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La course folle du vélo pour gagner les villes
Depuisunmois,enprévisiondudéconfinement,despistescyclablessonttracéesdansl’urgencelelongdesgrandsaxes
U
ne bataille d’un nou­
veau genre se déroule
depuis peu, au ras du
bitume, à coups de
peinture, de blocs de béton et de
plots en plastique. Lundi 25 mai, il
était un peu plus de 20 heures,
lorsque des équipes des services
techniques de la métropole Aix­
Marseille ont commencé à recou­
vrir de noir les vélos jaunes dessi­
nés, à peine deux semaines plus
tôt,surlesoldel’avenueduPrado.
La piste cyclable temporaire qui
longeait cet axe urbain de 60 mè­
tres de large est supprimée. «L’ex­
périmentation n’a pas trouvé son
public», justifie la métropole,
dans un communiqué.
L’itinéraire n’a pas eu le temps
de faire ses preuves, ont répondu,
furieux, des cyclistes et membres
du collectif Vélos en ville qui ont
tenté de s’opposer physiquement
au démontage. Jeudi 28 mai, des
centaines de personnes se don­
naient rendez­vous pour pédaler
au même endroit. Aux klaxons
des automobilistes répondaient
les sonnettes des manifestants.
Ceux­ci soupçonnent les élus
d’avoir cédé à la pression de la
Confédérationdescomitésd’inté­
rêtdequartier.Le11mai,cetteins­
titution marseillaise jugeait «dif­
ficile» de chasser les voitures de
certaines voies «pour les affecter
spécifiquement aux vélos».
Quelques jours plus tôt, mi­mai,
c’est au cœur de Paris, face à l’Hô­
tel­Dieu, que des blocs de béton
installés la veille ont dû être illico
retirésdanslanuit,surordredela
Préfecture de police. Pourtant,
«un accord technique avait été
conclu», assure Ariel Weil, le
maire (PS) du 4e arrondissement.
D’autres épisodes du même type
se sont déroulés en grande ban­
lieue.Cesderniersjours,desitiné­
raires aménagés dans les Yveli­
nes, entre Le Pecq et Chatou, et à
Montigny­lès­Cormeilles, dans le
Val­d’Oise, ont été effacés.
«Une nation du vélo»,
Mais, dans le même temps, pour
la première fois, des cyclistes rou­
laient tranquillement, à Paris, sur
l’axe Bastille­Concorde dégagé,
oupresque,detoutevoiture.Etde
l’autre côté du périphérique, à
Montreuil, une quatre­voies in­
franchissable est devenue, en
quelques jours, une avenue à
30 km/h sur laquelle les cyclistes
se croisent à droite, sur deux files,
cantonnant les voitures sur
l’autre moitié de la chaussée.
A Montpellier, Grenoble, mais
aussi à Besançon, au pied de La
Défense ou à Villeurbanne, les
scènes se ressemblent. Depuis un
peu plus d’un mois, en prévision
du déconfinement, des pistes
cyclables sont tracées dans l’ur­
gence le long des routes, le plus
souvent en retirant une voie au
trafic motorisé. Cette course à
l’occupationdel’espacepublicpar
le vélo a lieu également en Alle­
magne, en Italie ou aux Etats­
Unis. La transformation ne se fait
pas sans heurt, mais, si elle se
confirmait, pourrait modifier le
visage des villes.
Le temps est venu de faire de la
France «une nation du vélo», a ré­
pété Elisabeth Borne, le 29 mai. La
ministre de la transition écologi­
que et solidaire, qui annonçait de
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laisse toute sa place au vélo». C’est
mi­avril, juste après l’annonce du
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que, où, dès les années 1970, des
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cordée à l’automobile. A force de
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los d’aujourd’hui maîtrisent par
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Streetmix ou Neore, ils tracent les
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partagent en open source. Depuis
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Les mises en pratique varient.
Certaines villes avancent douce­
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quage au sol jaune, la couleur as­
sociée aux travaux. D’autres y
vont plus franco. «Partout où j’ai
voulu faire de petits morceaux de
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j’aicommencéàyallerd’uncoup»,
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promet 60 km supplémentaires.
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nis, on parie sur l’irréversible en
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noires, quitte à consacrer
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Grenoble inverse même la logi­
que au moment de penser la lar­
geur des aménagements. Sur les
quais de l’Isère, «on s’est fixé
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Métropole.
Ça coince à certains endroits
L’élan n’épargne pas les villes
habituellement les plus mal no­
tées par les usagers, comme l’ag­
glomération de Cergy­Pontoise
ou Argenteuil (Val­d’Oise). Après
la pression de l’association Vélo
utile, Saint­Brieuc a aussi accepté
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entre le centre­ville et l’hôpital,
aux vélos et aux bus», explique
Louise­Anne Gautier, adjointe à
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Evidemment, à certains en­
droits, ça coince sérieusement.
Sur les anciennes nationales qui
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Pantin ou à Saint­Mandé, les nou­
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tienter sur leur file quand la piste
Manifestation
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à Marseille,
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contre la
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EMILIO GUZMAN/
DIVERGENCE
Pour
la Fédération
française des
usagers de
la bicyclette,
le moment
est inespéré
cyclable voisine semble déserte.
«Vous allez vous faire des enne­
mis»,avaitavertiMedySejai,ledi­
recteurdel’espacepublicdeMon­
treuil, lors du webinaire du
19 mai. «Dictature», «gauchistes
totalitaires», «escrolo», voilà
pour les fleurs glanées sur les ré­
seaux. Rien de bien terrifiant, aux
yeux de Frédéric Héran, écono­
miste, spécialiste des déplace­
ments urbains. «Les pratiques
nouvelles sont d’abord ignorées,
puis contestées, et enfin banali­
sées. Là, on est dans la phase de
confrontation.» Cet universitaire
appelle à repenser la hiérarchie
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vélo, les transports publics et, en
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En attendant, certains élus, à un
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de céder à la pression. Même à Pa­
ris, la bataille n’est pas gagnée.
Christophe Najdovski, adjoint à la
maire socialiste, constate que la
Préfecture de police se montre
moins arrangeante, ces derniers
jours. «Le préfet réclame des ins­
tructions, des délais d’un mois, au
prétexte que les aménagements
pourraient devenir pérennes.» Or,
pour l’élu, rien ne sert de démon­
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fautlaisserletempsauxnouveaux
comportements de s’installer, aux
cyclistes de découvrir le réseau.»
Encore faudrait­il rendre les
nouveaux itinéraires visibles. Ra­
res sont les pistes jalonnées de
panneaux avec la direction et le
temps de parcours, comme l’a
fait, par exemple, la métropole de
Rennes. Malgré tout, les cyclistes
sont de sortie. Les comptages, à
Paris ou à Lyon, montrent une
forte hausse de la pratique.
L’association Vélo &Territoires,
qui rassemble une centaine de
collectivités, note, pour la pre­
mière semaine du déconfine­
ment, une fréquentation
moyenne des axes cyclables en
hausse de 11 % par rapport à 2019,
alors que le télétravail était tou­
jours recommandé. La progres­
sion s’observe y compris en péri­
phérie et dans les campagnes,
même si les nouvelles pistes y
sont encore très rares. 
émeline cazi
et olivier razemon
transformer les pistes cyclables pro­
visoires aménagées à la hâte en vue du
déconfinement en itinéraires définitifs?
Tout le monde y pense, à commencer
par la ministre de la transition écologi­
que et solidaire, Elisabeth Borne. «J’in­
vite les élus à pérenniser, quand c’est pos­
sible, les pistes temporaires. Nous espé­
rons en déployer 1000 kilomètres au
total. Ne laissez pas la voiture reprendre
la place!», a­t­elle insisté, vendredi
29 mai, lors d’une conférence de presse.
Pour accompagner ce mouvement
voulu par de nombreux élus locaux, et
observé un peu partout dans le monde,
les collectivités pourront puiser dans le
fonds de 1 milliard d’euros mis à disposi­
tion par l’Etat pour financer les «inves­
tissements verts», a expliqué celle qui se
pose de plus en plus en «ministre du
vélo». La part de cette somme réservée
aux «mobilités actives», la marche et le
vélo, n’est pas encore définie, mais l’Etat
s’engage à «accompagner les collectivi­
tés» qui en feront la demande. Le choix
des mots a son importance pour dési­
gner ces nouvelles pistes. En quelques
semaines, elles sont déjà passées du sta­
tut d’«éphémère» ou de «provisoire» à
celui de «temporaire». Mais Olivier
Schneider, le président de la Fédération
desusagersdelabicyclette,quiréunitles
associations des cyclistes du quotidien,
parle, lui, de «pistes de transition»,
comme pour souligner que tout ceci
nest qu’une première étape.
Triplement du budget
La volonté est là mais, en pratique, le
gouvernement ne peut pas imposer aux
élus locaux de modifier l’usage d’une
chaussée dont ils ont la responsabilité,
comme c’est le cas avenue du Prado à
Marseille, où la métropole Aix­Marseille
a fait supprimer une «coronapiste», en
début de semaine.
Et même là où le blocage émane d’une
administration soumise à l’autorité de
l’Etat, par exemple la préfecture de police
de Paris, Mme Borne ne dispose pas d’un
pouvoir direct. «Il y a des réflexes à créer,
une pédagogie à faire», insiste­t­elle,
pour que l’administration prenne systé­
matiquement en compte les déplace­
ments à bicyclette dans leurs décisions.
«Certains préfets, comme celui des Hauts­
de­Seine, comprennent très vite», indique
Pierre Serne, le président du Club des vil­
les et territoires cyclables. D’autres non.
«On transmet au ministère quand les élus
nous font part de blocages», ajoute­t­il.
Soucieuse d’encourager «l’engoue­
ment extraordinaire pour le vélo» cons­
taté depuis le début du mois, Elisabeth
Borne a également annoncé le triple­
ment du budget destiné à la remise en
état des bicyclettes oubliées au fond des
caves et des garages. Il passe de 20 mil­
lions à 60 millions d’euros. Et 70000 ré­
parations ont déjà été effectuées depuis
le 11 mai, grâce à ce «coup de pouce» de
50 euros. Le gouvernement vise la re­
mise en état de 1 million de cycles d’ici la
fin de l’année. Dans ce but, 250 mécani­
ciens certifiés doivent être formés d’ici à
l’été, et 500 par an, à terme. Le vélo à
assistance électrique n’est pas oublié:
l’Etat double les aides accordées par les
collectivités locales aux acheteurs, dans
la limite de 200 euros.
Les employeurs sont, par ailleurs, invi­
tés à participer à l’effort général. Ils peu­
vent, sans tarder, octroyer à leurs salariés
le «forfait de mobilité durable» de
400eurosannuelsdestinésàcompenser
leurstrajetsàvéloouencovoiturage.«Ce
mode de déplacement écologique, écono­
mique,estaussibonpourlasantéetlimite
l’absentéisme», dans l’entreprise, a rap­
pelé la ministre à l’intention des direc­
tions des ressources humaines. Enfin,
elle compte bien inaugurer, en mai 2021,
«une grande célébration nationale, appe­
lée “Mai à vélo”» pour «installer définiti­
vement cette culture nouvelle». 
é.ca. et o.r.
Elisabeth Borne appelle à pérenniser les pistes temporaires
0123
DIMANCHE 31 MAI ­ LUNDI 1ER
­ MARDI 2 JUIN 2020

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Jeudi 28 mai, des centaines de personnes se don­ naient rendez­vous pour pédaler au même endroit. Aux klaxons des automobilistes répondaient les sonnettes des manifestants. Ceux­ci soupçonnent les élus d’avoir cédé à la pression de la Confédérationdescomitésd’inté­ rêtdequartier.Le11mai,cetteins­ titution marseillaise jugeait «dif­ ficile» de chasser les voitures de certaines voies «pour les affecter spécifiquement aux vélos». Quelques jours plus tôt, mi­mai, c’est au cœur de Paris, face à l’Hô­ tel­Dieu, que des blocs de béton installés la veille ont dû être illico retirésdanslanuit,surordredela Préfecture de police. Pourtant, «un accord technique avait été conclu», assure Ariel Weil, le maire (PS) du 4e arrondissement. D’autres épisodes du même type se sont déroulés en grande ban­ lieue.Cesderniersjours,desitiné­ raires aménagés dans les Yveli­ nes, entre Le Pecq et Chatou, et à Montigny­lès­Cormeilles, dans le Val­d’Oise, ont été effacés. «Une nation du vélo», Mais, dans le même temps, pour la première fois, des cyclistes rou­ laient tranquillement, à Paris, sur l’axe Bastille­Concorde dégagé, oupresque,detoutevoiture.Etde l’autre côté du périphérique, à Montreuil, une quatre­voies in­ franchissable est devenue, en quelques jours, une avenue à 30 km/h sur laquelle les cyclistes se croisent à droite, sur deux files, cantonnant les voitures sur l’autre moitié de la chaussée. A Montpellier, Grenoble, mais aussi à Besançon, au pied de La Défense ou à Villeurbanne, les scènes se ressemblent. Depuis un peu plus d’un mois, en prévision du déconfinement, des pistes cyclables sont tracées dans l’ur­ gence le long des routes, le plus souvent en retirant une voie au trafic motorisé. Cette course à l’occupationdel’espacepublicpar le vélo a lieu également en Alle­ magne, en Italie ou aux Etats­ Unis. La transformation ne se fait pas sans heurt, mais, si elle se confirmait, pourrait modifier le visage des villes. Le temps est venu de faire de la France «une nation du vélo», a ré­ pété Elisabeth Borne, le 29 mai. La ministre de la transition écologi­ que et solidaire, qui annonçait de nouveaux financements allant dans ce sens, insiste «pour qu’on laisse toute sa place au vélo». C’est mi­avril, juste après l’annonce du déconfinement, que la nécessité d’aménager des pistes cyclables à la hâte s’est imposée. Les impéra­ tifssanitairesallaientlimiterdras­ tiquement le nombre de places dans les transports en commun. Mais le report sur la voiture était impensable. Pour des raisons éco­ logiques évidentes, et aussi parce que l’espace manque. En Ile­de­ France, on décompte, d’ordinaire, 400 km à 500 km d’embouteilla­ ges aux heures de pointe. 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A force de parcourir la ville et de fréquenter lesréunionspubliques,lespro­vé­ los d’aujourd’hui maîtrisent par cœur les codes de l’urbanisme et delacartographie.Surleslogiciels Streetmix ou Neore, ils tracent les pistes cyclables de leurs rêves, les partagent en open source. Depuis un mois, ils ont toute l’attention des administrations. Les mises en pratique varient. Certaines villes avancent douce­ ment, et sans trop dépenser, avec des plots en plastique et du mar­ quage au sol jaune, la couleur as­ sociée aux travaux. D’autres y vont plus franco. «Partout où j’ai voulu faire de petits morceaux de pistes, j’ai été confronté aux rive­ rains ou aux commerçants. Alors j’aicommencéàyallerd’uncoup», explique, à Nice­Matin, Christian Estrosi, le maire (LR) de Nice, qui promet 60 km supplémentaires. A Montreuil, en Seine­Saint­De­ nis, on parie sur l’irréversible en assumant le marquage blanc et l’achat d’élégantes balisettes noires, quitte à consacrer 100000 euros par km, contre 20000 à 50000 euros ailleurs. Grenoble inverse même la logi­ que au moment de penser la lar­ geur des aménagements. Sur les quais de l’Isère, «on s’est fixé 3,20 mètres pour les voitures, et tout le reste est alloué aux vélos et aux piétons», dit Marine Peter, chef de projets à Grenoble­Alpes Métropole. Ça coince à certains endroits L’élan n’épargne pas les villes habituellement les plus mal no­ tées par les usagers, comme l’ag­ glomération de Cergy­Pontoise ou Argenteuil (Val­d’Oise). Après la pression de l’association Vélo utile, Saint­Brieuc a aussi accepté de «réserver une voie, sur un axe entre le centre­ville et l’hôpital, aux vélos et aux bus», explique Louise­Anne Gautier, adjointe à l’environnement. Evidemment, à certains en­ droits, ça coince sérieusement. Sur les anciennes nationales qui strient la banlieue parisienne, à Pantin ou à Saint­Mandé, les nou­ velles pistes se transforment en parkings temporaires. Avec la re­ prise progressive du trafic, des automobilistes s’agacent de pa­ tienter sur leur file quand la piste Manifestation de cyclistes, à Marseille, le 26mai, contre la suppression de la «coronapiste» du Prado. EMILIO GUZMAN/ DIVERGENCE Pour la Fédération française des usagers de la bicyclette, le moment est inespéré cyclable voisine semble déserte. «Vous allez vous faire des enne­ mis»,avaitavertiMedySejai,ledi­ recteurdel’espacepublicdeMon­ treuil, lors du webinaire du 19 mai. «Dictature», «gauchistes totalitaires», «escrolo», voilà pour les fleurs glanées sur les ré­ seaux. Rien de bien terrifiant, aux yeux de Frédéric Héran, écono­ miste, spécialiste des déplace­ ments urbains. «Les pratiques nouvelles sont d’abord ignorées, puis contestées, et enfin banali­ sées. Là, on est dans la phase de confrontation.» Cet universitaire appelle à repenser la hiérarchie des modes de déplacement, en privilégiant la marche, puis le vélo, les transports publics et, en dernier lieu, la voiture. En attendant, certains élus, à un mois du second tour, sont tentés de céder à la pression. Même à Pa­ ris, la bataille n’est pas gagnée. Christophe Najdovski, adjoint à la maire socialiste, constate que la Préfecture de police se montre moins arrangeante, ces derniers jours. «Le préfet réclame des ins­ tructions, des délais d’un mois, au prétexte que les aménagements pourraient devenir pérennes.» Or, pour l’élu, rien ne sert de démon­ ter ce qui vient d’être installé. «Il fautlaisserletempsauxnouveaux comportements de s’installer, aux cyclistes de découvrir le réseau.» Encore faudrait­il rendre les nouveaux itinéraires visibles. Ra­ res sont les pistes jalonnées de panneaux avec la direction et le temps de parcours, comme l’a fait, par exemple, la métropole de Rennes. Malgré tout, les cyclistes sont de sortie. Les comptages, à Paris ou à Lyon, montrent une forte hausse de la pratique. L’association Vélo &Territoires, qui rassemble une centaine de collectivités, note, pour la pre­ mière semaine du déconfine­ ment, une fréquentation moyenne des axes cyclables en hausse de 11 % par rapport à 2019, alors que le télétravail était tou­ jours recommandé. La progres­ sion s’observe y compris en péri­ phérie et dans les campagnes, même si les nouvelles pistes y sont encore très rares.  émeline cazi et olivier razemon transformer les pistes cyclables pro­ visoires aménagées à la hâte en vue du déconfinement en itinéraires définitifs? Tout le monde y pense, à commencer par la ministre de la transition écologi­ que et solidaire, Elisabeth Borne. «J’in­ vite les élus à pérenniser, quand c’est pos­ sible, les pistes temporaires. Nous espé­ rons en déployer 1000 kilomètres au total. Ne laissez pas la voiture reprendre la place!», a­t­elle insisté, vendredi 29 mai, lors d’une conférence de presse. Pour accompagner ce mouvement voulu par de nombreux élus locaux, et observé un peu partout dans le monde, les collectivités pourront puiser dans le fonds de 1 milliard d’euros mis à disposi­ tion par l’Etat pour financer les «inves­ tissements verts», a expliqué celle qui se pose de plus en plus en «ministre du vélo». La part de cette somme réservée aux «mobilités actives», la marche et le vélo, n’est pas encore définie, mais l’Etat s’engage à «accompagner les collectivi­ tés» qui en feront la demande. Le choix des mots a son importance pour dési­ gner ces nouvelles pistes. En quelques semaines, elles sont déjà passées du sta­ tut d’«éphémère» ou de «provisoire» à celui de «temporaire». Mais Olivier Schneider, le président de la Fédération desusagersdelabicyclette,quiréunitles associations des cyclistes du quotidien, parle, lui, de «pistes de transition», comme pour souligner que tout ceci nest qu’une première étape. Triplement du budget La volonté est là mais, en pratique, le gouvernement ne peut pas imposer aux élus locaux de modifier l’usage d’une chaussée dont ils ont la responsabilité, comme c’est le cas avenue du Prado à Marseille, où la métropole Aix­Marseille a fait supprimer une «coronapiste», en début de semaine. Et même là où le blocage émane d’une administration soumise à l’autorité de l’Etat, par exemple la préfecture de police de Paris, Mme Borne ne dispose pas d’un pouvoir direct. «Il y a des réflexes à créer, une pédagogie à faire», insiste­t­elle, pour que l’administration prenne systé­ matiquement en compte les déplace­ ments à bicyclette dans leurs décisions. «Certains préfets, comme celui des Hauts­ de­Seine, comprennent très vite», indique Pierre Serne, le président du Club des vil­ les et territoires cyclables. D’autres non. «On transmet au ministère quand les élus nous font part de blocages», ajoute­t­il. Soucieuse d’encourager «l’engoue­ ment extraordinaire pour le vélo» cons­ taté depuis le début du mois, Elisabeth Borne a également annoncé le triple­ ment du budget destiné à la remise en état des bicyclettes oubliées au fond des caves et des garages. Il passe de 20 mil­ lions à 60 millions d’euros. Et 70000 ré­ parations ont déjà été effectuées depuis le 11 mai, grâce à ce «coup de pouce» de 50 euros. Le gouvernement vise la re­ mise en état de 1 million de cycles d’ici la fin de l’année. Dans ce but, 250 mécani­ ciens certifiés doivent être formés d’ici à l’été, et 500 par an, à terme. Le vélo à assistance électrique n’est pas oublié: l’Etat double les aides accordées par les collectivités locales aux acheteurs, dans la limite de 200 euros. Les employeurs sont, par ailleurs, invi­ tés à participer à l’effort général. Ils peu­ vent, sans tarder, octroyer à leurs salariés le «forfait de mobilité durable» de 400eurosannuelsdestinésàcompenser leurstrajetsàvéloouencovoiturage.«Ce mode de déplacement écologique, écono­ mique,estaussibonpourlasantéetlimite l’absentéisme», dans l’entreprise, a rap­ pelé la ministre à l’intention des direc­ tions des ressources humaines. Enfin, elle compte bien inaugurer, en mai 2021, «une grande célébration nationale, appe­ lée “Mai à vélo”» pour «installer définiti­ vement cette culture nouvelle».  é.ca. et o.r. Elisabeth Borne appelle à pérenniser les pistes temporaires 0123 DIMANCHE 31 MAI ­ LUNDI 1ER ­ MARDI 2 JUIN 2020