Les civilisations maritimes, malgré parfois les champs qu’elles cultivent, sont préoccupées inlassablement par la pèche dans les hautes mers et la navigation téméraire à la recherche de nouvelles terres.
Chapitre II: Vers une autonomie de l'art- 1- La soif de la Renaissance
Chapitre I: Vers une évolution culturelle- 3- Les civilisations maritimes- La Destinée de l'Art.
1. Modifiez le style du titre
1
“
3- Les civilisations maritimes
CHAPITRE I
Vers une évolution culturelle
2. 35
ensemble ou se confrontant encore, pour s’assimiler dans des arts épanouis,
mais durement soumis au prêtre et au souverain. Comme la vie reste la
préoccupation majeure de tout art, de toute culture et de toute civilisation,
plusieurs peuples vont adopter son culte, héritant de la Mésopotamie ses
mythes, sa conception du monde, son désir d’éternité et son art mouvant,
comme la Perse.
Mais d’autres peuples, dans leur conception tourmentée, même ayant des
échanges culturels et commerciaux avec la Mésopotamie, se sont arrivés
à mêler les deux cultes, celui de la vie et celui de la mort, dans des mythes
fantastiques, introduisant dans leurs religions multiples, non seulement les
mythes cycliques, mais aussi la réincarnation, le culte de la vie intérieure et
de l’illumination, comme en Inde.
Ainsi, le mouvant, comme concept, débuté par l’expression, va s’articuler
autour du senti, c’est-à-dire l’expression des sensations, des passions, des
instincts, des phantasmes et des sentiments, tandis que le statique, débuté
par la raison, va s’articuler autour du pensé, c’est-à-dire la conception
logique, la méthode et l’application rigoureuse des canons et des règles.
Mais, comme le mouvant peut mener, dans son extension, au spirituel ou à
la folie des orgies et des passions, le statique peut mener à la sagesse, dans
sa quête de la vérité, ou au contraire, à la résignation totale, à la soumission
amorphe et à la mort de la création, à force de se résigner aux règles.
3- Les civilisations maritimes :
Le sentiment religieux exprimé dans la Préhistoire par la soumission de
l’homme aux forces de la nature, voit son épuration progressive dans le
polythéisme antique, puis dans le monothéisme. Les forces polythéistes,
constituées d’animaux et d’astres distincts, trouvent leur valorisation dans
des figures typiques qui les expriment, selon la mentalité et les horizons
3. 36
de chaque civilisation. Ces divinités se distinguent maintenant par un
panthéon, par des noms et des attributs, par des mythes et des légendes,
qu’on transmet de génération en génération.
L’originalité et la richesse d’une culture dépend de celles des mythes
répandus, et ce sont ces mythes concrétisés dans l’art de la forme et révélés
dans leur foisonnement, dans l’épopée, les récits et les poèmes épiques,
qui constituent les éléments essentiels de l’imaginaire chez un peuple dans
une civilisation donnée.
Toutefois, la vision et la culture de chaque civilisation peuvent être saisies
et analysées, à travers les divinités qu’elle sacre et vénère, à travers la
conception du monde qu’elle définit dans ses épopées, ses poèmes épiques
et ses monuments architecturaux, ainsi qu’à travers son milieu géographique
qui prédomine par son influence sur le mode de vie de cette civilisation, sur
ses activités et ses horizons.
Les civilisations agraires sont fondées au bord des fleuves; leur naissance
et leur développement sont dus à ces fleuves qui les ont nourries et qui
ont prédominé dans leurs mythes. La mer leur sert dans la navigation et les
échanges, certes, mais elle n’est pas aussi importante que la terre ferme,
avec ses champs de labour et ses pâturages. Souvent même, elle reste
mystérieuse, un lieu des ténèbres et d’incertitude, provoquant l’angoisse.
Les civilisations maritimes, malgré parfois les champs qu’elles cultivent,
sont préoccupées inlassablement par la pèche dans les hautes mers et la
navigation téméraire à la recherche de nouvelles terres.
La navigation, clef des échanges commerciaux et culturels, ouvre à ces
civilisations des horizons méconnus. Ces civilisations sont fondées, le plus
souvent, par les peuples de la mer, dont la destinée, l’existence et l’identité
sont attachées à cet élément liquide, qui prédomine dans leurs mythes,
façonne leur mentalité et leur imaginaire.
4. 37
Pour l’étude de l’Antiquité, nous pourrons comparer entre les peuples de
l’Orient, dont une partie importante est rassemblée dans le Croissant fertile
et en Extrême-Orient, et les peuples d’Occident, illustrés par la Grèce et
Rome. Effectivement, une grande différence les sépare, que ce soit dans la
vision, le mode de vie propre à chaque civilisation, et l’esthétique.
L’agriculture a orienté les peuples d’Orient vers un système agraire, débuté
par la sédentarisation et l’élevage, dans de vastes plaines, des plateaux, ou
au bord des fleuves. Leur conception du monde se rapporte à cette nature
dont ils font partie, une nature fertile et abondante durant une saison de
l’année, stérile et sèche durant l’autre, ainsi vont naître des conceptions se
rapportant à ce système, comme le cycle, la hiérarchie, l’alternance, etc.
A la nature, à la terre mère, première divinité créée, on conçoit son
parèdre, le ciel-père, qui devient le plus important du dieux, puisqu’il est
le producteur, le concepteur des hommes; et même parfois, leur destructeur.
Les mythes foisonnent, créés par les hommes; concevoir le monde agraire,
avec ses divinités et ses génies, ses labours et ses semailles, ses fêtes et ses
tabous, organiser les activités saisonnières, tout en exprimant les rêves
communs, dans des chants, des récits et des danses populaires, tout cela
entre dans la mentalité agraire. Des panthéons sont conçus, vagues et
ambigus au début, centrés sur le roi, fils ou envoyé des dieux, sur les rois
légendaires, sur les conflits entre les divinités qui légitiment les guerres
entre les souveraines, et sur les mythes agraires.
Les peuples agraires, à force d’être sédentaires, d’attendre patiemment la
récolte et la moisson, ne cessant d’offrir des offrandes et des sacrifices à leurs
divinités, se sont voués à la résignation religieuse, à la fatalité ; en même
temps, ils se sont habitués à se soumettre totalement à leur roi, un roi divin
qui représente pour eux la paix, la bonne récolte et la prospérité de leur
pays, ainsi que leur protecteur contre toute incursion, un roi devant lequel
ils sont dissouts en une grande communauté. Le culte du roi, envoyé du ciel,
5. 38
autour duquel le monde tourne, reste permanent chez les peuples agraires
de l’Orient, durant le Moyen-âge, et même dans les temps modernes,
renforcé par les messages religieux et l’hiérarchie entre les classes sociales.
Ainsi, l’art était dévié de sa voie, dès la fondation de la civilisation, courbant
l’échine dès sa formation dans la Mésopotamie et l’Inde. Au lieu d’être
autonome, engendrant un équilibre adéquat entre la religion et la science,
il devenait, après sa liberté instinctive et sa spontanéité primitive, sous
l’oppression des prêtres et des souverains, un esclave des dogmes, créant
des images mythiques fabuleuses, narrant les exploits des monarques
et décrivant, avec une précision de plus en plus perfectionnée, la vie
quotidienne du peuple des fonctionnaires, des guerriers et des serviteurs.
Soumis généralement aux dogmes, les peuples agraires sont en même
temps attachés à leur territoire, qu’ils défendent par de puissantes
murailles, toujours rassemblés contre l’attaque des nomades et des pillards,
farouchement résistants aux invasions. La légende d’Atlas illustre cette
résistance, responsable de l’équilibre du monde qu’il soulève sur ses larges
épaules, et farouche guerrier terrassant tout intrus, il n’a qu’un point faible,
dès qu’il est soulevé du sol, perdant contact avec ses racines identitaires,
il s’affaiblit, c’est ainsi que l’envahisseur Hercule, après tout un combat
sauvage où il sort vaincu, découvre le point faible, soulève d’un coup Atlas
qui subit sa défaite sur le champ.
Toutefois, ces peuples sédentaires, outre l’édification des grands
monuments, se sont penchés vers la décoration et le raffinement des
arts mineurs, dans leur préciosité, surtout en Perse et en Extrême-Orient.
Ils se sont penchés aussi sur la méditation, tout en observant la nature
et les astres, d’où la naissance et le développement de la géométrie, de
l’astronomie et de l’astrologie, et surtout de l’esthétique de la parole
formulée par les peuples nomades qui se sont intégrés dans les sociétés
6. 39
urbaines, une esthétique exprimée dans l’épopée et la poésie épique, une
esthétique élaborée surtout par les prêtres et les scribes.
Depuis l’aube de l’histoire, les terres du Croissant fertile et de l’Indus ont
été pénétrées par des migrations et des invasions des peuples nomades,
ainsi que par les échanges commerciaux et culturels, aboutissant à l’enri-
chissement des mythes polythéistes et à la grande diversité de la culture
orientale. Les influences réciproques, engendrées par la culture agraire et la
culture nomade, ont imprégné les cultures et les civilisations de l’Orient par
des cultes centrés sur les concepts de la vie et de la mort, de l’idéalisation
et de la ressemblance, sur la hiérarchie des dieux et des hommes, ainsi que
par des formes d’art qui expriment ces concepts.
La côte asiatique de la Méditerranée bénéficie d’une situation de carrefour
entre l’Orient et l’Occident, étant une zone de transit qui abritait des petits
royaumes aux peuples bigarrés et aux civilisations disparates. Le port de
Byblos entretenait avec les pays voisins et l’Egypte notamment des relations
privilégiées. Plus au nord, le royaume d’Ugarit était lui aussi florissant. Sa
richesse tenait sa localisation à la jonction des routes terrestres et maritimes,
entre le monde égéen et l’Orient. Par la position stratégique de ce royaume
marchand, la relation entre deux peuples antagoniques, celui de l’Orient et
celui de l’Occident, va être scellée pour la première fois.
La population d’Ugarit était cosmopolite, avec son commerce et ses relations
diplomatiques internationaux. Mis à jour par des fouilles, des milliers
de documents épigraphiques révèlent l’usage de huit langues et de cinq
systèmes d’écriture cohabitant dans le port de Minet El-Beida, à Ugarit,
dans l’actuelle ville de Ras-Shamra en Syrie. Dans ce contexte polyglote, et
dans une purification systématique, un alphabet cunéiforme fut élaboré,
ancêtre de celui que les Phéniciens transmettront au monde. Il servait à
écrire en langue locale des textes administratifs, des lettres, des légendes
et des récits mythologiques.
7. 40
Ainsi, l’alphabet est une invention des peuples marchands, vivant du
commerce maritime avec les pays riverains de la Méditerranée, soucieux
de communiquer rapidement avec tous leurs clients, grâce à une écriture
facile à comprendre et à apprendre. Le phénicien est une langue sémitique,
comme l’arabe et l’hébreu, dont l’écriture ne note pas les voyelles. Le
papyrus, léger et facile à transporter, fut le support privilégié de cet alphabet.
Vers 900 av.J.C, les Grecs l’adoptèrent à leur langue, tout en inventant les
voyelles. Ils transmettront leur système d’écriture aux Romains, par l’inter-
médiaire des Etrusques, puis plus tard, au monde occidental.
La vision gréco-romaine :
Le même rôle joué par les Phéniciens va être entamé par les Crétois. La Crète
était aussi une plaque tournante, reliant par les échanges commerciaux,
l’Occident et l’Orient. Avec elle, se développa le système maritime,
comportant une vision, une esthétique et des conceptions très différentes
de celles du système agraire, un système qui sera encore plus développé
par les Grées, puis par les Romains, avant d’être transmis à tout l’Occident.
Les peuples maritimes sont orientés vers les voyages et l’aventure, à la
recherche d’autres terres maritimes où s’expatrier ou à coloniser. Ce sont
des pécheurs, mais poussés à la navigation et au commerce, ils aiment
découvrir des comptoirs de transit, des cultures différentes à la leur, des
formes d’art et des objets nouveaux qu’ils puissent troquer avec d’autres; ils
s’influencent parfois ou s’inspirent de ces objets, à force de les rencontrer
partout dans leur commerce. La céramique crétoise et l’art oriental vont
influencer, ainsi, au début l’art grec.
Les peuples de la mer, agissant en hommes d’aventure, sont jaloux de leur
autonomie, ne peuvent que péniblement se soumettre à un souverain
absolu; ils préfèrent se constituer en cités-Etats, comme en Grèce, que d’être
dissouts dans un empire, anonymes en tant que citoyens ou des colonisés.
8. 41
Ces peuples sont fiers de leur liberté d’expression et d’action, comme les
peuples nomades, aimant se raconter les récits héroïques, peuplés de
créatures marines. Ils désirent aussi communiquer avec les autres peuples
qu’ils rencontrent dans leur commerce, d’où le dialogue qui prédomine dans
leur culture littéraire, à travers le théâtre et la philosophie, que les Grecs ont
inventés, tendant vers la dialectique, un dialogue qui prédomine aussi dans
leurs relations humaines. Seulement, ces relations sont formées, depuis le
début, sur l’expression « moi et les autres ». C’est ainsi que les Grecs se sont
considérés en tant que citoyens, appartenant à une terre commune, ayant
le même ancêtre et parlant la même langue, tandis que les étrangers ne
sont que des Barbares. Les Romains reprendront ce type de relation avec
le monde, se considérant avec les Grecs en tant que citoyens libres, taxant
tous les autres peuples de Barbares.
Ces peuples de la mer, dans ces relations inégalées, sont disponibles à la
guerre et à la conquête, rivalisant en cela l’envahisseur perse. En général,
tandis que les peuples agraires se sont acharnés à défendre leurs territoires
contre les intrus, tout en tendant leurs bras à la conquête d’autres terres,
les peuples de la mer, toujours en mouvement, sont nés pour l’invasion. La
première épopée grecque met en scène la conquête de la cité légendaire
de Troie, tout en cherchant des prétextes pour légitimer cette guerre
sanglante. Tandis que la Grèce a conquis la Crète et les côtes de l’Asie-
Mineure, Alexandre mène ses armées, comme un ouragan, pour la conquête
du monde civilisé, sans raison préconçue sauf celle de la conquête, suivi de
l’Empire romain. Et tout le premier millénaire après J.C, le monde européen
médiéval sera tourmenté par les invasions barbares.
Cependant, ces peuples maritimes, penchés sur l’autonomie, l’égalité et le
dialogue, ont créé la notion de la démocratie, puis celle de la république,
qui resteront, malgré leur précarité, gravées dans l’esprit occidental.
9. 42
Ces changements dynamiques ont été perçus, tout d’abord, dans les mythes
de ces peuples ; après le chaos naît la Terre et le Ciel qui, en s’unissant,
engendrent des monstres démesurés, et parmi eux, le Temps, Cronos, et
Rhéa. Tout en détrônant son père, Cronos a voulu garder le pouvoir immortel
pour lui seul ; il dévore ainsi sa progéniture. A son tour l’un de ses fils, Zeus,
échappant à cette voracité grâce à sa mère, détrône son père, avec l’aide
de ses frères, voulant acquérir l’immortalité et le pouvoir suprême, au
détriment du Temps.
Les mythes cycliques, les conflits entre les dieux et les mythes des héros
ont été récupérés, mais avec plus de logique et de raisonnement, auxquels
d’autres mythes locaux ont été ajoutés ; et toute cette mythologie exprime
une vision du monde conçue par ce peuple maritime, les Grecs. A elles
seules, l’Iliade et l’Odyssée résument cette vision qui valorise la conquête
et les aventures maritimes. Tous ces mythes ont été concrétisés avec une
grande épuration, tout en passant de la schématisation à la stylisation, puis
au naturalisme, à travers la céramique et la sculpture.
L’art grec est religieux, certes, comme tous les arts antiques, mais il se
distingue par son détachement de la zoomorphie, illustré par la destruction
du sphinx, gardien des mythes, dans l’une de ses légendes, et par sa
tendance progressive vers un style tout à fait anthropomorphe ; suivant la
fameuse citation de Protagoras, « l’homme est la mesure de toute chose »,
toute une révolution conceptuelle et visuelle se fonde, mettant en valeur
l’homme en tant que forme parfaite digne d’être représentée dans sa nudité
et ses mouvements harmonieux. Cette révolution n’est plus dominée par les
mythes, mais s’inspire de leur ambiance, de leurs récits, de leurs divinités et
de leurs personnages héroïques pour élaborer toute une vision théorique
fondée sur l’anti-mythe, toute une philosophie rayonnante fondée sur la
pensée, et toute une esthétique formelle fondée sur la ressemblance et
l’idéalisation.
10. 43
En Grèce, avec la naissance de l’esprit esthétique et de la démocratie,
le concept de la Beauté épura la forme humaine, aéra l’architecture, en
l’éloignant du colossal et du faste, tout en établissant pour l’art des critères
conformes à la pensée. La technique se perfectionna, en découvrant le
marbre, tout en retournant à la simplicité, mais avec conscience. L’expression
fut soumise maintenant à la raison, et non aux dogmes des prêtres et du
souverain, comme en Orient. Et le souverain lui-même ne fut plus ce roi
divin suprême ; il devint le citoyen-roi.
Les artistes d’alors furent distingués par leur perfection technique et par
leur originalité ; ils respectaient, toutefois, cette esthétique dogmatique
soufflée par les philosophes. Pour atteindre cette vision révolutionnaire, la
création formait un tout avec la pensée, orientée par les règles esthétiques,
n’ayant comme fonction, ni à illustrer la gloire des souverains ni à exprimer
la crainte des dieux. Le but ultime de la création grecque était la recherche
de la vérité, comme la pensée philosophique elle-même.
Influencée au début par l’art crétois et par la culture orientale, la création
se formula dans l’étude des mythes et des épopées, guidée par la raison.
A travers la vision audacieuse de l’anti-mythe, où l’homme acquiert son
autonomie, en détenant le pouvoir de la création, de la pensée et de
l’action, l’art exprima alors sa liberté d’expression, mettant en valeur l’an-
thropomorphisme et le concept du dévoilement. Rien n’est plus interdit
pour la création : les dieux apparaissent en forme humaine, nus dans leurs
passions et leurs conflits, régissant pourtant le monde, dans un équilibre
conforme aux horizons des hommes. Leurs demeures sur terre, les temples,
ne sont ni compacts enfouis dans les montagnes, ni colossales, évoquant la
crainte, mais aérées et sobres, comme la conception démocratique qui les
11. 44
générait, proportionnelles au regard, belles et harmonieuses, évoquant la
dignité et le respect.
Cette première révolution culturelle arrivée à son apogée, déclinera dans la
période hellénistique, une période tournée vers les guerres et les conquêtes.
L’empire romain, même en fondant la notion de la république, et en passant
à la conquête du monde méditerranéen et oriental, ne s’est intéressé à la
culture que pour glorifier ses cultes polythéistes et ses empereurs. Son
esthétique est pragmatique et impériale, ne mettant en valeur que l’aspect
utile de la culture hellénistique, tout en imposant Rome comme ville modèle
pour toutes ses colonies. L’art n’est plus libre, mais emprisonné dans son
carcan, appliquant les règles établies par les dogmes grecs, reproduisant les
formes grecques, tout en s’adonnant à une décoration et à un naturalisme
minutieux, ainsi qu’à des formes populaires qui annoncent le Moyen-âge. En
architecture, l’arc, hérité de l’Asie-Mineure, constitue l’élément fondamental
: voutes en berceau, voutes d’arêtes, coupoles.
Les temples grecs étaient construits avec des blocs de pierre ou de marbre,
si bien taillés qu’ils s’ajustaient sans qu’il fût besoin de ciment pour les lier.
Mais cela demandait tout un temps pour la construction. Pour permettre de
bâtir rapidement les édifices, les Romains inventèrent un matériau original,
le blocage, constitué de l’agglomération de pierres noyées dans un ciment
très dur. Il suffit d’établir des revêtements de brique entre lesquels on coule
le béton liquide.
Le temple n’est plus le monument par excellence, comme au temps des
Grecs, mais fait partie de vastes ensembles, à la manière hellénistique.
Les arcs de triomphe, les trophées et les colonnes commémoratives sont
destinés à perpétuer le souvenir des exploits impériaux. Les forums, places
bordées de portiques où se dressent temples et basiliques, constituent le
centre des affaires et de la politique. Les aqueducs alimentent les fontaines
et les thermes. Les édifices consacrés au divertissement sont les cirques,
12. 45
les théâtres en hémicycle et les amphithéâtres elliptiques où se déroulent
les combats des gladiateurs. L’art et le sport exprimaient pour les Grecs les
grandes valeurs du citoyen ; à Rome et dans ses colonies, ils entraient dans
l’idéologie impériale, se bornant au culte de l’empereur et au divertissement
de son public assoiffé de sang.
4- Le monde médiéval et la ferveur monothéiste
Après la chute de l’empire romain déchiqueté par les Barbares, Byzance
prend la relève de cet impérialisme, tout en devenant la protectrice du
christianisme en Orient, comme en Occident. Il est vrai que le monothéisme,
cette grande épuration de la religion qui va se préciser progressivement, est
né dans le monde antique, avec le judaïsme, mais il sera toujours marginalisé
et étouffé par les grandes civilisations. Pour cette raison, on doit dire que
toute l’Antiquité était marquée par le polythéisme et par le culte des dieux
mythiques, un culte qui a influencé toutes les cultures antiques, en Orient,
comme en Occident.
Le monothéisme trouve sa gloire et sa renommée avec l’Empire byzantin,
l’Empire islamique et les royautés de l’Europe occidentale après sa
formation. Tout le Moyen-âge est caractérisé par l’impact du culte du Dieu
omniprésent et unique, par la ferveur religieuse, que ce soit le christianisme
ou l’Islam, que ce soit le culte orthodoxe ou catholique, chiite, ou sunnite.
Seulement ce culte du Dieu unique n’a pu trouver son extension qu’en
devenant une religion d’Etat. Le christianisme est resté souterrain, souffrant
avec ses martyrs, durant quatre siècles, jusqu’à l’arrivée de l’empereur
Constantin qui l’a brandi en tant que religion officielle. Mais en glorifiant
aussi le souverain, considéré comme protecteur de la religion, envoyé de
dieu et son lieutenant, prince des croyantes. Les cultures nées dans le monde
médiéval sont ansi centrées sur la religion et le souverain, une vision issue
de l’antiquité orientale, mais plus épurées et évoluées selon les régions.