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Mensuel sur l’énergie et l’environnement
S
Décembre 2019	 N°148
Les terres rares
un enjeu géopolitique
page: 4
La fusion nucléaire
une alternative pour répondre aux
défis futurs?
page: 10
Biocarburants
solution pour la mobilité durable ?
page: 13
Comment TOTAL anticipe un avenir sans
pétrole ?
page: 10
Chers lecteurs,
La fin de l’année approche et avec elle
l’heure des bilans et un constat sans
appel : les échéances climatiques se rap-
prochent et la tension est montée d’un
cran. En ce mois de décembre, les marches
pour le climat se multiplient, réunissant
des dizaines de milliers de personnes et
emmenées par une jeunesse engagée,
soucieuse de son avenir. Malgré cette
forte mobilisation, la COP 25 s’est achevée sur un accord très
en deçà des attentes et a montré au monde des pays plus que
jamais divisés.
Dans ce numéro, nous explorons plusieurs projets en faveur
d’un mix énergétique décarbonné dans le but d’apporter des
réponses concrètes aux enjeux climatiques à venir. Ainsi, nous
verrons dans un premier article comment TOTAL, connu pour
ses activités polluantes, se diversifie pour s’imposer comme
un nouveau leader des énergies propres.
Les pays d’Afrique seront aussi à l’honneur : face au risque
de subir de plein fouet les impacts d’une hausse des tempéra-
tures, l’heure est à l’action. Nous évoquerons dans un premier
temps la transition énergétique en Afrique puis nous verrons aussi
comment, au Maroc, le pays aborde le tournant de l’énergie solaire
avec un projet de centrale de grande ampleur.
Nous traiterons aussi d’un projet titanesque aux ambitions
tout aussi grandes : le projet ITER de maîtrise de la fusion
nucléaire pour la production d’électricité décarbonnée, comme
alternative aux énergies fossiles.
Enfin, comme le stockage de l’électricité pour accompagner
le développement des énergies renouvelables est un enjeu
capital, nous nous attarderons sur les terres rares, métaux
nécessaires à la fabrication des batteries, et les enjeux géo-
politiques souvent méconnus qu’ils soulèvent.
En espérant que 2020 soit placée sous le signe de l’action
contre le réchauffement climatique, les rédacteurs en chef du
mois de décembre (Axelle et moi-même) vous souhaitent une
agréable lecture et de bonnes fêtes de fin d’année !
Victor MAQUART
2 EDITO
Adresse e-mail
infose@mastere-ose.fr
TELEPHONE
04 97 15 70 73
ADRESSE
Centre de
Mathématiques
Appliquées
Mines Paristech
Rue Claude Daunesse
CS 10 207
06904 Sophia Antipolis
Coordinatrice - Catherine Auguet-Chadaj
Maquettiste - Saul Villamizar
Toute reproduction, représentation, traduction
ou adaptation, qu’elle soit intégrale ou partielle,
quel qu’en soit le procèdé, le support ou le
média, est strictement interdite sans l’autori-
sation des auteurs sauf cas prévus par l’article
L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle.
CONTACTS
SOMMAIRE
Actualités Décembre 20194
•	 La production électrique à partir du charbon baisse,
un maigre espoir ?	 4
•	 Le Parlement Européen déclare l’état d’urgence climatique
quelques jours avant la présentation du Green Deal	 5
•	 La COP : rendez-vous annuel, international et
incontournable pour sa 25ème édition	 6
•	 Ouverture au financement participatif pour le plus
grand parc éolien des Antilles françaises ! 8
Les terres rares, un enjeu géopolitique9
Le Maroc en route vers les énergies
renouvelables14
La fusion nucléaire, une alternative
pour répondre aux défis futurs ? 16
Biocarburant, solution pour
la mobilité durable ? 20
C o m m e n t T O TA L a n t i c i p e u n a v e n i r
sans pétrole ?  23
Afrique : un enjeu énergétique
« crucial » pour le monde27
3SOMMAIRE
La production électrique à partir du charbon baisse, un
maigre espoir ?
C
arbon Brief, site anglais
dédié à la thématique cli-
matique, a publié le 25
novembre dernier un article sur
la production électrique mon-
diale des centrales à charbon
pour l’année 2019, et bonne nou-
velle, la tendance est (enfin) à
la baisse selon leurs prévisions !
Malgré l’installation de nou-
velles capacités dans de nombreux pays, Chine en tête, l’analyse publiée prévoit une diminu-
tion globale de 3%. L’origine de cette chute provient de l’Union Européenne, de la Corée du
Sud et des États-Unis. Ce dernier pays a notamment arrêté une centrale de capacité 2,2 GW au
cours du mois de novembre.
Les projets de centrales au charbon ayant de moins en moins la cote, il est envisageable
d’espérer que cette tendance dure. En effet, de nombreux acteurs de la finance se désenga-
gent progressivement des énergies fossiles afin de verdir leur portefeuille. Axa a notamment
annoncé il y a quelques jours une sortie définitive du charbon d’ici 2040, ce qui a été chaleu-
reusement relayé par certaines ONG environnementales.
Il est néanmoins nécessaire de constater les efforts restant à faire. Dans le Word Energy
Outlook 2019, l’AIE a présenté trois scénarii d’évolution du système énergétique. Le scénario
Sustainable Development basé sur l’Accord de Paris requiert une diminution de 6% par an de
la production des centrales à charbon d’ici 2040. Ainsi, l’évolution constatée en 2019 est une
petite victoire, mais il sera impératif de faire au moins deux fois mieux pour ne pas dépasser
un réchauffement de 1,5 °C.
Actualités Décembre 2019
Arthur OBRY et Emmanuel GASSE MUñOZ
Carbon Bref, BP Statistical Review of World Energy
I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9
4 ACTUALITÉS DÉCEMBRE 2019
Le Parlement Européen déclare l’état d’urgence climatique
quelques jours avant la présentation du Green Deal
Q
uelques jours avant le lance-
ment de la COP25 à Madrid, les
députés européens ont voté une
résolution décrétant l’état d’urgence
climatique en Europe, ce qui est une
première pour un continent. Certains
pays comme la France ou le Royaume-
Uni l’avaient déjà mis en place sur
leur territoire national quelques mois
auparavant.
Bien que non contraignante, cette décision du parlement confirme la volonté de redoubler
d’efforts pour « limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C et éviter une perte massive de
la biodiversité ». Cependant, ces belles déclarations ne doivent pas cacher la réalité envi-
ronnementale et méritent d’être suivies par des actions concrètes. Comme l’a déclaré Karima
Delli, députée européenne EELV et Présidente de la Commission Transports et Tourisme au par-
lement, « déclarer l’urgence climatique, ce n’est pas raccommoder le système, ce n’est pas
trois éoliennes sur une centrale à charbon ». Elle propose notamment de réformer la Politique
Agricole Commune, mettre en place une taxe sur le kérosène1
ou désinvestir dans les éner-
gies fossiles.
Le Green Deal promis par Ursula Von Der Leyen, présidente de la Commission Européenne, sera-
t-il à la hauteur des espoirs de nombreux citoyens ? Ce plan vert doit permettre à l’Europe
d’atteindre la neutralité carbone en 2050 et sera présenté à Madrid lors de la COP25.
1	 Une Initiative Citoyenne Européenne a d’ailleurs été lancée récemment pour supprimer
l’exonération fiscale du kérosène : https://eci.ec.europa.eu/008/public/#/initiative
Source: Wikipedia
I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9
5ACTUALITÉS DÉCEMBRE 2019
La COP : rendez-vous annuel, international et incontournable
pour sa 25ème édition
L
a 25ème édition de la « Conference Of the
Parties » a débuté le lundi 2 décembre au sein
de la capitale espagnole, avec une allocution
d’ouverture d’Antonio Guterres [1], particulière-
ment percutante invitant l’ensemble de l’audience
à réfléchir à son propre comportement et à mettre
chaque personne face à ses responsabilités :
« Le monde est à un “tournant” et d’ici la fin de la prochaine décennie, nous serons sur un de
ces deux chemins. L’un est le chemin de la capitulation, où nous aurons dépassé comme des
somnambules le point de non-retour, mettant en danger la santé et la sécurité de tous les habi-
tants de cette planète. L’autre option est le chemin de l’espoir. Un chemin de résolution et de
solutions durables. Un chemin dans lequel les énergies fossiles restent là où elles devraient
être, dans le sol, et où nous parviendrons à la neutralité carbone d’ici 2050 ».
En effet, l’alarme sonnée par le secrétaire général de l’ONU est plus que légitime lorsque l’on
constate les informations et chiffres préoccupants affichés dans plusieurs rapports de scien-
tifiques et d’ONG. [3]. M. Chirac l’aurait répété : « Notre maison brûle et nous regardons ail-
leurs ». Chaque année on observe des records de chaleur, « avec le mois de juillet 2019 con-
sidéré comme le plus chaud de l’histoire ». Même avec le maintien des efforts actuels, notre
planète bleue devrait voir une augmentation de la température d’au moins +3°C d’ici la fin du
siècle (par rapport à l’ère préindustrielle). Les catastrophes se multiplient : les instabilités cli-
matiques du Sud Est de la France, les incendies ravageurs en Sibérie ou « l’engloutissement »
de la belle Venise. La terre et ses habitants suffoquent : nouveau record d’émissions de gaz
carbonique avec une augmentation moyenne annuelle de +1,5 % au cours de ces dix dernières
années. Les îles subissent l’élévation du niveau des océans, en partie expliquée par la fonte
des calottes glaciaires. Egalement, les experts en biodiversité de l’ONU font le constat atter-
rant d’une réelle menace d’extinction de plus d’un million d’espèces animales et végétales, et
ce, dans les dix prochaines années. [2]
Bien des citoyens sont conscients du désordre environnemental que ressentent déjà pléthore
d’êtres vivants. Face à cela, des dizaines de milliers de personnes ont défilé ce vendredi 6
décembre à Madrid, sous l’égérie de Greta Thunberg arrivée le matin même depuis Lisbonne
alors qu’elle avait réalisé le voyage transatlantique depuis les Etats-Unis à bord d’un catama-
ran. [ 4]
I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9
6 ACTUALITÉS DÉCEMBRE 2019
Les messages affichés sur les banderoles et écriteaux suivent le même ton que celui initié lors
de l’ouverture de cette COP25 : « Sans planète, il n’y a pas d’avenir », « Nous nous battons
pour la vie », « Il n’y a pas de planète B ».
Les attentes relatives à l’issue de cet évènement sont nombreuses et pesantes face à l’urgence
de la situation et de la pression démographique telle qu’elle a été démontrée dans les rues
de la capitale espagnole. Les objectifs doivent être de taille afin de répondre à de tels enjeux.
Plusieurs thématiques et sujets phares devront être traités: renforcement des contributions
nationales pour des Parties afin de réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serres
de 45 % en 2030 par rapport à 2010 ; augmentation des aides aux pays en développement les
plus touchés par cette crise climatique en participant davantage au Fonds Vert ; régulation et
encadrement plus stricts des marchés du carbone. Enfin, l’accent sera mis sur la protection
des océans suite au dernier rapport du GIEC traitant de la thématique.
Les attentes comme les enjeux sont de
taille et ces derniers nécessitent d’être
pris à bras le corps afin d’espérer une
planète vivable pour les générations
futures. Les résultats seront-ils à la
hauteur des espérances ?
N’attendons plus, et saisissons la
chance que nous avons de pouvoir con-
tribuer à la survie de votre espèce !
Vendredi 6 décembre 2019.
Bernat Armangue / AP. Le Monde
[1]	 « Ouverture de la COP25 : le monde doit
choisir entre « espoir » et « capitulation », avertit
Antonio Guterres », Connaissance des Énergies,
02-déc-2019.
[2]	 « Climat : un constat alarmant et une urgence
à agir, alors que la COP25 s’ouvre à Madrid »,
Connaissance des Énergies, 02-déc-2019.
[3]	 « “Notre maison brûle” : retour sur le discours
choc de Jacques Chirac en 2002 », 26-sept-2019.
[4]	 « A Madrid, une marche pour le climat pour
mettre la COP25 sous pression ».
[5]	 « Fiche de Presse COP 25 en 5 Questions »,
Ministère de la Transition écologique et solidaire.
[6]	 « COP25 à Madrid : le contexte, les objectifs,
les enjeux », Toute l’Europe.eu.
[7]	 « COP25 : quels sont ses trois principaux
enjeux ? », France 24, 02-déc-2019.
Source:
I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9
7ACTUALITÉS DÉCEMBRE 2019
Ouverture au financement participatif pour le plus grand
parc éolien des Antilles françaises !
L
e 8 décembre dernier, la plate-
forme Lendosphere a ouvert une
campagne de financement partic-
ipatif pour le parc éolien de Sainte-
Rose, situé dans le nord de Basse-
Terre en Guadeloupe. Celle-ci est
ouverte à tous les français à concur-
rence de 250 000 euros et à tous les
Guadeloupéens jusqu’à un montant
total de 500 000 euros pour un projet
ayant nécessité un investissement de
cinquante millions d’euros. Les prê-
teurs peuvent investir « à partir de
50 euros, pour une durée de 5 ans, avec des échéances de remboursement trimestrielles ».
Ce parc est la propriété de la société Sainte-Rose Energies ayant pour actionnaires : l’opérateur
français et indépendant en énergies vertes VALOREM, la Banque des Territoires (Groupe Caisse des
Dépôts) et la SEML Guadeloupe EnR. Il est constitué de huit éoliennes d’une puissance unitaire de
2 MW et a commencé à injecter de l’électricité sur le réseau local en novembre 2018. Sa produc-
tion électrique attendue à 33 GWh, représente la consommation annuelle d’environ 17 000 foyers.
Les installations locales présentent la particularité de posséder un système de stockage de
5,3  MWh assuré par des batteries lithium-ion permettant d’améliorer la gestion de l’offre-
demande en électricité sur le réseau local. Les éoliennes sont équipées d’un dispositif anticy-
clonique leur permettant de rester alimentées et de continuer à orienter leur pales et nacelle
lors de l’apparition de vents violents.
Ce projet, prévue dans la PPE 2018, a permis d’augmenter de 10 % la production d’électricité d’origine
renouvelable sur l’île et s’inscrit dans un objectif ambitieux d’autonomie énergétique d’ici 2030.
Le parc éolien de Sainte-Rose sur les sites de Bellevue
et L’Espérance. ©Valorem
[1]	 « Une campagne de financement partici-
patif pour le parc éolien hybride de Sainte-Rose |
Valorem ».
[2]	 « Lendosphere : crowdfunding et transition
énergétique ».
[3]	 « Guadeloupe : le parc éolien de Sainte-
Rose s’ouvre au financement participatif »,
Connaissance des Énergies, 06-déc-2019.
Source:
I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9
8 ACTUALITÉS DÉCEMBRE 2019
Les terres rares, un enjeu géopolitique
d e t a i l l e d a n s l e s t r a n s i t i o n s é n e r g é t i q u e s e t
numériques !
L
es transitions énergétiques et numériques
ainsi que les coûts associés sont au cœur
de l’actualité. Pourtant, on s’intéresse
un peu moins aux ressources qui seront
nécessaires à cette transition et aux contraintes
d’approvisionnement associées au développement
des filières d’énergies renouvelables ou de
stockage. Cet article présente l’impact des terres
rares sur la demande en nouvelles technologies
et les enjeux géopolitiques qui en découlent.
Une introduction aux terres rares
Les terres rares désignent 17 métaux qui
apparaissent dans le tableau de Mendeleïev. Ces
métaux regroupent le scandium, l’yttrium et 15
lanthanides dont le numéro atomique est compris
entre 57 et 71. Les terres rares ne suscitaient que
très peu d’intérêt jusqu’au milieu des années
90, où leur utilisation est devenue inévitable,
notamment dans les nouvelles technologies.
En 50 ans, leur production a été multipliée
par 8 et la demande ne cesse d’augmenter. En
2018 le marché représentait environ 7 milliards
de dollars, mais la valeur équivalente à leur
utilisation est estimée à 7  000 milliards de
dollars, soit 10% de l’économie mondiale.
Contrairement à ce que leur nom indique, ces
métaux ne sont pas rares. Ils sont mélangés dans
l’écorce terrestre aux métaux les plus abondants
mais de façon très dispersée. Certaines terres
rares sont 200 fois plus abondantes que l’or et
tout autant que le cuivre et le zinc [1]. C’est la
difficulté à les extraire en concentration élevée
et à trouver une rentabilité économique qui en
fait leur rareté. L’exemple de Rajive Ganguli
(professeur en génie minier) est très parlant [2]:
« l’extraction de terres rares revient à séparer
plusieurs nuances de gris. Il est facile de séparer
le noir et le blanc. Mais comment séparer 5% de
noir et 6% de noir ? »
En plus d’être économiquement peu viable, les
procédés d’extraction sont très polluants. Pour
isoler chaque terre rare, des produits chimiques
comme des acides sulfuriques et nitriques sont
utilisés en grandes quantités ce qui impacte
les sols et les réserves d’eau. De plus, certains
sols où se trouvent les terres rares contiennent
du thorium ou de l’uranium. La radioactivité
se retrouve elle aussi dans les cours d’eau et
détruit des villages [3].
Alors pourquoi autant d’engouement pour ces
métaux qui suscitent tant d’intérêt  ? Ils sont
impliqués dans les processus de production
et de fabrication de nombreux dispositifs
technologiques tels que [4]:
•	 La fabrication d’aimants permanents, qui
représente 20 à 23 % en tonnage des usages
et près de 53 % de la valeur totale du marché
des terres rares.
•	 Les poudres de polissage représentent près de
15 % du volume total du marché mais moins
de 5 % en valeur, du fait qu›elles utilisent
I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9
9LES TERRES RARES, UN ENJEU GÉOPOLITIQUE
surtout les éléments les moins chers.
•	 La catalyse du craquage des pétroles lourds
consomme environ 13 %.
•	 Les alliages métallurgiques autres que ceux
pour batteries NiMH (accumulateur nickel-
hydrure métallique) comptent pour 11 % des
quantités consommées.
Répartition des terres rares par application (SourceGM)
Enjeux et tensions
D’un point de vue de la transition énergétique
et numérique, les terres rares vont avoir un
impact majeur. Elles sont qualifiées de « cocaïne
de l’économie  » par le journaliste Guillaume
Erner dans sa matinale autour des énergies
renouvelables en 2018.
Celles-ci comme le néodyme, le dysprosium ou le
praséodyme sont utilisées pour la construction
des aimants d’éoliennes. Une éolienne de 3 MW
peut contenir jusqu’à 2700 kilogrammes de
terres rares [5]. Les voitures électriques en
consomment de grandes quantités. Par exemple,
la batterie de la Toyota Prius contient environ
10 kg de Lanthane. Nos téléphones portables,
tablettes ou encore télévisions en utilisent
aussi, notamment pour les écrans. Elles sont
également utilisées dans les technologies
de l’armement. Ces utilisations en font des
ressources stratégiques dans la politique des
pays producteurs et consommateurs.
Afin de mieux comprendre les enjeux et les
tensions autour de ces métaux, il faut se
pencher sur les réserves mondiales et leurs
répartitions.
Les pays qui détiennent les plus grandes
réserves de terres rares sont la Chine, le Brésil,
les USA, l’Inde, l’Australie, la Malaisie, la Russie
et le Vietnam. Cependant, il existe de grandes
incertitudes sur les données publiées car,
outre les gisements qui n’ont pas encore été
découverts et exploités, les états entretiennent
une certaine opacité autour de ces ressources
stratégiques.
Les USA étaient le premier producteur jusque
dans les années 80 avec la mine de Mountain Pass
en Californie. Celle-ci a été fermée en 2002 en
raison d’importants dégâts environnementaux et
de la perte de compétitivité des prix des métaux
par rapport à la Chine [6]. Cette dernière a une
position de quasi-monopole depuis les années
2000 qui peut s’expliquer par une stratégie
I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9
10 LES TERRES RARES, UN ENJEU GÉOPOLITIQUE
industrielle soutenue par l’Etat [7]. Dans les
années 90, la Chine a commencé à exploiter la
mine de Bayan Obo, en Mongolie inférieure, et
à proposer des prix très compétitifs, défiant la
concurrence américaine, tout en répondant à
la demande mondiale. Et ce, grâce à une main
d’œuvre à bas coûts et un piètre intérêt pour
les conditions sociales et environnementales.
En parallèle, le Parti Communiste Chinois
(PCC) a développé une politique industrielle
en vue de favoriser l’extraction, la séparation
et le raffinage de ces métaux. Enfin, après
avoir établi sa domination dans la production,
la Chine a imposé des quotas et des taxes
aux pays importateurs. Les faibles prix et
l’expertise développée sur ces métaux ont
permis à la Chine d’attirer des investisseurs
étrangers. Ainsi, les entreprises japonaises,
dépendant de l’importation de terres rares,
ont transféré une partie de leur production en
Chine. Les terres rares encore extraites aux USA
y sont exportées afin d’être séparées, traitées
et raffinées. La Chine se retrouve aujourd’hui
comme le premier producteur et exportateur de
terre rares avec 80% de la production mondiale,
mais aussi paradoxalement, comme le premier
importateur [8].
Cette situation de monopole depuis le début
des années 2000 a créé des tensions sur le
marché. En 2012, les USA,
le Japon et l’Europe ont
porté plainte contre les
r e s t r i c t i o n s i m p o s é e s
par la Chine (quotas et
prix plancher) auprès de
l’Organisation Mondiale
du Commerce (OMC) qui
leur a donnée raison en
mars 2014 [9]. A la suite
de cet évènement, la Chine
a annoncé la suppression
des quotas.
Un autre évènement qui
d é m o n t r e l e s e n j e u x
géopolitiques des terres
rares a eu lieu en 2010.
Un bateau de pêche chinois a percuté le bateau
de garde-côtes japonais. L’équipage chinois
a été arrêté et mis en prison. A l’issue de
cet incident, Tokyo a accusé Pékin d’avoir
stoppé l’exportation de terres rares, touchant
particulièrement les entreprises de hautes
technologies nippones.
D e r n i e r é v è n e m e n t e n d a t e , l a g u e r r e
économique que se livre les USA et la Chine
suite à l’affaire Huawei a failli déboucher sur
une interdiction d’exportation de terres rares
de la part de Pékin [10].
Afin de réduire leur dépendance à la Chine,
les états occidentaux cherchent à réduire leurs
évolution mondiale de la consommation et de la production de terres rares
(Source : IMCOA)
I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9
11LES TERRES RARES, UN ENJEU GÉOPOLITIQUE
importations et à trouver d’autres sources de
production depuis quelques années. Certaines
mines ont été rouvertes comme celle de
Mountain Pass en Californie en 2012. La mine
de Mount Weld a été ouverte en Australie
en 2011. L’Afrique sera aussi présente sur
le marché des terres rares dans les années
à venir. De nombreux projets menés par les
occidentaux sont en cours sur le continent
africain comme la mine de Gakara, ouverte en
2017 au Burundi [11].
Plus surprenant, deux territoires pourraient
être au cœur des intérêts futurs : le Groenland
et la Corée du Nord. Le Groenland serait le
territoire détenant la 2ème
plus grande réserve
et pourrait fournir 25% de la demande mondiale
pendant 50 ans [12]. En plus des terres rares,
les ressources de l’île sont considérables : fer,
zinc, or, uranium, pétrole et réserves d’eau
douce. Le président américain l’a très bien
compris et son désir d’acheter le territoire
autonome (rattaché au Danemark) n’a rien de
stupéfiant.
L a Corée du Nord est un pays qu i e st
rarement placé sur l’échiquier des échanges
internationaux. Pourtant, Il semblerait que le
pays détienne les plus importantes réserves de
terres rares. En effet, la société privée Nord-
Coréenne SRE Minerals a annoncé en 2013 la
découverte de ce qui pourrait être le plus
grand gisement d’éléments de terres rares au
monde [13]. Le site concentrerait le double des
réserves mondiale connues. Cependant, aux
vues des sanctions économiques auxquelles
est soumise la Corée du Nord, rien ne semble
p o u v o i r d é b l o q u e r l ’ e x p l o i t a t i o n d e c e s
minerais. En effet, la Corée du Nord n’a pas les
technologies et les techniques pour transformer
ces métaux et n’a économiquement aucun
intérêt à exploiter cette mine si elle ne peut
pas vendre sa production à l’international. Ce
sujet a probablement été évoqué entre Donald
Trump et Kim Jong-un lors de leur deuxième
rencontre début 2019 à Hanoï [14]. Il faudra
peut-être s’attendre à une levée des sanctions
économiques de la Corée du Nord dans les
années à venir.
L’Europe s’inquiète aussi de la suprématie
chinoise sur le marché des terres rares. Le
European Rare Earth Competency Network
(ERECON) a publié un rapport en 2015 sur le
renforcement de l’approvisionnement de ces
métaux en Europe. Ce rapport propose six
axes de développement [15]. Parmi les plus
importants, on retrouve le développement de
la RD autour de l’extraction et du traitement
des terres rares, l’accroissement de la sécurité
d’approvisionnement avec une coopération des
industriels et des gouvernements, ainsi que la
création d’un observatoire européen sur les
matériaux critiques.
Enfin, il peut être intéressant de se pencher sur
le recyclage de ces métaux. Malheureusement
les terres rares sont difficilement substituables,
ou alors au détriment de la qualité et des
performances. Un téléphone contient en
moyenne 0,5 gramme de terres rares disséminés
dans toute la structure. Les procédés de
séparation et de recyclage sont très complexes
et peu rentables  : au total, 1% des terres
rares sont recyclées et réutilisées. Le Japon
est le pays le plus avancé dans sa filière de
recyclage puisqu’il s’est lancé depuis 2012
dans le recyclage des éléments déjà présents
dans les déchets électroménagers. L’entreprise
Hitachi a développé une solution qui lui permet
de recycler jusqu’à 4 kilogrammes d’aimants
par jour. Cependant, cette activité n’est pas
I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9
12 LES TERRES RARES, UN ENJEU GÉOPOLITIQUE
rentable en raison des coûts bas des terres
rares [16].
Finalement, les terres rares sont des ressources
stratégiques de premier plan qui interviennent
dans les procédés de fabrication de hautes
technologies, utilisées dans les transitions
énergétiques et numériques. Cette demande
ne va cesser de croître et les pays occidentaux
vont devoir placer habilement leurs pions pour
diminuer leur dépendance à la Chine.
Côme GENDRON
1
H
Hydrogen
1.008
2
He
Helium
4.002602
3
Li
Lithium
6.94
4
Be
Beryllium
9.0121831
10
Ne
Neon
20.1797
5
B
Boron
10.81
6
C
Carbon
12.011
7
N
Nitrogen
14.007
8
O
Oxygen
15.999
9
F
Fluorine
18.998403163
11
Na
Sodium
22.98976928
12
Mg
Magnesium
24.305
18
Ar
Argon
39.948
13
Al
Aluminium
26.9815385
14
Si
Silicon
28.085
15
P
Phosphorus
30.973761998
16
S
Sulfur
32.06
17
Cl
Chlorine
35.45
19
K
Potassium
39.0983
20
Ca
Calcium
40.078
36
Kr
Krypton
83.798
21
Sc
Scandium
44.955908
22
Ti
Titanium
47.867
23
V
Vanadium
50.9415
24
Cr
Chromium
51.9961
25
Mn
Manganese
54.938044
26
Fe
Iron
55.845
27
Co
Cobalt
58.933194
28
Ni
Nickel
58.6934
29
Cu
Copper
63.546
30
Zn
Zinc
65.38
31
Ga
Gallium
69.723
32
Ge
Germanium
72.630
33
As
Arsenic
74.921595
34
Se
Selenium
78.971
35
Br
Bromine
79.904
37
Rb
Rubidium
85.4678
38
Sr
Stron�um
87.62
54
Xe
Xenon
131.293
39
Y
Y�rium
88.90584
40
Zr
Zirconium
91.224
41
Nb
Niobium
92.90637
42
Mo
Molybdenum
95.95
43
Tc
Techne�um
98
44
Ru
Ruthenium
101.07
45
Rh
Rhodium
102.90550
46
Pd
Palladium
106.42
47
Ag
Silver
107.8682
48
Cd
Cadmium
112.414
49
In
Indium
114.818
50
Sn
Tin
118.710
51
Sb
An�mony
121.760
52
Te
Tellurium
127.60
53
I
Iodine
126.90447
55
Cs
Caesium
132.90545196
56
Ba
Barium
137.327
86
Rn
Radon
222
57
71
72
Hf
Hafnium
178.49
73
Ta
Tantalum
180.94788
74
W
Tungsten
183.84
75
Re
Rhenium
186.207
76
Os
Osmium
190.23
77
Ir
Iridium
192.217
78
Pt
Pla�num
195.084
79
Au
Gold
196.966569
80
Hg
Mercury
200.592
81
Tl
Thallium
204.38
82
Pb
Lead
207.2
83
Bi
Bismuth
208.98040
84
Po
Polonium
209
85
At
Asta�ne
210
87
Fr
Francium
223
88
Ra
Radium
226
118
Uuo
Ununoc�um
294
104
Rf
Rutherfordium
267
105
Db
Dubnium
268
106
Sg
Seaborgium
269
107
Bh
Bohrium
270
108
Hs
Hassium
269
109
Mt
Meitnerium
278
110
Ds
Darmstad�um
281
111
Rg
Roentgenium
281
112
Cn
Copernicium
285
113
Uut
Ununtrium
286
114
Fl
Flerovium
289
115
Uup
Ununpen�um
289
116
Lv
Livermorium
293
117
Uus
Ununsep�um
294
57
La
Lanthanum
138.90547
58
Ce
Cerium
140.116
59
Pr
Praseodymium
140.90766
60
Nd
Neodymium
144.242
61
Pm
Promethium
145
62
Sm
Samarium
150.36
63
Eu
Europium
151.964
64
Gd
Gadolinium
157.25
65
Tb
Terbium
158.92535
66
Dy
Dysprosium
162.500
67
Ho
Holmium
164.93033
68
Er
Erbium
167.259
69
Tm
Thulium
168.93422
70
Yb
Y�erbium
173.054
71
Lu
Lute�um
174.9668
89
Ac
Ac�nium
227
90
Th
Thorium
232.0377
91
Pa
Protac�nium
231.03588
92
U
Uranium
238.02891
93
Np
Neptunium
237
94
Pu
Plutonium
244
95
Am
Americium
243
96
Cm
Curium
247
97
Bk
Berkelium
247
98
Cf
Californium
251
99
Es
Einsteinium
252
100
Fm
Fermium
257
101
Md
Mendelevium
258
102
No
Nobelium
259
103
Lr
Lawrencium
266
89
103
Lanthanide
Series
Ac�nide
Series
[1] Hobart M.King, « REE - Rare Earth Elements
and their Uses ».
[2] Le Monde, Votre smartphone contient des cail-
loux qui menacent la planète.
[3] Le Monde, « En Chine, les terres rares tuent
des villages ».
[4] BRGM, « Panorama 2014 du marché des terres
rares ».
[5] Contrpoints, « Éoliennes, Terres rares et dés-
astre environnemental : une vérité qui dérange ».
[6] Arte, Le dessous des cartes - Terres rares.
[7] The National Bureau of ASIAN Research, «
China’s Control of Rare Earth Metals ».
[8] USINE NOUVELLE, « La Chine, premier importa-
teur de terres rares en 2018 ».
[9] Les Echos, « Terres rares : l’Europe, les Etats-
Unis et le Japon bataillent contre la Chine ».
[10] Capital, « GUERRE COMMERCIALE : LA CHINE
POURRAIT FERMER LE ROBINET DES TERRES RARES
POUR PORTER UN COUP AUX ETATS-UNIS ».
[11] Agence Ecofin, « Terres rares : l’Afrique peut
devenir la principale alternative à la domination
chinoise ».
[12] Technique de l’ingénieur, « Terres rares : le
Groenland est à acheter ».
[13] Mining.com, « FLASHBACK: Largest known rare
earth deposit discovered in North Korea ».
[14] Le Monde, « Pourquoi le rapprochement entre
Donald Trump et Kim jong-un a marqué le pas ».
[15] ERECON, « STRENGTHENING THE EUROPEAN RARE
EARTHS SUPPLY-CHAIN ».
[16] Ministère de l’Economie et des Finances, «
Recyclage des terres rares au Japon : le potentiel
des mines urbaines ».
Sources:
I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9
13LES TERRES RARES, UN ENJEU GÉOPOLITIQUE
Le Maroc en route vers les énergies
renouvelables
Le Maroc s’est donné pour objectif que 52% de
sa production d’électricité soit issue des éner-
gies renouvelables à l’horizon 2030. Pour aller
au bout de ses ambitions, un premier projet a
été mis en place : le projet Noor Ouarzazate.
Entrée en service en février 2016, la centrale
Noor Ouarzazate est la 7e centrale au niveau
mondial. Elle permet de stocker de l’énergie
jusqu’à 3h après le coucher du soleil.
Cette centrale utilise l’énergie solaire pour
produire une puissance de 582 Mégawatt.
Mais de quelle façon ? Avec deux phénomènes
distincts : le photovoltaïque qui permet
d’obtenir une puissance de 72MW et le CSP
(Concentrated Solar Power (Centrale Solaire
Thermodynamique)). Le CSP, ici, se décline en
2 technologies : le CSP avec tour (150 MW)
et le CSP avec capteurs cylindro-parabolique
(360 MW). Le premier, est constitué d’une série
de miroirs qui renvoient les rayons du soleil
dans un foyer (en haut de la tour) permet-
tant de chauffer l’eau. Lorsque cette dernière
s’évapore, elle fait tourner des turbines ce qui
produit de l’électricité.
Le second présente un processus analogue au
précédent, à la différence que l’eau se situe
dans un tube suivant l’axe du cylindre réflé-
chisseur au lieu d’être au cœur de la tour.
Pour atteindre son objectif, le Maroc lance un
deuxième projet similaire à celui-ci, mais de plus
grande envergure. Noor Midelt souhaite atteindre
une puissance finale de 1600 MW dont 600 MW
proviendraient du CSP et 1000 MW du photovolta-
ïque (PV). Le projet est réalisé en deux phases.
La première consiste en l’installation d’une puis-
sance de 825 MW (300 de CSP et 525 de PV) qui
serait mise en service en 2022. Noor Midelt aurait
une capacité supplémentaire de stockage de 2h
par rapport à celle de Noor Ouarzazate, avec 5h
d’approvisionnement après le coucher du soleil.
On peut se demander qui prend en charge la
construction de cette centrale et avec quels
moyens financiers.
Centrale solaire à concentration à Fuentès dans le sud de
l’Espagne. (©MARCELO DEL POZO / X90017)
Centrale Solaire Thermique Cylindro-Parabolique Noor I
de Ouarzazate ©Climate fund
I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9
14 LE MAROC EN ROUTE VERS LES ÉNERGIES RENOUVELABLES
L’Agence marocaine pour l’énergie solaire
(Moroccan Agency For Solar Energy - MASEN) a
lancé un appel d’offre qui a été remporté par
un consortium mené par EDF Renouvelables en
mai 2019.
Le coût de ce projet est de 1,86 milliard
d’euros qui a été financé par de nombreuses
banques de divers pays. Le plus gros inves-
tisseur est la banque allemande KfW avec
761 millions d’euros. La Banque européenne
d’investissement, la Banque africaine de dével-
oppement, l’Agence française de développe-
ment et la Banque mondiale ont également par-
ticipé au financement de ce projet.
La 2e phase de ce projet qui permettra
d’atteindre les objectifs de Noor Midelt aura
le même coût et sera mise en service quelques
années après.
C’est un défi de taille que s’est lancé ici le
Maroc, puisqu’en 2017, selon l’AIE (Agence
Internationale de l’énergie), 90% de l’énergie
primaire provenait d’énergies fossiles (62% du
pétrole, 21,7% Charbon, 5% Gaz naturel).
Le Maroc témoigne d’une grande motivation
dans sa transition énergétique par la mise en
place de projets d’envergure. Mais sera-t-il véri-
tablement en mesure de gagner en indépen-
dance vis-à-vis des énergies fossiles ? Sera-t-il
capable de gérer toutes les difficultés posées
par l’intermittence des énergies renouvelables ?
C o n s o m m a t i o n d ’ é n e r g i e p r i m a i r e a u M a r o c e n 2 0 1 7
(©Connaissance des Énergies, d’après AIE)
Tarek FAKOUDI
[1] Caractéristiques de la centrale Midelt I,
L’Agence marocaine pour l’énergie solaire
(Moroccan Agency For Solar Energy - MASEN)
[2] Note de conjoncture énergétique Décembre
2018, du Ministère de l’énergie et du développe-
ment Durable du Royaume du Maroc
[3] Energy Policies Beyond IEA Countries: Morocco
2019 (Summary)
[4] Article de Mélissa Pétrucci sur le site ‘Les
smart-grids’
Sources:
I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9
15LE MAROC EN ROUTE VERS LES ÉNERGIES RENOUVELABLES
La fusion nucléaire, une alternative
pour répondre aux défis futurs ?
L
es enjeux énergétiques et environnemen-
taux sont au cœur des débats politiques et
donnent naissance à des lois et des coo-
pérations entre différents pays pour arbitrer et
piloter les objectifs nationaux et internationaux
en matière d’énergie et d’environnement. Dans
un contexte où l’heure est à l’efficacité éner-
gétique, à l’autosuffisance énergétique et aux
énergies renouvelables décarbonées, la produc-
tion d’une énergie propre, durable et capable
de répondre aux besoins mondiaux représente
un enjeu majeur.
Conscients de ces défis, plusieurs pays se sont
réunis autour d’un projet très ambitieux qui
permettrait de répondre aux besoins énergé-
tiques futurs à l’échelle mondiale. Il s’agit
du projet ITER (International Thermonuclear
Experimental Reactor), né en 2006 à la suite
de différentes tentatives pour contrôler la réac-
tion de fusion nucléaire.
Pour saisir les enjeux liés à cette technologie
de pointe, il faut avant tout comprendre les
défis techniques sous-jacents, et revenir sur
l’histoire de la fusion.
La fusion nucléaire, à l’inverse de la fission,
est une réaction entre deux atomes de noyaux
légers fusibles pour donner un atome plus lourd.
A titre d’exemple, la réaction de deux isotopes
de l’hydrogène, le tritium (3
H) et le deutérium
(2
H), génère un atome d’hélium (4
He) et un
neutron :
n + 14.1 MeV
He + 3.5 MeV4
H3H2
Schéma de la fusion entre le deutérium et le tritium
(Source : Wikimedia Commons)
Cette réaction libère un rayonnement très
énergétique : la réaction de 3g de tritium et 2g
de deutérium permettrait de récupérer environ
4400 MWh.
Le principal défi pour maîtriser cette source
d’énergie réside dans les conditions de sa réal-
isation : la fusion nucléaire ne se produit que
sous des conditions de température et de pres-
sion extrêmes, qui ne sont réalisées dans la
nature qu’au centre des étoiles.
Dans l’industrie, cette réaction est souvent asso-
ciée à un usage militaire qui a été son premier
emploi avec l’avènement des armes thermonu-
cléaires (bombes H) pendant la guerre froide.
Mais depuis les années 80 les scientifiques se
sont questionnés sur la possibilité d’une réac-
tion contrôlée à destination de la production
d’électricité civile, avec une question centrale
: comment faire techniquement pour avoir, sur
I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9
16 LA FUSION NUCLÉAIRE, UNE ALTERNATIVE POUR RÉPONDRE AUX DÉFIS FUTURS ?
Terre, la source d’énergie du Soleil ?
Face à ce défi de taille, la technologie la plus
prometteuse retenue pour réaliser les condi-
tions de la fusion est le tokamak, inventé par
Igor Tamm et Andreï Sakharov dans les années
50. Il s’agit d’un tore, (on compare souvent
sa forme à celle d’un beignet), dans lequel un
plasma peut être confiné et élevé à la tempéra-
ture de 100 millions de Kelvin (pour donner un
ordre de grandeur, il s’agit de 10 fois la tem-
pérature du centre du Soleil). Comme aucun
matériau existant ne peut supporter de telles
températures, le plasma est maintenu en lévi-
tation dans le tore grâce à la technique du
confinement magnétique. Le principe simplifié
est le suivant : le plasma est composé d’ions
en mouvement, qui ressentent la force de
Lorentz en présence d’un champ magnétique
. Cette force a pour particular-
ité de s’appliquer dans un plan orthogonal à la
direction du champ magnétique, de sorte que
les particules aient un mouvement circulaire
autour des lignes de champ. De ce fait, les
particules chargées se retrouvent confinées en
rotation autour de ces lignes de champ, comme
l’illustre le schéma suivant :
Movement des particules chargées
(Source: http://www.nucleaire-info.com)
L’intérêt d’utiliser un tore paraît alors tout
naturel : le réacteur étant circulaire, les lignes
de champs peuvent être fermées sur elles-
mêmes et le plasma est ainsi piégé.
Pour que la réaction se produise, le plasma
(constitué en majorité de deutérium) est enrichi
en tritium, puis ionisé par rayonnement LASER
et accéléré dans le tokamak, ce qui le chauffe
par effet Joule jusqu’à atteindre une tempéra-
ture propice à la fusion. Le rayonnement de la
réaction de fusion vient chauffer les surfaces
du réacteur (constituées en majeure partie de
tungstène, qui a un point de fusion très élevé
à 3 422 °C), au niveau desquelles l’énergie peut
être récupérée par des caloporteurs classiques.
L’arrivée à maturation de cette technologie
pourrait avoir de nombreux avantages, notam-
ment en matière d’alternative énergétique aux
énergies fossiles :
•	 Le fonctionnement d’un tokamak ne rejette
pas de gaz à effet de serre.
•	 Il faut très peu de réactifs pour produire de
grandes quantités d’énergie.
•	 Le deutérium est présent en abondance sur
Terre, le tritium ne se trouve presque pas à
l’état naturel, mais se synthétise par irra-
diation du lithium qui lui est présent dans
la croûte terrestre en grande quantité.
•	 L’élément radioactif, le tritium, est inoffen-
sif (si non ingéré ou inhalé) et a une demi-
vie d’environ 12 ans, ce qui limite les prob-
lèmes de gestions des déchets à long terme.
•	 Il n’y a pas de risque d’incident nucléaire,
puisque la perte d’intégrité du réacteur signifi-
erait l’arrêt immédiat de la réaction de fusion.
I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9
17LA FUSION NUCLÉAIRE, UNE ALTERNATIVE POUR RÉPONDRE AUX DÉFIS FUTURS ?
Cependant, de nombreux obstacles tech-
n o l o g i q u e s e t é c o n o m i q u e s r e t a r d e n t
l’utilisation industrielle de ce procédé :
•	 Les conditions de température et de
quasi vide du réacteur, une fois créées,
doivent être maintenues et le système
doit rester fermé, ce qui pose le prob-
lème d’approvisionnement en réactifs et
d’évacuation des déchets.
•	 Le tritium reste couteux à produire, c’est
pourquoi d’autres méthodes comme le bom-
bardement de neutrons d’atomes de lithium
sont à l’étude.
•	 Le confinement magnétique n’est pas
parfait et certaines particules diffusent
jusqu’aux parois ce qui, à terme, endom-
mage le réacteur. De plus, des phénomènes
d’instabilité du plasma, ou d’éruptions
(en référence aux éruptions solaires) sont
aujourd’hui peu maîtrisés et menacent
l’intégrité des réacteurs.
•	 Réaliser les conditions de la fusion nuclé-
aire est très énergivore. En effet, créer le
plasma nécessite un champ magnétique de
grande intensité et donc des bobines supra-
conductrices aux courants très élevés. De
plus, la taille du plasma dépend de la taille
du réacteur, il faut donc un grand réacteur
pour espérer récupérer assez d’énergie
par fusion. Ces deux aspects induisent des
investissements lourds en recherche et
développement.
Ces questions sont étudiées depuis les années
80 et ont abouti à la création de plusieurs toka-
maks à travers le monde pour étudier le com-
portement des plasmas. Longtemps limitée
par le poids des investissements liés à la con-
struction de ces réacteurs, la recherche dans le
domaine connait aujourd’hui un nouvel essor.
Le projet ITER a permis l’association de 37 pays
(dont la Chine, les pays de l’Union européenne,
l’Inde, le Japon, la Corée, la Russie et les États-
Unis) et la capitalisation des connaissances et
du savoir-faire acquis au fil des années.
En 1997, avec le tokamak JET (Joint European
Torus), on observe pour la première fois une
pointe de puissance à 15 MW et un rendement
énergétique de 0,65 pour un réacteur de fusion
nucléaire. Le rendement étant fonction de la
taille du réacteur, le but du projet ITER, basé
à Saint-Paul-lez-Durance dans les Bouches-
du-Rhône, est de créer un tokamak plus gros
avec un volume de 830 m3
. Cela permettra de
produire une puissance de 500MW (sur des
périodes de 400 à 600 secondes) à partir d’un
apport externe de 50 MW, soit un rendement
théorique de 10. Ce projet constitue donc une
rupture technologique majeure et un tremplin
vers l’avènement d’une nouvelle génération de
centrales : les centrales de fusion électrogènes.
Cependant, outre les difficultés techniques
liées au confinement magnétique du plasma et
aux températures élevées atteintes à l’intérieur
du tokamak, le projet devra faire face aux défis
d’organisation du chantier et de gestion de la
logistique. En effet, l’approvisionnement en
matériaux, leur conditionnement et leur stock-
age est un point important pour la réussite
économique et technique du projet. Compte
tenu de sa durée (2006 - 2035), le chantier
devra surmonter les contraintes de montage et
d’assemblage du tokamak liées à la compati-
bilité des équipements et l’effet d’une durée
de stockage importante par rapport à la durée
de vie des pièces.
I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9
18 LA FUSION NUCLÉAIRE, UNE ALTERNATIVE POUR RÉPONDRE AUX DÉFIS FUTURS ?
Même si le projet ITER se veut être une avancée
considérable dans le domaine de la fusion
nucléaire et de l’énergie en général, il s’étend
jusqu’en 2035, date relativement tardive par
rapport aux grandes décisions et orientations
énergétiques internationales. Les équipes en
charge du projet prévoient la fin de la phase
d’assemblage ainsi que le début des tests inté-
grés pour 2025, et la mise en exploitation et
la production du premier plasma est prévue
pour décembre de cette même année. Ce sera
l’occasion d’une part, de tester des années de
travaux scientifiques et opérationnels réalisés
jusque-là, d’autre part, de préparer le lance-
ment de l’opération de fusion en deutérium-
tritium prévu en 2035.
Le projet ITER a pour but de montrer qu’il est
possible de récupérer de l’énergie utile de la
réaction de fusion. Ce prototype n’a pas de
finalité industrielle et n’est donc pas dédié à
la production d’électricité. La mise en place
d’un tel réacteur sera le but du projet Demo
(DEMOnstration Power Plant), son succes-
seur, qui est d’ores et déjà en réflexion. Ce
projet sera conduit au Japon et devrait per-
mettre de générer une puissance de 1500 MW
avec un rendement de 25, ce qui est consi-
déré comme l’objectif à atteindre pour le début
de la production industrielle. Néanmoins, la
maturité de ce projet n’est pas prévue avant
2050, ce qui exclut la fusion nucléaire des alter-
natives crédibles pour répondre aux objectifs
énergétiques et environnementaux actuels fixés
par la communauté internationale.
S’il est indéniable que la réussite d’un tel projet
représenterait une aubaine pour la communauté
internationale et en particulier pour les acteurs
du secteur énergétique et industriel, il n’en
demeure pas moins que son financement con-
stitue une variable importante dans l’équation
énergétique et environnementale.
Le financement de ITER est supporté par
l’ensemble des pays impliqués dans le projet.
Les investissements se présentent sous la forme
de biens matériels ou de liquidité. Les biens
matériels sont essentiellement des matériaux,
des équipements et la logistique nécessaire à
la réalisation du chantier. L’analyse financière
du projet réalisée en décembre 2017, fixe un
coût actualisé du projet à 3 349 Millions d’euro.
Ce coût inclut les opérations de préparation du
site, de construction du tokamak ainsi que la
main-d’œuvre et la logistique. Ci-dessous une
répartition des coûts entre les différents pays
membres selon le moyen de financement :
Source : 2017 ITER Financial Report
I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9
19LA FUSION NUCLÉAIRE, UNE ALTERNATIVE POUR RÉPONDRE AUX DÉFIS FUTURS ?
Les efforts et lourds investissement témoignent
de l’intérêt que portent les différents pays
membre de l’organisation ITER à la réalisation
de ce projet. Les attentes sont fortes et les
enjeux de taille. En tout état de cause, toute
révolution scientifique ou industrielle passe
par une étape d’investissement et de sacrifice.
Concernant ITER, l’avenir nous dira si le sacri-
fice réalisé était opportun.
Habib OUATTARA et Victor MAQUART
[1]	 Futura, « Fusion nucléaire : le CEA et le
Japon préparent l’après-Iter », Futura. [En ligne].
Disponible sur: https://www.futura-sciences.com/
sciences/actualites/physique-fusion-nucleaire-
cea-japon-preparent-apres-iter-10020/.
[2]	 « ITER - une énergie pour notre avenir »,
ITER. [En ligne]. Disponible sur: http://www.iter.
org/accueil.
[3]	 « 2017 FINANCIAL REPORT » ITER. [En
ligne]. Disponible sur: https://www.iter.
org/doc/www/content/com/Lists/list_items/
Attachments/792/2017_ITER_Financial_Report.pdf
Sources:
Biocarburants, solution pour la
mobilité durable ?
A
ctuellement, le mix énergétique est
principalement constitué d’énergies fos-
siles, fortement dominé par le pétrole.
Or, l’une des principales composantes du
réchauffement climatique sont les gaz issus de
la combustion des carburants fossiles. Aussi,
afin de réduire l’empreinte carbone du secteur
des transports (terrestre, maritime et aérien),
qui a lui seul représente un quart des émis-
sions, les pays se sont tournés vers la produc-
tion de carburants verts. La mobilité verte se
présente comme une alternative efficace pour
lutter contre le réchauffement climatique et les
biocarburants comme une solution très prom-
etteuse, concernant le secteur des transports.
Dans ce contexte, la part des biocarburants
au niveau mondial a triplé entre 1973 et 2016,
passant de 2% à 6% [1] (figure 1).
évolution de la part des biocarburants entre
1973 et 2016 [1]
I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9
20 BIOCARBURANTS, SOLUTION POUR LA MOBILITÉ DURABLE ?
La production des biocarburants est dérivée
de la valorisation énergétique de différents
types de biomasse, on distingue donc les bio-
carburants de 1ère génération issus de la bio-
masse 1G (majoritairement des produits agri-
coles comestibles issus de la culture), les bio-
carburants de 2ème génération produits via
la biomasse 2G (biomasse lignocellulosique,
par exemple, le bois et les huiles végétales)
et enfin les biocarburants de 3ème généra-
tion issus de biomasse 3G (biomasse marine,
par exemple, les micro et macro algues). On
s’intéressera ici aux technologies de production
de biocarburants 2G et 3G, dans la mesure où la
biomasse 1G est très controversée puisqu’elle
engendre des questions de sécurité alimentaire.
Le degré de maturité de ces technologies
est évalué selon l’échelle TRL1
(Technology
Readiness Level ) qui présente 9 niveaux.
On remarque que la production du substitut
au gazole (biodiesel) est dans un niveau de
commercialisation à grande échelle, via la
maturité du process de transestérification qui
vise à produire du biodiesel à partir des huiles
1	 Le TRL est un indicateur utilisé pour classifier la
maturité des différentes technologies. On distingue entre le
stade de la RD appliquée, projet pilote, commercialisation bas
échelle et commercialisation à grand échelle.
végétales ou alimentaires. On constate aussi
que la production de biocarburants via la bio-
masse 3G est toujours en voie embryonnaire
de recherche et développement.
Cette filière en pleine émergence pourra‑t‑elle
concurrencer un jour le pétrole ?
Jusqu’à présent, le prix de vente des biocar-
burants 2 et 3G reste relativement élevé par
rapport à celui du pétrole. Les surcoûts sont
principalement dus à la disponibilité de la
matière première ainsi qu’à la taille des instal-
lations de production de biocarburant. Par con-
séquent, le taux de rendement interne de tels
projets reste très faible, ce qui freine le dével-
oppement de cette filière qui doit bénéficier de
subventions publiques pour être compétitive.
Prix des substituts au gazole et à l’essence [2]
TRL pour les technologies de production de biocarburant 2G et 3G Source: MS OSE
I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9
21BIOCARBURANTS, SOLUTION POUR LA MOBILITÉ DURABLE ?
En comparant les prix des biocarburants (figure
ci-dessus) avec celui de la tonne de pétrole
(aujourd’hui à 7,94 US$ [3]), on remarque que
les prix de production des biocarburants restent
relativement élevés et nécessitent par con-
séquent l’appui des politiques et financements
publics pour pouvoir concurrencer les produits
pétroliers. Cependant, les deux marchés ne
sont pas comparables car ils n’ont pas la même
taille et ne sont pas structurés de la même
façon : le marché du pétrole est un marché
mondial parfaitement mature alors que celui
des biocarburants est plus local et directement
lié aux contraintes règlementaires de chaque
pays. Ce que l’on peut néanmoins retenir est
que dans l’absolu, les prix des biocarburants
restent très élevés.
Si en 2014, la France se positionnait comme
premier incorporateur de biocarburants en
Europe avec 2,7 Mtep de carburant vert intégré
dans le marché des produits pétroliers, ce n’est
plus le cas en 2017. En effet, la Finlande et
la Suède procèdent respectivement à 18,8%
et 38,6% d’incorporation d’énergie depuis
des sources renouvelables dans le secteur du
transport, et ce, grâce aux politiques volonta-
ristes menées par ces pays. Cela leur a permis
d’atteindre prématurément les objectifs 2020
de la directive ENR. [2]
On peut conclure que la compétitivité de cette
voie de production de carburant vert est liée à
l’aptitude du secteur de la mobilité à suivre la
courbe d’apprentissage industriel. En d’autres
termes cette compétitivité sera atteinte si l’Etat
encourage les industriels à prendre le risque
d’investir dans cette filière, via des subven-
tions et autres types d’aides.
Mehdi OUCHIBOU
[1]	A. P. Saravanan, T. Mathimani, G. Deviram,
K. Rajendran, et A. Pugazhendhi, « Biofuel policy
in India: A review of policy barriers in sustain-
able marketing of biofuel », Journal of Cleaner
Production, vol. 193, p. 734‑747, août 2018.
[2]	 « Tableau de bord biocarburants
2019 | IFPEN ». [En ligne]. Disponible sur:
https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/article/
tableau-bord-biocarburants-2019.
[3]	 « Prix du baril - Le cours officiel du
pétrole ». [En ligne]. Disponible sur: https://prix-
dubaril.com/.
Sources:
I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9
22 BIOCARBURANTS, SOLUTION POUR LA MOBILITÉ DURABLE ?
Comment TOTAL anticipe un avenir
sans pétrole ?
A
u lendemain des accords de Paris sur
le climat, les grands groupes pétroliers
mondiaux dont TOTAL ont été appelés
à réduire fortement leur production au cours
des 20 prochaines années afin de respecter les
accords de la Cop 21.
Le pétrole, pointé du doigt comme source
d’émission de gaz à effet de serre est amené
à sortir petit à petit du système énergétique
mondial afin de tendre vers une économie
décarbonée. Face à ce qu’on pourrait percev-
oir comme une « menace » pour ce que l’on
appelle couramment l’or noir, les géants du
secteur ont entamé des actions visant à antici-
per sa fin prochaine en se plaçant sur d’autres
marchés.
Dans cet article, nous allons nous intéresser au
groupe français TOTAL, 4ème compagnie pétro-
lière mondiale et à sa stratégie d’adaptation,
ou dirait-on d’anticipation face aux enjeux des
nouveaux modes de production énergétique,
dans une économie qui se veut de plus en plus
décarbonée.
Comment TOTAL prépare-
t-il un lendemain sans
pétrole ?
D a n s u n e i n t e r v i e w
accordée au journal Sud-
ouest éco en décembre 2016, Patrick Pouyanné
le PDG de TOTAL a affirmé que son groupe est
dans un processus d’adaptation au changement
qu’est en train de connaître le secteur éner-
gétique depuis les accords de Paris, et les
engagements forts pris par les états pour lutter
contre le réchauffement climatique. Il a affirmé
je cite « Même si nous resterons majoritaire-
ment pétroliers et gaziers dans les 30 pro-
chaines années, nous devons nous positionner
dès maintenant sur les énergies renouvelables
pour rester un grand de l’énergie ».
La couleur est ainsi annoncée par cette décla-
ration du PDG de TOTAL : le pétrole restera au
cœur de la création de richesse du groupe dans
les prochaines années, mais TOTAL compte bien
diversifier ses activités vers d’autres secteurs
et notamment celui des énergies renouvelables,
en anticipation d’une économie sans pétrole.
Cette ambition est affichée clairement sur le
site internet de l’entreprise avec le slogan «
Notre ambition : devenir le major de l’énergie
responsable ».
La compagnie pétrolière a intégré la limitation
Patrick Pouyanné [1]
Source: www. total.fr
I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9
23COMMENT TOTAL ANTICIPE UN AVENIR SANS PÉTROLE ?
du réchauffement climatique mondial à 2 °C
dans sa stratégie sur 20 ans selon l’annonce de
son site internet. Cet engagement s’est maté-
rialisé en 2015 par l’adoption du plan “One
TOTAL” visant à faire du groupe la major de
l’énergie responsable et porter à 20% la part
des renouvelables dans l’activité du groupe
d’ici à 2035 et donc s’aligner avec les objec-
tifs de l’AIE.
Figure : Mix énergétique adapté au scénario de l’augmentation de la température
en deça de 2°C proposé par l’Agence Internationale de l’Energie (AIE)
Concrètement, comment le groupe va-t-il s’y
prendre ?
Des investissements massifs dans les énergies
renouvelables
TOTAL, dans sa stratégie, semble miser sur le
long terme en rachetant de nombreuses entre-
prises. Le géant pétrolier français a official-
isé en mai 2016 le rachat de SAFT, une entre-
prise française spécialisée dans les batteries de
haute technologie pour l’industrie. Cette acqui-
sition en a surpris plus d’un au vu des activ-
ités de TOTAL. Patrick Pouyanné explique dans
l’interview à sud-ouest éco que l’acquisition de
SAFT s’inscrit au contraire pleinement dans la
stratégie à vingt ans de l’entreprise enclenchée
depuis 2011. Cette opération parait d’autant
plus cohérente lorsqu’on se rappelle le rachat
en 2011 de Sunpower, la deuxième entreprise
Américaine dans la production de panneaux
solaires. Depuis 2017, SunPower a recentré
ses activités sur deux segments : d’une part,
la conception, la fabrication et la vente à
l’international de cellules et panneaux solaires
à très haut rendement et, d’autre part, la vente
de systèmes photovoltaïques de plus en plus
souvent associés à du stockage. Le rachat de
SAFT s’inscrit donc dans une logique de stock-
age de l’énergie pour pouvoir la distribuer au
moment où le marché en a le plus besoin. Dans
cette perspective, la maîtrise du stockage de
l’énergie induite par les batteries représente
un avantage considérable. Le géant français va
plus loin et, à l’été 2016, TOTAL s’empare d’une
partie d’Eren (un développeur et producteur
I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9
24 COMMENT TOTAL ANTICIPE UN AVENIR SANS PÉTROLE ?
d’électricité à partir d’énergies renouvelables)
puis de Greenflex (une start-up de l’efficacité
énergétique).
Des acquisitions très couteuses dont l’intérêt
stratégique reste souvent très peu percepti-
ble dans l’immédiat. Spécialiste des batteries
industrielles de haute technologie, SAFT n’a,
par exemple, pas de savoir-faire particulier sur
le très convoité marché des batteries station-
naires. Quant à Greenflex, l’achat permet certes
à TOTAL de mettre un pied dans les technologies
d’efficacité énergétique, mais certains observa-
teurs s’interrogent sur la pertinence d’acheter
un acteur si petit.
En réalité, comme annoncé précédemment,
TOTAL semble faire des paris de long terme. Un
long terme pouvant coïncider avec une écono-
mie mondiale de moins en moins dépendante
du pétrole voire totalement indépendante de
celui-ci. En diversifiant ses activités sur dif-
férentes briques du marché de l’électricité et
des renouvelables, l’entreprise espère acquérir
une expertise, un savoir-faire et de la RD,
comme avec SAFT, qui est en train de dévelop-
per une nouvelle batterie de lithium-ion solide
en partenariat avec Solvay et Siemens.
Un positionnement en leader sur le marché de
l’électricité
Pour Patrick Pouyanné, la demande de demain
sera électrique. Suivant cette logique, TOTAL
a alors pris le parti d’intégrer toute la chaîne
de valeur électrique au sein de ses activités.
En 2016, TOTAL a racheté la branche française
du fournisseur d’électricité verte belge Lampiris
et marque officiellement son entrée dans le
secteur de l’électricité pour les particuliers.
Il sera ensuite rebaptisé TOTAL Spring en
2017. S’en est suivi le rachat en juillet 2018
de Direct Energie (à 74%) pour 1,4 milliard
d’euros. Direct Energie était le premier fournis-
seur d’électricité alternatif. Avant cette acqui-
sition, TOTAL ne comptait que 1,5 million de
clients dans l’électricité et le gaz avec une
capacité de production de 900  MW. Avec ce
rachat, TOTAL va donc récupérer les 2,6 mil-
lions de clients et les 1,3 GW (800  MW grâce
au gaz et 500  MW grâce au renouvelable) de
capacité que possédait Direct Energie. TOTAL
est donc passé directement à plus de 4 mil-
lions de clients en électricité et gaz ce qui le
place en tête des entreprises du secteur juste
derrière EDF et ENGIE et très loin devant les
autres concurrents.
Le d é v e l o p p e m e n t d u g a z p o u r c o m p e n s e r l a
baisse de la production pétrolière
TOTAL compte également mettre l’accent sur la
production de gaz, notamment de gaz naturel
liquéfié (GNL), la moins émissive des énergies
fossiles, pour compenser la baisse de la produc-
tion pétrolière. Cette stratégie reste très forte-
ment critiquée par les associations écologiques
car le gaz demeure une énergie fossile même si
cette dernière est moins émettrice de CO2 que
le pétrole. La constitution d’un portefeuille
de centrales à cycle combiné gaz en Europe
s’inscrit également dans la stratégie du groupe
de s’intégrer sur la chaîne de valeur du gaz
et de l’électricité, de la production à la com-
mercialisation. En France et Belgique, TOTAL
possède quatre centrales à cycle combiné au
gaz naturel (CCGT). La capacité installée globale
s’élève à 1,6 GW.
TOTAL détient également une participation
de 60% dans une cinquième CCGT de 0,4
I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9
25COMMENT TOTAL ANTICIPE UN AVENIR SANS PÉTROLE ?
GW, actuellement en projet à Landivisiau
(Finistère). En décembre 2018 le groupe a
signé un accord avec Energeticky a průmyslový
holding (EPH), une entreprise tchèque de pro-
duction et de distribution d’électricité. Sous
réserve de l’autorisation des autorités compé-
tentes, cette acquisition devrait apporter au
portefeuille de TOTAL deux centrales à gaz sup-
plémentaires (0,8 GW) dès 2020.
Le groupe a investi en tout près de 6000 mil-
lions de dollars entre 2016 et 2018 dans sa
filière « Gas, RenewablesPowers ».
Investissements de Total dans le gaz naturel (Source : Total DDR 2018, page 68)
Le développement des biocarburants pour répon-
dre à la demande énergétique dans les transports
En effet, plus de 20 % des émissions mondiales
de CO2 sont imputables au secteur des trans-
ports. Les biocarburants, émettant au minimum
50 % de CO2 en moins que les carburants fos-
siles semblent incontournables pour réduire
l’empreinte environnementale de ce secteur. La
biomasse constitue aujourd’hui la seule alter-
native renouvelable aux ressources fossiles
pour produire des carburants liquides, dont
dépendent encore largement les transports.
De nombreuses législations poussent et cadrent
le développement des biocarburants. En Europe
par exemple, la part d’énergie renouvelable
dans les transports devra être de 14 % en 2030.
Le groupe s’est donc lancé dans les deux princi-
pales voies de conversion de la biomasse à savoir
la thermochimie permettant de transformer
la biomasse en un large choix de molécules,
sous l’action combinée de la pression, de la
température et souvent d’un catalyseur ; puis
les biotechnologies, qui utilisent des micro-
organismes, comme les levures, les bactéries
ou les microalgues, capables de convertir des
matières végétales mais aussi directement du
carbone minéral (CO/CO2) en molécules cibles.
En 20 ans, TOTAL est devenu l’un des premiers
producteurs d’ETBE, ou éthyle tertio-butyle éther,
incorporable dans les essences, ainsi que d’HVO,
huile végétale hydrotraitée, pour les gazoles.
Aujourd’hui premier distributeur de biocarburants
en Europe avec plus de 2,4 millions de tonnes
de biocarburants incorporés dans les essences
et gazoles en 2018, le groupe s’est fixé comme
objectif d’être le leader sur les marchés des bio-
carburants durables.
Dans cette logique, Le groupe a investi en 2015
plus de 275 millions d’euros pour transformer
la raffinerie de Mède (Bouches du Rhône), l’une
de ses plus grandes raffineries de pétrole brut
en bioraffinerie. Ouverte en juillet 2019, cette
bioraffinerie a une capacité de production de
I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9
26 COMMENT TOTAL ANTICIPE UN AVENIR SANS PÉTROLE ?
500.000 tonnes de biocarburants de type HVO
par an.
Les technologies de développement des biocar-
burants étant toutes récentes, le groupe inves-
tit d’après son site officiel plus de 500 millions
d’euro par an dans la recherche et développe-
ment sur ce sujet.
Lionel MOSSOA
[1]	 « A la une - Sud Ouest.fr », SudOuest.fr.
[2]	 Total, « Quel mix énergétique à horizon
2035 ? », Total.com
[3]	 Total, , « DOCUMENT DE RÉFÉRENCE 2018 »,
p. 444, 2018.
Toutes les données chiffrées sont tirées du ddr
2018 publié par TOTAL.
Source:
Afrique : un enjeu énergétique
« crucial » pour le monde
Africa Energy Outlook 2019
L
’énergie est un enjeu fondamental pour le
continent africain dans les années à venir.
Actuellement, plus de 600 millions de per-
sonnes n’ont toujours pas accès à l’électricité
et près de 900 millions n’ont pas accès à des
moyens pour cuisiner. Selon les projections
démographiques, le continent africain devien-
dra en 2023 la région la plus peuplée au monde
en dépassant l’Inde et la Chine, et en 2040 sa
population devrait augmenter de 800 millions
de personnes. Cela entraînera des besoins en
énergie de plus en plus importants dans tous
les secteurs.
D’après l’Agence Internationale de l’énergie (AIE),
malgré le progrès que connaissent plusieurs pays
en Afrique, les efforts actuels ne permettent pas
d’assurer l’électrification -surtout rurale- de la
région la plus pauvre en électricité dans le monde,
si on considère la croissance démographique.
Aussi, l’augmentation du nombre d’événements de
forte chaleur dans les années à venir va induire
des besoins colossaux pour la climatisation.
L’AIE a également évoqué une possibilité
d’augmentation de la demande en pétrole de 3,1
millions de barils par jour d’ici 2040, justifiée
principalement par des besoins liés à la cuisson
et à la mobilité.
Avec les progrès technologiques et la bonne
exploitation des ressources, l’Afrique a une
I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9
27AFRIQUE : UN ENJEU ÉNERGÉTIQUE « CRUCIAL » POUR LE MONDE
vraie opportunité pour bâtir son développe-
ment grâce aux énergies renouvelables et au
gaz : un scénario fait par L’AIE a montré qu’à
l’horizon 2040, on pourrait multiplier par quatre
son PIB avec seulement 50% d’énergie de plus,
conduit par un mix de sources d’énergie mod-
ernes et efficientes, à savoir le gaz naturel et
les renouvelables. Ces derniers permettront
d’assurer plus de la moitié des besoins en élec-
tricité, et le photovoltaïque solaire deviendrait
la deuxième source de production d’électricité
après le gaz.
Par rapport aux autres continents, l’Afrique est
un contributeur mineur en termes de change-
ment climatique, c’est-à-dire responsable d’une
petite portion (2%) des émissions mondiales
de CO2, une proportion qui ne devrait pas
dépasser 4,3% d’ici 2040. Par contre, le conti-
nent souffre beaucoup des impacts du change-
ment climatique, ce qui souligne l’importance
d’une infrastructure résiliente vis-à-vis du
climat dans le futur.
Avec la croissance démographique, l’urbanisation
et l’industrialisation, l’Afrique pèse de plus en
plus lourd sur les tendances énergétiques, mais
seulement 4% des investissements mondiaux en
matière d’électricité sont concentrés en Afrique
alors que la population africaine représente
17% de la population mondiale. Atteindre les
objectifs énergétiques nécessiterait la multi-
plication par quatre de l’investissement actuel
dans le secteur, selon l’AIE, soit 120 milliards
de dollars par an à l’horizon 2040. La majeure
partie de cet argent serait mobilisée pour les
solutions bas-carbone et les réseaux.
Il reste ainsi de gros défis pour l’Afrique, qui
souffre d’un déficit énergétique persistant. En
matière de politique, il est nécessaire d’avoir
des choix cohérents pour répondre à la régu-
lation et plus d’implication des pays sur la
manière de penser le problème énergétique du
continent dans son ensemble.
Pour en savoir plus sur l’actualité énergétique
de l’Afrique, une interview est prévue dans le
numéro de janvier avec Stéphanie BOUCKAERT,
analyste sénior à l’AIE. Restez branchés !
 Younès BAGHDAD
Afrique : Plus de 2 milliards de personnes à l’horizon de 2040 | © AIE
I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9
28 AFRIQUE : UN ENJEU ÉNERGÉTIQUE « CRUCIAL » POUR LE MONDE
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OSE 2019
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Un mix 100% énergies renouvelables est-il réalisable et
soutenable ?
Jeudi 24 Septembre 2020 à Sophia Antipolis (06)
L’ambition de territoires 100 % renouvelable est analysée à travers un prisme apportant une
multitude de conclusions. Malgré les actions entamées ces dernières décennies, la marge de
manœuvre est de plus en plus restreinte pour transformer cet objectif en réalité. A défaut, il
pourrait bien virer au cauchemar.
Si vous êtes un organisme concerné par cet enjeu, saisissez l’opportunité d’apporter votre
contribution au 20 eme congrès OSE. Nous comptons sur votre participation et votre concours
au financement.
Vous pouvez nous contacter à l’adresse mail suivante : evenement@mastere-ose.fr.
I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9
29DEVENEZ PARTENAIRE DE L’ÉVÉNEMENT OSE 2019

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  • 1. Mensuel sur l’énergie et l’environnement S Décembre 2019 N°148 Les terres rares un enjeu géopolitique page: 4 La fusion nucléaire une alternative pour répondre aux défis futurs? page: 10 Biocarburants solution pour la mobilité durable ? page: 13 Comment TOTAL anticipe un avenir sans pétrole ? page: 10
  • 2. Chers lecteurs, La fin de l’année approche et avec elle l’heure des bilans et un constat sans appel : les échéances climatiques se rap- prochent et la tension est montée d’un cran. En ce mois de décembre, les marches pour le climat se multiplient, réunissant des dizaines de milliers de personnes et emmenées par une jeunesse engagée, soucieuse de son avenir. Malgré cette forte mobilisation, la COP 25 s’est achevée sur un accord très en deçà des attentes et a montré au monde des pays plus que jamais divisés. Dans ce numéro, nous explorons plusieurs projets en faveur d’un mix énergétique décarbonné dans le but d’apporter des réponses concrètes aux enjeux climatiques à venir. Ainsi, nous verrons dans un premier article comment TOTAL, connu pour ses activités polluantes, se diversifie pour s’imposer comme un nouveau leader des énergies propres. Les pays d’Afrique seront aussi à l’honneur : face au risque de subir de plein fouet les impacts d’une hausse des tempéra- tures, l’heure est à l’action. Nous évoquerons dans un premier temps la transition énergétique en Afrique puis nous verrons aussi comment, au Maroc, le pays aborde le tournant de l’énergie solaire avec un projet de centrale de grande ampleur. Nous traiterons aussi d’un projet titanesque aux ambitions tout aussi grandes : le projet ITER de maîtrise de la fusion nucléaire pour la production d’électricité décarbonnée, comme alternative aux énergies fossiles. Enfin, comme le stockage de l’électricité pour accompagner le développement des énergies renouvelables est un enjeu capital, nous nous attarderons sur les terres rares, métaux nécessaires à la fabrication des batteries, et les enjeux géo- politiques souvent méconnus qu’ils soulèvent. En espérant que 2020 soit placée sous le signe de l’action contre le réchauffement climatique, les rédacteurs en chef du mois de décembre (Axelle et moi-même) vous souhaitent une agréable lecture et de bonnes fêtes de fin d’année ! Victor MAQUART 2 EDITO Adresse e-mail infose@mastere-ose.fr TELEPHONE 04 97 15 70 73 ADRESSE Centre de Mathématiques Appliquées Mines Paristech Rue Claude Daunesse CS 10 207 06904 Sophia Antipolis Coordinatrice - Catherine Auguet-Chadaj Maquettiste - Saul Villamizar Toute reproduction, représentation, traduction ou adaptation, qu’elle soit intégrale ou partielle, quel qu’en soit le procèdé, le support ou le média, est strictement interdite sans l’autori- sation des auteurs sauf cas prévus par l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle. CONTACTS
  • 3. SOMMAIRE Actualités Décembre 20194 • La production électrique à partir du charbon baisse, un maigre espoir ? 4 • Le Parlement Européen déclare l’état d’urgence climatique quelques jours avant la présentation du Green Deal 5 • La COP : rendez-vous annuel, international et incontournable pour sa 25ème édition 6 • Ouverture au financement participatif pour le plus grand parc éolien des Antilles françaises ! 8 Les terres rares, un enjeu géopolitique9 Le Maroc en route vers les énergies renouvelables14 La fusion nucléaire, une alternative pour répondre aux défis futurs ? 16 Biocarburant, solution pour la mobilité durable ? 20 C o m m e n t T O TA L a n t i c i p e u n a v e n i r sans pétrole ? 23 Afrique : un enjeu énergétique « crucial » pour le monde27 3SOMMAIRE
  • 4. La production électrique à partir du charbon baisse, un maigre espoir ? C arbon Brief, site anglais dédié à la thématique cli- matique, a publié le 25 novembre dernier un article sur la production électrique mon- diale des centrales à charbon pour l’année 2019, et bonne nou- velle, la tendance est (enfin) à la baisse selon leurs prévisions ! Malgré l’installation de nou- velles capacités dans de nombreux pays, Chine en tête, l’analyse publiée prévoit une diminu- tion globale de 3%. L’origine de cette chute provient de l’Union Européenne, de la Corée du Sud et des États-Unis. Ce dernier pays a notamment arrêté une centrale de capacité 2,2 GW au cours du mois de novembre. Les projets de centrales au charbon ayant de moins en moins la cote, il est envisageable d’espérer que cette tendance dure. En effet, de nombreux acteurs de la finance se désenga- gent progressivement des énergies fossiles afin de verdir leur portefeuille. Axa a notamment annoncé il y a quelques jours une sortie définitive du charbon d’ici 2040, ce qui a été chaleu- reusement relayé par certaines ONG environnementales. Il est néanmoins nécessaire de constater les efforts restant à faire. Dans le Word Energy Outlook 2019, l’AIE a présenté trois scénarii d’évolution du système énergétique. Le scénario Sustainable Development basé sur l’Accord de Paris requiert une diminution de 6% par an de la production des centrales à charbon d’ici 2040. Ainsi, l’évolution constatée en 2019 est une petite victoire, mais il sera impératif de faire au moins deux fois mieux pour ne pas dépasser un réchauffement de 1,5 °C. Actualités Décembre 2019 Arthur OBRY et Emmanuel GASSE MUñOZ Carbon Bref, BP Statistical Review of World Energy I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9 4 ACTUALITÉS DÉCEMBRE 2019
  • 5. Le Parlement Européen déclare l’état d’urgence climatique quelques jours avant la présentation du Green Deal Q uelques jours avant le lance- ment de la COP25 à Madrid, les députés européens ont voté une résolution décrétant l’état d’urgence climatique en Europe, ce qui est une première pour un continent. Certains pays comme la France ou le Royaume- Uni l’avaient déjà mis en place sur leur territoire national quelques mois auparavant. Bien que non contraignante, cette décision du parlement confirme la volonté de redoubler d’efforts pour « limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C et éviter une perte massive de la biodiversité ». Cependant, ces belles déclarations ne doivent pas cacher la réalité envi- ronnementale et méritent d’être suivies par des actions concrètes. Comme l’a déclaré Karima Delli, députée européenne EELV et Présidente de la Commission Transports et Tourisme au par- lement, « déclarer l’urgence climatique, ce n’est pas raccommoder le système, ce n’est pas trois éoliennes sur une centrale à charbon ». Elle propose notamment de réformer la Politique Agricole Commune, mettre en place une taxe sur le kérosène1 ou désinvestir dans les éner- gies fossiles. Le Green Deal promis par Ursula Von Der Leyen, présidente de la Commission Européenne, sera- t-il à la hauteur des espoirs de nombreux citoyens ? Ce plan vert doit permettre à l’Europe d’atteindre la neutralité carbone en 2050 et sera présenté à Madrid lors de la COP25. 1 Une Initiative Citoyenne Européenne a d’ailleurs été lancée récemment pour supprimer l’exonération fiscale du kérosène : https://eci.ec.europa.eu/008/public/#/initiative Source: Wikipedia I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9 5ACTUALITÉS DÉCEMBRE 2019
  • 6. La COP : rendez-vous annuel, international et incontournable pour sa 25ème édition L a 25ème édition de la « Conference Of the Parties » a débuté le lundi 2 décembre au sein de la capitale espagnole, avec une allocution d’ouverture d’Antonio Guterres [1], particulière- ment percutante invitant l’ensemble de l’audience à réfléchir à son propre comportement et à mettre chaque personne face à ses responsabilités : « Le monde est à un “tournant” et d’ici la fin de la prochaine décennie, nous serons sur un de ces deux chemins. L’un est le chemin de la capitulation, où nous aurons dépassé comme des somnambules le point de non-retour, mettant en danger la santé et la sécurité de tous les habi- tants de cette planète. L’autre option est le chemin de l’espoir. Un chemin de résolution et de solutions durables. Un chemin dans lequel les énergies fossiles restent là où elles devraient être, dans le sol, et où nous parviendrons à la neutralité carbone d’ici 2050 ». En effet, l’alarme sonnée par le secrétaire général de l’ONU est plus que légitime lorsque l’on constate les informations et chiffres préoccupants affichés dans plusieurs rapports de scien- tifiques et d’ONG. [3]. M. Chirac l’aurait répété : « Notre maison brûle et nous regardons ail- leurs ». Chaque année on observe des records de chaleur, « avec le mois de juillet 2019 con- sidéré comme le plus chaud de l’histoire ». Même avec le maintien des efforts actuels, notre planète bleue devrait voir une augmentation de la température d’au moins +3°C d’ici la fin du siècle (par rapport à l’ère préindustrielle). Les catastrophes se multiplient : les instabilités cli- matiques du Sud Est de la France, les incendies ravageurs en Sibérie ou « l’engloutissement » de la belle Venise. La terre et ses habitants suffoquent : nouveau record d’émissions de gaz carbonique avec une augmentation moyenne annuelle de +1,5 % au cours de ces dix dernières années. Les îles subissent l’élévation du niveau des océans, en partie expliquée par la fonte des calottes glaciaires. Egalement, les experts en biodiversité de l’ONU font le constat atter- rant d’une réelle menace d’extinction de plus d’un million d’espèces animales et végétales, et ce, dans les dix prochaines années. [2] Bien des citoyens sont conscients du désordre environnemental que ressentent déjà pléthore d’êtres vivants. Face à cela, des dizaines de milliers de personnes ont défilé ce vendredi 6 décembre à Madrid, sous l’égérie de Greta Thunberg arrivée le matin même depuis Lisbonne alors qu’elle avait réalisé le voyage transatlantique depuis les Etats-Unis à bord d’un catama- ran. [ 4] I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9 6 ACTUALITÉS DÉCEMBRE 2019
  • 7. Les messages affichés sur les banderoles et écriteaux suivent le même ton que celui initié lors de l’ouverture de cette COP25 : « Sans planète, il n’y a pas d’avenir », « Nous nous battons pour la vie », « Il n’y a pas de planète B ». Les attentes relatives à l’issue de cet évènement sont nombreuses et pesantes face à l’urgence de la situation et de la pression démographique telle qu’elle a été démontrée dans les rues de la capitale espagnole. Les objectifs doivent être de taille afin de répondre à de tels enjeux. Plusieurs thématiques et sujets phares devront être traités: renforcement des contributions nationales pour des Parties afin de réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serres de 45 % en 2030 par rapport à 2010 ; augmentation des aides aux pays en développement les plus touchés par cette crise climatique en participant davantage au Fonds Vert ; régulation et encadrement plus stricts des marchés du carbone. Enfin, l’accent sera mis sur la protection des océans suite au dernier rapport du GIEC traitant de la thématique. Les attentes comme les enjeux sont de taille et ces derniers nécessitent d’être pris à bras le corps afin d’espérer une planète vivable pour les générations futures. Les résultats seront-ils à la hauteur des espérances ? N’attendons plus, et saisissons la chance que nous avons de pouvoir con- tribuer à la survie de votre espèce ! Vendredi 6 décembre 2019. Bernat Armangue / AP. Le Monde [1] « Ouverture de la COP25 : le monde doit choisir entre « espoir » et « capitulation », avertit Antonio Guterres », Connaissance des Énergies, 02-déc-2019. [2] « Climat : un constat alarmant et une urgence à agir, alors que la COP25 s’ouvre à Madrid », Connaissance des Énergies, 02-déc-2019. [3] « “Notre maison brûle” : retour sur le discours choc de Jacques Chirac en 2002 », 26-sept-2019. [4] « A Madrid, une marche pour le climat pour mettre la COP25 sous pression ». [5] « Fiche de Presse COP 25 en 5 Questions », Ministère de la Transition écologique et solidaire. [6] « COP25 à Madrid : le contexte, les objectifs, les enjeux », Toute l’Europe.eu. [7] « COP25 : quels sont ses trois principaux enjeux ? », France 24, 02-déc-2019. Source: I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9 7ACTUALITÉS DÉCEMBRE 2019
  • 8. Ouverture au financement participatif pour le plus grand parc éolien des Antilles françaises ! L e 8 décembre dernier, la plate- forme Lendosphere a ouvert une campagne de financement partic- ipatif pour le parc éolien de Sainte- Rose, situé dans le nord de Basse- Terre en Guadeloupe. Celle-ci est ouverte à tous les français à concur- rence de 250 000 euros et à tous les Guadeloupéens jusqu’à un montant total de 500 000 euros pour un projet ayant nécessité un investissement de cinquante millions d’euros. Les prê- teurs peuvent investir « à partir de 50 euros, pour une durée de 5 ans, avec des échéances de remboursement trimestrielles ». Ce parc est la propriété de la société Sainte-Rose Energies ayant pour actionnaires : l’opérateur français et indépendant en énergies vertes VALOREM, la Banque des Territoires (Groupe Caisse des Dépôts) et la SEML Guadeloupe EnR. Il est constitué de huit éoliennes d’une puissance unitaire de 2 MW et a commencé à injecter de l’électricité sur le réseau local en novembre 2018. Sa produc- tion électrique attendue à 33 GWh, représente la consommation annuelle d’environ 17 000 foyers. Les installations locales présentent la particularité de posséder un système de stockage de 5,3  MWh assuré par des batteries lithium-ion permettant d’améliorer la gestion de l’offre- demande en électricité sur le réseau local. Les éoliennes sont équipées d’un dispositif anticy- clonique leur permettant de rester alimentées et de continuer à orienter leur pales et nacelle lors de l’apparition de vents violents. Ce projet, prévue dans la PPE 2018, a permis d’augmenter de 10 % la production d’électricité d’origine renouvelable sur l’île et s’inscrit dans un objectif ambitieux d’autonomie énergétique d’ici 2030. Le parc éolien de Sainte-Rose sur les sites de Bellevue et L’Espérance. ©Valorem [1] « Une campagne de financement partici- patif pour le parc éolien hybride de Sainte-Rose | Valorem ». [2] « Lendosphere : crowdfunding et transition énergétique ». [3] « Guadeloupe : le parc éolien de Sainte- Rose s’ouvre au financement participatif », Connaissance des Énergies, 06-déc-2019. Source: I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9 8 ACTUALITÉS DÉCEMBRE 2019
  • 9. Les terres rares, un enjeu géopolitique d e t a i l l e d a n s l e s t r a n s i t i o n s é n e r g é t i q u e s e t numériques ! L es transitions énergétiques et numériques ainsi que les coûts associés sont au cœur de l’actualité. Pourtant, on s’intéresse un peu moins aux ressources qui seront nécessaires à cette transition et aux contraintes d’approvisionnement associées au développement des filières d’énergies renouvelables ou de stockage. Cet article présente l’impact des terres rares sur la demande en nouvelles technologies et les enjeux géopolitiques qui en découlent. Une introduction aux terres rares Les terres rares désignent 17 métaux qui apparaissent dans le tableau de Mendeleïev. Ces métaux regroupent le scandium, l’yttrium et 15 lanthanides dont le numéro atomique est compris entre 57 et 71. Les terres rares ne suscitaient que très peu d’intérêt jusqu’au milieu des années 90, où leur utilisation est devenue inévitable, notamment dans les nouvelles technologies. En 50 ans, leur production a été multipliée par 8 et la demande ne cesse d’augmenter. En 2018 le marché représentait environ 7 milliards de dollars, mais la valeur équivalente à leur utilisation est estimée à 7  000 milliards de dollars, soit 10% de l’économie mondiale. Contrairement à ce que leur nom indique, ces métaux ne sont pas rares. Ils sont mélangés dans l’écorce terrestre aux métaux les plus abondants mais de façon très dispersée. Certaines terres rares sont 200 fois plus abondantes que l’or et tout autant que le cuivre et le zinc [1]. C’est la difficulté à les extraire en concentration élevée et à trouver une rentabilité économique qui en fait leur rareté. L’exemple de Rajive Ganguli (professeur en génie minier) est très parlant [2]: « l’extraction de terres rares revient à séparer plusieurs nuances de gris. Il est facile de séparer le noir et le blanc. Mais comment séparer 5% de noir et 6% de noir ? » En plus d’être économiquement peu viable, les procédés d’extraction sont très polluants. Pour isoler chaque terre rare, des produits chimiques comme des acides sulfuriques et nitriques sont utilisés en grandes quantités ce qui impacte les sols et les réserves d’eau. De plus, certains sols où se trouvent les terres rares contiennent du thorium ou de l’uranium. La radioactivité se retrouve elle aussi dans les cours d’eau et détruit des villages [3]. Alors pourquoi autant d’engouement pour ces métaux qui suscitent tant d’intérêt  ? Ils sont impliqués dans les processus de production et de fabrication de nombreux dispositifs technologiques tels que [4]: • La fabrication d’aimants permanents, qui représente 20 à 23 % en tonnage des usages et près de 53 % de la valeur totale du marché des terres rares. • Les poudres de polissage représentent près de 15 % du volume total du marché mais moins de 5 % en valeur, du fait qu›elles utilisent I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9 9LES TERRES RARES, UN ENJEU GÉOPOLITIQUE
  • 10. surtout les éléments les moins chers. • La catalyse du craquage des pétroles lourds consomme environ 13 %. • Les alliages métallurgiques autres que ceux pour batteries NiMH (accumulateur nickel- hydrure métallique) comptent pour 11 % des quantités consommées. Répartition des terres rares par application (SourceGM) Enjeux et tensions D’un point de vue de la transition énergétique et numérique, les terres rares vont avoir un impact majeur. Elles sont qualifiées de « cocaïne de l’économie  » par le journaliste Guillaume Erner dans sa matinale autour des énergies renouvelables en 2018. Celles-ci comme le néodyme, le dysprosium ou le praséodyme sont utilisées pour la construction des aimants d’éoliennes. Une éolienne de 3 MW peut contenir jusqu’à 2700 kilogrammes de terres rares [5]. Les voitures électriques en consomment de grandes quantités. Par exemple, la batterie de la Toyota Prius contient environ 10 kg de Lanthane. Nos téléphones portables, tablettes ou encore télévisions en utilisent aussi, notamment pour les écrans. Elles sont également utilisées dans les technologies de l’armement. Ces utilisations en font des ressources stratégiques dans la politique des pays producteurs et consommateurs. Afin de mieux comprendre les enjeux et les tensions autour de ces métaux, il faut se pencher sur les réserves mondiales et leurs répartitions. Les pays qui détiennent les plus grandes réserves de terres rares sont la Chine, le Brésil, les USA, l’Inde, l’Australie, la Malaisie, la Russie et le Vietnam. Cependant, il existe de grandes incertitudes sur les données publiées car, outre les gisements qui n’ont pas encore été découverts et exploités, les états entretiennent une certaine opacité autour de ces ressources stratégiques. Les USA étaient le premier producteur jusque dans les années 80 avec la mine de Mountain Pass en Californie. Celle-ci a été fermée en 2002 en raison d’importants dégâts environnementaux et de la perte de compétitivité des prix des métaux par rapport à la Chine [6]. Cette dernière a une position de quasi-monopole depuis les années 2000 qui peut s’expliquer par une stratégie I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9 10 LES TERRES RARES, UN ENJEU GÉOPOLITIQUE
  • 11. industrielle soutenue par l’Etat [7]. Dans les années 90, la Chine a commencé à exploiter la mine de Bayan Obo, en Mongolie inférieure, et à proposer des prix très compétitifs, défiant la concurrence américaine, tout en répondant à la demande mondiale. Et ce, grâce à une main d’œuvre à bas coûts et un piètre intérêt pour les conditions sociales et environnementales. En parallèle, le Parti Communiste Chinois (PCC) a développé une politique industrielle en vue de favoriser l’extraction, la séparation et le raffinage de ces métaux. Enfin, après avoir établi sa domination dans la production, la Chine a imposé des quotas et des taxes aux pays importateurs. Les faibles prix et l’expertise développée sur ces métaux ont permis à la Chine d’attirer des investisseurs étrangers. Ainsi, les entreprises japonaises, dépendant de l’importation de terres rares, ont transféré une partie de leur production en Chine. Les terres rares encore extraites aux USA y sont exportées afin d’être séparées, traitées et raffinées. La Chine se retrouve aujourd’hui comme le premier producteur et exportateur de terre rares avec 80% de la production mondiale, mais aussi paradoxalement, comme le premier importateur [8]. Cette situation de monopole depuis le début des années 2000 a créé des tensions sur le marché. En 2012, les USA, le Japon et l’Europe ont porté plainte contre les r e s t r i c t i o n s i m p o s é e s par la Chine (quotas et prix plancher) auprès de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) qui leur a donnée raison en mars 2014 [9]. A la suite de cet évènement, la Chine a annoncé la suppression des quotas. Un autre évènement qui d é m o n t r e l e s e n j e u x géopolitiques des terres rares a eu lieu en 2010. Un bateau de pêche chinois a percuté le bateau de garde-côtes japonais. L’équipage chinois a été arrêté et mis en prison. A l’issue de cet incident, Tokyo a accusé Pékin d’avoir stoppé l’exportation de terres rares, touchant particulièrement les entreprises de hautes technologies nippones. D e r n i e r é v è n e m e n t e n d a t e , l a g u e r r e économique que se livre les USA et la Chine suite à l’affaire Huawei a failli déboucher sur une interdiction d’exportation de terres rares de la part de Pékin [10]. Afin de réduire leur dépendance à la Chine, les états occidentaux cherchent à réduire leurs évolution mondiale de la consommation et de la production de terres rares (Source : IMCOA) I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9 11LES TERRES RARES, UN ENJEU GÉOPOLITIQUE
  • 12. importations et à trouver d’autres sources de production depuis quelques années. Certaines mines ont été rouvertes comme celle de Mountain Pass en Californie en 2012. La mine de Mount Weld a été ouverte en Australie en 2011. L’Afrique sera aussi présente sur le marché des terres rares dans les années à venir. De nombreux projets menés par les occidentaux sont en cours sur le continent africain comme la mine de Gakara, ouverte en 2017 au Burundi [11]. Plus surprenant, deux territoires pourraient être au cœur des intérêts futurs : le Groenland et la Corée du Nord. Le Groenland serait le territoire détenant la 2ème plus grande réserve et pourrait fournir 25% de la demande mondiale pendant 50 ans [12]. En plus des terres rares, les ressources de l’île sont considérables : fer, zinc, or, uranium, pétrole et réserves d’eau douce. Le président américain l’a très bien compris et son désir d’acheter le territoire autonome (rattaché au Danemark) n’a rien de stupéfiant. L a Corée du Nord est un pays qu i e st rarement placé sur l’échiquier des échanges internationaux. Pourtant, Il semblerait que le pays détienne les plus importantes réserves de terres rares. En effet, la société privée Nord- Coréenne SRE Minerals a annoncé en 2013 la découverte de ce qui pourrait être le plus grand gisement d’éléments de terres rares au monde [13]. Le site concentrerait le double des réserves mondiale connues. Cependant, aux vues des sanctions économiques auxquelles est soumise la Corée du Nord, rien ne semble p o u v o i r d é b l o q u e r l ’ e x p l o i t a t i o n d e c e s minerais. En effet, la Corée du Nord n’a pas les technologies et les techniques pour transformer ces métaux et n’a économiquement aucun intérêt à exploiter cette mine si elle ne peut pas vendre sa production à l’international. Ce sujet a probablement été évoqué entre Donald Trump et Kim Jong-un lors de leur deuxième rencontre début 2019 à Hanoï [14]. Il faudra peut-être s’attendre à une levée des sanctions économiques de la Corée du Nord dans les années à venir. L’Europe s’inquiète aussi de la suprématie chinoise sur le marché des terres rares. Le European Rare Earth Competency Network (ERECON) a publié un rapport en 2015 sur le renforcement de l’approvisionnement de ces métaux en Europe. Ce rapport propose six axes de développement [15]. Parmi les plus importants, on retrouve le développement de la RD autour de l’extraction et du traitement des terres rares, l’accroissement de la sécurité d’approvisionnement avec une coopération des industriels et des gouvernements, ainsi que la création d’un observatoire européen sur les matériaux critiques. Enfin, il peut être intéressant de se pencher sur le recyclage de ces métaux. Malheureusement les terres rares sont difficilement substituables, ou alors au détriment de la qualité et des performances. Un téléphone contient en moyenne 0,5 gramme de terres rares disséminés dans toute la structure. Les procédés de séparation et de recyclage sont très complexes et peu rentables  : au total, 1% des terres rares sont recyclées et réutilisées. Le Japon est le pays le plus avancé dans sa filière de recyclage puisqu’il s’est lancé depuis 2012 dans le recyclage des éléments déjà présents dans les déchets électroménagers. L’entreprise Hitachi a développé une solution qui lui permet de recycler jusqu’à 4 kilogrammes d’aimants par jour. Cependant, cette activité n’est pas I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9 12 LES TERRES RARES, UN ENJEU GÉOPOLITIQUE
  • 13. rentable en raison des coûts bas des terres rares [16]. Finalement, les terres rares sont des ressources stratégiques de premier plan qui interviennent dans les procédés de fabrication de hautes technologies, utilisées dans les transitions énergétiques et numériques. Cette demande ne va cesser de croître et les pays occidentaux vont devoir placer habilement leurs pions pour diminuer leur dépendance à la Chine. Côme GENDRON 1 H Hydrogen 1.008 2 He Helium 4.002602 3 Li Lithium 6.94 4 Be Beryllium 9.0121831 10 Ne Neon 20.1797 5 B Boron 10.81 6 C Carbon 12.011 7 N Nitrogen 14.007 8 O Oxygen 15.999 9 F Fluorine 18.998403163 11 Na Sodium 22.98976928 12 Mg Magnesium 24.305 18 Ar Argon 39.948 13 Al Aluminium 26.9815385 14 Si Silicon 28.085 15 P Phosphorus 30.973761998 16 S Sulfur 32.06 17 Cl Chlorine 35.45 19 K Potassium 39.0983 20 Ca Calcium 40.078 36 Kr Krypton 83.798 21 Sc Scandium 44.955908 22 Ti Titanium 47.867 23 V Vanadium 50.9415 24 Cr Chromium 51.9961 25 Mn Manganese 54.938044 26 Fe Iron 55.845 27 Co Cobalt 58.933194 28 Ni Nickel 58.6934 29 Cu Copper 63.546 30 Zn Zinc 65.38 31 Ga Gallium 69.723 32 Ge Germanium 72.630 33 As Arsenic 74.921595 34 Se Selenium 78.971 35 Br Bromine 79.904 37 Rb Rubidium 85.4678 38 Sr Stron�um 87.62 54 Xe Xenon 131.293 39 Y Y�rium 88.90584 40 Zr Zirconium 91.224 41 Nb Niobium 92.90637 42 Mo Molybdenum 95.95 43 Tc Techne�um 98 44 Ru Ruthenium 101.07 45 Rh Rhodium 102.90550 46 Pd Palladium 106.42 47 Ag Silver 107.8682 48 Cd Cadmium 112.414 49 In Indium 114.818 50 Sn Tin 118.710 51 Sb An�mony 121.760 52 Te Tellurium 127.60 53 I Iodine 126.90447 55 Cs Caesium 132.90545196 56 Ba Barium 137.327 86 Rn Radon 222 57 71 72 Hf Hafnium 178.49 73 Ta Tantalum 180.94788 74 W Tungsten 183.84 75 Re Rhenium 186.207 76 Os Osmium 190.23 77 Ir Iridium 192.217 78 Pt Pla�num 195.084 79 Au Gold 196.966569 80 Hg Mercury 200.592 81 Tl Thallium 204.38 82 Pb Lead 207.2 83 Bi Bismuth 208.98040 84 Po Polonium 209 85 At Asta�ne 210 87 Fr Francium 223 88 Ra Radium 226 118 Uuo Ununoc�um 294 104 Rf Rutherfordium 267 105 Db Dubnium 268 106 Sg Seaborgium 269 107 Bh Bohrium 270 108 Hs Hassium 269 109 Mt Meitnerium 278 110 Ds Darmstad�um 281 111 Rg Roentgenium 281 112 Cn Copernicium 285 113 Uut Ununtrium 286 114 Fl Flerovium 289 115 Uup Ununpen�um 289 116 Lv Livermorium 293 117 Uus Ununsep�um 294 57 La Lanthanum 138.90547 58 Ce Cerium 140.116 59 Pr Praseodymium 140.90766 60 Nd Neodymium 144.242 61 Pm Promethium 145 62 Sm Samarium 150.36 63 Eu Europium 151.964 64 Gd Gadolinium 157.25 65 Tb Terbium 158.92535 66 Dy Dysprosium 162.500 67 Ho Holmium 164.93033 68 Er Erbium 167.259 69 Tm Thulium 168.93422 70 Yb Y�erbium 173.054 71 Lu Lute�um 174.9668 89 Ac Ac�nium 227 90 Th Thorium 232.0377 91 Pa Protac�nium 231.03588 92 U Uranium 238.02891 93 Np Neptunium 237 94 Pu Plutonium 244 95 Am Americium 243 96 Cm Curium 247 97 Bk Berkelium 247 98 Cf Californium 251 99 Es Einsteinium 252 100 Fm Fermium 257 101 Md Mendelevium 258 102 No Nobelium 259 103 Lr Lawrencium 266 89 103 Lanthanide Series Ac�nide Series [1] Hobart M.King, « REE - Rare Earth Elements and their Uses ». [2] Le Monde, Votre smartphone contient des cail- loux qui menacent la planète. [3] Le Monde, « En Chine, les terres rares tuent des villages ». [4] BRGM, « Panorama 2014 du marché des terres rares ». [5] Contrpoints, « Éoliennes, Terres rares et dés- astre environnemental : une vérité qui dérange ». [6] Arte, Le dessous des cartes - Terres rares. [7] The National Bureau of ASIAN Research, « China’s Control of Rare Earth Metals ». [8] USINE NOUVELLE, « La Chine, premier importa- teur de terres rares en 2018 ». [9] Les Echos, « Terres rares : l’Europe, les Etats- Unis et le Japon bataillent contre la Chine ». [10] Capital, « GUERRE COMMERCIALE : LA CHINE POURRAIT FERMER LE ROBINET DES TERRES RARES POUR PORTER UN COUP AUX ETATS-UNIS ». [11] Agence Ecofin, « Terres rares : l’Afrique peut devenir la principale alternative à la domination chinoise ». [12] Technique de l’ingénieur, « Terres rares : le Groenland est à acheter ». [13] Mining.com, « FLASHBACK: Largest known rare earth deposit discovered in North Korea ». [14] Le Monde, « Pourquoi le rapprochement entre Donald Trump et Kim jong-un a marqué le pas ». [15] ERECON, « STRENGTHENING THE EUROPEAN RARE EARTHS SUPPLY-CHAIN ». [16] Ministère de l’Economie et des Finances, « Recyclage des terres rares au Japon : le potentiel des mines urbaines ». Sources: I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9 13LES TERRES RARES, UN ENJEU GÉOPOLITIQUE
  • 14. Le Maroc en route vers les énergies renouvelables Le Maroc s’est donné pour objectif que 52% de sa production d’électricité soit issue des éner- gies renouvelables à l’horizon 2030. Pour aller au bout de ses ambitions, un premier projet a été mis en place : le projet Noor Ouarzazate. Entrée en service en février 2016, la centrale Noor Ouarzazate est la 7e centrale au niveau mondial. Elle permet de stocker de l’énergie jusqu’à 3h après le coucher du soleil. Cette centrale utilise l’énergie solaire pour produire une puissance de 582 Mégawatt. Mais de quelle façon ? Avec deux phénomènes distincts : le photovoltaïque qui permet d’obtenir une puissance de 72MW et le CSP (Concentrated Solar Power (Centrale Solaire Thermodynamique)). Le CSP, ici, se décline en 2 technologies : le CSP avec tour (150 MW) et le CSP avec capteurs cylindro-parabolique (360 MW). Le premier, est constitué d’une série de miroirs qui renvoient les rayons du soleil dans un foyer (en haut de la tour) permet- tant de chauffer l’eau. Lorsque cette dernière s’évapore, elle fait tourner des turbines ce qui produit de l’électricité. Le second présente un processus analogue au précédent, à la différence que l’eau se situe dans un tube suivant l’axe du cylindre réflé- chisseur au lieu d’être au cœur de la tour. Pour atteindre son objectif, le Maroc lance un deuxième projet similaire à celui-ci, mais de plus grande envergure. Noor Midelt souhaite atteindre une puissance finale de 1600 MW dont 600 MW proviendraient du CSP et 1000 MW du photovolta- ïque (PV). Le projet est réalisé en deux phases. La première consiste en l’installation d’une puis- sance de 825 MW (300 de CSP et 525 de PV) qui serait mise en service en 2022. Noor Midelt aurait une capacité supplémentaire de stockage de 2h par rapport à celle de Noor Ouarzazate, avec 5h d’approvisionnement après le coucher du soleil. On peut se demander qui prend en charge la construction de cette centrale et avec quels moyens financiers. Centrale solaire à concentration à Fuentès dans le sud de l’Espagne. (©MARCELO DEL POZO / X90017) Centrale Solaire Thermique Cylindro-Parabolique Noor I de Ouarzazate ©Climate fund I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9 14 LE MAROC EN ROUTE VERS LES ÉNERGIES RENOUVELABLES
  • 15. L’Agence marocaine pour l’énergie solaire (Moroccan Agency For Solar Energy - MASEN) a lancé un appel d’offre qui a été remporté par un consortium mené par EDF Renouvelables en mai 2019. Le coût de ce projet est de 1,86 milliard d’euros qui a été financé par de nombreuses banques de divers pays. Le plus gros inves- tisseur est la banque allemande KfW avec 761 millions d’euros. La Banque européenne d’investissement, la Banque africaine de dével- oppement, l’Agence française de développe- ment et la Banque mondiale ont également par- ticipé au financement de ce projet. La 2e phase de ce projet qui permettra d’atteindre les objectifs de Noor Midelt aura le même coût et sera mise en service quelques années après. C’est un défi de taille que s’est lancé ici le Maroc, puisqu’en 2017, selon l’AIE (Agence Internationale de l’énergie), 90% de l’énergie primaire provenait d’énergies fossiles (62% du pétrole, 21,7% Charbon, 5% Gaz naturel). Le Maroc témoigne d’une grande motivation dans sa transition énergétique par la mise en place de projets d’envergure. Mais sera-t-il véri- tablement en mesure de gagner en indépen- dance vis-à-vis des énergies fossiles ? Sera-t-il capable de gérer toutes les difficultés posées par l’intermittence des énergies renouvelables ? C o n s o m m a t i o n d ’ é n e r g i e p r i m a i r e a u M a r o c e n 2 0 1 7 (©Connaissance des Énergies, d’après AIE) Tarek FAKOUDI [1] Caractéristiques de la centrale Midelt I, L’Agence marocaine pour l’énergie solaire (Moroccan Agency For Solar Energy - MASEN) [2] Note de conjoncture énergétique Décembre 2018, du Ministère de l’énergie et du développe- ment Durable du Royaume du Maroc [3] Energy Policies Beyond IEA Countries: Morocco 2019 (Summary) [4] Article de Mélissa Pétrucci sur le site ‘Les smart-grids’ Sources: I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9 15LE MAROC EN ROUTE VERS LES ÉNERGIES RENOUVELABLES
  • 16. La fusion nucléaire, une alternative pour répondre aux défis futurs ? L es enjeux énergétiques et environnemen- taux sont au cœur des débats politiques et donnent naissance à des lois et des coo- pérations entre différents pays pour arbitrer et piloter les objectifs nationaux et internationaux en matière d’énergie et d’environnement. Dans un contexte où l’heure est à l’efficacité éner- gétique, à l’autosuffisance énergétique et aux énergies renouvelables décarbonées, la produc- tion d’une énergie propre, durable et capable de répondre aux besoins mondiaux représente un enjeu majeur. Conscients de ces défis, plusieurs pays se sont réunis autour d’un projet très ambitieux qui permettrait de répondre aux besoins énergé- tiques futurs à l’échelle mondiale. Il s’agit du projet ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor), né en 2006 à la suite de différentes tentatives pour contrôler la réac- tion de fusion nucléaire. Pour saisir les enjeux liés à cette technologie de pointe, il faut avant tout comprendre les défis techniques sous-jacents, et revenir sur l’histoire de la fusion. La fusion nucléaire, à l’inverse de la fission, est une réaction entre deux atomes de noyaux légers fusibles pour donner un atome plus lourd. A titre d’exemple, la réaction de deux isotopes de l’hydrogène, le tritium (3 H) et le deutérium (2 H), génère un atome d’hélium (4 He) et un neutron : n + 14.1 MeV He + 3.5 MeV4 H3H2 Schéma de la fusion entre le deutérium et le tritium (Source : Wikimedia Commons) Cette réaction libère un rayonnement très énergétique : la réaction de 3g de tritium et 2g de deutérium permettrait de récupérer environ 4400 MWh. Le principal défi pour maîtriser cette source d’énergie réside dans les conditions de sa réal- isation : la fusion nucléaire ne se produit que sous des conditions de température et de pres- sion extrêmes, qui ne sont réalisées dans la nature qu’au centre des étoiles. Dans l’industrie, cette réaction est souvent asso- ciée à un usage militaire qui a été son premier emploi avec l’avènement des armes thermonu- cléaires (bombes H) pendant la guerre froide. Mais depuis les années 80 les scientifiques se sont questionnés sur la possibilité d’une réac- tion contrôlée à destination de la production d’électricité civile, avec une question centrale : comment faire techniquement pour avoir, sur I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9 16 LA FUSION NUCLÉAIRE, UNE ALTERNATIVE POUR RÉPONDRE AUX DÉFIS FUTURS ?
  • 17. Terre, la source d’énergie du Soleil ? Face à ce défi de taille, la technologie la plus prometteuse retenue pour réaliser les condi- tions de la fusion est le tokamak, inventé par Igor Tamm et Andreï Sakharov dans les années 50. Il s’agit d’un tore, (on compare souvent sa forme à celle d’un beignet), dans lequel un plasma peut être confiné et élevé à la tempéra- ture de 100 millions de Kelvin (pour donner un ordre de grandeur, il s’agit de 10 fois la tem- pérature du centre du Soleil). Comme aucun matériau existant ne peut supporter de telles températures, le plasma est maintenu en lévi- tation dans le tore grâce à la technique du confinement magnétique. Le principe simplifié est le suivant : le plasma est composé d’ions en mouvement, qui ressentent la force de Lorentz en présence d’un champ magnétique . Cette force a pour particular- ité de s’appliquer dans un plan orthogonal à la direction du champ magnétique, de sorte que les particules aient un mouvement circulaire autour des lignes de champ. De ce fait, les particules chargées se retrouvent confinées en rotation autour de ces lignes de champ, comme l’illustre le schéma suivant : Movement des particules chargées (Source: http://www.nucleaire-info.com) L’intérêt d’utiliser un tore paraît alors tout naturel : le réacteur étant circulaire, les lignes de champs peuvent être fermées sur elles- mêmes et le plasma est ainsi piégé. Pour que la réaction se produise, le plasma (constitué en majorité de deutérium) est enrichi en tritium, puis ionisé par rayonnement LASER et accéléré dans le tokamak, ce qui le chauffe par effet Joule jusqu’à atteindre une tempéra- ture propice à la fusion. Le rayonnement de la réaction de fusion vient chauffer les surfaces du réacteur (constituées en majeure partie de tungstène, qui a un point de fusion très élevé à 3 422 °C), au niveau desquelles l’énergie peut être récupérée par des caloporteurs classiques. L’arrivée à maturation de cette technologie pourrait avoir de nombreux avantages, notam- ment en matière d’alternative énergétique aux énergies fossiles : • Le fonctionnement d’un tokamak ne rejette pas de gaz à effet de serre. • Il faut très peu de réactifs pour produire de grandes quantités d’énergie. • Le deutérium est présent en abondance sur Terre, le tritium ne se trouve presque pas à l’état naturel, mais se synthétise par irra- diation du lithium qui lui est présent dans la croûte terrestre en grande quantité. • L’élément radioactif, le tritium, est inoffen- sif (si non ingéré ou inhalé) et a une demi- vie d’environ 12 ans, ce qui limite les prob- lèmes de gestions des déchets à long terme. • Il n’y a pas de risque d’incident nucléaire, puisque la perte d’intégrité du réacteur signifi- erait l’arrêt immédiat de la réaction de fusion. I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9 17LA FUSION NUCLÉAIRE, UNE ALTERNATIVE POUR RÉPONDRE AUX DÉFIS FUTURS ?
  • 18. Cependant, de nombreux obstacles tech- n o l o g i q u e s e t é c o n o m i q u e s r e t a r d e n t l’utilisation industrielle de ce procédé : • Les conditions de température et de quasi vide du réacteur, une fois créées, doivent être maintenues et le système doit rester fermé, ce qui pose le prob- lème d’approvisionnement en réactifs et d’évacuation des déchets. • Le tritium reste couteux à produire, c’est pourquoi d’autres méthodes comme le bom- bardement de neutrons d’atomes de lithium sont à l’étude. • Le confinement magnétique n’est pas parfait et certaines particules diffusent jusqu’aux parois ce qui, à terme, endom- mage le réacteur. De plus, des phénomènes d’instabilité du plasma, ou d’éruptions (en référence aux éruptions solaires) sont aujourd’hui peu maîtrisés et menacent l’intégrité des réacteurs. • Réaliser les conditions de la fusion nuclé- aire est très énergivore. En effet, créer le plasma nécessite un champ magnétique de grande intensité et donc des bobines supra- conductrices aux courants très élevés. De plus, la taille du plasma dépend de la taille du réacteur, il faut donc un grand réacteur pour espérer récupérer assez d’énergie par fusion. Ces deux aspects induisent des investissements lourds en recherche et développement. Ces questions sont étudiées depuis les années 80 et ont abouti à la création de plusieurs toka- maks à travers le monde pour étudier le com- portement des plasmas. Longtemps limitée par le poids des investissements liés à la con- struction de ces réacteurs, la recherche dans le domaine connait aujourd’hui un nouvel essor. Le projet ITER a permis l’association de 37 pays (dont la Chine, les pays de l’Union européenne, l’Inde, le Japon, la Corée, la Russie et les États- Unis) et la capitalisation des connaissances et du savoir-faire acquis au fil des années. En 1997, avec le tokamak JET (Joint European Torus), on observe pour la première fois une pointe de puissance à 15 MW et un rendement énergétique de 0,65 pour un réacteur de fusion nucléaire. Le rendement étant fonction de la taille du réacteur, le but du projet ITER, basé à Saint-Paul-lez-Durance dans les Bouches- du-Rhône, est de créer un tokamak plus gros avec un volume de 830 m3 . Cela permettra de produire une puissance de 500MW (sur des périodes de 400 à 600 secondes) à partir d’un apport externe de 50 MW, soit un rendement théorique de 10. Ce projet constitue donc une rupture technologique majeure et un tremplin vers l’avènement d’une nouvelle génération de centrales : les centrales de fusion électrogènes. Cependant, outre les difficultés techniques liées au confinement magnétique du plasma et aux températures élevées atteintes à l’intérieur du tokamak, le projet devra faire face aux défis d’organisation du chantier et de gestion de la logistique. En effet, l’approvisionnement en matériaux, leur conditionnement et leur stock- age est un point important pour la réussite économique et technique du projet. Compte tenu de sa durée (2006 - 2035), le chantier devra surmonter les contraintes de montage et d’assemblage du tokamak liées à la compati- bilité des équipements et l’effet d’une durée de stockage importante par rapport à la durée de vie des pièces. I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9 18 LA FUSION NUCLÉAIRE, UNE ALTERNATIVE POUR RÉPONDRE AUX DÉFIS FUTURS ?
  • 19. Même si le projet ITER se veut être une avancée considérable dans le domaine de la fusion nucléaire et de l’énergie en général, il s’étend jusqu’en 2035, date relativement tardive par rapport aux grandes décisions et orientations énergétiques internationales. Les équipes en charge du projet prévoient la fin de la phase d’assemblage ainsi que le début des tests inté- grés pour 2025, et la mise en exploitation et la production du premier plasma est prévue pour décembre de cette même année. Ce sera l’occasion d’une part, de tester des années de travaux scientifiques et opérationnels réalisés jusque-là, d’autre part, de préparer le lance- ment de l’opération de fusion en deutérium- tritium prévu en 2035. Le projet ITER a pour but de montrer qu’il est possible de récupérer de l’énergie utile de la réaction de fusion. Ce prototype n’a pas de finalité industrielle et n’est donc pas dédié à la production d’électricité. La mise en place d’un tel réacteur sera le but du projet Demo (DEMOnstration Power Plant), son succes- seur, qui est d’ores et déjà en réflexion. Ce projet sera conduit au Japon et devrait per- mettre de générer une puissance de 1500 MW avec un rendement de 25, ce qui est consi- déré comme l’objectif à atteindre pour le début de la production industrielle. Néanmoins, la maturité de ce projet n’est pas prévue avant 2050, ce qui exclut la fusion nucléaire des alter- natives crédibles pour répondre aux objectifs énergétiques et environnementaux actuels fixés par la communauté internationale. S’il est indéniable que la réussite d’un tel projet représenterait une aubaine pour la communauté internationale et en particulier pour les acteurs du secteur énergétique et industriel, il n’en demeure pas moins que son financement con- stitue une variable importante dans l’équation énergétique et environnementale. Le financement de ITER est supporté par l’ensemble des pays impliqués dans le projet. Les investissements se présentent sous la forme de biens matériels ou de liquidité. Les biens matériels sont essentiellement des matériaux, des équipements et la logistique nécessaire à la réalisation du chantier. L’analyse financière du projet réalisée en décembre 2017, fixe un coût actualisé du projet à 3 349 Millions d’euro. Ce coût inclut les opérations de préparation du site, de construction du tokamak ainsi que la main-d’œuvre et la logistique. Ci-dessous une répartition des coûts entre les différents pays membres selon le moyen de financement : Source : 2017 ITER Financial Report I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9 19LA FUSION NUCLÉAIRE, UNE ALTERNATIVE POUR RÉPONDRE AUX DÉFIS FUTURS ?
  • 20. Les efforts et lourds investissement témoignent de l’intérêt que portent les différents pays membre de l’organisation ITER à la réalisation de ce projet. Les attentes sont fortes et les enjeux de taille. En tout état de cause, toute révolution scientifique ou industrielle passe par une étape d’investissement et de sacrifice. Concernant ITER, l’avenir nous dira si le sacri- fice réalisé était opportun. Habib OUATTARA et Victor MAQUART [1] Futura, « Fusion nucléaire : le CEA et le Japon préparent l’après-Iter », Futura. [En ligne]. Disponible sur: https://www.futura-sciences.com/ sciences/actualites/physique-fusion-nucleaire- cea-japon-preparent-apres-iter-10020/. [2] « ITER - une énergie pour notre avenir », ITER. [En ligne]. Disponible sur: http://www.iter. org/accueil. [3] « 2017 FINANCIAL REPORT » ITER. [En ligne]. Disponible sur: https://www.iter. org/doc/www/content/com/Lists/list_items/ Attachments/792/2017_ITER_Financial_Report.pdf Sources: Biocarburants, solution pour la mobilité durable ? A ctuellement, le mix énergétique est principalement constitué d’énergies fos- siles, fortement dominé par le pétrole. Or, l’une des principales composantes du réchauffement climatique sont les gaz issus de la combustion des carburants fossiles. Aussi, afin de réduire l’empreinte carbone du secteur des transports (terrestre, maritime et aérien), qui a lui seul représente un quart des émis- sions, les pays se sont tournés vers la produc- tion de carburants verts. La mobilité verte se présente comme une alternative efficace pour lutter contre le réchauffement climatique et les biocarburants comme une solution très prom- etteuse, concernant le secteur des transports. Dans ce contexte, la part des biocarburants au niveau mondial a triplé entre 1973 et 2016, passant de 2% à 6% [1] (figure 1). évolution de la part des biocarburants entre 1973 et 2016 [1] I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9 20 BIOCARBURANTS, SOLUTION POUR LA MOBILITÉ DURABLE ?
  • 21. La production des biocarburants est dérivée de la valorisation énergétique de différents types de biomasse, on distingue donc les bio- carburants de 1ère génération issus de la bio- masse 1G (majoritairement des produits agri- coles comestibles issus de la culture), les bio- carburants de 2ème génération produits via la biomasse 2G (biomasse lignocellulosique, par exemple, le bois et les huiles végétales) et enfin les biocarburants de 3ème généra- tion issus de biomasse 3G (biomasse marine, par exemple, les micro et macro algues). On s’intéressera ici aux technologies de production de biocarburants 2G et 3G, dans la mesure où la biomasse 1G est très controversée puisqu’elle engendre des questions de sécurité alimentaire. Le degré de maturité de ces technologies est évalué selon l’échelle TRL1 (Technology Readiness Level ) qui présente 9 niveaux. On remarque que la production du substitut au gazole (biodiesel) est dans un niveau de commercialisation à grande échelle, via la maturité du process de transestérification qui vise à produire du biodiesel à partir des huiles 1 Le TRL est un indicateur utilisé pour classifier la maturité des différentes technologies. On distingue entre le stade de la RD appliquée, projet pilote, commercialisation bas échelle et commercialisation à grand échelle. végétales ou alimentaires. On constate aussi que la production de biocarburants via la bio- masse 3G est toujours en voie embryonnaire de recherche et développement. Cette filière en pleine émergence pourra‑t‑elle concurrencer un jour le pétrole ? Jusqu’à présent, le prix de vente des biocar- burants 2 et 3G reste relativement élevé par rapport à celui du pétrole. Les surcoûts sont principalement dus à la disponibilité de la matière première ainsi qu’à la taille des instal- lations de production de biocarburant. Par con- séquent, le taux de rendement interne de tels projets reste très faible, ce qui freine le dével- oppement de cette filière qui doit bénéficier de subventions publiques pour être compétitive. Prix des substituts au gazole et à l’essence [2] TRL pour les technologies de production de biocarburant 2G et 3G Source: MS OSE I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9 21BIOCARBURANTS, SOLUTION POUR LA MOBILITÉ DURABLE ?
  • 22. En comparant les prix des biocarburants (figure ci-dessus) avec celui de la tonne de pétrole (aujourd’hui à 7,94 US$ [3]), on remarque que les prix de production des biocarburants restent relativement élevés et nécessitent par con- séquent l’appui des politiques et financements publics pour pouvoir concurrencer les produits pétroliers. Cependant, les deux marchés ne sont pas comparables car ils n’ont pas la même taille et ne sont pas structurés de la même façon : le marché du pétrole est un marché mondial parfaitement mature alors que celui des biocarburants est plus local et directement lié aux contraintes règlementaires de chaque pays. Ce que l’on peut néanmoins retenir est que dans l’absolu, les prix des biocarburants restent très élevés. Si en 2014, la France se positionnait comme premier incorporateur de biocarburants en Europe avec 2,7 Mtep de carburant vert intégré dans le marché des produits pétroliers, ce n’est plus le cas en 2017. En effet, la Finlande et la Suède procèdent respectivement à 18,8% et 38,6% d’incorporation d’énergie depuis des sources renouvelables dans le secteur du transport, et ce, grâce aux politiques volonta- ristes menées par ces pays. Cela leur a permis d’atteindre prématurément les objectifs 2020 de la directive ENR. [2] On peut conclure que la compétitivité de cette voie de production de carburant vert est liée à l’aptitude du secteur de la mobilité à suivre la courbe d’apprentissage industriel. En d’autres termes cette compétitivité sera atteinte si l’Etat encourage les industriels à prendre le risque d’investir dans cette filière, via des subven- tions et autres types d’aides. Mehdi OUCHIBOU [1] A. P. Saravanan, T. Mathimani, G. Deviram, K. Rajendran, et A. Pugazhendhi, « Biofuel policy in India: A review of policy barriers in sustain- able marketing of biofuel », Journal of Cleaner Production, vol. 193, p. 734‑747, août 2018. [2] « Tableau de bord biocarburants 2019 | IFPEN ». [En ligne]. Disponible sur: https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/article/ tableau-bord-biocarburants-2019. [3] « Prix du baril - Le cours officiel du pétrole ». [En ligne]. Disponible sur: https://prix- dubaril.com/. Sources: I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9 22 BIOCARBURANTS, SOLUTION POUR LA MOBILITÉ DURABLE ?
  • 23. Comment TOTAL anticipe un avenir sans pétrole ? A u lendemain des accords de Paris sur le climat, les grands groupes pétroliers mondiaux dont TOTAL ont été appelés à réduire fortement leur production au cours des 20 prochaines années afin de respecter les accords de la Cop 21. Le pétrole, pointé du doigt comme source d’émission de gaz à effet de serre est amené à sortir petit à petit du système énergétique mondial afin de tendre vers une économie décarbonée. Face à ce qu’on pourrait percev- oir comme une « menace » pour ce que l’on appelle couramment l’or noir, les géants du secteur ont entamé des actions visant à antici- per sa fin prochaine en se plaçant sur d’autres marchés. Dans cet article, nous allons nous intéresser au groupe français TOTAL, 4ème compagnie pétro- lière mondiale et à sa stratégie d’adaptation, ou dirait-on d’anticipation face aux enjeux des nouveaux modes de production énergétique, dans une économie qui se veut de plus en plus décarbonée. Comment TOTAL prépare- t-il un lendemain sans pétrole ? D a n s u n e i n t e r v i e w accordée au journal Sud- ouest éco en décembre 2016, Patrick Pouyanné le PDG de TOTAL a affirmé que son groupe est dans un processus d’adaptation au changement qu’est en train de connaître le secteur éner- gétique depuis les accords de Paris, et les engagements forts pris par les états pour lutter contre le réchauffement climatique. Il a affirmé je cite « Même si nous resterons majoritaire- ment pétroliers et gaziers dans les 30 pro- chaines années, nous devons nous positionner dès maintenant sur les énergies renouvelables pour rester un grand de l’énergie ». La couleur est ainsi annoncée par cette décla- ration du PDG de TOTAL : le pétrole restera au cœur de la création de richesse du groupe dans les prochaines années, mais TOTAL compte bien diversifier ses activités vers d’autres secteurs et notamment celui des énergies renouvelables, en anticipation d’une économie sans pétrole. Cette ambition est affichée clairement sur le site internet de l’entreprise avec le slogan « Notre ambition : devenir le major de l’énergie responsable ». La compagnie pétrolière a intégré la limitation Patrick Pouyanné [1] Source: www. total.fr I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9 23COMMENT TOTAL ANTICIPE UN AVENIR SANS PÉTROLE ?
  • 24. du réchauffement climatique mondial à 2 °C dans sa stratégie sur 20 ans selon l’annonce de son site internet. Cet engagement s’est maté- rialisé en 2015 par l’adoption du plan “One TOTAL” visant à faire du groupe la major de l’énergie responsable et porter à 20% la part des renouvelables dans l’activité du groupe d’ici à 2035 et donc s’aligner avec les objec- tifs de l’AIE. Figure : Mix énergétique adapté au scénario de l’augmentation de la température en deça de 2°C proposé par l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) Concrètement, comment le groupe va-t-il s’y prendre ? Des investissements massifs dans les énergies renouvelables TOTAL, dans sa stratégie, semble miser sur le long terme en rachetant de nombreuses entre- prises. Le géant pétrolier français a official- isé en mai 2016 le rachat de SAFT, une entre- prise française spécialisée dans les batteries de haute technologie pour l’industrie. Cette acqui- sition en a surpris plus d’un au vu des activ- ités de TOTAL. Patrick Pouyanné explique dans l’interview à sud-ouest éco que l’acquisition de SAFT s’inscrit au contraire pleinement dans la stratégie à vingt ans de l’entreprise enclenchée depuis 2011. Cette opération parait d’autant plus cohérente lorsqu’on se rappelle le rachat en 2011 de Sunpower, la deuxième entreprise Américaine dans la production de panneaux solaires. Depuis 2017, SunPower a recentré ses activités sur deux segments : d’une part, la conception, la fabrication et la vente à l’international de cellules et panneaux solaires à très haut rendement et, d’autre part, la vente de systèmes photovoltaïques de plus en plus souvent associés à du stockage. Le rachat de SAFT s’inscrit donc dans une logique de stock- age de l’énergie pour pouvoir la distribuer au moment où le marché en a le plus besoin. Dans cette perspective, la maîtrise du stockage de l’énergie induite par les batteries représente un avantage considérable. Le géant français va plus loin et, à l’été 2016, TOTAL s’empare d’une partie d’Eren (un développeur et producteur I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9 24 COMMENT TOTAL ANTICIPE UN AVENIR SANS PÉTROLE ?
  • 25. d’électricité à partir d’énergies renouvelables) puis de Greenflex (une start-up de l’efficacité énergétique). Des acquisitions très couteuses dont l’intérêt stratégique reste souvent très peu percepti- ble dans l’immédiat. Spécialiste des batteries industrielles de haute technologie, SAFT n’a, par exemple, pas de savoir-faire particulier sur le très convoité marché des batteries station- naires. Quant à Greenflex, l’achat permet certes à TOTAL de mettre un pied dans les technologies d’efficacité énergétique, mais certains observa- teurs s’interrogent sur la pertinence d’acheter un acteur si petit. En réalité, comme annoncé précédemment, TOTAL semble faire des paris de long terme. Un long terme pouvant coïncider avec une écono- mie mondiale de moins en moins dépendante du pétrole voire totalement indépendante de celui-ci. En diversifiant ses activités sur dif- férentes briques du marché de l’électricité et des renouvelables, l’entreprise espère acquérir une expertise, un savoir-faire et de la RD, comme avec SAFT, qui est en train de dévelop- per une nouvelle batterie de lithium-ion solide en partenariat avec Solvay et Siemens. Un positionnement en leader sur le marché de l’électricité Pour Patrick Pouyanné, la demande de demain sera électrique. Suivant cette logique, TOTAL a alors pris le parti d’intégrer toute la chaîne de valeur électrique au sein de ses activités. En 2016, TOTAL a racheté la branche française du fournisseur d’électricité verte belge Lampiris et marque officiellement son entrée dans le secteur de l’électricité pour les particuliers. Il sera ensuite rebaptisé TOTAL Spring en 2017. S’en est suivi le rachat en juillet 2018 de Direct Energie (à 74%) pour 1,4 milliard d’euros. Direct Energie était le premier fournis- seur d’électricité alternatif. Avant cette acqui- sition, TOTAL ne comptait que 1,5 million de clients dans l’électricité et le gaz avec une capacité de production de 900  MW. Avec ce rachat, TOTAL va donc récupérer les 2,6 mil- lions de clients et les 1,3 GW (800  MW grâce au gaz et 500  MW grâce au renouvelable) de capacité que possédait Direct Energie. TOTAL est donc passé directement à plus de 4 mil- lions de clients en électricité et gaz ce qui le place en tête des entreprises du secteur juste derrière EDF et ENGIE et très loin devant les autres concurrents. Le d é v e l o p p e m e n t d u g a z p o u r c o m p e n s e r l a baisse de la production pétrolière TOTAL compte également mettre l’accent sur la production de gaz, notamment de gaz naturel liquéfié (GNL), la moins émissive des énergies fossiles, pour compenser la baisse de la produc- tion pétrolière. Cette stratégie reste très forte- ment critiquée par les associations écologiques car le gaz demeure une énergie fossile même si cette dernière est moins émettrice de CO2 que le pétrole. La constitution d’un portefeuille de centrales à cycle combiné gaz en Europe s’inscrit également dans la stratégie du groupe de s’intégrer sur la chaîne de valeur du gaz et de l’électricité, de la production à la com- mercialisation. En France et Belgique, TOTAL possède quatre centrales à cycle combiné au gaz naturel (CCGT). La capacité installée globale s’élève à 1,6 GW. TOTAL détient également une participation de 60% dans une cinquième CCGT de 0,4 I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9 25COMMENT TOTAL ANTICIPE UN AVENIR SANS PÉTROLE ?
  • 26. GW, actuellement en projet à Landivisiau (Finistère). En décembre 2018 le groupe a signé un accord avec Energeticky a průmyslový holding (EPH), une entreprise tchèque de pro- duction et de distribution d’électricité. Sous réserve de l’autorisation des autorités compé- tentes, cette acquisition devrait apporter au portefeuille de TOTAL deux centrales à gaz sup- plémentaires (0,8 GW) dès 2020. Le groupe a investi en tout près de 6000 mil- lions de dollars entre 2016 et 2018 dans sa filière « Gas, RenewablesPowers ». Investissements de Total dans le gaz naturel (Source : Total DDR 2018, page 68) Le développement des biocarburants pour répon- dre à la demande énergétique dans les transports En effet, plus de 20 % des émissions mondiales de CO2 sont imputables au secteur des trans- ports. Les biocarburants, émettant au minimum 50 % de CO2 en moins que les carburants fos- siles semblent incontournables pour réduire l’empreinte environnementale de ce secteur. La biomasse constitue aujourd’hui la seule alter- native renouvelable aux ressources fossiles pour produire des carburants liquides, dont dépendent encore largement les transports. De nombreuses législations poussent et cadrent le développement des biocarburants. En Europe par exemple, la part d’énergie renouvelable dans les transports devra être de 14 % en 2030. Le groupe s’est donc lancé dans les deux princi- pales voies de conversion de la biomasse à savoir la thermochimie permettant de transformer la biomasse en un large choix de molécules, sous l’action combinée de la pression, de la température et souvent d’un catalyseur ; puis les biotechnologies, qui utilisent des micro- organismes, comme les levures, les bactéries ou les microalgues, capables de convertir des matières végétales mais aussi directement du carbone minéral (CO/CO2) en molécules cibles. En 20 ans, TOTAL est devenu l’un des premiers producteurs d’ETBE, ou éthyle tertio-butyle éther, incorporable dans les essences, ainsi que d’HVO, huile végétale hydrotraitée, pour les gazoles. Aujourd’hui premier distributeur de biocarburants en Europe avec plus de 2,4 millions de tonnes de biocarburants incorporés dans les essences et gazoles en 2018, le groupe s’est fixé comme objectif d’être le leader sur les marchés des bio- carburants durables. Dans cette logique, Le groupe a investi en 2015 plus de 275 millions d’euros pour transformer la raffinerie de Mède (Bouches du Rhône), l’une de ses plus grandes raffineries de pétrole brut en bioraffinerie. Ouverte en juillet 2019, cette bioraffinerie a une capacité de production de I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9 26 COMMENT TOTAL ANTICIPE UN AVENIR SANS PÉTROLE ?
  • 27. 500.000 tonnes de biocarburants de type HVO par an. Les technologies de développement des biocar- burants étant toutes récentes, le groupe inves- tit d’après son site officiel plus de 500 millions d’euro par an dans la recherche et développe- ment sur ce sujet. Lionel MOSSOA [1] « A la une - Sud Ouest.fr », SudOuest.fr. [2] Total, « Quel mix énergétique à horizon 2035 ? », Total.com [3] Total, , « DOCUMENT DE RÉFÉRENCE 2018 », p. 444, 2018. Toutes les données chiffrées sont tirées du ddr 2018 publié par TOTAL. Source: Afrique : un enjeu énergétique « crucial » pour le monde Africa Energy Outlook 2019 L ’énergie est un enjeu fondamental pour le continent africain dans les années à venir. Actuellement, plus de 600 millions de per- sonnes n’ont toujours pas accès à l’électricité et près de 900 millions n’ont pas accès à des moyens pour cuisiner. Selon les projections démographiques, le continent africain devien- dra en 2023 la région la plus peuplée au monde en dépassant l’Inde et la Chine, et en 2040 sa population devrait augmenter de 800 millions de personnes. Cela entraînera des besoins en énergie de plus en plus importants dans tous les secteurs. D’après l’Agence Internationale de l’énergie (AIE), malgré le progrès que connaissent plusieurs pays en Afrique, les efforts actuels ne permettent pas d’assurer l’électrification -surtout rurale- de la région la plus pauvre en électricité dans le monde, si on considère la croissance démographique. Aussi, l’augmentation du nombre d’événements de forte chaleur dans les années à venir va induire des besoins colossaux pour la climatisation. L’AIE a également évoqué une possibilité d’augmentation de la demande en pétrole de 3,1 millions de barils par jour d’ici 2040, justifiée principalement par des besoins liés à la cuisson et à la mobilité. Avec les progrès technologiques et la bonne exploitation des ressources, l’Afrique a une I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9 27AFRIQUE : UN ENJEU ÉNERGÉTIQUE « CRUCIAL » POUR LE MONDE
  • 28. vraie opportunité pour bâtir son développe- ment grâce aux énergies renouvelables et au gaz : un scénario fait par L’AIE a montré qu’à l’horizon 2040, on pourrait multiplier par quatre son PIB avec seulement 50% d’énergie de plus, conduit par un mix de sources d’énergie mod- ernes et efficientes, à savoir le gaz naturel et les renouvelables. Ces derniers permettront d’assurer plus de la moitié des besoins en élec- tricité, et le photovoltaïque solaire deviendrait la deuxième source de production d’électricité après le gaz. Par rapport aux autres continents, l’Afrique est un contributeur mineur en termes de change- ment climatique, c’est-à-dire responsable d’une petite portion (2%) des émissions mondiales de CO2, une proportion qui ne devrait pas dépasser 4,3% d’ici 2040. Par contre, le conti- nent souffre beaucoup des impacts du change- ment climatique, ce qui souligne l’importance d’une infrastructure résiliente vis-à-vis du climat dans le futur. Avec la croissance démographique, l’urbanisation et l’industrialisation, l’Afrique pèse de plus en plus lourd sur les tendances énergétiques, mais seulement 4% des investissements mondiaux en matière d’électricité sont concentrés en Afrique alors que la population africaine représente 17% de la population mondiale. Atteindre les objectifs énergétiques nécessiterait la multi- plication par quatre de l’investissement actuel dans le secteur, selon l’AIE, soit 120 milliards de dollars par an à l’horizon 2040. La majeure partie de cet argent serait mobilisée pour les solutions bas-carbone et les réseaux. Il reste ainsi de gros défis pour l’Afrique, qui souffre d’un déficit énergétique persistant. En matière de politique, il est nécessaire d’avoir des choix cohérents pour répondre à la régu- lation et plus d’implication des pays sur la manière de penser le problème énergétique du continent dans son ensemble. Pour en savoir plus sur l’actualité énergétique de l’Afrique, une interview est prévue dans le numéro de janvier avec Stéphanie BOUCKAERT, analyste sénior à l’AIE. Restez branchés ! Younès BAGHDAD Afrique : Plus de 2 milliards de personnes à l’horizon de 2040 | © AIE I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9 28 AFRIQUE : UN ENJEU ÉNERGÉTIQUE « CRUCIAL » POUR LE MONDE
  • 29. Devenez partenaire de l’événement OSE 2019 Photographie de la promotion 2019 Un mix 100% énergies renouvelables est-il réalisable et soutenable ? Jeudi 24 Septembre 2020 à Sophia Antipolis (06) L’ambition de territoires 100 % renouvelable est analysée à travers un prisme apportant une multitude de conclusions. Malgré les actions entamées ces dernières décennies, la marge de manœuvre est de plus en plus restreinte pour transformer cet objectif en réalité. A défaut, il pourrait bien virer au cauchemar. Si vous êtes un organisme concerné par cet enjeu, saisissez l’opportunité d’apporter votre contribution au 20 eme congrès OSE. Nous comptons sur votre participation et votre concours au financement. Vous pouvez nous contacter à l’adresse mail suivante : evenement@mastere-ose.fr. I N F ’ O S E | décembre 2 0 1 9 29DEVENEZ PARTENAIRE DE L’ÉVÉNEMENT OSE 2019