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ÉCOLE DE PSYCHOLOGUES PRATICIENS
UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE PARIS
23, rue du Montparnasse
75 006 PARIS




                MÉMOIRE-THÈSE DE RECHERCHE
                           en vue de l’obtention du
                     DIPLÔME DE PSYCHOLOGUE



TITRE :

   LE SENTIMENT DE SATISFACTION DES NOUVEAUX PÈRES
                DANS L’EXERCICE DE LEUR PATERNITÉ
                  Comparaison entre deux générations de pères



Effectué sous la direction du professeur Castelain-Meunier

Par :                           Christophe PÉNICAUT

Promotion :                     2003

Option :                        Psychopathologie

Date de naissance :             23 mai 1977

Lieu de naissance :             Clamart

Classification informatique :

Famille – Sociologie – Grossesse

Jury de soutenance : Mme Castelain-Meunier – M. Bidoire – M. Sos
                                                             Mention Assez Bien
Paris, le 24 septembre.
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               REMERCIEMENTS


               Je tiens à remercier tout particulièrement Madame
            Castelain-Meunier pour ses conseils éclairés et son écoute
            stimulante, ma femme pour ses commentaires et sa
            patience, mon fils pour m’avoir rendu père et pour avoir
            fait naître en moi l’envie d’entreprendre cette recherche.




                                                                    2
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                                     SOMMAIRE


 SOMMAIRE........................................................................................... 3

 INTRODUCTION.................................................................................. 4
    1. ORIGINE DE LA DÉMARCHE...................................................... 5
    2. EXPOSÉ DE LA PROBLÉMATIQUE ........................................... 8
    3. OBJECTIFS DE RECHERCHE..................................................... 10

 PARTIE THÉORIQUE....................................................................... 12

    1. LA PATERNITÉ : INSTINCT OU CULTURE ?.......................... 14
    2. NOUVELLES FAMILLES ET NOUVEAUX PÈRES ................. 37
  3. À QUOI SERT UN PÈRE ? APPROCHES SOCIOLOGIQUE ET
PSYCHANALYTIQUE .......................................................................... 53
    4. CONCLUSION .............................................................................. 79

 PARTIE PRATIQUE .......................................................................... 81
    1. MÉTHODOLOGIE ........................................................................ 82
    2. RÉSULTATS.................................................................................. 96
    3. CONCLUSION ............................................................................ 105

 BIBLIOGRAPHIE............................................................................. 114

 INDEX D’AUTEURS ........................................................................ 120

 INDEX THÉMATIQUE.................................................................... 122

 TABLE DES MATIÈRES ................................................................. 125

 ANNEXES........................................................................................... 129
    1. DOCUMENTS COMPLÉMENTAIRES ..................................... 130




                                                                                                 3
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       INTRODUCTION




                                                                 4
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1. ORIGINE DE LA DÉMARCHE


    Au cours de ma formation, j’ai été sensibilisé à la psychologie génétique, et, dans ce
domaine, à l’importance des relations précoces des parents avec le nouveau-né, et même
avec le fœtus. Dans de nombreux ouvrages qui m’ont été recommandés, la mère y est
décrite à la fois comme étant la figure d’attachement primaire, le premier objet total,
dans une fusion exclusive avec le nouveau-né, etc. Le père, face à cette cohorte
d’attributs exclusivement maternels, reste apparemment plus ou moins exclu de cette
fusion des premiers temps de la vie du petit d’homme. Lorsque j’ai moi-même eu
l’occasion de vivre l’expérience de la paternité, il m’est naturellement venu un grand
nombre de questions à l’esprit. J’ai constaté très rapidement qu’il existait une réelle
dissymétrie entre le père et la mère non seulement dans la littérature, et plus
particulièrement la littérature psychanalytique, mais également dans les ouvrages de
vulgarisation destinés aux jeunes parents.


    De manière presque univoque, on attribue à la mère un rôle quasi omnipotent dans
le développement du jeune enfant alors que ne revient au père qu’un rôle de protection
et de sauvegarde de l’intégrité de la relation mère-enfant, jusqu’à ce qu’il revendique à
nouveau le privilège de l’intimité de la mère, et impose à l’enfant, à cette occasion, la
loi de l’interdit de l’inceste.


    Afin de préciser mon opinion sur le sujet de la paternité, je me suis documenté à
travers les écrits de Christine Castelain-Meunier, Jean Le Camus, Geneviève Delaisi de
Parseval, Didier Dumas, Guy Corneau, Françoise Hurstel, Jacqueline Kelen, Aldo
Naouri… Sociologues, psychologues, psychanalystes, pédiatres mais aussi ethnologues,
éthologues et historiens m’ont apporté des éléments de réponse tangibles.
    Ces lectures m’ont permis de constater que certaines de mes interrogations étaient
fondées, d'autant plus que les débats autour de la paternité battaient leur plein,
notamment entre les sociologues d’un côté et les psychanalystes de l’autre. Les thèmes
débattus sont variés, mais leurs conclusions déterminantes. Évolue-t-on vers une
meilleure paternité, plus engagée et plus concernée par l’enfant, ou avance-t-on au




                                                                                    5
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contraire vers un état dangereux de démission du père ? L’évolution des pères est-elle à
l’origine d’évolutions sociales à plus grande échelle ?
   Les pathologies propres à la paternité sont peu connues des praticiens : à en croire le
dictionnaire, la couvade serait encore absente de nos sociétés : « Couvade : Ethnol.
Coutume rencontrée dans certaines sociétés où, après l’accouchement, c’est le père qui
tient le rôle de la mère. » (Dictionnaire Larousse, 1998).
   Or, comme nous le verrons plus loin, non seulement elle peut survenir après la
naissance, mais aussi à différents moments au cours de la grossesse (v. chapitre 1.4.2.
La couvade, p. 25). De plus, la référence à l’ethnologie semble exclure la possibilité de
son occurrence dans nos contrées industrialisées et renvoyer cette manifestation
originale à l’autre bout de la planète. Pour généraliser, Geneviève Delaisi de Parseval
(1981) affirme que « la paternité semble bien être, en effet, terra incognita dans le
champ d’étude couvert par les sciences humaines ».
   En ce qui concerne le domaine de la clinique, dans la quasi-totalité des écrits de
psychanalyse d’il y a à peine trente ou quarante ans, le père est écarté de la fusion
originelle à laquelle, à condition que la mère l’y autorise, il aura accès par la suite.
Aussi, comme le soulignent Marie-Christine Lefort et Anne Discour :


           « Les conditions économiques, sociales et culturelles, depuis les
         années trente, ont orienté les études psychologiques de l’enfant jeune
         vers une focalisation sur la relation mère-enfant (voir Freud sur les
         principes de l’étayage, et Bowlby sur le besoin vital d’attachement).
         Le père n’est que personnage annexe, primitivement accessoire, qui
         n’interviendra qu’à partir de la phase œdipienne dans les théories
         psychanalytiques (Lefort M.-C. et Discour A., La place du père durant
         les trois premiers jours après la naissance de l’enfant prématuré, in
         Marciano, 2003). »


   Bien entendu, je n’envisage pas un instant de contester l’ensemble de ces théories,
même si d’aucuns plus audacieux, et surtout plus expérimentés, s’y sont essayés,
donnant au père une place fondamentale auprès de l’enfant dès les premiers jours, avant
sa naissance et même avant sa conception (par exemple Dumas, 1999 et 2000 ; Le
Camus, 1999 et 2000 ; Corneau, 1989). Les modèles de base ne sont certainement pas à
remettre en cause.

                                                                                    6
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   En revanche, il me semble que le père est parfois exagérément cantonné dans son
rôle d’autorité, de protecteur, d’unique représentant de la Loi, de garant de la
transmission des valeurs… alors que nous constatons que, plus que les mentalités, les
pratiques elles-mêmes changent, et notamment la relation du père à l’enfant, jeune et
moins jeune, ainsi que sa relation à la mère.




                                                                                7
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2. EXPOSÉ DE LA PROBLÉMATIQUE


   Il est vrai que la représentation traditionnelle de la famille a été battue en brèche
depuis la fin des années 60, soit depuis plus d’une génération. Effectivement, des
configurations familiales avant exceptionnelles ou négligées par les journalistes
prennent le devant de la scène médiatique. La famille est devenue l’objet de nombreuses
réflexions, d’études démographiques et sociologiques. Elle s’est partiellement
désinstitutionnalisée et son modèle s’est largement diversifié.


   Les médias, notamment les magazines spécialisés affirment que de nombreux points
ont évolué, en particulier sur le plan de la paternité. La plupart d’entre eux n’ont pas de
réel étayage expérimental et s’inspire davantage d’observations courantes, mais tous
alimentent l’image du « nouveau père ». Nous en citerons quelques-uns, sans prétendre
en dresser une liste exhaustive, tirés de lectures spécialisées, de sites Internet, de
magazines ou journaux traitant de la paternité ou bien d’observations personnelles :




           Le père est plus attentif pendant la grossesse, il s’instruit et se documente au
           sujet de cet événement ;
           Le père est plus présent au domicile, il participe plus aux soins du
           nourrisson ;
           Le père souhaite prendre part à l’éducation de ses enfants de manière plus
           concrète, en étant plus présent, en partageant des activités avec eux ;
           L’autorité est davantage répartie entre les conjoints ;
           La relation que le père d’aujourd’hui souhaite avoir avec ses enfants
           correspond de moins en moins à une relation autoritaire mais davantage à
           une relation de coaching ;
           La famille concurrence davantage le travail dans les priorités du père.




                                                                                       8
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    Nous nous sommes interrogés sur la nature et les modalités de la transmission de la
paternité, de la transmission de ses représentations et de l’image du père idéal chez les
pères eux-mêmes. On constate aujourd’hui que les pères ont sensiblement modifié leur
attitude et leurs comportements en ce qui concerne les enfants, mais également en ce qui
concerne la mère. La réalité de cette évolution a été étudiée à plusieurs reprises déjà1,
aussi nous ne nous y attarderons pas.


    En revanche, nous allons tenter d’apporter davantage de lumière sur un autre point.
Les pères tentent toujours de se conformer, plus ou moins consciemment, à un certain
modèle de paternité. Ce modèle, cette représentation du père idéal, est constituée, pour
la majeure partie, de ce que le père, enfant, a perçu du rôle de son propre père. Elle est
très certainement nuancée ou complétée par les substituts parentaux qui ont pu
intervenir à différents moments de la vie du jeune garçon.




    1
        En particulier : CASTELAIN-MEUNIER, C. (1997). La paternité. Paris : PUF, coll. Que sais-je ?.
– CASTELAIN-MEUNIER, C. (2002). La place des hommes et les métamorphoses de la famille. Paris :
PUF. – HURSTEL, F. (1996). La déchirure paternelle. Paris : PUF. – KELEN, J. (1986). Les nouveaux
pères. Paris : Flammarion. – MODAK, M. et PALAZZO, C. (2002). Les pères se mettent en quatre !
Responsabilités quotidiennes et modèles de paternité. Lausanne : Cahiers de l’EESP. – SINGLY (de), F.
(1993). Sociologie de la famille contemporaine. Paris : Nathan.


                                                                                                9
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3. OBJECTIFS DE RECHERCHE


    Partant de ces observations et de ces constatations, je me suis posé les questions
suivantes :




              Dans quelle mesure cet idéal a-t-il évolué depuis la génération précédente ?
              Son évolution suit-elle l’évolution manifeste de la paternité ? Comment a pu
              varier l’écart entre la représentation du père idéal et la perception du père
              réel ? Cet écart a-t-il évolué depuis la génération précédente ? A-t-il évolué
              en fonction de la perception de la réalité de la paternité ?


              Comment se constitue la représentation du père idéal à l’échelle
              individuelle ? Quelle est la part de reproduction inconsciente et d’innovation
              consciente par rapport aux comportements et à l’attitude perçus chez son
              propre père ? Comment l’évolution de la représentation sociale du bon père
              influence-t-elle les jeunes pères aujourd’hui ? Les pères de la nouvelle
              génération innovent-ils davantage par rapport à leur père que ceux-ci
              n’innovaient par rapport à leur propre père ?


              Comment cette évolution de la paternité est-elle perçue par les pères eux-
              mêmes ? En sont-ils satisfaits ? Peut-on prévoir une évolution future de la
              paternité au regard de ce que nous pouvons constater aujourd’hui ?




    Suite à ces interrogations, j’ai choisi d’étudier un aspect de ce problème qui ne me
semble pas avoir été traité jusque là. Quelle est l’évolution du sentiment de satisfaction
du père dans l’exercice de sa paternité ? Les pères sont-ils satisfaits de l’évolution dont
ils sont à la fois acteurs et spectateurs ?




                                                                                     10
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   Pour tenter de répondre à ces questions, je formulerais l’hypothèse que le sentiment
de satisfaction personnelle n’a pas réellement diminué avec le changement des modèles
de paternité entre la génération des grands-pères d’aujourd’hui et la génération de leurs
fils devenus pères.
   Partant du principe que les représentations sont indissociables des pratiques et
qu’elles interagissent pour évoluer ensemble, il me semble que l’écart perçu entre le
père réel et le père idéal ne s’est ni agrandi ni resserré, la satisfaction restant donc
sensiblement inchangée.




                                                                                  11
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PARTIE THÉORIQUE




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    Avant de mettre à l’épreuve l’hypothèse de travail que nous avons formulée, nous
avons parcouru un grand nombre de sources traitant de la paternité sous ses divers
aspects. Cette partie en propose une synthèse organisée qui permettra d’inscrire notre
recherche dans un contexte actualisé et éclairé par des écrits récents.
    Cette étude bibliographique a été effectuée avec un œil critique et un objectif
précis : exposer les principales recherches et les théories existantes et déterminer leurs
apports et leurs limites.


    Dans une première partie, nous aborderons la paternité sous un aspect descriptif
général. Nous tenterons d’apporter les éléments de réflexion nécessaires pour mieux
discerner l’aspect culturel et l’aspect universel de ce statut. Pour cela nous tâcherons de
réfléchir aux définitions de la paternité et de la masculinité, puis nous étudierons la
paternité selon les deux axes temporel et spatial : en remontant dans le temps et en
voyageant sur d’autres continents.


    Nous exposerons ensuite les changements de la famille contemporaine qui ont
retenus notre attention soit par leur ampleur soit par leur importance pour le père,
changements qui semblent converger avec l’émergence d’une nouvelle relation du père
à l’enfant.


    Enfin nous rapporterons les théories ou les points de vue marquants au sujet du rôle
et de la fonction du père au sein de la famille, auprès de ses enfants et auprès de leur
mère, mais aussi en ce qui concerne la spécificité de son rôle par rapport à celui de la
mère, en montrant que les modèles de paternité ont sensiblement évolué.




                                                                                    13
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1. LA PATERNITÉ : INSTINCT OU CULTURE ?


   Le père n’est pas nécessairement celui que l’enfant appelle « Papa ». Les
spécialistes ne s’entendent pas toujours sur les limites et les implications de sa
définition. Pourtant, quoi de plus commun qu’un père ? Nous avons tous intuitivement
une idée de ce qu’il est, mais lorsque nous sommes confrontés à l’actualité de la famille
et à la complexité des situations qu’elle recouvre, nous commençons à douter de son
évidence et de son universalité.
   Ceux qui tentent d’apporter de la lumière sur cette définition sont ceux qui l’étudient
ou ceux qui travaillent avec lui : ce sont les sociologues, les psychologues, les
psychanalystes, les juristes ou les médecins. Mais leur vision du père n’est pas
uniforme, loin s’en faut.


   Qui est le père ? Quand devient-on père ? Peut-on avoir plusieurs pères ? Quelle que
soit la manière de formuler la question, les cas qui faisaient figure d’exception aux
générations précédentes sont aujourd’hui légion : l’augmentation du nombre de
divorces, la généralisation du concubinage, la « recomposition » des familles qui en fait
souvent des familles monoparentales, la généralisation des méthodes contraceptives et
les diverses techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP)1 – avec la
fécondation in vitro et transplantation d’embryon (FIVETE), l’insémination artificielle
avec le sperme du conjoint (IAC) ou avec celui d’un donneur anonyme (IAD) – se
généralisent dans toutes les couches de la population française. L’ensemble de ces
évolutions relativement récentes nous invite à réfléchir aux limites de la définition
courante du père.




   1
       Anciennement Procréation Médicalement Assistée (PMA).


                                                                                   14
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   1.1. QUELQUES DEFINITIONS

   En étudiant attentivement les définitions de différents dictionnaires, nous pouvons y
déceler certaines lacunes au sujet du père et de la paternité. En effet, sa position de
géniteur est explicite, la responsabilité de sa progéniture est plus ambiguë, alors que les
cas de paternité plus complexes, comme celle qui est issue de l’AMP, pourtant
envisagée dans le cadre de la loi, sont pour ainsi dire absentes de ces ouvrages de
référence. Ainsi le dictionnaire Le Robert 1 (1999) nous propose la définition suivante :


           « Père : Homme qui a engendré, qui a donné naissance à un ou
         plusieurs enfants […]. Par analogie, celui qui se comporte comme un
         père, est considéré comme un père (nourricier, adoptif, spirituel). »


   Le Petit Larousse Illustré (1998) reprend, presque dans les mêmes termes cette
partie de la définition, mais y ajoute également :


           « Homme ayant autorité reconnue pour élever un, des enfants au
         sein de la cellule familiale, qu’il les ait ou non engendrés. Homme qui
         agit en père, qui manifeste des sentiments paternels. »


   Les comportements en question qui permettraient d’être inclus dans la définition du
père, d’être considéré comme un père, ne sont pas précisés davantage… ce qui ne nous
renseigne pas vraiment sur ce qu’il peut être, en dehors du géniteur. D’autre part, s’il est
possible d’être père en se comportant comme un père, cela souligne une différence entre
deux sortes de père : le « vrai » et celui qui fait comme si. Enfin peut être père celui qui
« agit en père ». Mais que fait-il exactement ? S’occupe-t-il de l’enfant ? L’éduque-t-il ?


   En ce qui concerne la grossesse et la mise au monde des enfants, aucun terme
n’existe pour désigner ce qu’il se passe du côté du père. Cet aspect n’apparaît qu’à la
définition de la maternité : « […] Fait de mettre un enfant au monde » (Dictionnaire
Larousse, 1998). L’arrivée des enfants ne constitue apparemment pas un élément
déterminant de la définition de la paternité.




                                                                                     15
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    Poursuivons la réflexion. Au verbe « engendrer », nous trouvons la définition
suivante : « Se dit de l’homme qui produit un enfant (v. procréer) ». Le verbe
« produire » trouve ici une signification particulière. Mais il apparaît assez clairement
que la définition du père est ici réduite à sa seule fonction de géniteur, au
« fournisseur de petite graine ».


    Le mot maternage n’a son équivalent en Anglais que vers 1940 et n’est apparu
qu’en 1953 en Français. Il est défini ainsi dans le Dictionnaire de psychologie :


              « L’ensemble des comportements par lesquels la mère ou la
            personne qui en tient lieu apporte ou tente d’apporter au nourrisson
            les soins maternels et, plus généralement, tout ce qui est indispensable
            à sa survie et à son développement physique et psychique : amour,
            stimulations, maintien, maniement, bain de paroles, etc. (Doron et
            Parot, 1998). »


    On peut entendre par ces lignes que d’autres personnes que la mère peuvent assurer
le maternage auprès de l’enfant. Cependant, il n’est pas précisé ici qui peut « tenir lieu »
de mère, d’où l’on peut déduire que la personne dispensatrice de maternage importe peu
pour qualifier celui-ci.
    De plus, il ne s’agit que de « comportements ». En aucun cas, par conséquent, le
maternage ne pourrait être prodigué par une personne interposée, par une représentation
ou par une image intrapsychique mais uniquement par celui ou celle qui est aux côtés de
l’enfant.


    Plus loin dans le même dictionnaire, à la définition de maternel (Doron et Parot,
1998), on peut lire :


              « Ensemble de soins assurés par la mère à sa progéniture. […] la
            femelle […] assure la plus lourde part du fardeau parental. […] le
            comportement maternel dans l’espèce humaine s’inscrit dans la
            continuité des formes et des fonctions qu’on lui connaît chez les
            animaux, particulièrement chez lez mammifères et, plus directement,
            modulé par les diverses traditions culturelles. »

                                                                                       16
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   Il est reconnu que la mère est nettement plus impliquée que le père pour s’occuper
de ses petits. Parce que la définition intègre nos origines animales, ce « comportement
maternel » possède une composante instinctuelle. Toutefois, cette composante est
« modulée » par la culture. On voit ici toute la difficulté de statuer sur cette notion
abstraite, à la fois indispensable à tous les mammifères afin d’assurer une descendance
aux adultes, mais également spécifique à l’espèce humaine en raison de la complexité
des processus psychiques en jeu.


   Les soins ne sont pas énumérés mais ils nous paraissent plus familiers que les
comportements du père évoqués ci-dessus. Le cas où la mère disparaît et où le père, ou
un autre adulte, assume seul la responsabilité de sa progéniture n’est pas évoqué. On
peut néanmoins supposer que si celui-ci prodigue ces soins à ses enfants, on dira de son
comportement qu’il est « maternel ». Alors qu’on peut se demander quand les
comportements d’une mère assumant seule la responsabilité de ses enfants pourraient
être qualifiés de « paternels », à compter qu’ils puissent l’être.


   La dimension symbolique de la paternité est explicite dans la définition suivante,
également tirée du Dictionnaire de psychologie, (Doron et Parot, 1998) :


            « Paternité : Dans une structure de parenté, la place du père ne
         recouvre    pas    sa   fonction    de   géniteur,   elle   est   marquée
         symboliquement par sa reconnaissance en tant que détenteur de la
         puissance phallique, transmetteur du nom, en position de médiation et
         de séparation du couple mère/enfant. La relation père/enfant
         s’instaure sous le signe de l’altérité. Pour J. Lacan, le père est le
         représentant de la loi. »


   De nombreux auteurs font la différence entre diverses paternités, tantôt
complémentaires, tantôt en contradiction ou en conflit les unes avec les autres. Tout
d’abord, et le plus souvent cité, c’est le père biologique, le géniteur, celui qui transmet
son génome.
   Le père légal est celui qui donne son nom à sa descendance, qui inscrit ses enfants
dans une généalogie, une lignée. Cette paternité est garantie par le mariage dans les

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sociétés patrilinéaires. Le père éducatif ou affectif est celui qui s’attache aux enfants,
assure leur éducation, les inscrit dans la société. Le père symbolique, cher à la
psychanalyse, est celui qui dit « Non », c’est le séparateur, le représentant de la Loi.


   Cependant, tous les auteurs ne s’accordent pas parfaitement sur ces catégories et
nous proposons celles-ci hors de toute affinité théorique particulière. Notons sur ce
point que « la paternité biologique ne coïncide pas obligatoirement avec la paternité
sociale ou éducative » (Delaisi de Parseval, 1981).




   1.2. L’HOMME ET LE MASCULIN

   L’étude des définitions du père et de la paternité est à croiser avec celles de la
masculinité et de la virilité. Le père peut-il s’occuper de ses enfants sans se féminiser ?
Dispenser des soins de maternage force-t-il à perdre ou à mettre de côté sa virilité ? Ne
pourrait-on pas envisager un rapport aux enfants, et particulièrement aux nourrissons,
hors de tout aspect féminin ? Et qu’est-ce qu’un comportement féminin s’il peut être
réalisé par la majorité des hommes ?
   La virilité se présente « comme un ensemble de comportements, d’interdits, de non-
dits, de valeurs, d’attitudes, de discours stéréotypiques, etc., qui s’articulent en de
véritables systèmes idéologiques, centrés sur le courage et la force » (Dejours, Ch. Le
masculin entre sexualité et société, in Welzer-Lang, 2000).
   Le terme viril n’a a priori ni connotation positive, ni négative. Le seul antonyme
proposé par le Dictionnaire Robert est « efféminé », qui est connoté péjorativement, et
ne s’adresse d’ailleurs qu’aux hommes ! De plus, les attributs virils sont l’activité,
l’énergie, le courage, la fermeté, la résolution (Dictionnaire Larousse, 1998 ;
Dictionnaire Robert, 1999), alors que les qualités associées au caractère efféminé sont la
mollesse, l’absence d’énergie ou de virilité (Dictionnaire Robert, 1999).


   Cette dichotomie stéréotypée propre à la pensée occidentale attribue à l’homme
l’activité et à la femme la mollesse… Nulle part dans ces dictionnaires il n’est fait
mention d’une éventuelle composante masculine chez la femme, et, réciproquement,
d’une composante féminine chez l’homme.


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   Au contraire, la séparation semble assez hermétique. Une telle conception est
pourtant présente dans la philosophie taoïste, très répandue en Asie, comme on peut le
constater par la représentation devenue relativement populaire du yin et du yang. Cette
image symbolise en réalité la présence et l’intrication des contraires en toute chose.
         Le masculin, yang, est également synonyme d’activité, de mouvement
         centrifuge alors que le féminin, yin, est synonyme de passivité et de
mouvement centripète. Néanmoins, ces caractères sont présents en chacun de nous.


   En revanche, nous pouvons fréquemment entendre parler d’une probable
féminisation de l’homme en général, et du père en particulier. Cette tendance est jugée
alternativement, et bien souvent sans arguments solides, soit comme un net progrès sur
le plan de la paternité, donc pour famille et le développement des enfants, soit comme
redoutablement pathogène et à l’origine de bien des maux de la société contemporaine,
tels que la violence et la délinquance juvéniles, mais aussi la déresponsabilisation des
jeunes professionnels, la crise de l’engagement, etc.
   En ce qui concerne le développement de l’enfant, une assez large majorité d’auteurs
préconise la présence physique de deux parents hétérosexuels auprès des enfants. « Un
enfant, en grandissant, a besoin d’un modèle de conduite féminine et d’un modèle de
conduite masculine (Dodson, 2002) ».


   Il est difficile, nous l’avons vu précédemment, de définir précisément et
rationnellement le masculin et le féminin au-delà de la simple différence physique et
« en l’absence de définition culturelle de la différence entre le masculin et le féminin »
(Castelain-Meunier, 1997).
   De manière parfois confuse, on attribue à l’homme une part féminine dans son
attitude ou son comportement. Yvonne Knibiehler (1987) affirme d’ailleurs, au sujet de
cette part féminine cachée en l’homme, qu’elle « s’exprime désormais davantage » mais
que « les enfants ne semblent pas en souffrir ». Un accouchement qui se déroule dans
des conditions eutociques est un événement intense physiquement et psychiquement,
proposant des conditions favorables à l’expression et à la libération de sentiments et
d’émotions positives (v. chapitre 2.2. L’accouchement, p. 39).
   Ces manifestations ostensibles de la sensibilité du père étaient jusqu’alors réfrénées
parce qu'indécentes pour un homme alors qu’elles peuvent être aujourd’hui
revendiquées comme une valeur ajoutée à la virilité.

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   Un certain excès de féminisation a cependant été observé pendant un temps par le
personnel des maternités :


           « Les équipes de périnatalité se montrent plus attentives aux émois
         du père en évitant cet excès de féminisation qui est venu un temps
         contrebalancer l’image de l’homme fort et tout-puissant, pour
         parvenir semble-t-il à une position médiane (Marciano, 2003). »


   Les hommes à notre époque ont désormais le droit de s’exprimer en utilisant un
registre plus émotionnel, plus affectif. Mais malgré cet indéniable progrès, les sages-
femmes et les obstétriciens sont-ils aussi à l’aise avec un homme qui pleure qu’avec une
femme qui pleure ? L’égalité parfaite sur ce plan n’est évidemment pas encore atteinte.
Le sera-t-elle un jour ? Cela est-il souhaitable ?
   Au sujet des enfants, Yvonne Knibiehler (1987) se demande en premier lieu si c’est
bien « en tant que mâle que le père est utile à l’enfant » ou bien si ce ne serait pas
uniquement « en tant qu’être humain différent de la mère ». Nonobstant cette
incertitude, l’enfant, lui, ne semble pas trop s’en soucier ni trop en souffrir, et « il sait
que son père est un homme et sa mère une femme… ». Même si cela semble évident à
nos yeux, nous ne savons pas ici sur quoi repose cette affirmation et si elle est — ou si
elle pourrait être — confirmée par une quelconque étude expérimentale.


   Certains cliniciens affirment que la virilité du père est davantage un obstacle dans
l’exercice de sa paternité, un frein qui l’empêcherait d’en profiter pleinement :


           « Le père peut, comme la mère, établir une véritable relation
         symbiotique avec son bébé, à condition de savoir mettre en sommeil
         sa masculinité traditionnelle.
           « Nous savons aussi qu’à la naissance de son enfant les premières
         relations qu’il a eues avec sa mère sont réactivées. La qualité de son
         intimité avec son bébé sera d’autant meilleure qu’il se laissera
         dépasser par sa féminité primaire (Lefort M.-C. et Discour A., op. cit.,
         in Marciano, 2003). »



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   Dans le même ordre d’idée, Fitzhugh Dodson (2002) soutient que « beaucoup de
pères s’écartent des jeunes enfants parce que, au fond d’eux-mêmes, ils pensent qu’il
n’est pas viril de tenir un bébé dans ses bras. »


   Dans ces conditions, nous constatons que les auteurs font effectivement état d’une
part masculine et d’une part féminine en l’homme, et que ce serait la part féminine qui
lui permettrait d’accéder à son enfant lorsque c’est encore un nourrisson. De manière
aussi consensuelle que tacite, le rapport au nouveau-né est ici placé sous le signe de la
féminité et reste sous l’hégémonie maternelle.


   D’une part, nous tenons à signaler que ces affirmations ne semblent guère étayées
par des observations objectives et que leur validité est par conséquent contestable.
D’autre part, Geneviève Delaisi de Parseval (1981) souligne qu’« il ne nous semble pas
qu’être homme ou être femme, appartenir au sexe masculin ou au sexe féminin,
différencie profondément l’expérience du devenir-père de celle du devenir-mère ».




   1.3. ASPECTS PHYLOGENETIQUES : DE LA CELLULE A
         L’HOMME



       1.3.1. La transmission des gènes

   D’après ce que nous dit la biologie aujourd’hui, la perpétuation de la vie sur Terre
ne s’est effectuée que grâce à la transmission, d’une génération à une autre, des gènes
inscrits sur les molécules d’ADN par le truchement de la reproduction. Ce groupe de
molécules est effectivement indispensable à la bonne structuration des cellules de
l’organisme issu de la reproduction.
   Nous en connaissons l’importance et nous savons que certaines espèces végétales ou
animales ont mis au point des stratégies particulièrement astucieuses, complexes et
coûteuses en énergie pour s’assurer une fidèle transmission desdites molécules. Elles
constituent le patrimoine de l’espèce, la trace de toutes les adaptations qu’elle a su
mettre en place pour répondre aux aléas plus ou moins menaçants de l’environnement.

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    Le psychanalyste Bernard This affirme que lorsque la fécondation a eu
lieu, « l’individu porteur des gènes peut disparaître ; il a transmis le "germen" que son
corps véhiculait. En tant que "géniteur", il n’est plus nécessaire, sa tâche est
accomplie. » (This, 1980). Cela est vrai pour les organismes qui ne nécessitent pas
d’éducation, ni même d’élevage.
    Il en est ainsi des protozoaires, des bactéries, etc., mais cela s’applique assez peu
aux mammifères, et encore moins à l’homme. Cette remarque ne tient pas compte de
l’évolution possible de l’organisme issu de la reproduction ni du désir spécifique à l’être
humain de transmettre sa culture et ses biens.



          1.3.2. Les mammifères

    Les mammifères doivent leur nom au fait que la femelle porte des mamelles, c'est-à-
dire que tous les petits mammifères sont entièrement dépendants de leur mère pendant
le temps de l’allaitement. Le mâle s’occupe généralement d’assurer la protection de la
femelle contre d’éventuels prédateurs ainsi que de lui rapporter de la nourriture.
    Bernard This fait également remarquer que le mâle intervient le plus souvent dans
un second temps auprès des petits et de leur prise en charge. Il peut notamment s’en
occuper lorsque l’allaitement est terminé, ou bien encore pendant celui-ci, en dehors des
tétées.


             « Pour la plupart des zoologues, tout se passe en effet comme si
           l’instinct paternel n’existait pas, ne pouvait pas, ne devait pas exister
           – alors que la conduite de beaucoup d’animaux prouverait plutôt le
           contraire, notamment chez les Primates (This, 1980). »


    L’étude des gorilles révèle l’importance du mâle auprès des petits. Bernard This
rapporte les conclusions d’une observation réalisée sur des gorilles en captivité. Les
femelles élevées en captivité sans mâle semblent ne plus savoir s’occuper
convenablement de leurs petits : elles les frappent, les nourrissent de manière
inappropriée, etc. Lorsqu’on introduit un mâle à leurs côtés, elles se montrent alors



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davantage capables d’élever les petits (This, 1980). D’autre part, il note que « le
"paternage" est une activité importante de la vie des gorilles », notamment par le jeu.


   Pour Didier Dumas (1999), ce qui « différencie la sexualité de l’homme de celle des
autres mammifères est d’être langagière » et cette différence est capitale. La nier peut
être pathogène. L’enfant est autant le produit de l’acte sexuel qu’un objet de désir, un
« projet ». Il insiste sur cet aspect nodal de la conception de l’enfant en affirmant
qu’« un enfant n’est pas seulement le produit des deux cellules qui se sont rencontrées
dans le corps de sa mère » mais qu’« il est tout d’abord celui des paroles, des désirs et
des fantasmes qui ont permis à ces deux cellules de se rencontrer » (Dumas, 1999).


   Un autre point de vue nous est apporté par Geneviève Delaisi de Parseval (1981) qui
cite Th. Benedek : « Au regard de la procréation, l’homme et la femme, le père et la
mère, ont un fonctionnement identique ». Ceci nous montre à quel point les théories
divergent en ce qui concerne la spécificité de la reproduction humaine par rapport à la
reproduction animale, d’autant plus que ses théories sont échafaudées le plus souvent
sur des observations cliniques et non sur des mesures objectives issues d’un protocole
expérimental.


   En observant les mammifères, nous apercevons quelques attitudes parentales
proches de celles que nous constatons chez les humains. Mais gardons-nous de tout
anthropomorphisme, et n’oublions pas que la famille telle que nous la connaissons n’a
rien d’universel. Au contraire, « la famille humaine est par essence artificielle »
(Delaisi de Parseval, 1981).




   1.4. L’APPROCHE ANTHROPOLOGIQUE : LES PERES
         D’AILLEURS


   Après avoir étudié l’aspect animal de la paternité, nous maintenant poursuivre selon
un autre axe : quid de la paternité chez les peuples non industrialisés ? Comment se
comportent les pères sur les autres continents ? Comme nous le précise Françoise



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Hurstel (1996), « chez nous, il y a un père. Et quand il y en a plusieurs on se demande
[…] quel est le vrai ».



       1.4.1. D’autres modèles de paternité

   La paternité, telle qu’elle est décrite dans les définitions que nous avons citées
(v. chapitre 1.1. Quelques définitions, p. 15), est propre à notre civilisation occidentale.
Nous pensons pouvoir dégager des lois universelles à son sujet, certains vont jusqu’à
parler d’instinct de paternité, alors que le père se comporte de façon tout à fait originale
dans certains peuples. Il existe en effet de multiples façons pour le père d’être en
relation avec ses enfants, avec la mère de ceux-ci, avec ses propres parents, avec la
société en général.
   Dans Totem et tabou (1965), Freud relève cet exemple : « un homme appelle père
non seulement celui qui l’a engendré, mais aussi tout homme qui, d’après les coutumes
de la tribu, aurait pu épouser sa mère et devenir son père. »
   « Dans d’autres sociétés, c’est le père légal qui éduque et aime les enfants d’une
femme avec laquelle il vit, même s’il sait qu’il n’a pas participé à la procréation. »
(Delaisi de Parseval, 1981). Il existe des sociétés matrilinéaires où la filiation se fait par
la mère et non par le père. On imagine mal à quel point une simple différence d’état
civil peut modifier l’organisation de la famille tout entière, et par conséquent, celle de la
société. Parfois, les filiations peuvent être croisées : les filles sont éduquées par le père,
alors que les fils sont éduqués par la mère, l’éducation inscrivant l’enfant dans une
lignée spécifique. Les générations se suivent donc de manière exclusivement
hétérosexuelle.
   Sigmund Freud (1965) nous fait remarquer qu’il « est étonnant que même ces
problèmes relatifs à la vie psychique des peuples puissent être résolus, en partant d’un
seul point concret ; celui de l’attitude à l’égard du père ». Effectivement, dans toutes les
sociétés et à toutes les époques, le rapport au père est absolument déterminent pour
comprendre l’organisation sociale et « la vie psychique » du peuple. Freud observe que
cette attitude est en réalité articulée autour de l’interdit de l’inceste, interdit d’où a
découlé une autre règle : l’exogamie. C’est ce que formule Christine Castelain-Meunier
dans La paternité (1997) : « Définir et identifier le lien paternel autour de l’interdit de
l’inceste a permis d’organiser la reproduction de l’espèce. »


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   Il existe cependant des sociétés qui tiennent compte du besoin de paternité de ceux
qui ne peuvent pas avoir d’enfants du fait de leur âge, de leur situation sociale ou
familiale, « ce qui montre une fois de plus que la paternité ne rime pas forcément ni
avec couple, ni avec fertilité, ni avec jeunesse, composantes pratiquement considérées,
dans nos sociétés, comme des conditions sine qua non de son existence » (Delaisi de
Parseval, 1981).



       1.4.2. La couvade

   Rappelons la définition de la couvade, telle que nous la trouvons depuis très peu de
temps dans nos dictionnaires : « Couvade : Ethnol. Coutume rencontrée dans certaines
sociétés où, après l’accouchement, c’est le père qui tient le rôle de la mère. »
(Dictionnaire Larousse, 1998).
   Avec plus de précision, Geneviève Delaisi de Parseval (1981) apporte la différence
suivante : la couvade dite « rituelle » est un « ensemble de comportements prescrits
(obligations et interdits) du père, associés à la naissance d’un enfant » alors que la
couvade dite « psychosomatique » est l’ensemble des « phénomènes psychosomatiques
associés à la paternité ». On a observé en effet que le père, dans certains peuples,
occupait une place privilégiée autour de la grossesse et après l’accouchement. Il lui
arrive alors d’imiter les douleurs de la parturiente, de s’allonger et de recevoir les
doléances des autres membres du village.
   Les troubles relatifs à la grossesse de la conjointe sont de plus en plus fréquemment
rapportés par les cliniciens qui ont l’occasion de recevoir des futurs pères. Ils sont de
plusieurs ordres, certains imitant ostensiblement la déformation du corps de la mère,
d’autres, plus discrets ou plus symboliques : troubles digestifs, douleurs abdominales,
problèmes de transit, lombalgie, troubles dentaires, prise de poids sont les plus courants.
On rapporte également des cas de décompensation psychotique ou d’épisodes
psychotiques aigus contemporains de la paternité.
   À propos de ce type de couvade, Françoise Hurstel (1996) affirme qu’elles sont
« une manière de réaliser imaginairement la deuxième partie du chemin qui mène de
l’annonce de la paternité, à l’élaboration d’être père », alors que pour Jacqueline Kelen
(1986), il s’agirait d’un « désir de parturition », « plus ou moins refoulé à l’âge adulte ».
Le sens de ces manifestations se situeraient entre une sympathie pour la mère et un désir


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de l’imiter, voire de la remplacer complètement, c'est-à-dire de l’éliminer. Le père,
n’ayant « toujours pas le droit de montrer sa sensibilité, ses émotions » (Kelen, 1986),
en est réduit à cette somatisation plus ou moins histrionique.
   Au sein des peuples pratiquant la couvade rituelle, le sens des symptômes n’est
caché pour personne, pas même pour le père (ou le futur père) qui semble parfois tout à
fait conscient de la façon dont il imite la mère. En revanche, dans notre société, « les
pères en "couvade" n’ont en général aucune idée du motif possible de leurs symptômes,
gommant (consciemment) tout lien avec la grossesse de leur épouse », ce qui ne serait
que la conséquence d’un « déni de la paternité dans la culture occidentale
contemporaine » (Delaisi de Parseval, 1981). Pour Didier Dumas (1999), cette situation
est plus préoccupante encore :


           « Notre société semble ignorer que devenir père est un acte mental
         impliquant obligatoirement l’homme dans son statut affectif et
         pensant. Les peuples pratiquant la couvade considèrent au contraire
         que la paternité est un état qui ne peut être affronté sans préparation
         ni précautions. »


   Le père n’est pas accompagné pour vivre cette importante transition, il n’existe
aucun rituel d’intégration, aucun certificat de paternité… C’est justement pour combler
ce vide que le livret de paternité est remis depuis peu aux nouveaux pères.




   1.5. L’APPROCHE HISTORIQUE : LES PERES D’AUTREFOIS

   Avant de pouvoir relever et apprécier les spécificités des pères d’aujourd’hui, ainsi
que les éventuels changements dans leurs pratiques ou dans les représentations, un bref
parcours de l’histoire de la paternité, de l’Antiquité à nos jours, nous permettra de les
situer plus précisément par rapport à nos ancêtres. Effectivement, il est nécessaire de
comparer les pères contemporains avec leurs lointains parents afin de mieux estimer le
chemin parcouru de ce qu’ils étaient à ce qu’ils sont devenus.
   Comment a évolué la relation entre époux ? Et la relation du père à ses enfants ?
Qu’en est-il du rapport du père à la communauté ou à la société ? Quelle était l’étendue


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de son autorité ? Au cours de cette partie, nous nous intéresserons en particulier à
l’image du bon père, au père idéal tel qu’il pouvait être perçu aux différentes époques
de l’histoire.


    Il est important de noter que les informations que nous pouvons recueillir
aujourd’hui au sujet des pères de l’antiquité ne concernent que ceux appartenant à une
classe relativement aisée, voire les familles exclusivement nobles. Sur les familles plus
pauvres et parfois sur la famille moyenne, il ne nous reste que très peu d’éléments
tangibles.
    Il n’y a jamais eu un modèle unique de paternité, il a toujours varié en fonction de la
classe sociale mais également en fonction de multiples facteurs. Comme le souligne
Castelain-Meunier (1997) : « Il y a toujours eu […] une pluralité de pères ». Nous
verrons néanmoins que cette diversité a évolué à travers les âges, en fonction de la
richesse économique, de la politique, du droit de la famille et plus récemment, des
avancées en matière d’assistance médicale à la procréation.



        1.5.1. Le père à l’antiquité

    Le pater familias est le chef de famille. C’est lui la seule et unique autorité de la
famille. Il décide de tout, sans l’intervention de l’État. Il s’occupe de l’éducation de ses
fils, lorsqu’ils ont déjà un certain âge. C’est lui qui est responsable de « transmettre le
savoir au fils » (Castelain-Meunier, 1997). Le culte des anciens ne survit que parce que
le père se charge de le révéler à sa descendance.
    Ce sont également les pères qui arrangent les mariages des leurs enfants. Ces
derniers n’ont pas le droit de contester ses décisions, et son autorité est soutenue par la
collectivité comme garante de l’ordre et de la perpétuation des valeurs constitutives du
groupe.
    Il peut décider à tout moment, et sans avoir à argumenter plus avant, de déshériter
un de ses enfants, de le faire emprisonner, voire de le tuer. « Le Pater est celui qui
donne la vie et la mort. » (Mulliez, J. in Delumeau et Roche, 2000).
    Cette toute-puissance que rien ne semble réellement entraver, la potestas (du latin,
puissance) n’est transmise au fils qu’à la mort du père. Ainsi, si ce dernier, s’il est
grand-père, a autorité sur son fils marié, la femme et les enfants de son fils. Ce n’est que


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lorsqu’il meurt que le fils peut (enfin !) profiter de ce pouvoir et assumer cette
responsabilité.


    En revanche, à cette époque, « la paternité biologique importe peu, seule la volonté
de reconnaissance de l’enfant par le père compte » (Castelain-Meunier, 1997).
Autrement dit, « [les] Romains ne voulaient croire qu’à une paternité adoptive »
(Delaisi de Parseval, 1981). En effet, la paternité ne pouvant être prouvée de façon
formelle et ne reposant que sur la fidélité de la femme, les enfants nés d’un autre père
peuvent être adoptés par le père comme les siens propres, de même que les enfants qu’il
a conçus peuvent être adoptés par une autre famille. Dans toutes ces décisions, le père
ne tient aucun compte de la parole de la mère.
   Ainsi, seule la volonté de l’homme fait le père, et celui-ci est seul à décider. Les
liens unissant l’enfant à la mère ne semblent guère reconnus comme primordiaux et ne
sont par conséquent pas pris en compte.



       1.5.2. Le père au Moyen-Âge

   Au Moyen Âge, la société est quasi exclusivement communautaire. Le bien-être de
l’individu cède la priorité à l’équilibre du groupe et la pérennisation de ses valeurs.
D’autre part, hormis quelques riches familles à l’abri du besoin, la vie est en
permanence menacée par les guerres ou les famines. Une grande partie de la population
vit dans une telle précarité que la survie du groupe, notamment par la protection des
enfants, devient la seule fin souhaitée par chacun. D’un point de vue économique, la
famille constitue une unité de production (Hurstel, 1996).
   Le père reste, et de loin, le seul référent juridique de la famille. Il doit répondre de
ses enfants, mais aussi de sa femme. En revanche, la potestas a été sérieusement
entamée : « le père n’a plus à cette époque-là, comme au temps des Romains, le droit de
vie et de mort sur ses enfants » (Castelain-Meunier, 1997). Dès lors, le père est limité
dans l’exercice de son autorité. En l’occurrence, ce n’est pas encore le psychologue ou
l’assistante sociale qui interviennent auprès des familles, mais c’est « le juge
ecclésiastique [qui] s’introduit peu à peu dans la vie privée. » (Castelain-Meunier,
1997). La religion confirme donc au père sa position de chef de famille incontestable en



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faisant de la famille le modèle unique, et en même temps restreint son pouvoir en
contrôlant ses abus.
    Pour Françoise Hurstel (1996), on assiste alors à « la lente mainmise de l’Église
catholique sur les pratiques matrimoniales ». En conséquence, « le père est devenu
"celui que le mariage désigne" ». Ainsi, l’Église est l’institution qui cautionne les
valeurs de la famille, qui légitime la filiation par l’intermédiaire du mariage. En outre,
les époux ne s’unissent par le mariage religieux pas tant par amour, que pour fonder un
foyer, avoir des enfants à qui transmettre les biens et le savoir hérités des ancêtres. Le
fait que le mariage soit nécessairement fécond a pour conséquence qu’il « ne peut se
concevoir sans enfant. » (Castelain-Meunier, 1997). La paternité est garantie
uniquement par la virginité de la femme au moment du mariage.
    La domination de l’homme sur la femme n’est pas réellement remise en cause,
d’autant plus que « la complémentarité biologique interprétée dans le sens de la
subordination de la femme à l’homme est sublimée dans l’acte d’engendrement »
(Castelain-Meunier, 2002).
    L’homme, pour être un bon père de famille, est alors nécessairement courageux,
pour pouvoir assurer la protection des siens ; instruit, pour enseigner à ses enfants le
sens des valeurs qu’il leur transmet ; pieux et respectueux des règles dictées par le
clergé : « la générosité le caractérise dans son amour d’autrui, ainsi que sa certitude de
faire le bien », il « contrôle ses émotions et il doit être doux » (Castelain-Meunier,
1997). L’idéal du père autoritaire et distant est progressivement supplanté par l’image
d’un père plus proche et plus soucieux de la bonne croissance de sa progéniture.
Cependant, le père de cette époque ne s’intéresse réellement à son enfant qu’à partir de
l’âge de raison, c'est-à-dire sept ans.



        1.5.3. Le père à l’époque moderne

    De nombreux changements vont ébranler l’autorité paternelle. Sans disparaître
totalement pour autant, elle en sera néanmoins sérieusement limitée. « Pourtant, le
pouvoir du père, comparativement à celui de la femme, n’en demeure pas moins très
fort d’un point de vue institutionnel, juridique, social et culturel » (Castelain-Meunier,
2002). Le public se sépare de plus en plus du privé, on différencie la production de la
reproduction. L’éducation des fils est sous la responsabilité du père, tandis que la mère


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s’occupe de celle des filles. Les fils reçoivent l’enseignement des « valeurs de la société
industrielle » alors que les filles héritent de la mère « son infériorité » et « son savoir-
faire ménager » (Castelain-Meunier, 2002). Le père est alors décrit selon des
« caractéristiques de force, sévérité, richesse et culture… » (Hurstel, 1996). Le père
idéal fait davantage figure d’exemple pour l’enfant devenant adulte que la mère idéale.
Jusqu’à la fin du XIXe siècle, la question de la féminisation de l’homme s’occupant de
ses enfants ne se pose pas.
    Avant la Révolution, le père connaît l’« âge d’or » de la paternité, pendant lequel
son pouvoir rappelle ceux du pater familias. Mais cette fois-ci, son autorité paraît
excessive, inquiétante, contestable. L’Encyclopédie de 1755 rapporte que lorsque
l’éducation de l’enfant est finie, l’autorité du père s’arrête, ce qui fait également de
l’autorité un moyen d’éducation au profit des enfants Le père est écouté pour ses
conseils et respecté, mais ses fils et lui deviennent égaux en droit. De plus, les fils
bénéficient de la liberté de l’administration de leurs biens dans le but de favoriser le
développement économique.
    Les hommes et les femmes sont considérés très différemment par les textes de loi.
En ce qui concerne l’adultère, par exemple, un important déséquilibre au sujet de la
peine encourue les sépare : l’homme fautif devra s’acquitter d’une simple amende, alors
que la femme risquera la maison de correction. « Corollairement, le droit des enfants,
celui des femmes, épouses et mères sont constitués exclusivement de devoirs et
d’obligations » ; la femme « est entièrement "assujettie", dans le mariage, au mari »
(Hurstel, 1996). En revanche, cette époque connaît la disparition de l’exhérédation et la
fin du droit d’aînesse, ce qui impose une répartition plus homogène parmi les différents
héritiers, et ce, quelle que soit leur position dans la fratrie.
    Françoise Hurstel (1996) fait remarquer à propos de Guyot (1780) que celui-ci
trouve « normal que le père ait un droit de "correction paternelle" ». Rappelons que,
même si la vie du fils n’est plus légalement entre les mains du père, ce droit de
correction peut toutefois correspondre à un emprisonnement. Dans la même lignée, le
projet Jacqueminot du Code civil en 1804, propose un retour en arrière et remet en
avant la nécessité du père à disposer d’une totale autorité afin de mieux diriger les
membres de sa famille. En contrepartie, le père est tenu de pourvoir aux besoins de la
famille. Dès lors, lorsque ceux-ci ne sont pas satisfaits, le père peut être jugé et puni.
Avec l’industrialisation, le modèle de paternité évolue vers des idéaux de réussite
professionnelle, d’ascension sociale, d’ambition concernant l’influence ou le pouvoir.

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       1.5.4. Le père à l’époque contemporaine

   Après la Révolution, un grand pan de l’institutionnalisation du mariage tombe : le
mariage religieux n’est plus obligatoire, ce qui est le premier grand mouvement dans la
tendance à la sécularisation de la famille.
   Sur un autre versant, le débat fait rage pour connaître le fondement du mariage. Est-
il naturel ou bien est-ce un simple contrat social ? Ce débat est crucial pour le statut de
la paternité. En effet, si le mariage est naturel, la paternité l’est également, et le divorce
est impossible. Dans le cas contraire, le divorce est envisageable. Bonaparte prend le
parti de faire du mariage un contrat civil en 1791. Par la suite, le divorce sera supprimé
en 1816, puis de nouveau autorisé en 1884 (Théry, 1994).


   Toujours dans le même mouvement de diminution de l’autorité du père sur ses
enfants, le 28 août 1792, une nouvelle loi postule que « les majeurs ne seront plus
soumis à la puissance paternelle, elle ne s’étendra que sur la personne des mineurs »
(Castelain-Meunier, 1997). On assiste ainsi à une « prise de distance par rapport à la
morale religieuse » et à un mouvement de plus en plus déterminé « vers la société civile
laïque » (Castelain-Meunier, 1997).
   Les institutions publiques s’immiscent progressivement au sein du foyer dans un but
de prophylaxie éducative. On entend alors parler de « l’intérêt de l’enfant ». Par
conséquent, le 30 octobre 1935, on assiste à l’abolition de la « correction paternelle ».
En 1945, les femmes acquièrent leur premier droit civique, le droit de vote. Elles
obtiennent ainsi la reconnaissance de leur identité, distincte de celle de leur famille ou
de leur mari. Par la suite, « les mères deviennent les interlocutrices privilégiées de
l’État, pour la question des enfants » (Castelain-Meunier, 1997).
   Dans le prolongement de la loi de 1889 sur la déchéance des pères indignes, les
deux psychiatres Luccioni et Sutter (1957) évoquent pour la première fois la « carence
paternelle » et la « carence d’autorité ». Pour y remédier, ils proposent de « réintégrer le
père à sa place ».


   Mais l’événement majeur est, pour beaucoup, l’arrivée de la pilule contraceptive
dans les foyers. Cette importance déterminante est soulignée par Geneviève Delaisi de
Parseval (1981) : la « révolution contraceptive » a eu pour conséquence de « réinvestir
le père ». Il faisait des enfants « à sa femme », il les fait maintenant « avec sa

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compagne ». Ce nouveau contrôle des naissances bouleverse la conception de la
famille : les enfants ne sont plus le fruit du hasard, de la fatalité mais bien plutôt choisis,
attendus et désirés. Cette situation permet au père de s’impliquer dans le projet de
l’agrandissement de la famille.
    Autour de la deuxième guerre mondiale, un bon père est « un chef, assumant
l’autorité sur femme et enfants, cultivé, généreux, jusqu’à l’abnégation, ayant un sens
moral et religieux » (Hurstel, 1996). On constate que le père est encore, et ce depuis
l’Antiquité, le responsable de la transmission des valeurs, de la pratique de la religion
ou du culte, et, bien entendu, le détenteur de l’autorité. À ce sujet, Françoise Hurstel
(1996) constate qu’un demi-siècle plus tard, ce modèle de père tout-puissant s’écroule.
Le modèle unique de paternité disparaît pour laisser place à une multitude de modèles
différents. Le modèle de la mère, lui, ne semble pas fondamentalement ébranlé en
comparaison de ce qu’il était au siècle précédent. « La paternité était, il y a encore une
trentaine d’années, vécue et perçue en France comme une unité fonctionnelle insécable
et placée sous l’égide d’une institution stable, le mariage. Elle ne cesse de se morceler
sous nos yeux en ses constituants les plus intimes » (Hurstel, 1996).


    Alors que depuis des siècles la société est centrée sur l’intérêt de la communauté,
sur la survie de la culture, des valeurs et des traditions du groupe, l’individu se
démarque de plus en plus, revendique une place indépendante de celle des différents
groupes auxquels il appartient et, en particulier, indépendante de la famille. Pour
François de Singly (1993), c’est l’émergence du souci de « chacun pour soi ». La
famille a alors un nouvel objectif, une nouvelle mission : elle consiste à « produire de
l’identitaire » (Castelain-Meunier, 1997).
    Dans les années 60, le mouvement féministe critique sévèrement le modèle de la
femme au foyer (Singly, 1993). Les mères sont idéalisées sur le plan du savoir-faire
avec les enfants. L’instinct maternel suffit à faire de la mère la seule personne capable
de penser l’enfant, de connaître ses besoins et ses limites. On en vient à poser
explicitement la question de la nature du rôle du père (Hurstel, 1996).
    La disparition de la puissance paternelle s’accompagne du partage de l’autorité entre
les deux parents dès 1970. Cette loi est déterminante dans l’évolution de la paternité en
France. Dès lors, le rapport entre les conjoints est équilibré et l’intérêt de l’enfant est
placé directement sous la responsabilité des parents. Les membres de la famille
contemporaine communiquent selon un « type de relations où le respect de la parole de

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l’autre prime sur l’exercice d’un pouvoir » (Hurstel, 1996). Le paterfamilias laisse sa
place à deux partenaires engagés auprès de l’enfant.
   Le phénomène de la « dévalorisation de la dépendance intergénérationnelle »
(Singly, 1993) est peut-être à l’origine d’une « différenciation importante en l’espace de
deux générations » (Hurstel, 1996).
   Le père est perçu comme s’efforçant de concilier famille et travail ainsi que de créer
de nouvelles relations avec ses enfants. Ces relations plus sensuelles sont initiées par la
possibilité pour le père d’avoir accès à de nouvelles perceptions du bébé : l’haptonomie
et l’échographie (et plus tard, l’échographie 3-D).


   Le sentiment de paternité s’exprime aujourd’hui davantage en terme de
responsabilité, d’engagement, de partage du quotidien, de fierté. Ces changements nous
amènent à penser que la paternité n’est ni universelle, ni immuable.


           « Ces mises en cause mettent au jour le fait que la paternité, comme
         la maternité d’ailleurs, ne sont pas des états naturellement donnés aux
         hommes et aux femmes, et par-là, immuables, mais des statuts, des
         rôles, des comportements qui évoluent au gré des transformations de
         la société (Modak et Palazzo, 2002). »


   En effet, le père n’a pas toujours eu le même rôle familial ni le même statut social.
Son autorité a été considérablement restreinte au cours des siècles et en même temps
s’est développé chez lui le sentiment qu’il était responsable du bien-être et du devenir
de l’enfant.



       1.5.5. L’avenir des pères

   Il y a plus de vingt ans maintenant, Geneviève Delaisi de Parseval (1981) faisait des
prédictions sur les pratiques des pères :




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           « Entre le père d’il y a vingt ans qui, "dans les grandes
         circonstances", changeait son bébé ou donnait le "biberon de minuit",
         et le père de l’an deux mille (petit garçon de cinq ans maintenant) qui,
         institutionnellement, « couvera », il y a loin… Pas tant que ça,
         cependant : l’idéologie de la spécialisation sexuelle aura changé,
         c’est tout. »


   Il serait audacieux de tracer, même dans ses grandes lignes, le portrait du père du
prochain siècle. L’évolution qu’il a suivie depuis plusieurs siècles, et plus
particulièrement au cours de deux générations, nous fait comprendre que la paternité est
influencée par un très grand nombre de variables :


      un instinct probablement hérité des animaux, notamment des primates ;
      un cadre politique et juridique délimitant les droits et des devoirs par
      l’intermédiaire desquels elle peut s’exprimer ;
      un contexte économique conditionnant la charge de travail et la présence du père
      à la maison, mais aussi la quantité et la qualité des activités de loisirs partagées
      avec les enfants ;
      des représentations sociales qui évoluent en fonction des pratiques mais
      également en fonction des images véhiculées par les médias ;
      des progrès de l’aide médicale à la procréation qui mettent à la disposition des
      couples stériles ou porteurs de maladies graves toute une palette de techniques
      permettant malgré tout d’avoir des enfants.


   En revanche, nous pouvons nous interroger sur la question du devenir du père à la
prochaine génération. Yvonne Knibiehler (1987) laisse apercevoir un avenir sombre
pour l’autonomie de la famille, entre « utopie » et « totalitarisme », où l’État prendrait
intégralement en charge l’élevage des enfants afin de résoudre les difficultés éducatives
des parents dépassés par leur tâche.
   Ne faudrait-il pas, dans cette perspective interventionniste de l’État, envisager
d’éventuelles formations qui seraient proposées aux futurs parents, ou même
imposées dans certains cas (parents sortis de prison, anciens toxicomanes, …) ? On
risque incontestablement d’aller vers une certaine prophylaxie éducative (« le
totalitarisme ») mais cela permettrait, en revanche, de favoriser l’accès aux progrès

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récents de la pédagogie et de proposer d’autres modèles aux parents que les modèles de
ceux qui les ont éduqués (« l’utopie »).


    Jean Le Camus (2000) note à ce sujet qu’il faudrait à l’avenir « expliquer
l’importance du trio familial à tous les âges de la vie », « appliquer une politique
familiale qui favorise un meilleur partage » et « inventer une politique économique et
sociale qui favorise l’exercice de la coparentalité ». Il souligne l’absence de continuité
dans la prise en charge des enfants par le père, donc une responsabilité partielle, la vraie
responsable restant la mère.
    En ce qui concerne la mère, il faudrait qu’elle aussi ait du temps pour jouer avec les
enfants. En se tournant vers l’avenir, il affirme avec véhémence qu’une page doit
résolument être tournée.


            « À l’aube du XXIe siècle, il ne paraît plus possible de soutenir que
         la fonction du père n’est légitimée que par le bon vouloir de la mère,
         que cette fonction peut être indifféremment remplie par un homme ou
         par une femme, qu’elle n’a de prise qu’à partir de l’âge de 18 mois ou
         à partir du moment où l’enfant est entré dans le stade œdipien, qu’elle
         se réduit à l’introduction et à la mise en application de la Loi – autant
         d’affirmations convenues qu’on répète à longueur d’ouvrage, sans
         même se donner la peine de les soumettre à l’épreuve de l’expérience
         clinique (Le Camus, 2000). »


    En constatant les conséquences dramatiques du silence ou du manque de
communication de la part du père, Guy Corneau (1989) signale que « la tâche des
nouveaux hommes est de briser les générations de silence masculin ».
    Quoi qu’il en soit, la tendance actuelle laisse pressentir que les enfants
d’aujourd’hui devenus pères seront encore plus présents, la réduction progressive du
temps de travail le leur permettant. Les mères seront probablement de plus en plus
délestées de leurs charges domestiques. Si les lois sur l’égalité des salaires permettent
aux femmes d’obtenir des revenus supérieurs à ceux de leurs conjoints, la décision de
rester au foyer pour élever les enfants sera moins univoque. Il semble néanmoins
improbable qu’un équilibre soit atteint sur ce point en si peu de temps, si tant est qu’il
soit atteint un jour.

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    1.6. CONCLUSION

    Nous avons abordé les difficultés de poser clairement les limites d’une définition du
père et de la paternité. Il règne également un certain flou autour des définitions du
masculin et du féminin, dès lors que ces attributs ne sont pas réservés respectivement
aux hommes ou aux femmes. L’évolution familiale et l’AMP ont contribué à une remise
en question de ces définitions. Il est apparu qu’il existait un profond déséquilibre entre
le maternel et le paternel, jusque dans des ouvrages de références et même en dehors
des aspects physiques périnatals.
    Les observations de primates ont montré que le père avait un rôle bien plus
important que de simplement fournir la moitié du génome à la mère. Il prend
fréquemment en charge les petits à partir d’un certain âge et soutient la mère.
    Avec l’approche anthropologique, la paternité s’est présentée d’une manière
originale et nous a fait relativiser les composantes d’un éventuel instinct paternel.
    Le père était doté d’une autorité quasi illimitée sur sa descendance, mais il a été
progressivement limité dans son exercice. L’État intervient de plus en plus au sein de la
famille, tentant d’empêcher le père de nuire à l’intérêt de l’enfant. Aujourd’hui
l’autorité paternelle a été remplacée par la responsabilité parentale, par un ensemble de
devoirs des parents à l’égard de l’enfant.
    Fort de tous ces éléments, le père est loin de perdre de son importance pour la
famille et pour ses enfants mais il apparaît en partie conditionné par le contexte culturel
et social, déterminé par le lieu et l’époque. Le modèle dominant est fluctuant et la
paternité, comme la famille, ne reçoit pas de définition unique qui puisse prétendre à
l’universalité.




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2. NOUVELLES FAMILLES ET NOUVEAUX PÈRES


   Maintenant que nous avons montré l’aspect culturel de la paternité, nous allons
préciser son environnement aujourd’hui. Les bases de la famille sont ébranlées, mais
certaines pratiques sont également en mutation : nous nous intéresserons en particulier à
la participation du père à l’accouchement, à la nouvelle relation qui semble s’établir
entre le père et son bébé et aux conséquences éventuelles de la perte de pouvoir des
pères.




   2.1. LA FAMILLE DU XXIE SIECLE

   Comme nous l’avons vu au cours du chapitre précédent, « la famille n’est plus
centrée sur le père » mais la société reste à « domination masculine » (Castelain-
Meunier, 2002). Le cadre juridique de la famille a considérablement évolué avec les
diverses évolutions sociales et économiques, mais aussi technologiques et politiques.
Nous traiterons à part (bien qu’ils puissent être liés) deux des éléments qui ont
particulièrement influencé cette évolution : le mouvement des femmes de 1970 et la fin
du modèle dominant de la famille.



         2.1.1. Le mouvement des femmes

   En 1970, ce mouvement social a radicalement modifié la perception de la place de la
femme dans la société. Force est de constater que l’équilibre en terme de rémunération
n’est toujours pas atteint aujourd’hui. Cependant, l’augmentation du temps de travail
des femmes a eu une conséquence directe : la réduction du temps de présence des
femmes au foyer ! Par conséquent, lorsque ledit foyer inclut un ou plusieurs enfants, ces
derniers seront confiés à un adulte ou à une institution extérieurs au foyer.
   Le mode de garde qui reste le plus « familial » consiste à faire garder les enfants par
leurs grands-parents. Mais pour un très grand nombre d’enfants dont les deux parents


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travaillent, c’est une nourrice ou une assistante maternelle à domicile, la crèche, la
halte-garderie, etc. qui les accueillera. La diversité des modes de garde et la pénurie de
personnel ou d’infrastructures pour accueillir les « clients » toujours plus nombreux
atteste de manière flagrante de la disparition progressive du modèle dominant de la
femme au foyer.
   Jean Le Camus (2000) fait remarquer à ce sujet que « le taux de féminisation des
métiers de la petite enfance est de l’ordre de 98 ou 99% » et que « lorsque l’enfant n’est
pas élevé au domicile par sa mère, il est confié presque toujours à des personnes de sexe
féminin ».


   Les études réalisées auprès des familles relèvent toutes le phénomène de la « double
journée » de la femme, dans des proportions plus ou moins grandes. « Les femmes
travaillent mais les mères sont encore celles qui s’occupent des enfants (Hurstel,
1996) ». Et ce sont encore elles qui passent le plus de temps aux tâches domestiques.
   Pour Jean Le Camus (2000) et Christine Castelain-Meunier (1997), la famille est
aujourd’hui un lieu de construction identitaire où l’on privilégie le développement
individuel de chacun des membres qui la constitue. En effet, les parents sont toujours
plus soucieux de l’épanouissement des leurs enfants leur proposent pour cela des
activités sélectionnées.



       2.1.2. Les nouveaux modèles familiaux

   L’augmentation du travail des femmes a eu de très nombreuses conséquences. En
vingt ans à peine, « la proportion des femmes en âge de travailler et qui se trouvent
effectivement sur le marché du travail n’a cessé d’augmenter » (Le Camus, 2000). Elle
est passée de 30 % en 1960 à 41,7 % en 1980, pour atteindre près de 50 % aujourd’hui.
En revanche, « le temps partiel touche plus les femmes que les hommes (29,5 % des
actives contre 5,3 % des actifs en 1998) » (Le Camus, 2000). D’autre part, elles sont
largement minoritaires dans les postes de direction en ne représentant que « 30 % des
cadres et 10 % des dirigeants » (Le Camus, 2000).
   Les enfants doivent par conséquent être gardés soit au domicile, soit à l’extérieur :
15 % d’entre eux sont gardés au domicile par une assistante maternelle agréée.



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Précisons que les enfants de moins de 6 ans « sont gardés par la mère dans la moitié des
cas » (Le Camus, 2000).
   Un aspect intéressant est la corrélation observée entre le travail des femmes et le
nombre d’enfants. Effectivement, « entre 25 et 49 ans, neuf femmes sur dix n’ayant pas
d’enfant à charge travaillent » alors que cette proportion diminue à « deux sur trois »
quand elles ont deux enfants, et « une sur deux parmi celles qui ont trois enfants » (Le
Camus, 2000).
   En ce qui concerne la répartition des tâches ménagères, l’évaluation s’effectue
toujours par questionnaire et non par observation en situation réelle. De ce fait, un
phénomène important de désirabilité sociale biaise tous les résultats obtenus. On peut
toutefois constater que « la présence des pères auprès des enfants a nettement augmenté
depuis les années 1960, et même depuis les années 1980 » (Le Camus, 2000).


   Mais un point qui nous semble plus grave est que, après une éventuelle séparation
des parents, « sur l’ensemble des enfants vivant avec leur mère, 30 % ne voient plus du
tout leur père » (Villeneuve-Gokalp, 1999, citée par Le Camus, 2000) et « en 1994, plus
des pères ne voient plus du tout leurs enfants après une séparation » (Théry, 1998).
Néanmoins, le modèle familial dominant est encore celui que nous connaissons puisque
« la très grande majorité des enfants vivent avec leurs deux parents », soit 83 % des
enfants mineurs (Villeneuve-Gokalp, 1998, citée par Théry, 1998).


   Le taux de divortialité est passé de 22,5 % en 1960 à 38,3 % en 1996 (Théry, 1998).
Cette importante augmentation a des répercussions sur l’organisation de la famille et sur
le devenir des membres qui la composent. François de Singly (1993) se pose alors la
question suivante : « Est-ce l’absence du père ou la chute sociale qui provoque
d’éventuels dommages ? »




   2.2. L’ACCOUCHEMENT

   Le vocabulaire relatif à cette expérience ne concerne que la mère. Comme le fait
remarquer Dider Dumas (1999), « il n’existe, en français, aucun terme pour nommer
l’état de celui qui attend un enfant ». Cet état de fait est certainement à mettre en rapport


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avec l’absence de prise en compte des phénomènes de couvade par la plupart des
cliniciens et par l’ensemble de nos dictionnaires (v. chapitre 1.4.2. La couvade, p. 25).
   L’accouchement est vécu de manière très différente en fonction de la culture du
peuple en général et de celle de la famille en particulier. Il peut notamment être
présenté, selon les cultures, « tantôt comme un moment exclusivement maternel, tantôt
comme exclusivement paternel (le père ayant alors le rôle symbolique le plus
important), tantôt enfin comme exclusivement social » (Delaisi de Parseval, 1981).



         2.2.1. L’évolution de l’accouchement


            2.2.1.1. L’accouchement au cours de l’histoire

   L’expérience de l’accouchement n’a pas toujours été ce qu’elle est aujourd’hui. Non
seulement les pères mais tous les hommes en général y étaient interdits, à l’exception du
médecin qui était réquisitionné en cas d’urgence pour la mère ou pour l’enfant.
« L’accouchement fut, pendant des siècles, l’affaire des femmes (This, 1980). » Les
hommes étaient ainsi totalement exclus de la venue au monde de leur progéniture, à
l’exception de la naissance des enfants de la reine, pour lesquels la certitude de la lignée
devait être cautionnée par la présence de témoins oculaires. Certains pères commencent
alors à imiter cette atteinte à la pudeur de la mère, raisonnant autour du risque d’être
trompé dans la lignée.


   Au XVIe siècle, certains hommes commencent à s’intéresser scientifiquement à la
naissance. Il ne s’agit au début que de médecins ou de chirurgiens, arguant que le
progrès de la science méritait que cet interdit séculaire fût transgressé (Kelen, 1986).
   Il n’a pas fallu attendre Freud et la psychanalyse pour comprendre la forte
connotation sexuelle de l’accouchement. C’est d’ailleurs tout à fait conscient de la
situation délicate dans laquelle se trouve l’accoucheur que « Mauriceau, à la fin du
XVIIe siècle, recommande au médecin qui pratique l’accouchement d’avoir l’air plutôt
sale et négligé, peu avenant, afin de na pas provoquer la jalousie du mari… » (Kelen,
1986).




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   Les arguments pour éloigner les pères de cette scène ont évolué au cours des siècles,
mais sont toujours restés virulents. Ce n’est que récemment que les pères, dans un
mouvement compensatoire excessif de la part des équipes médicales, ont été parfois
contraints à y assister. Certains se sont alors retrouvés à une place à laquelle rien ne les
y avait préparés et qui les débordait affectivement.
   Par la suite, les médecins s’accaparent ce domaine à tel point que la mère qui
voudrait se passer de lui fait figure d’irresponsable. Cette médicalisation a eu également
un autre effet : « l’accoucheur a souvent écarté le père, traité comme un "gêneur" »
(This, 1980).


            2.2.1.2. L’accouchement aujourd’hui

   En France, les femmes accouchent maintenant presque systématiquement à
l’hôpital. L’argument majeur est le risque de complications ou d’infection. « C’est donc
seulement depuis une vingtaine d’années qu’on en est venu à concevoir la présence du
père comme non dangereuse […], puis comme bénéfique. (Le Camus, 2000) ». Les
cours de préparation à l’accouchement proposés quasi systématiquement par les
maternités des hôpitaux et des cliniques, en évoquant avec exhaustivité les dangers de
l’accouchement, en ont fait un événement particulièrement anxiogène face auquel tous
les moyens doivent impérativement être mis en œuvre.


   Le père a fait partie de ces moyens, tantôt favorable, donc forcé d’assister à
l’accouchement, tantôt défavorable, donc banni de la salle de travail, pour atteindre
aujourd’hui une position plus équilibrée et laissant davantage la liberté au père… et à la
mère. Sur un plan plus technique, on observe également que « les femmes soutenues par
leur compagnon [feraient] moins usage d’analgésiques et [vivraient] l’accouchement
comme une expérience plus "positive" que les femmes sans compagnon » (Le Camus,
2000).


   Les pères, de leur côté, manifestent un intérêt grandissant pour la grossesse et pour
l’accouchement. Ils se documentent, s’investissent davantage dans les diverses
démarches       médicales    (échographies,      visites   médicales,     préparation     à
l’accouchement…).



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              « On peut dire dans l’ensemble et de façon objective que les
            différentes équipes des maternités ont noté combien les pères sont
            ostensiblement plus présents aux différentes étapes de la grossesse.
            Leur participation à l’accouchement est plus assidue et plus
            fréquente, leur implication plus importante. (Audier L., Blancho A.,
            Callamand P., Malavialle L. et Pérez F. La place des pères en
            maternité : à propos d’une enquête : quelques réflexions, in Marciano,
            2003). »


    Les contraintes professionnelles sont fréquemment citées comme argument pour ne
pas avoir davantage soutenu ou accompagné la future parturiente. Certains en sont
sincèrement contrariés ou frustrés. D’autre, en revanche, y trouvent peut-être tout
simplement un prétexte pour ne pas assister à ce qui ne les concerne pas ou ce qui les
effraie.
    La décision d’assister à l’accouchement vient en général spontanément aux jeunes
pères. Cette décision est rarement contestée par la conjointe, désireuse de partager
l’intensité attendue de cet événement avec le père.


    Face à ces changements, Jacqueline Kelen (1986) laisse entendre que cette
apparente révolution « ne serait en fait qu’un phénomène artificiel et culturel et signerait
[…] le retour du patriarcat et de certains schémas conventionnels visant à conforter
l’ordre social, moral et familial, et à assurer la prédominance masculine en tout ». Au
contraire, la présence des pères à l’accouchement est, pour Edwige Antier, pédiatre, un
« progrès considérable » (Antier, 2001). Elle suggère la possibilité pour le père de
passer la nuit auprès de son bébé et de sa conjointe. Elle regrette même le manque de
reconnaissance de l’utilité du père de la part du personnel des maternités. Sa présence
est parfois simplement négligée, mais il arrive qu’elle soit contestée.



           2.2.2. Une étape dans la paternité

    D’un côté, le père s’en trouve le plus souvent réduit à tenir passivement la main de
sa conjointe, d’où peut naître un sentiment d’inutilité ou de mise à l’écart. De l’autre, on
constate que les pères laissent de plus en plus percevoir leurs émotions et décrivent cet


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instant comme un émerveillement, une grande joie, une expérience unique qu’ils ne
rateraient, semble-t-il, pour rien au monde. Précisons cependant que « la naissance du
père précède la naissance de l’enfant et [que] la paternalisation est un processus de
réorganisation identitaire » (Le Camus, 2000). Cette réorganisation est appelée
« réciprocité identificatoire » par Didier Dumas (2000). Il affirme également que c’est
grâce à elle « que nous comprenons l’enfant, en retrouvant celui que nous étions à son
âge ».


   La curiosité et le soutien de la mère sont les éléments le plus souvent invoqués en
terme de motivation des pères pour assister à l’accouchement. Mais de la curiosité au
voyeurisme, il n’y a parfois qu’un pas, que le refoulement empêche de franchir
consciemment (Kelen, 1986). Malgré cette forte motivation, une certaine frustration
peut naître de l’impuissance du père face aux souffrances de la mère. D’une manière
générale, on constate que « le père prend la place qui lui est laissée par sa compagne ou
son épouse » (Audier L. et al., in Marciano, 2003).


   Pour nombre d’auteurs, cet événement marque une étape déterminante dans
l’expérience nouvelle de la paternité. Jean Le Camus (2000) souligne ainsi l’influence
de la présence du père à l’accouchement : « le devenir-père a plus de chances de
s’opérer dans des conditions favorables s’il est l’expression d’un travail psychologique
commence dès le début » (Le Camus, 2000).


   On constate que ce que Jacqueline Kelen (1986) appelle le « sentiment de
paternité » est souvent plus progressif que le sentiment que peut éprouver la mère pour
sa progéniture. Il ne bénéficie pas de tous les aspects physiques de la grossesse, de la
naissance ou de l’allaitement. Aussi la paternité est-elle davantage mentalisée que la
maternité, ce qu’Edwige Antier (2001) résume ainsi : « Le sentiment paternel est
réfléchi, conscient, à l’inverse de l’instinct maternel ».
   Pour cette raison, « les échographistes et les gynécologues sont de plus en plus
nombreux à admettre que le compagnon de la mère (géniteur ou non) doit si possible
être présent » (Le Camus, 2000). Leur participation leur permet de se faire une idée plus
concrète de ce que la mère peut vivre et d’activer l’élaboration psychique autour du
futur enfant.



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   Cette élaboration psychique peut néanmoins passer par des phases où vont dominer
des manifestations affectives qui le dépassent. Tout d’abord surprises, les équipes
médicales des maternités finissent maintenant par accepter « plus volontiers dans les
salles d’accouchement l’expression de ces émotions » (Audier L. et al., in Marciano,
2003).
   Pour le père, l’accouchement est également un creuset propice à la réactivation de
nombreux conflits :
         « conflits vis-à-vis de l’épouse-mère (ou future mère),
         « conflits vis-à-vis de l’enfant à naître ou né,
         « conflits vis-à-vis des parents du père,
         « conflits vis-à-vis de l’accoucheur,
         « reviviscence de conflits vis-à-vis de soi-même » (Delaisi de Parseval, 1981).


   Ces affects plus ou moins extériorisés peuvent avoir un aspect très positif pour le
nouveau père car ils « donnent à leur rapport avec l’enfant et la mère l’humanité
indispensable pour réussir l’accès à la parentalité » (Audier L. et al., in Marciano,
2003).
   À ce moment-là, le père, par un mécanisme d’identification inconscient, régresse
partiellement à un stade très archaïque, plus précisément celui du nouveau-né. À ce
sujet, Didier Dumas (1999) explique que « le bébé nous attendrit et nous touche, car il
réactualise l’époque où nous étions aussi fragiles et démunis que lui, et nous le
comprenons en retrouvant l’enfant que nous avons été ». Ainsi, c’est grâce à cette
identification précoce que le père et le bébé pourront se comprendre et communiquer.




   2.3. LE PERE ET LE NOUVEAU-NE


         2.3.1. La répartition des tâches domestiques et parentales

   Ces modifications importantes de la famille ont indéniablement eu des répercussions
sur la répartition entre conjoints des tâches domestiques. Les études à ce sujet semblent




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montrer qu’aujourd’hui l’évolution n’est pas aussi conséquente que les efforts réalisés
pour tendre vers la parité pourraient le laisser penser.


   « Au début du XIXe siècle encore, les tâches du père et de la mère étaient nettement
définies (Kelen, 1986) ». Dans ce contexte, l’éducation des enfants était très
différenciée en fonction du sexe de l’enfant. En revanche, aujourd’hui, l’incidence de la
variable sexe (des parents et des enfants) est moins accentuée qu’à l’époque, où les rôles
parentaux étaient bien plus différenciés (Le Camus, 2000).


   Cette inégalité dans la répartition des tâches se traduit principalement par un temps
passé aux activités domestiques encore nettement plus important pour les femmes que
pour les hommes. Une étude de l’INSEE, citée par Edwige Antier (2001) rapporte que
« 80% des tâches domestiques sont assumées par des femmes ». Rapportée en heures,
cette répartition du travail domestique correspondrait en 2001 à 2 h 21 pour les hommes
et 4 h 20 pour les femmes, alors qu’en 1986 ces valeurs étaient de 2 h 11 pour les
hommes, et 4 h 40 pour les femmes. D’où l’on peut d’ores et déjà déduire
qu’aujourd’hui les femmes effectuent 80% du travail domestique en seulement 65% du
temps total alloué par le couple à ces tâches. Ces résultats ne sont cohérents que si l’on
considère que les femmes travaillent sensiblement plus vite que les hommes.


   D’autre part, l’activité professionnelle des femmes augmentant encore, elles sont de
plus en plus confrontées à ce que l’on appelle la « double journée » qui consiste à un
temps de travail professionnel suivi d’un temps de travail domestique, alors que
l’homme, lui, ne cumule pas ces deux temps et ne se consacre activement qu’à son
activité professionnelle.
   Après la naissance et la fin du congé de maternité, ce sont beaucoup plus souvent les
femmes qui réduisent leur temps de travail, recherchant des temps partiels, ou s’arrêtant
tout simplement pour se consacrer aux enfants et à la maison. Selon un rapport du
CNRS cité par Edwige Antier (2001), l’homme consacrerait 12 h 41 par semaine à ses
enfants, contre 25 h 37 pour la femme, soit un peu plus de double.


   Il existe également un décalage qualitatif entre les pères et les mères en ce qui
concerne le type de tâches assumées :



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           « Les activités qui sont socialement valorisées (certains soins, les
         jeux avec l’enfant) deviennent progressivement l’apanage des pères,
         sous prétexte d’égalité, alors que les activités socialement
         dévalorisées (les activités de services indispensables, tels les repas, le
         nettoyage) restent le devoir des mères (Modak et Palazzo, 2002). »


   Les pères semblent avoir davantage le choix des tâches qu’ils accomplissent, celles
qu’ils ne réalisent pas, par préférence ou bien par manque de temps, étant prises en
charge par la mère. Jacqueline Kelen (1986) dénonce fermement cette attitude des pères
pour qui, d’après elle, « le bébé serait un nouveau jouet, ou un gadget » et qui ne s’en
occupe que quand cela lui « fait plaisir ». Au contraire, Edwige Antier (2001) propose le
partage des tâches suivant : « pendant les premiers mois du bébé, le père dégage la mère
du travail domestique pour lui permettre de se concentrer sur les besoins du bébé » puis
il « lui consacre des moments libérant la mère des demandes permanentes de l’enfant ».
Pour étayer ses propos, elle cite un sondage CSA paru dans un numéro du magazine
Famili en 2000 qui a estimé que 92% des pères interrogés changeaient les couches.


   Enfin, Donald Winnicott (1979) explique ce déséquilibre par un « sens naturel des
responsabilités » chez les mères, une implication « particulière » à l’égard de l’enfant. Il
arrive d'ailleurs parfois que le père soit « incapable de tirer du plaisir du rôle qu’il doit
jouer et incapable de partager avec la mère la grande responsabilité qu’un bébé
représente toujours pour quelqu’un ». De fait, il s’exclut alors rapidement de la dyade
mère-enfant.



       2.3.2. Les compétences paternelles

   La naissance d’un enfant, et en particulier celle du premier, est la source de
nombreux conflits inconscients pour le père (v. chapitre 2.2.2. Une étape dans la
paternité, p. 42). Elle est également à l’origine de nombreuses angoisses qui ont le plus
souvent l’enfant comme objet, le père ne se sentant pas toujours à la hauteur de la tâche
qui l’attend. Donald Winnicott (1979) doute « qu’une mère croie réellement et tout à
fait à son enfant dès le début » et « cela vaut aussi pour le père car il souffre autant que
la mère de douter de sa capacité à créer un enfant sain et normal ». Il remarque aussi


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  • 1. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - ÉCOLE DE PSYCHOLOGUES PRATICIENS UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE PARIS 23, rue du Montparnasse 75 006 PARIS MÉMOIRE-THÈSE DE RECHERCHE en vue de l’obtention du DIPLÔME DE PSYCHOLOGUE TITRE : LE SENTIMENT DE SATISFACTION DES NOUVEAUX PÈRES DANS L’EXERCICE DE LEUR PATERNITÉ Comparaison entre deux générations de pères Effectué sous la direction du professeur Castelain-Meunier Par : Christophe PÉNICAUT Promotion : 2003 Option : Psychopathologie Date de naissance : 23 mai 1977 Lieu de naissance : Clamart Classification informatique : Famille – Sociologie – Grossesse Jury de soutenance : Mme Castelain-Meunier – M. Bidoire – M. Sos Mention Assez Bien Paris, le 24 septembre.
  • 2. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - REMERCIEMENTS Je tiens à remercier tout particulièrement Madame Castelain-Meunier pour ses conseils éclairés et son écoute stimulante, ma femme pour ses commentaires et sa patience, mon fils pour m’avoir rendu père et pour avoir fait naître en moi l’envie d’entreprendre cette recherche. 2
  • 3. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - SOMMAIRE SOMMAIRE........................................................................................... 3 INTRODUCTION.................................................................................. 4 1. ORIGINE DE LA DÉMARCHE...................................................... 5 2. EXPOSÉ DE LA PROBLÉMATIQUE ........................................... 8 3. OBJECTIFS DE RECHERCHE..................................................... 10 PARTIE THÉORIQUE....................................................................... 12 1. LA PATERNITÉ : INSTINCT OU CULTURE ?.......................... 14 2. NOUVELLES FAMILLES ET NOUVEAUX PÈRES ................. 37 3. À QUOI SERT UN PÈRE ? APPROCHES SOCIOLOGIQUE ET PSYCHANALYTIQUE .......................................................................... 53 4. CONCLUSION .............................................................................. 79 PARTIE PRATIQUE .......................................................................... 81 1. MÉTHODOLOGIE ........................................................................ 82 2. RÉSULTATS.................................................................................. 96 3. CONCLUSION ............................................................................ 105 BIBLIOGRAPHIE............................................................................. 114 INDEX D’AUTEURS ........................................................................ 120 INDEX THÉMATIQUE.................................................................... 122 TABLE DES MATIÈRES ................................................................. 125 ANNEXES........................................................................................... 129 1. DOCUMENTS COMPLÉMENTAIRES ..................................... 130 3
  • 4. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - INTRODUCTION 4
  • 5. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - 1. ORIGINE DE LA DÉMARCHE Au cours de ma formation, j’ai été sensibilisé à la psychologie génétique, et, dans ce domaine, à l’importance des relations précoces des parents avec le nouveau-né, et même avec le fœtus. Dans de nombreux ouvrages qui m’ont été recommandés, la mère y est décrite à la fois comme étant la figure d’attachement primaire, le premier objet total, dans une fusion exclusive avec le nouveau-né, etc. Le père, face à cette cohorte d’attributs exclusivement maternels, reste apparemment plus ou moins exclu de cette fusion des premiers temps de la vie du petit d’homme. Lorsque j’ai moi-même eu l’occasion de vivre l’expérience de la paternité, il m’est naturellement venu un grand nombre de questions à l’esprit. J’ai constaté très rapidement qu’il existait une réelle dissymétrie entre le père et la mère non seulement dans la littérature, et plus particulièrement la littérature psychanalytique, mais également dans les ouvrages de vulgarisation destinés aux jeunes parents. De manière presque univoque, on attribue à la mère un rôle quasi omnipotent dans le développement du jeune enfant alors que ne revient au père qu’un rôle de protection et de sauvegarde de l’intégrité de la relation mère-enfant, jusqu’à ce qu’il revendique à nouveau le privilège de l’intimité de la mère, et impose à l’enfant, à cette occasion, la loi de l’interdit de l’inceste. Afin de préciser mon opinion sur le sujet de la paternité, je me suis documenté à travers les écrits de Christine Castelain-Meunier, Jean Le Camus, Geneviève Delaisi de Parseval, Didier Dumas, Guy Corneau, Françoise Hurstel, Jacqueline Kelen, Aldo Naouri… Sociologues, psychologues, psychanalystes, pédiatres mais aussi ethnologues, éthologues et historiens m’ont apporté des éléments de réponse tangibles. Ces lectures m’ont permis de constater que certaines de mes interrogations étaient fondées, d'autant plus que les débats autour de la paternité battaient leur plein, notamment entre les sociologues d’un côté et les psychanalystes de l’autre. Les thèmes débattus sont variés, mais leurs conclusions déterminantes. Évolue-t-on vers une meilleure paternité, plus engagée et plus concernée par l’enfant, ou avance-t-on au 5
  • 6. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - contraire vers un état dangereux de démission du père ? L’évolution des pères est-elle à l’origine d’évolutions sociales à plus grande échelle ? Les pathologies propres à la paternité sont peu connues des praticiens : à en croire le dictionnaire, la couvade serait encore absente de nos sociétés : « Couvade : Ethnol. Coutume rencontrée dans certaines sociétés où, après l’accouchement, c’est le père qui tient le rôle de la mère. » (Dictionnaire Larousse, 1998). Or, comme nous le verrons plus loin, non seulement elle peut survenir après la naissance, mais aussi à différents moments au cours de la grossesse (v. chapitre 1.4.2. La couvade, p. 25). De plus, la référence à l’ethnologie semble exclure la possibilité de son occurrence dans nos contrées industrialisées et renvoyer cette manifestation originale à l’autre bout de la planète. Pour généraliser, Geneviève Delaisi de Parseval (1981) affirme que « la paternité semble bien être, en effet, terra incognita dans le champ d’étude couvert par les sciences humaines ». En ce qui concerne le domaine de la clinique, dans la quasi-totalité des écrits de psychanalyse d’il y a à peine trente ou quarante ans, le père est écarté de la fusion originelle à laquelle, à condition que la mère l’y autorise, il aura accès par la suite. Aussi, comme le soulignent Marie-Christine Lefort et Anne Discour : « Les conditions économiques, sociales et culturelles, depuis les années trente, ont orienté les études psychologiques de l’enfant jeune vers une focalisation sur la relation mère-enfant (voir Freud sur les principes de l’étayage, et Bowlby sur le besoin vital d’attachement). Le père n’est que personnage annexe, primitivement accessoire, qui n’interviendra qu’à partir de la phase œdipienne dans les théories psychanalytiques (Lefort M.-C. et Discour A., La place du père durant les trois premiers jours après la naissance de l’enfant prématuré, in Marciano, 2003). » Bien entendu, je n’envisage pas un instant de contester l’ensemble de ces théories, même si d’aucuns plus audacieux, et surtout plus expérimentés, s’y sont essayés, donnant au père une place fondamentale auprès de l’enfant dès les premiers jours, avant sa naissance et même avant sa conception (par exemple Dumas, 1999 et 2000 ; Le Camus, 1999 et 2000 ; Corneau, 1989). Les modèles de base ne sont certainement pas à remettre en cause. 6
  • 7. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - En revanche, il me semble que le père est parfois exagérément cantonné dans son rôle d’autorité, de protecteur, d’unique représentant de la Loi, de garant de la transmission des valeurs… alors que nous constatons que, plus que les mentalités, les pratiques elles-mêmes changent, et notamment la relation du père à l’enfant, jeune et moins jeune, ainsi que sa relation à la mère. 7
  • 8. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - 2. EXPOSÉ DE LA PROBLÉMATIQUE Il est vrai que la représentation traditionnelle de la famille a été battue en brèche depuis la fin des années 60, soit depuis plus d’une génération. Effectivement, des configurations familiales avant exceptionnelles ou négligées par les journalistes prennent le devant de la scène médiatique. La famille est devenue l’objet de nombreuses réflexions, d’études démographiques et sociologiques. Elle s’est partiellement désinstitutionnalisée et son modèle s’est largement diversifié. Les médias, notamment les magazines spécialisés affirment que de nombreux points ont évolué, en particulier sur le plan de la paternité. La plupart d’entre eux n’ont pas de réel étayage expérimental et s’inspire davantage d’observations courantes, mais tous alimentent l’image du « nouveau père ». Nous en citerons quelques-uns, sans prétendre en dresser une liste exhaustive, tirés de lectures spécialisées, de sites Internet, de magazines ou journaux traitant de la paternité ou bien d’observations personnelles : Le père est plus attentif pendant la grossesse, il s’instruit et se documente au sujet de cet événement ; Le père est plus présent au domicile, il participe plus aux soins du nourrisson ; Le père souhaite prendre part à l’éducation de ses enfants de manière plus concrète, en étant plus présent, en partageant des activités avec eux ; L’autorité est davantage répartie entre les conjoints ; La relation que le père d’aujourd’hui souhaite avoir avec ses enfants correspond de moins en moins à une relation autoritaire mais davantage à une relation de coaching ; La famille concurrence davantage le travail dans les priorités du père. 8
  • 9. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - Nous nous sommes interrogés sur la nature et les modalités de la transmission de la paternité, de la transmission de ses représentations et de l’image du père idéal chez les pères eux-mêmes. On constate aujourd’hui que les pères ont sensiblement modifié leur attitude et leurs comportements en ce qui concerne les enfants, mais également en ce qui concerne la mère. La réalité de cette évolution a été étudiée à plusieurs reprises déjà1, aussi nous ne nous y attarderons pas. En revanche, nous allons tenter d’apporter davantage de lumière sur un autre point. Les pères tentent toujours de se conformer, plus ou moins consciemment, à un certain modèle de paternité. Ce modèle, cette représentation du père idéal, est constituée, pour la majeure partie, de ce que le père, enfant, a perçu du rôle de son propre père. Elle est très certainement nuancée ou complétée par les substituts parentaux qui ont pu intervenir à différents moments de la vie du jeune garçon. 1 En particulier : CASTELAIN-MEUNIER, C. (1997). La paternité. Paris : PUF, coll. Que sais-je ?. – CASTELAIN-MEUNIER, C. (2002). La place des hommes et les métamorphoses de la famille. Paris : PUF. – HURSTEL, F. (1996). La déchirure paternelle. Paris : PUF. – KELEN, J. (1986). Les nouveaux pères. Paris : Flammarion. – MODAK, M. et PALAZZO, C. (2002). Les pères se mettent en quatre ! Responsabilités quotidiennes et modèles de paternité. Lausanne : Cahiers de l’EESP. – SINGLY (de), F. (1993). Sociologie de la famille contemporaine. Paris : Nathan. 9
  • 10. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - 3. OBJECTIFS DE RECHERCHE Partant de ces observations et de ces constatations, je me suis posé les questions suivantes : Dans quelle mesure cet idéal a-t-il évolué depuis la génération précédente ? Son évolution suit-elle l’évolution manifeste de la paternité ? Comment a pu varier l’écart entre la représentation du père idéal et la perception du père réel ? Cet écart a-t-il évolué depuis la génération précédente ? A-t-il évolué en fonction de la perception de la réalité de la paternité ? Comment se constitue la représentation du père idéal à l’échelle individuelle ? Quelle est la part de reproduction inconsciente et d’innovation consciente par rapport aux comportements et à l’attitude perçus chez son propre père ? Comment l’évolution de la représentation sociale du bon père influence-t-elle les jeunes pères aujourd’hui ? Les pères de la nouvelle génération innovent-ils davantage par rapport à leur père que ceux-ci n’innovaient par rapport à leur propre père ? Comment cette évolution de la paternité est-elle perçue par les pères eux- mêmes ? En sont-ils satisfaits ? Peut-on prévoir une évolution future de la paternité au regard de ce que nous pouvons constater aujourd’hui ? Suite à ces interrogations, j’ai choisi d’étudier un aspect de ce problème qui ne me semble pas avoir été traité jusque là. Quelle est l’évolution du sentiment de satisfaction du père dans l’exercice de sa paternité ? Les pères sont-ils satisfaits de l’évolution dont ils sont à la fois acteurs et spectateurs ? 10
  • 11. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - Pour tenter de répondre à ces questions, je formulerais l’hypothèse que le sentiment de satisfaction personnelle n’a pas réellement diminué avec le changement des modèles de paternité entre la génération des grands-pères d’aujourd’hui et la génération de leurs fils devenus pères. Partant du principe que les représentations sont indissociables des pratiques et qu’elles interagissent pour évoluer ensemble, il me semble que l’écart perçu entre le père réel et le père idéal ne s’est ni agrandi ni resserré, la satisfaction restant donc sensiblement inchangée. 11
  • 12. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - PARTIE THÉORIQUE 12
  • 13. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - Avant de mettre à l’épreuve l’hypothèse de travail que nous avons formulée, nous avons parcouru un grand nombre de sources traitant de la paternité sous ses divers aspects. Cette partie en propose une synthèse organisée qui permettra d’inscrire notre recherche dans un contexte actualisé et éclairé par des écrits récents. Cette étude bibliographique a été effectuée avec un œil critique et un objectif précis : exposer les principales recherches et les théories existantes et déterminer leurs apports et leurs limites. Dans une première partie, nous aborderons la paternité sous un aspect descriptif général. Nous tenterons d’apporter les éléments de réflexion nécessaires pour mieux discerner l’aspect culturel et l’aspect universel de ce statut. Pour cela nous tâcherons de réfléchir aux définitions de la paternité et de la masculinité, puis nous étudierons la paternité selon les deux axes temporel et spatial : en remontant dans le temps et en voyageant sur d’autres continents. Nous exposerons ensuite les changements de la famille contemporaine qui ont retenus notre attention soit par leur ampleur soit par leur importance pour le père, changements qui semblent converger avec l’émergence d’une nouvelle relation du père à l’enfant. Enfin nous rapporterons les théories ou les points de vue marquants au sujet du rôle et de la fonction du père au sein de la famille, auprès de ses enfants et auprès de leur mère, mais aussi en ce qui concerne la spécificité de son rôle par rapport à celui de la mère, en montrant que les modèles de paternité ont sensiblement évolué. 13
  • 14. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - 1. LA PATERNITÉ : INSTINCT OU CULTURE ? Le père n’est pas nécessairement celui que l’enfant appelle « Papa ». Les spécialistes ne s’entendent pas toujours sur les limites et les implications de sa définition. Pourtant, quoi de plus commun qu’un père ? Nous avons tous intuitivement une idée de ce qu’il est, mais lorsque nous sommes confrontés à l’actualité de la famille et à la complexité des situations qu’elle recouvre, nous commençons à douter de son évidence et de son universalité. Ceux qui tentent d’apporter de la lumière sur cette définition sont ceux qui l’étudient ou ceux qui travaillent avec lui : ce sont les sociologues, les psychologues, les psychanalystes, les juristes ou les médecins. Mais leur vision du père n’est pas uniforme, loin s’en faut. Qui est le père ? Quand devient-on père ? Peut-on avoir plusieurs pères ? Quelle que soit la manière de formuler la question, les cas qui faisaient figure d’exception aux générations précédentes sont aujourd’hui légion : l’augmentation du nombre de divorces, la généralisation du concubinage, la « recomposition » des familles qui en fait souvent des familles monoparentales, la généralisation des méthodes contraceptives et les diverses techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP)1 – avec la fécondation in vitro et transplantation d’embryon (FIVETE), l’insémination artificielle avec le sperme du conjoint (IAC) ou avec celui d’un donneur anonyme (IAD) – se généralisent dans toutes les couches de la population française. L’ensemble de ces évolutions relativement récentes nous invite à réfléchir aux limites de la définition courante du père. 1 Anciennement Procréation Médicalement Assistée (PMA). 14
  • 15. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - 1.1. QUELQUES DEFINITIONS En étudiant attentivement les définitions de différents dictionnaires, nous pouvons y déceler certaines lacunes au sujet du père et de la paternité. En effet, sa position de géniteur est explicite, la responsabilité de sa progéniture est plus ambiguë, alors que les cas de paternité plus complexes, comme celle qui est issue de l’AMP, pourtant envisagée dans le cadre de la loi, sont pour ainsi dire absentes de ces ouvrages de référence. Ainsi le dictionnaire Le Robert 1 (1999) nous propose la définition suivante : « Père : Homme qui a engendré, qui a donné naissance à un ou plusieurs enfants […]. Par analogie, celui qui se comporte comme un père, est considéré comme un père (nourricier, adoptif, spirituel). » Le Petit Larousse Illustré (1998) reprend, presque dans les mêmes termes cette partie de la définition, mais y ajoute également : « Homme ayant autorité reconnue pour élever un, des enfants au sein de la cellule familiale, qu’il les ait ou non engendrés. Homme qui agit en père, qui manifeste des sentiments paternels. » Les comportements en question qui permettraient d’être inclus dans la définition du père, d’être considéré comme un père, ne sont pas précisés davantage… ce qui ne nous renseigne pas vraiment sur ce qu’il peut être, en dehors du géniteur. D’autre part, s’il est possible d’être père en se comportant comme un père, cela souligne une différence entre deux sortes de père : le « vrai » et celui qui fait comme si. Enfin peut être père celui qui « agit en père ». Mais que fait-il exactement ? S’occupe-t-il de l’enfant ? L’éduque-t-il ? En ce qui concerne la grossesse et la mise au monde des enfants, aucun terme n’existe pour désigner ce qu’il se passe du côté du père. Cet aspect n’apparaît qu’à la définition de la maternité : « […] Fait de mettre un enfant au monde » (Dictionnaire Larousse, 1998). L’arrivée des enfants ne constitue apparemment pas un élément déterminant de la définition de la paternité. 15
  • 16. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - Poursuivons la réflexion. Au verbe « engendrer », nous trouvons la définition suivante : « Se dit de l’homme qui produit un enfant (v. procréer) ». Le verbe « produire » trouve ici une signification particulière. Mais il apparaît assez clairement que la définition du père est ici réduite à sa seule fonction de géniteur, au « fournisseur de petite graine ». Le mot maternage n’a son équivalent en Anglais que vers 1940 et n’est apparu qu’en 1953 en Français. Il est défini ainsi dans le Dictionnaire de psychologie : « L’ensemble des comportements par lesquels la mère ou la personne qui en tient lieu apporte ou tente d’apporter au nourrisson les soins maternels et, plus généralement, tout ce qui est indispensable à sa survie et à son développement physique et psychique : amour, stimulations, maintien, maniement, bain de paroles, etc. (Doron et Parot, 1998). » On peut entendre par ces lignes que d’autres personnes que la mère peuvent assurer le maternage auprès de l’enfant. Cependant, il n’est pas précisé ici qui peut « tenir lieu » de mère, d’où l’on peut déduire que la personne dispensatrice de maternage importe peu pour qualifier celui-ci. De plus, il ne s’agit que de « comportements ». En aucun cas, par conséquent, le maternage ne pourrait être prodigué par une personne interposée, par une représentation ou par une image intrapsychique mais uniquement par celui ou celle qui est aux côtés de l’enfant. Plus loin dans le même dictionnaire, à la définition de maternel (Doron et Parot, 1998), on peut lire : « Ensemble de soins assurés par la mère à sa progéniture. […] la femelle […] assure la plus lourde part du fardeau parental. […] le comportement maternel dans l’espèce humaine s’inscrit dans la continuité des formes et des fonctions qu’on lui connaît chez les animaux, particulièrement chez lez mammifères et, plus directement, modulé par les diverses traditions culturelles. » 16
  • 17. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - Il est reconnu que la mère est nettement plus impliquée que le père pour s’occuper de ses petits. Parce que la définition intègre nos origines animales, ce « comportement maternel » possède une composante instinctuelle. Toutefois, cette composante est « modulée » par la culture. On voit ici toute la difficulté de statuer sur cette notion abstraite, à la fois indispensable à tous les mammifères afin d’assurer une descendance aux adultes, mais également spécifique à l’espèce humaine en raison de la complexité des processus psychiques en jeu. Les soins ne sont pas énumérés mais ils nous paraissent plus familiers que les comportements du père évoqués ci-dessus. Le cas où la mère disparaît et où le père, ou un autre adulte, assume seul la responsabilité de sa progéniture n’est pas évoqué. On peut néanmoins supposer que si celui-ci prodigue ces soins à ses enfants, on dira de son comportement qu’il est « maternel ». Alors qu’on peut se demander quand les comportements d’une mère assumant seule la responsabilité de ses enfants pourraient être qualifiés de « paternels », à compter qu’ils puissent l’être. La dimension symbolique de la paternité est explicite dans la définition suivante, également tirée du Dictionnaire de psychologie, (Doron et Parot, 1998) : « Paternité : Dans une structure de parenté, la place du père ne recouvre pas sa fonction de géniteur, elle est marquée symboliquement par sa reconnaissance en tant que détenteur de la puissance phallique, transmetteur du nom, en position de médiation et de séparation du couple mère/enfant. La relation père/enfant s’instaure sous le signe de l’altérité. Pour J. Lacan, le père est le représentant de la loi. » De nombreux auteurs font la différence entre diverses paternités, tantôt complémentaires, tantôt en contradiction ou en conflit les unes avec les autres. Tout d’abord, et le plus souvent cité, c’est le père biologique, le géniteur, celui qui transmet son génome. Le père légal est celui qui donne son nom à sa descendance, qui inscrit ses enfants dans une généalogie, une lignée. Cette paternité est garantie par le mariage dans les 17
  • 18. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - sociétés patrilinéaires. Le père éducatif ou affectif est celui qui s’attache aux enfants, assure leur éducation, les inscrit dans la société. Le père symbolique, cher à la psychanalyse, est celui qui dit « Non », c’est le séparateur, le représentant de la Loi. Cependant, tous les auteurs ne s’accordent pas parfaitement sur ces catégories et nous proposons celles-ci hors de toute affinité théorique particulière. Notons sur ce point que « la paternité biologique ne coïncide pas obligatoirement avec la paternité sociale ou éducative » (Delaisi de Parseval, 1981). 1.2. L’HOMME ET LE MASCULIN L’étude des définitions du père et de la paternité est à croiser avec celles de la masculinité et de la virilité. Le père peut-il s’occuper de ses enfants sans se féminiser ? Dispenser des soins de maternage force-t-il à perdre ou à mettre de côté sa virilité ? Ne pourrait-on pas envisager un rapport aux enfants, et particulièrement aux nourrissons, hors de tout aspect féminin ? Et qu’est-ce qu’un comportement féminin s’il peut être réalisé par la majorité des hommes ? La virilité se présente « comme un ensemble de comportements, d’interdits, de non- dits, de valeurs, d’attitudes, de discours stéréotypiques, etc., qui s’articulent en de véritables systèmes idéologiques, centrés sur le courage et la force » (Dejours, Ch. Le masculin entre sexualité et société, in Welzer-Lang, 2000). Le terme viril n’a a priori ni connotation positive, ni négative. Le seul antonyme proposé par le Dictionnaire Robert est « efféminé », qui est connoté péjorativement, et ne s’adresse d’ailleurs qu’aux hommes ! De plus, les attributs virils sont l’activité, l’énergie, le courage, la fermeté, la résolution (Dictionnaire Larousse, 1998 ; Dictionnaire Robert, 1999), alors que les qualités associées au caractère efféminé sont la mollesse, l’absence d’énergie ou de virilité (Dictionnaire Robert, 1999). Cette dichotomie stéréotypée propre à la pensée occidentale attribue à l’homme l’activité et à la femme la mollesse… Nulle part dans ces dictionnaires il n’est fait mention d’une éventuelle composante masculine chez la femme, et, réciproquement, d’une composante féminine chez l’homme. 18
  • 19. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - Au contraire, la séparation semble assez hermétique. Une telle conception est pourtant présente dans la philosophie taoïste, très répandue en Asie, comme on peut le constater par la représentation devenue relativement populaire du yin et du yang. Cette image symbolise en réalité la présence et l’intrication des contraires en toute chose. Le masculin, yang, est également synonyme d’activité, de mouvement centrifuge alors que le féminin, yin, est synonyme de passivité et de mouvement centripète. Néanmoins, ces caractères sont présents en chacun de nous. En revanche, nous pouvons fréquemment entendre parler d’une probable féminisation de l’homme en général, et du père en particulier. Cette tendance est jugée alternativement, et bien souvent sans arguments solides, soit comme un net progrès sur le plan de la paternité, donc pour famille et le développement des enfants, soit comme redoutablement pathogène et à l’origine de bien des maux de la société contemporaine, tels que la violence et la délinquance juvéniles, mais aussi la déresponsabilisation des jeunes professionnels, la crise de l’engagement, etc. En ce qui concerne le développement de l’enfant, une assez large majorité d’auteurs préconise la présence physique de deux parents hétérosexuels auprès des enfants. « Un enfant, en grandissant, a besoin d’un modèle de conduite féminine et d’un modèle de conduite masculine (Dodson, 2002) ». Il est difficile, nous l’avons vu précédemment, de définir précisément et rationnellement le masculin et le féminin au-delà de la simple différence physique et « en l’absence de définition culturelle de la différence entre le masculin et le féminin » (Castelain-Meunier, 1997). De manière parfois confuse, on attribue à l’homme une part féminine dans son attitude ou son comportement. Yvonne Knibiehler (1987) affirme d’ailleurs, au sujet de cette part féminine cachée en l’homme, qu’elle « s’exprime désormais davantage » mais que « les enfants ne semblent pas en souffrir ». Un accouchement qui se déroule dans des conditions eutociques est un événement intense physiquement et psychiquement, proposant des conditions favorables à l’expression et à la libération de sentiments et d’émotions positives (v. chapitre 2.2. L’accouchement, p. 39). Ces manifestations ostensibles de la sensibilité du père étaient jusqu’alors réfrénées parce qu'indécentes pour un homme alors qu’elles peuvent être aujourd’hui revendiquées comme une valeur ajoutée à la virilité. 19
  • 20. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - Un certain excès de féminisation a cependant été observé pendant un temps par le personnel des maternités : « Les équipes de périnatalité se montrent plus attentives aux émois du père en évitant cet excès de féminisation qui est venu un temps contrebalancer l’image de l’homme fort et tout-puissant, pour parvenir semble-t-il à une position médiane (Marciano, 2003). » Les hommes à notre époque ont désormais le droit de s’exprimer en utilisant un registre plus émotionnel, plus affectif. Mais malgré cet indéniable progrès, les sages- femmes et les obstétriciens sont-ils aussi à l’aise avec un homme qui pleure qu’avec une femme qui pleure ? L’égalité parfaite sur ce plan n’est évidemment pas encore atteinte. Le sera-t-elle un jour ? Cela est-il souhaitable ? Au sujet des enfants, Yvonne Knibiehler (1987) se demande en premier lieu si c’est bien « en tant que mâle que le père est utile à l’enfant » ou bien si ce ne serait pas uniquement « en tant qu’être humain différent de la mère ». Nonobstant cette incertitude, l’enfant, lui, ne semble pas trop s’en soucier ni trop en souffrir, et « il sait que son père est un homme et sa mère une femme… ». Même si cela semble évident à nos yeux, nous ne savons pas ici sur quoi repose cette affirmation et si elle est — ou si elle pourrait être — confirmée par une quelconque étude expérimentale. Certains cliniciens affirment que la virilité du père est davantage un obstacle dans l’exercice de sa paternité, un frein qui l’empêcherait d’en profiter pleinement : « Le père peut, comme la mère, établir une véritable relation symbiotique avec son bébé, à condition de savoir mettre en sommeil sa masculinité traditionnelle. « Nous savons aussi qu’à la naissance de son enfant les premières relations qu’il a eues avec sa mère sont réactivées. La qualité de son intimité avec son bébé sera d’autant meilleure qu’il se laissera dépasser par sa féminité primaire (Lefort M.-C. et Discour A., op. cit., in Marciano, 2003). » 20
  • 21. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - Dans le même ordre d’idée, Fitzhugh Dodson (2002) soutient que « beaucoup de pères s’écartent des jeunes enfants parce que, au fond d’eux-mêmes, ils pensent qu’il n’est pas viril de tenir un bébé dans ses bras. » Dans ces conditions, nous constatons que les auteurs font effectivement état d’une part masculine et d’une part féminine en l’homme, et que ce serait la part féminine qui lui permettrait d’accéder à son enfant lorsque c’est encore un nourrisson. De manière aussi consensuelle que tacite, le rapport au nouveau-né est ici placé sous le signe de la féminité et reste sous l’hégémonie maternelle. D’une part, nous tenons à signaler que ces affirmations ne semblent guère étayées par des observations objectives et que leur validité est par conséquent contestable. D’autre part, Geneviève Delaisi de Parseval (1981) souligne qu’« il ne nous semble pas qu’être homme ou être femme, appartenir au sexe masculin ou au sexe féminin, différencie profondément l’expérience du devenir-père de celle du devenir-mère ». 1.3. ASPECTS PHYLOGENETIQUES : DE LA CELLULE A L’HOMME 1.3.1. La transmission des gènes D’après ce que nous dit la biologie aujourd’hui, la perpétuation de la vie sur Terre ne s’est effectuée que grâce à la transmission, d’une génération à une autre, des gènes inscrits sur les molécules d’ADN par le truchement de la reproduction. Ce groupe de molécules est effectivement indispensable à la bonne structuration des cellules de l’organisme issu de la reproduction. Nous en connaissons l’importance et nous savons que certaines espèces végétales ou animales ont mis au point des stratégies particulièrement astucieuses, complexes et coûteuses en énergie pour s’assurer une fidèle transmission desdites molécules. Elles constituent le patrimoine de l’espèce, la trace de toutes les adaptations qu’elle a su mettre en place pour répondre aux aléas plus ou moins menaçants de l’environnement. 21
  • 22. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - Le psychanalyste Bernard This affirme que lorsque la fécondation a eu lieu, « l’individu porteur des gènes peut disparaître ; il a transmis le "germen" que son corps véhiculait. En tant que "géniteur", il n’est plus nécessaire, sa tâche est accomplie. » (This, 1980). Cela est vrai pour les organismes qui ne nécessitent pas d’éducation, ni même d’élevage. Il en est ainsi des protozoaires, des bactéries, etc., mais cela s’applique assez peu aux mammifères, et encore moins à l’homme. Cette remarque ne tient pas compte de l’évolution possible de l’organisme issu de la reproduction ni du désir spécifique à l’être humain de transmettre sa culture et ses biens. 1.3.2. Les mammifères Les mammifères doivent leur nom au fait que la femelle porte des mamelles, c'est-à- dire que tous les petits mammifères sont entièrement dépendants de leur mère pendant le temps de l’allaitement. Le mâle s’occupe généralement d’assurer la protection de la femelle contre d’éventuels prédateurs ainsi que de lui rapporter de la nourriture. Bernard This fait également remarquer que le mâle intervient le plus souvent dans un second temps auprès des petits et de leur prise en charge. Il peut notamment s’en occuper lorsque l’allaitement est terminé, ou bien encore pendant celui-ci, en dehors des tétées. « Pour la plupart des zoologues, tout se passe en effet comme si l’instinct paternel n’existait pas, ne pouvait pas, ne devait pas exister – alors que la conduite de beaucoup d’animaux prouverait plutôt le contraire, notamment chez les Primates (This, 1980). » L’étude des gorilles révèle l’importance du mâle auprès des petits. Bernard This rapporte les conclusions d’une observation réalisée sur des gorilles en captivité. Les femelles élevées en captivité sans mâle semblent ne plus savoir s’occuper convenablement de leurs petits : elles les frappent, les nourrissent de manière inappropriée, etc. Lorsqu’on introduit un mâle à leurs côtés, elles se montrent alors 22
  • 23. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - davantage capables d’élever les petits (This, 1980). D’autre part, il note que « le "paternage" est une activité importante de la vie des gorilles », notamment par le jeu. Pour Didier Dumas (1999), ce qui « différencie la sexualité de l’homme de celle des autres mammifères est d’être langagière » et cette différence est capitale. La nier peut être pathogène. L’enfant est autant le produit de l’acte sexuel qu’un objet de désir, un « projet ». Il insiste sur cet aspect nodal de la conception de l’enfant en affirmant qu’« un enfant n’est pas seulement le produit des deux cellules qui se sont rencontrées dans le corps de sa mère » mais qu’« il est tout d’abord celui des paroles, des désirs et des fantasmes qui ont permis à ces deux cellules de se rencontrer » (Dumas, 1999). Un autre point de vue nous est apporté par Geneviève Delaisi de Parseval (1981) qui cite Th. Benedek : « Au regard de la procréation, l’homme et la femme, le père et la mère, ont un fonctionnement identique ». Ceci nous montre à quel point les théories divergent en ce qui concerne la spécificité de la reproduction humaine par rapport à la reproduction animale, d’autant plus que ses théories sont échafaudées le plus souvent sur des observations cliniques et non sur des mesures objectives issues d’un protocole expérimental. En observant les mammifères, nous apercevons quelques attitudes parentales proches de celles que nous constatons chez les humains. Mais gardons-nous de tout anthropomorphisme, et n’oublions pas que la famille telle que nous la connaissons n’a rien d’universel. Au contraire, « la famille humaine est par essence artificielle » (Delaisi de Parseval, 1981). 1.4. L’APPROCHE ANTHROPOLOGIQUE : LES PERES D’AILLEURS Après avoir étudié l’aspect animal de la paternité, nous maintenant poursuivre selon un autre axe : quid de la paternité chez les peuples non industrialisés ? Comment se comportent les pères sur les autres continents ? Comme nous le précise Françoise 23
  • 24. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - Hurstel (1996), « chez nous, il y a un père. Et quand il y en a plusieurs on se demande […] quel est le vrai ». 1.4.1. D’autres modèles de paternité La paternité, telle qu’elle est décrite dans les définitions que nous avons citées (v. chapitre 1.1. Quelques définitions, p. 15), est propre à notre civilisation occidentale. Nous pensons pouvoir dégager des lois universelles à son sujet, certains vont jusqu’à parler d’instinct de paternité, alors que le père se comporte de façon tout à fait originale dans certains peuples. Il existe en effet de multiples façons pour le père d’être en relation avec ses enfants, avec la mère de ceux-ci, avec ses propres parents, avec la société en général. Dans Totem et tabou (1965), Freud relève cet exemple : « un homme appelle père non seulement celui qui l’a engendré, mais aussi tout homme qui, d’après les coutumes de la tribu, aurait pu épouser sa mère et devenir son père. » « Dans d’autres sociétés, c’est le père légal qui éduque et aime les enfants d’une femme avec laquelle il vit, même s’il sait qu’il n’a pas participé à la procréation. » (Delaisi de Parseval, 1981). Il existe des sociétés matrilinéaires où la filiation se fait par la mère et non par le père. On imagine mal à quel point une simple différence d’état civil peut modifier l’organisation de la famille tout entière, et par conséquent, celle de la société. Parfois, les filiations peuvent être croisées : les filles sont éduquées par le père, alors que les fils sont éduqués par la mère, l’éducation inscrivant l’enfant dans une lignée spécifique. Les générations se suivent donc de manière exclusivement hétérosexuelle. Sigmund Freud (1965) nous fait remarquer qu’il « est étonnant que même ces problèmes relatifs à la vie psychique des peuples puissent être résolus, en partant d’un seul point concret ; celui de l’attitude à l’égard du père ». Effectivement, dans toutes les sociétés et à toutes les époques, le rapport au père est absolument déterminent pour comprendre l’organisation sociale et « la vie psychique » du peuple. Freud observe que cette attitude est en réalité articulée autour de l’interdit de l’inceste, interdit d’où a découlé une autre règle : l’exogamie. C’est ce que formule Christine Castelain-Meunier dans La paternité (1997) : « Définir et identifier le lien paternel autour de l’interdit de l’inceste a permis d’organiser la reproduction de l’espèce. » 24
  • 25. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - Il existe cependant des sociétés qui tiennent compte du besoin de paternité de ceux qui ne peuvent pas avoir d’enfants du fait de leur âge, de leur situation sociale ou familiale, « ce qui montre une fois de plus que la paternité ne rime pas forcément ni avec couple, ni avec fertilité, ni avec jeunesse, composantes pratiquement considérées, dans nos sociétés, comme des conditions sine qua non de son existence » (Delaisi de Parseval, 1981). 1.4.2. La couvade Rappelons la définition de la couvade, telle que nous la trouvons depuis très peu de temps dans nos dictionnaires : « Couvade : Ethnol. Coutume rencontrée dans certaines sociétés où, après l’accouchement, c’est le père qui tient le rôle de la mère. » (Dictionnaire Larousse, 1998). Avec plus de précision, Geneviève Delaisi de Parseval (1981) apporte la différence suivante : la couvade dite « rituelle » est un « ensemble de comportements prescrits (obligations et interdits) du père, associés à la naissance d’un enfant » alors que la couvade dite « psychosomatique » est l’ensemble des « phénomènes psychosomatiques associés à la paternité ». On a observé en effet que le père, dans certains peuples, occupait une place privilégiée autour de la grossesse et après l’accouchement. Il lui arrive alors d’imiter les douleurs de la parturiente, de s’allonger et de recevoir les doléances des autres membres du village. Les troubles relatifs à la grossesse de la conjointe sont de plus en plus fréquemment rapportés par les cliniciens qui ont l’occasion de recevoir des futurs pères. Ils sont de plusieurs ordres, certains imitant ostensiblement la déformation du corps de la mère, d’autres, plus discrets ou plus symboliques : troubles digestifs, douleurs abdominales, problèmes de transit, lombalgie, troubles dentaires, prise de poids sont les plus courants. On rapporte également des cas de décompensation psychotique ou d’épisodes psychotiques aigus contemporains de la paternité. À propos de ce type de couvade, Françoise Hurstel (1996) affirme qu’elles sont « une manière de réaliser imaginairement la deuxième partie du chemin qui mène de l’annonce de la paternité, à l’élaboration d’être père », alors que pour Jacqueline Kelen (1986), il s’agirait d’un « désir de parturition », « plus ou moins refoulé à l’âge adulte ». Le sens de ces manifestations se situeraient entre une sympathie pour la mère et un désir 25
  • 26. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - de l’imiter, voire de la remplacer complètement, c'est-à-dire de l’éliminer. Le père, n’ayant « toujours pas le droit de montrer sa sensibilité, ses émotions » (Kelen, 1986), en est réduit à cette somatisation plus ou moins histrionique. Au sein des peuples pratiquant la couvade rituelle, le sens des symptômes n’est caché pour personne, pas même pour le père (ou le futur père) qui semble parfois tout à fait conscient de la façon dont il imite la mère. En revanche, dans notre société, « les pères en "couvade" n’ont en général aucune idée du motif possible de leurs symptômes, gommant (consciemment) tout lien avec la grossesse de leur épouse », ce qui ne serait que la conséquence d’un « déni de la paternité dans la culture occidentale contemporaine » (Delaisi de Parseval, 1981). Pour Didier Dumas (1999), cette situation est plus préoccupante encore : « Notre société semble ignorer que devenir père est un acte mental impliquant obligatoirement l’homme dans son statut affectif et pensant. Les peuples pratiquant la couvade considèrent au contraire que la paternité est un état qui ne peut être affronté sans préparation ni précautions. » Le père n’est pas accompagné pour vivre cette importante transition, il n’existe aucun rituel d’intégration, aucun certificat de paternité… C’est justement pour combler ce vide que le livret de paternité est remis depuis peu aux nouveaux pères. 1.5. L’APPROCHE HISTORIQUE : LES PERES D’AUTREFOIS Avant de pouvoir relever et apprécier les spécificités des pères d’aujourd’hui, ainsi que les éventuels changements dans leurs pratiques ou dans les représentations, un bref parcours de l’histoire de la paternité, de l’Antiquité à nos jours, nous permettra de les situer plus précisément par rapport à nos ancêtres. Effectivement, il est nécessaire de comparer les pères contemporains avec leurs lointains parents afin de mieux estimer le chemin parcouru de ce qu’ils étaient à ce qu’ils sont devenus. Comment a évolué la relation entre époux ? Et la relation du père à ses enfants ? Qu’en est-il du rapport du père à la communauté ou à la société ? Quelle était l’étendue 26
  • 27. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - de son autorité ? Au cours de cette partie, nous nous intéresserons en particulier à l’image du bon père, au père idéal tel qu’il pouvait être perçu aux différentes époques de l’histoire. Il est important de noter que les informations que nous pouvons recueillir aujourd’hui au sujet des pères de l’antiquité ne concernent que ceux appartenant à une classe relativement aisée, voire les familles exclusivement nobles. Sur les familles plus pauvres et parfois sur la famille moyenne, il ne nous reste que très peu d’éléments tangibles. Il n’y a jamais eu un modèle unique de paternité, il a toujours varié en fonction de la classe sociale mais également en fonction de multiples facteurs. Comme le souligne Castelain-Meunier (1997) : « Il y a toujours eu […] une pluralité de pères ». Nous verrons néanmoins que cette diversité a évolué à travers les âges, en fonction de la richesse économique, de la politique, du droit de la famille et plus récemment, des avancées en matière d’assistance médicale à la procréation. 1.5.1. Le père à l’antiquité Le pater familias est le chef de famille. C’est lui la seule et unique autorité de la famille. Il décide de tout, sans l’intervention de l’État. Il s’occupe de l’éducation de ses fils, lorsqu’ils ont déjà un certain âge. C’est lui qui est responsable de « transmettre le savoir au fils » (Castelain-Meunier, 1997). Le culte des anciens ne survit que parce que le père se charge de le révéler à sa descendance. Ce sont également les pères qui arrangent les mariages des leurs enfants. Ces derniers n’ont pas le droit de contester ses décisions, et son autorité est soutenue par la collectivité comme garante de l’ordre et de la perpétuation des valeurs constitutives du groupe. Il peut décider à tout moment, et sans avoir à argumenter plus avant, de déshériter un de ses enfants, de le faire emprisonner, voire de le tuer. « Le Pater est celui qui donne la vie et la mort. » (Mulliez, J. in Delumeau et Roche, 2000). Cette toute-puissance que rien ne semble réellement entraver, la potestas (du latin, puissance) n’est transmise au fils qu’à la mort du père. Ainsi, si ce dernier, s’il est grand-père, a autorité sur son fils marié, la femme et les enfants de son fils. Ce n’est que 27
  • 28. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - lorsqu’il meurt que le fils peut (enfin !) profiter de ce pouvoir et assumer cette responsabilité. En revanche, à cette époque, « la paternité biologique importe peu, seule la volonté de reconnaissance de l’enfant par le père compte » (Castelain-Meunier, 1997). Autrement dit, « [les] Romains ne voulaient croire qu’à une paternité adoptive » (Delaisi de Parseval, 1981). En effet, la paternité ne pouvant être prouvée de façon formelle et ne reposant que sur la fidélité de la femme, les enfants nés d’un autre père peuvent être adoptés par le père comme les siens propres, de même que les enfants qu’il a conçus peuvent être adoptés par une autre famille. Dans toutes ces décisions, le père ne tient aucun compte de la parole de la mère. Ainsi, seule la volonté de l’homme fait le père, et celui-ci est seul à décider. Les liens unissant l’enfant à la mère ne semblent guère reconnus comme primordiaux et ne sont par conséquent pas pris en compte. 1.5.2. Le père au Moyen-Âge Au Moyen Âge, la société est quasi exclusivement communautaire. Le bien-être de l’individu cède la priorité à l’équilibre du groupe et la pérennisation de ses valeurs. D’autre part, hormis quelques riches familles à l’abri du besoin, la vie est en permanence menacée par les guerres ou les famines. Une grande partie de la population vit dans une telle précarité que la survie du groupe, notamment par la protection des enfants, devient la seule fin souhaitée par chacun. D’un point de vue économique, la famille constitue une unité de production (Hurstel, 1996). Le père reste, et de loin, le seul référent juridique de la famille. Il doit répondre de ses enfants, mais aussi de sa femme. En revanche, la potestas a été sérieusement entamée : « le père n’a plus à cette époque-là, comme au temps des Romains, le droit de vie et de mort sur ses enfants » (Castelain-Meunier, 1997). Dès lors, le père est limité dans l’exercice de son autorité. En l’occurrence, ce n’est pas encore le psychologue ou l’assistante sociale qui interviennent auprès des familles, mais c’est « le juge ecclésiastique [qui] s’introduit peu à peu dans la vie privée. » (Castelain-Meunier, 1997). La religion confirme donc au père sa position de chef de famille incontestable en 28
  • 29. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - faisant de la famille le modèle unique, et en même temps restreint son pouvoir en contrôlant ses abus. Pour Françoise Hurstel (1996), on assiste alors à « la lente mainmise de l’Église catholique sur les pratiques matrimoniales ». En conséquence, « le père est devenu "celui que le mariage désigne" ». Ainsi, l’Église est l’institution qui cautionne les valeurs de la famille, qui légitime la filiation par l’intermédiaire du mariage. En outre, les époux ne s’unissent par le mariage religieux pas tant par amour, que pour fonder un foyer, avoir des enfants à qui transmettre les biens et le savoir hérités des ancêtres. Le fait que le mariage soit nécessairement fécond a pour conséquence qu’il « ne peut se concevoir sans enfant. » (Castelain-Meunier, 1997). La paternité est garantie uniquement par la virginité de la femme au moment du mariage. La domination de l’homme sur la femme n’est pas réellement remise en cause, d’autant plus que « la complémentarité biologique interprétée dans le sens de la subordination de la femme à l’homme est sublimée dans l’acte d’engendrement » (Castelain-Meunier, 2002). L’homme, pour être un bon père de famille, est alors nécessairement courageux, pour pouvoir assurer la protection des siens ; instruit, pour enseigner à ses enfants le sens des valeurs qu’il leur transmet ; pieux et respectueux des règles dictées par le clergé : « la générosité le caractérise dans son amour d’autrui, ainsi que sa certitude de faire le bien », il « contrôle ses émotions et il doit être doux » (Castelain-Meunier, 1997). L’idéal du père autoritaire et distant est progressivement supplanté par l’image d’un père plus proche et plus soucieux de la bonne croissance de sa progéniture. Cependant, le père de cette époque ne s’intéresse réellement à son enfant qu’à partir de l’âge de raison, c'est-à-dire sept ans. 1.5.3. Le père à l’époque moderne De nombreux changements vont ébranler l’autorité paternelle. Sans disparaître totalement pour autant, elle en sera néanmoins sérieusement limitée. « Pourtant, le pouvoir du père, comparativement à celui de la femme, n’en demeure pas moins très fort d’un point de vue institutionnel, juridique, social et culturel » (Castelain-Meunier, 2002). Le public se sépare de plus en plus du privé, on différencie la production de la reproduction. L’éducation des fils est sous la responsabilité du père, tandis que la mère 29
  • 30. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - s’occupe de celle des filles. Les fils reçoivent l’enseignement des « valeurs de la société industrielle » alors que les filles héritent de la mère « son infériorité » et « son savoir- faire ménager » (Castelain-Meunier, 2002). Le père est alors décrit selon des « caractéristiques de force, sévérité, richesse et culture… » (Hurstel, 1996). Le père idéal fait davantage figure d’exemple pour l’enfant devenant adulte que la mère idéale. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, la question de la féminisation de l’homme s’occupant de ses enfants ne se pose pas. Avant la Révolution, le père connaît l’« âge d’or » de la paternité, pendant lequel son pouvoir rappelle ceux du pater familias. Mais cette fois-ci, son autorité paraît excessive, inquiétante, contestable. L’Encyclopédie de 1755 rapporte que lorsque l’éducation de l’enfant est finie, l’autorité du père s’arrête, ce qui fait également de l’autorité un moyen d’éducation au profit des enfants Le père est écouté pour ses conseils et respecté, mais ses fils et lui deviennent égaux en droit. De plus, les fils bénéficient de la liberté de l’administration de leurs biens dans le but de favoriser le développement économique. Les hommes et les femmes sont considérés très différemment par les textes de loi. En ce qui concerne l’adultère, par exemple, un important déséquilibre au sujet de la peine encourue les sépare : l’homme fautif devra s’acquitter d’une simple amende, alors que la femme risquera la maison de correction. « Corollairement, le droit des enfants, celui des femmes, épouses et mères sont constitués exclusivement de devoirs et d’obligations » ; la femme « est entièrement "assujettie", dans le mariage, au mari » (Hurstel, 1996). En revanche, cette époque connaît la disparition de l’exhérédation et la fin du droit d’aînesse, ce qui impose une répartition plus homogène parmi les différents héritiers, et ce, quelle que soit leur position dans la fratrie. Françoise Hurstel (1996) fait remarquer à propos de Guyot (1780) que celui-ci trouve « normal que le père ait un droit de "correction paternelle" ». Rappelons que, même si la vie du fils n’est plus légalement entre les mains du père, ce droit de correction peut toutefois correspondre à un emprisonnement. Dans la même lignée, le projet Jacqueminot du Code civil en 1804, propose un retour en arrière et remet en avant la nécessité du père à disposer d’une totale autorité afin de mieux diriger les membres de sa famille. En contrepartie, le père est tenu de pourvoir aux besoins de la famille. Dès lors, lorsque ceux-ci ne sont pas satisfaits, le père peut être jugé et puni. Avec l’industrialisation, le modèle de paternité évolue vers des idéaux de réussite professionnelle, d’ascension sociale, d’ambition concernant l’influence ou le pouvoir. 30
  • 31. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - 1.5.4. Le père à l’époque contemporaine Après la Révolution, un grand pan de l’institutionnalisation du mariage tombe : le mariage religieux n’est plus obligatoire, ce qui est le premier grand mouvement dans la tendance à la sécularisation de la famille. Sur un autre versant, le débat fait rage pour connaître le fondement du mariage. Est- il naturel ou bien est-ce un simple contrat social ? Ce débat est crucial pour le statut de la paternité. En effet, si le mariage est naturel, la paternité l’est également, et le divorce est impossible. Dans le cas contraire, le divorce est envisageable. Bonaparte prend le parti de faire du mariage un contrat civil en 1791. Par la suite, le divorce sera supprimé en 1816, puis de nouveau autorisé en 1884 (Théry, 1994). Toujours dans le même mouvement de diminution de l’autorité du père sur ses enfants, le 28 août 1792, une nouvelle loi postule que « les majeurs ne seront plus soumis à la puissance paternelle, elle ne s’étendra que sur la personne des mineurs » (Castelain-Meunier, 1997). On assiste ainsi à une « prise de distance par rapport à la morale religieuse » et à un mouvement de plus en plus déterminé « vers la société civile laïque » (Castelain-Meunier, 1997). Les institutions publiques s’immiscent progressivement au sein du foyer dans un but de prophylaxie éducative. On entend alors parler de « l’intérêt de l’enfant ». Par conséquent, le 30 octobre 1935, on assiste à l’abolition de la « correction paternelle ». En 1945, les femmes acquièrent leur premier droit civique, le droit de vote. Elles obtiennent ainsi la reconnaissance de leur identité, distincte de celle de leur famille ou de leur mari. Par la suite, « les mères deviennent les interlocutrices privilégiées de l’État, pour la question des enfants » (Castelain-Meunier, 1997). Dans le prolongement de la loi de 1889 sur la déchéance des pères indignes, les deux psychiatres Luccioni et Sutter (1957) évoquent pour la première fois la « carence paternelle » et la « carence d’autorité ». Pour y remédier, ils proposent de « réintégrer le père à sa place ». Mais l’événement majeur est, pour beaucoup, l’arrivée de la pilule contraceptive dans les foyers. Cette importance déterminante est soulignée par Geneviève Delaisi de Parseval (1981) : la « révolution contraceptive » a eu pour conséquence de « réinvestir le père ». Il faisait des enfants « à sa femme », il les fait maintenant « avec sa 31
  • 32. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - compagne ». Ce nouveau contrôle des naissances bouleverse la conception de la famille : les enfants ne sont plus le fruit du hasard, de la fatalité mais bien plutôt choisis, attendus et désirés. Cette situation permet au père de s’impliquer dans le projet de l’agrandissement de la famille. Autour de la deuxième guerre mondiale, un bon père est « un chef, assumant l’autorité sur femme et enfants, cultivé, généreux, jusqu’à l’abnégation, ayant un sens moral et religieux » (Hurstel, 1996). On constate que le père est encore, et ce depuis l’Antiquité, le responsable de la transmission des valeurs, de la pratique de la religion ou du culte, et, bien entendu, le détenteur de l’autorité. À ce sujet, Françoise Hurstel (1996) constate qu’un demi-siècle plus tard, ce modèle de père tout-puissant s’écroule. Le modèle unique de paternité disparaît pour laisser place à une multitude de modèles différents. Le modèle de la mère, lui, ne semble pas fondamentalement ébranlé en comparaison de ce qu’il était au siècle précédent. « La paternité était, il y a encore une trentaine d’années, vécue et perçue en France comme une unité fonctionnelle insécable et placée sous l’égide d’une institution stable, le mariage. Elle ne cesse de se morceler sous nos yeux en ses constituants les plus intimes » (Hurstel, 1996). Alors que depuis des siècles la société est centrée sur l’intérêt de la communauté, sur la survie de la culture, des valeurs et des traditions du groupe, l’individu se démarque de plus en plus, revendique une place indépendante de celle des différents groupes auxquels il appartient et, en particulier, indépendante de la famille. Pour François de Singly (1993), c’est l’émergence du souci de « chacun pour soi ». La famille a alors un nouvel objectif, une nouvelle mission : elle consiste à « produire de l’identitaire » (Castelain-Meunier, 1997). Dans les années 60, le mouvement féministe critique sévèrement le modèle de la femme au foyer (Singly, 1993). Les mères sont idéalisées sur le plan du savoir-faire avec les enfants. L’instinct maternel suffit à faire de la mère la seule personne capable de penser l’enfant, de connaître ses besoins et ses limites. On en vient à poser explicitement la question de la nature du rôle du père (Hurstel, 1996). La disparition de la puissance paternelle s’accompagne du partage de l’autorité entre les deux parents dès 1970. Cette loi est déterminante dans l’évolution de la paternité en France. Dès lors, le rapport entre les conjoints est équilibré et l’intérêt de l’enfant est placé directement sous la responsabilité des parents. Les membres de la famille contemporaine communiquent selon un « type de relations où le respect de la parole de 32
  • 33. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - l’autre prime sur l’exercice d’un pouvoir » (Hurstel, 1996). Le paterfamilias laisse sa place à deux partenaires engagés auprès de l’enfant. Le phénomène de la « dévalorisation de la dépendance intergénérationnelle » (Singly, 1993) est peut-être à l’origine d’une « différenciation importante en l’espace de deux générations » (Hurstel, 1996). Le père est perçu comme s’efforçant de concilier famille et travail ainsi que de créer de nouvelles relations avec ses enfants. Ces relations plus sensuelles sont initiées par la possibilité pour le père d’avoir accès à de nouvelles perceptions du bébé : l’haptonomie et l’échographie (et plus tard, l’échographie 3-D). Le sentiment de paternité s’exprime aujourd’hui davantage en terme de responsabilité, d’engagement, de partage du quotidien, de fierté. Ces changements nous amènent à penser que la paternité n’est ni universelle, ni immuable. « Ces mises en cause mettent au jour le fait que la paternité, comme la maternité d’ailleurs, ne sont pas des états naturellement donnés aux hommes et aux femmes, et par-là, immuables, mais des statuts, des rôles, des comportements qui évoluent au gré des transformations de la société (Modak et Palazzo, 2002). » En effet, le père n’a pas toujours eu le même rôle familial ni le même statut social. Son autorité a été considérablement restreinte au cours des siècles et en même temps s’est développé chez lui le sentiment qu’il était responsable du bien-être et du devenir de l’enfant. 1.5.5. L’avenir des pères Il y a plus de vingt ans maintenant, Geneviève Delaisi de Parseval (1981) faisait des prédictions sur les pratiques des pères : 33
  • 34. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - « Entre le père d’il y a vingt ans qui, "dans les grandes circonstances", changeait son bébé ou donnait le "biberon de minuit", et le père de l’an deux mille (petit garçon de cinq ans maintenant) qui, institutionnellement, « couvera », il y a loin… Pas tant que ça, cependant : l’idéologie de la spécialisation sexuelle aura changé, c’est tout. » Il serait audacieux de tracer, même dans ses grandes lignes, le portrait du père du prochain siècle. L’évolution qu’il a suivie depuis plusieurs siècles, et plus particulièrement au cours de deux générations, nous fait comprendre que la paternité est influencée par un très grand nombre de variables : un instinct probablement hérité des animaux, notamment des primates ; un cadre politique et juridique délimitant les droits et des devoirs par l’intermédiaire desquels elle peut s’exprimer ; un contexte économique conditionnant la charge de travail et la présence du père à la maison, mais aussi la quantité et la qualité des activités de loisirs partagées avec les enfants ; des représentations sociales qui évoluent en fonction des pratiques mais également en fonction des images véhiculées par les médias ; des progrès de l’aide médicale à la procréation qui mettent à la disposition des couples stériles ou porteurs de maladies graves toute une palette de techniques permettant malgré tout d’avoir des enfants. En revanche, nous pouvons nous interroger sur la question du devenir du père à la prochaine génération. Yvonne Knibiehler (1987) laisse apercevoir un avenir sombre pour l’autonomie de la famille, entre « utopie » et « totalitarisme », où l’État prendrait intégralement en charge l’élevage des enfants afin de résoudre les difficultés éducatives des parents dépassés par leur tâche. Ne faudrait-il pas, dans cette perspective interventionniste de l’État, envisager d’éventuelles formations qui seraient proposées aux futurs parents, ou même imposées dans certains cas (parents sortis de prison, anciens toxicomanes, …) ? On risque incontestablement d’aller vers une certaine prophylaxie éducative (« le totalitarisme ») mais cela permettrait, en revanche, de favoriser l’accès aux progrès 34
  • 35. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - récents de la pédagogie et de proposer d’autres modèles aux parents que les modèles de ceux qui les ont éduqués (« l’utopie »). Jean Le Camus (2000) note à ce sujet qu’il faudrait à l’avenir « expliquer l’importance du trio familial à tous les âges de la vie », « appliquer une politique familiale qui favorise un meilleur partage » et « inventer une politique économique et sociale qui favorise l’exercice de la coparentalité ». Il souligne l’absence de continuité dans la prise en charge des enfants par le père, donc une responsabilité partielle, la vraie responsable restant la mère. En ce qui concerne la mère, il faudrait qu’elle aussi ait du temps pour jouer avec les enfants. En se tournant vers l’avenir, il affirme avec véhémence qu’une page doit résolument être tournée. « À l’aube du XXIe siècle, il ne paraît plus possible de soutenir que la fonction du père n’est légitimée que par le bon vouloir de la mère, que cette fonction peut être indifféremment remplie par un homme ou par une femme, qu’elle n’a de prise qu’à partir de l’âge de 18 mois ou à partir du moment où l’enfant est entré dans le stade œdipien, qu’elle se réduit à l’introduction et à la mise en application de la Loi – autant d’affirmations convenues qu’on répète à longueur d’ouvrage, sans même se donner la peine de les soumettre à l’épreuve de l’expérience clinique (Le Camus, 2000). » En constatant les conséquences dramatiques du silence ou du manque de communication de la part du père, Guy Corneau (1989) signale que « la tâche des nouveaux hommes est de briser les générations de silence masculin ». Quoi qu’il en soit, la tendance actuelle laisse pressentir que les enfants d’aujourd’hui devenus pères seront encore plus présents, la réduction progressive du temps de travail le leur permettant. Les mères seront probablement de plus en plus délestées de leurs charges domestiques. Si les lois sur l’égalité des salaires permettent aux femmes d’obtenir des revenus supérieurs à ceux de leurs conjoints, la décision de rester au foyer pour élever les enfants sera moins univoque. Il semble néanmoins improbable qu’un équilibre soit atteint sur ce point en si peu de temps, si tant est qu’il soit atteint un jour. 35
  • 36. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - 1.6. CONCLUSION Nous avons abordé les difficultés de poser clairement les limites d’une définition du père et de la paternité. Il règne également un certain flou autour des définitions du masculin et du féminin, dès lors que ces attributs ne sont pas réservés respectivement aux hommes ou aux femmes. L’évolution familiale et l’AMP ont contribué à une remise en question de ces définitions. Il est apparu qu’il existait un profond déséquilibre entre le maternel et le paternel, jusque dans des ouvrages de références et même en dehors des aspects physiques périnatals. Les observations de primates ont montré que le père avait un rôle bien plus important que de simplement fournir la moitié du génome à la mère. Il prend fréquemment en charge les petits à partir d’un certain âge et soutient la mère. Avec l’approche anthropologique, la paternité s’est présentée d’une manière originale et nous a fait relativiser les composantes d’un éventuel instinct paternel. Le père était doté d’une autorité quasi illimitée sur sa descendance, mais il a été progressivement limité dans son exercice. L’État intervient de plus en plus au sein de la famille, tentant d’empêcher le père de nuire à l’intérêt de l’enfant. Aujourd’hui l’autorité paternelle a été remplacée par la responsabilité parentale, par un ensemble de devoirs des parents à l’égard de l’enfant. Fort de tous ces éléments, le père est loin de perdre de son importance pour la famille et pour ses enfants mais il apparaît en partie conditionné par le contexte culturel et social, déterminé par le lieu et l’époque. Le modèle dominant est fluctuant et la paternité, comme la famille, ne reçoit pas de définition unique qui puisse prétendre à l’universalité. 36
  • 37. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - 2. NOUVELLES FAMILLES ET NOUVEAUX PÈRES Maintenant que nous avons montré l’aspect culturel de la paternité, nous allons préciser son environnement aujourd’hui. Les bases de la famille sont ébranlées, mais certaines pratiques sont également en mutation : nous nous intéresserons en particulier à la participation du père à l’accouchement, à la nouvelle relation qui semble s’établir entre le père et son bébé et aux conséquences éventuelles de la perte de pouvoir des pères. 2.1. LA FAMILLE DU XXIE SIECLE Comme nous l’avons vu au cours du chapitre précédent, « la famille n’est plus centrée sur le père » mais la société reste à « domination masculine » (Castelain- Meunier, 2002). Le cadre juridique de la famille a considérablement évolué avec les diverses évolutions sociales et économiques, mais aussi technologiques et politiques. Nous traiterons à part (bien qu’ils puissent être liés) deux des éléments qui ont particulièrement influencé cette évolution : le mouvement des femmes de 1970 et la fin du modèle dominant de la famille. 2.1.1. Le mouvement des femmes En 1970, ce mouvement social a radicalement modifié la perception de la place de la femme dans la société. Force est de constater que l’équilibre en terme de rémunération n’est toujours pas atteint aujourd’hui. Cependant, l’augmentation du temps de travail des femmes a eu une conséquence directe : la réduction du temps de présence des femmes au foyer ! Par conséquent, lorsque ledit foyer inclut un ou plusieurs enfants, ces derniers seront confiés à un adulte ou à une institution extérieurs au foyer. Le mode de garde qui reste le plus « familial » consiste à faire garder les enfants par leurs grands-parents. Mais pour un très grand nombre d’enfants dont les deux parents 37
  • 38. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - travaillent, c’est une nourrice ou une assistante maternelle à domicile, la crèche, la halte-garderie, etc. qui les accueillera. La diversité des modes de garde et la pénurie de personnel ou d’infrastructures pour accueillir les « clients » toujours plus nombreux atteste de manière flagrante de la disparition progressive du modèle dominant de la femme au foyer. Jean Le Camus (2000) fait remarquer à ce sujet que « le taux de féminisation des métiers de la petite enfance est de l’ordre de 98 ou 99% » et que « lorsque l’enfant n’est pas élevé au domicile par sa mère, il est confié presque toujours à des personnes de sexe féminin ». Les études réalisées auprès des familles relèvent toutes le phénomène de la « double journée » de la femme, dans des proportions plus ou moins grandes. « Les femmes travaillent mais les mères sont encore celles qui s’occupent des enfants (Hurstel, 1996) ». Et ce sont encore elles qui passent le plus de temps aux tâches domestiques. Pour Jean Le Camus (2000) et Christine Castelain-Meunier (1997), la famille est aujourd’hui un lieu de construction identitaire où l’on privilégie le développement individuel de chacun des membres qui la constitue. En effet, les parents sont toujours plus soucieux de l’épanouissement des leurs enfants leur proposent pour cela des activités sélectionnées. 2.1.2. Les nouveaux modèles familiaux L’augmentation du travail des femmes a eu de très nombreuses conséquences. En vingt ans à peine, « la proportion des femmes en âge de travailler et qui se trouvent effectivement sur le marché du travail n’a cessé d’augmenter » (Le Camus, 2000). Elle est passée de 30 % en 1960 à 41,7 % en 1980, pour atteindre près de 50 % aujourd’hui. En revanche, « le temps partiel touche plus les femmes que les hommes (29,5 % des actives contre 5,3 % des actifs en 1998) » (Le Camus, 2000). D’autre part, elles sont largement minoritaires dans les postes de direction en ne représentant que « 30 % des cadres et 10 % des dirigeants » (Le Camus, 2000). Les enfants doivent par conséquent être gardés soit au domicile, soit à l’extérieur : 15 % d’entre eux sont gardés au domicile par une assistante maternelle agréée. 38
  • 39. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - Précisons que les enfants de moins de 6 ans « sont gardés par la mère dans la moitié des cas » (Le Camus, 2000). Un aspect intéressant est la corrélation observée entre le travail des femmes et le nombre d’enfants. Effectivement, « entre 25 et 49 ans, neuf femmes sur dix n’ayant pas d’enfant à charge travaillent » alors que cette proportion diminue à « deux sur trois » quand elles ont deux enfants, et « une sur deux parmi celles qui ont trois enfants » (Le Camus, 2000). En ce qui concerne la répartition des tâches ménagères, l’évaluation s’effectue toujours par questionnaire et non par observation en situation réelle. De ce fait, un phénomène important de désirabilité sociale biaise tous les résultats obtenus. On peut toutefois constater que « la présence des pères auprès des enfants a nettement augmenté depuis les années 1960, et même depuis les années 1980 » (Le Camus, 2000). Mais un point qui nous semble plus grave est que, après une éventuelle séparation des parents, « sur l’ensemble des enfants vivant avec leur mère, 30 % ne voient plus du tout leur père » (Villeneuve-Gokalp, 1999, citée par Le Camus, 2000) et « en 1994, plus des pères ne voient plus du tout leurs enfants après une séparation » (Théry, 1998). Néanmoins, le modèle familial dominant est encore celui que nous connaissons puisque « la très grande majorité des enfants vivent avec leurs deux parents », soit 83 % des enfants mineurs (Villeneuve-Gokalp, 1998, citée par Théry, 1998). Le taux de divortialité est passé de 22,5 % en 1960 à 38,3 % en 1996 (Théry, 1998). Cette importante augmentation a des répercussions sur l’organisation de la famille et sur le devenir des membres qui la composent. François de Singly (1993) se pose alors la question suivante : « Est-ce l’absence du père ou la chute sociale qui provoque d’éventuels dommages ? » 2.2. L’ACCOUCHEMENT Le vocabulaire relatif à cette expérience ne concerne que la mère. Comme le fait remarquer Dider Dumas (1999), « il n’existe, en français, aucun terme pour nommer l’état de celui qui attend un enfant ». Cet état de fait est certainement à mettre en rapport 39
  • 40. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - avec l’absence de prise en compte des phénomènes de couvade par la plupart des cliniciens et par l’ensemble de nos dictionnaires (v. chapitre 1.4.2. La couvade, p. 25). L’accouchement est vécu de manière très différente en fonction de la culture du peuple en général et de celle de la famille en particulier. Il peut notamment être présenté, selon les cultures, « tantôt comme un moment exclusivement maternel, tantôt comme exclusivement paternel (le père ayant alors le rôle symbolique le plus important), tantôt enfin comme exclusivement social » (Delaisi de Parseval, 1981). 2.2.1. L’évolution de l’accouchement 2.2.1.1. L’accouchement au cours de l’histoire L’expérience de l’accouchement n’a pas toujours été ce qu’elle est aujourd’hui. Non seulement les pères mais tous les hommes en général y étaient interdits, à l’exception du médecin qui était réquisitionné en cas d’urgence pour la mère ou pour l’enfant. « L’accouchement fut, pendant des siècles, l’affaire des femmes (This, 1980). » Les hommes étaient ainsi totalement exclus de la venue au monde de leur progéniture, à l’exception de la naissance des enfants de la reine, pour lesquels la certitude de la lignée devait être cautionnée par la présence de témoins oculaires. Certains pères commencent alors à imiter cette atteinte à la pudeur de la mère, raisonnant autour du risque d’être trompé dans la lignée. Au XVIe siècle, certains hommes commencent à s’intéresser scientifiquement à la naissance. Il ne s’agit au début que de médecins ou de chirurgiens, arguant que le progrès de la science méritait que cet interdit séculaire fût transgressé (Kelen, 1986). Il n’a pas fallu attendre Freud et la psychanalyse pour comprendre la forte connotation sexuelle de l’accouchement. C’est d’ailleurs tout à fait conscient de la situation délicate dans laquelle se trouve l’accoucheur que « Mauriceau, à la fin du XVIIe siècle, recommande au médecin qui pratique l’accouchement d’avoir l’air plutôt sale et négligé, peu avenant, afin de na pas provoquer la jalousie du mari… » (Kelen, 1986). 40
  • 41. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - Les arguments pour éloigner les pères de cette scène ont évolué au cours des siècles, mais sont toujours restés virulents. Ce n’est que récemment que les pères, dans un mouvement compensatoire excessif de la part des équipes médicales, ont été parfois contraints à y assister. Certains se sont alors retrouvés à une place à laquelle rien ne les y avait préparés et qui les débordait affectivement. Par la suite, les médecins s’accaparent ce domaine à tel point que la mère qui voudrait se passer de lui fait figure d’irresponsable. Cette médicalisation a eu également un autre effet : « l’accoucheur a souvent écarté le père, traité comme un "gêneur" » (This, 1980). 2.2.1.2. L’accouchement aujourd’hui En France, les femmes accouchent maintenant presque systématiquement à l’hôpital. L’argument majeur est le risque de complications ou d’infection. « C’est donc seulement depuis une vingtaine d’années qu’on en est venu à concevoir la présence du père comme non dangereuse […], puis comme bénéfique. (Le Camus, 2000) ». Les cours de préparation à l’accouchement proposés quasi systématiquement par les maternités des hôpitaux et des cliniques, en évoquant avec exhaustivité les dangers de l’accouchement, en ont fait un événement particulièrement anxiogène face auquel tous les moyens doivent impérativement être mis en œuvre. Le père a fait partie de ces moyens, tantôt favorable, donc forcé d’assister à l’accouchement, tantôt défavorable, donc banni de la salle de travail, pour atteindre aujourd’hui une position plus équilibrée et laissant davantage la liberté au père… et à la mère. Sur un plan plus technique, on observe également que « les femmes soutenues par leur compagnon [feraient] moins usage d’analgésiques et [vivraient] l’accouchement comme une expérience plus "positive" que les femmes sans compagnon » (Le Camus, 2000). Les pères, de leur côté, manifestent un intérêt grandissant pour la grossesse et pour l’accouchement. Ils se documentent, s’investissent davantage dans les diverses démarches médicales (échographies, visites médicales, préparation à l’accouchement…). 41
  • 42. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - « On peut dire dans l’ensemble et de façon objective que les différentes équipes des maternités ont noté combien les pères sont ostensiblement plus présents aux différentes étapes de la grossesse. Leur participation à l’accouchement est plus assidue et plus fréquente, leur implication plus importante. (Audier L., Blancho A., Callamand P., Malavialle L. et Pérez F. La place des pères en maternité : à propos d’une enquête : quelques réflexions, in Marciano, 2003). » Les contraintes professionnelles sont fréquemment citées comme argument pour ne pas avoir davantage soutenu ou accompagné la future parturiente. Certains en sont sincèrement contrariés ou frustrés. D’autre, en revanche, y trouvent peut-être tout simplement un prétexte pour ne pas assister à ce qui ne les concerne pas ou ce qui les effraie. La décision d’assister à l’accouchement vient en général spontanément aux jeunes pères. Cette décision est rarement contestée par la conjointe, désireuse de partager l’intensité attendue de cet événement avec le père. Face à ces changements, Jacqueline Kelen (1986) laisse entendre que cette apparente révolution « ne serait en fait qu’un phénomène artificiel et culturel et signerait […] le retour du patriarcat et de certains schémas conventionnels visant à conforter l’ordre social, moral et familial, et à assurer la prédominance masculine en tout ». Au contraire, la présence des pères à l’accouchement est, pour Edwige Antier, pédiatre, un « progrès considérable » (Antier, 2001). Elle suggère la possibilité pour le père de passer la nuit auprès de son bébé et de sa conjointe. Elle regrette même le manque de reconnaissance de l’utilité du père de la part du personnel des maternités. Sa présence est parfois simplement négligée, mais il arrive qu’elle soit contestée. 2.2.2. Une étape dans la paternité D’un côté, le père s’en trouve le plus souvent réduit à tenir passivement la main de sa conjointe, d’où peut naître un sentiment d’inutilité ou de mise à l’écart. De l’autre, on constate que les pères laissent de plus en plus percevoir leurs émotions et décrivent cet 42
  • 43. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - instant comme un émerveillement, une grande joie, une expérience unique qu’ils ne rateraient, semble-t-il, pour rien au monde. Précisons cependant que « la naissance du père précède la naissance de l’enfant et [que] la paternalisation est un processus de réorganisation identitaire » (Le Camus, 2000). Cette réorganisation est appelée « réciprocité identificatoire » par Didier Dumas (2000). Il affirme également que c’est grâce à elle « que nous comprenons l’enfant, en retrouvant celui que nous étions à son âge ». La curiosité et le soutien de la mère sont les éléments le plus souvent invoqués en terme de motivation des pères pour assister à l’accouchement. Mais de la curiosité au voyeurisme, il n’y a parfois qu’un pas, que le refoulement empêche de franchir consciemment (Kelen, 1986). Malgré cette forte motivation, une certaine frustration peut naître de l’impuissance du père face aux souffrances de la mère. D’une manière générale, on constate que « le père prend la place qui lui est laissée par sa compagne ou son épouse » (Audier L. et al., in Marciano, 2003). Pour nombre d’auteurs, cet événement marque une étape déterminante dans l’expérience nouvelle de la paternité. Jean Le Camus (2000) souligne ainsi l’influence de la présence du père à l’accouchement : « le devenir-père a plus de chances de s’opérer dans des conditions favorables s’il est l’expression d’un travail psychologique commence dès le début » (Le Camus, 2000). On constate que ce que Jacqueline Kelen (1986) appelle le « sentiment de paternité » est souvent plus progressif que le sentiment que peut éprouver la mère pour sa progéniture. Il ne bénéficie pas de tous les aspects physiques de la grossesse, de la naissance ou de l’allaitement. Aussi la paternité est-elle davantage mentalisée que la maternité, ce qu’Edwige Antier (2001) résume ainsi : « Le sentiment paternel est réfléchi, conscient, à l’inverse de l’instinct maternel ». Pour cette raison, « les échographistes et les gynécologues sont de plus en plus nombreux à admettre que le compagnon de la mère (géniteur ou non) doit si possible être présent » (Le Camus, 2000). Leur participation leur permet de se faire une idée plus concrète de ce que la mère peut vivre et d’activer l’élaboration psychique autour du futur enfant. 43
  • 44. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - Cette élaboration psychique peut néanmoins passer par des phases où vont dominer des manifestations affectives qui le dépassent. Tout d’abord surprises, les équipes médicales des maternités finissent maintenant par accepter « plus volontiers dans les salles d’accouchement l’expression de ces émotions » (Audier L. et al., in Marciano, 2003). Pour le père, l’accouchement est également un creuset propice à la réactivation de nombreux conflits : « conflits vis-à-vis de l’épouse-mère (ou future mère), « conflits vis-à-vis de l’enfant à naître ou né, « conflits vis-à-vis des parents du père, « conflits vis-à-vis de l’accoucheur, « reviviscence de conflits vis-à-vis de soi-même » (Delaisi de Parseval, 1981). Ces affects plus ou moins extériorisés peuvent avoir un aspect très positif pour le nouveau père car ils « donnent à leur rapport avec l’enfant et la mère l’humanité indispensable pour réussir l’accès à la parentalité » (Audier L. et al., in Marciano, 2003). À ce moment-là, le père, par un mécanisme d’identification inconscient, régresse partiellement à un stade très archaïque, plus précisément celui du nouveau-né. À ce sujet, Didier Dumas (1999) explique que « le bébé nous attendrit et nous touche, car il réactualise l’époque où nous étions aussi fragiles et démunis que lui, et nous le comprenons en retrouvant l’enfant que nous avons été ». Ainsi, c’est grâce à cette identification précoce que le père et le bébé pourront se comprendre et communiquer. 2.3. LE PERE ET LE NOUVEAU-NE 2.3.1. La répartition des tâches domestiques et parentales Ces modifications importantes de la famille ont indéniablement eu des répercussions sur la répartition entre conjoints des tâches domestiques. Les études à ce sujet semblent 44
  • 45. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - montrer qu’aujourd’hui l’évolution n’est pas aussi conséquente que les efforts réalisés pour tendre vers la parité pourraient le laisser penser. « Au début du XIXe siècle encore, les tâches du père et de la mère étaient nettement définies (Kelen, 1986) ». Dans ce contexte, l’éducation des enfants était très différenciée en fonction du sexe de l’enfant. En revanche, aujourd’hui, l’incidence de la variable sexe (des parents et des enfants) est moins accentuée qu’à l’époque, où les rôles parentaux étaient bien plus différenciés (Le Camus, 2000). Cette inégalité dans la répartition des tâches se traduit principalement par un temps passé aux activités domestiques encore nettement plus important pour les femmes que pour les hommes. Une étude de l’INSEE, citée par Edwige Antier (2001) rapporte que « 80% des tâches domestiques sont assumées par des femmes ». Rapportée en heures, cette répartition du travail domestique correspondrait en 2001 à 2 h 21 pour les hommes et 4 h 20 pour les femmes, alors qu’en 1986 ces valeurs étaient de 2 h 11 pour les hommes, et 4 h 40 pour les femmes. D’où l’on peut d’ores et déjà déduire qu’aujourd’hui les femmes effectuent 80% du travail domestique en seulement 65% du temps total alloué par le couple à ces tâches. Ces résultats ne sont cohérents que si l’on considère que les femmes travaillent sensiblement plus vite que les hommes. D’autre part, l’activité professionnelle des femmes augmentant encore, elles sont de plus en plus confrontées à ce que l’on appelle la « double journée » qui consiste à un temps de travail professionnel suivi d’un temps de travail domestique, alors que l’homme, lui, ne cumule pas ces deux temps et ne se consacre activement qu’à son activité professionnelle. Après la naissance et la fin du congé de maternité, ce sont beaucoup plus souvent les femmes qui réduisent leur temps de travail, recherchant des temps partiels, ou s’arrêtant tout simplement pour se consacrer aux enfants et à la maison. Selon un rapport du CNRS cité par Edwige Antier (2001), l’homme consacrerait 12 h 41 par semaine à ses enfants, contre 25 h 37 pour la femme, soit un peu plus de double. Il existe également un décalage qualitatif entre les pères et les mères en ce qui concerne le type de tâches assumées : 45
  • 46. - GEOPSY.COM - Psychologie interculturelle et Psychothérapie - « Les activités qui sont socialement valorisées (certains soins, les jeux avec l’enfant) deviennent progressivement l’apanage des pères, sous prétexte d’égalité, alors que les activités socialement dévalorisées (les activités de services indispensables, tels les repas, le nettoyage) restent le devoir des mères (Modak et Palazzo, 2002). » Les pères semblent avoir davantage le choix des tâches qu’ils accomplissent, celles qu’ils ne réalisent pas, par préférence ou bien par manque de temps, étant prises en charge par la mère. Jacqueline Kelen (1986) dénonce fermement cette attitude des pères pour qui, d’après elle, « le bébé serait un nouveau jouet, ou un gadget » et qui ne s’en occupe que quand cela lui « fait plaisir ». Au contraire, Edwige Antier (2001) propose le partage des tâches suivant : « pendant les premiers mois du bébé, le père dégage la mère du travail domestique pour lui permettre de se concentrer sur les besoins du bébé » puis il « lui consacre des moments libérant la mère des demandes permanentes de l’enfant ». Pour étayer ses propos, elle cite un sondage CSA paru dans un numéro du magazine Famili en 2000 qui a estimé que 92% des pères interrogés changeaient les couches. Enfin, Donald Winnicott (1979) explique ce déséquilibre par un « sens naturel des responsabilités » chez les mères, une implication « particulière » à l’égard de l’enfant. Il arrive d'ailleurs parfois que le père soit « incapable de tirer du plaisir du rôle qu’il doit jouer et incapable de partager avec la mère la grande responsabilité qu’un bébé représente toujours pour quelqu’un ». De fait, il s’exclut alors rapidement de la dyade mère-enfant. 2.3.2. Les compétences paternelles La naissance d’un enfant, et en particulier celle du premier, est la source de nombreux conflits inconscients pour le père (v. chapitre 2.2.2. Une étape dans la paternité, p. 42). Elle est également à l’origine de nombreuses angoisses qui ont le plus souvent l’enfant comme objet, le père ne se sentant pas toujours à la hauteur de la tâche qui l’attend. Donald Winnicott (1979) doute « qu’une mère croie réellement et tout à fait à son enfant dès le début » et « cela vaut aussi pour le père car il souffre autant que la mère de douter de sa capacité à créer un enfant sain et normal ». Il remarque aussi 46