1. Presse Med. 2013; 42: 405–410 en ligne sur / on line on
ß 2012 Publié par Elsevier Masson SAS. www.em-consulte.com/revue/lpm
www.sciencedirect.com ´ ´
He matologie - Transfusion/He patologie
Mise au point
Démarche clinique devant une
hyperferritinémie
Philippe Sogni1, Catherine Buffet2
1. Assistance publique–Hôpitaux de Paris, hôpital Cochin, université Paris-Descartes,
institut Cochin, CNRS (UMR 8104), Inserm U-1016, Sorbonne Paris Cité, service
d’hépatologie, 75014 Paris, France
2. Assistance publique–Hôpitaux de Paris, hôpital Bicêtre, université Paris-Sud,
service d’hépato-gastroentérologie, 94270 Le Kremlin-Bicêtre, France
Correspondance :
Philippe Sogni, hôpital Cochin, service d’hépatologie, 27, rue du Faubourg-Saint-
Disponible sur internet le : Jacques, 75014 Paris, France.
12 juillet 2012 philippe.sogni@cch.aphp.fr
Key points Points essentiels
Clinical evaluation of a hyperferritinemia Une hyperferritinémie doit être interprétée en fonction du
sexe et de l’âge.
A hyperferritinemia has to be interpreted in relation with age La démarche clinique se fonde initialement sur l’interprétation
and sex. du coefficient de saturation de la transferrine qui doit être
The clinical evaluation begins with the interpretation of contrôlé sur un deuxième prélèvement réalisé à jeun.
transferrine saturation which has to be controlled with a En cas de coefficient de saturation de la transferrine élevé
second fasting blood test. associé à une hyperferritinémie, un test génétique doit être
In case of high transferrine saturation associated with hyper- réalisé car le premier diagnostic à évoquer est celui d’une
ferritinemia, HFE testing has first to be realized since the first hémochromatose HFE.
diagnosis suspected is a HFE hemochromatosis. En cas de coefficient de saturation de la transferrine normal
In case of normal transferrine saturation associated with a associé à une hyperferritinémie, les diagnostics les plus
hyperferritinemia, the more frequent diagnosis is a metabolic fréquents sont un syndrome métabolique, un syndrome inflam-
syndrome, an inflammatory syndrome, a syndrome of cellular matoire, une lyse cellulaire ou une consommation excessive
lysis or an excessive alcohol consumption. d’alcool.
In case of HFE hemochromatosis, phlebotomy prevents En cas d’hémochromatose HFE, les saignées permettent de
complications. The goal is to obtain and to maintain a prévenir les complications. Le but est d’obtenir et de maintenir
normal-low ferritin level. une ferritinémie normale basse.
In case of metabolic syndrome, phlebotomy could be useful in En cas de syndrome métabolique, les saignées peuvent être
case of high hepatic iron concentration measured with MRI or indiquées en cas de concentration intra-hépatique en fer
in case of on-alcoholic steato-hepatitis. élevée à l’imagerie par résonance magnétique ou de présence
d’une stéato-hépatite non alcoolique.
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http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2012.05.015
2. P Sogni, C Buffet
L a découverte d’une hyperferritinémie est une situation
fréquente pouvant correspondre à de nombreux diagnostics
plus souvent modérément élevée. Si en revanche la CIHF par
IRM est élevée, avec éventuellement un contexte familial
évocateur, une hémochromatose génétique non HFE doit
mais dont la cause est habituellement assez simple à détermi- être cherchée en demandant une poursuite de l’analyse
ner étant donné les examens actuellement à notre disposition. génétique [1] (tableau II). De même, d’autres maladies
Une démarche systématique permet dans la grande majorité génétiques peuvent être en causes dont la thalassémie qui
des cas d’aboutir facilement à un diagnostic et à une prise en est certes fréquente, mais dont le diagnostic initial ne se fait
charge adaptée. pas habituellement par le biais d’une hyperferritinémie [5–8]
(tableau II).
Outils du diagnostic Hyperferritinémie et coefficient de saturation de la
L’hyperferritinémie doit être interprétée en fonction du sexe et transferrine normal
pour les femmes, de la ménopause [1]. Les premiers outils du Dans cette situation (figure 2) [9], il ne s’agit pas d’une
diagnostic sont rassemblés dans le tableau I. L’interrogatoire hémochromatose HFE et donc le test génétique est habituelle-
et l’examen clinique systématiques permettent surtout de ment inutile. En revanche, cette situation clinique est très
chercher un contexte évocateur, des arguments pour une fréquente, correspondant habituellement aux personnes ayant
cirrhose ou pour une hémochromatose. La mesure du coeffi- un syndrome métabolique, un syndrome inflammatoire, une
cient de saturation de la transferrine est un point important consommation excessive d’alcool ou une lyse cellulaire (hépa-
dans la démarche diagnostique, mais sa variabilité en pratique tique, musculaire, érythrocytaire, médullaire) [1,9,10]. L’hyper-
courante chez une même personne, incite à confirmer son ferritinémie reste habituellement modérée au cours du
résultat en recommandant sa réalisation à jeun même si les syndrome métabolique. La mesure de la CIHF par IRM peut
données de la littérature sont discordantes sur ce point. La être utile pour apprécier réellement l’importance de la sur-
mesure de la concentration intra-hépatique en fer (CIHF) par charge en fer, orienter éventuellement vers des causes plus
imagerie par résonance magnétique (IRM) [2] et le test rares ou décider de la prise en charge thérapeutique (figure 3).
génétique de l’hémochromatose ne sont pas systématiques
mais leur demande se justifie éventuellement en fonction des Indications des saignées : hémochromatose
résultats précédents. La ponction biopsie hépatique (PBH) versus syndrome métabolique
n’est que rarement utile. Elle peut aider en cas de maladies Les deux situations cliniques fréquentes au cours desquelles se
hépatiques associées, pour affirmer le diagnostic de stéato- pose l’indication de saignées sont l’hémochromatose
hépatite non alcoolique (NASH) ou pour faire le diagnostic de génétique HFE et le syndrome métabolique. Alors que les
gravité de la maladie hépatique en montrant une fibrose saignés ont une indication prouvée dans le premier cas, leur
extensive ou une cirrhose. bénéfice reste à démontrer dans le second. En cas d’anomalies
du bilan hépatique, la PBH est rarement nécessaire au diag-
Situations pratiques nostic différentiel. En cas d’hémochromatose C282Y homozy-
gote, elle montre un surcharge en fer essentiellement
Hyperferritinémie et coefficient de saturation de la
hépatocytaire et en cas de syndrome métabolique, essentielle-
transferrine augmenté
ment au niveau des cellules de Küpffer. Elle peut en revanche,
Cette situation (figure 1) est avant tout évocatrice d’une permettre le diagnostic de gravité de l’hémochromatose en
hémochromatose HFE due à une mutation C282Y à l’état affirmant une cirrhose même si les tests non invasifs de fibrose
homozygote et plus rarement d’une hétérozygotie composite et notamment l’élastométrie, sont maintenant utilisés en pra-
C282Y/H63D [3,4]. tique malgré l’absence de validation. Pour le syndrome méta-
Si le test génétique est négatif, une maladie hépatique évoluée bolique, la PBH reste souvent indispensable pour le diagnostic
et une dysmyélopoïèse sont le plus souvent en cause et différentiel entre stéatose simple et NASH. La PBH permet
nécessitent donc des examens spécifiques pour aboutir au également de réaliser une mesure de CIHF sur un fragment
diagnostic. Pour ces deux diagnostics, la CIHF par IRM est le de foie de taille suffisante et non fixé.
Hémochromatose C282Y homozygote
Glossaire Au cours de l’hémochromatose C282Y homozygote, il existe un
CIHF concentration intra-hépatique en fer parallélisme entre l’hyperferritinémie et la surcharge intra-
IRM imagerie par résonance magnétique hépatique en fer [2]. Sauf situation particulière, la mesure
NASH stéato-hépatite non alcoolique de la CIHF est donc inutile dans cette situation. L’indication
PBH ponction biopsie hépatique
des saignées est posée sur le taux de ferritine élevé en sachant
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He matologie - Transfusion/He patologie
Mise au point
Tableau I
Premiers outils du diagnostic d’une hyperferritinémie
Outils Détails Remarques
Interrogatoire Contexte particulier (alcool, cancer, syndrome –
inflammatoire, syndrome métabolique. . . )
Antécédents personnels ou
familiaux évocateurs d’une hémochromatose
Examen clinique Syndrome métabolique –
Cirrhose
Signes cliniques évocateurs d’une hémochromatose
Coefficient de saturation Normal/élevé (> 45 %) Nécessite d’être confirmé
de la transferrine (réalisé à jeun)
Mesure de la concentration Mesure de la CIHF par IRM Normale ou peu élevée si < 100
intra-hépatique en fer (CIHF) (ou sur la biopsie du foie) Élevée si > 120 (mmol/g)
Test génétique de l’hémochromatose C282Y homozygote (C282Y/H63D Pénétrance faible
hétérozygote composite)
IRM : imagerie par résonance magnétique.
que le but est d’obtenir une ferritinémie normale basse (en- de complications chez les personnes asymptomatiques, d’amé-
viron 50 mg/L) avec une tolérance clinique correcte et sans liorer les symptômes et de prévenir le risque de complications
anémie, puis de maintenir ce niveau de ferritinémie [3,4]. Les chez les personnes symptomatiques et de diminuer le risque de
saignées permettent de prévenir la survenue de symptômes ou complications chez les personnes ayant déjà une atteinte
organique significative. Il est donc important de dépister ces
personnes homozygotes C282Y le plus précocement possible,
soit asymptomatiques devant des anomalies du bilan martial,
soit devant des symptômes peu spécifiques comme la fatigue
ou l’atteinte articulaire mais qui sont responsables d’une al-
tération de la qualité de vie, soit enfin dans le cadre d’un
dépistage familial réalisé par le test génétique.
Syndrome métabolique
L’hyperferritinémie est fréquente au cours du syndrome méta-
bolique (figure 3) et probablement associée à l’insulino-
résistance correspondant à l’hyperferitinémie métabolique
(encore appelée hypersidérose dysmétabolique) [11]. Elle
est le plus souvent modérée (< 1000 mg/L) et caractérisée
par un coefficient de saturation de la transferrine normal ou peu
élevé. Dans cette situation, le taux de ferritine surestime la
surcharge en fer. Dans une étude comparative, Guillygo-
marc’h et al. [12] ont montré qu’à taux de ferritine compa-
rable, la CIHF et la mobilisation du fer par saignées étaient
Figure 1 nettement plus élevées chez les patients homozygotes C282Y
Diagnostic d’une hyperferritinémie associée à un coefficient de que chez les patients ayant un syndrome métabolique (ta-
saturation de la transferrine élevé bleau III). Inversement à CIHF comparable, le taux de fer
CIHF : concentration intra-hépatique en fer. mobilisable par saignées était similaire mais le taux de
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Tableau II
Maladies génétiques responsables d’une hyperferritinémie
Mécanisme Type Gène
Hyperferritinémie et coefficient de saturation de la transferrine élevé
Anomalie de la voie hepcidine – ferroportine 1 HFE
2A HJV
2B HAMP
3 TRF2
4B SLC40A1
Anomalie du transport du fer DMT1 DMT1
A-transferrinémie Transferrine
Érythropoïèse inefficace Thalassémie Globine
Anémies sidéroblastiques congénitales ALAS2. . .
Anémies dysérythropoïétiques congénitales DAN1. . .
Hyperferritinémie et coefficient de saturation de la transferrine normal
Anomalie de la voie hepcidine – ferroportine 4A SLC40A1
Anomalie du transport du fer A-céruléoplasmine Céruléoplasmine
Anomalie de la ferritine Hyperferritinémie - cataracte L-ferritine
D’après [5–8].
DMT-1 : divalent metal transporter 1 ; HJV : hémojuvéline ; HAMP : hepcidine ; TFR2 : récepteur 2 de la transferrine ; SLC40A1 : ferroportine.
Figure 3
Proposition de prise en charge pratique des hyperferritinémies
associées au syndrome métabolique en fonction du taux de
Figure 2 ferritine puis de la concentration intra-hépatique en fer (CIHF)
Diagnostic d’une hyperferritinémie associée à un coefficient de Il est important également de tenir compte de la présence d’une éventuelle
saturation de la transferrine normal maladie du foie associée de type stéato-hépatite non alcoolique (NASH) pour des
CIHF : concentration intra-hépatique en fer. taux de CIHF < 120 mmol/g.
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He matologie - Transfusion/He patologie
Mise au point
Tableau III
Mesure de la concentration intra-hépatique en fer (CIHF) et de la quantité de fer mobilisable par les saignées en cas d’hyperferritinémie
due à une hémochromatose ou due à un syndrome métabolique chez des patients appariés sur le taux de ferritinémie
Médiane (extrêmes) Syndrome métabolique (n = 42) Hémochromatose C282Y homozygote (n = 42) p
Ferritinémie (mg/L) 550 (190–1290) 545 (207–1290) ns
CIHF avant les saignées (mmol/g) 75 (47–180) 227 (80–413) < 0,0001
Fer mobilisable par les saignées (g) 1,6 (0,3–5,7) 2,2 (0,6–9,0) < 0,01
D’après [12].
ferritine était moins élevé chez les patients homozygotes rôle décisionnel avec la mise en place d’un programme de
C282Y que chez les patients ayant un syndrome métabolique saignées si celle-ci est élevée (figure 3). La présence éven-
[12]. La question se pose donc du bénéfice éventuel des tuelle d’une maladie du foie type NASH doit renforcer l’in-
saignées chez les patients ayant un syndrome métabolique et dication des saignées probablement pour des niveaux plus
une surcharge en fer [10,13]. Il a été montré dans des études faibles de CIHF.
observationnelles que chez les patients ayant un syndrome
métabolique avec un diabète de type 2 et une hyperferri- Conclusion
tinémie sans hémochromatose, les saignées pouvaient amé- L’utilisation rationnelle des examens à notre disposition, à
liorer l’insulino-résistance au moins temporairement [14–16]. partir des données cliniques et d’interrogatoire d’un patient
De même, certaines études ont montré un lien entre taux de ayant une hyperferritinémie, permet le plus souvent d’aboutir
ferritine et gravité du syndrome métabolique ou de l’atteinte rapidement à un diagnostic. Certaines situations atypiques
hépatique [17], voire même du risque de cancer [18]. Ce- nécessitent cependant la poursuite des investigations pour
pendant, le bénéfice des saignées sur le pronostic de chercher des causes rares ou des diagnostics associés. L’indica-
ces patients n’a pas été encore clairement démontré [10]. tion et le bénéfice des saignées sont clairement établis pour
En pratique et en l’absence de données précises dans la les patients atteints d’une hémochromatose génétique. En
littérature, au cours d’un syndrome métabolique, si la ferri- revanche, au cours du syndrome métabolique, l’indication
tinémie est élevée (par exemple > 1000 mg/L), il semble des saignées reste à valider. En pratique clinique, les saignées
souhaitable de chercher des causes associées et notamment pourraient être bénéfiques chez les patients ayant un syn-
une hémochromatose génétique si le coefficient de saturation drome métabolique et une surcharge hépatique en fer signifi-
de la transferrine est augmenté. D’autre part, toujours dans cative.
cette situation précise et dans l’attente des résultats des
Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits
études en cours, la mesure de la CIHF pourrait avoir un d’intérêts en relation avec cet article.
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