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Intervention du professeur Abdelati LAHLOU, président d’ICOMOS-Maroc, à la rencontre scientifique
organisée par le Ministère de la Culture et la Fondation de Sauvegarde du Patrimoine Culturel de
Rabat
Le 28 janvier 2021
Titre de l’intervention
« La protection du patrimoine des monuments historiques, du mobilier archéologique et
ethnologique dans la législation marocaine »
Le Maroc, comme les autres pays colonisés par la France surtout la Tunisie et l’Algérie a connu dès
1912 plusieurs expériences juridiques pour la conservation de son patrimoine monumental et
archéologique au moment où la législation internationale faisait défaut.
La 1ère loi moderne fut cristallisée par le dahir du 1er novembre 2012 relatif aux zones de protection
militaire et le dahir du 26 novembre 1912 relatif à la protection des monuments et des inscriptions
historiques suivi peu après par le dahir du 21 juillet 1914.
Ces textes ont vus le jour parallèlement à l’apparition du 1er dahir relatif à l’urbanisme du 14 avril
1914 et qui concerne surtout les zones extra-muros des villes anciennes et des villes naissantes ou en
projet, ce qui n’a pas manqué d’impacter les villes anciennes / médina surtout par les zones
interdites de construction (zone non aedificandi) .
Apres trois (3) décennies de l’application du dahir 2014 et qui a permis de classer un nombre
important des monuments et sites afin d’assurer leur protection, il était temps de le mettre à jour ce
qui a conduit les autorités de l’époque de sortir une nouvelle loi.
Loi du 21 juillet 1945 relatif à la protection des édifices historiques, des paysages, des inscriptions,
des objets d’art et d’antiquité, de la restauration des villes anciennes, des architectures régionales
abrogées par le dahir de 28 juin 1954.
Presque un quart de siècle après l’indépendance du Maroc, ce dernier a présenté le 1er
DAHIR,
toujours en vigueur, le 25 décembre 1980 portant loi 22-80 relative à la conservation des
monuments historiques, des paysages, des inscriptions des objets d’art et d’antiquité.
Cette nouvelle loi est arrivée un an avant l’inscription de la ville de Fès par l’UNESCO sur la liste du
patrimoine mondiale et cinq année après la ratification du Maroc de la convention de 1972 relative à
la préservation du patrimoine culturel et naturel de l’UNESCO.
La ratification du Maroc de plusieurs conventions internationales relatives à la protection du
patrimoine naturel et culturel dans sa dimension matériel et immatériel confirme son engagement à
protéger ses patrimoines, toutefois 40 ans après l’application de la loi 22-80 précitée – période assez
longue pour l’application d’une loi essoufflée- vu les multiples changements que le monde a connu
dont le Maroc qui a connu beaucoup de changements sur tous les plans .
2
Pour l’accompagnement de ces changements, le Maroc a choisi politiquement de réviser sa
constitution. Le texte de la nouvelle constitution est entré en vigueur depuis une dizaine d’année est
une réponse majeure à ces changements et reflète les grandes orientations du pays dont le champ
de son identité et de ses composantes culturelles caractérisées par sa diversité exemplaire.
En jetant un coup d’œil averti sur la loi 22-80 on relève ce qui suit :
La législation marocaine, inspirée de la loi du 21juillet 1945 sous protectorat, ne donne pas une
définition des biens meubles ou immeubles à inscrire sur la liste du patrimoine national mais elle a
précisé les critères à prendre en considération pour l’inscription ou le classement des biens sur liste
du patrimoine national. Cela concerne les monuments qui attestent de leur dimension historique
d’une part et la dimension artistique d’autre part. A préciser que le législateur en parlant des critères
de l’inscription a utilisé autre qualificatif pour les biens concernés, celui du caractère scientifique et
« civilisationnel » en faisant référence aux liens que le bien doit avoir avec la civilisation du pays, ce
qui donne à l’élément inscrits un ancrage dans la civilisation humaine comme c’est le cas aujourd’hui
pour nos villes et sites historiques inscrits sur la liste du patrimoine mondial entre 1981 et 2012.
Jusqu’aux années 1970 le Maroc n’avait comme cadre législatif que ce qui a été hérité de la période
du protectorat ne permettent de protéger et de contrôler que l’aspect extérieur des villes anciennes
et ne permet pas d’orienter et d’encadrer les phénomènes socioéconomiques existant, sachant que
les villes anciennes ont connu énormément de problèmes dus à la pression démographique et
l’installation d’un nouveau genre d’habitants du monde rural loin des traditions citadines alors que
plusieurs familles anciennes ont déserté la médina pour s’installer dans d’autres villes voir dans les
quartiers modernes ce qui a impacté la ville ancienne sur plusieurs niveaux dont la menace de son
authenticité et son intégrité( phénomène de bidonvilisation entre autres).
Pour répondre aux déficits urbaines , une politique d’aménagement se mettait en place afin de
donner une orientation aux plans d’aménagement urbain en intégrant notamment les tissus anciens
dont Fès, Meknès, Marrakech, Oujda , Tétouan et autres.
Les difficultés que les médinas ont connu pendant plusieurs décennies n’ont pas empêché de
prendre conscience de leurs valeurs patrimoniales - ce qui a conduit l’Etat marocain, qui a pu mettre
en place dans son organigramme un nouveau département dédié à la CULTURE et en nommant une
imminente personnalité du monde des arts et de la culture, Mohammed EL-Fassi - à déposer une
demande de classement auprès de l’UNESCO de la ville de Fès sur la liste du patrimoine mondiale.
Requête qui a abouti en 1981 sous Mokhtar Mbou Directeur Général de l’UNESCO à cette époque, ce
qui a ouvert le champ au Maroc pour connaitre une nouvelle expérience visant la réhabilitation et la
gestion de son patrimoine citadin. Dans ce sillage un organe aux fonctions bien précises est né sous
l’égide du ministère de l’intérieur, malgré plusieurs difficultés, représenté par l’ADER(1978), organe
qui a pu développer plusieurs compétences en matière d’intervention depuis plus de trois décennies.
L’ambition du Maroc ne s’était pas arrêté au premier dossier inscrit à l’UNESCO ce qui a ouvert la
porte à plusieurs villes historiques pour bénéficier de même prestige mais, en acceptant de nouvelles
contraintes liées aux conditions imposées par l’UNESCO que l’Etat partie doit assumer .
3
La dynamique engagé avait aussi des répercussions au niveau de la réflexion sur les problématiques
des villes anciennes ce qui a abouti à l’organisation du colloque du 14 janvier 1993 à Rabat
permettant d’élaborer plusieurs recommandations.
A côté de la loi 22-80 et de son décret d’application, plusieurs textes intéressant l’urbanisme sont
sortis en intégrant les tissus anciens de même que des études urbanistiques et des cahiers de
charges ont été élaborés pour les médinas visant :
- La connaissance du cadre physique et la valeur urbanistique des édifices,
- La proposition des interventions adéquates pour le cadre bâti (restauration, réhabilitation,
rénovation..) et enfin pour assurer la continuité fonctionnelle des médinas avec sa
composante sociale.
A souligner que les problèmes structurels que connaissent les villes anciennes sont intimement liés
aux problématiques de développement sociaux-économique d’où les approches les plus récentes
que les instances internationales recommandent.
Dans cette nouvelle dynamique un projet d’une stratégie nationale d’intervention dans le tissu des
villes anciennes est élaboré par le conseil national de l’Habitat .
L’organisation du forum « Dialogue national sur l’aménagement du territoire qui s’est tenu sous le
thème : « le patrimoine, le développement et l’aménagement du territoire a prêté une attention
particulière aux médinas (problèmes de vétusté et de l’habitat insalubre..)
Après cette aperçu nous remarquons que le patrimoine culturel urbain et depuis plus d’un siècle est
encadré voir tiraillé par des lois complémentaires, parfois contradictoires issues de plusieurs entités
surtout le Ministère de la Culture, le Ministère de l’Urbanisme, de l’Aménagement du territoire et de
la politique de la Ville ainsi que les Collectivités Territoriales.
Malgré les avancés enregistré sur le plan de la loi marocaine, elle reste encore loin des aspirations
des spécialistes du patrimoine qui sont confronté quotidiennement aux réalités de terrain que ce soit
au niveau de sauvegarde de l’authenticité et de l’intégrité des monuments historiques avec leur
environnement ou au niveau des fouilles archéologiques et la protection des éléments mobiliers
contre les actes du vandalisme
Le projet de loi 43-2000 composé de 122 articles a été proposé par le ministère de la culture pour
combler les lacunes et mettre à jour la loi 22-80. Ce projet visant la protection du patrimoine naturel
et culturel y compris le patrimoine immatériel, sur tous le territoire national quelques soit
l’institution qui le gère, en précisant les principes de restauration et les règles du contrôle
scientifique et technique, le tout est encadré par une vision moderne de la notion du patrimoine en
harmonie avec les conventions internationales et ses recommandations.
Malgré la vision plus éclairée de ce projet, il est resté lettre morte et un autre projet, plus
timide, portant le numéro 19-05 a été présenté à la chambre des représentants / au
parlement en février 2006 en modifiant quelques articles de la loi actuel en adoptant
quelques mesures préventives pour la protection des biens mobiliers (objets et manuscrits )
contre le trafic illicite.
4
Si la loi était enrichie par de nouvelles dispositions en 2006 pour protéger les manuscrits et les biens
mobiliers pour les protéger contre le trafic illicites la loi 22-80 en général souffre de plusieurs lacunes
et n’intègre ni la dimension du patrimoine naturel ni la dimension du patrimoine immatériel reconnu
par l’UNESCO depuis 2003 et ne révise nullement les dispositions concernant le patrimoine
immobilier ce qui nécessite à notre sens un débat national.
La richesse du Patrimoine marocain naturel et culturel, matériel et immatériel doit être
accompagnée d’une loi plus complète et plus précise pour sauvegarder et promouvoir un patrimoine
rare et fragile. Cette sauvegarde nécessite aussi des organes vigoureux, comme la police du
patrimoine à instituer pour dissuader tous ceux qui ne se soucient pas de la préservation du
patrimoine national, héritage que les générations futurs ont droit.

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Abdelati Lahlou La protection juridique du Patrimoine Culturel, enjeux et perspectives

  • 1. 1 Intervention du professeur Abdelati LAHLOU, président d’ICOMOS-Maroc, à la rencontre scientifique organisée par le Ministère de la Culture et la Fondation de Sauvegarde du Patrimoine Culturel de Rabat Le 28 janvier 2021 Titre de l’intervention « La protection du patrimoine des monuments historiques, du mobilier archéologique et ethnologique dans la législation marocaine » Le Maroc, comme les autres pays colonisés par la France surtout la Tunisie et l’Algérie a connu dès 1912 plusieurs expériences juridiques pour la conservation de son patrimoine monumental et archéologique au moment où la législation internationale faisait défaut. La 1ère loi moderne fut cristallisée par le dahir du 1er novembre 2012 relatif aux zones de protection militaire et le dahir du 26 novembre 1912 relatif à la protection des monuments et des inscriptions historiques suivi peu après par le dahir du 21 juillet 1914. Ces textes ont vus le jour parallèlement à l’apparition du 1er dahir relatif à l’urbanisme du 14 avril 1914 et qui concerne surtout les zones extra-muros des villes anciennes et des villes naissantes ou en projet, ce qui n’a pas manqué d’impacter les villes anciennes / médina surtout par les zones interdites de construction (zone non aedificandi) . Apres trois (3) décennies de l’application du dahir 2014 et qui a permis de classer un nombre important des monuments et sites afin d’assurer leur protection, il était temps de le mettre à jour ce qui a conduit les autorités de l’époque de sortir une nouvelle loi. Loi du 21 juillet 1945 relatif à la protection des édifices historiques, des paysages, des inscriptions, des objets d’art et d’antiquité, de la restauration des villes anciennes, des architectures régionales abrogées par le dahir de 28 juin 1954. Presque un quart de siècle après l’indépendance du Maroc, ce dernier a présenté le 1er DAHIR, toujours en vigueur, le 25 décembre 1980 portant loi 22-80 relative à la conservation des monuments historiques, des paysages, des inscriptions des objets d’art et d’antiquité. Cette nouvelle loi est arrivée un an avant l’inscription de la ville de Fès par l’UNESCO sur la liste du patrimoine mondiale et cinq année après la ratification du Maroc de la convention de 1972 relative à la préservation du patrimoine culturel et naturel de l’UNESCO. La ratification du Maroc de plusieurs conventions internationales relatives à la protection du patrimoine naturel et culturel dans sa dimension matériel et immatériel confirme son engagement à protéger ses patrimoines, toutefois 40 ans après l’application de la loi 22-80 précitée – période assez longue pour l’application d’une loi essoufflée- vu les multiples changements que le monde a connu dont le Maroc qui a connu beaucoup de changements sur tous les plans .
  • 2. 2 Pour l’accompagnement de ces changements, le Maroc a choisi politiquement de réviser sa constitution. Le texte de la nouvelle constitution est entré en vigueur depuis une dizaine d’année est une réponse majeure à ces changements et reflète les grandes orientations du pays dont le champ de son identité et de ses composantes culturelles caractérisées par sa diversité exemplaire. En jetant un coup d’œil averti sur la loi 22-80 on relève ce qui suit : La législation marocaine, inspirée de la loi du 21juillet 1945 sous protectorat, ne donne pas une définition des biens meubles ou immeubles à inscrire sur la liste du patrimoine national mais elle a précisé les critères à prendre en considération pour l’inscription ou le classement des biens sur liste du patrimoine national. Cela concerne les monuments qui attestent de leur dimension historique d’une part et la dimension artistique d’autre part. A préciser que le législateur en parlant des critères de l’inscription a utilisé autre qualificatif pour les biens concernés, celui du caractère scientifique et « civilisationnel » en faisant référence aux liens que le bien doit avoir avec la civilisation du pays, ce qui donne à l’élément inscrits un ancrage dans la civilisation humaine comme c’est le cas aujourd’hui pour nos villes et sites historiques inscrits sur la liste du patrimoine mondial entre 1981 et 2012. Jusqu’aux années 1970 le Maroc n’avait comme cadre législatif que ce qui a été hérité de la période du protectorat ne permettent de protéger et de contrôler que l’aspect extérieur des villes anciennes et ne permet pas d’orienter et d’encadrer les phénomènes socioéconomiques existant, sachant que les villes anciennes ont connu énormément de problèmes dus à la pression démographique et l’installation d’un nouveau genre d’habitants du monde rural loin des traditions citadines alors que plusieurs familles anciennes ont déserté la médina pour s’installer dans d’autres villes voir dans les quartiers modernes ce qui a impacté la ville ancienne sur plusieurs niveaux dont la menace de son authenticité et son intégrité( phénomène de bidonvilisation entre autres). Pour répondre aux déficits urbaines , une politique d’aménagement se mettait en place afin de donner une orientation aux plans d’aménagement urbain en intégrant notamment les tissus anciens dont Fès, Meknès, Marrakech, Oujda , Tétouan et autres. Les difficultés que les médinas ont connu pendant plusieurs décennies n’ont pas empêché de prendre conscience de leurs valeurs patrimoniales - ce qui a conduit l’Etat marocain, qui a pu mettre en place dans son organigramme un nouveau département dédié à la CULTURE et en nommant une imminente personnalité du monde des arts et de la culture, Mohammed EL-Fassi - à déposer une demande de classement auprès de l’UNESCO de la ville de Fès sur la liste du patrimoine mondiale. Requête qui a abouti en 1981 sous Mokhtar Mbou Directeur Général de l’UNESCO à cette époque, ce qui a ouvert le champ au Maroc pour connaitre une nouvelle expérience visant la réhabilitation et la gestion de son patrimoine citadin. Dans ce sillage un organe aux fonctions bien précises est né sous l’égide du ministère de l’intérieur, malgré plusieurs difficultés, représenté par l’ADER(1978), organe qui a pu développer plusieurs compétences en matière d’intervention depuis plus de trois décennies. L’ambition du Maroc ne s’était pas arrêté au premier dossier inscrit à l’UNESCO ce qui a ouvert la porte à plusieurs villes historiques pour bénéficier de même prestige mais, en acceptant de nouvelles contraintes liées aux conditions imposées par l’UNESCO que l’Etat partie doit assumer .
  • 3. 3 La dynamique engagé avait aussi des répercussions au niveau de la réflexion sur les problématiques des villes anciennes ce qui a abouti à l’organisation du colloque du 14 janvier 1993 à Rabat permettant d’élaborer plusieurs recommandations. A côté de la loi 22-80 et de son décret d’application, plusieurs textes intéressant l’urbanisme sont sortis en intégrant les tissus anciens de même que des études urbanistiques et des cahiers de charges ont été élaborés pour les médinas visant : - La connaissance du cadre physique et la valeur urbanistique des édifices, - La proposition des interventions adéquates pour le cadre bâti (restauration, réhabilitation, rénovation..) et enfin pour assurer la continuité fonctionnelle des médinas avec sa composante sociale. A souligner que les problèmes structurels que connaissent les villes anciennes sont intimement liés aux problématiques de développement sociaux-économique d’où les approches les plus récentes que les instances internationales recommandent. Dans cette nouvelle dynamique un projet d’une stratégie nationale d’intervention dans le tissu des villes anciennes est élaboré par le conseil national de l’Habitat . L’organisation du forum « Dialogue national sur l’aménagement du territoire qui s’est tenu sous le thème : « le patrimoine, le développement et l’aménagement du territoire a prêté une attention particulière aux médinas (problèmes de vétusté et de l’habitat insalubre..) Après cette aperçu nous remarquons que le patrimoine culturel urbain et depuis plus d’un siècle est encadré voir tiraillé par des lois complémentaires, parfois contradictoires issues de plusieurs entités surtout le Ministère de la Culture, le Ministère de l’Urbanisme, de l’Aménagement du territoire et de la politique de la Ville ainsi que les Collectivités Territoriales. Malgré les avancés enregistré sur le plan de la loi marocaine, elle reste encore loin des aspirations des spécialistes du patrimoine qui sont confronté quotidiennement aux réalités de terrain que ce soit au niveau de sauvegarde de l’authenticité et de l’intégrité des monuments historiques avec leur environnement ou au niveau des fouilles archéologiques et la protection des éléments mobiliers contre les actes du vandalisme Le projet de loi 43-2000 composé de 122 articles a été proposé par le ministère de la culture pour combler les lacunes et mettre à jour la loi 22-80. Ce projet visant la protection du patrimoine naturel et culturel y compris le patrimoine immatériel, sur tous le territoire national quelques soit l’institution qui le gère, en précisant les principes de restauration et les règles du contrôle scientifique et technique, le tout est encadré par une vision moderne de la notion du patrimoine en harmonie avec les conventions internationales et ses recommandations. Malgré la vision plus éclairée de ce projet, il est resté lettre morte et un autre projet, plus timide, portant le numéro 19-05 a été présenté à la chambre des représentants / au parlement en février 2006 en modifiant quelques articles de la loi actuel en adoptant quelques mesures préventives pour la protection des biens mobiliers (objets et manuscrits ) contre le trafic illicite.
  • 4. 4 Si la loi était enrichie par de nouvelles dispositions en 2006 pour protéger les manuscrits et les biens mobiliers pour les protéger contre le trafic illicites la loi 22-80 en général souffre de plusieurs lacunes et n’intègre ni la dimension du patrimoine naturel ni la dimension du patrimoine immatériel reconnu par l’UNESCO depuis 2003 et ne révise nullement les dispositions concernant le patrimoine immobilier ce qui nécessite à notre sens un débat national. La richesse du Patrimoine marocain naturel et culturel, matériel et immatériel doit être accompagnée d’une loi plus complète et plus précise pour sauvegarder et promouvoir un patrimoine rare et fragile. Cette sauvegarde nécessite aussi des organes vigoureux, comme la police du patrimoine à instituer pour dissuader tous ceux qui ne se soucient pas de la préservation du patrimoine national, héritage que les générations futurs ont droit.