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DU NOUVEAU SUR LE “ROMANCE MAURESQUE”
DES ORIENTALES DE VICTOR HUGO
Reflets du Siècle d’Or espagnol. Modèles en marge. Anne Teulade (éd.),
Nantes: Éditions Cécile Defaut, “Horizons comparatistes”, 2010, p. 239-254
(ISBN: 978-2-35018-095-3)
Recueil original par rapport à la facture post-classique des Odes, Les Orientales franchissent le
pas de la nouvelle poésie: c’est l’heure des caprices romantiques et de la renaissance orientale.
Lointaines par l’espace et la situation politique, l’Asie et l’Afrique n’étaient à la portée, à la fin du
premier tiers du XIXe siècle, que des consuls ou des soldats. Plus proches, les frontières méridionales
de l’Europe représentaient un pis-aller pour le rêveur, pour le poète qui parvenait à se faire une place
dans un convoi de fortune ou avait accès à une collection de dessins. La Grèce était passée aux mains
des Turcs en 1461 et ce –sauf brèves périodes– jusqu’à son indépendance en 1822; l’Espagne,
conquise dès 711, ne connaîtrait sa réunification qu’en 1492. Le poids des siècles se faisait sentir dans
ces deux pays, et l’inspiration des poètes romantiques n’avait guère de mal à exhumer, du terrain
stratifié par le temps, les reliques littéraires d’un habitant exotique. De récentes circonstances
culturelles venaient s’ajouter à cela: d’un côté, le mouvement philhellène apparu entre le soulèvement
grec de 1821 et la bataille de Navarin, de l’autre, l’attraction hispanique suscitée par les récits de
l’invasion napoléonienne et la campagne de 1823. Ainsi, par rapport aux pays de l’Orient, la Grèce et
l’Espagne se distinguaient-elles par l’auréole de leur passé prestigieux et l’atout d’une relative
proximité. Ce sont sans doute deux des raisons qui expliquent le grand nombre de poèmes relatifs à
ces contrées, dernières étapes possibles avant d’affronter l’Orient inconnu; le chemin de Missolonghi
vers la Turquie ottomane, celui de Madrid vers l’Afrique musulmane semblaient plus abordables, du
moins pour l’imagination, que le long parcours entre la France et l’Orient. Le voyage en Grèce ou en
Espagne pouvait se substituer au voyage en Orient. L’alchimie littéraire est capable de transformer le
désir en objet: par l’imagination et le verbe des poètes, la Grèce et l’Espagne devenaient, de simples
succédanés qu’elles étaient, non pas un possible Orient, mais l’Orient lui-même.
L’intérêt porté aux marges géographiques et temporelles (les années vingt représentent une
borne définitive vers l’indépendance de la Grèce, vers le rétablissement monarchique en Espagne) a
la vertu de rapprocher l’Orient et l’Europe méridionale; c’est donc toute l’Europe, la France en
premier lieu, qui se croit en Orient. Ce procédé métonymique ne va pas pourtant sans le brouillage
des frontières documenté par Claude Millet et Franck Laurent1. En effet, la combinaison hugolienne
des lieux et des dates, des héros et des événements du recueil (accumulation qui ne résisterait pas à la
moindre analyse empirique), confronte le lecteur à un amalgame d’éléments non seulement
hétéroclites, mais souvent opposés. Quelques exemples concernant l’Espagne suffisent à le prouver.
Dans La Bataille perdue, élégie d’un chef turc vaincu par les Grecs au XIXe siècle, l’épigraphe répète les
plaintes prononcées par le roi wisigoth Rodrigue à la bataille de Guadalete au VIIIe siècle; dans le
Romance mauresque, récit de la vengeance de Mudarra le bâtard sur Rodrigo Velázquez au Xe siècle,
1 Voir respectivement: Claude Millet, “Avant-propos” dans Victor Hugo 5. Autour des “Orientales”,
Claude Millet (dir.), Paris-Caen, Lettres Modernes-Minard, coll. “Victor Hugo”, 2002, p. 5, et Frank,
Laurent, “Orient / Occident: au-delà du miroir”, dans ibid., p. 29; voir aussi Les Orientales. Les Feuilles
d’automne, Franck Laurent (éd.), Paris, Librairie Générale Française, coll. “Le Livre de Poche”, 2000,
p. 102, 129, 143, 171 et 174.
2
l’épigraphe reprend un mot du roi wisigoth (VIIIe siècle) tandis que le poème inverse les valeurs
traditionnellement accordées à l’Orient et à l’Occident. Le résultat, sans doute cherché par le poète,
est un effacement des frontières non seulement spatiales et chronologiques, mais également affectives
et textuelles. C’est ainsi, par ce recours contraire à tout esprit de système, que le poète obtient la
preuve supplémentaire que “l’Espagne”, du moins l’Espagne rêvée, “est encore l’Orient”2.
Le cas de l’Espagne était particulièrement stimulant pour Hugo; aux souvenirs d’enfance et à
la séduction de l’Orient s’ajoute l’aura d’une époque magique, le Moyen Âge, “cette autre mer de
poésie” évoquée dans la Préface de janvier 1829 des Orientales. Nulle autre période n’a exercé autant
de fascination sur l’auteur: il y trouve la rudesse, la simplicité et la passion dont son esprit est trempé.
Certes, “ce Moyen Âge de Victor Hugo, historiquement, est faux, et même un peu absurde, mais
esthétiquement il existe. Hugo l’a fait vivre”3. On comprend mieux alors l’empreinte laissée par le
Romancero dans Les Orientales, qui le mettent largement à profit dans La Bataille perdue, le Romance
mauresque et Grenade. La poésie épique du Cid et la poésie lyrique des chansonniers du Moyen Âge se
rencontrent dans le Romancero des XVIe et XVIIe siècles, dont les pièces épiques, romanesques et
historiques concentrent en quelque sorte l’essence de l’âme espagnole de cette période. Plus apprécié
au XVIIe siècle français qu’on ne le pense, le Romancero connut au XIXe siècle, après sa redécouverte
par les Allemands (Hamann, Herder et Grimm) et les Anglais (Percy, Southey et Holland), d’ardents
défenseurs. Si les effets du Romancero tardèrent à se faire sentir en France, il n’en furent pas moins
fructueux: en 1791, Florian avait offert dans son Gonzalve de Cordoue une imitation des Guerres civiles de
Grenade de Pérez de Hita; vinrent ensuite les traductions partielles du Romancero: celle de Creuzé de
Lesser en 1814 ou d’Abel Hugo en 1822; d’autres encore paraîtraient après Les Orientales: celles du
chevalier de Regnard (1830), de Jubinal (1841), de Rénal (1842), de Damas-Hinard (1844), de Saint-
Albin (1866)4. Dans les pages qui suivent, nous voudrions étudier la réception du Romancero dans le
“Romance mauresque”5 de Victor Hugo.
Quoi que cette pièce soit à proprement parler aussi sombre que La Bataille perdue, nous entrons
brusquement dans ce que Meschonnic a appelé le “tourisme illuminé des Espagnes poétiques”6. Il
s’agit là d’une véritable adaptation de la Mort de don Rodrigue de Lara, romance publié par Abel Hugo
dans ses Romances historiques traduites de l’espagnol:
Un don Rodrigue va à la chasse, c’est don Rodrigue de Lara; au milieu du tumulte qu’elle cause, il
s’appuie contre un hêtre.
Il maudit le jeune Mudarra, fils de la renégate; il se dit à lui-même que s’il l’avait entre les mains, il lui
arracherait l’âme.
En ce moment arrive un homme à cheval. “Dieu te garde, chevalier qui reposes sous ce hêtre.
– Dieu te garde aussi, écuyer, heureuse soit ton arrivée! – Dis-moi, chevalier, qui es-tu?
– On m’appelle don Rodrigue, je suis don Rodrigue de Lara, frère de dona Sancha, beau-frère de
Gonçalo Gustos.
Les Infants de Lara étaient mes neveux; j’attends ici le jeune Mudarra, le fils de la renégate.
S’il était devant moi je lui arracherais la vie. – On t’appelle don Rodrigue, tu es don Rodrigue de Lara.
2 Préface de janvier 1829; édition de référence: Œuvres poétiques. I. Avant l’exil (1802-1851), Gaëtan
Picon (préf.), Pierre Albouy (éd.), Paris, Gallimard, coll. “La Pléiade”, 1964.
3 Fernand Gregh, L’Œuvre de Victor Hugo, Paris, Ernest Flammarion, 1933, p. 353.
4 Voir Romancero, Paris, Imprimerie Nationale, coll. “La Salamandre”, 2003, éd. de José Manuel
Losada, présentation d’André Labertit et de José Manuel Losada.
5 XXXe poème de Les Orientales, 1829.
6 Henri Meschonnic, Pour la poétique, IV. Écrire Hugo, Paris, Gallimard, coll. “Le Chemin”, t. I, 1977, p.
52.
3
Eh bien, moi, je suis Mudarra Gonçalès, fils de la renégate et de don Gonçalo Gustos, beau-fils de dona
Sancha.
Je suis le frère des Infants de Lara; tu es le traître qui les a vendus au Maure dans la vallée d’Arravia.
Mais si Dieu m’est en aide, tu vas laisser ici une vie infâme. – Donne-moi un instant, don Gonçalès,
j’irai prendre mes armes.
– Le délai que tu as donné aux Infants de Lara, c’est celui que tu auras, traître, ennemi de dona Sancha.
Meurs7!
Voici l’original espagnol:
A caçar va don Rodrigo y aun don Rodrigo de Lara.
Con la gran siesta que haze arrimádose ha a una haya,
maldiziendo a Mudarrillo, hijo de la renegada
que si a las manos le uviesse que le sacaría el alma.
El señor estando en esto Mudarrillo que assomava.
– Dios te salve, cavallero, debaxo la verde haya.
– Assí haga a ti, escudero, buena sea tu llegada.
– Dígasme tú, el cavallero, cómo era la tu gracia.
– A mí dizen don Rodrigo y aun don Rodrigo de Lara,
cuñado de Gonçalo Gustos, hermano de doña Sancha;
por sobrinos me los uve los siete infantes de Salas.
Espero aquí a Mudarrillo, hijo de la renegada;
si delante lo tuviesse yo le sacaría ell alma.
– Si a ti dizen don Rodrigo, y aun don Rodrigo de Lara,
a mí Mudarra Gonçales, hijo de la renegada,
de Gonçalo Gustos hijo y añado de doña Sancha;
por hermanos me los uve los siete infantes de Salas.
Tú los vendiste, traidor, en el val de Araviana;
mas si Dios a mí me ayuda aquí dexarás ell alma.
– Espéresme, don Gonçalo, iré a tomar las mis armas.
– ¡El espera que tú diste a los infantes de Lara!
Aquí morirás, traidor, enemigo de doña Sancha8.
Le texte d’Abel Hugo –assez fidèle à l’original– était divisé en paragraphes dont chacun
représentait deux vers espagnols de seize pieds, souvent lus et imprimés en quatrains octosyllabiques.
Victor Hugo, lui, a préféré le sixain, mais adopté des vers heptasyllabiques, transposition logique de
la prosodie de l’octosyllabique espagnol, où la septième syllabe est toujours la dernière accentuée: il
tenait à garder quelque chose de l’allure originale9. Il a substitué l’assonance par la rime aabccb.
Selon Menéndez Pidal, le romance espagnol dérive du long et ancien poème Segunda Gesta de los
Siete Infantes et de ses refontes ultérieures; on y trouve les motifs principaux: la chasse, la rencontre
fortuite des deux personnages –précisément au moment où l’un songe à l’autre–, leur présentation
respective et la condition désarmée de Rodrigue10. Histoire et légende se mêlent dans les romances du
cycle des Sept Infants de Lara. Leur père Gonzalo Gustios, personnage de deux cours nobiliaires, celle
des comtes Fernán González (963-969) et Garci Fernández (971-972 et 992), aurait été captif des
Maures entre 974 et 992. Don Rodrigue, Ruy Velázquez, l’oncle des Infants, apparaît aux côtés du
7 Abel Hugo, Romances historiques traduites de l’espagnol, Paris, Pélicier, 1822, p. 135-137.
8 Romancero, Giuseppe di Stefano (éd.), Madrid, Taurus, coll. “Clásicos”, 1993, p. 343-344.
9 Gaston Paris, “La Romance mauresque des Orientales”, Revue d’Histoire littéraire de la France, 6,
1899, p. 338.
10 Ramón Menéndez Pidal, La leyenda de los Infantes de Lara, Madrid, Espasa-Calpe, 1971, p. 102-104.
4
comte Garci Fernández en 987; son nom a dû être combiné avec celui d’un homonyme galicien,
comte puissant de la cour de Ramiro II et ennemi des Castillans, mort en 978. D’après les romances,
Ruy Velázquez est frère de doña Sanche et habite à Lara, chef-lieu auquel appartient Salas, résidence
des Sept Infants, non loin de Burgos. Pendant les fêtes du mariage de don Rodrigue avec doña
Lambra, la mariée se moque de doña Sanche, puis les sept enfants de celle-ci lui rendent l’injure. Dans
le dessein de venger sa femme, Rodrigue remet son beau-frère Gonzalo Gustios entre les mains du
roi Almanzor et fait périr ses sept neveux dans une embuscade. Le roi maure, pris de compassion
pour Gustios, lui confie sa propre sœur pour le consoler de la mort de ses sept fils; c’est de leur union
que naît le célèbre Mudarra, personnage d’invention, qui apprend un jour le secret de sa naissance et
part à la recherche de son oncle Rodrigue afin de venger son père et ses beaux-frères. Le terme
“renégate”, utilisé pour les chrétiennes qui adoptaient la foi musulmane, ne peut être appliqué que
par extension à la mère de Mudarra: elle ne se convertit pas au christianisme, mais a vécu maritalement
avec un chrétien. La mort historique des Infants eut lieu lors de la bataille d’Almenar, en septembre
97411.
Loin de l’imiter, Hugo adapte son modèle. D’abord, il présente un Rodrigue plus imposant
(“l’homme superbe”, “le hardi”), ce qui augmentera, par contraste, l’exploit à venir de Mudarra.
Ensuite, il amplifie le texte de base: description plus détaillée des pensées haineuses de Rodrigue,
prétexte à une digression toponymique (“de Figuère à Setuval”, c’est-à-dire, des Pyrénées catalanes à
la côte portugaise); dialogue affiné des deux hommes, nouveau prétexte à un excursus toponymique
(“d’Albe à Zamore”); transcription plus circonstanciée des menaces de Mudarra, servant de prétexte
à souligner la couleur locale (“si mon poignard de Tolède…”). Quant aux noms de personne et de
famille, le poète supprime tous les patronymes pour ne conserver que quatre prénoms: ceux des deux
protagonistes, celui de doña Sanche et celui du “maure Aliatar”. Ce dernier, roi de Segura, est celui
qui informe Mudarra de sa bâtardise; Hugo a tiré son prénom du romance précédent dans la
compilation de son frère, Mudarra apprend de qui il est fils12, dont le texte original est tiré de la Silva de
Mendaño et du Romancero general (“Sentados a un ajedrez, despacio su juego entablan…”)13.
Gaston Paris critique Victor Hugo sur plusieurs points. Il lui fait grief de céder au
“remplissage”, par exemple dans la sixième strophe où les deux derniers vers (“Du moins, c’est à
mon baptême / Ce qu’un prêtre déclara”) n’ajoutent rien et taisent le renseignement de l’original sur
Gonzalo Gustios et les Sept Infants. Il lui tient rigueur également de l’anachronisme de la “frégate”,
dont l’utilisation est due au seul besoin de rimer avec “renégate”. Il récrimine contre l’utilisation
réitérative et fautive de la parenté entre les personnages: Mudarra, fils de Gonzalo Gustios et d’une
Maure, n’est pas “neveu” de Rodrigue, mais beau-fils (“añado”) de doña Sanche; cette erreur explique
par ailleurs que Rodrigue ne puisse dire: “Toujours il porte avec lui / Notre dague de famille” car,
n’étant parents, il ne peut y avoir une dague de famille qui leur soit commune. G. Paris émet des
reproches quant à la quête de Mudarra entreprise par Rodrigue: bien au contraire, celui-ci sait être
l’objet de la quête du fils bâtard. Enfin, Gaston Paris proteste contre la dernière strophe, dans laquelle
Mudarra affirme prendre vengeance “de la renégate”; dans le romance original, en l’appelant “enemigo
de doña Sancha” (c’est-à-dire, de sa propre sœur et de ses sept enfants assassinés), Mudarra frappe
11 Ibid., p. 13-19, 201-204 et 451-466; voir aussi notre éd., op. cit., p. 84 et 329. Nous nous permettons
de renvoyer aussi à notre étude “Les Orientales de Hugo y el Romancero”, Actas del IV Congreso de la
Asociación de Profesores de Filología Francesa de la Universidad Española, Arturo Delgado (éd.), Las Palmas
de Gran Canaria, Universidad de Las Palmas de Gran Canaria, 1997, p. 417-432.
12 Op. cit., p. 133.
13 Grenade, 1588, f 1, et Madrid, 1600, f 325 respectivement [supprimer alors 1588 et 1600 dans le
texte].
5
Rodrigue et la vengeance a un sens; à l’inverse, la poésie ne justifie aucunement la vengeance de la
renégate, puisque mère de Mudarra, elle n’a jamais eu de rapport avec Rodrigue, son fils n’a donc pas
à la venger de lui14.
Outre ces “développements quelque peu redondants et les vers ou mots amenés par la rime”,
Gaston Paris ne trouve, en somme, “qu’un seul trait” ajouté par Hugo lui-même: “celui de la dague
que Mudarra porte nue, jusqu’à ce qu’il en ait trouvé le fourreau, la gorge de Rodrigue15“. Cette idée
forte et bizarre, élément novateur par rapport à l’original espagnol et à la traduction d’Abel, joue un
rôle de premier ordre dans le poème. Malgré son accord avec le ton général de la poésie héroïque
castillane, il semble qu’elle n’apparaisse dans aucun texte espagnol et soit une trouvaille de Hugo. En
effet, le poète cherchait des rimes riches en écho avec le mot “renégate”, mystérieux et séduisant au
point de figurer trois fois; après les deux récurrences malheureuses du mot “frégate”, il aurait songé
à “agate”, pierre qui se prêtait, dans ce contexte tragique, à qualifier pommeau d’une épée ou d’un
poignard. La mise en valeur de l’arme et de la pierre s’allie ainsi parfaitement avec la belle métaphore
de la gorge tenue pour un fourreau. Or, dans une note quelque peu postérieure, Paul Levin rétorque
à Gaston Paris sur l’originalité du poète et le rôle de la rime. D’après lui, celle-ci est secondaire par
rapport à l’idée du fourreau qui, de toute apparence, est la clef du poème:
Pourquoi Hugo, en parcourant le Romancero, a-t-il choisi justement la romance de don Rodrigue, qui est
en effet assez incompréhensible pour qui ne connaît pas tout le cycle des sept enfants [sic] de Lara, et
qui contient moins de traits poétiques que les autres? S’il l’a choisie c’est qu’elle était la seule dans laquelle
il pût employer le trait romantique du poignard, qu’il n’a pas inventé, mais qu’il a emprunté à Shakespeare16.
En effet, la tragédie King John du dramaturge anglais présente le passage suivant:
HUBERT: I am not villain.
SALISBURY: Must I rob the law?
He draws his sword
BASTARD: Your sword is bright, sir; put it up again.
SALISBURY: Not till I sheathe it in a murderer’s skin17.
La ressemblance de l’image entre les deux textes, shakespearien et hugolien, est frappante; elle
est en fait déterminante si l’on considère que Hugo a connu la pièce du dramaturge anglais alors qu’il
lisait à la même période le romance en espagnol. Lors de son séjour à Reims en 1825, Hugo s’amusait
avec son ami Nodier de la traduction du King John de Shakespeare et du Romancero espagnol:
C’est-à-dire Nodier lut. Il savait l’anglais (sans le parler, je crois) assez pour déchiffrer. Il lisait à haute
voix, et tout en lisant, traduisait. Dans les intervalles, quand il se reposait, je prenais l’autre bouquin
conquis sur le chiffonnier de Soissons, et je lisais du Romancero. Comme Nodier, je traduisais en lisant.
Nous comparions le livre anglais au livre castillan; nous confrontions le dramatique avec l’épique.
Chacun vantait son livre. Nodier tenait pour Shakespeare qu’il pouvait lire en anglais et moi pour le
14 Op. cit., p. 339-341; voir aussi Ernest Martinenche, L’Espagne et le romantisme français, Paris, Hachette,
1922, p. 77-78.
15 “Si, jusqu’à l’heure venue, / J’ai gardé ma lame nue, / C’est que je voulais, bourreau, / Que, vengeant
la renégate, / Ma dague au pommeau d’agate / Eût ta gorge pour fourreau” (op. cit., p. 660).
16 Paul Levin, “La Romance mauresque des Orientales”, Revue d’Histoire littéraire de la France, 8, 1901, p.
327; voir aussi Les Orientales, Élisabeth Barineau (éd.), Paris, Didier, coll. “Société des Textes Français
Modernes”, 1968, t. II, p. 96.
17 King John, IV, 3, v. 78-80, dans Shakespeare, The Complete Works, Stanley Wells & Gary Taylor (éd.),
Oxford, Oxford University Press, 1988, p. 418. “Hubert: «Je ne suis pas un vilain». / Salisbury: «Dois-
je contrevenir aux lois?» (Il dégaine son épée) / Bastard: «Votre épée est brillante, seigneur; remettez-la».
/ Salisbury: «Pas avant de l’avoir engainée dans la peau d’un meurtrier»” (traduction personnelle).
6
Romancero que je pouvais lire en espagnol. Nous mettions en présence, lui le bâtard Falconbridge, moi le
bâtard Mudarra. Et peu à peu, en nous contredisant, nous nous convainquions, et l’enthousiasme du
Romancero gagnait Nodier, et l’admiration de Shakespeare me gagnait18.
Quant à l’image elle-même de l’épée fourrée dans le corps de l’ennemi, elle n’est pas originaire
de Hugo. Il l’a trouvée dans la traduction de son frère Abel du romance “Le roi Ramire”, déjà mis à
profit dans la ballade “La Mêlée”. Voici la traduction d’Abel:
Au moment de monter à cheval, son épée était ceinte autour de lui, il la tira du fourreau, et dit:
“Comme il ne faut d’autre fourreau à l’épée que le corps d’un ennemi, qu’elle soit nue pour être plus tôt
prête”19.
Voici le texte espagnol:
Si la espada al envainarse
en sangre del enemigo
va ya desnuda en la mano
no tenga tiempo perdido20.
Le Romance mauresque contient une épigraphe qui ne figure pas dans le manuscrit:
Dixóle [sic]: – dime, buen hombre,
Lo que preguntarte queria [sic].
ROMANCERO GENERAL21.
Située ici, elle a lieu de surprendre. Dans leur place originale, ces vers sont prononcés par un
autre Rodrigue, le roi wisigoth de “La Bataille perdue”:
Topado ha con un pastor
que su ganado traía;
díxole: – Dime, buen hombre,
lo que preguntarte quería:
si hay por aquí poblado
o alguna casería
donde pueda descansar,
que gran fatiga traía22.
Dans ce romance, fort connu, de la pénitence du roi Rodrigue, celui-ci rencontre un berger et
lui pose la question:
Il rencontra un berger qui ramenait son bétail; il lui dit:
– Dis-moi, bonhomme, je voudrais te demander s’il y a par ici quelque bourgade ou hameau où je puisse
me reposer, car je suis accablé de fatigue23.
L’épuisement de deux hommes appelés Rodrigue et la rencontre d’un inconnu ont éveillé chez
Hugo un épisode absent du Romancero, mais fort original et poétique. Martinenche24, puis Élisabeth
18 Victor Hugo, Choses vues. Souvenirs, journaux, cahiers 1830-1885, éd. Hubert Juin, Paris, Gallimard,
coll. “Quarto”, 2002, p. 1236 (annexe 2: à la date du 24 septembre 1871; “en 1825”).
19 Romances historiques, op. cit., p. 116-117.
20 Romancero general (1600, 1604, 1605) (1947), éd. Ángel González Palencia, Madrid: C.S.I.C., t. I, p.
497.
21 Victor Hugo, Œuvres poétiques. I. Avant l’exil (1802-1851), op. cit., p. 657.
22 Romancero, éd. Di Stefano, op. cit., p. 320.
23 Romancero, éd. Losada, op. cit., p. 49.
24 Op. cit., p. 77.
7
Barineau25 et Pierre Albouy26, assurent que le second vers de l’épigraphe est altéré et devrait être: “Lo
que preguntar quería”. L’observation est sujette à discussion: les très nombreuses versions de ce
romance offrent tantôt cette forme, tantôt celle-ci: “Lo que preguntarte quería”. Cette dernière, plus
commune en espagnol, mais moins orthodoxe du point de vue de la prosodie (neuf syllabes), est en
tout cas celle que l’auteur a tirée du Romancero e historia del rey de España don Rodrigo publié par son frère
Abel en 1821:
Topado ha con un pastor
Que su ganado traya,
Dixò le: – “Dime buen hombre
Lo que preguntarte queria”27.
Venons-en maintenant à la célèbre note de l’édition originale, où le poète soutient, avec
Chateaubriand, que les romances à sujet mauresque étaient originellement l’œuvre de poètes arabes:
Il y a deux romances, l’une arabe, l’autre espagnole, sur la vengeance que le bâtard Mudarra tira de son
oncle Rodrigue de Lara, assassin de ses frères. La romance espagnole a été publiée en français dans la
traduction que nous avons déjà citée [celle de son frère Abel, de 1822]. Elle est belle, mais l’auteur de ce
livre a souvenir d’avoir lu quelque part la romance mauresque, traduite en espagnol, et il lui semble
qu’elle est plus belle encore. C’est à cette dernière version, plutôt qu’au poëme espagnol, que se rapporte
la sienne, si elle se rapporte à l’une des deux. La romance castillane est un peu sèche, on y sent que c’est
un maure qui a le beau rôle.
Il serait bien temps que l’on songeât à republier, en texte et traduit sur les rares exemplaires qui en
restent, le Romancero général, mauresque et espagnol; trésors enfouis et tout près d’être perdus. L’auteur
le répète ici, ce sont deux Iliades, l’une gothique, l’autre arabe28.
Élisabeth Barineau corrige Hugo et son “imprudence de déclarer qu’il a lu une romance
mauresque qui n’a jamais existé”29; en effet, si les romances à motif espagnol dérivent de la tradition
épique et lyrique chrétienne, ceux à sujet mauresque sont le produit d’une mode passagère qui
travestissait en chevaliers maures les galants de la cour. De plus, les romances des Infants de Lara
reposent sur de vieilles chansons castillanes dont l’histoire se situe au Xe siècle: jamais on n’a eu l’idée
de les reprendre pour les habiller à la mauresque30.
Plusieurs critiques ont pris Hugo à partie pour cette affabulation. Selon Gaston Paris, le poète
“se permet […] une pure fiction fondée sur un malentendu. […] Il s’est, gravement et solennellement
suivant sa coutume, moqué de ses lecteurs”31. Ce critique soutient que Hugo recourt à l’invocation
d’une source inconnue de ses rivaux afin de justifier les ajouts dont il pare son modèle, que l’expédient
d’une version arabe du poème, clin d’œil “du côté des malins”, ne peut qu’induire en erreur le lecteur.
25 Op. cit., p. 98.
26 Op. cit., p. 1327.
27 Romancero e historia del rey de España don Rodrigo, postrero de los godos. En lenguaje antiguo;
recopilado por Abel Hugo, Paris, de la Imprenta de A. Boucher, 1821, p. 63.
28 Victor Hugo, Œuvres poétiques, op. cit., p. 706.
29 Op. cit., t. II, p. 96; voir aussi Alfred Morel-Fatio, Études sur l’Espagne. Première série, Paris, E. Bouillon
et E. Vieweg, 1888, p. 90, Raymond Foulché-Delbosc, “L’Espagne dans Les Orientales de Victor
Hugo”, Revue Hispanique, 4, 1897, p. 87, Georges Le Gentil, “Victor Hugo et la littérature espagnole”,
Bulletin Hispanique, 1, 1899, p. 156 et Louis Guimbaud, “Les Orientales” de Victor Hugo, Amiens, Edgar
Malfère, 1928, p. 95.
30 Gaston Paris, op. cit., p. 336-337.
31 Ibid., p. 337.
8
On trouve le même procès d’intentions chez Martinenche (“Victor Hugo s’amuse”32) et chez
Guimbaud (“Il invente”33).
Élisabeth Barineau se montre plus conciliatrice. Après le correctif appliqué au poète, elle fait
preuve d’indulgence: “En croyant que les Maures avaient écrit quelques-unes des romances
historiques, Hugo ne fait que suivre l’opinion du temps”34. Pour preuve, voici les affirmations, sans
doute hardies, de Simonde de Sismondi:
Les Maures, qui dans tous les villages étaient mêlés avec les Castillans, étaient plus sensibles encore au
charme des romances, plus transportés par leur passion pour la musique. […] Peut-être sont-ils les
auteurs d’un grand nombre de romances castillanes, peut-être en a-t-on fait plusieurs pour leur plaire;
du moins leurs héros y jouent le premier rôle aussi souvent que les Chrétiens35.
Convaincu de cette paternité, le critique classe, sans les nommer, parmi les romances “maures”,
plusieurs poèmes consacrés à Bernard del Carpio et ceux des guerres des Zégris et des Abencerrages.
Simonde de Sismondi n’était pas le seul à assurer l’existence de romances d’origine arabe: Abel
Hugo, dans son introduction aux Romances historiques (1822), comparait et préférait les productions
des poètes espagnols à celles des poètes arabes; les premiers s’inspiraient de la Bible, là où les seconds
vagabondaient:
Les romances mauresques n’atteignent point à leur beauté, chaque poète arabe a laissé la carrière ouverte
à son imagination, aucun n’a choisi de modèle. […] Il y en a de fort belles; il y en a de détestables. […]
Tandis que les Espagnols chrétiens consacrent dans une seule romance le souvenir d’une action
mémorable, et qu’ils savent y renfermer une peinture complète et attachante, les poètes arabes espagnols,
entraînés par leur goût pour les métaphores et pour la pompe des descriptions, abandonnent le récit de
leur action principale pour se livrer aux détails, et délayent dans une longue suite de romances un fait
que tant de mots oiseux privent de tout intérêt qu’il en a lui-même36.
Le frère du poète s’étend sur la monotonie des sujets des romances arabes (“c’est toujours un
amour suivi d’une jalousie, accompagné d’une rivalité”) et sur l’absence de sujets épiques (“les
événements remarquables de l’histoire des Maures en Espagne n’ont presque jamais été chantés par
les Arabes”). À juger par les exemples donnés (il est question des “fameuses guerres civiles entre les
Zégris et les Abencérages”, de “Tarif, Azarque, Muça”37), Abel Hugo prend les romances des Guerres
civiles de Grenade et les romances à motif romanesque pour des compositions d’origine arabe. L’année
suivante, l’introduction au Captif d’Ochali, sous-titrée “Romances mauresques”, revient sur cette
opinion:
Les romances qu’on va lire sont l’ouvrage des chrétiens Muzarabes, c’est-à-dire sujets des Arabes.
Originairement composées dans la langue mauresque, elles devinrent populaires parmi les peuples des
royaumes de Grenade, de Murcie, de Séville, et se répandirent ensuite chez les chrétiens libres de la
Castille, qui les traduisirent en espagnol. Ces traductions se sont conservées dans la mémoire des
32 Op. cit., p. 79.
33 Op. cit., p. 95.
34 Op. cit., p. 96.
35 Jean Charles Léonard Simonde de Sismondi, De la Littérature du Midi de l’Europe, Paris, Trauttel &
Würtz, 1813, t. III, p. 222.
36 Op. cit., p. li-lii.
37 Ibid., p. liii-liv.
9
habitants de la Sierra-Nevada et dans quelques manuscrits déposés dans les monastères de la vieille
Castille. On en a imprimé aussi quelques-unes dans le Romancero general38.
On peut donc faire preuve d’indulgence envers le poète qui suit de près les opinions d’un
érudit et d’un traducteur sur l’existence des romances mauresques.
À propos de la sympathie de Victor Hugo pour Mudarra (“on y sent que c’est un maure qui a
le beau rôle”), il convient de repréciser que Mudarra n’est pas un Maure, mais le fils de Gonzalo
Gustios et d’une Mauresque; d’après la Crónica general (c. 1460), il adopta lors de son baptême le
prénom de son père et du cadet des sept Infants, d’où l’apostrophe à la fin du romance espagnol: “–
Espéresme, don Gonçalo, iré a tomar las mis armas” (–Donne-moi un instant, don Gonçalès, j’irai
prendre mes armes).
Hugo achève sa note de l’édition originale par la célèbre métaphore: “L’auteur le répète ici, ce
sont deux Iliades, l’une gothique, l’autre arabe”. La formule lui est chère, puisqu’elle réapparaît à deux
reprises dans Notre-Dame de Paris (“œuvre […] une et complexe comme les Iliades et les Romanceros
dont elle est sœur”39; “des Iliades et des Romanceros”40), ainsi que dans William Shakespeare (“Quant
au Romancero, qui crée le Cid après Achille et le chevaleresque après l’héroïque, il est l’Iliade de
plusieurs Homères perdus”41), et aussi dans Choses vues (“le Romancero ne se réimprime pas, n’étant
qu’une Iliade”42). Il empruntait l’expression à son frère Abel, qui, dans ses “Notes des romances sur
Rodrigue” (Romances historiques, 1822), comparait le romance “Rodrigue après la bataille” à l’épisode
correspondant dans Roderick, the Last of the Goths de Robert Southey (1814). Après avoir loué les
beautés du récit de l’Anglais, l’aîné des Hugo entonnait un chant en honneur de l’Espagnol anonyme:
J’avoue […] qu’un sentiment de prédilection me porte à donner la préférence au poète qui, à mille années
de distance, et du milieu d’un siècle de barbarie, a pu contrebalancer la gloire d’un de nos contemporains
les plus célèbres; et lorsque je songe que ce poète est resté inconnu, je me rappelle ces vers de Voltaire:
Et peut-être un Virgile, un Cicéron sauvage,
Est chantre de paroisse ou curé de village.
ou cette autre expression de Lope de Vega, en parlant de ces romances, expression exagérée sans doute,
mais du moins excusable: c’est une Iliade qui n’a pas d’Homère43.
Sans doute Hugo avait-il lu, lui aussi, l’expression métaphorique dans les Études françaises et
étrangères d’Émile Deschamps, où elle apparaissait dans l’introduction: “Ce poème est tiré de ces
admirables romances espagnoles, qu’on a si bien nommées une Iliade sans Homère”44. Or, quatorze ans
auparavant l’expression apparaissait dans les Romances du Cid, Odéïde imitée de l’espagnol, dans une
traduction d’A. Creuzé de Lesser. Dans la Préface (20 avril 1814), le traducteur épanchait le plaisir
ressenti à la première lecture des romances:
38 Abel Hugo, Le Captif d’Ochali. Romances mauresques dans Tablettes romantiques, Paris, Persan,
1823, p. 344.
39 Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, éd. Jacques Seebacher, Paris, Gallimard, coll. “La Pléiade”, 1975,
p. 107.
40 Ibid., p. 186.
41 Victor Hugo, Critique, Jean-Pierre Reynaud (prés.), Paris, Robert Laffont, coll. “Bouquins”, 1985,
p. 285.
42 Op. cit., p. 1233 (annexe 2: à la date du 24 septembre 1871; “en 1825”).
43 Op. cit., p. 31-32.
44 Emile Deschamps, Études françaises et étrangères, Paris, Urbain Canel, 1828, 2e éd., p. lx. Le poème
“Rodrigue dernier roi des Goths”, inséré dans ces Études, avait aussi inspiré Hugo pour “La Bataille perdue”
des Orientales.
10
J’étais comme un homme qui, en cherchant un coquillage, vient de découvrir un trésor. De ce moment,
je formai le projet de dégager cet or si pur du sable qui le cache quelquefois, et d’offrir à ma patrie une
imitation des romances du Cid, production d’autant plus singulière, qu’elle est le fruit de plusieurs siècles,
et le travail de plusieurs hommes; étrange Iliade qui n’a point d’Homère, création admirable de je ne sais
combien d’Alcées et de Pindares inconnus45!
Dans une note à cette formule figure un commentaire qui, à l’en croire, élimine toute autre
investigation sur l’origine ultime de l’expression de Victor Hugo:
1836. J’ai été bien étonné de voir M. Dugaz-Montbel, dans son Histoire des poésies Homériques (1831), me
faire l’honneur d’attribuer cette pensée à Lopez [sic] de Véga. C’est sans doute parce qu’il l’a trouvée
citée ailleurs sans nom d’auteur. Je suis charmé si elle est digne de Lopez de Véga; mais elle est de moi.
Il est heureux que l’attribution n’ait pas été mise au compte de Quevedo. Ô insondable mystère
de la source!
45 Les Romances du Cid. Odéïde imitée de l’espagnol. Troisième édition, augmentée d’Héloïse, et des
Prisons de 1794, poëmes du même genre, Paris, Delaunay, 1836, p. vii-viii.

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  • 1. 1 DU NOUVEAU SUR LE “ROMANCE MAURESQUE” DES ORIENTALES DE VICTOR HUGO Reflets du Siècle d’Or espagnol. Modèles en marge. Anne Teulade (éd.), Nantes: Éditions Cécile Defaut, “Horizons comparatistes”, 2010, p. 239-254 (ISBN: 978-2-35018-095-3) Recueil original par rapport à la facture post-classique des Odes, Les Orientales franchissent le pas de la nouvelle poésie: c’est l’heure des caprices romantiques et de la renaissance orientale. Lointaines par l’espace et la situation politique, l’Asie et l’Afrique n’étaient à la portée, à la fin du premier tiers du XIXe siècle, que des consuls ou des soldats. Plus proches, les frontières méridionales de l’Europe représentaient un pis-aller pour le rêveur, pour le poète qui parvenait à se faire une place dans un convoi de fortune ou avait accès à une collection de dessins. La Grèce était passée aux mains des Turcs en 1461 et ce –sauf brèves périodes– jusqu’à son indépendance en 1822; l’Espagne, conquise dès 711, ne connaîtrait sa réunification qu’en 1492. Le poids des siècles se faisait sentir dans ces deux pays, et l’inspiration des poètes romantiques n’avait guère de mal à exhumer, du terrain stratifié par le temps, les reliques littéraires d’un habitant exotique. De récentes circonstances culturelles venaient s’ajouter à cela: d’un côté, le mouvement philhellène apparu entre le soulèvement grec de 1821 et la bataille de Navarin, de l’autre, l’attraction hispanique suscitée par les récits de l’invasion napoléonienne et la campagne de 1823. Ainsi, par rapport aux pays de l’Orient, la Grèce et l’Espagne se distinguaient-elles par l’auréole de leur passé prestigieux et l’atout d’une relative proximité. Ce sont sans doute deux des raisons qui expliquent le grand nombre de poèmes relatifs à ces contrées, dernières étapes possibles avant d’affronter l’Orient inconnu; le chemin de Missolonghi vers la Turquie ottomane, celui de Madrid vers l’Afrique musulmane semblaient plus abordables, du moins pour l’imagination, que le long parcours entre la France et l’Orient. Le voyage en Grèce ou en Espagne pouvait se substituer au voyage en Orient. L’alchimie littéraire est capable de transformer le désir en objet: par l’imagination et le verbe des poètes, la Grèce et l’Espagne devenaient, de simples succédanés qu’elles étaient, non pas un possible Orient, mais l’Orient lui-même. L’intérêt porté aux marges géographiques et temporelles (les années vingt représentent une borne définitive vers l’indépendance de la Grèce, vers le rétablissement monarchique en Espagne) a la vertu de rapprocher l’Orient et l’Europe méridionale; c’est donc toute l’Europe, la France en premier lieu, qui se croit en Orient. Ce procédé métonymique ne va pas pourtant sans le brouillage des frontières documenté par Claude Millet et Franck Laurent1. En effet, la combinaison hugolienne des lieux et des dates, des héros et des événements du recueil (accumulation qui ne résisterait pas à la moindre analyse empirique), confronte le lecteur à un amalgame d’éléments non seulement hétéroclites, mais souvent opposés. Quelques exemples concernant l’Espagne suffisent à le prouver. Dans La Bataille perdue, élégie d’un chef turc vaincu par les Grecs au XIXe siècle, l’épigraphe répète les plaintes prononcées par le roi wisigoth Rodrigue à la bataille de Guadalete au VIIIe siècle; dans le Romance mauresque, récit de la vengeance de Mudarra le bâtard sur Rodrigo Velázquez au Xe siècle, 1 Voir respectivement: Claude Millet, “Avant-propos” dans Victor Hugo 5. Autour des “Orientales”, Claude Millet (dir.), Paris-Caen, Lettres Modernes-Minard, coll. “Victor Hugo”, 2002, p. 5, et Frank, Laurent, “Orient / Occident: au-delà du miroir”, dans ibid., p. 29; voir aussi Les Orientales. Les Feuilles d’automne, Franck Laurent (éd.), Paris, Librairie Générale Française, coll. “Le Livre de Poche”, 2000, p. 102, 129, 143, 171 et 174.
  • 2. 2 l’épigraphe reprend un mot du roi wisigoth (VIIIe siècle) tandis que le poème inverse les valeurs traditionnellement accordées à l’Orient et à l’Occident. Le résultat, sans doute cherché par le poète, est un effacement des frontières non seulement spatiales et chronologiques, mais également affectives et textuelles. C’est ainsi, par ce recours contraire à tout esprit de système, que le poète obtient la preuve supplémentaire que “l’Espagne”, du moins l’Espagne rêvée, “est encore l’Orient”2. Le cas de l’Espagne était particulièrement stimulant pour Hugo; aux souvenirs d’enfance et à la séduction de l’Orient s’ajoute l’aura d’une époque magique, le Moyen Âge, “cette autre mer de poésie” évoquée dans la Préface de janvier 1829 des Orientales. Nulle autre période n’a exercé autant de fascination sur l’auteur: il y trouve la rudesse, la simplicité et la passion dont son esprit est trempé. Certes, “ce Moyen Âge de Victor Hugo, historiquement, est faux, et même un peu absurde, mais esthétiquement il existe. Hugo l’a fait vivre”3. On comprend mieux alors l’empreinte laissée par le Romancero dans Les Orientales, qui le mettent largement à profit dans La Bataille perdue, le Romance mauresque et Grenade. La poésie épique du Cid et la poésie lyrique des chansonniers du Moyen Âge se rencontrent dans le Romancero des XVIe et XVIIe siècles, dont les pièces épiques, romanesques et historiques concentrent en quelque sorte l’essence de l’âme espagnole de cette période. Plus apprécié au XVIIe siècle français qu’on ne le pense, le Romancero connut au XIXe siècle, après sa redécouverte par les Allemands (Hamann, Herder et Grimm) et les Anglais (Percy, Southey et Holland), d’ardents défenseurs. Si les effets du Romancero tardèrent à se faire sentir en France, il n’en furent pas moins fructueux: en 1791, Florian avait offert dans son Gonzalve de Cordoue une imitation des Guerres civiles de Grenade de Pérez de Hita; vinrent ensuite les traductions partielles du Romancero: celle de Creuzé de Lesser en 1814 ou d’Abel Hugo en 1822; d’autres encore paraîtraient après Les Orientales: celles du chevalier de Regnard (1830), de Jubinal (1841), de Rénal (1842), de Damas-Hinard (1844), de Saint- Albin (1866)4. Dans les pages qui suivent, nous voudrions étudier la réception du Romancero dans le “Romance mauresque”5 de Victor Hugo. Quoi que cette pièce soit à proprement parler aussi sombre que La Bataille perdue, nous entrons brusquement dans ce que Meschonnic a appelé le “tourisme illuminé des Espagnes poétiques”6. Il s’agit là d’une véritable adaptation de la Mort de don Rodrigue de Lara, romance publié par Abel Hugo dans ses Romances historiques traduites de l’espagnol: Un don Rodrigue va à la chasse, c’est don Rodrigue de Lara; au milieu du tumulte qu’elle cause, il s’appuie contre un hêtre. Il maudit le jeune Mudarra, fils de la renégate; il se dit à lui-même que s’il l’avait entre les mains, il lui arracherait l’âme. En ce moment arrive un homme à cheval. “Dieu te garde, chevalier qui reposes sous ce hêtre. – Dieu te garde aussi, écuyer, heureuse soit ton arrivée! – Dis-moi, chevalier, qui es-tu? – On m’appelle don Rodrigue, je suis don Rodrigue de Lara, frère de dona Sancha, beau-frère de Gonçalo Gustos. Les Infants de Lara étaient mes neveux; j’attends ici le jeune Mudarra, le fils de la renégate. S’il était devant moi je lui arracherais la vie. – On t’appelle don Rodrigue, tu es don Rodrigue de Lara. 2 Préface de janvier 1829; édition de référence: Œuvres poétiques. I. Avant l’exil (1802-1851), Gaëtan Picon (préf.), Pierre Albouy (éd.), Paris, Gallimard, coll. “La Pléiade”, 1964. 3 Fernand Gregh, L’Œuvre de Victor Hugo, Paris, Ernest Flammarion, 1933, p. 353. 4 Voir Romancero, Paris, Imprimerie Nationale, coll. “La Salamandre”, 2003, éd. de José Manuel Losada, présentation d’André Labertit et de José Manuel Losada. 5 XXXe poème de Les Orientales, 1829. 6 Henri Meschonnic, Pour la poétique, IV. Écrire Hugo, Paris, Gallimard, coll. “Le Chemin”, t. I, 1977, p. 52.
  • 3. 3 Eh bien, moi, je suis Mudarra Gonçalès, fils de la renégate et de don Gonçalo Gustos, beau-fils de dona Sancha. Je suis le frère des Infants de Lara; tu es le traître qui les a vendus au Maure dans la vallée d’Arravia. Mais si Dieu m’est en aide, tu vas laisser ici une vie infâme. – Donne-moi un instant, don Gonçalès, j’irai prendre mes armes. – Le délai que tu as donné aux Infants de Lara, c’est celui que tu auras, traître, ennemi de dona Sancha. Meurs7! Voici l’original espagnol: A caçar va don Rodrigo y aun don Rodrigo de Lara. Con la gran siesta que haze arrimádose ha a una haya, maldiziendo a Mudarrillo, hijo de la renegada que si a las manos le uviesse que le sacaría el alma. El señor estando en esto Mudarrillo que assomava. – Dios te salve, cavallero, debaxo la verde haya. – Assí haga a ti, escudero, buena sea tu llegada. – Dígasme tú, el cavallero, cómo era la tu gracia. – A mí dizen don Rodrigo y aun don Rodrigo de Lara, cuñado de Gonçalo Gustos, hermano de doña Sancha; por sobrinos me los uve los siete infantes de Salas. Espero aquí a Mudarrillo, hijo de la renegada; si delante lo tuviesse yo le sacaría ell alma. – Si a ti dizen don Rodrigo, y aun don Rodrigo de Lara, a mí Mudarra Gonçales, hijo de la renegada, de Gonçalo Gustos hijo y añado de doña Sancha; por hermanos me los uve los siete infantes de Salas. Tú los vendiste, traidor, en el val de Araviana; mas si Dios a mí me ayuda aquí dexarás ell alma. – Espéresme, don Gonçalo, iré a tomar las mis armas. – ¡El espera que tú diste a los infantes de Lara! Aquí morirás, traidor, enemigo de doña Sancha8. Le texte d’Abel Hugo –assez fidèle à l’original– était divisé en paragraphes dont chacun représentait deux vers espagnols de seize pieds, souvent lus et imprimés en quatrains octosyllabiques. Victor Hugo, lui, a préféré le sixain, mais adopté des vers heptasyllabiques, transposition logique de la prosodie de l’octosyllabique espagnol, où la septième syllabe est toujours la dernière accentuée: il tenait à garder quelque chose de l’allure originale9. Il a substitué l’assonance par la rime aabccb. Selon Menéndez Pidal, le romance espagnol dérive du long et ancien poème Segunda Gesta de los Siete Infantes et de ses refontes ultérieures; on y trouve les motifs principaux: la chasse, la rencontre fortuite des deux personnages –précisément au moment où l’un songe à l’autre–, leur présentation respective et la condition désarmée de Rodrigue10. Histoire et légende se mêlent dans les romances du cycle des Sept Infants de Lara. Leur père Gonzalo Gustios, personnage de deux cours nobiliaires, celle des comtes Fernán González (963-969) et Garci Fernández (971-972 et 992), aurait été captif des Maures entre 974 et 992. Don Rodrigue, Ruy Velázquez, l’oncle des Infants, apparaît aux côtés du 7 Abel Hugo, Romances historiques traduites de l’espagnol, Paris, Pélicier, 1822, p. 135-137. 8 Romancero, Giuseppe di Stefano (éd.), Madrid, Taurus, coll. “Clásicos”, 1993, p. 343-344. 9 Gaston Paris, “La Romance mauresque des Orientales”, Revue d’Histoire littéraire de la France, 6, 1899, p. 338. 10 Ramón Menéndez Pidal, La leyenda de los Infantes de Lara, Madrid, Espasa-Calpe, 1971, p. 102-104.
  • 4. 4 comte Garci Fernández en 987; son nom a dû être combiné avec celui d’un homonyme galicien, comte puissant de la cour de Ramiro II et ennemi des Castillans, mort en 978. D’après les romances, Ruy Velázquez est frère de doña Sanche et habite à Lara, chef-lieu auquel appartient Salas, résidence des Sept Infants, non loin de Burgos. Pendant les fêtes du mariage de don Rodrigue avec doña Lambra, la mariée se moque de doña Sanche, puis les sept enfants de celle-ci lui rendent l’injure. Dans le dessein de venger sa femme, Rodrigue remet son beau-frère Gonzalo Gustios entre les mains du roi Almanzor et fait périr ses sept neveux dans une embuscade. Le roi maure, pris de compassion pour Gustios, lui confie sa propre sœur pour le consoler de la mort de ses sept fils; c’est de leur union que naît le célèbre Mudarra, personnage d’invention, qui apprend un jour le secret de sa naissance et part à la recherche de son oncle Rodrigue afin de venger son père et ses beaux-frères. Le terme “renégate”, utilisé pour les chrétiennes qui adoptaient la foi musulmane, ne peut être appliqué que par extension à la mère de Mudarra: elle ne se convertit pas au christianisme, mais a vécu maritalement avec un chrétien. La mort historique des Infants eut lieu lors de la bataille d’Almenar, en septembre 97411. Loin de l’imiter, Hugo adapte son modèle. D’abord, il présente un Rodrigue plus imposant (“l’homme superbe”, “le hardi”), ce qui augmentera, par contraste, l’exploit à venir de Mudarra. Ensuite, il amplifie le texte de base: description plus détaillée des pensées haineuses de Rodrigue, prétexte à une digression toponymique (“de Figuère à Setuval”, c’est-à-dire, des Pyrénées catalanes à la côte portugaise); dialogue affiné des deux hommes, nouveau prétexte à un excursus toponymique (“d’Albe à Zamore”); transcription plus circonstanciée des menaces de Mudarra, servant de prétexte à souligner la couleur locale (“si mon poignard de Tolède…”). Quant aux noms de personne et de famille, le poète supprime tous les patronymes pour ne conserver que quatre prénoms: ceux des deux protagonistes, celui de doña Sanche et celui du “maure Aliatar”. Ce dernier, roi de Segura, est celui qui informe Mudarra de sa bâtardise; Hugo a tiré son prénom du romance précédent dans la compilation de son frère, Mudarra apprend de qui il est fils12, dont le texte original est tiré de la Silva de Mendaño et du Romancero general (“Sentados a un ajedrez, despacio su juego entablan…”)13. Gaston Paris critique Victor Hugo sur plusieurs points. Il lui fait grief de céder au “remplissage”, par exemple dans la sixième strophe où les deux derniers vers (“Du moins, c’est à mon baptême / Ce qu’un prêtre déclara”) n’ajoutent rien et taisent le renseignement de l’original sur Gonzalo Gustios et les Sept Infants. Il lui tient rigueur également de l’anachronisme de la “frégate”, dont l’utilisation est due au seul besoin de rimer avec “renégate”. Il récrimine contre l’utilisation réitérative et fautive de la parenté entre les personnages: Mudarra, fils de Gonzalo Gustios et d’une Maure, n’est pas “neveu” de Rodrigue, mais beau-fils (“añado”) de doña Sanche; cette erreur explique par ailleurs que Rodrigue ne puisse dire: “Toujours il porte avec lui / Notre dague de famille” car, n’étant parents, il ne peut y avoir une dague de famille qui leur soit commune. G. Paris émet des reproches quant à la quête de Mudarra entreprise par Rodrigue: bien au contraire, celui-ci sait être l’objet de la quête du fils bâtard. Enfin, Gaston Paris proteste contre la dernière strophe, dans laquelle Mudarra affirme prendre vengeance “de la renégate”; dans le romance original, en l’appelant “enemigo de doña Sancha” (c’est-à-dire, de sa propre sœur et de ses sept enfants assassinés), Mudarra frappe 11 Ibid., p. 13-19, 201-204 et 451-466; voir aussi notre éd., op. cit., p. 84 et 329. Nous nous permettons de renvoyer aussi à notre étude “Les Orientales de Hugo y el Romancero”, Actas del IV Congreso de la Asociación de Profesores de Filología Francesa de la Universidad Española, Arturo Delgado (éd.), Las Palmas de Gran Canaria, Universidad de Las Palmas de Gran Canaria, 1997, p. 417-432. 12 Op. cit., p. 133. 13 Grenade, 1588, f 1, et Madrid, 1600, f 325 respectivement [supprimer alors 1588 et 1600 dans le texte].
  • 5. 5 Rodrigue et la vengeance a un sens; à l’inverse, la poésie ne justifie aucunement la vengeance de la renégate, puisque mère de Mudarra, elle n’a jamais eu de rapport avec Rodrigue, son fils n’a donc pas à la venger de lui14. Outre ces “développements quelque peu redondants et les vers ou mots amenés par la rime”, Gaston Paris ne trouve, en somme, “qu’un seul trait” ajouté par Hugo lui-même: “celui de la dague que Mudarra porte nue, jusqu’à ce qu’il en ait trouvé le fourreau, la gorge de Rodrigue15“. Cette idée forte et bizarre, élément novateur par rapport à l’original espagnol et à la traduction d’Abel, joue un rôle de premier ordre dans le poème. Malgré son accord avec le ton général de la poésie héroïque castillane, il semble qu’elle n’apparaisse dans aucun texte espagnol et soit une trouvaille de Hugo. En effet, le poète cherchait des rimes riches en écho avec le mot “renégate”, mystérieux et séduisant au point de figurer trois fois; après les deux récurrences malheureuses du mot “frégate”, il aurait songé à “agate”, pierre qui se prêtait, dans ce contexte tragique, à qualifier pommeau d’une épée ou d’un poignard. La mise en valeur de l’arme et de la pierre s’allie ainsi parfaitement avec la belle métaphore de la gorge tenue pour un fourreau. Or, dans une note quelque peu postérieure, Paul Levin rétorque à Gaston Paris sur l’originalité du poète et le rôle de la rime. D’après lui, celle-ci est secondaire par rapport à l’idée du fourreau qui, de toute apparence, est la clef du poème: Pourquoi Hugo, en parcourant le Romancero, a-t-il choisi justement la romance de don Rodrigue, qui est en effet assez incompréhensible pour qui ne connaît pas tout le cycle des sept enfants [sic] de Lara, et qui contient moins de traits poétiques que les autres? S’il l’a choisie c’est qu’elle était la seule dans laquelle il pût employer le trait romantique du poignard, qu’il n’a pas inventé, mais qu’il a emprunté à Shakespeare16. En effet, la tragédie King John du dramaturge anglais présente le passage suivant: HUBERT: I am not villain. SALISBURY: Must I rob the law? He draws his sword BASTARD: Your sword is bright, sir; put it up again. SALISBURY: Not till I sheathe it in a murderer’s skin17. La ressemblance de l’image entre les deux textes, shakespearien et hugolien, est frappante; elle est en fait déterminante si l’on considère que Hugo a connu la pièce du dramaturge anglais alors qu’il lisait à la même période le romance en espagnol. Lors de son séjour à Reims en 1825, Hugo s’amusait avec son ami Nodier de la traduction du King John de Shakespeare et du Romancero espagnol: C’est-à-dire Nodier lut. Il savait l’anglais (sans le parler, je crois) assez pour déchiffrer. Il lisait à haute voix, et tout en lisant, traduisait. Dans les intervalles, quand il se reposait, je prenais l’autre bouquin conquis sur le chiffonnier de Soissons, et je lisais du Romancero. Comme Nodier, je traduisais en lisant. Nous comparions le livre anglais au livre castillan; nous confrontions le dramatique avec l’épique. Chacun vantait son livre. Nodier tenait pour Shakespeare qu’il pouvait lire en anglais et moi pour le 14 Op. cit., p. 339-341; voir aussi Ernest Martinenche, L’Espagne et le romantisme français, Paris, Hachette, 1922, p. 77-78. 15 “Si, jusqu’à l’heure venue, / J’ai gardé ma lame nue, / C’est que je voulais, bourreau, / Que, vengeant la renégate, / Ma dague au pommeau d’agate / Eût ta gorge pour fourreau” (op. cit., p. 660). 16 Paul Levin, “La Romance mauresque des Orientales”, Revue d’Histoire littéraire de la France, 8, 1901, p. 327; voir aussi Les Orientales, Élisabeth Barineau (éd.), Paris, Didier, coll. “Société des Textes Français Modernes”, 1968, t. II, p. 96. 17 King John, IV, 3, v. 78-80, dans Shakespeare, The Complete Works, Stanley Wells & Gary Taylor (éd.), Oxford, Oxford University Press, 1988, p. 418. “Hubert: «Je ne suis pas un vilain». / Salisbury: «Dois- je contrevenir aux lois?» (Il dégaine son épée) / Bastard: «Votre épée est brillante, seigneur; remettez-la». / Salisbury: «Pas avant de l’avoir engainée dans la peau d’un meurtrier»” (traduction personnelle).
  • 6. 6 Romancero que je pouvais lire en espagnol. Nous mettions en présence, lui le bâtard Falconbridge, moi le bâtard Mudarra. Et peu à peu, en nous contredisant, nous nous convainquions, et l’enthousiasme du Romancero gagnait Nodier, et l’admiration de Shakespeare me gagnait18. Quant à l’image elle-même de l’épée fourrée dans le corps de l’ennemi, elle n’est pas originaire de Hugo. Il l’a trouvée dans la traduction de son frère Abel du romance “Le roi Ramire”, déjà mis à profit dans la ballade “La Mêlée”. Voici la traduction d’Abel: Au moment de monter à cheval, son épée était ceinte autour de lui, il la tira du fourreau, et dit: “Comme il ne faut d’autre fourreau à l’épée que le corps d’un ennemi, qu’elle soit nue pour être plus tôt prête”19. Voici le texte espagnol: Si la espada al envainarse en sangre del enemigo va ya desnuda en la mano no tenga tiempo perdido20. Le Romance mauresque contient une épigraphe qui ne figure pas dans le manuscrit: Dixóle [sic]: – dime, buen hombre, Lo que preguntarte queria [sic]. ROMANCERO GENERAL21. Située ici, elle a lieu de surprendre. Dans leur place originale, ces vers sont prononcés par un autre Rodrigue, le roi wisigoth de “La Bataille perdue”: Topado ha con un pastor que su ganado traía; díxole: – Dime, buen hombre, lo que preguntarte quería: si hay por aquí poblado o alguna casería donde pueda descansar, que gran fatiga traía22. Dans ce romance, fort connu, de la pénitence du roi Rodrigue, celui-ci rencontre un berger et lui pose la question: Il rencontra un berger qui ramenait son bétail; il lui dit: – Dis-moi, bonhomme, je voudrais te demander s’il y a par ici quelque bourgade ou hameau où je puisse me reposer, car je suis accablé de fatigue23. L’épuisement de deux hommes appelés Rodrigue et la rencontre d’un inconnu ont éveillé chez Hugo un épisode absent du Romancero, mais fort original et poétique. Martinenche24, puis Élisabeth 18 Victor Hugo, Choses vues. Souvenirs, journaux, cahiers 1830-1885, éd. Hubert Juin, Paris, Gallimard, coll. “Quarto”, 2002, p. 1236 (annexe 2: à la date du 24 septembre 1871; “en 1825”). 19 Romances historiques, op. cit., p. 116-117. 20 Romancero general (1600, 1604, 1605) (1947), éd. Ángel González Palencia, Madrid: C.S.I.C., t. I, p. 497. 21 Victor Hugo, Œuvres poétiques. I. Avant l’exil (1802-1851), op. cit., p. 657. 22 Romancero, éd. Di Stefano, op. cit., p. 320. 23 Romancero, éd. Losada, op. cit., p. 49. 24 Op. cit., p. 77.
  • 7. 7 Barineau25 et Pierre Albouy26, assurent que le second vers de l’épigraphe est altéré et devrait être: “Lo que preguntar quería”. L’observation est sujette à discussion: les très nombreuses versions de ce romance offrent tantôt cette forme, tantôt celle-ci: “Lo que preguntarte quería”. Cette dernière, plus commune en espagnol, mais moins orthodoxe du point de vue de la prosodie (neuf syllabes), est en tout cas celle que l’auteur a tirée du Romancero e historia del rey de España don Rodrigo publié par son frère Abel en 1821: Topado ha con un pastor Que su ganado traya, Dixò le: – “Dime buen hombre Lo que preguntarte queria”27. Venons-en maintenant à la célèbre note de l’édition originale, où le poète soutient, avec Chateaubriand, que les romances à sujet mauresque étaient originellement l’œuvre de poètes arabes: Il y a deux romances, l’une arabe, l’autre espagnole, sur la vengeance que le bâtard Mudarra tira de son oncle Rodrigue de Lara, assassin de ses frères. La romance espagnole a été publiée en français dans la traduction que nous avons déjà citée [celle de son frère Abel, de 1822]. Elle est belle, mais l’auteur de ce livre a souvenir d’avoir lu quelque part la romance mauresque, traduite en espagnol, et il lui semble qu’elle est plus belle encore. C’est à cette dernière version, plutôt qu’au poëme espagnol, que se rapporte la sienne, si elle se rapporte à l’une des deux. La romance castillane est un peu sèche, on y sent que c’est un maure qui a le beau rôle. Il serait bien temps que l’on songeât à republier, en texte et traduit sur les rares exemplaires qui en restent, le Romancero général, mauresque et espagnol; trésors enfouis et tout près d’être perdus. L’auteur le répète ici, ce sont deux Iliades, l’une gothique, l’autre arabe28. Élisabeth Barineau corrige Hugo et son “imprudence de déclarer qu’il a lu une romance mauresque qui n’a jamais existé”29; en effet, si les romances à motif espagnol dérivent de la tradition épique et lyrique chrétienne, ceux à sujet mauresque sont le produit d’une mode passagère qui travestissait en chevaliers maures les galants de la cour. De plus, les romances des Infants de Lara reposent sur de vieilles chansons castillanes dont l’histoire se situe au Xe siècle: jamais on n’a eu l’idée de les reprendre pour les habiller à la mauresque30. Plusieurs critiques ont pris Hugo à partie pour cette affabulation. Selon Gaston Paris, le poète “se permet […] une pure fiction fondée sur un malentendu. […] Il s’est, gravement et solennellement suivant sa coutume, moqué de ses lecteurs”31. Ce critique soutient que Hugo recourt à l’invocation d’une source inconnue de ses rivaux afin de justifier les ajouts dont il pare son modèle, que l’expédient d’une version arabe du poème, clin d’œil “du côté des malins”, ne peut qu’induire en erreur le lecteur. 25 Op. cit., p. 98. 26 Op. cit., p. 1327. 27 Romancero e historia del rey de España don Rodrigo, postrero de los godos. En lenguaje antiguo; recopilado por Abel Hugo, Paris, de la Imprenta de A. Boucher, 1821, p. 63. 28 Victor Hugo, Œuvres poétiques, op. cit., p. 706. 29 Op. cit., t. II, p. 96; voir aussi Alfred Morel-Fatio, Études sur l’Espagne. Première série, Paris, E. Bouillon et E. Vieweg, 1888, p. 90, Raymond Foulché-Delbosc, “L’Espagne dans Les Orientales de Victor Hugo”, Revue Hispanique, 4, 1897, p. 87, Georges Le Gentil, “Victor Hugo et la littérature espagnole”, Bulletin Hispanique, 1, 1899, p. 156 et Louis Guimbaud, “Les Orientales” de Victor Hugo, Amiens, Edgar Malfère, 1928, p. 95. 30 Gaston Paris, op. cit., p. 336-337. 31 Ibid., p. 337.
  • 8. 8 On trouve le même procès d’intentions chez Martinenche (“Victor Hugo s’amuse”32) et chez Guimbaud (“Il invente”33). Élisabeth Barineau se montre plus conciliatrice. Après le correctif appliqué au poète, elle fait preuve d’indulgence: “En croyant que les Maures avaient écrit quelques-unes des romances historiques, Hugo ne fait que suivre l’opinion du temps”34. Pour preuve, voici les affirmations, sans doute hardies, de Simonde de Sismondi: Les Maures, qui dans tous les villages étaient mêlés avec les Castillans, étaient plus sensibles encore au charme des romances, plus transportés par leur passion pour la musique. […] Peut-être sont-ils les auteurs d’un grand nombre de romances castillanes, peut-être en a-t-on fait plusieurs pour leur plaire; du moins leurs héros y jouent le premier rôle aussi souvent que les Chrétiens35. Convaincu de cette paternité, le critique classe, sans les nommer, parmi les romances “maures”, plusieurs poèmes consacrés à Bernard del Carpio et ceux des guerres des Zégris et des Abencerrages. Simonde de Sismondi n’était pas le seul à assurer l’existence de romances d’origine arabe: Abel Hugo, dans son introduction aux Romances historiques (1822), comparait et préférait les productions des poètes espagnols à celles des poètes arabes; les premiers s’inspiraient de la Bible, là où les seconds vagabondaient: Les romances mauresques n’atteignent point à leur beauté, chaque poète arabe a laissé la carrière ouverte à son imagination, aucun n’a choisi de modèle. […] Il y en a de fort belles; il y en a de détestables. […] Tandis que les Espagnols chrétiens consacrent dans une seule romance le souvenir d’une action mémorable, et qu’ils savent y renfermer une peinture complète et attachante, les poètes arabes espagnols, entraînés par leur goût pour les métaphores et pour la pompe des descriptions, abandonnent le récit de leur action principale pour se livrer aux détails, et délayent dans une longue suite de romances un fait que tant de mots oiseux privent de tout intérêt qu’il en a lui-même36. Le frère du poète s’étend sur la monotonie des sujets des romances arabes (“c’est toujours un amour suivi d’une jalousie, accompagné d’une rivalité”) et sur l’absence de sujets épiques (“les événements remarquables de l’histoire des Maures en Espagne n’ont presque jamais été chantés par les Arabes”). À juger par les exemples donnés (il est question des “fameuses guerres civiles entre les Zégris et les Abencérages”, de “Tarif, Azarque, Muça”37), Abel Hugo prend les romances des Guerres civiles de Grenade et les romances à motif romanesque pour des compositions d’origine arabe. L’année suivante, l’introduction au Captif d’Ochali, sous-titrée “Romances mauresques”, revient sur cette opinion: Les romances qu’on va lire sont l’ouvrage des chrétiens Muzarabes, c’est-à-dire sujets des Arabes. Originairement composées dans la langue mauresque, elles devinrent populaires parmi les peuples des royaumes de Grenade, de Murcie, de Séville, et se répandirent ensuite chez les chrétiens libres de la Castille, qui les traduisirent en espagnol. Ces traductions se sont conservées dans la mémoire des 32 Op. cit., p. 79. 33 Op. cit., p. 95. 34 Op. cit., p. 96. 35 Jean Charles Léonard Simonde de Sismondi, De la Littérature du Midi de l’Europe, Paris, Trauttel & Würtz, 1813, t. III, p. 222. 36 Op. cit., p. li-lii. 37 Ibid., p. liii-liv.
  • 9. 9 habitants de la Sierra-Nevada et dans quelques manuscrits déposés dans les monastères de la vieille Castille. On en a imprimé aussi quelques-unes dans le Romancero general38. On peut donc faire preuve d’indulgence envers le poète qui suit de près les opinions d’un érudit et d’un traducteur sur l’existence des romances mauresques. À propos de la sympathie de Victor Hugo pour Mudarra (“on y sent que c’est un maure qui a le beau rôle”), il convient de repréciser que Mudarra n’est pas un Maure, mais le fils de Gonzalo Gustios et d’une Mauresque; d’après la Crónica general (c. 1460), il adopta lors de son baptême le prénom de son père et du cadet des sept Infants, d’où l’apostrophe à la fin du romance espagnol: “– Espéresme, don Gonçalo, iré a tomar las mis armas” (–Donne-moi un instant, don Gonçalès, j’irai prendre mes armes). Hugo achève sa note de l’édition originale par la célèbre métaphore: “L’auteur le répète ici, ce sont deux Iliades, l’une gothique, l’autre arabe”. La formule lui est chère, puisqu’elle réapparaît à deux reprises dans Notre-Dame de Paris (“œuvre […] une et complexe comme les Iliades et les Romanceros dont elle est sœur”39; “des Iliades et des Romanceros”40), ainsi que dans William Shakespeare (“Quant au Romancero, qui crée le Cid après Achille et le chevaleresque après l’héroïque, il est l’Iliade de plusieurs Homères perdus”41), et aussi dans Choses vues (“le Romancero ne se réimprime pas, n’étant qu’une Iliade”42). Il empruntait l’expression à son frère Abel, qui, dans ses “Notes des romances sur Rodrigue” (Romances historiques, 1822), comparait le romance “Rodrigue après la bataille” à l’épisode correspondant dans Roderick, the Last of the Goths de Robert Southey (1814). Après avoir loué les beautés du récit de l’Anglais, l’aîné des Hugo entonnait un chant en honneur de l’Espagnol anonyme: J’avoue […] qu’un sentiment de prédilection me porte à donner la préférence au poète qui, à mille années de distance, et du milieu d’un siècle de barbarie, a pu contrebalancer la gloire d’un de nos contemporains les plus célèbres; et lorsque je songe que ce poète est resté inconnu, je me rappelle ces vers de Voltaire: Et peut-être un Virgile, un Cicéron sauvage, Est chantre de paroisse ou curé de village. ou cette autre expression de Lope de Vega, en parlant de ces romances, expression exagérée sans doute, mais du moins excusable: c’est une Iliade qui n’a pas d’Homère43. Sans doute Hugo avait-il lu, lui aussi, l’expression métaphorique dans les Études françaises et étrangères d’Émile Deschamps, où elle apparaissait dans l’introduction: “Ce poème est tiré de ces admirables romances espagnoles, qu’on a si bien nommées une Iliade sans Homère”44. Or, quatorze ans auparavant l’expression apparaissait dans les Romances du Cid, Odéïde imitée de l’espagnol, dans une traduction d’A. Creuzé de Lesser. Dans la Préface (20 avril 1814), le traducteur épanchait le plaisir ressenti à la première lecture des romances: 38 Abel Hugo, Le Captif d’Ochali. Romances mauresques dans Tablettes romantiques, Paris, Persan, 1823, p. 344. 39 Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, éd. Jacques Seebacher, Paris, Gallimard, coll. “La Pléiade”, 1975, p. 107. 40 Ibid., p. 186. 41 Victor Hugo, Critique, Jean-Pierre Reynaud (prés.), Paris, Robert Laffont, coll. “Bouquins”, 1985, p. 285. 42 Op. cit., p. 1233 (annexe 2: à la date du 24 septembre 1871; “en 1825”). 43 Op. cit., p. 31-32. 44 Emile Deschamps, Études françaises et étrangères, Paris, Urbain Canel, 1828, 2e éd., p. lx. Le poème “Rodrigue dernier roi des Goths”, inséré dans ces Études, avait aussi inspiré Hugo pour “La Bataille perdue” des Orientales.
  • 10. 10 J’étais comme un homme qui, en cherchant un coquillage, vient de découvrir un trésor. De ce moment, je formai le projet de dégager cet or si pur du sable qui le cache quelquefois, et d’offrir à ma patrie une imitation des romances du Cid, production d’autant plus singulière, qu’elle est le fruit de plusieurs siècles, et le travail de plusieurs hommes; étrange Iliade qui n’a point d’Homère, création admirable de je ne sais combien d’Alcées et de Pindares inconnus45! Dans une note à cette formule figure un commentaire qui, à l’en croire, élimine toute autre investigation sur l’origine ultime de l’expression de Victor Hugo: 1836. J’ai été bien étonné de voir M. Dugaz-Montbel, dans son Histoire des poésies Homériques (1831), me faire l’honneur d’attribuer cette pensée à Lopez [sic] de Véga. C’est sans doute parce qu’il l’a trouvée citée ailleurs sans nom d’auteur. Je suis charmé si elle est digne de Lopez de Véga; mais elle est de moi. Il est heureux que l’attribution n’ait pas été mise au compte de Quevedo. Ô insondable mystère de la source! 45 Les Romances du Cid. Odéïde imitée de l’espagnol. Troisième édition, augmentée d’Héloïse, et des Prisons de 1794, poëmes du même genre, Paris, Delaunay, 1836, p. vii-viii.