphone, télécopie...) ?
quelle est la proportion de langue générale et de langue de spécialité (LSP) ?
existe-t-il une corrélation entre la maîtrise d’une LE et le chiffre d’affaires réalisé dans cette
langue ?
quelle est l’importance de la connaissance des LE pour le salarié (recrutement, carrière) ?
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le cas échéant, faute de compétence langagière, comment l’entreprise essaie-t-elle de « se
débrouiller » (recours à la sous-traitance et coûts afférents) ?
9 Une enquête écrite fut diffusée auprès de 848 PME-PMI, échantillon représentatif
correspondant aux codes NACE12
ou APE13
et à la taille des entreprises établies dans les
régions examinées des pays concernés. L’interprétation des résultats des tris à plat et
des croisements significatifs a été soumise à l’avis de « témoins privilégiés » des
secteurs enquêtés et ce d’après les principes de l’audit d’entreprise. L’analyse des
données s’est limitée pourtant aux seuls secteurs secondaire et tertiaire, le secteur
primaire (code NACE 0, comprenant le domaine des activités productrices de matières
non transformées) n’ayant fourni que quelques observations.
10 À titre illustratif14
, voici quelques résultats (en valeurs absolues ou en fréquences
relatives) comparant la province du Limbourg (B) avec la région d’Anjou (F)15
. Quant à
l’interprétation de ces constatations ou à l’ensemble des résultats, nous renvoyons au
rapport Linguaplan Limburg - Phase 1 (voir références bibliographiques).
Hiérarchie des LE et leur relation réciproque
B : le français s’avère le plus important (coefficient 6), suivi par l’allemand (3) et l’anglais (2),
l’italien et l’espagnol ;
F : l’anglais domine nettement (coefficient 6), suivi par l’allemand (3), puis par le castillan et
le néerlandais (2), l’italien, le portugais, l’arabe et le catalan.
Fréquence des contacts allophones
B : plus de trois PME-PMI sur quatre prétendent avoir au moins un contact allophone par
jour ; plus l’entreprise est grande (plus de dix salariés), plus elle a de tels contacts ;
F : la moitié des entreprises n’utilise que le français ; seulement neuf des 265 entreprises ont
(en moyenne) un contact allophone par jour.
Chiffre d’affaires (CA)
B : plus d’un quart réalise plus de 20 % de son CA en français et plus de 10 % en allemand (ce
qui confirme la hiérarchie) ;
F : si l’entreprise réalise une partie de son C.A. dans une langue étrangère, celui-ci ne
dépasse que rarement les 5 %16
.
Influence sur la carrière
B : pour 86,2 % des PME-PMI sondées, la maîtrise d’une (et de préférence deux, voire trois)
LE représente un atout majeur ;
F : seulement 30,1 % en font un critère de sélection.
Initiatives afin d’améliorer la connaissance des LE du personnel17
B : seulement 56,5 % des PME-PMI où l’on estime que les LE influent sur la carrière, prennent
des initiatives ;
F : seuls 5,6 % des entreprises interrogées font des propositions (cours à l’extérieur).
LSP versus langue générale ; oral versus écrit
B : les besoins se situent aussi bien au niveau de la langue de spécialité qu’au niveau de la
langue générale, quoique cette dernière soit considérée comme plus importante, sauf pour
les fonctions techniques18
;
F : pour les entreprises exprimant des besoins en LE, une légère prédominance de la langue
générale se manifeste (35,33 %) par rapport à la langue de spécialité (21 %), et ce plutôt au
niveau des directions.
11 Surtout en Belgique, où elles constituent plus de 25 % des tâches, les activités en LE se
font à l’oral (direction, fonctions techniques supérieures, fonctions orientées vers
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l’extérieur), voire seulement à l’oral pour les fonctions techniques inférieures, tandis
qu’au niveau de l’administration inférieure, oral et écrit se tiennent en équilibre.
Appel à un service de traduction
B : 190 des 205 entreprises enquêtées s’adressent à des traducteurs extérieurs19
. Il faut
néanmoins relativiser ces résultats puisqu’il s’agit essentiellement d’aide au niveau de
l’écrit, celui-ci ne représentant pourtant que 13 % de la communication d’affaires ;
F : 9,7 % des entreprises de l’échantillon font appel à un service extérieur (représentant
seulement 7000 FRF par an en moyenne), tandis que 15 % disposent d’un service intégré
(anglais 7,8 %, allemand 4,1 %, espagnol/castillan 1,5 %).
Échecs à la suite d’un manque de connaissances en LE
B : 25 % des interrogés avouent avoir dû refuser des ordres ou l’échec de contacts (avec des
répercussions directes sur le chiffre d’affaires !) ;
F : 93,7 % prétendent n’avoir jamais (!) eu de difficultés.
12 Les principes méthodologiques de cette première partie de la recherche forment aussi
la base de la deuxième phase à caractère plutôt qualitatif. L’objectif a été double : la
constitution et l’analyse de corpus oraux (entretiens téléphoniques, réunions, face à
face...) et écrits (lettres, télécopies, autres documents...) liés à plusieurs fonctions, et,
ensuite, la composition des profils langagiers correspondants. Le dépouillement des
corpus a été effectué à plusieurs niveaux : lexique, micro- et macrocombinaison
(collocations et discours), nuance de sens et registre.
13 Le choix des six profils retenus20
résulte directement de la première phase de la
recherche, à savoir les secteurs et fonctions éprouvant les plus grands problèmes de
communication allophone.
14 La composition des profils a requis une préparation minutieuse, à savoir la rédaction
d’un référentiel général à partir de la littérature disponible (parfois sommaire). Ces
grilles d’entretien, d’abord prévalidées par un spécialiste du secteur concerné, ont servi
de base à tout entretien, quelle que soit sa nature, avec des « témoins privilégiés » :
remue-méninges avec des personnes en poste, tant horizontal (parcourir toutes les
activités communicatives d’une année avec mention de leur fréquence et de leur
importance) que vertical (une journée type du matin au soir), entretiens en face à face
avec le supérieur hiérarchique et ensuite avec une ou plusieurs personnes en poste. La
comparaison des informations obtenues par ces différentes voies a conduit aux profils
authentiques de fonction.
15 Chacun de ces profils linguistiques comprend l’inventaire détaillé des situations de
communication et des actes de parole propres à la fonction concernée. À ces données
ont été ajoutées des informations concernant le média utilisé, la fréquence (I = au
moins une fois par jour... III = de temps en temps seulement) et l’importance de l’acte (1
= très important, 2 = important, 3 = moins important) ainsi que son caractère réceptif
(R) ou productif (P), écrit (é) ou oral (o). De plus, l’analyse fréquentielle de corpus a
permis d’enrichir chaque profil des composantes langagières les plus représentatives
de la fonction examinée.
16 Vu le caractère européen de Linguaplan Limburg 1993-1997, tous les profils étant établis
par une seule équipe du projet ont dû être validés à échelle transnationale. Ainsi, ces
inventaires initiaux ont été soumis pour validation à un partenaire étranger. Il a
surtout fallu déterminer si les différences observées révélaient un oubli ou plutôt une
différence nationale. Les profils définitifs résultent donc du travail de binômes de
recherche, dont chaque pôle se situe dans un autre pays partenaire du projet. Le cas
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ASp, 15-18 | 1997
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  • 1. ASp la revue du GERAS 15-18 | 1997 Anglais et français de spécialité Michel Perrin, Jacky Martin et Michel Petit (dir.) Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/asp/2643 DOI : 10.4000/asp.2643 ISSN : 2108-6354 Éditeur Groupe d'étude et de recherche en anglais de spécialité Édition imprimée Date de publication : 1 décembre 1997 ISSN : 1246-8185 Référence électronique Michel Perrin, Jacky Martin et Michel Petit (dir.), ASp, 15-18 | 1997, « Anglais et français de spécialité » [En ligne], mis en ligne le 16 avril 2012, consulté le 19 mars 2021. URL : http:// journals.openedition.org/asp/2643 ; DOI : https://doi.org/10.4000/asp.2643 Ce document a été généré automatiquement le 19 mars 2021. Tous droits réservés
  • 2. SOMMAIRE Anglais et français de spécialité Thème du colloque annuel du GERAS, Paris, ENS Ulm, mars 1997 Approches linguistiques des langues spécialisées Pierre Lerat English for specific purposes (ESP) et français sur objectifs spécifiques (FOS) : le préalable du contenu préalable Denis Lehmann Recherche comparative internationale à la base de trois méthodes de LSP Martine Verjans Étude longitudinale de la prise de notes d'un cours universitaire français : le cas d'étudiants étrangers d'un cursus européen Martine Faraco Français vs English : histoire d'une rencontre avec penalty... et sans retour Elizabeth Crosnier Recherches sur corpus en langue de spécialité Du bon usage des corpus dans la recherche sur le discours spécifique Jacky Martin Les collocations et la construction du savoir scientifique Christopher Gledhill Collocations in translation: Personal textbases to the rescue of dictionaries Uzoma Chukwu Applications des concordanciers à l'enseignement de la grammaire anglaise en DEUG Joseph Rézeau Procédure de constitution d’un corpus attesté d’articles de recherche scientifique en vue d’une étude contrastive Patrick Bachschmidt Stylistique du discours scientifique Introduction à la section 3 Michel Petit Stylistique(s) contrastive(s) du discours scientifique Michel Petit Stylistique et discours scientifique Gilles Mathis ASp, 15-18 | 1997 1
  • 3. Quelle rhétorique pour les articles scientifiques ? Pierre Labrosse Stratégies et styles rédactionnels de l’article de recherche : les ressources de l’utilisateur non-natif devant publier en anglais Claude Sionis L’anglais de la recherche médicale : une grande diversité Christiane Beaufrère-Bertheux Enseignement/Apprentissage de la langue spécialisée Reading skills for weak learners Madeline Lutjeharms Évaluation, motivation et formation Patrick Doucet Can EGP learning strategies be successfully used in the ESP learning process? Savka Blagojevic Needs-based syllabus design for students of English in Hungarian technical universities Csilla Sárdi Le développement de cohérences transversales et verticales dans l’enseignement des langues étrangères Françoise Haramboure « Mais où est donc passé mon crédit documentaire ? » Acquisition du langage de spécialité Les avatars d'un parcours d'apprentissage dans une classe d'étudiants en commerce international Marie-Françoise Joncheray La mondialisation de l’économie : de nouveaux enjeux, de nouveaux contextes culturels Olivier Sturge-Moore Analyses de discours spécifiques The integration of verbal and non-verbal materials in some instances of written scientific discourse Claude Sionis Written scientific discourse beyond words Claude Sionis Schématisations iconiques, schématisations discursives dans le message publicitaire Thérèse Brouat From author to reviewer to editor: Negotiating the claim in a scientific article A study of French researchers publishing in English Susan Birch-Bécaas Genre analysis of article introductions in economics Igor Lakic Le discours juridique en France et en Angleterre Convergences et spécificités Bernard Galonnier ASp, 15-18 | 1997 2
  • 4. From argumentation to argument: Interaction in the conference hall Pauline Webber Your very first ESP text (wherein Chaucer explaineth the astrolabe) David Banks Lexiques et syntaxes des textes spécialisés Le passif dans les notices techniques grand public du matériel audiovisuel Kenwood Jacques Coulardeau Prolégomènes à la phraséologie comparée en langue de spécialité : exemple de l’anglais et du français de la finance Catherine Resche La détermination passive et quelques thématisations particulières en anglais médical Didier Carnet Contribution à l’amélioration de la compréhension et de la traduction des adjectifs composés en classe de langue de spécialité Mourad Boughedaoui ASp, 15-18 | 1997 3
  • 5. Anglais et français de spécialité Thème du colloque annuel du GERAS, Paris, ENS Ulm, mars 1997 ASp, 15-18 | 1997 4
  • 6. Approches linguistiques des langues spécialisées Pierre Lerat 1 Comme les langues spécialisées ne sont rien d’autre que des usages spécialisés des langues naturelles, leur étude suppose la prise en compte des différents niveaux de l’analyse linguistique. 2 Leur spécificité est essentiellement lexico-syntaxique, du côté des formes, et lexico- conceptuelle, du côté des contenus, d’où le besoin de théories appropriées. Les enjeux sont principalement l’aide à la traduction, à la rédaction, à la documentation et à l’apprentissage. Comme ces différentes activités seront de plus en plus assistées, il y a lieu de s’attacher en priorité à ce qui est gérable sous la forme de bases de données et mobilisable avec sécurité et rapidité. 3 Si l’on admet ces principes généraux, il faut en tirer quelques conséquences. La première est théorique : la meilleure conception d’ensemble est celle qui lexicalise au maximum la syntaxe et qui, en matière conceptuelle, tire le plus parti du jeu des relations typiques entre les mots. La seconde est méthodologique : la meilleure base de données est celle qui réunit les connaissances linguistiques et encyclopédiques dont ont besoin les usagers. 4 En privilégiant ainsi le lexique, on risque de réduire le langage à un jeu de contraintes formelles et logiques, au détriment de la dimension énonciative et pragmatique. L’objection serait forte si l’étude de cette dimension était plus avancée et avait obtenu des résultats indiscutablement scientifiques au sens ordinaire. Les sciences du langage, comme les autres, ne se constituent qu’en intégrant leurs résultats aux acquis provisoires des disciplines voisines et en s’en appropriant certains ; or on est encore loin d’une situation où toutes les observations sur l’activité de langage, sur les textes et sur les situations d’énonciation constitueraient un corps de connaissances réellement systématisable. 5 Une autre limite du présent article résulte de son intitulé même, qui reflète un point de vue essentiellement descriptif : il est clair que l’exploitation didactique de cette mise en perspectives linguistiques appartient aux professionnels qui sont les professeurs du ASp, 15-18 | 1997 5
  • 7. secteur LANSAD. Enseigner une LSP suppose des méthodes appropriées qui ne sont pas mon objet propre mais dont je ne méconnais pas l’importance. C’est pourquoi mon espoir est de susciter des idées d’intégration d’approches linguistiques à la méthodologie de l’enseignement des langues spécialisées. 1. Fondements linguistiques 6 Aucune théorie linguistique, quelle qu’elle soit, n’a jamais isolé le fonctionnement des langues spécialisées de celui des langues naturelles en général. Que l’on se tourne vers la théorie du signe issue de Saussure, vers la théorie de la proposition issue de la tradition logique, vers celle de la phrase au sens des grammaires formelles ou vers la théorie de l’énoncé élaborée depuis les années soixante, les avis convergent sur deux points essentiels : d’une part une langue spécialisée n’est pas une simple nomenclature, d’autre part la production de textes scientifiques et techniques suppose la mobilisation de compétences linguistiques plus larges. Il ne faut donc pas s’étonner des limites du rendement ni des méthodes audiovisuelles ni des expériences de type niveau-seuil. 7 Sur ce fond de compétence générale de langue et de communication, des tendances caractéristiques n’en sont pas moins remarquables. La principale est probablement l’importance particulière de l’écriture, y compris de l’écriture de signes non linguistiques, comme les formules propres à la notation dans telle ou telle science ; je ne dirai rien ici de cette spécificité sémiotique, qui est étrangère à mon propos, mais elle est de grande conséquence. Les autres tendances sont observables aux différents niveaux de l’analyse de l’écrit, c’est-à-dire, dans la pratique, à chaque étape du travail sur les suites de chaînes de caractères. 1.1. Niveau lexical 8 Les unités lexicales spécialisées présentent par rapport aux autres les particularités suivantes. 9 - Elles utilisent la dérivation au bénéfice de la monosémie. Par exemple, homogénéiser et mélanger sont des verbes d’usage large : ce sont pour des humains ou pour des matériels des façons d’agir sur des humains ou des objets concrets ou abstraits, donc les sujets et les compléments possibles ne constituent pas des classes sémantiques ; en revanche, en plomberie, un homogénéiseur est un type particulier de robinet, que l’on appelle aussi un mélangeur. Le sens, en pareil cas, n’est pas seulement dépendant de la connaissance de la langue, mais ici la langue ne fait que mettre de l’ordre dans la connaissance des choses. Il en va de même dans les sciences : hydrique est l’adjectif propre à parler de l’eau si et seulement si l’on a en vue l’eau en tant que corps chimique. Une conséquence pédagogique capitale résulte de cette propriété : l’enseignant de langue maternelle spécialisée gagne à être également spécialiste de la matière concernée. La situation est un peu différente en langue étrangère, mais le recours aux professionnels du domaine y est plus ou moins nécessaire aussi. 10 - Les expressions spécialisées utilisent à forte dose la composition nominale au bénéfice de la dénomination des objets techniques et scientifiques. Cette fonction de dénomination fait que le composé ne peut être validé comme dénomination que par un professionnel, même si sa reconnaissance et son analyse sont facilitées par des tests linguistiques et le repérage des candidats rendu possible par un simple calcul ASp, 15-18 | 1997 6
  • 8. statistique portant sur les cooccurrences lexicales. Il faut bien voir en effet qu’un composé relevant du vocabulaire technique n’a pas de spécificité grammaticale par rapport à un composé non technique mais que sa structure dépend entièrement des propriétés typologiques générales de telle langue. Ainsi, notoirement, il est facile de reconnaître un composé dans une langue germanique, nettement plus difficile de le faire dans une langue romane ; par exemple, formellement, rien n’indique que les expressions accident du travail et jour ouvrable sont lexicalisées en français, alors qu’il en va tout autrement pour Arbeitsunfall et Werktag en allemand. 11 - Dans les vocabulaires spécialisés, le lien entre le mot technique et sa racine tend à être distendu. C’est bien entendu le cas, tout particulièrement, de l’emprunt, mais aussi de la métaphore, et également du composé ; ainsi, un arbre à cames est un arbre, mais seulement au sens technologique, et l’équivalent allemand Nockenwelle n’a qu’un rapport analogique avec l’idée de « vague » ou d’« onde » attachée à Welle. 1.2. Niveau syntaxique 12 Au niveau de la phrase complexe, les tendances sont à la fois bien connues et limitées à quelques particularités comme le style abstrait (obtenu notamment par des nominalisations et des adjectivations), le style impersonnel (qui dépend du jeu combiné des voix, des modes, des temps et des personnes) et le style explicite (où les articulations sont exprimées par des connecteurs logiques). Faute de travaux comparatifs systématiques, il est difficile de dire si ce sont vraiment les contenus qui jouent un rôle, ou si l’on n’est pas plutôt en face d’un mode d’énonciation particulier, celui de tout discours didactique, quelle que soit la matière exposée. Les professeurs ont avantage à ne pas trop dissocier le savoir et sa transmission, ni la transmission scolaire et l’apprentissage en situation ; les linguistes, qui sont aussi bien souvent des professeurs, sont bien placés pour comprendre ces amalgames ; il convient néanmoins qu’ils ne limitent pas l’énonciation technique à celle du cours ou du rapport de stage, et qu’ils aient en vue des pratiques plus vitales dans les entreprises, telles que le mode d’emploi, le devis ou le cahier des charges. 13 - À un niveau plus global, celui du texte, les instruments linguistiques d’analyse restent très limités : la « grammaire de texte » obtient peu de résultats en dehors du traitement des anaphores, la typologie des actes de langage manque encore de robustesse, la notion d’environnement cognitif est nécessaire mais peu technique pour le moment, et elle relève plus de la logique que de la syntaxe proprement dite. 14 - C’est au niveau de la phrase simple et du groupe de mots que les progrès de la linguistique formelle sont les plus remarquables à l’heure actuelle et les plus bénéfiques à l’étude des textes spécialisés. On l’a vu plus haut à propos des dénominations composées. On le voit mieux encore là où la sémantique se confond avec l’interprétation de suites syntaxiques, c’est-à-dire dans le jeu des prédicats et des arguments qui saturent les prédicats. Autrement dit, un intérêt particulier de la syntaxe des langues spécialisées est qu’elle a une grande pertinence dès que la construction du verbe, du nom ou de l’adjectif impose un type de complément spécifique ou, inversement, que les noms d’objets appellent des expressions prédicatives appropriées. Ce contrôle réciproque des mots dépendants et des mots régissants dans la phrase simple et dans le syntagme conduit à attacher une importance toute particulière à la distribution fine : celle des classes grammaticales, à un premier ASp, 15-18 | 1997 7
  • 9. niveau, celle des traits de sous-catégorisation comme « humain » ou « concret », à un deuxième niveau, celle des « classes d’objets » au sens de Gaston Gross, à un troisième niveau, celle enfin des classes réduites à une ou quelques unités lexicales compatibles (ainsi, sulfurique est difficilement employable autrement qu’à la suite immédiate d’acide). Par exemple, le patient contracte une hépatite, le client contracte avec l’assureur, le muscle se contracte : dans le premier cas l’objet appartient à une classe sémantique homogène, celle des maladies, dans le deuxième il s’agit nécessairement d’une personne juridique, dans le dernier le sujet est concret et matériel, sans propriété plus spécifique. 15 À titre d’exemple, la langue des assurances n’est pas seulement une nomenclature de dictionnaire spécialisé, mais un jeu de relations entre des acteurs, des opérations, des risques, etc. Sa maîtrise est celle des liens prévisibles entre d’une part des expressions prédicatives verbales, comme assurer, nominales, comme assureur, assurance et assuré, ou adjectivales, comme assuré, et d’autre part le cortège de leurs arguments typiques (assurer un bien, assurance sur la vie, véhicule assuré, etc.). 16 De façon plus élémentaire, parce que purement formelle, la distribution simplement grammaticale des mots, y compris celle des articles et des prépositions, est un guide indispensable pour la traduction. L’élaboration des systèmes de traduction automatique est éclairante pour l’aide à la traduction purement humaine, parce qu’ils exigent l’explicitation des contraintes de cooccurrence. Ainsi, il est sans utilité de dire que l’expression à terme est une locution, car cette information ne sert à rien pour la traduire en anglais ou en allemand ; ce qui importe en pareil cas est de lui affecter une catégorie grammaticale précise car, selon qu’il s’agit d’un emploi adjectival ou adverbial la traduction, pour un même domaine de connaissances, celui des marchés financiers, sera différente. Une opération à terme sera a forward transaction, ein Termingeschäft, un cours à terme a forward rate, ein Terminkurs; acheter à terme sera to buy forward, avec une position postverbale, auf Termin kaufen, sans soudure et avec une préposition. Rien de tout cela ne va de soi, surtout pour un apprenant, un non- spécialiste ou un étranger même disposant déjà d’une certaine familiarité avec la langue. 1.3. Niveau conceptuel 17 Dans la tradition antimentaliste qui a prévalu autour du structuralisme, le linguiste n’était pas tenu d’avoir une théorie du concept, et seul le psycholinguiste était préoccupé de la compatibilité des travaux sur les langues et des travaux sur l’acquisition des connaissances. Le projet interdisciplinaire connu sous le nom de sciences cognitives a le mérite, entre autres, de rappeler la nécessité de privilégier les approches compatibles, d’une discipline à l’autre. À cet égard la terminologie, dès les années trente, a pris parti pour l’école viennoise de philosophie du langage, soucieuse des relations entre les mots et les choses à travers des conceptualisations, au risque de se couper pour un temps d’une linguistique devenue immanentiste avec Saussure. On peut maintenant reprocher à la philosophie analytique de ne pas avoir fait une part suffisante au sujet conceptualisant, et donc à la terminologie d’avoir privilégié un point de vue ontologique plutôt que culturaliste, mais au moins le terme est clairement la dénomination d’un concept depuis Wüster. ASp, 15-18 | 1997 8
  • 10. 18 Comment définir le concept ? La définition la plus satisfaisante, selon les critères de la linguistique, ne peut pas être celle qui sépare le concept de sa dénomination dans une langue naturelle donnée, car ce serait méconnaître à la fois l’importance des différences de conceptualisations selon les cultures et celle de l’arbitraire relatif selon les racines lexicales utilisées. Il y a donc lieu, à mon avis, d’adopter une conception compatible à la fois avec les exigences de la linguistique et celle de disciplines connexes, à commencer par la psychologie. C’est ce que fait dans un ouvrage récent Sylvain Auroux (1996 : 207). Pour cet auteur, le concept est un « réseau hétérogène d’informations dont le mot ne forme que l’un des composants, les autres étant les représentations sensorielles (visuelles, tactiles, olfactives) et les informations culturelles typiques (clé : instrument pour ouvrir/fermer des portes) ». 19 On peut bien entendu formuler autrement la même idée. On retrouve ici, en particulier, les entrées lexicales et encyclopédiques de Sperber et Wilson (1986 : 86), ce qui peut donner envie de prendre en compte aussi des entrées logiques, autorisant la déduction de concept à concept, ainsi que le font ces auteurs ; au reste, l’exemple de « clé » signale, implicitement, une implication nécessaire, l’hyponymie de clé par rapport à instrument. Telle quelle, cette définition est adéquate pour rendre compte du statut particulier du terme : elle intègre au concept la dénomination (ou les dénominations), elle prend en compte des propriétés perceptuelles, comme la forme schématique des objets dans le Dictionnaire de la machine-outil de Wüster, et énumère les relations prédicatives typiques. Ainsi, une clé de serrure porte un nom, clé, elle a une forme dessinable, c’est un instrument qui a quelque chose à voir avec le concept de porte ; de même, une clé à bougies a en commun avec la clé de serrure un élément de dénomination, clé, elle correspond à un objet de forme différente et à fonction également spécifique, puisqu’elle sert à visser et dévisser des bougies de véhicule automobile. Dans ces conditions, ce qui est important en langue spécialisée est le concept, entièrement différent selon les liens notionnels que permettent d’expliciter les relations avec les prédicats « ouvrir » et « visser » et avec les objets « porte » et « bougie », alors qu’en langue générale c’est le continuum qui est privilégié : visser, c’est une façon de serrer, le résultat est de fermer, et à ce compte les classes d’objets typiques ne sont plus que des cas particuliers d’un même schème. La différence est importante au point de vue méthodologique, car d’un côté l’essentiel est la logique de l’action sur le réel, dans l’autre c’est une logique du signifié immanent. Les langues spécialisées, à mon avis, imposent un point de vue encyclopédique, et donc une rupture avec la tradition du dictionnaire général unilingue, qui met l’accent sur les continuités en prenant le parti du mot et non pas celui du concept. 20 La sémantique du concept, à ce compte, est ainsi une sémantique entièrement relationnelle : relation entre dénomination et informations diverses, relations de généricité et de spécificité, relations prédicatives. La polysémie des expressions prédicatives correspond dans une large mesure à la variabilité des arguments qui vont avec, et celle des objets dépend des propriétés référentielles (appréhendables par la perception et la catégorisation). D’où la pertinence de la notion de domaine de connaissances : il y a clé et clé, selon qu’il s’agit de musique, de serrurerie ou de mécanique automobile. L’hyperonymie varie aussi avec les points de vue induits par les domaines de connaissances ; le lait de vache est toujours du lait de vache, mais pour l’industriel c’est un produit, pour le médecin un aliment, pour le chimiste un liquide. Si la polysémie est facile à gérer dans une base de données prenant en compte des ASp, 15-18 | 1997 9
  • 11. différences de domaines, la polyhiérarchie l’est moins ; le problème se pose surtout pour la documentation, mais on le rencontre aussi dès qu’on essaie de concevoir une base de connaissances terminologiques multidomaine. 2. Une description d’emplois typiques 2.1. Pour une description limitée 21 Paradoxalement, les langues spécialisées sont relativement simples, parce que les contraintes lexicales, sémantiques et pragmatiques y sont fortes. La prise en considération de domaines est quelquefois mal comprise, comme l’imposition artificielle d’oeillères alors que dans la communication réelle il y a du coq à l’âne, des niveaux de langue, des interactions variées etc. L’analyse d’interviews de techniciens ou celle d’articles de scientifiques à destination du grand public fournit des arguments aux tenants d’une « socioterminologie » qui ressemble beaucoup à une analyse de discours à entrée lexicale comme on en faisait dans les années 70. Si l’on a en vue les connaissances capitalisées par une discipline à un moment donné et si l’on a le souci de représenter ces connaissances en vue de leur transmission, il faut bien accepter l’idée qu’il y a des disciplines et des sous-disciplines, des tâches imposant des procédures et une exigence de précision dans toute communication professionnelle. Là encore, la terminologie a été bien orientée dès ses débuts, en liant sa productivité à l’activité de normalisation ; conçue comme une linguistique d’ingénieur à l’origine, la terminologie a été pensée d’emblée comme instrument de résolution de problèmes. L’erreur a été de séparer les concepts de leurs expressions linguistiques au point de miser sur l’esperanto pour faciliter la communication et y accroître la sécurité. La vérité est que la communication professionnelle doit tenir compte des bizarreries des langues naturelles et tendre malgré tout vers la prévisibilité maximale, au risque d’utiliser une langue de travail unique, quand la sécurité des passagers d’un avion constitue un enjeu prioritaire. 2.2. Pour une description fonctionnelle 22 Un besoin de description systématique des langues spécialisées se fait sentir principalement en matière d’aide à l’apprentissage, à la rédaction, à la traduction et à la documentation. 23 Une vue trop étroite de l’apprentissage pourrait conduire à se passer d’informations phonétiques, graphiques, morphologiques et syntaxiques. Ce serait une erreur, car rien ne va de soi dans une matière aussi soumise à la prolifération des emprunts, des sigles et des néologismes de toutes sortes. De même, il faut prendre en compte des informations encyclopédiques et culturelles. Au total, mérite d’être pris en considération tout ce qui n’est pas prédictible à partir soit d’une compétence linguistique générale soit des connaissances de sens commun. 24 Pour la rédaction, il importe d’ajouter des connaissances portant sur les normes textuelles. Les instruments de référence ne sont pas seulement les correcteurs des traitements de textes, inspirés plus ou moins de manuels traditionnels, mais aussi, dans telle entreprise, telle feuille de style, tel formulaire (de contrat, par exemple) ou tel thesaurus permettant d’utiliser un vocabulaire contrôlé. ASp, 15-18 | 1997 10
  • 12. 25 L’aide à la traduction requiert des ressources facilement accessibles. La traduction spécialisée supposant une bonne connaissance générale de deux langues, c’est sur le vocabulaire que les difficultés se concentrent. Elles exigent un traitement systématique des équivalences. Il y a toujours une solution mutatis mutandis, et ce qu’il faut expliciter ce sont les conditions de l’équivalence. C’est pourquoi je préfère la notion d’équivalence conditionnelle à celle de degré d’équivalence, le problème n’étant pas celui de la plus ou moins grande adéquation mais celui des conditions linguistiques et pragmatiques où il y a véritablement adéquation entre les formulations dans les deux langues. 26 Pour la documentation, l’important est la cohérence des thesaurus. Par rapport aux dictionnaires, les thesaurus se caractérisent par deux spécificités principales : d’une part le recours à un vocabulaire entièrement contrôlé pour dénommer les connaissances nécessaires dans un secteur d’activité, d’autre part la structuration de ces connaissances en termes de généricité/spécificité, de tout/partie, d’agents et d’objets typiques. Cette cohérence a un prix élevé : il est impossible d’en intégrer les informations dans un système de traduction automatique généraliste sans les avoir réévaluées pour cet usage externe. Par exemple, à Gaz de France prix du gaz désigne conventionnellement le prix d’achat que paie l’entreprise à ses fournisseurs, le prix de vente étant dénommé tarif du gaz. Pour le client, le tarif est bien sûr un prix, mais le thesaurus n’est pas fait pour les clients. 2.3. Pour une description informatisable 27 Il existe un instrument logiciel permettant de retrouver à la demande des informations si elles sont codées correctement : c‘est le système de gestion de bases de données. Il est applicable à des objets linguistiques pour autant que ceux-ci sont clairement identifiés, d’où l’importance de la monosémie, qui est le lot des langues spécialisées, non des langues en général. Des mots pris dans un sens technique auront en commun, pour la langue prise en compte, un certain nombre d’attributs tels que la partie du discours, le genre grammatical, le nombre, les dérivés, les composés, le domaine, le cas échéant la classe d’objets, les prédicats appropriés, une définition, une note, une source, etc. Ces attributs prennent des valeurs en nombre limité (comme les genres et les nombres des substantifs ainsi que les domaines), ou au contraire extrêmement variables (comme les prédicats appropriés, les notes et les définitions). Seuls les cas de valeurs en nombre prédéterminé sont exploitables en matière de traitement automatique des langues, mais dans une base destinée à des usagers humains l’accès à une définition est très éclairant si la définition est bonne, et la mention de la source est une indication utile sur l’usage. 28 Les grands instruments disponibles, comme EURODICAUTOM et TERMIUM, ont été entrepris sans théorie linguistique. Inversement, les grands dictionnaires de langue informatisés, comme le Trésor de la langue française, sont pauvres en informations pertinentes sur le vocabulaire scientifique et technique. Enfin, les limites des systèmes de traduction automatique sont connues. Ils donnent satisfaction là où il s’agit de textes répétitifs, à syntaxe simple et à vocabulaire entièrement contrôlé. On obtiendra des résultats supérieurs en affinant les analyseurs syntaxiques et en mettant au point des analyseurs sémantiques au sens où l’entend Catherine Fuchs (in Piotrowski 1996 : 171). L’enjeu est d’arriver à « prédire, à l’aide d’un système de règles de filtrage mutuel, la valeur prise par chaque usage polysémique dans un énoncé ». On est très loin de ASp, 15-18 | 1997 11
  • 13. pouvoir obtenir des succès spectaculaires dans le cas de mots courants tels que bon ou faire, mais les langues spécialisées se prêtent mieux à des filtrages mutuels entre mots conceptuellement solidaires dans un champ notionnel propre à un domaine. Par exemple, clôture est polysémique au sein même du droit, puisque susceptible d’une acception concrète (à propos de fossés ou de murs) ou d’une acception abstraite (à propos d’inscriptions ou de sessions), mais le prédicat approprié mitoyen permet un filtrage conditionnel ; de même, portefeuille et action sont tous deux polysémiques, mais dans portefeuille d’actions les deux mots se désambiguïsent réciproquement. Conclusion 29 Un exemple me permettra de synthétiser les connaissances linguistiques afférentes à un usage spécialisé d’un mot polysémique du français. Ce mot n’est pas scientifique, mais il est devenu technique par sa professionnalisation dans notre civilisation, puisqu’il s’agit d’assurance. 30 Dans le domaine des assurances, on peut établir des classes d’objets telles que celle des assureurs et même celle des assurés, en procédant de façon cumulative, en extension. On peut aussi faire un inventaire plus linguistique et moins empirique, celui des types d’opérations propres à la profession et celui des objets assurables. Un nombre limité de structures propositionnelles simples met en relations ces acteurs et ces actions. Ainsi, les assurés s’assurent contre (et non pas « s’assurent de »), ils prennent (ou, mieux, contractent) une assurance, ils ont une police d’assurance, etc.. Ils assurent [+ groupe nominal] (et non pas [+ QUE]), le groupe nominal désigne normalement un bien, etc. Aucune de ces particularités n’est dictée par le système de la langue en tant que tel. Il importe donc de les énumérer explicitement. Voilà pour la représentation des connaissances linguistiques spécialisées, dont on voit qu’elles ne sont pas indépendantes de la connaissance des choses. 31 En matière de connaissance du domaine, une base de données peut rendre compte de façon systématique de quelques propriétés conceptuelles ; ainsi, une assurance est un cas particulier de contrat, ou encore elle comporte des clauses. Ces relations ont une trace linguistique : l’hyperonymie de contrat se reconnaît à la vérité de propositions comme « une assurance est un contrat » et à la plausibilité d’anaphores comme « mon assurance... ce contrat » ; de même, le syntagme clauses du contrat et la phrase le contrat comporte telle clause valident ensemble la relation partie-tout. Ainsi, la connaissance des choses se reflète en retour dans la langue. 32 Au niveau du texte, les assurances supposent l’usage réglé de formulaires et de lettres- types. Il existe même un mot spécial, police d’assurance, pour dénommer un écrit contractuel propre à ce domaine. Ici la pragmatique prévaut, et la linguistique a peu de part dans les tests qui pourraient valider ces écrits : tests de complétude, en confrontant la police avec un modèle comportant exhaustivement les clauses nécessaires dans leur ordre procédural, tests de pertinence pour vérifier l’adéquation des données factuelles les unes avec les autres, de l’identité des contractants aux risques couverts. 33 Cette fois, le linguiste est, enfin, incompétent. ASp, 15-18 | 1997 12
  • 14. BIBLIOGRAPHIE Auroux, S. 1996. La philosophie du langage. Paris : Presses Universitaires de France. Gross, G. 1996. Les expressions figées. Paris : Ophrys. Lerat, P. 1995. Les langues spécialisées. Paris : Presses Universitaires de France. Piotrowski D. (dir.). 1996, Lexicographie et informatique. Paris : Didier Érudition. Sperber, D. et D. Wilson. 1986. Relevance. Oxford : Blackwell. Saussure, F. de. 1978 [1916]. Cours de linguistique générale, T. de Mauro (dir.). Paris : Payot. RÉSUMÉS Les langues spécialisées sont les langues naturelles face aux connaissances professionnelles. Les dénominations complexes, les distributions restreintes et les relations interconceptuelles sont trois caractéristiques majeures. La documentation et la traduction ont besoin de prendre en compte des domaines et des classes d’objets. LSPs are natural languages used with reference to professional knowledge. Complex designations, restricted distributions and interconceptual links are the major features. Documentation and translation need to take into account domains and categories of objects. INDEX Mots-clés : classe d’objets, concept, dénomination, distribution, domaine, langue spécialisée Keywords : category of objects, concept, designation, distribution, domain, specialised language AUTEUR PIERRE LERAT Pierre Lerat est professeur de linguistique à l'Université Paris 13et a dirigé le Département des sciences de l’homme et de la société du CNRS. Il a consacré sa recherche aux questions de lexicologie, de lexicographie (générale et spécialisée, notamment juridique), de terminologie et de sémantique lexicale. Principal ouvrage: Les langues spécialisées, 1995 publié aux Presses universitaires de France. pierre.lerat@wanadoo.fr ASp, 15-18 | 1997 13
  • 15. English for specific purposes (ESP) et français sur objectifs spécifiques (FOS) : le préalable du contenu préalable Denis Lehmann 1 Redoutable honneur, pour un non-angliciste, que de tenter ici la synthèse entre ce qui rapproche et ce qui sépare les conceptions britanniques et françaises en matière d’enseignement des langues étrangères aux publics dits « spécifiques ». Mais si j’en ai accepté le risque c’est que, dans ce secteur de la didactique des langues, un spécialiste de français langue étrangère ne peut aujourd’hui faire l’économie de suivre à la jumelle ce qui se passe et s’écrit à l’autre bout du tunnel1 . 2 Je me dis aussi que la mise en balance de ces deux traditions revient à comparer l’éléphant et la puce ; et que ma préférence avouée pour le plus gros des deux représente à coup sûr un atout décisif. Car la première différence entre l’English for Specific Purposes (dorénavant ESP) et le Français sur Objectifs Spécifiques (ci-après FOS) est évidemment de nature quantitative : ici un marché de formation linguistique assez restreint, d’un dynamisme grandissant mais encore limité, auquel ne correspond qu’un marché éditorial étroit, ne comptant au surplus qu’une maigre poignée d’auteurs potentiels ; là un marché de formation immense, ouvrant des perspectives non négligeables à de puissants éditeurs alimentés par nombre d’équipes, institutions et auteurs ayant pignon sur rue. 3 Si le bilan de ce qui nous unit et de ce qui nous sépare va principalement nous conduire à ausculter la sphère des théorisations didactiques et des choix méthodologiques subséquents, il me semble utile de porter sur la question deux brefs éclairages préalables qui touchent d’abord au poids tout à fait particulier qu’exercent les réalités extra-didactiques (politiques, économiques et institutionnelles) sur l’activité didactique en FOS, puis à la cartographie comparée des domaines, disciplinaires et professionnels, de cette activité dans les deux champs. ASp, 15-18 | 1997 14
  • 16. 1. L’influence des réalités politico-économico- institutionnelles en FOS 4 Depuis la Seconde Guerre mondiale au moins, la diffusion de sa langue et de sa culture a représenté pour la France une « affaire d’État », si l’on veut bien considérer l’expression dans ses deux sens. 5 1.1. À la différence de la plupart des autres pays nourrissant les mêmes ambitions, des institutions d’État sont en charge de cette politique et d’une partie significative de sa mise en oeuvre : singulièrement les ministères des Affaires étrangères et de la Coopération, par le truchement des Services culturels de nos ambassades et des organismes qui en dépendent, soit en propre (Services de Coopération Linguistique et éducative des Instituts et Centres culturels), soit indirectement (les Alliances françaises et leur réseau ; l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Étranger, qui régit les écoles et lycées français) ; sans oublier ni la part que prend le ministère de l’Éducation dans ce concert ni, plus sujettes à variation et plus pianissimo, celles des ministères en charge de la culture ou de la francophonie. 6 1.2. Plus significatif encore sans doute, le fait que, de tous les pays dits industrialisés, ce soit le nôtre qui consacre le plus fort pourcentage du budget de l’État à la diffusion de sa langue et de sa culture. Par delà la baisse tendancielle et probablement irréversible de ce pourcentage, on a pu naguère observer une étroite corrélation entre, d’un côté, la chronologie des « chocs pétroliers » et, de l’autre, les « dents de scie » qui affectent cette baisse et qu’accompagnent, avec une régularité quasi métronomique, les virages (parfois à cent quatre-vingts degrés) des politiques de diffusion culturelle et linguistique. 7 Mieux encore peut-être qu’une typologie de paramètres constituant l’éventail des possibles en matière de politiques linguistiques, de politiques éducatives et de politiques de diffusion, les quelques propos que voici2 — propos de plume comme de fins de repas, d’ailleurs — illustrent, jusque dans le prosaïsme des uns et le cynisme de quelques autres, la prégnance qu’exercent sur le FOS les sphères économique, politique et institutionnelle3 (voir figure 1). Figure 1 1. « La francophonie ouvre à la France un marché potentiel de 150 millions de consommateurs. » 2. « S’agissant de l’image que nous donnons, pouvons-nous échapper à la fatalité qui nous condamne à naviguer entre la culture classique (type Lagarde et Michard), le cocorico technologique (type T.G.V.) et les délices de Paris (type Coco Chanel) ? » 3. « Au-delà de la scolarisation, c’est l’absence d’un environnement culturel francophone qui constitue le plus souvent l’obstacle principal à une diffusion efficace de notre langue. » 4. « Marcel Dassault ou Victor Hugo ? » 5. « Ce dont nous avons besoin c’est de la langue française et non de sa culture. » 6. « Peu importe la langue, ce que nous exportons c’est la France. » 7. « Mettre l’accent sur nos points forts et non sur nos faiblesses. » 8. « Là où le français est distancé de façon irréversible, on limitera les objectifs à des auditoires spécialisés en liaison avec nos opérations de coopération économique, technique et scientifique. » ASp, 15-18 | 1997 15
  • 17. 8 Bien entendu, les choix politiques ainsi affichés manquent rarement, pour peu qu’ils émanent de décideurs, de se traduire en termes sonnants et trébuchants venant rythmer les fluctuations en moyens investis par la sphère politique française au service de ces choix. Le constater n’est pas feindre d’ignorer que l’enseignement de toute langue étrangère est avant tout l’affaire de chaque pays, de ses propres décideurs, enseignants, apprenants. Ainsi du « frances instrumental » en Amérique Latine : après avoir suscité les travaux sur la méthodologie d’apprentissage de la lecture entrepris par plusieurs équipes françaises à la fin des années soixante-dix, il n’a guère été affecté par les avatars de la politique de diffusion française. 2. L’éventail des secteurs d’intervention 9 Consultation des catalogues de grands éditeurs britanniques ou fossé quantitatif évoqué tout à l’heure, tout donne à penser que l’ESP couvre probablement au mieux l’éventail des disciplines, domaines, métiers et professions, sans que pour autant cette couverture ait partout la même épaisseur. Il n’en va pas du tout de même s’agissant du FOS. 2.1. Disciplines, professions, métiers 10 À se pencher sur les deux indicateurs que constituent la production éditoriale de manuels et les diplômes de langue spécialisée, on aboutit sensiblement au même diagnostic : seuls deux domaines du FOS tirent à peu près leur épingle du jeu. Le « français des affaires », bien doté en manuels, souvent récents, nantis en proportion croissante de supports électroniques réputés interactifs (bande vidéo, CD-Rom) ; il doit une bonne part de son dynamisme à l’action de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris et à son réseau planétaire, tissé par association avec une multitude de centres d’enseignement qui trouvent leur intérêt dans la préparation aux certificats de français spécialisé de la CCIP. Le « français du tourisme » bénéficie lui aussi, bien qu’à moindre titre, des mêmes conditions de diffusion. 11 Quant aux travaux universitaires ayant donné lieu à production ou valorisation pédagogique, ils concernent très majoritairement le secteur des Sciences humaines et sociales. 12 À cette maigre moisson, on peut ajouter quelques propositions de topographie4 et deux enquêtes déjà anciennes, livrées à l’initiative du Ministère des Affaires étrangères entre 1987 et 1990. Des analyses menées par J. Couillerot et H. Farid (1990) sur la seconde livrent les enseignements significatifs (voir figure 2). Figure 2 1. Français des affaires : 27 % des opérations (1 pays sur 4) 2. Français de l’hôtellerie et du tourisme : 20 % des opérations 3. Français scientifique et technique : 20 % des opérations 4. Français juridique : 10 % des opérations 5. Français des relations internationales : 10 % des opérations ASp, 15-18 | 1997 16
  • 18. 2.2. Publics : professionnels ou étudiants ? 13 Si la distinction — traditionnelle en ESP — entre « Occupational Purposes » et « Academic Purposes » a pu s’incarner naguère en FOS de façon assez exemplaire dans de vastes opérations de mise à niveau linguistique connues sous l’appellation de « boursiers prioritaires »5 force est de reconnaître que le marché éditorial persiste à ignorer superbement6 le « Français sur Objectifs Académiques » et que nombre d’étudiants étrangers continuent à connaître l’échec dans leurs études en France pour des raisons essentiellement linguistiques. À l’aune des résultats bruts de l’enquête MAE, il pourrait sembler qu’il en aille autrement hors de France, où près de 50 % des opérations recensées concernent des étudiants (voir figure 3). Figure 3 1. Public étudiant (formation initiale ou continue) : 312 opérations 46 % du public 2. Agents de l’État motivés : 125 opérations 19 % du public 3. Public du secteur privé pressé : 97 opérations 15 % du public 4. Public composite mal cerné : 133 opérations 20 % du public 14 Du moins serait-on porté à le croire, si un discret constat de la même étude ne révélait qu’une grosse moitié des opérations recensées sous l’étiquette FOS désignent en fait des cours de langue usuelle, qui n’ont de spécifiques que de rassembler ici des étudiants médecins et là des étudiants juristes. Déplorable réalité qui caractérise aussi, semble-t- il, bon nombre des nouveaux cours de « langue pour non-spécialistes » de nos propres universités. 2.3. Capacité/habileté/compétence 15 Dernière particularité notable du FOS, surtout en contexte universitaire étranger : un assez important déséquilibre en faveur de l’écrit et particulièrement de la compréhension écrite, du fait de choix « stratégiques » privilégiant, aux fins de développement, l’accès à la bibliographie scientifique, technologique et professionnelle en français. C’est ce que l’on nomme « frances instrumental » en Amérique latine, option aujourd’hui largement répandue et dont on ne peut que se féliciter : 16 (i) elle constitue une réponse fonctionnelle à des besoins dotés de quelque semblant de réalité ; autrement dit, si des sources bibliographiques en français sont à la portée des étudiants concernés, ce qui est loin d’être toujours le cas ; ou qu’elle ne se trouve pas dictée par la dérisoire étroitesse des masses horaires consenties aux langues étrangères dans les cursus universitaires bien plus que par des besoins réels ; 17 (ii) à la condition, enfin, qu’elle n’ouvre toute grande la porte aux plus antédiluviennes des pratiques : version et explication de texte notamment, parées à l’occasion des vertueux atours de l’éclectisme. ASp, 15-18 | 1997 17
  • 19. 3. Présupposés théoriques et conceptions didactiques 18 Nous voici donc, avec ces dernières considérations, à la charnière entre caractéristiques des publics et nature de la construction méthodologique proposée en réponse. C’est maintenant aux aspects proprement didactiques que sera consacrée la poursuite de ce qui rapproche ou, à l’inverse, sépare le FOS et L’ESP. Deux remarques préliminaires s’imposent néanmoins. 19 Il est patent qu’en matière d’innovation méthodologique le vent souffle de l’ouest depuis pas mal d’années. Si les revues britanniques citaient volontiers les spécialistes français au plus fort de la vague structuro-globale-audio-visuelle et des « langues de spécialité », il n’en va plus du tout de même aujourd’hui, où les flux se sont totalement inversés ; certains voudraient n’y voir qu’un effet secondaire des travaux menés sous l’égide du Conseil de l’Europe, exonérant à trop bon compte les didacticiens du Français langue étrangère de leur dynamisme perdu. 20 D’autre part, ce que je vais présenter maintenant pourrait donner à croire qu’ESP et FOS seraient en quelque sorte monolithiques ; simple illusion qui ne tiendrait alors qu’au mode de présentation adopté (Tableau 1), où l’expéditif le dispute au lapidaire un peu plus que de raison ; y sont schématisés, en lignes et en colonnes : 21 (i) trois tendances méthodologiques « canoniques » : loin d’être majoritaires ou dominantes dès leur apparition, échelonnée sur une longue période (ce qui ne les empêche nullement de cohabiter aujourd’hui encore), elles ont seulement représenté alors le courant « moderniste », alternatif, novateur, celui par rapport auquel les autres courants ont été amenés à se situer ; 22 (ii) les fortunes diverses rencontrées selon moi, respectivement au sein de l’ESP et du FOS, par chacune de ces trois tendances ; 23 (iii) enfin, le point de vue qui est le mien aujourd’hui sur chacune d’elles, et qui ne peut évidemment se confondre avec l’état du FOS, ni moins encore lui tenir lieu de doctrine. 3.1. Panorama schématique : trois tendances majeures et canoniques Tableau 1 ESP (panorama schématique et subjectif) FOS (panorama schématique et subjectif) FOS (point de vue personnel) 1 Linkstiks and Philogs = de AL à Applied DA des survivances notables = résidus grammaire - traduc./ langues de spécialité= AD appliquée décidément NON, mais ... places et fonctions de l’intervention linguistique 2 Pr Trim and Dr Soandso =« système » européen « SABOC » plutôt « rétro » mais « tendance » OUI oui => oui MAIS => finalement NON : critique du modèle « SABOC » ASp, 15-18 | 1997 18
  • 20. 3 Sing along with Lancaster ! = priorité aux modalités de l’apprentissage = contenu : non linguistique/pas de contenu préalable plutôt NON (« restons français ! » donc cartésiens ...) OUI et NON, ENCORE que : besoin des besoins, diversifier les contenus,importance des modalités de l’apprentissage Commentaires 24 Linkstiks § Philogs : On pardonnera des facéties qui ne seraient que de potache si elles ne se voulaient un hommage moins discret que sincère à certains travaux (publiés ou non, je ne l’ai jamais su) de Tom Hutchinson concernant les représentations que les enseignants de langue se font de leur métier. Heureuse coïncidence, Hutchinson est bien connu des anglicistes pour des positions novatrices, en matière d’ESP notamment (Hutchinson § Waters, 1987), qui sont par ailleurs la marque de son université7 . Les qualificatifs utilisés par notre auteur (j’ose à peine, ici, souligner l’allusion transparente aux sinistres Bandarlogs) ne laissent planer aucun doute sur son opinion concernant les tendances de type « linguistique appliquée ». Bien que stigmatisées de longue date par nombre de linguistes et didacticiens de toutes langues, elles n’en continuent pas moins à prospérer, y compris dans les didactiques de nos deux langues8 , qu’elles empruntent ou non la forme particulière et teintée de modernisme d’une analyse de discours appliquée. De l’autre bord d’un affrontement stérile et très franco-français, le rejet de la linguistique appliquée dégénère trop souvent en rejet de la linguistique dans son entier, là où l’on rêve de n’y trouver que refus de toute logique de disqualification, de refoulement, de l’affrontement boutiquier, en somme de tout ce qui, non dit, se pourrait exprimer en ces termes : « les seules questions que je peux traiter sont des questions d’ordre linguistique ; donc, seules sont dignes d’intérêt les questions relevant de la linguistique ; toute autre est frappée de nullité, problème qui n’existe pas ! ». 25 Professor Trim and Doctor Soandso : Ici, chacun aura reconnu ce courant novateur qui, sous l’impulsion du Conseil de l’Europe à la charnière des années 60 et 70 va marquer durablement la didactique des langues étrangères, en Europe et bien au-delà. La référence à John Trim, infatigable animateur des groupes d’experts, ne surprendra personne ; elle veut aussi souligner le statut de « balise » tenu par le document de 1973 (Trim, ed.), premier jalon largement diffusé en préliminaire à l’élaboration successive des niveaux-seuils. Rappelons que s’y trouvent rassemblés les principes essentiels du système européen en gestation : à côté des modes d’organisation généraux (place des niveaux-seuils dans un syllabus constitué d’unités capitalisables notamment), trois contributions articulées donnent à voir la philosophie du projet en ce qu’elle représente de plus innovant : 26 (i) Celle de R. Richtérich marque l’irruption, en alternative à l’ancienne « centration sur le contenu », d’une première forme de « centration sur l’apprenant », par la prise en compte de l’extrême diversité des situations d’apprentissage (S), des publics d’apprenants visés (A), de leurs besoins langagiers (B) liés à des situations cibles également très diverses, le tout devant déboucher sur la formulation d’objectifs d’apprentissage (O). 27 Une telle approche concrétise en même temps l’émergence d’un regard de nature sociologique dans la didactique des langues, qu’il contribue ainsi largement à fonder. • • • • ASp, 15-18 | 1997 19
  • 21. 28 (ii) Celle de D. Wilkins complète le modèle de traitement des demandes de formation linguistique dans sa dernière étape, l’élaboration du contenu langagier d’apprentissage (C)9 . Ce modèle s’incarne ensuite dans un texte de Van Ek, présentant le Threshold Level dont il est le concepteur et qui viendra bientôt inaugurer la série des niveaux-seuils. Ici, deuxième « révolution » didactique, de nature linguistique cette fois : rendue possible par les évolutions de cette discipline dans les années soixante et appelée aussi bien par un Widdowson que par un Roulet, elle invite à se tourner vers ce que ce dernier nommait les « linguistiques de l’usage ». S’agissant des unités linguistiques de contenu, elles s’incarnent chez Wilkins en « notions » et « fonctions », cadre dont s’inspire, en partie du moins, le Threshold Level. Marquant doublement leur différence, les concepteurs de la version consacrée au français10 , qui paraît l’année suivante, placeront Austin, Searle et la théorie des actes de parole (ou de langage) au coeur d’un appareil dont le titre, Un niveau-seuil, donne à voir, non sans un soupçon d’ostentation, qu’il se veut une simple proposition jetée à l’océan des possibles. 29 Le sort qui sera réservé ici et là au projet européen dans la seconde moitié des années soixante-dix diffère évidemment sur bien d’autres points. S’agissant du système dans son ensemble, à une adhésion somme toute modérée ne répond, du côté du FOS, qu’une critique elle-même timide : si, quant au principe, la prise en compte des besoins fait tant bien que mal son chemin, les outils d’identification restent le plus souvent au placard. Par contre, c’est sur le terrain linguistique (conception de Un niveau-seuil et recours à la théorie des actes de parole) que se concentre une contestation (parfois violemment polémique) issue de divers courants, notamment : chercheurs du CRAPEL de Nancy, proches (et d’ailleurs traducteurs) de T.C. Jupp ; têtes pensantes et agissantes de la revue DRLAV, à l’Université Paris 8 ; linguistes et didacticiens de l’Université Paris 7 se réclamant de la théorie d’Antoine Culioli11 . Pour ce qui est de la didactique de l’anglais langue étrangère et de l’ESP, à une adhésion d’autant plus massive qu’elle est plus aisée (la formation continue y est d’implantation plus ancienne et les nouvelles linguistiques de référence beaucoup mieux connues, puisque majoritairement autochtones) font écho des réactions de rejet qui n’en seront que plus vives (à la fois plus rapides et plus tonitruantes), plus globales, et infiniment plus radicales. 30 Sing along with Lancaster : Facilité de présentation encore, dans la troisième strate du tableau 1, que d’avoir réservé la vedette aux gens de Lancaster, marquant ainsi l’impact persistant de ce qui s’est fait là ; nul n’oublie pour autant que, parmi les didacticiens de l’anglais, il s’en trouva bien d’autres à tailler des croupières au Conseil de l’Europe et à ses épigones12 . Quant à ce sing along, il claironne13 le retour en grâce des modalités de l’apprentissage, noeud gordien d’un nouveau virage méthodologique qui fait suite à une décennie très profondément marquée par le modèle du Conseil de l’Europe. 3.2. Le préalable du contenu préalable 3.2.1. Trois modes de gestion de la diversité 31 L’alternative à trois termes qui vient dessiner mon horizon didactique trouve sa rationalité dans la spécificité essentielle — peut-être la seule — d’un domaine qui, par ailleurs, colle à une histoire récente de la didactique des langues dont elle épouse assez exactement les courants majeurs ; spécificité qu’en sociologie des organisations l’on nommerait un problème de « gestion de la complexité », et qui est surtout un problème de gestion de la diversité. La parenté entre FOS/ESP et Formation continue est ici assez ASp, 15-18 | 1997 20
  • 22. évidente. Ces deux champs ont en effet en commun d’avoir à gérer une infinité de critères diversificateurs, là où les systèmes éducatifs scolaires ne se donnent le plus souvent à traiter, en fait de paramètres, que l’âge des apprenants-élèves, traduit dans la succession des cycles et des classes, au long d’un cursus fort linéaire. Ce dispositif est seulement complexifié en bout de course par la répartition des élèves au sein de quelques segments parallèles, faisant alors intervenir plus explicitement des paramètres de contenu. 32 Face au défi de la diversité/complexité, l’attitude des didacticiens des langues a consisté à choisir un angle privilégié de traitement, modalité que l’on avait pris l’habitude, en Français langue étrangère du moins, de désigner du terme de « centration ». Le Tableau 2 ci-dessous schématise les trois types de centration qui peuvent être envisagés et qui représentent autant de tendances canoniques, correspondant à la fois : aux trois questions classiques : « quoi ? », « à qui ? » et « comment ? » aux trois objets constitutifs de l’activité d’enseignement/apprentissage, ou plus précisément à une construction didactique opérée sur ces trois objets aux trois strates « de fantaisie » du tableau 1. Tableau 2 type de centration paramètre privilégié 1. Linguistique appliquée = « sur le contenu » la langue/le discours 2. Système européen S - A - B - O - C = « sur l’apprenant » les besoins langagiers (= les situations cibles) 3.1 Contenu non linguistique ou 3.2. Pas de contenu préalable = « sur l’apprentissage » les opérations cognitives les pratiques de classe : tâches ou activités communicatives, résolution de problèmes, etc. 3.2.2. Introuvable apprenant 33 La deuxième tendance, éclose avec les années soixante-dix sous les couleurs d’un changement de « centration » avait, en réalité, pour caractéristique et, surtout, pour effet imprévu de renouveler les conditions de détermination des contenus d’enseignement eux-mêmes, encore et toujours posés comme préalable à toute réponse adéquate au défi de la diversité des publics demandeurs de formation linguistique. En somme, outre divers autres défauts, elle m’apparaît aujourd’hui comme une fausse « centration sur l’apprenant », une « centration sur le contenu » maintenue et qui ne dit pas son nom ; point de vue, on le voit, qui n’est guère différent de celui exprimé naguère par Hutchinson et Waters (1987). En résumé : 34 - Réduction, refoulement du sujet : l’apprenant n’y est pris en compte que d’un unique point de vue, auquel se trouve presque toujours réduite l’analyse : celui de ses besoins supposés ; à ce titre, il est bien difficile de considérer que l’apprenant soit • • • ASp, 15-18 | 1997 21
  • 23. véritablement appréhendé en tant que « sujet », dans ses dimensions aussi bien sociales que psychologiques. 35 - Idéalisation : à y regarder de plus près, ces besoins que l’on s’attache à identifier minutieusement ne sont pas les siens ; j’entends par-là que si Carla Lambda, hôtesse de l’air, et Peter Soandso, steward, souhaitent suivre un cours de FOS en vue d’affronter le légendaire monolinguisme des voyageurs français, ce ne sont pratiquement jamais leurs propres besoins qui servent de référence mais ceux, postulés, d’un « sujet- hôtesse/steward-locuteur-idéal » parlant un « français-idéal » dans des « situations-de- communication-idéales » avec les « sujets-passagers-locuteurs-idéaux » des « avions- idéaux » d’une « compagnie-idéale ». 36 - Paris (risqués) et stéréotypes (tenaces) : ce qui vient d’être dit n’est que l’effet pervers d’une problématique opératoire qui semblait a priori prometteuse, celle des situations cibles. Mais le rôle de baromètre des contenus qui lui est attribué n’autorise qu’un seul jeu : celui des « comme si » (comme si tout le monde avait les mêmes habitudes et comportements culturels, réagissait de la même manière, parlait de la même manière, apprenait de la même manière, etc.), aux antipodes d’une centration vraie sur les spécificités des apprenants. Les risques du pari se cumulent avec celui, maintes fois observé, de ne voir retenues que les plus prévisibles et les plus stéréotypées de ces situations, celles où tout énoncé produit est correct, où tout énoncé produit est compris ; et où il y a toujours un pilote dans l’avion... 37 - Déplacement de perspective : au bout du compte, parti d’une problématique de nature sociologique destinée à interroger la diversité des publics d’apprenants, on en revient subrepticement à une problématique linguistique (et, dans le meilleur des cas, sociolinguistique) où les deux seules questions qui vaillent sont : (i) quelles sont les formes linguistiques observables dans un corpus de situations de communication désignées comme cibles ? (ii) Lesquelles de ces formes doivent être acquises par un alloglotte désireux de communiquer efficacement dans de telles situations ? 38 Ceci étant, le rejet d’une telle démarche ne justifie en aucune manière que l’on puisse conclure — et certains ne s’en sont pas privés — à l’inutilité, voire à la nocivité, d’une quelconque prise en compte des besoins. Il ne disqualifie ni les outils d’identification, ni moins encore l’utilité et l’usage de la notion de situation cible. Ce qui est ici en question, c’est l’hyper-linéarité mécanique du système SABOC conduisant à l’hypertrophie des effets pervers, l’enchaînement univoque de relations de cause à effet sous-tendant une séquence immuable d’opérations didactiques posées comme canoniques et, au total, la traduction-réduction, immédiate et imprudente, de chacun des constituants à celui qui le suit (voir figure 4). Figure 4 39 Situation = Apprenant = Besoins = Objectifs = Contenus (langagiers d’apprentissage) 40 On devrait également se garder d’en conclure sans plus d’examen qu’une véritable centration sur l’apprenant demeure hors de nos prises. Remarquons simplement ceci : quelle que soit la langue étrangère en question, c’est du côté de l’apprentissage en autonomie que semble se poursuivre aujourd’hui en France sa quête la plus active. Et craignons, par-dessus tout, qu’en dépit de ses évidents avantages, cette formule ne soit bientôt plus que le dernier des miroirs aux alouettes, si l’on ne s’y donne les moyens de gérer au plus près la diversité des représentations, habitudes et comportements ASp, 15-18 | 1997 22
  • 24. d’apprentissage ; on ne pourrait alors que succomber à ce même fléau qui mine la centration sur l’apprenant dans une pratique de cours ordinaire. 3.2.3. La France est-elle une île ? 41 Enfin, l’alternative qui voit le jour au tournant des années quatre-vingt entend renverser l’ordre des priorités didacticiennes en faveur des modalités de l’apprentissage, grandes absentes du projet européen. Souvent présenté comme un abandon du « quoi enseigner/apprendre ? » au profit d’un « comment enseigner/ apprendre ? », ce virage est cependant assez loin de se négocier dans un ordre aussi parfait. Ce qui, aux yeux de quelques-uns, marque le passage à une deuxième génération des approches communicatives venant tout naturellement redresser les balbutiements de la première sera salué, ailleurs, comme l’avènement d’une ère didactique nouvelle, parfois affublée du nom de « post-communicatif » : 42 (i) D’un côté, certains didacticiens — anglo-saxons surtout, de Lancaster ou d’ailleurs — se font les champions de l’inutilité, voire de la nocivité du « quoi enseigner/ apprendre ? » et en concluent qu’il n’y a pas lieu de se préoccuper plus avant d’élaborer des contenus préalables (le 3.2. du Tableau 2) ; pour eux, le contenu ne sera tout au plus que le relevé a posteriori de ce qui s’est passé dans un cours. 43 (ii) Mais il en est d’autres, également didacticiens de l’anglais langue étrangère, pour ne mettre en question que le contenu même du contenu préalable, et non pas son principe : ils proposent alors des contenus et des syllabus (contenus organisés en progression) qui ne sont plus constitués d’unités linguistiques mais de tâches à accomplir dans la langue cible en vue de son acquisition (le 3.1. du Tableau 2) ; tâches ou opérations, cognitives ou communicatives, ou encore d’apprentissage, peu importe au total, ces contenus centrés sur le « comment apprendre ? » s’illustrèrent tout particulièrement dans une opération qui fit couler beaucoup d’encre, le « Bangalore project », conduit par N.S. Prabhu (1987). 44 (iii) Enfin, de l’autre côté de l’échiquier se font jour, surtout de la part des didacticiens français ou francophones, de fortes résistances à l’abandon des contenus linguistiques préalables, qui pourront à l’occasion passer pour conservatrices dès lors qu’elles impliquent une certaine forme de statu quo, même si l’on n’y refuse pas pour autant qu’une attention plus soutenue soit portée aux modalités de l’apprentissage. 45 Et si peut s’élever (voir Tableau 1) l’invocation rituelle à un supposé cartésianisme français, c’est bien qu’elle fait, au bout du compte, l’affaire des diverses parties. Ici comme repoussoir (décidément, on ne les changera pas...) et là comme armure, ou rempart : impossible, pour un esprit français, d’admettre que l’on puisse enseigner sans savoir ce que l’on va enseigner ; pas de salut sans programme ; et un programme cela se prépare (à l’avance), cela se programme. Telle est à peu près la position tenue, au sein même des débats d’experts du Conseil de l’Europe à la fin des années quatre-vingt, par des didacticiens aussi autorisés que Denis Girard et Jeanine Courtillon (1988). 46 Cette position apparaît, chacun l’aura compris, encore plus fortement ancrée s’agissant de FOS. On ne parvient pas, en effet, à y surmonter ce qui a, pour bon nombre de didacticiens français, toutes les apparences d’une contradiction première : quel sens y a-t-il à parler de besoins et d’objectifs si l’absence de traduction sous forme de contenu prédéterminé interdit tout contrôle de leur plus ou moins grand degré de satisfaction ? Pour dire les choses autrement14 : comment être sûr de ne pas vendre du Victor Hugo à ASp, 15-18 | 1997 23
  • 25. ceux qui veulent du Marcel Dassault, si les contenus ne sont pas soigneusement définis à l’avance ? Une telle attitude pourrait cependant ne plus représenter tout à fait la situation actuelle, tant se multiplient les signes de la distance grandissante prise par les enseignants vis-à-vis des méthodes rigidement organisées et, du coup, à l’égard de contenus du même type15 . 3.3. Compromis de raison ou « réponse de Normand » ? 47 Que penser, finalement, lorsque s’affrontent des positions aussi tranchées ? Celle que pour ma part j’ai adoptée depuis quelques années16 revêt toutes les apparences d’une tentative de conciliation des contraires. En outre, comme elle n’a pas encore subi l’épreuve des faits par l’expérience de l’enseignement-apprentissage, on ne saurait trop dire ce que vaut un pari n’ayant guère dépassé le stade des postulats de principe. 48 Quoi qu’il en soit, ancrée dans l’attachement à une certaine forme de programmation susceptible d’assurer le cadrage des objectifs langagiers d’apprentissage, cette position ne peut être tenue pour médiane que dans la mesure où elle conduit à n’adhérer sans restrictions à aucune des propositions alternatives qui inondent aujourd’hui le marché méthodologique. 49 Rompant, comme on l’a vu, avec la logique hyperlinéaire du système SABOC et de ses divers avatars, elle n’aboutit pas pour autant à disqualifier 50 (i) ni l’identification des besoins, à condition que celle-ci serve à la gestion continue de leurs besoins par les apprenants eux-mêmes, plutôt qu’à la définition d’objectifs et de contenus immuablement gravés dans la cire ; 51 (ii) ni des outils tels que les inventaires et les analyses de situations cibles, pour peu que leur usage soit lui aussi découplé de la stricte détermination de contenus immuablement... et vise à alimenter le cours en matériaux ou échantillons langagiers sélectionnés non aléatoirement et de telle sorte qu’ils soient représentatifs des situations et des types de discours réputés requérir une compétence particulière dans la langue cible, en instruments d’évaluation et de régulation du couple besoins/ objectifs, eux aussi placés à la libre disposition des apprenants. 52 Tout cela montre, sans la moindre ambiguïté me semble-t-il, à quel point la question du contenu langagier demeure au centre du débat. Elle nécessiterait beaucoup plus que quelques « réglages » hâtifs ; je m’en tiendrai néanmoins, pour finir, à trois points essentiels. 3.3.1. Des contenus constitués de procédures ou de tâches ? 53 Les enseignants et didacticiens du FOS prêtent-ils une oreille attentive aux principes et modèles des contenus composés, en matière d’unités, de tâches ou d’activités — d’apprentissage ou communicatives — requérant l’usage de la langue cible ? On serait tenté de dire : une oreille sans doute mais, les deux, certainement pas ; réponse on ne peut plus normande en effet, et qui se décomposera donc en deux. 54 Tout d’abord, on s’interrogera sur la crédibilité que peut avoir aujourd’hui le syllabus procédural de N.S. Prabhu auprès des didacticiens français, qui n’en ont eu connaissance qu’à travers Prabhu (1987) et l’âpre polémique longuement étalée, dans Applied Linguistics et ELT Journal notamment. Les didacticiens de l’anglais, déplacés naguère à Bangalore en cohortes aussi serrées que choisies, mesureront la frustration ASp, 15-18 | 1997 24
  • 26. et le scepticisme qui saisissent leurs collègues français au vu des informations livrées par l’ouvrage de 1987 : quel progrès, en effet, y a-t-il à définir le contenu en termes de tâche à accomplir plutôt qu’en termes d’unités langagières, lorsque la situation de communication ou la tâche elle-même — décider d’un voyage en train à partir d’un tableau indicateur, par exemple — sont si stéréotypées qu’elles ne laissent aucune place à une créativité langagière qui est le fondement même de la compétence de communication ? D’autre part, sur le même exemple, et pour rappeler des vérités premières autrefois épinglées par Roulet : chercher l’heure d’arrivée d’un train que l’on ne prendra pas est-il plus formateur, d’un point de vue communicatif, que demander du feu à un laboratoire de langue ? 55 Mais faut-il pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain ? Tâche et activité occupent dorénavant en FOS une place qui, pour n’être pas nécessairement marquée comme relevant de l’affichage explicite du contenu, ne cesse de croître. D’abord, parce que la pratique de la simulation globale connaît une vogue qui doit sans doute beaucoup à quelques précurseurs, notamment du BELC (les Debyser, Caré, Yaïche, et d’autres encore). Maintenant que, l’expérience venant, les règles en sont clairement établies, les écueils repérés, les animateurs talentueux en nombre suffisant, on voit fleurir les simulations à caractère plus nettement professionnel. 56 D’une façon beaucoup plus générale, à côté de cette technique particulière mais relevant du même ordre de philosophie pédagogique, s’impose peu à peu la nécessité d’alternatives aux pratiques de formation linguistique classiques, disons dans la tradition « des cours de langue » ; infligées à des adultes engagés dans la vie professionnelle, elles génèrent de la régression, à coup sûr (s’asseoir derrière des rangées de tables...), des doses variables de frustration, sans doute (parler quand on n’a rien à dire et, pour le reste...), des savoir-faire communicatifs, peut-être. L’une de ces alternatives désirables consiste à « professionnaliser » le cadre et le temps de la formation ; à faire en sorte que — hors toute idéalisation — l’ambiance, les activités, le recours aux outils, le rapport au savoir, bien loin de ressembler à ce qu’ils sont dans une classe, prennent plutôt les tonalités du travail de laboratoire (à condition qu’il ne soit pas de langue), du bureau d’étude, de l’agence, de la réunion d’expertise, et que sais-je encore. Les modes d’utilisation de l’ordinateur représentent d’ailleurs un puissant révélateur du très profond clivage qui, en matière d’apprentissage, sépare ceci et cela. 3.3.2. Contenus et contenus 57 Revenons une dernière fois à l’idée selon laquelle le FOS perdrait toute spécificité si un minimum de programmation ne venait garantir que la formation proposée soit en adéquation avec les besoins des apprenants. Seule une vision réductrice, archaïque et, pour tout dire, inculte de l’activité d’acquisition-apprentissage peut conduire à conclure que le « principe d’adéquation » fait obligation d’enseigner les types de discours dont la pratique est requise par ou pour ces apprenants ; ce qui importe, en la matière, est que les apprenants soient placés au contact de ces discours et de leurs situations d’usage. En termes de démarche didactique, il s’agit alors de construire un environnement (ou décor, ou paysage) langagier représentatif de ce qui attend l’apprenant à l’issue de son apprentissage, environnement qu’il sera invité à fréquenter librement (en fait plus ou moins librement selon ses habitudes d’apprentissage et, le cas échéant, celles de ses condisciples, et selon les conceptions méthodologiques de ASp, 15-18 | 1997 25
  • 27. l’enseignant). Cet ensemble, échantillonné et représentatif, constitue bel et bien un contenu ; simplement ce n’est, pour utiliser la terminologie consacrée, ni un contenu d’enseignement, ni un contenu d’apprentissage. Je me suis habitué depuis bientôt vingt ans17 à le nommer, faute de mieux, un « contenu pour l’apprentissage » : si l’expression n’est pas de celles qui font carrière dans le slogan, elle n’en désigne pas moins exactement l’objet en question. 58 Une telle pratique situe clairement la question des contenus dans une problématique « de l’abondance », par opposition à la problématique « du petit pas » ou « de la pénurie » (selon qu’on la loue ou qu’on la stigmatise), qui caractérise généralement les contenus prédéfinis. Cette pédagogie de l’abondance n’est, tout compte fait, que le fruit d’un réalisme hérité, notamment, des travaux acquisitionnistes : on n’y fait pas mine d’ignorer que tout apprenant ne fait jamais son miel que là où il l’entend et comment il l’entend. 59 Mais comme elle invite aussi à ce que les apprenants introduisent eux-mêmes des éléments de contenu, notamment à l’occasion de leurs tentatives de communication en langue cible, cette conception du « contenu pour l’apprentissage » relève également des approches communicatives de seconde ou de dernière (?) génération18 , ou encore de toute forme de pédagogie se donnant pour moteur l’interaction communicative entre les participants engagés dans l’activité d’enseignement-apprentissage. Peu importe au total la dénomination : de toute pédagogie où l’acquisition des savoir-faire a sa place au sein du cours, dans le temps et le lieu de l’apprentissage, et pas seulement en dehors, ce dernier étant voué à la seule acquisition de savoirs linguistiques ou métalinguistiques. 3.3.3. La composante culturelle dans les contenus 60 Il s’agit là d’un point tout à fait primordial, si ce n’est même le préalable à tous les autres ; mais comme je ne cesse d’y revenir depuis quatre ans, je m’abstiendrai de le développer ici encore. Bien maigre secours, en effet, que des rudiments de grammaire et de vocabulaire, quand la complète méconnaissance des habitudes culturelles de l’Autre vient ruiner toute possibilité de compréhension dans les relations de travail ou d’affaires et les échanges scientifiques ou technologiques. 61 Le problème n’est nullement de trouver des exemples d’obstacles culturels à la communication exolingue dans le travail, alors que se multiplient recherches sur les cultures d’entreprise et travaux de sociologie interculturelle19 . Il est d’abord de bousculer des chapes de représentations chevillées à l’esprit des enseignants (tout au moins des enseignants français de langues) comme (me semble-t-il) à celui de beaucoup d’apprenants, les portant à tenir la science et la culture, les langues comme véhicule de l’une et comme véhicule de l’autre, pour territoires hermétiquement étanches, aliénés, antagonistes, inconciliables, irréconciliables. C’est au prix de cette forme (quelque peu ironique) d’acculturation que la composante culturelle de la relation à l’étranger, dont la vague se fait aujourd’hui lame de fond s’agissant d’apprentissage de la « langue usuelle », recevra droit de cité dans les contenus des cours de FOS. 62 Quant aux outils et dispositifs susceptibles de permettre cette intégration, ils ne font pas non plus défaut. On se limitera, pour finir, à la seule mention de deux réalisations déjà bien connues et du plus grand intérêt pour la manière dont elles articulent, chacune à sa manière, langue et culture, en une configuration polymorphe où des syllabus divers composent le curriculum d’enseignement-apprentissage : d’une part les ASp, 15-18 | 1997 26
  • 28. travaux de Michael Byram et, d’autre part, le « curriculum multidimensionnel canadien »20 . BIBLIOGRAPHIE AUPELF-Crédif, éds. 1982. Transferts de formation. Paris : AUPELF. Béacco, J.-Cl. et D. Lehmann (dir.). 1990. Publics spécifiques et communication spécialisée. Paris : Hachette (Coll. F-Recherches et applications). Brumfit, C. & K. Johnson (dir.). 1979. The Communicative Approach to Language Teaching. Oxford : Oxford University Press. Byram, M. 1992. Culture et éducation en langue étrangère. Paris : Hatier/Didier-Crédif (Coll. LAL). Couillerot, J. et H. Farid. 1990. « Français sur objectifs spécifiques. Parier sur l’ouverture ». Le français dans le monde 235. Girard, D., J. Courtillon, B. Page et R. Richterich. 1988. Choix et distribution des contenus dans les programmes de langues. Strasbourg : Conseil de l’Europe. Hutchinson, T. & A. Waters. 1987. English for Specific Purposes. A learning-centred approach. Cambridge : Cambridge University Press (Coll. New Directions in Language Teaching). LeBlanc, R. 1989. « Le curriculum multidimensionnel : une approche intégrée pour l’enseignement de la langue seconde ». Études de linguistique appliquée 75. LeBlanc, R. 1995. « Le curriculum multidimensionnel : questions d’implémentation ». Études de linguistique appliquée 98. Lehmann, D. 1993. Objectifs spécifiques en langue étrangère. Les programmes en question. Paris : Hachette (Coll. F-Références). Mariet, F. 1980. « Les armes égales que sont les mots. Sur la dimension sociologique de la rhétorique des sciences économiques ». In Lehmann D. (dir.), Lecture fonctionnelle de textes de spécialité. Paris : Didier (Coll. VIC). Prabhu, N.S. 1987. Second Language Pedagogy. Oxford : Oxford University Press (Coll. Applied Linguistics),. Trim, J. (dir.). 1973. Systèmes d’apprentissage des langues vivantes par les adultes. Strasbourg : Conseil de l’Europe. Trimble, L. 1985. English for Science and Technology. A discourse approach. Cambridge : Cambridge University Press. NOTES 1. Le présent article est le texte remanié de la conférence plénière prononcée par l’auteur lors du 18e colloque du GERAS à l’ENS Ulm de Paris en mars 1997, dont le thème était Langue anglaise de spécialité/langue française de spécialité. ASp, 15-18 | 1997 27
  • 29. 2. Volontairement non référencés, ils émanent surtout de « décideurs » français, parfois de didacticiens français (2 et 4), parfois de partenaires étrangers (5). 3. Pour un exposé des conditions et effets de cette prégnance, se reporter au chapitre 3 de Lehmann (1993). 4. Voir les interventions de B. Aubert à la table ronde concluant Béacco et Lehmann, dir. (1990). 5. AUPELF-Crédif, éds (1982). 6. C'est ainsi qu'un excellent matériel expérimental réalisé par deux collègues de Paris 8 et Paris 10 est resté dans les cartons faute de trouver éditeur à... sa taille. 7. Puisque l'on parle à son propos d'une « École de Lancaster », illustrée notamment, outre les précédents, par les plumes de Breen, Candlin ou encore Allwright. 8. J'ai, pour ma part (1993), concentré sur le seul Trimble un tir présentant l'avantage décisif d'être bien trop court pour atteindre jamais une telle cible, tout en me préservant des foudres de mes collègues Linkstiks ou Philogs français. 9. Aussi ai-je cédé à la commodité de désigner ce modèle par la formule « système SABOC ». 10. E. Roulet et l'équipe du Crédif animée par D. Coste : J. Courtillon, M. Martins-Baltar, E. Papo. 11. Il n'est certainement pas indifférent de noter que ces deux groupes avaient en commun d'être principalement constitués d'anglicistes. 12. Voir, à côté d'une prise de distance qui ne se démentira pas chez Widdowson, les nombreuses publications, collectives ou non, de la fin des années 1970. Notamment, Brumfit & Johnson, dir. (1979). 13. On est censé y voir une allusion à ces immortels compagnons des veillées anglo-saxonnes que furent les disques de la série « Sing along with Mitch ». 14. Par référence au bouquet d'opinions (en l'occurrence la citation 4) sur la diffusion du français présenté au début de cet exposé. 15. À l'appui de ce qui n'est pas qu'un sentiment : à l'occasion d'un DEA entrepris sous ma direction, Caroline Chevalier montre, recensement à l'appui, que bon nombre des manuels récents de français des affaires n'affichent explicitement aucun contenu syntaxique spécifique. 16. Elle apparaissait déjà pour l'essentiel dans l'avant-dernier chapitre de Lehmann (1993), notamment 7.3., 192 et sq. 17. Depuis que, dans le cadre d'un projet mené au sein du Crédif, le sociologue François Mariet en construisit un premier et magistral exemplaire, selon des principes largement empruntés à P. Bourdieu ; voir Mariet (1980). 18. Du moins Christopher Brumfit (dans Brumfit & Johnson, dir. [1979], 183) considère-t-il l'apport de contenu par les apprenants comme « l'impact le plus durable du mouvement communicatif » (c'est moi qui traduis). 19. Pour une première information, Lehmann (1993), chapitre 1. 20. Pour le second, on se reportera à Leblanc et, si l'on souhaite plus de détails, aux six ouvrages non référencés publiés en 1990, sous la direction du même LeBlanc, par l'Association canadienne des professeurs de langues secondes et M Éditeur. RÉSUMÉS L’état comparatif de l’ESP et du FOS amène d’abord à pointer la totale disproportion existant entre les deux marchés linguistiques et éditoriaux ; puis à souligner le poids tout particulier des ASp, 15-18 | 1997 28
  • 30. facteurs « politiques » en FOS. Autre asymétrie, encore, que l’influence persistante des thèses anglo-saxonnes sur les positions françaises au plan méthodologique. Schématiquement décrit, celui-ci se caractérise dans les deux secteurs par la coexistence de trois mêmes courants, toujours concurrents bien qu’inégalement porteurs. Mais si l’on s’accorde assez bien aujourd’hui pour se défier de démarches trop systématiques et prêter une attention croissante aux modalités de l’apprentissage, les didacticiens français demeurent, quant à eux, particulièrement sensibles à la nécessité méthodologique d’un contenu d’enseignement préalable — défini en termes linguistiques et/ou non linguistiques — en vue de ménager la diversité des besoins et des objectifs. A comparison of ESP and its equivalent for the French language (FSP) highlights the disproportion between the two markets, in both linguistic and editorial terms, also the fact that “political” factors play a part in FSP. A further difference is the continued influence of Anglo- Saxon arguments on French methodology. This is described briefly, noting that in both sectors are found the same three trends, though in varying degrees of intensity. There is now agreement over the fact that methods which are too systematic are to be avoided, and more attention should be paid to modalities of language learning. Nevertheless, French didacticians remain particularly sensitive to the methodological necessity for having a pre-determined programme content defined in linguistic and/or non-linguistic term — in order to deal with the diverse needs and objectives of learners. INDEX Mots-clés : besoins, centration sur la langue, centration sur l’apprenant, composante culturelle, curriculum, ESP, FOS, situation-cible, syllabus, système Keywords : cultural component, curriculum, ESP, FSP, language-centred approach, learner- centred approach, need, syllabus, system, target-situation AUTEUR DENIS LEHMANN Denis Lehmann est maître de conférences HDR à l’Université Denis Diderot, UFR de Linguistique, où il assume la responsabilité du cursus de Français langue étrangère, après avoir passé vingt années au Crédif (ENS de Fontenay-Saint Cloud). Ses travaux et publications portent sur la linguistique textuelle et la didactique des langues, notamment le FOS, de la lecture (y compris assistée par ordinateur), les curriculums d’enseignement-apprentissage, les relations entre linguistique et la didactique des langues. ASp, 15-18 | 1997 29
  • 31. Recherche comparative internationale à la base de trois méthodes de LSP Martine Verjans Justification de la recherche 1 La recherche comparative internationale Linguaplan Limburg 1993-19971 , ayant mené au développement de trois méthodes de langues de spécialité (LSP), trouve ses origines dans deux constatations : le caractère essentiellement exportateur de l’activité économique flamande d’une part et la pénurie de méthodes d’apprentissage ciblées de langue étrangère (LE)2 pour des publics professionnels d’autre part. 2 L’économie flamande3 repose essentiellement sur un très dense tissu de PME-PMI4 à effectif réduit5 réalisant un pourcentage important6 de leur chiffre d’affaires grâce à l’exportation. Franchir des frontières nationales n’implique pas forcément la confrontation à une autre langue, mais la situation géographique spécifique7 des entreprises flamandes inclut tout naturellement un contact allophone, constatation d’autant plus valable pour le Limbourg8 . Obstacle ou défi ? 3 Malgré le nombre toujours croissant des centres de formation en communication allophone et en dépit des multiples initiatives d’organismes en tout genre (patronat flamand, gouvernement, VDAB9 ), entrepreneurs et formateurs ne se disent que rarement satisfaits des résultats des formations suivies. Comment expliquer que, des deux côtés, de sérieux efforts soutenus n’aboutissent pas au rendement tellement urgent ? 4 Il s’avère que trop souvent, les méthodes d’apprentissage de LE destinées tant aux publics professionnels qu’aux élèves de la formation initiale (surtout professionnel et technique) sont doublement inadaptées : leur contenu ne correspond pas aux besoins professionnels (futurs) des apprenants, et leur démarche didactique ne prend pas suffisamment en compte les spécificités du groupe cible. Les centres de ressources ne ASp, 15-18 | 1997 30
  • 32. fournissent pas non plus les solutions requises : ordinairement ils ne présentent que des documents authentiques bruts et ils sont le plus souvent liés à l’apprentissage en autonomie complète ou en semi-autonomie – dernière parade de nombre d’organismes. Plusieurs facteurs (psycholinguistiques et autres) sont probablement la cause de la rentabilité médiocre de ce genre de formations. Une dialectique rigoureuse à ce sujet nous mènerait trop loin puisqu’elle n’entre pas dans les objectifs du présent article, mais elle se justifierait certainement. Les « autoroutes de l’information », dernière nouveauté technologique et si alléchantes qu’elles soient du point de vue de la motivation (elles pourront bien servir de carotte...), ne permettent malheureusement (toujours) pas l’entraînement à la production orale ni l’évaluation de cette compétence combien importante dans la plupart des milieux professionnels. 5 Pour aider à faire face à ces multiples défaillances, l’unité de recherche en linguistique appliquée du Centre universitaire du Limbourg (LUC-CTTL) a monté le projet mentionné. Cette recherche comparative se voulait à échelle internationale afin de pouvoir découvrir les différences éventuelles entre les pays concernés quant aux besoins de communication professionnelle en LE, en vue de l’objectif final, à savoir la réalisation de modules répondant aux besoins identifiés, utilisables dans l’enseignement présentiel ou en semi-autonomie (avec tutorat). Ils devraient conduire au plus vite à la fixation d’automatismes de communication professionnelle en évitant les explications grammaticales et toute forme de métalangue. Des contenus adaptés aux besoins professionnels (futurs) en matière de communication en LE 6 Le principe de base de Linguaplan Limburg 1993 - 1997 était de puiser toute information dans les différents secteurs économiques auprès des personnes mêmes en poste. Cette approche nous paraît la seule fournissant des garanties d’authenticité et de fonctionnalité aux contenus d’une méthode conçue pour des publics à besoins précis et délimités. D’ailleurs, le projet Linguaplan Limburg s’était fixé comme objectif final de développer des modules de communication en LE afin de satisfaire les réels besoins des utilisateurs. À cette fin, un consortium a été composé regroupant des centres de recherche en linguistique appliquée10 ainsi que des organisations professionnelles et patronales11 de cinq pays de l’UE. 7 Cette recherche comparative internationale s’est déroulée en trois phases. 8 La première phase, plutôt générale et essentiellement quantitative, a fourni l’inventaire des besoins en matière de communication en LE, toutes fonctions et toutes activités économiques confondues, et ce au niveau transnational, à savoir des pays partenaires du projet. Une réponse à plusieurs questions s’imposait : dans quels secteurs et pour quelles fonctions les besoins en LE s’avèrent-ils les plus urgents ? pour quelles langues ou, en d’autres termes, quelle est la hiérarchie des LE ? quel est le mode de communication privilégié (téléphone, télécopie...) ? quelle est la proportion de langue générale et de langue de spécialité (LSP) ? existe-t-il une corrélation entre la maîtrise d’une LE et le chiffre d’affaires réalisé dans cette langue ? quelle est l’importance de la connaissance des LE pour le salarié (recrutement, carrière) ? • • • • • • ASp, 15-18 | 1997 31
  • 33. le cas échéant, faute de compétence langagière, comment l’entreprise essaie-t-elle de « se débrouiller » (recours à la sous-traitance et coûts afférents) ? 9 Une enquête écrite fut diffusée auprès de 848 PME-PMI, échantillon représentatif correspondant aux codes NACE12 ou APE13 et à la taille des entreprises établies dans les régions examinées des pays concernés. L’interprétation des résultats des tris à plat et des croisements significatifs a été soumise à l’avis de « témoins privilégiés » des secteurs enquêtés et ce d’après les principes de l’audit d’entreprise. L’analyse des données s’est limitée pourtant aux seuls secteurs secondaire et tertiaire, le secteur primaire (code NACE 0, comprenant le domaine des activités productrices de matières non transformées) n’ayant fourni que quelques observations. 10 À titre illustratif14 , voici quelques résultats (en valeurs absolues ou en fréquences relatives) comparant la province du Limbourg (B) avec la région d’Anjou (F)15 . Quant à l’interprétation de ces constatations ou à l’ensemble des résultats, nous renvoyons au rapport Linguaplan Limburg - Phase 1 (voir références bibliographiques). Hiérarchie des LE et leur relation réciproque B : le français s’avère le plus important (coefficient 6), suivi par l’allemand (3) et l’anglais (2), l’italien et l’espagnol ; F : l’anglais domine nettement (coefficient 6), suivi par l’allemand (3), puis par le castillan et le néerlandais (2), l’italien, le portugais, l’arabe et le catalan. Fréquence des contacts allophones B : plus de trois PME-PMI sur quatre prétendent avoir au moins un contact allophone par jour ; plus l’entreprise est grande (plus de dix salariés), plus elle a de tels contacts ; F : la moitié des entreprises n’utilise que le français ; seulement neuf des 265 entreprises ont (en moyenne) un contact allophone par jour. Chiffre d’affaires (CA) B : plus d’un quart réalise plus de 20 % de son CA en français et plus de 10 % en allemand (ce qui confirme la hiérarchie) ; F : si l’entreprise réalise une partie de son C.A. dans une langue étrangère, celui-ci ne dépasse que rarement les 5 %16 . Influence sur la carrière B : pour 86,2 % des PME-PMI sondées, la maîtrise d’une (et de préférence deux, voire trois) LE représente un atout majeur ; F : seulement 30,1 % en font un critère de sélection. Initiatives afin d’améliorer la connaissance des LE du personnel17 B : seulement 56,5 % des PME-PMI où l’on estime que les LE influent sur la carrière, prennent des initiatives ; F : seuls 5,6 % des entreprises interrogées font des propositions (cours à l’extérieur). LSP versus langue générale ; oral versus écrit B : les besoins se situent aussi bien au niveau de la langue de spécialité qu’au niveau de la langue générale, quoique cette dernière soit considérée comme plus importante, sauf pour les fonctions techniques18 ; F : pour les entreprises exprimant des besoins en LE, une légère prédominance de la langue générale se manifeste (35,33 %) par rapport à la langue de spécialité (21 %), et ce plutôt au niveau des directions. 11 Surtout en Belgique, où elles constituent plus de 25 % des tâches, les activités en LE se font à l’oral (direction, fonctions techniques supérieures, fonctions orientées vers • • • • • • • • • • • • • ASp, 15-18 | 1997 32
  • 34. l’extérieur), voire seulement à l’oral pour les fonctions techniques inférieures, tandis qu’au niveau de l’administration inférieure, oral et écrit se tiennent en équilibre. Appel à un service de traduction B : 190 des 205 entreprises enquêtées s’adressent à des traducteurs extérieurs19 . Il faut néanmoins relativiser ces résultats puisqu’il s’agit essentiellement d’aide au niveau de l’écrit, celui-ci ne représentant pourtant que 13 % de la communication d’affaires ; F : 9,7 % des entreprises de l’échantillon font appel à un service extérieur (représentant seulement 7000 FRF par an en moyenne), tandis que 15 % disposent d’un service intégré (anglais 7,8 %, allemand 4,1 %, espagnol/castillan 1,5 %). Échecs à la suite d’un manque de connaissances en LE B : 25 % des interrogés avouent avoir dû refuser des ordres ou l’échec de contacts (avec des répercussions directes sur le chiffre d’affaires !) ; F : 93,7 % prétendent n’avoir jamais (!) eu de difficultés. 12 Les principes méthodologiques de cette première partie de la recherche forment aussi la base de la deuxième phase à caractère plutôt qualitatif. L’objectif a été double : la constitution et l’analyse de corpus oraux (entretiens téléphoniques, réunions, face à face...) et écrits (lettres, télécopies, autres documents...) liés à plusieurs fonctions, et, ensuite, la composition des profils langagiers correspondants. Le dépouillement des corpus a été effectué à plusieurs niveaux : lexique, micro- et macrocombinaison (collocations et discours), nuance de sens et registre. 13 Le choix des six profils retenus20 résulte directement de la première phase de la recherche, à savoir les secteurs et fonctions éprouvant les plus grands problèmes de communication allophone. 14 La composition des profils a requis une préparation minutieuse, à savoir la rédaction d’un référentiel général à partir de la littérature disponible (parfois sommaire). Ces grilles d’entretien, d’abord prévalidées par un spécialiste du secteur concerné, ont servi de base à tout entretien, quelle que soit sa nature, avec des « témoins privilégiés » : remue-méninges avec des personnes en poste, tant horizontal (parcourir toutes les activités communicatives d’une année avec mention de leur fréquence et de leur importance) que vertical (une journée type du matin au soir), entretiens en face à face avec le supérieur hiérarchique et ensuite avec une ou plusieurs personnes en poste. La comparaison des informations obtenues par ces différentes voies a conduit aux profils authentiques de fonction. 15 Chacun de ces profils linguistiques comprend l’inventaire détaillé des situations de communication et des actes de parole propres à la fonction concernée. À ces données ont été ajoutées des informations concernant le média utilisé, la fréquence (I = au moins une fois par jour... III = de temps en temps seulement) et l’importance de l’acte (1 = très important, 2 = important, 3 = moins important) ainsi que son caractère réceptif (R) ou productif (P), écrit (é) ou oral (o). De plus, l’analyse fréquentielle de corpus a permis d’enrichir chaque profil des composantes langagières les plus représentatives de la fonction examinée. 16 Vu le caractère européen de Linguaplan Limburg 1993-1997, tous les profils étant établis par une seule équipe du projet ont dû être validés à échelle transnationale. Ainsi, ces inventaires initiaux ont été soumis pour validation à un partenaire étranger. Il a surtout fallu déterminer si les différences observées révélaient un oubli ou plutôt une différence nationale. Les profils définitifs résultent donc du travail de binômes de recherche, dont chaque pôle se situe dans un autre pays partenaire du projet. Le cas • • • • ASp, 15-18 | 1997 33