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LE SYMBOLISME EN ESPAGNE:
QUESTIONS D’IDENTITÉ ET D’INFLUENCE ÉTRANGÈRE.
LE CAS DE JUAN RAMÓN JIMÉNEZ
De Baudelaire a Lorca.
José Manuel Losada, Kurt Reichenberger & Alfredo Rodríguez (eds.),
Kassel: Reichenberger, 1996, II, p. 363-390
Selon une opinion assez répandue, le symbolisme espagnol s’est exclusivement développé à
l’instar de celui de la littérature francophone. S’il est vrai, comme on l’a dit, que l’on rencontrait peu
d’Espagnols et d’Hispano-Américains parmi les cercles symbolistes, il ne l’est pas moins qu’avec le
siècle nouveau beaucoup sont venus en France. Ces poètes, de Machado à Juan Ramón Jiménez, sont
les moins affectés par le verbalisme, les moins somptueusement décoratifs, les plus sobres et peut-
être les plus pénétrés de vie intérieure de l’Europe de leur temps. Ils ont été très peu séduits par le
décadentisme facile et sentimental des symbolistes mineurs. Nulle part ailleurs, l’exemple de la poésie
française du symbolisme n’a agi avec plus de discrétion et en même temps avec plus en profondeur1.
Quoique flatteur pour un lecteur hispanophone, ce commentaire laisse planer un léger soupçon
d’ambiguïté, et reste un peu en-deçà de l’attente éveillée après une telle louange. Aussi aurait-on
souhaité une plus riche information sur les auteurs et les nouvelles conceptions poétiques introduites
dans le monde hispanique par la nouvelle vague venue de France.
L’approche faite par Peyre ne suffit donc pas pour rendre compte de la chaleureuse réception
–tout à fait hors du commun– que les intellectuels espagnols, et notamment les poètes de la fin de
siècle, prétèrent à l’école symboliste. Infatigables voyageurs, la plupart connaissaient la France, se
procuraient les derniers recueils de poèmes édités en français –langue qu’ils connaissaient assez bien–
, et donnaient à leur tour des compositions qu’on a aussitôt considérées imprégnées d’esprit
symboliste…2.
Nous prenons pour exemple ce poète andalou né à Moguer (dans la province de Huelva), Juan
Ramón Jiménez, communément associé aux auteurs espagnols influencés par un énorme héritage
culturel de francophilie. Signalons que son état de santé ayant été perturbé dès la mort de son père,
le 8 mai 1901 Juan Ramón fut interné dans la Maison de Santé du Castel d’Andorre (en Bouscat,
Gironde). Ici le Dr Lalanne l’aurait soumis à des examens cliniques. Peut-être n’est-il pas dépourvu
d’intérêt de souligner que ce médecin, déjà célèbre à l’époque, avait publié, entre autres livres, un
traité sur Les Persécutés mélancoliques (1897). Il était, de toute évidence, la personne la plus adéquate
pour s’occuper du jeune écrivain “hypersensible”3. Nul doute alors du degré de familiarité que Juan
Ramón –c’est ainsi qu’on l’a souvent appelé en Espagne– acquit avec la langue française. Il en va de
même pour ses lectures, car il connaissait déjà et lisait avec assiduité tous les poètes qui étaient alors
en vogue de l’autre côté des Pyrénées. “Parti pour la France à l’âge de dix-neuf ans, déclarait-il lors
1 Vid. Henri PEYRE, Qu’est-ce que le symbolisme?, Paris, Presses Universitaires de France, 1974, p. 227.
2 On peut citer quelques livres comme Alma de Manuel Machado qui est plein de combinaisons dans le style de Verlaine;
ou encore les recueils Soledades et Galerías y otros poemas, de son frère Antonio, beaux paradigmes du symbolisme espagnol;
vid. Juan Ramón JIMÉNEZ, El Modernismo. Notas de un curso (1953), Madrid, Aguilar, 1962, Ricardo GULLÓN et Eugenio
FERNÁNDEZ MÉNDEZ éd., p. 158 et 161.
3 Sur cette étape de la vie de Juan Ramón Jiménez, vid. Ignacio PRAT, El muchacho despatriado. Juan Ramón Jiménez en Francia
(1901), Madrid, Taurus, 1986.
2
d’une conférence, j’ai pu acheter à Paris les livres des symbolistes: Mallarmé, Verlaine, Rimbaud,
Francis Jammes, etc., qui ne circulaient encore ni en Espagne ni en Amérique latine”4.
Dans la liste de ses “Vingt poètes préférés”, qu’il donna sur la page de garde de Jardins lointains
(1904), figuraient, parmi d’autres, Moréas, Verlaine, Samain, Rodenbach, Maeterlinck, Fort, Laforgue
et Francis Jammes5. Musset s’y trouvait aussi. En revanche, on est étonné de constater l’absence de
Baudelaire, dont Juan Ramón s’est si souvent inspiré dans ses compositions. Pour ce qui est de
Mallarmé, on conçoit facilement l’importance que Juan Ramón Jiménez –à l’instar de l’auteur d’Igitur–
accordait à l’idée de “suggérer”: “Le poème, dit-il, est plus semence que fruit…, moi, je fais l’essence.
Celui qui pourra, qu’il la prenne…”6. Et l’on pourrait, abondant dans le même sens, indiquer les titres,
nettement musicaux, des livres de sa première époque: Arias, Ballades, Solitude sonore…
Il est aisé de discerner dans ces compositions une influence durable, aussi bien dans la façon
d’apprécier la réalité que dans celle d’user de tournures et de manières d’écrire chères à l’école
symboliste. Aussi utilise-t-il à profusion divers types d’images avec plusieurs développements où
l’intérieur du poète et l’extérieur de la nature s’imbriquent de manière harmonieuse:
Mi vida es cual un roce de sedas que cantaran
como pájaros tristes de pálidos colores…
cuando sale la luna, los pájaros se duermen
y solo queda la memoria de las voces7.
Ma vie est comme un froissement de soies qui chantent
comme de tristes oiseaux aux pâles couleurs…
quand la lune sort, les oiseaux s’endorment
et il ne reste plus que le souvenir des voix.
Quisiera ser orilla de flores de ribera,
…
la paloma inmortal que alcanzaran tus manos8.
Je voudrais être un rivage de fleurs riveraines,
la colombe immortelle que tes mains atteindraient.
Será mi seco tronco, con su nido desierto;
y el ruiseñor que se miraba en la laguna,
callará, espectro frío, entre el ramaje yerto
hecho ceniza por la vejez de la luna9.
Ce sera mon tronc desséché, avec son nid désert;
et le rossignol, qui se regardait sur la lacune, se taira,
spectre froid, entre le branchage raide,
rendu cendre par la vieillesse de la lune.
Y cual lobo hecho oveja, temblorosa y perdida,
volvía por el campo, balando, mi amargura10.
Et comme un loup devenu brebis, tremblotante et égarée,
mon amertume retournait, en bêlant, par la campagne.
4 El Modernismo. Notas de un curso (1953), op. cit., p. 227.
5 Vid. Vicente GAOS, Juan Ramón Jiménez. Antolojía poética, Madrid, Cátedra, 1981, p. 31.
6 Cité par GAOS, op. cit., p. 34.
7 Poème n 2 de “La voz velada”, dans Melancolía, Madrid, Taurus, 1981, p. 118.
8 “Voz de seda”, poème n 161 de Segunda Antolojía Poética, (1898-1918), Madrid, Espasa-Calpe, 1952, p. 122.
9 “Elejías intermedias”, poème n 82 de Segunda Antolojía Poética, (1898-1918), op. cit., p. 73.
10 Cité par BOUSOÑO, El Irracionalismo poético. El símbolo, Madrid, Gredos, 1977, p. 79. Nous rendons ici hommage aux
travaux de ce chercheur espagnol qui nous a tant éclairé dans nos recherches sur ce sujet. C’est à lui que nous avons
emprunté un grand nombre d’idées et de citations.
3
Una a una, las hojas secas van cayendo
de mi corazón mustio, doliente y amarillo11.
L’une après l’autre, les feuilles sèches tombent
de mon cœur fané, jaune et douloureux,
ici l’on entend l’écho des vers de Samain:
Et chaque feuille d’or tombe, l’heure venue,
Ainsi qu’un souvenir, lente, sur le gazon12.
Il faut souligner que ce type d’images représentait une véritable révolution dans la poésie
espagnole de l’époque13. Jusqu’alors, la littérature avait accordé une spéciale importance à
“l’intensification” des ressemblances rationnelles qui étaient la base de l’équation imaginative de la
structure traditionnelle. Mais avec Juan Ramón, nous assistons au passage des attributs spécifiques
du monde imaginaire vers le monde réel, ce qui provoque la destruction de ces mêmes ressemblances
rationnelles.
***
Cependant, soucieux de nous en tenir au thème de cette étude, nous voudrions attirer
l’attention sur quelques aspects moins connus au sujet du mouvement de nature symboliste dans la
littérature espagnole et chez notre auteur. Nous aborderons ici quelques aspects différents de
l’évolution de ce poète qui, simultanément, en disent long sur notre centre d’intérêt: l’éventuelle
existence d’un symbolisme espagnol préalable à l’école dite symboliste, le rôle joué par le Modernisme
et l’évolution que connurent les lettres hispaniques inspirées par “les lyriques du Nord”.
Tradition du symbolisme espagnol
En effet, c’est précisément Juan Ramón Jiménez, tant de fois cité comme le paladin du
mouvement symboliste en Espagne, qui va nier la traditionnelle réception du symbolisme
francophone. Qui plus est, retournant la réflexion, Juan Ramón soutient que le chemin s’est souvent
fait dans le sens inverse! Nous citons: “Le symbolisme français vient des mystiques espagnols; ce qu’il
y a de mystique dans les symbolistes provient de nos mystiques et de la poésie arabe-andalouse. Dans
le symbolisme, les mystiques espagnols ont exercé autant d’influence que Poe ou Wagner par sa
musique… En France, nous trouvons de nombreuses preuves de l’influence espagnole: chez Samain,
Verlaine, Baudelaire… J’ai lu depuis ma plus tendre enfance saint Jean de la Croix. Lui et Bécquer14
sont des symbolistes; ce sont deux cas lyriques semblables à celui de Verlaine”15. Ainsi donc, Juan
Ramón Jiménez appuie la thèse inverse à celle qu’on admet d’une manière habituelle. Mais il ne
s’arrête pas là dans ses considérations; il va encore plus loin en tenant des propos qui, on s’en doute,
provoqueront plus d’une surprise. S’il admet, mettons pour cas, que les principales directions
esthétiques de l’époque proviennent du symbolisme, il refuse en revanche d’appeler ce symbolisme
“français”: la France, dit-il, l’a copié des États-Unis (Poe), de l’Allemagne (Wagner surtout) et de
l’Espagne (saint Jean de la Croix dans la splendide traduction du moine de Solesmes à laquelle Valéry
consacra l’un de ses essais)16.
11 “Elejías intermedias”, poème n 82 de Segunda Antolojía Poética, (1898-1918), op. cit., p. 73.
12 “Automne”, tiré de Poesía simbolista francesa (édition bilingue), Madrid, Akal, 1975, p. 252.
13 On peut constater d’autres cas, très rares par ailleurs, dans quelques-unes des compositions de Rubén Dario et
d’Antonio Machado; vid. BOUSOÑO, op. cit., p. 78-79, nt. 15 y 16.
14 D’après Juan Ramón Jiménez, les Rimas de Bécquer auraient exercé une énorme influence sur tous les poètes
symbolistes espagnols; vid. El Modernismo. Notas de un curso (1953), op. cit., p. 62.
15 Cité par GAOS, op. cit., p. 30.
16 Vid. El Modernismo. Notas de un curso (1953), op. cit., p. 51, 68 et 174.
4
Voici un texte qui donne à réfléchir sur les conditions entre les fonctions des relations
intersystématiques et intrasystématiques qui opèrent dans la littérature en Espagne aux débuts de la
carrière de Juan Ramón Jiménez. En d’autres termes, il s’agirait d’approfondir quelles étaient la
production, la tradition et l’importation dominantes à ce moment-là de l’évolution littéraire en
Espagne. “L’interaction entre ces trois éléments favorise d’ailleurs les tensions internes, et donne ainsi
lieu à des alliances et à des changements d’alliances”17, souligne Lambert. La portée de ce fait est plus
grande qu’on ne le pense, car elle pourrait aussi modifier beaucoup d’idées reçues au sujet du
symbolisme en Espagne et ses implications européennes.
Prenons pour cas la relation étroite qui se noua entre Albert Samain et Juan Ramón Jiménez.
À maintes reprises, on a remarqué leurs ressemblances et leurs différences. Juan Ramón, il est vrai,
s’était pénétré du décadentisme français. Pourtant, on peut faire le constat, à un moment précis, des
distances que le poète espagnol prend par rapport au poète français et, en général –nous aurons
occasion de le voir–, par rapport à la littérature française. Dédaignant le caractère purement décoratif
et exotique de ses motifs, il préfère la remémoration des ambiances vécues18. Fi donc de détails
satiriques, érotiques ou descriptifs! Juan Ramón incorpore à sa poésie la grâce ailée de sa terre
andalouse, et n’omet jamais des évocations fort intimes. D’où vient cette distance volontaire? Plus
précisément, quelles en sont les raisons personnelles chez Juan Ramón et, dans un sens plus vaste, à
quoi peut-on identifier le fort intérieur de la littérature espagnole à cette époque?
Lors du centenaire du prix Nobel espagnol, on notait qu’il serait fort intéressant de tracer, par
exemple, les changements constants des jardins “artificiels”, répudiés par Juan Ramón dans un poème
de Poemas májicos y dolientes comme étant une “merveille faussée”. En effet, tout comme Antonio
Machado, Juan Ramón Jiménez avait assimilé des procédés et des topiques du symbolisme français.
Pourtant, lors de ce colloque auquel nous avons fait allusion, on n’offrait pas les éléments
documentaires expliquant cette évolution. Nous tenterons de répondre à ces questions, toujours dans
le but d’approfondir la véritable identité du symbolisme espagnol.
Carlos Bousoño a donné plusieurs cas d’utilisation des procédés symbolistes dans la littérature
espagnole du XVIIe siècle: El Buscón de Quevedo, La devoción de la Cruz de Calderón de la Barca et
Entre bobos anda el juego de Rojas Zorrilla19 offrent maints exemples d’images symbolistes avant la lettre.
Le cas de saint Jean de la Croix a été étudié par de nombreux auteurs qui ont mis l’accent sur
l’importance que revêt la poésie de ce grand mystique espagnol20. Nous transposons ici deux strophes
du Cantique spirituel de saint Jean de la Croix où l’auteur n’utilise pas moins de neuf métaphores pour
identifier le Bien-aimé:
17 “Les relations littéraires internationales comme problème de réception”, dans Sensus communis. Contemporary
Trends in Comparative Literature. Panorama de la situation actuelle en Littérature Comparée. Festschrift für Henry REMAK,
Tübingen, Gunter Narr Verlag, 1986, p. 56. Effectivement, il ne serait pas inintéressant, d’étudier en profondeur la réaction
d’opposition qui s’est opérée dans certains pays hispanophones allant à l’encontre d’un excès de gallomanie; déjà ÉTIEMBLE
commentait: “au XXe siècle, chroniqueurs argentins, péruviens ou mexicains du langage condamnent les gallicismes qui de
nouveau infestent l’espagnol et l’infectent”, Comparaison n’est pas raison. La Crise de la littérature comparée, Paris,
Gallimard, 1963, p. 87.
18 Vid. Birute CIPLIJAUSKAITE, “Albert Samain, Juan Ramón Jiménez y Antonio Machado”, Actes du Congrès du Centenaire
(1981), Huelva, Instituto de Estudios Onubenses, 1983, vol. I, p. 234.
19 Vid. El Irracionalismo poético. El símbolo, op. cit., p. 83-84.
20 Vid. Carlos BOUSOÑO, Teoría de la expresión poética, Madrid, Gredos, 1971, tome I, vid. le chap. “San Juan de la Cruz,
poeta contemporáneo”, p. 287-293; vid. également Dámaso ALONSO, La Poesía de San Juan de la Cruz, Madrid, Aguilar, 1958, et
Jean BARUZI, Saint Jean de la Croix et le problème de l’expérience mystique, Paris, 1924 (1931).
5
Mi Amado las montañas,
los valles solitarios nemorosos,
las ínsulas estrañas,
los ríos sonorosos,
el siluo de los ayres amorosos.
La noche sosegada
en par de los leuantes del aurora,
la música callada,
la soledad sonora,
la cena que recrea y enamora21.
Mon Bien-aimé, les montagnes,
les vallées solitaires pleines de forêts,
les îles étranges,
les rivières sonores,
le sifflement des airs amoureux.
La nuit tranquille
près de l’aube du matin,
la musique qui se tait,
la solitude sonore,
le banquet qui rend la jouissance et l’amour.
Nous ne voudrions attirer l’attention que sur un fait: l’impossibilité –ressentie d’ailleurs par
l’auteur lui-même lors des commentaires de ses poèmes– de préciser la signification poématique de
la composition. Le phénomène visionnaire est en soi vague, inconcret à cause de son symbolisme, et
l’auteur doit alors avoir recours à une énumération qui, dans son ensemble, enserre l’évanescence du
corps fuyant22:
Les montagnes son élevées, abondantes, larges, belles, charmantes, fleuries et parfumées. Voilà ce qu’est
mon Bien-aimé pour moi23.
Avant saint Jean de la Croix, toute la poésie, depuis Homère jusqu’aux romantiques, suppose
une compréhension de ce qui est dit. En revanche, la sienne et celle de ses contemporains n’implique
pas nécessairement qu’elle soit comprise… En effet, la révolution instaurée par saint Jean de la Croix
fut énorme, d’autant qu’il précédait de trois siècles l’esthétique contemporaine. Il nous semble parfois
entendre ces motifs rimbaldiens, lorsque le poète français s’identifie à une presqu’île, lui, bateau perdu
et entaché d’horreurs mystiques… Ce qui peut surprendre davantage encore est la conscience que le
poète du XVIe siècle avait de son innovation. Rappelons ce qu’il écrit dans la préface du Cantique
spirituel à propos de ses chansons:
Quoiqu’elles soient en quelque sorte expliquées, il ne faut pas s’attacher à la déclaration, car la sagesse
mystique, qui est une sagesse d’amour dont traitent ces Chansons, n’a pas besoin d’être nettement
comprise pour rendre l’effet d’amour et d’affection dans l’âme24.
Il en va de même, mais nous n’aurons pas le loisir de nous y attarder, dans ces deux autres poèmes
mystiques, Llama de amor viva et Noche oscura del alma, où l’on assiste au drame interne de l’expérience, du
21 El Cántico espiritual, d’après le manuscrit des Mères du Carmel de Jaén, Madrid, Espasa-Calpe, 1969, p. 12.
22 Vid. BOUSOÑO, Teoría de la expresión poética, op. cit., p. 289.
23 Déclaration des Chansons XIV et XV, dans Cántico espiritual, op. cit., p. 110.
24 El Cántico espiritual, op. cit., p. 6.
6
rapt mystique et de l’inéffabilité du commentaire. Jamais un homme ne fut avant lui si près du
balbutiement inexprimable, de la confuse et obscure expression de l’expérience vécue25.
Et qu’un peuple muet d’infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux26.
À l’instar de Baudelaire, Juan Ramón Jiménez aura aussi recours à ce genre de visions; en voici
deux exemples:
Oh, fragancia eterna, dulce
como las rosas más blancas,
de seda, de oro, de sueño,
de melodía y de lágrima27.
Ô frangance éternelle, douce,
comme les roses les plus blanches,
en soie, en or, en songe,
de mélodie et de larmes!
Las antiguas arañas melodiosas, temblaban
maravillosamente sobre las mustias flores…
sus cristales, heridos por la luna, soñaban
guirnaldas temblorosas de pálidos colores28.
Les anciennes araignées mélodieuses, frémissaient
merveilleusement sur les fleurs fanées…
Leurs cristaux, blessés par la lune, rêvaient
de guirlandes frémissantes aux couleurs blêmes.
Le poète s’illustre en formant de véritables tourelles de synesthésies… Et pourtant, on
découvrirait sans tarder l’emploi de ces procédés dans la littérature espagnole précédente. Déjà dans
une chanson populaire du XVe siècle l’amant attribue à la lune certaines qualités que seule son amante
possède:
¡Oh luna que reluces,
toda la noche alumbres!
Oh luna que reluces,
blanca y plateada,
toda la noche alumbres
a mi linda enamorada.
¡Amada que reluces,
toda la noche alumbres!29.
Ô lune qui reluis,
resplendis toute cette nuit!
Ô lune qui reluis,
blanche et argentée,
reluis toute cette nuit
pour ma belle bien-aimée!
Bien-aimée qui reluis,
reluis toute cette nuit!
25 Vid. ALONSO, op. cit., p. 163.
26 “Spleen”, poème n LXXVIII de l’édition de 1861.
27 “La flauta y el arroyo”, poème n XXV, dans La soledad sonora, Madrid, Taurus, 1981, p. 142.
28 “Rosas de cada día”, poème n XI de La soledad sonora, op. cit., p. 173.
29 Cité par BOUSOÑO, El Irracionalismo poético. El símbolo, op. cit., p. 106.
7
Dans le domaine des symboles proprement dits, nous pouvons trouver –toujours dans la ligne
indiquée par Juan Ramón Jiménez–, des exemples dans la littérature espagnole. Comme dans cette
autre chanson du XVe siècle:
Que miraba la mar
la malcasada,
que miraba la mar
cómo es ancha y larga30,
La mésalliée regardait la mer,
elle regardait comme la mer est longue et large!
Parmi d’autres, Claudel avait affirmé que “les choses visibles ne doivent pas être séparées des
choses invisibles. Toutes ensemble constituent l’univers de Dieu et ont entre elles des relations claires
ou mystérieuses”31. Juan Ramón Jiménez a été sans doute le poète espagnol qui, d’une manière plus
explicite, a le mieux formulé cette analogie des correspondances. Transposons-en deux poèmes:
No sois vosotras, ricas aguas
de oro las que corréis
por el helecho, es mi alma.
No sois vosotras, frescas alas
libres las que os abrís
al iris verde, es mi alma.
No sois vosotras, dulces ramas
rojas las que os mecéis
al viento lento, es mi alma.
No sois vosotras, claras, altas
voces las que os pasáis
del sol que cae, es mi alma32.
Ce n’est pas vous, riches eaux
d’or qui coulez
à travers les fougères, c’est mon âme.
Ce n’est pas vous, fraîches ailes
libres qui vous ouvrez
au vert iris, c’est mon âme.
Ce n’est pas vous, douces branches
rouges qui vous bercez
à la lenteur du vent, c’est mon âme.
Ce n’est pas vous, voix claires, hautes,
qui allez plus loin que le soleil
qui tombe, c’est mon âme.
Ou cet autre encore, avec un parallélisme frappant:
Morado y verde limón
estaba el poniente, madre.
Morado y verde limón
estaba mi corazón.
¡Verdugones de los golpes
de su rudo corazón!
30 Ibid., p. 135.
31 Religion et poésie, dans Œuvres en prose, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1989 (1965), p. 58.
32 De La estación total, poème n 403 de Antología poética, Barcelona, Planeta, 1988, p. 491.
8
…Morado y verde limón
estaba el poniente, madre33.
Le couchant était, ma mère,
d’une couleur violette et vert citron.
Mon cœur était,
d’une couleur violette et vert citron.
Ô les bleus des coups de fouet
de son cœur rude!
…Le couchant était, ma mère,
de couleur violette et vert citron.
On trouve cependant d’autres cas de correspondances chronologiquement antérieurs, par
exemple dans le romantisme espagnol. Il s’agit du romance historique “Una noche de Madrid en
1578” où tous les éléments correspondent à l’assassinat qui est sur le point de se perpétrer dans la
personne d’Escobedo:
Al balcón el Rey se acerca
Y lo abre inquieto, se asoma,
Y se retira, y escucha,
Y sin cerrarlo lo entorna.
Entra la brisa en la sala,
Agita las luces todas,
Y a su ondulación parece
Que todo se mueve y borra,
Y que el aposento tiembla
Y que en fantásticas formas
Los muebles y colgaduras
Ya se alargan, ya se acortan34.
Le roi s’approche du balcon
Et, inquiet, il l’ouvre; il se penche
Et se retire, et il écoute:
Et, sans le fermer, le laisse entrebâillé.
La brise entre dans la salle,
Elle secoue toutes les lumières,
Et, par l’effet de leurs ondulations,
L’on dirait que tout bouge et que tout s’efface,
Et que la demeure tremble
Et qu’en formes fantastiques
Les meubles et les tentures
Tantôt s’allongent, tantôt se rétrécissent.
Dans cette série de poèmes, quelques-uns appartiennent à la période allant de la Renaissance
au romantisme. L’utilisation des procédés symboliques est évidente et vient confirmer qu’il existait
un symbolisme espagnol latent avant que l’avalanche du symbolisme officiel ne se fît sentir outre-
Pyrénées. Certes, on ne peut douter ni de l’influence de l’école symboliste ni du renouveau qu’elle a
provoqué dans la littérature espagnole; mais les observations précédentes peuvent jeter une lumière
sur tous les tenants et les aboutissants de l’authentique formation d’une littérature telle que l’espagnole
à cette époque.
33 “El pajarito verde”, poème n 237 de Segunda Antolojía Poética, op. cit., p. 172.
34 DUQUE DE RIVAS, romance quatrième, dans Romances, Madrid, Espasa-Calpe, 1955, tome II, p. 43.
9
Le Modernisme
Il est pourtant un phénomène dont il convient de donner un léger aperçu ne serait-ce qu’à
cause de l’importance que Juan Ramón lui-même lui a accordé: il s’agit du Modernisme. Le rapport
que le Modernisme entretient avec quelques mouvements littéraires –tels le symboliste ou le
parnassien– est étroit, et son étude revêt une importance capitale. Mais il est plus important encore,
dans notre cas précis, sinon d’en donner une définition, du moins d’essayer d’en cerner certaines
composantes culturelles qui puissent nous éclairer sur ses implications européennes et américaines:
la vision d’ensemble que nous en aurons alors nous permettra d’approfondir le sujet de notre étude.
Autrement dit, nous continuons à nous interroger sur ces questions d’identité et d’influence étrangère
qui ont pu être à l’origine de la naissance du symbolisme contemporain en Espagne.
Une fois de plus, il nous semble opportun de suivre les traces marquées par Juan Ramón. Il a
été aussi bien une figure de proue qu’un témoin privilégié du Modernisme.
On connaît désormais le mouvement théologique, qui prit naissance en Allemagne vers la
moitié du XIXe siècle et qui chercha à trouver un accommodement entre le dogme catholique et la
critique moderne de la Bible. Les principaux protagonistes, comme l’abbé Alfred Loisy en France et
Tyrrell en Grande Bretagne, seraient condamnés par la censure ecclésiastique: le mouvement
théologique suivrait le même sort lors de la publication de l’encyclique Pascendi gregis de Pie X.
Plus tard, il se propagerait vers d’autres disciplines scientifiques. Ce qui nous intéresse en
l’occurrence, ce sont seulement les suites idéologiques et littéraires que le mouvement moderniste
allait connaître lors de son développement. Certes, en France ce mouvement ne prendra presque
jamais le nom de Modernisme appliqué à la poésie. Il en fut autrement pour la littérature
hispanophone, ce qui ne s’est pas produit sans entraîner une suite de malentendus.
Le nom de Modernisme en littérature provient des États-Unis, où il fut accepté par un groupe
de poètes du Middle-West35 –génération intermédiaire entre Whitman et Robert Frost. Les principaux
poètes d’Amérique latine –tels Martí, Rubén Darío, Silva–, qui séjournaient alors dans ce pays allaient
être gagnés par la contagion de cette nouvelle attitude; c’est à travers ces derniers que la dénomination
de Modernisme a été introduite en Espagne36.
Quelle fut la charge idéologique du Modernisme de langue hispanique? Outre les
préoccupations religieuses hétérodoxes –pensons à ce grand homme de pensée moderniste que fut
Unamuno–, le Modernisme s’était imbibé de la philosophie de Schopenhauer, de Nietzsche37 et de
Krause38. C’est précisément ce dernier, par son Compendium d’Esthétique, qui va exercer une énorme
influence sur la poussée idéaliste espagnole de l’époque. Quelques-uns de ses disciples –Francisco
Giner de los Ríos, Cossío, Sanz del Río, le père des frères Machado– vont fonder ou participer
assidûment à l’Institución Libre de Enseñanza.
Fils de leur temps, les modernistes parient décidément sur le futur. Même lorsqu’ils se mettent
en quête de leurs racines les plus profondes –pensons aux écrits d’Unamuno sur l’histoire intérieure,
à l’indigénisme des Hispano-Américains et au castillanisme d’Antonio Machado–, les modernistes ne
35 Vid. la célèbre Anthologie Untermeyer.
36 Vid. Juan Ramón JIMÉNEZ, El Modernismo. Notas de un curso (1953), op. cit., passim.
37 Paradoxalement, plusieurs de ces auteurs, Schopenhauer, Nietzsche, Emerson, Maeterlinck, citent Gracián lorsqu’ils
étudient l’idée du héros; est un héros en littérature celui qui arrive à rendre l’art complètement autonome; vid. JIMÉNEZ, El
Modernismo. Notas de un curso (1953), op. cit., p. 100.
38 Vid. par exemple, Les Éducateurs de l’Espagne contemporaine. I, Les Krausistes, Bibliothèque de l’École des Hautes Études
Hispaniques, Paris, Bordeaux, 1936; ouvrage cité par GULLÓN et FERNÁNDEZ MÉNDEZ dans El Modernismo. Notas de un curso
(1953), op. cit., p. 26, nt. 2.
10
cessent pas de regarder en avant. Alors que la tradition de leurs prédécesseurs est une tradition
historique, la leur est la tradition éternelle: Modernisme dynamique face au prosaïsme statique et à la
rhétorique vide39… Dans un autre ordre de choses, la musique allemande, la lyrique anglaise et la
mystique espagnole joueront à leur tour un rôle très important dans le domaine des influences
formatrices40. Finalement, la nouvelle bouffée d’air frais importée par Darío –beaucoup plus attiré au
prime abord par l’esthétique parnassienne– et l’indubitable apport des symbolistes français va donner,
en littérature, des résultats fort complexes, qui seront longtemps présents dans la vie culturelle de
l’Espagne.
Pour ce qui est de l’Amérique latine, toutes ces idées doivent être prises en considération
simultanément compte tenu de la découverte des richesses qu’impliquait l’indigénisme continental et
de l’attraction qu’exerçait sur ces écrivains le mouvement parnassien. Mais, plus important encore, le
fait qu’à partir de cette époque, les écrivains latinoaméricains ont commencé à marcher sur des
sentiers qui leur sont propres et qu’avec les Espagnols, ils ont commencé à participer de manière
active à la création de la littérature universelle41.
Il serait temps de se poser la question sur le résultat littéraire de toute cette attitude qu’est le
Modernisme –on n’insistira jamais trop sur le fait qu’il ne s’agit ni d’un mouvement, ni d’une école ni
d’une génération. Juan Ramón déclarait en 1935 que c’était “la rencontre avec la beauté ensevelie
pendant le XIXe siècle sous un ton général de poésie bourgeoise. Voilà ce qu’est le Modernisme: un
grand mouvement d’enthousiasme et de liberté vers la beauté”42. Il s’agirait d’une nouvelle
Renaissance qui unit l’élément sensoriel au métaphysique, tout cela dans un souci –en accord avec le
libéralisme pratique– de révisionnisme des idées reçues43 et d’exigence pour la forme suivant la plus
pure tradition symboliste. Les compositions imbibées de Modernisme respirent un lyrisme qui tient
beaucoup de celui de Bécquer; enrichies de connotations néo-romantiques, elles introduisent le
lecteur dans une atmosphère de confidence passionnée44, le berçant dans la mélodieuse sonorité des
ballades allemandes et des chansons populaires espagnoles45. Des caractéristiques qui nous renvoient,
on le voit, à cette idée, déjà évoquée et chère à Juan Ramón, d’un symbolisme purement espagnol…
L’influence de “la lyrique du Nord”
Les années passant, Juan Ramón rend témoignage d’un nouveau changement qui s’est opéré
dans ses affinités littéraires. Nous trouverons alors une deuxième réponse aux questions posées plus
haut au sujet de l’évolution que connut, à un moment précis de son histoire, le symbolisme espagnol.
Le poète lui-même nous a laissé la trace des facteurs qui conduisirent à ce changement: “En 1916
(…) j’ai vu (…) que la lyrique latine, néoclassicisme gréco-romain total, n’[était] pas (…) pour moi;
que j’ai toujours préféré, d’une manière ou d’une autre, la lyrique du Nord, concentrée, naturelle et
quotidienne (…). J’étais jusqu’alors très nuancé [sic] de formes fermées, composites, trop bien
composites; et les vers d’Edwin Arlington Robinson, de William Butler Yeats, de Robert Frost, de A.
E., de Francis Thompson, maintenant unis à ceux de Whitman, Gerard Manly Hopkins, Emily
39 Cfr. El Modernismo. Notas de un curso (1953), op. cit., p. 22.
40 Ibid., p. 114.
41 Cfr. Federico de ONÍS, Introduction à l’Antología de la poesía española e hispanoamericana, dans El Modernismo.
Notas de un curso (1953), op. cit., p. 282.
42 Article publié dans le journal La Voz, le 18 mars 1935; cité dans El Modernismo. Notas de un curso (1953), op. cit., p. 17.
43 C’est alors, par exemple, que sont menées à bout –simultanément aux études positivistes de l’école de Menéndez
Pelayo– des recherches philologiques sur la valeur historique et littéraire du Poema de Mío Cid.
44 Vid. El Modernismo. Notas de un curso (1953), op. cit., p. 19.
45 Ibid., p. 175.
11
Dickinson, Robert Browning46, me semblèrent plus directs, plus libres, plus modernes, les uns par
leur simplicité et les autres par leur complexité. L’affaire de la France, de l’Italie, et d’une partie de
l’Espagne et de l’Amérique latine devint pour moi des promesses qu’on n’accomplit pas”47…
Affirmation tranchante, qui ne laisse aucun doute sur la nouvelle orientation du poète espagnol. Parmi
ces poètes anglosaxons, il en connaissait quelques-uns despuis 1902-1905. Mais son séjour aux États-
Unis et le mariage avec Zénobie, finirent par lui rendre familière la poésie de langue anglaise48. Une
autre raison de la nouvelle dérive empruntée par Juan Ramón est sa certitude qu’il y eut, à un moment
donné de l’histoire, un parallélisme net entre l’Espagne et les pays d’Amérique: “L’idée, disait-il, c’est
moins d’exalter l’Espagne universelle ou les États-Unis universaux que la région universelle”49.
Nous voudrions montrer maintenant, à l’aide de quelques exemples, l’effet humain et poétique
de cette autre lyrique chez Juan Ramón. Soulignons que le poète espagnol accorda une toute spéciale
admiration aux talents de Blake, Shelley et Yeats –“ils furent mes séducteurs les plus constants”50,
reconnaîtra-t-il en les citant parmi d’autres–, et s’efforça délibérément et constamment d’entendre
leur œuvre et de leur répondre dans la fibre de son propre talent51.
Reprenant le mot de Mallarmé, “Suggérer, voilà le rêve”, Juan Ramón Jiménez va développer
un thème amoureux qui se trouve chez Blake: l’excessif empressement auprès de la bien-aimée, ce
qui provoque la fuite de celle-ci effrayée:
Never pain to tell thy Love
Love that never told can be
For the gentle wind does move
Silently invisibly
I told my love I told my love
I told her all my heart
Trembling cold in ghastly fears
Ah she doth depart
Soon as she was gone from me
A traveller came by
Silently invisibly
O was no deny52.
Ne souffre jamais à lui raconter ton amour,
L’amour ne peut être jamais raconté,
46 D’où viendrait, selon Juan Ramón Jiménez, le goût de Mallarmé pour l’énigmatique, vid. El Modernismo. Notas de un
curso (1953), op. cit., p. 103.
47 La corriente infinita. Crítica y evocación, Madrid, Aguilar, 1961, lettre à Luis Cernuda, p. 175.
48 Cfr. GAOS, op. cit., p. 46. On trouvera des précisions sur ce “déclin français” chez Juan Ramón dans La corriente infinita.
Crítica y evocación, op. cit., p. 171-179.
49 El Modernismo. Notas de un curso (1953), op. cit., p. 113. À ce propos il faut noter ce que l’universel signifie pour Juan
Ramón Jiménez. Suivant l’idée de Goethe, l’auteur espagnol soutient que l’universel est le dépassement du national vers
l'absolu; d’où le caractère ineffable de certaines réalités: Dieu, l’amour, etc. Les poètes symbolistes universels, par
conséquent, éviteront la précision et chercheront à s’expliquer par le moyen de symboles ou d’approximations: “la fleur ou
l’oiseau, et non pas le fuchsia ou le loriot”, vid. ibid., p. 193.
50 La corriente infinita. Crítica y evocación, op. cit., p. 176.
51 Cfr. Howard T. YOUNG, The Line in the Margin. Juan Ramón Jiménez and his Readings in Blake, Shelley, and Yeats,
Madison, The University of Wisconsin Press, 1980, p. XXIII.
52 Songs and Ballads, dans The Complete Poetry and Prose of William Blake, David V. ERDMAN éd., New York, Anchor Books
& Doubleday, 1988 (1965), p. 467.
12
Car le vent doux s’agite
Silentieusement, invisiblement.
Je lui ai raconté mon amour,
Je lui ai raconté tout mon amour,
En tremblant de froid et d’affreuse crainte,
Ah!, elle s’en est allée!
Peu après son départ
Passa un voyageur,
Silentieusement, invisiblement,
Ô, il n’y eut aucun doute!
Retenons ces vers de Blake, car Juan Ramón en fera l’adaptation. D’autre part, voici les propos
du romantique espagnol cité plus haut, Bécquer:
Estas fantasías ligeras y, por decirlo así, impalpables, son en cierto modo como las mariposas, que no
pueden tomarse en las manos sin que se quede entre los dedos el polvo de oro de sus alas53.
Ces fantaisies légères et, pour ainsi dire, insaisissables, sont en quelque sorte comme des papillons, qu’on
ne peut pas prendre dans les mains sans qu’il reste entre les doigts la poudre d’or de leurs ailes.
Chez notre auteur, l’image prend même une nature éthérée, reflet évident du silence invisible
du vent évoqué par Blake:
Mariposa de luz,
la belleza se va cuando yo llego a su rosa.
Corro, ciego, tras ella…
La medio cojo aquí y allá…
¡Solo queda en mi mano
la forma de su huida!54.
Papillon de lumière,
la beauté s’en va quand j’atteins sa rose.
Je cours, aveugle, derrière elle…
Je la prends à moitié par-ci, par-là…
Il ne reste sur ma main
que la forme de sa fuite!
Il semble bien que Juan Ramón ait appris la leçon. Ce qui prouve, précisement après l’achat de
l’anthologie d’Oxford en 1916, qu’il a pris conscience du risque qu’on encourt lorsqu’on exprime
avec une précision excessive ses propres sentiments. Le poète doit avoir recours aux symboles et à la
force communicative du vent, thème, d’ailleurs, extrêmement cher au mystique saint Jean de la Croix.
C’est ainsi que Juan Ramón laisse entendre dans la poésie que Blake lui a suggérée:
No vayas nunca a tu amor
aunque nunca puede [palabra ilegible]
pues el viento suave tiembla
silenciosamente, invisiblemente55.
Ne va jamais à ton amour
même si jamais il ne peut [mot illisible]
car le vent doux tremble
silencieusement, invisiblement.
53 Gustavo Adolfo BÉCQUER, “Tres fechas”, dans Leyendas; vid. Rimas y Leyendas. Desde mi celda, Buenos Aires, EMECÉ,
1946, p. 213.
54 De “Piedra y cielo”, (1917-1918), poème n 313 de Antología poética, op. cit., p. 394.
55 “Secreto de amor”, de Wiliam (sic) Blake, Archive historique, boîte n 29. 273 / 107; cité par YOUNG, op. cit., p. 173.
13
Nous avons noté plus haut l’admiration que Juan Ramón éprouvait pour Emily Dickinson.
Cette poétesse lui aurait inspiré aussi un des thèmes proches à la conception symboliste de l’univers:
la pensée que le rêve poétique est fort capable de donner vie à des éléments qu’on trouve le plus
souvent dans la nature:
The “Tune is in the Tree–”
The Skeptic-showeth me–
“No Sir! In Thee!”56.
La “Mélodie est dans l’arbre–”
Me dit le Sceptique–
“Non, Monsieur! Elle est en vous-même!”.
L’orientation idéaliste de ces vers n’est guère discutable. Nous tenons ici la preuve que le
symbolisme espagnol a voulu également apaiser sa soif de nouveauté ailleurs que dans les lieux
communs. En effet, à la question rhétorique de Shelley
Where is the love, beauty, and truth we seek
But in our mind?57,
Où se trouve l’amour, la beauté, et la vérité que nous cherchons
Sinon dans notre esprit?,
Juan Ramón répond résolument:
Todo infinito a que yo aspiro
–belleza, Obra, amor, ventura–,
es, en el acto, yo.
Y sigue igual el infinito58.
Tout l’infini auquel j’aspire
–beauté, Œuvre, amour, bonheur–,
c’est, tout de suite, moi-même.
Et l’infini reste tel qu’en lui même.
Il serait intéressant, ce qui dépasserait de loin le cadre nécessairement restreint de cette étude,
d’étudier la réception de l’idéalisme chez un poète comme Juan Ramón. Soulignons cependant ceci:
lorsque Rémy de Gourmont affirmait “Je ne vois pas ce qui est; ce qui est, c’est ce que je vois” (Le
Livre des masques), et que Gide constatait “Il me semble toujours qu’elles [les choses] n’existent plus
quand je n’y pense plus”, en fait l’un et l’autre ne faisaient que formuler autrement ce que les
philosophes idéalistes allemands avaient affirmé avant eux: Schopenhauer n’avait-t-il pas déclaré que
“Die Welt ist meine Vorstellung”? Kant avait dressé sur ce même terrain les fondations de son
Esthétique Transcendantale. Or, on peut supposer que Juan Ramón a lu ce dernier ouvrage à la
bibliothèque du Docteur Simarro. Ces lectures, jointes à celles des symbolistes tels que Yeats ou Blake
expliquent bien jusqu’où s’est aventuré notre auteur dans les sentiers de l’idéalisme. La preuve, ce
poème:
Sé bien que soy tronco
del árbol de lo eterno.
Sé bien que las estrellas
con mi sangre alimento.
Que son pájaros míos
todos los claros sueños…
56 The Complete Poems of Emily Dickinson, Boston, Little, Brown, 1960, p. 257; cité par YOUNG, op. cit., p. 185.
57 Julian and Maddalo. A conversation, dans The Oxford Anthology of English Literature, New York, Oxford
University Press, 1973, vol. II, p. 418.
58 De “Belleza”, Libros de poesía, Madrid, Aguilar, 1959, p. 1092; cité par YOUNG, p. 185.
14
Sé bien que cuando el hacha
de la muerte me tale,
se vendrá abajo el firmamento59.
Je sais bien que je suis un tronc
de l’arbre de l’éternel.
Je sais bien que je nourris
de mon sang les étoiles.
Que tous mes doux rêves
sont des oiseaux à moi…
Je sais bien que lorsque la hache
de la mort viendra me tailler,
tout le firmament s’écroulera.
Nous avons fait mention de Yeats, un autre auteur symboliste qui allait laisser sa trace sur la
création du poète andalou. Dans son Symbolism of Poetry, il annonçait un rejet des conceptions
traditionnelles de la nature et de la loi morale, et il prônait l’abolition de toutes les anecdotes60. Il n’est
pas difficile de suivre les traces que ces manifestes ont laissé dans l’esprit et dans la production
poétique de Juan Ramón Jiménez; dans son poème “Actualidad” il déclarait avec force:
¡El corazón inmenso
dentro del sol de cada día
–el árbol incendiado de los aires–,
fruto total del cielo azul!
¡Hagamos grande solo la verdad presente!61.
Le cœur immense
dans le soleil de chaque jour
–l’arbre des airs en flammes–,
fruit total du ciel bleu!
Faisons grande la seule vérité présente!
Dans cet autre, il est encore plus clair:
Quisiera que mi libro
fuese, como es el cielo por la noche,
todo verdad presente, sin historia.
Que, como él, se diera en cada instante,
todo, con todas sus estrellas; sin
que niñez, juventud, vejez quitaran
ni pusieran encanto a su hermosura inmensa.
¡Temblor, relumbre, música
presentes y totales!
¡Temblor, relumbre, música en la frente
–cielo del corazón– del libro puro!62
Je voudrais que mon livre fût,
comme l’est le ciel pendant la nuit,
tout vérité présente, dépourvu d’histoire.
Que, comme lui, tout se donne en chaque instant,
tout, et toutes ses étoiles;
59 De “Eternidades”, poème n 288 de Antología poética, op. cit., p. 369.
60 Cité par YOUNG, op. cit., p. 155.
61 De “Piedra y cielo” (1917-1918), poème n 318 de Antología poética, op. cit., p. 399.
62 Ibid., poème n 329, p. 410.
15
sans que ni l’enfance, ni la jeunesse, ni la vieillesse
retiraient ou ajoutaient du charme à son immense beauté.
Frémissement, lueurs, musique
présents et pléniers!
Frémissement, lueurs, musique sur le front
–ciel du cœur– du livre pur!
Ainsi donc, l’évolution vertigineuse à laquelle nous faisions allusion est fortement redevable
de ces bouffées d’air frais que Juan Ramon est allé respirer ici et ailleurs. Alors que ses préférences
étaient du côté des symbolistes français, le poète espagnol décrivait les états de son âme, bien sûr,
mais sans livrer la signification de l’expérience vécue63. Celle-ci l’intéresse, mais seulement dans la
mesure où elle porte une émotion: “ce qui me tente toujours est la sensation provoquée par un
phénomène”64, dira-t-il se souvenant sans doute des souhaits de Keats: “O, for a life of sensations,
rather than of thoughts”65. On voit aisément que nous sommes dans la ligne du romantisme66. Plus
tard, il se rapproche ouvertement d’un concept de la poésie où l’expérience humaine est considérée
comme l’élément essentiel de l’activité poétique67. Autrement dit, il ne lui suffira pas de suggérer ce
qu’il y a de mystérieux dans le monde, à la manière, par exemple, de Rimbaud. Dans son ascension,
il trouve que le “moi” poétique n’est pas simplement un personnage, un acteur ou un lecteur; c’est
plutôt un symbole de l’homme en tant que créateur de culture (comme le montre le poème “À mon
âme” de Sonetos espirituales). Les conséquences de cette progression ne se feront pas attendre.
Au fur et à mesure que sa création poétique avance, Juan Ramón modifie son usage des
symboles; en fait, il approfondit sa conception symbolique du monde, mais cette fois-ci, sous un autre
jour: il tente maintenant d’appréhender les correspondances entre l’humain et le divin68; voici un
nouveau virage dont la gradation ira en augmentant sans cesse jusqu’à ses derniers poèmes. On peut
constater aisément que cette recherche impliquait un retour au mysticisme –d’où aussi la traduction,
en collaboration avec sa femme, des poèmes bengalis de Rabindranath Tagore– et, parallèlement, à
la versification traditionnelle espagnole. Dans ses premières étapes, les symboles opéraient à la façon
d’un trait d’union avec le monde intérieur des sentiments du poète. C’était, en grande partie,
l’influence du symbolisme “français” dont il s’était impregné dès sa jeunesse. Ultérieurement, Juan
Ramón se sert des symboles comme d’une passerelle qui le conduit à une conscience totalisante, vers
un cosmos unifié, bref, vers un dieu, au-dedans et au-dehors du poète. Chez lui, le symbole ne sera
plus tout simplement un procédé poétique et lyrique. Sa réflexion sur la mystique et sa réception de
la lyrique anglosaxone modifient ses symboles esthétiques en symboles, si l’on peut dire, ontologiques
ou, à tout le moins, en symboles de la transcendance69.
Nous avons essayé de montrer l’évolution suivie par Juan Ramón Jiménez pendant sa longue
carrière littéraire. Certes, l’attachement sincère qu’il ressent pour son pays, nous a permis d’expliciter
63 Vid. par exemple, le poème “En el balcón un momento…” de Rimas, n 29 de Antología poética, op. cit., p. 57.
64 La corriente infinita. Crítica y evocación, op. cit., p. 176.
65 Letters of John Keats, London, M. E. Forman, 1931, I, p. 73.
66 “The end of the Poetry is to produce excitement in co-existence with an over-balance of pleasure (…); the
spontaneous overflow of powerful feelings: it takes its origin from emotion recollected in tranquillity”, William
WORDSWORTH, Preface to Lyrical Ballads, dans The Poems, London, Penguin Books, 1990 (1977), vol. I, p. 885-886.
67 Cfr. Bernardo GICOVATE, La poesía de Juan Ramón Jiménez. Ensayo de exégesis, San Juan de Puerto Rico, Asomante, 1959,
p. 16.
68 Ceferino SANTOS-ESCUDERO, Símbolos y Dios en el último Juan Ramón Jiménez. El influjo oriental en “Dios deseado
y deseante”, Madrid, Gredos, 1975, p. 19.
69 Vid. ibid., p. 28.
16
au travers de ses paroles les principaux signes distinctifs de son symbolisme. Mais c’est aussi sans
doute cette simplicité qui l’a poussé à laisser pour l’avenir un très riche témoignage des divers
vêtements dont s’est paré le symbolisme espagnol pendant une bonne partie de son histoire.
Bibliographie
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EMECÉ, 1946.
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& Doubleday, 1988 (1965).
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poeta contemporáneo”, p. 287-293.
– El Irracionalismo poético. El símbolo, Madrid, Gredos, 1977.
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Centenaire (1981), Huelva, Instituto de Estudios Onubenses, 1983, vol. I.
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René ÉTIEMBLE, Comparaison n’est pas raison. La Crise de la littérature comparée, Paris, Gallimard, 1963.
Bernardo GICOVATE, La poesía de Juan Ramón Jiménez. Ensayo de exégesis, San Juan de Puerto Rico, Asomante,
1959.
Saint JEAN DE LA CROIX, El Cántico espiritual, d’après le manuscrit des Mères du Carmel de Jaén, Madrid, Espasa-Calpe,
1969.
Juan Ramón JIMÉNEZ, Segunda Antolojía Poética, (1898-1918), Madrid, Espasa-Calpe, 1952.
– La corriente infinita. Crítica y evocación, Madrid, Aguilar, 1961.
– El Modernismo. Notas de un curso (1953), Ricardo GULLÓN et Eugenio FERNÁNDEZ MÉNDEZ éds., Madrid,
Aguilar, 1962.
– Antolojía poética, Vicente GAOS éd., Madrid, Cátedra, 1981.
– Melancolía, Madrid, Taurus, 1981.
– La soledad sonora, Madrid, Taurus, 1981.
– Antología poética, Barcelona, Planeta, 1988.
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José LAMBERT, “Les relations littéraires internationales comme problème de réception”, dans Sensus communis.
Contemporary Trends in Comparative Literature. Panorama de la situation actuelle en Littérature Comparée. Festschrift
für Henry REMAK, Tübingen, Gunter Narr Verlag, 1986.
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Poesía simbolista francesa (édition bilingue), Madrid, Akal, 1975.
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Duque de RIVAS, romance quatrième, dans Romances, Madrid, Espasa-Calpe, 1955, tome II.
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deseante”, Madrid, Gredos, 1975.
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Oxford University Press, 1973, vol. II.
17
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p. 885-886.
Howard T. YOUNG, The Line in the Margin. Juan Ramón Jiménez and his Readings in Blake, Shelley, and Yeats, Madison,
The University of Wisconsin Press, 1980.

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  • 1. 1 LE SYMBOLISME EN ESPAGNE: QUESTIONS D’IDENTITÉ ET D’INFLUENCE ÉTRANGÈRE. LE CAS DE JUAN RAMÓN JIMÉNEZ De Baudelaire a Lorca. José Manuel Losada, Kurt Reichenberger & Alfredo Rodríguez (eds.), Kassel: Reichenberger, 1996, II, p. 363-390 Selon une opinion assez répandue, le symbolisme espagnol s’est exclusivement développé à l’instar de celui de la littérature francophone. S’il est vrai, comme on l’a dit, que l’on rencontrait peu d’Espagnols et d’Hispano-Américains parmi les cercles symbolistes, il ne l’est pas moins qu’avec le siècle nouveau beaucoup sont venus en France. Ces poètes, de Machado à Juan Ramón Jiménez, sont les moins affectés par le verbalisme, les moins somptueusement décoratifs, les plus sobres et peut- être les plus pénétrés de vie intérieure de l’Europe de leur temps. Ils ont été très peu séduits par le décadentisme facile et sentimental des symbolistes mineurs. Nulle part ailleurs, l’exemple de la poésie française du symbolisme n’a agi avec plus de discrétion et en même temps avec plus en profondeur1. Quoique flatteur pour un lecteur hispanophone, ce commentaire laisse planer un léger soupçon d’ambiguïté, et reste un peu en-deçà de l’attente éveillée après une telle louange. Aussi aurait-on souhaité une plus riche information sur les auteurs et les nouvelles conceptions poétiques introduites dans le monde hispanique par la nouvelle vague venue de France. L’approche faite par Peyre ne suffit donc pas pour rendre compte de la chaleureuse réception –tout à fait hors du commun– que les intellectuels espagnols, et notamment les poètes de la fin de siècle, prétèrent à l’école symboliste. Infatigables voyageurs, la plupart connaissaient la France, se procuraient les derniers recueils de poèmes édités en français –langue qu’ils connaissaient assez bien– , et donnaient à leur tour des compositions qu’on a aussitôt considérées imprégnées d’esprit symboliste…2. Nous prenons pour exemple ce poète andalou né à Moguer (dans la province de Huelva), Juan Ramón Jiménez, communément associé aux auteurs espagnols influencés par un énorme héritage culturel de francophilie. Signalons que son état de santé ayant été perturbé dès la mort de son père, le 8 mai 1901 Juan Ramón fut interné dans la Maison de Santé du Castel d’Andorre (en Bouscat, Gironde). Ici le Dr Lalanne l’aurait soumis à des examens cliniques. Peut-être n’est-il pas dépourvu d’intérêt de souligner que ce médecin, déjà célèbre à l’époque, avait publié, entre autres livres, un traité sur Les Persécutés mélancoliques (1897). Il était, de toute évidence, la personne la plus adéquate pour s’occuper du jeune écrivain “hypersensible”3. Nul doute alors du degré de familiarité que Juan Ramón –c’est ainsi qu’on l’a souvent appelé en Espagne– acquit avec la langue française. Il en va de même pour ses lectures, car il connaissait déjà et lisait avec assiduité tous les poètes qui étaient alors en vogue de l’autre côté des Pyrénées. “Parti pour la France à l’âge de dix-neuf ans, déclarait-il lors 1 Vid. Henri PEYRE, Qu’est-ce que le symbolisme?, Paris, Presses Universitaires de France, 1974, p. 227. 2 On peut citer quelques livres comme Alma de Manuel Machado qui est plein de combinaisons dans le style de Verlaine; ou encore les recueils Soledades et Galerías y otros poemas, de son frère Antonio, beaux paradigmes du symbolisme espagnol; vid. Juan Ramón JIMÉNEZ, El Modernismo. Notas de un curso (1953), Madrid, Aguilar, 1962, Ricardo GULLÓN et Eugenio FERNÁNDEZ MÉNDEZ éd., p. 158 et 161. 3 Sur cette étape de la vie de Juan Ramón Jiménez, vid. Ignacio PRAT, El muchacho despatriado. Juan Ramón Jiménez en Francia (1901), Madrid, Taurus, 1986.
  • 2. 2 d’une conférence, j’ai pu acheter à Paris les livres des symbolistes: Mallarmé, Verlaine, Rimbaud, Francis Jammes, etc., qui ne circulaient encore ni en Espagne ni en Amérique latine”4. Dans la liste de ses “Vingt poètes préférés”, qu’il donna sur la page de garde de Jardins lointains (1904), figuraient, parmi d’autres, Moréas, Verlaine, Samain, Rodenbach, Maeterlinck, Fort, Laforgue et Francis Jammes5. Musset s’y trouvait aussi. En revanche, on est étonné de constater l’absence de Baudelaire, dont Juan Ramón s’est si souvent inspiré dans ses compositions. Pour ce qui est de Mallarmé, on conçoit facilement l’importance que Juan Ramón Jiménez –à l’instar de l’auteur d’Igitur– accordait à l’idée de “suggérer”: “Le poème, dit-il, est plus semence que fruit…, moi, je fais l’essence. Celui qui pourra, qu’il la prenne…”6. Et l’on pourrait, abondant dans le même sens, indiquer les titres, nettement musicaux, des livres de sa première époque: Arias, Ballades, Solitude sonore… Il est aisé de discerner dans ces compositions une influence durable, aussi bien dans la façon d’apprécier la réalité que dans celle d’user de tournures et de manières d’écrire chères à l’école symboliste. Aussi utilise-t-il à profusion divers types d’images avec plusieurs développements où l’intérieur du poète et l’extérieur de la nature s’imbriquent de manière harmonieuse: Mi vida es cual un roce de sedas que cantaran como pájaros tristes de pálidos colores… cuando sale la luna, los pájaros se duermen y solo queda la memoria de las voces7. Ma vie est comme un froissement de soies qui chantent comme de tristes oiseaux aux pâles couleurs… quand la lune sort, les oiseaux s’endorment et il ne reste plus que le souvenir des voix. Quisiera ser orilla de flores de ribera, … la paloma inmortal que alcanzaran tus manos8. Je voudrais être un rivage de fleurs riveraines, la colombe immortelle que tes mains atteindraient. Será mi seco tronco, con su nido desierto; y el ruiseñor que se miraba en la laguna, callará, espectro frío, entre el ramaje yerto hecho ceniza por la vejez de la luna9. Ce sera mon tronc desséché, avec son nid désert; et le rossignol, qui se regardait sur la lacune, se taira, spectre froid, entre le branchage raide, rendu cendre par la vieillesse de la lune. Y cual lobo hecho oveja, temblorosa y perdida, volvía por el campo, balando, mi amargura10. Et comme un loup devenu brebis, tremblotante et égarée, mon amertume retournait, en bêlant, par la campagne. 4 El Modernismo. Notas de un curso (1953), op. cit., p. 227. 5 Vid. Vicente GAOS, Juan Ramón Jiménez. Antolojía poética, Madrid, Cátedra, 1981, p. 31. 6 Cité par GAOS, op. cit., p. 34. 7 Poème n 2 de “La voz velada”, dans Melancolía, Madrid, Taurus, 1981, p. 118. 8 “Voz de seda”, poème n 161 de Segunda Antolojía Poética, (1898-1918), Madrid, Espasa-Calpe, 1952, p. 122. 9 “Elejías intermedias”, poème n 82 de Segunda Antolojía Poética, (1898-1918), op. cit., p. 73. 10 Cité par BOUSOÑO, El Irracionalismo poético. El símbolo, Madrid, Gredos, 1977, p. 79. Nous rendons ici hommage aux travaux de ce chercheur espagnol qui nous a tant éclairé dans nos recherches sur ce sujet. C’est à lui que nous avons emprunté un grand nombre d’idées et de citations.
  • 3. 3 Una a una, las hojas secas van cayendo de mi corazón mustio, doliente y amarillo11. L’une après l’autre, les feuilles sèches tombent de mon cœur fané, jaune et douloureux, ici l’on entend l’écho des vers de Samain: Et chaque feuille d’or tombe, l’heure venue, Ainsi qu’un souvenir, lente, sur le gazon12. Il faut souligner que ce type d’images représentait une véritable révolution dans la poésie espagnole de l’époque13. Jusqu’alors, la littérature avait accordé une spéciale importance à “l’intensification” des ressemblances rationnelles qui étaient la base de l’équation imaginative de la structure traditionnelle. Mais avec Juan Ramón, nous assistons au passage des attributs spécifiques du monde imaginaire vers le monde réel, ce qui provoque la destruction de ces mêmes ressemblances rationnelles. *** Cependant, soucieux de nous en tenir au thème de cette étude, nous voudrions attirer l’attention sur quelques aspects moins connus au sujet du mouvement de nature symboliste dans la littérature espagnole et chez notre auteur. Nous aborderons ici quelques aspects différents de l’évolution de ce poète qui, simultanément, en disent long sur notre centre d’intérêt: l’éventuelle existence d’un symbolisme espagnol préalable à l’école dite symboliste, le rôle joué par le Modernisme et l’évolution que connurent les lettres hispaniques inspirées par “les lyriques du Nord”. Tradition du symbolisme espagnol En effet, c’est précisément Juan Ramón Jiménez, tant de fois cité comme le paladin du mouvement symboliste en Espagne, qui va nier la traditionnelle réception du symbolisme francophone. Qui plus est, retournant la réflexion, Juan Ramón soutient que le chemin s’est souvent fait dans le sens inverse! Nous citons: “Le symbolisme français vient des mystiques espagnols; ce qu’il y a de mystique dans les symbolistes provient de nos mystiques et de la poésie arabe-andalouse. Dans le symbolisme, les mystiques espagnols ont exercé autant d’influence que Poe ou Wagner par sa musique… En France, nous trouvons de nombreuses preuves de l’influence espagnole: chez Samain, Verlaine, Baudelaire… J’ai lu depuis ma plus tendre enfance saint Jean de la Croix. Lui et Bécquer14 sont des symbolistes; ce sont deux cas lyriques semblables à celui de Verlaine”15. Ainsi donc, Juan Ramón Jiménez appuie la thèse inverse à celle qu’on admet d’une manière habituelle. Mais il ne s’arrête pas là dans ses considérations; il va encore plus loin en tenant des propos qui, on s’en doute, provoqueront plus d’une surprise. S’il admet, mettons pour cas, que les principales directions esthétiques de l’époque proviennent du symbolisme, il refuse en revanche d’appeler ce symbolisme “français”: la France, dit-il, l’a copié des États-Unis (Poe), de l’Allemagne (Wagner surtout) et de l’Espagne (saint Jean de la Croix dans la splendide traduction du moine de Solesmes à laquelle Valéry consacra l’un de ses essais)16. 11 “Elejías intermedias”, poème n 82 de Segunda Antolojía Poética, (1898-1918), op. cit., p. 73. 12 “Automne”, tiré de Poesía simbolista francesa (édition bilingue), Madrid, Akal, 1975, p. 252. 13 On peut constater d’autres cas, très rares par ailleurs, dans quelques-unes des compositions de Rubén Dario et d’Antonio Machado; vid. BOUSOÑO, op. cit., p. 78-79, nt. 15 y 16. 14 D’après Juan Ramón Jiménez, les Rimas de Bécquer auraient exercé une énorme influence sur tous les poètes symbolistes espagnols; vid. El Modernismo. Notas de un curso (1953), op. cit., p. 62. 15 Cité par GAOS, op. cit., p. 30. 16 Vid. El Modernismo. Notas de un curso (1953), op. cit., p. 51, 68 et 174.
  • 4. 4 Voici un texte qui donne à réfléchir sur les conditions entre les fonctions des relations intersystématiques et intrasystématiques qui opèrent dans la littérature en Espagne aux débuts de la carrière de Juan Ramón Jiménez. En d’autres termes, il s’agirait d’approfondir quelles étaient la production, la tradition et l’importation dominantes à ce moment-là de l’évolution littéraire en Espagne. “L’interaction entre ces trois éléments favorise d’ailleurs les tensions internes, et donne ainsi lieu à des alliances et à des changements d’alliances”17, souligne Lambert. La portée de ce fait est plus grande qu’on ne le pense, car elle pourrait aussi modifier beaucoup d’idées reçues au sujet du symbolisme en Espagne et ses implications européennes. Prenons pour cas la relation étroite qui se noua entre Albert Samain et Juan Ramón Jiménez. À maintes reprises, on a remarqué leurs ressemblances et leurs différences. Juan Ramón, il est vrai, s’était pénétré du décadentisme français. Pourtant, on peut faire le constat, à un moment précis, des distances que le poète espagnol prend par rapport au poète français et, en général –nous aurons occasion de le voir–, par rapport à la littérature française. Dédaignant le caractère purement décoratif et exotique de ses motifs, il préfère la remémoration des ambiances vécues18. Fi donc de détails satiriques, érotiques ou descriptifs! Juan Ramón incorpore à sa poésie la grâce ailée de sa terre andalouse, et n’omet jamais des évocations fort intimes. D’où vient cette distance volontaire? Plus précisément, quelles en sont les raisons personnelles chez Juan Ramón et, dans un sens plus vaste, à quoi peut-on identifier le fort intérieur de la littérature espagnole à cette époque? Lors du centenaire du prix Nobel espagnol, on notait qu’il serait fort intéressant de tracer, par exemple, les changements constants des jardins “artificiels”, répudiés par Juan Ramón dans un poème de Poemas májicos y dolientes comme étant une “merveille faussée”. En effet, tout comme Antonio Machado, Juan Ramón Jiménez avait assimilé des procédés et des topiques du symbolisme français. Pourtant, lors de ce colloque auquel nous avons fait allusion, on n’offrait pas les éléments documentaires expliquant cette évolution. Nous tenterons de répondre à ces questions, toujours dans le but d’approfondir la véritable identité du symbolisme espagnol. Carlos Bousoño a donné plusieurs cas d’utilisation des procédés symbolistes dans la littérature espagnole du XVIIe siècle: El Buscón de Quevedo, La devoción de la Cruz de Calderón de la Barca et Entre bobos anda el juego de Rojas Zorrilla19 offrent maints exemples d’images symbolistes avant la lettre. Le cas de saint Jean de la Croix a été étudié par de nombreux auteurs qui ont mis l’accent sur l’importance que revêt la poésie de ce grand mystique espagnol20. Nous transposons ici deux strophes du Cantique spirituel de saint Jean de la Croix où l’auteur n’utilise pas moins de neuf métaphores pour identifier le Bien-aimé: 17 “Les relations littéraires internationales comme problème de réception”, dans Sensus communis. Contemporary Trends in Comparative Literature. Panorama de la situation actuelle en Littérature Comparée. Festschrift für Henry REMAK, Tübingen, Gunter Narr Verlag, 1986, p. 56. Effectivement, il ne serait pas inintéressant, d’étudier en profondeur la réaction d’opposition qui s’est opérée dans certains pays hispanophones allant à l’encontre d’un excès de gallomanie; déjà ÉTIEMBLE commentait: “au XXe siècle, chroniqueurs argentins, péruviens ou mexicains du langage condamnent les gallicismes qui de nouveau infestent l’espagnol et l’infectent”, Comparaison n’est pas raison. La Crise de la littérature comparée, Paris, Gallimard, 1963, p. 87. 18 Vid. Birute CIPLIJAUSKAITE, “Albert Samain, Juan Ramón Jiménez y Antonio Machado”, Actes du Congrès du Centenaire (1981), Huelva, Instituto de Estudios Onubenses, 1983, vol. I, p. 234. 19 Vid. El Irracionalismo poético. El símbolo, op. cit., p. 83-84. 20 Vid. Carlos BOUSOÑO, Teoría de la expresión poética, Madrid, Gredos, 1971, tome I, vid. le chap. “San Juan de la Cruz, poeta contemporáneo”, p. 287-293; vid. également Dámaso ALONSO, La Poesía de San Juan de la Cruz, Madrid, Aguilar, 1958, et Jean BARUZI, Saint Jean de la Croix et le problème de l’expérience mystique, Paris, 1924 (1931).
  • 5. 5 Mi Amado las montañas, los valles solitarios nemorosos, las ínsulas estrañas, los ríos sonorosos, el siluo de los ayres amorosos. La noche sosegada en par de los leuantes del aurora, la música callada, la soledad sonora, la cena que recrea y enamora21. Mon Bien-aimé, les montagnes, les vallées solitaires pleines de forêts, les îles étranges, les rivières sonores, le sifflement des airs amoureux. La nuit tranquille près de l’aube du matin, la musique qui se tait, la solitude sonore, le banquet qui rend la jouissance et l’amour. Nous ne voudrions attirer l’attention que sur un fait: l’impossibilité –ressentie d’ailleurs par l’auteur lui-même lors des commentaires de ses poèmes– de préciser la signification poématique de la composition. Le phénomène visionnaire est en soi vague, inconcret à cause de son symbolisme, et l’auteur doit alors avoir recours à une énumération qui, dans son ensemble, enserre l’évanescence du corps fuyant22: Les montagnes son élevées, abondantes, larges, belles, charmantes, fleuries et parfumées. Voilà ce qu’est mon Bien-aimé pour moi23. Avant saint Jean de la Croix, toute la poésie, depuis Homère jusqu’aux romantiques, suppose une compréhension de ce qui est dit. En revanche, la sienne et celle de ses contemporains n’implique pas nécessairement qu’elle soit comprise… En effet, la révolution instaurée par saint Jean de la Croix fut énorme, d’autant qu’il précédait de trois siècles l’esthétique contemporaine. Il nous semble parfois entendre ces motifs rimbaldiens, lorsque le poète français s’identifie à une presqu’île, lui, bateau perdu et entaché d’horreurs mystiques… Ce qui peut surprendre davantage encore est la conscience que le poète du XVIe siècle avait de son innovation. Rappelons ce qu’il écrit dans la préface du Cantique spirituel à propos de ses chansons: Quoiqu’elles soient en quelque sorte expliquées, il ne faut pas s’attacher à la déclaration, car la sagesse mystique, qui est une sagesse d’amour dont traitent ces Chansons, n’a pas besoin d’être nettement comprise pour rendre l’effet d’amour et d’affection dans l’âme24. Il en va de même, mais nous n’aurons pas le loisir de nous y attarder, dans ces deux autres poèmes mystiques, Llama de amor viva et Noche oscura del alma, où l’on assiste au drame interne de l’expérience, du 21 El Cántico espiritual, d’après le manuscrit des Mères du Carmel de Jaén, Madrid, Espasa-Calpe, 1969, p. 12. 22 Vid. BOUSOÑO, Teoría de la expresión poética, op. cit., p. 289. 23 Déclaration des Chansons XIV et XV, dans Cántico espiritual, op. cit., p. 110. 24 El Cántico espiritual, op. cit., p. 6.
  • 6. 6 rapt mystique et de l’inéffabilité du commentaire. Jamais un homme ne fut avant lui si près du balbutiement inexprimable, de la confuse et obscure expression de l’expérience vécue25. Et qu’un peuple muet d’infâmes araignées Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux26. À l’instar de Baudelaire, Juan Ramón Jiménez aura aussi recours à ce genre de visions; en voici deux exemples: Oh, fragancia eterna, dulce como las rosas más blancas, de seda, de oro, de sueño, de melodía y de lágrima27. Ô frangance éternelle, douce, comme les roses les plus blanches, en soie, en or, en songe, de mélodie et de larmes! Las antiguas arañas melodiosas, temblaban maravillosamente sobre las mustias flores… sus cristales, heridos por la luna, soñaban guirnaldas temblorosas de pálidos colores28. Les anciennes araignées mélodieuses, frémissaient merveilleusement sur les fleurs fanées… Leurs cristaux, blessés par la lune, rêvaient de guirlandes frémissantes aux couleurs blêmes. Le poète s’illustre en formant de véritables tourelles de synesthésies… Et pourtant, on découvrirait sans tarder l’emploi de ces procédés dans la littérature espagnole précédente. Déjà dans une chanson populaire du XVe siècle l’amant attribue à la lune certaines qualités que seule son amante possède: ¡Oh luna que reluces, toda la noche alumbres! Oh luna que reluces, blanca y plateada, toda la noche alumbres a mi linda enamorada. ¡Amada que reluces, toda la noche alumbres!29. Ô lune qui reluis, resplendis toute cette nuit! Ô lune qui reluis, blanche et argentée, reluis toute cette nuit pour ma belle bien-aimée! Bien-aimée qui reluis, reluis toute cette nuit! 25 Vid. ALONSO, op. cit., p. 163. 26 “Spleen”, poème n LXXVIII de l’édition de 1861. 27 “La flauta y el arroyo”, poème n XXV, dans La soledad sonora, Madrid, Taurus, 1981, p. 142. 28 “Rosas de cada día”, poème n XI de La soledad sonora, op. cit., p. 173. 29 Cité par BOUSOÑO, El Irracionalismo poético. El símbolo, op. cit., p. 106.
  • 7. 7 Dans le domaine des symboles proprement dits, nous pouvons trouver –toujours dans la ligne indiquée par Juan Ramón Jiménez–, des exemples dans la littérature espagnole. Comme dans cette autre chanson du XVe siècle: Que miraba la mar la malcasada, que miraba la mar cómo es ancha y larga30, La mésalliée regardait la mer, elle regardait comme la mer est longue et large! Parmi d’autres, Claudel avait affirmé que “les choses visibles ne doivent pas être séparées des choses invisibles. Toutes ensemble constituent l’univers de Dieu et ont entre elles des relations claires ou mystérieuses”31. Juan Ramón Jiménez a été sans doute le poète espagnol qui, d’une manière plus explicite, a le mieux formulé cette analogie des correspondances. Transposons-en deux poèmes: No sois vosotras, ricas aguas de oro las que corréis por el helecho, es mi alma. No sois vosotras, frescas alas libres las que os abrís al iris verde, es mi alma. No sois vosotras, dulces ramas rojas las que os mecéis al viento lento, es mi alma. No sois vosotras, claras, altas voces las que os pasáis del sol que cae, es mi alma32. Ce n’est pas vous, riches eaux d’or qui coulez à travers les fougères, c’est mon âme. Ce n’est pas vous, fraîches ailes libres qui vous ouvrez au vert iris, c’est mon âme. Ce n’est pas vous, douces branches rouges qui vous bercez à la lenteur du vent, c’est mon âme. Ce n’est pas vous, voix claires, hautes, qui allez plus loin que le soleil qui tombe, c’est mon âme. Ou cet autre encore, avec un parallélisme frappant: Morado y verde limón estaba el poniente, madre. Morado y verde limón estaba mi corazón. ¡Verdugones de los golpes de su rudo corazón! 30 Ibid., p. 135. 31 Religion et poésie, dans Œuvres en prose, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1989 (1965), p. 58. 32 De La estación total, poème n 403 de Antología poética, Barcelona, Planeta, 1988, p. 491.
  • 8. 8 …Morado y verde limón estaba el poniente, madre33. Le couchant était, ma mère, d’une couleur violette et vert citron. Mon cœur était, d’une couleur violette et vert citron. Ô les bleus des coups de fouet de son cœur rude! …Le couchant était, ma mère, de couleur violette et vert citron. On trouve cependant d’autres cas de correspondances chronologiquement antérieurs, par exemple dans le romantisme espagnol. Il s’agit du romance historique “Una noche de Madrid en 1578” où tous les éléments correspondent à l’assassinat qui est sur le point de se perpétrer dans la personne d’Escobedo: Al balcón el Rey se acerca Y lo abre inquieto, se asoma, Y se retira, y escucha, Y sin cerrarlo lo entorna. Entra la brisa en la sala, Agita las luces todas, Y a su ondulación parece Que todo se mueve y borra, Y que el aposento tiembla Y que en fantásticas formas Los muebles y colgaduras Ya se alargan, ya se acortan34. Le roi s’approche du balcon Et, inquiet, il l’ouvre; il se penche Et se retire, et il écoute: Et, sans le fermer, le laisse entrebâillé. La brise entre dans la salle, Elle secoue toutes les lumières, Et, par l’effet de leurs ondulations, L’on dirait que tout bouge et que tout s’efface, Et que la demeure tremble Et qu’en formes fantastiques Les meubles et les tentures Tantôt s’allongent, tantôt se rétrécissent. Dans cette série de poèmes, quelques-uns appartiennent à la période allant de la Renaissance au romantisme. L’utilisation des procédés symboliques est évidente et vient confirmer qu’il existait un symbolisme espagnol latent avant que l’avalanche du symbolisme officiel ne se fît sentir outre- Pyrénées. Certes, on ne peut douter ni de l’influence de l’école symboliste ni du renouveau qu’elle a provoqué dans la littérature espagnole; mais les observations précédentes peuvent jeter une lumière sur tous les tenants et les aboutissants de l’authentique formation d’une littérature telle que l’espagnole à cette époque. 33 “El pajarito verde”, poème n 237 de Segunda Antolojía Poética, op. cit., p. 172. 34 DUQUE DE RIVAS, romance quatrième, dans Romances, Madrid, Espasa-Calpe, 1955, tome II, p. 43.
  • 9. 9 Le Modernisme Il est pourtant un phénomène dont il convient de donner un léger aperçu ne serait-ce qu’à cause de l’importance que Juan Ramón lui-même lui a accordé: il s’agit du Modernisme. Le rapport que le Modernisme entretient avec quelques mouvements littéraires –tels le symboliste ou le parnassien– est étroit, et son étude revêt une importance capitale. Mais il est plus important encore, dans notre cas précis, sinon d’en donner une définition, du moins d’essayer d’en cerner certaines composantes culturelles qui puissent nous éclairer sur ses implications européennes et américaines: la vision d’ensemble que nous en aurons alors nous permettra d’approfondir le sujet de notre étude. Autrement dit, nous continuons à nous interroger sur ces questions d’identité et d’influence étrangère qui ont pu être à l’origine de la naissance du symbolisme contemporain en Espagne. Une fois de plus, il nous semble opportun de suivre les traces marquées par Juan Ramón. Il a été aussi bien une figure de proue qu’un témoin privilégié du Modernisme. On connaît désormais le mouvement théologique, qui prit naissance en Allemagne vers la moitié du XIXe siècle et qui chercha à trouver un accommodement entre le dogme catholique et la critique moderne de la Bible. Les principaux protagonistes, comme l’abbé Alfred Loisy en France et Tyrrell en Grande Bretagne, seraient condamnés par la censure ecclésiastique: le mouvement théologique suivrait le même sort lors de la publication de l’encyclique Pascendi gregis de Pie X. Plus tard, il se propagerait vers d’autres disciplines scientifiques. Ce qui nous intéresse en l’occurrence, ce sont seulement les suites idéologiques et littéraires que le mouvement moderniste allait connaître lors de son développement. Certes, en France ce mouvement ne prendra presque jamais le nom de Modernisme appliqué à la poésie. Il en fut autrement pour la littérature hispanophone, ce qui ne s’est pas produit sans entraîner une suite de malentendus. Le nom de Modernisme en littérature provient des États-Unis, où il fut accepté par un groupe de poètes du Middle-West35 –génération intermédiaire entre Whitman et Robert Frost. Les principaux poètes d’Amérique latine –tels Martí, Rubén Darío, Silva–, qui séjournaient alors dans ce pays allaient être gagnés par la contagion de cette nouvelle attitude; c’est à travers ces derniers que la dénomination de Modernisme a été introduite en Espagne36. Quelle fut la charge idéologique du Modernisme de langue hispanique? Outre les préoccupations religieuses hétérodoxes –pensons à ce grand homme de pensée moderniste que fut Unamuno–, le Modernisme s’était imbibé de la philosophie de Schopenhauer, de Nietzsche37 et de Krause38. C’est précisément ce dernier, par son Compendium d’Esthétique, qui va exercer une énorme influence sur la poussée idéaliste espagnole de l’époque. Quelques-uns de ses disciples –Francisco Giner de los Ríos, Cossío, Sanz del Río, le père des frères Machado– vont fonder ou participer assidûment à l’Institución Libre de Enseñanza. Fils de leur temps, les modernistes parient décidément sur le futur. Même lorsqu’ils se mettent en quête de leurs racines les plus profondes –pensons aux écrits d’Unamuno sur l’histoire intérieure, à l’indigénisme des Hispano-Américains et au castillanisme d’Antonio Machado–, les modernistes ne 35 Vid. la célèbre Anthologie Untermeyer. 36 Vid. Juan Ramón JIMÉNEZ, El Modernismo. Notas de un curso (1953), op. cit., passim. 37 Paradoxalement, plusieurs de ces auteurs, Schopenhauer, Nietzsche, Emerson, Maeterlinck, citent Gracián lorsqu’ils étudient l’idée du héros; est un héros en littérature celui qui arrive à rendre l’art complètement autonome; vid. JIMÉNEZ, El Modernismo. Notas de un curso (1953), op. cit., p. 100. 38 Vid. par exemple, Les Éducateurs de l’Espagne contemporaine. I, Les Krausistes, Bibliothèque de l’École des Hautes Études Hispaniques, Paris, Bordeaux, 1936; ouvrage cité par GULLÓN et FERNÁNDEZ MÉNDEZ dans El Modernismo. Notas de un curso (1953), op. cit., p. 26, nt. 2.
  • 10. 10 cessent pas de regarder en avant. Alors que la tradition de leurs prédécesseurs est une tradition historique, la leur est la tradition éternelle: Modernisme dynamique face au prosaïsme statique et à la rhétorique vide39… Dans un autre ordre de choses, la musique allemande, la lyrique anglaise et la mystique espagnole joueront à leur tour un rôle très important dans le domaine des influences formatrices40. Finalement, la nouvelle bouffée d’air frais importée par Darío –beaucoup plus attiré au prime abord par l’esthétique parnassienne– et l’indubitable apport des symbolistes français va donner, en littérature, des résultats fort complexes, qui seront longtemps présents dans la vie culturelle de l’Espagne. Pour ce qui est de l’Amérique latine, toutes ces idées doivent être prises en considération simultanément compte tenu de la découverte des richesses qu’impliquait l’indigénisme continental et de l’attraction qu’exerçait sur ces écrivains le mouvement parnassien. Mais, plus important encore, le fait qu’à partir de cette époque, les écrivains latinoaméricains ont commencé à marcher sur des sentiers qui leur sont propres et qu’avec les Espagnols, ils ont commencé à participer de manière active à la création de la littérature universelle41. Il serait temps de se poser la question sur le résultat littéraire de toute cette attitude qu’est le Modernisme –on n’insistira jamais trop sur le fait qu’il ne s’agit ni d’un mouvement, ni d’une école ni d’une génération. Juan Ramón déclarait en 1935 que c’était “la rencontre avec la beauté ensevelie pendant le XIXe siècle sous un ton général de poésie bourgeoise. Voilà ce qu’est le Modernisme: un grand mouvement d’enthousiasme et de liberté vers la beauté”42. Il s’agirait d’une nouvelle Renaissance qui unit l’élément sensoriel au métaphysique, tout cela dans un souci –en accord avec le libéralisme pratique– de révisionnisme des idées reçues43 et d’exigence pour la forme suivant la plus pure tradition symboliste. Les compositions imbibées de Modernisme respirent un lyrisme qui tient beaucoup de celui de Bécquer; enrichies de connotations néo-romantiques, elles introduisent le lecteur dans une atmosphère de confidence passionnée44, le berçant dans la mélodieuse sonorité des ballades allemandes et des chansons populaires espagnoles45. Des caractéristiques qui nous renvoient, on le voit, à cette idée, déjà évoquée et chère à Juan Ramón, d’un symbolisme purement espagnol… L’influence de “la lyrique du Nord” Les années passant, Juan Ramón rend témoignage d’un nouveau changement qui s’est opéré dans ses affinités littéraires. Nous trouverons alors une deuxième réponse aux questions posées plus haut au sujet de l’évolution que connut, à un moment précis de son histoire, le symbolisme espagnol. Le poète lui-même nous a laissé la trace des facteurs qui conduisirent à ce changement: “En 1916 (…) j’ai vu (…) que la lyrique latine, néoclassicisme gréco-romain total, n’[était] pas (…) pour moi; que j’ai toujours préféré, d’une manière ou d’une autre, la lyrique du Nord, concentrée, naturelle et quotidienne (…). J’étais jusqu’alors très nuancé [sic] de formes fermées, composites, trop bien composites; et les vers d’Edwin Arlington Robinson, de William Butler Yeats, de Robert Frost, de A. E., de Francis Thompson, maintenant unis à ceux de Whitman, Gerard Manly Hopkins, Emily 39 Cfr. El Modernismo. Notas de un curso (1953), op. cit., p. 22. 40 Ibid., p. 114. 41 Cfr. Federico de ONÍS, Introduction à l’Antología de la poesía española e hispanoamericana, dans El Modernismo. Notas de un curso (1953), op. cit., p. 282. 42 Article publié dans le journal La Voz, le 18 mars 1935; cité dans El Modernismo. Notas de un curso (1953), op. cit., p. 17. 43 C’est alors, par exemple, que sont menées à bout –simultanément aux études positivistes de l’école de Menéndez Pelayo– des recherches philologiques sur la valeur historique et littéraire du Poema de Mío Cid. 44 Vid. El Modernismo. Notas de un curso (1953), op. cit., p. 19. 45 Ibid., p. 175.
  • 11. 11 Dickinson, Robert Browning46, me semblèrent plus directs, plus libres, plus modernes, les uns par leur simplicité et les autres par leur complexité. L’affaire de la France, de l’Italie, et d’une partie de l’Espagne et de l’Amérique latine devint pour moi des promesses qu’on n’accomplit pas”47… Affirmation tranchante, qui ne laisse aucun doute sur la nouvelle orientation du poète espagnol. Parmi ces poètes anglosaxons, il en connaissait quelques-uns despuis 1902-1905. Mais son séjour aux États- Unis et le mariage avec Zénobie, finirent par lui rendre familière la poésie de langue anglaise48. Une autre raison de la nouvelle dérive empruntée par Juan Ramón est sa certitude qu’il y eut, à un moment donné de l’histoire, un parallélisme net entre l’Espagne et les pays d’Amérique: “L’idée, disait-il, c’est moins d’exalter l’Espagne universelle ou les États-Unis universaux que la région universelle”49. Nous voudrions montrer maintenant, à l’aide de quelques exemples, l’effet humain et poétique de cette autre lyrique chez Juan Ramón. Soulignons que le poète espagnol accorda une toute spéciale admiration aux talents de Blake, Shelley et Yeats –“ils furent mes séducteurs les plus constants”50, reconnaîtra-t-il en les citant parmi d’autres–, et s’efforça délibérément et constamment d’entendre leur œuvre et de leur répondre dans la fibre de son propre talent51. Reprenant le mot de Mallarmé, “Suggérer, voilà le rêve”, Juan Ramón Jiménez va développer un thème amoureux qui se trouve chez Blake: l’excessif empressement auprès de la bien-aimée, ce qui provoque la fuite de celle-ci effrayée: Never pain to tell thy Love Love that never told can be For the gentle wind does move Silently invisibly I told my love I told my love I told her all my heart Trembling cold in ghastly fears Ah she doth depart Soon as she was gone from me A traveller came by Silently invisibly O was no deny52. Ne souffre jamais à lui raconter ton amour, L’amour ne peut être jamais raconté, 46 D’où viendrait, selon Juan Ramón Jiménez, le goût de Mallarmé pour l’énigmatique, vid. El Modernismo. Notas de un curso (1953), op. cit., p. 103. 47 La corriente infinita. Crítica y evocación, Madrid, Aguilar, 1961, lettre à Luis Cernuda, p. 175. 48 Cfr. GAOS, op. cit., p. 46. On trouvera des précisions sur ce “déclin français” chez Juan Ramón dans La corriente infinita. Crítica y evocación, op. cit., p. 171-179. 49 El Modernismo. Notas de un curso (1953), op. cit., p. 113. À ce propos il faut noter ce que l’universel signifie pour Juan Ramón Jiménez. Suivant l’idée de Goethe, l’auteur espagnol soutient que l’universel est le dépassement du national vers l'absolu; d’où le caractère ineffable de certaines réalités: Dieu, l’amour, etc. Les poètes symbolistes universels, par conséquent, éviteront la précision et chercheront à s’expliquer par le moyen de symboles ou d’approximations: “la fleur ou l’oiseau, et non pas le fuchsia ou le loriot”, vid. ibid., p. 193. 50 La corriente infinita. Crítica y evocación, op. cit., p. 176. 51 Cfr. Howard T. YOUNG, The Line in the Margin. Juan Ramón Jiménez and his Readings in Blake, Shelley, and Yeats, Madison, The University of Wisconsin Press, 1980, p. XXIII. 52 Songs and Ballads, dans The Complete Poetry and Prose of William Blake, David V. ERDMAN éd., New York, Anchor Books & Doubleday, 1988 (1965), p. 467.
  • 12. 12 Car le vent doux s’agite Silentieusement, invisiblement. Je lui ai raconté mon amour, Je lui ai raconté tout mon amour, En tremblant de froid et d’affreuse crainte, Ah!, elle s’en est allée! Peu après son départ Passa un voyageur, Silentieusement, invisiblement, Ô, il n’y eut aucun doute! Retenons ces vers de Blake, car Juan Ramón en fera l’adaptation. D’autre part, voici les propos du romantique espagnol cité plus haut, Bécquer: Estas fantasías ligeras y, por decirlo así, impalpables, son en cierto modo como las mariposas, que no pueden tomarse en las manos sin que se quede entre los dedos el polvo de oro de sus alas53. Ces fantaisies légères et, pour ainsi dire, insaisissables, sont en quelque sorte comme des papillons, qu’on ne peut pas prendre dans les mains sans qu’il reste entre les doigts la poudre d’or de leurs ailes. Chez notre auteur, l’image prend même une nature éthérée, reflet évident du silence invisible du vent évoqué par Blake: Mariposa de luz, la belleza se va cuando yo llego a su rosa. Corro, ciego, tras ella… La medio cojo aquí y allá… ¡Solo queda en mi mano la forma de su huida!54. Papillon de lumière, la beauté s’en va quand j’atteins sa rose. Je cours, aveugle, derrière elle… Je la prends à moitié par-ci, par-là… Il ne reste sur ma main que la forme de sa fuite! Il semble bien que Juan Ramón ait appris la leçon. Ce qui prouve, précisement après l’achat de l’anthologie d’Oxford en 1916, qu’il a pris conscience du risque qu’on encourt lorsqu’on exprime avec une précision excessive ses propres sentiments. Le poète doit avoir recours aux symboles et à la force communicative du vent, thème, d’ailleurs, extrêmement cher au mystique saint Jean de la Croix. C’est ainsi que Juan Ramón laisse entendre dans la poésie que Blake lui a suggérée: No vayas nunca a tu amor aunque nunca puede [palabra ilegible] pues el viento suave tiembla silenciosamente, invisiblemente55. Ne va jamais à ton amour même si jamais il ne peut [mot illisible] car le vent doux tremble silencieusement, invisiblement. 53 Gustavo Adolfo BÉCQUER, “Tres fechas”, dans Leyendas; vid. Rimas y Leyendas. Desde mi celda, Buenos Aires, EMECÉ, 1946, p. 213. 54 De “Piedra y cielo”, (1917-1918), poème n 313 de Antología poética, op. cit., p. 394. 55 “Secreto de amor”, de Wiliam (sic) Blake, Archive historique, boîte n 29. 273 / 107; cité par YOUNG, op. cit., p. 173.
  • 13. 13 Nous avons noté plus haut l’admiration que Juan Ramón éprouvait pour Emily Dickinson. Cette poétesse lui aurait inspiré aussi un des thèmes proches à la conception symboliste de l’univers: la pensée que le rêve poétique est fort capable de donner vie à des éléments qu’on trouve le plus souvent dans la nature: The “Tune is in the Tree–” The Skeptic-showeth me– “No Sir! In Thee!”56. La “Mélodie est dans l’arbre–” Me dit le Sceptique– “Non, Monsieur! Elle est en vous-même!”. L’orientation idéaliste de ces vers n’est guère discutable. Nous tenons ici la preuve que le symbolisme espagnol a voulu également apaiser sa soif de nouveauté ailleurs que dans les lieux communs. En effet, à la question rhétorique de Shelley Where is the love, beauty, and truth we seek But in our mind?57, Où se trouve l’amour, la beauté, et la vérité que nous cherchons Sinon dans notre esprit?, Juan Ramón répond résolument: Todo infinito a que yo aspiro –belleza, Obra, amor, ventura–, es, en el acto, yo. Y sigue igual el infinito58. Tout l’infini auquel j’aspire –beauté, Œuvre, amour, bonheur–, c’est, tout de suite, moi-même. Et l’infini reste tel qu’en lui même. Il serait intéressant, ce qui dépasserait de loin le cadre nécessairement restreint de cette étude, d’étudier la réception de l’idéalisme chez un poète comme Juan Ramón. Soulignons cependant ceci: lorsque Rémy de Gourmont affirmait “Je ne vois pas ce qui est; ce qui est, c’est ce que je vois” (Le Livre des masques), et que Gide constatait “Il me semble toujours qu’elles [les choses] n’existent plus quand je n’y pense plus”, en fait l’un et l’autre ne faisaient que formuler autrement ce que les philosophes idéalistes allemands avaient affirmé avant eux: Schopenhauer n’avait-t-il pas déclaré que “Die Welt ist meine Vorstellung”? Kant avait dressé sur ce même terrain les fondations de son Esthétique Transcendantale. Or, on peut supposer que Juan Ramón a lu ce dernier ouvrage à la bibliothèque du Docteur Simarro. Ces lectures, jointes à celles des symbolistes tels que Yeats ou Blake expliquent bien jusqu’où s’est aventuré notre auteur dans les sentiers de l’idéalisme. La preuve, ce poème: Sé bien que soy tronco del árbol de lo eterno. Sé bien que las estrellas con mi sangre alimento. Que son pájaros míos todos los claros sueños… 56 The Complete Poems of Emily Dickinson, Boston, Little, Brown, 1960, p. 257; cité par YOUNG, op. cit., p. 185. 57 Julian and Maddalo. A conversation, dans The Oxford Anthology of English Literature, New York, Oxford University Press, 1973, vol. II, p. 418. 58 De “Belleza”, Libros de poesía, Madrid, Aguilar, 1959, p. 1092; cité par YOUNG, p. 185.
  • 14. 14 Sé bien que cuando el hacha de la muerte me tale, se vendrá abajo el firmamento59. Je sais bien que je suis un tronc de l’arbre de l’éternel. Je sais bien que je nourris de mon sang les étoiles. Que tous mes doux rêves sont des oiseaux à moi… Je sais bien que lorsque la hache de la mort viendra me tailler, tout le firmament s’écroulera. Nous avons fait mention de Yeats, un autre auteur symboliste qui allait laisser sa trace sur la création du poète andalou. Dans son Symbolism of Poetry, il annonçait un rejet des conceptions traditionnelles de la nature et de la loi morale, et il prônait l’abolition de toutes les anecdotes60. Il n’est pas difficile de suivre les traces que ces manifestes ont laissé dans l’esprit et dans la production poétique de Juan Ramón Jiménez; dans son poème “Actualidad” il déclarait avec force: ¡El corazón inmenso dentro del sol de cada día –el árbol incendiado de los aires–, fruto total del cielo azul! ¡Hagamos grande solo la verdad presente!61. Le cœur immense dans le soleil de chaque jour –l’arbre des airs en flammes–, fruit total du ciel bleu! Faisons grande la seule vérité présente! Dans cet autre, il est encore plus clair: Quisiera que mi libro fuese, como es el cielo por la noche, todo verdad presente, sin historia. Que, como él, se diera en cada instante, todo, con todas sus estrellas; sin que niñez, juventud, vejez quitaran ni pusieran encanto a su hermosura inmensa. ¡Temblor, relumbre, música presentes y totales! ¡Temblor, relumbre, música en la frente –cielo del corazón– del libro puro!62 Je voudrais que mon livre fût, comme l’est le ciel pendant la nuit, tout vérité présente, dépourvu d’histoire. Que, comme lui, tout se donne en chaque instant, tout, et toutes ses étoiles; 59 De “Eternidades”, poème n 288 de Antología poética, op. cit., p. 369. 60 Cité par YOUNG, op. cit., p. 155. 61 De “Piedra y cielo” (1917-1918), poème n 318 de Antología poética, op. cit., p. 399. 62 Ibid., poème n 329, p. 410.
  • 15. 15 sans que ni l’enfance, ni la jeunesse, ni la vieillesse retiraient ou ajoutaient du charme à son immense beauté. Frémissement, lueurs, musique présents et pléniers! Frémissement, lueurs, musique sur le front –ciel du cœur– du livre pur! Ainsi donc, l’évolution vertigineuse à laquelle nous faisions allusion est fortement redevable de ces bouffées d’air frais que Juan Ramon est allé respirer ici et ailleurs. Alors que ses préférences étaient du côté des symbolistes français, le poète espagnol décrivait les états de son âme, bien sûr, mais sans livrer la signification de l’expérience vécue63. Celle-ci l’intéresse, mais seulement dans la mesure où elle porte une émotion: “ce qui me tente toujours est la sensation provoquée par un phénomène”64, dira-t-il se souvenant sans doute des souhaits de Keats: “O, for a life of sensations, rather than of thoughts”65. On voit aisément que nous sommes dans la ligne du romantisme66. Plus tard, il se rapproche ouvertement d’un concept de la poésie où l’expérience humaine est considérée comme l’élément essentiel de l’activité poétique67. Autrement dit, il ne lui suffira pas de suggérer ce qu’il y a de mystérieux dans le monde, à la manière, par exemple, de Rimbaud. Dans son ascension, il trouve que le “moi” poétique n’est pas simplement un personnage, un acteur ou un lecteur; c’est plutôt un symbole de l’homme en tant que créateur de culture (comme le montre le poème “À mon âme” de Sonetos espirituales). Les conséquences de cette progression ne se feront pas attendre. Au fur et à mesure que sa création poétique avance, Juan Ramón modifie son usage des symboles; en fait, il approfondit sa conception symbolique du monde, mais cette fois-ci, sous un autre jour: il tente maintenant d’appréhender les correspondances entre l’humain et le divin68; voici un nouveau virage dont la gradation ira en augmentant sans cesse jusqu’à ses derniers poèmes. On peut constater aisément que cette recherche impliquait un retour au mysticisme –d’où aussi la traduction, en collaboration avec sa femme, des poèmes bengalis de Rabindranath Tagore– et, parallèlement, à la versification traditionnelle espagnole. Dans ses premières étapes, les symboles opéraient à la façon d’un trait d’union avec le monde intérieur des sentiments du poète. C’était, en grande partie, l’influence du symbolisme “français” dont il s’était impregné dès sa jeunesse. Ultérieurement, Juan Ramón se sert des symboles comme d’une passerelle qui le conduit à une conscience totalisante, vers un cosmos unifié, bref, vers un dieu, au-dedans et au-dehors du poète. Chez lui, le symbole ne sera plus tout simplement un procédé poétique et lyrique. Sa réflexion sur la mystique et sa réception de la lyrique anglosaxone modifient ses symboles esthétiques en symboles, si l’on peut dire, ontologiques ou, à tout le moins, en symboles de la transcendance69. Nous avons essayé de montrer l’évolution suivie par Juan Ramón Jiménez pendant sa longue carrière littéraire. Certes, l’attachement sincère qu’il ressent pour son pays, nous a permis d’expliciter 63 Vid. par exemple, le poème “En el balcón un momento…” de Rimas, n 29 de Antología poética, op. cit., p. 57. 64 La corriente infinita. Crítica y evocación, op. cit., p. 176. 65 Letters of John Keats, London, M. E. Forman, 1931, I, p. 73. 66 “The end of the Poetry is to produce excitement in co-existence with an over-balance of pleasure (…); the spontaneous overflow of powerful feelings: it takes its origin from emotion recollected in tranquillity”, William WORDSWORTH, Preface to Lyrical Ballads, dans The Poems, London, Penguin Books, 1990 (1977), vol. I, p. 885-886. 67 Cfr. Bernardo GICOVATE, La poesía de Juan Ramón Jiménez. Ensayo de exégesis, San Juan de Puerto Rico, Asomante, 1959, p. 16. 68 Ceferino SANTOS-ESCUDERO, Símbolos y Dios en el último Juan Ramón Jiménez. El influjo oriental en “Dios deseado y deseante”, Madrid, Gredos, 1975, p. 19. 69 Vid. ibid., p. 28.
  • 16. 16 au travers de ses paroles les principaux signes distinctifs de son symbolisme. Mais c’est aussi sans doute cette simplicité qui l’a poussé à laisser pour l’avenir un très riche témoignage des divers vêtements dont s’est paré le symbolisme espagnol pendant une bonne partie de son histoire. Bibliographie Dámaso ALONSO, La Poesía de San Juan de la Cruz, Madrid, Aguilar, 1958. Jean BARUZI, Saint Jean de la Croix et le problème de l’expérience mystique, Paris, 1924 (1931). Gustavo Adolfo BÉCQUER, “Tres fechas”, dans Leyendas; vid. Rimas y Leyendas. Desde mi celda, Buenos Aires, EMECÉ, 1946. William BLAKE, The Complete Poetry and Prose of William Blake, David V. ERDMAN éds., New York, Anchor Books & Doubleday, 1988 (1965). Carlos BOUSOÑO, Teoría de la expresión poética, Madrid, Gredos, 1971, tome I, vid. le chap. “San Juan de la Cruz, poeta contemporáneo”, p. 287-293. – El Irracionalismo poético. El símbolo, Madrid, Gredos, 1977. Birute CIPLIJAUSKAITE, “Albert Samain, Juan Ramón Jiménez y Antonio Machado”, Actes du Congrès du Centenaire (1981), Huelva, Instituto de Estudios Onubenses, 1983, vol. I. Paul CLAUDEL, Religion et poésie, dans Œuvres en prose, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1989 (1965). Emily DICKINSON, The Complete Poems of Emily Dickinson, Boston, Little, Brown, 1960. René ÉTIEMBLE, Comparaison n’est pas raison. La Crise de la littérature comparée, Paris, Gallimard, 1963. Bernardo GICOVATE, La poesía de Juan Ramón Jiménez. Ensayo de exégesis, San Juan de Puerto Rico, Asomante, 1959. Saint JEAN DE LA CROIX, El Cántico espiritual, d’après le manuscrit des Mères du Carmel de Jaén, Madrid, Espasa-Calpe, 1969. Juan Ramón JIMÉNEZ, Segunda Antolojía Poética, (1898-1918), Madrid, Espasa-Calpe, 1952. – La corriente infinita. Crítica y evocación, Madrid, Aguilar, 1961. – El Modernismo. Notas de un curso (1953), Ricardo GULLÓN et Eugenio FERNÁNDEZ MÉNDEZ éds., Madrid, Aguilar, 1962. – Antolojía poética, Vicente GAOS éd., Madrid, Cátedra, 1981. – Melancolía, Madrid, Taurus, 1981. – La soledad sonora, Madrid, Taurus, 1981. – Antología poética, Barcelona, Planeta, 1988. John KEATS, Letters of John Keats, London, M. E. Forman, 1931. José LAMBERT, “Les relations littéraires internationales comme problème de réception”, dans Sensus communis. Contemporary Trends in Comparative Literature. Panorama de la situation actuelle en Littérature Comparée. Festschrift für Henry REMAK, Tübingen, Gunter Narr Verlag, 1986. Henri PEYRE, Qu’est-ce que le symbolisme?, Paris, Presses Universitaires de France, 1974. Poesía simbolista francesa (édition bilingue), Madrid, Akal, 1975. Ignacio PRAT, El muchacho despatriado. Juan Ramón Jiménez en Francia (1901), Madrid, Taurus, 1986. Duque de RIVAS, romance quatrième, dans Romances, Madrid, Espasa-Calpe, 1955, tome II. Ceferino SANTOS-ESCUDERO, Símbolos y Dios en el último Juan Ramón Jiménez. El influjo oriental en “Dios deseado y deseante”, Madrid, Gredos, 1975. Percy B. SHELLEY, Julian and Maddalo. A conversation, dans The Oxford Anthology of English Literature, New York, Oxford University Press, 1973, vol. II.
  • 17. 17 William WORDSWORTH, Preface to Lyrical Ballads, dans The Poems, London, Penguin Books, 1990 (1977), vol. I, p. 885-886. Howard T. YOUNG, The Line in the Margin. Juan Ramón Jiménez and his Readings in Blake, Shelley, and Yeats, Madison, The University of Wisconsin Press, 1980.