Même si les achats automobiles des entreprises continuent de progresser, l'entrée en vigueur de nouvelles normes, une fiscalité bousculée, l'arrivée de l'électrique et la montée en puissance de la mobilité collaborative rebattent les cartes et plongent les professionnels dans l'expectative.
Par Eric Gibory
Flotte automobile dans la tourmente le figaro 2 nov 2018
1. Spécial Flotte Auto
UN MARCHE
DANS LA TOURMENTE
Même si les achats automobiles des entreprises continuent de progresser,
l'entrée en vigueur de nouvelles normes, unefiscalité bousculée, l'arrivée de l'électrique
et la montée en puissance de la mobilité collaborative
rebattent les cartes et plongent lesprofessionnels dans l'expectative.
Par Eric Gibory
L
e chiffre esthistorique. Jamais un mois d'août
n'avait vu lesautomobiles neuvessevendre àce
point comme des petits pains. Par rapport à
août 2017, lebond atteint 40%. Le marché des
voitures de fonction et de serviceesttout aussi
chahuté. En août 2018, lesachats automobiles des entre-
prisesaffichent unecroissancedeprèsde 30%. Le phéno-
mène est connu. Les entreprises comme les particuliers
ont voulu anticiper le passageà la norme WLTP (World-
wide Harmonized Light Vehicle Test Procédure) au
1
er
septembre.Avecdesprocéduresdetestplus prochesde
la réalité, ce nouveau protocole entraîne une hausse de
la consommation decarburant et desémissions de CO2.
Selon l'Acea (Association des constructeurs européens
d'automobiles), la différence atteint 20 % par rapport à
l'ancienne norme NEDC (Nouveau cycle européen de
conduite).
Comme le malus et la taxe sur les véhicules de société
(TVS) sont indexéssur lesémissionsdeCO2, lesentrepri-
sesont voulu échapper àune hausseimportante de la fis-
calité automobile. Les constructeurs ont également cher-
ché à écouler leurs véhicules les plus exposés en les
immatriculant dans la perspectivede lesrevendre en tant
que véhicule d'occasion zéro kilomètre ou comme occa-
sion récente.Qualifiées detactiques, cesimmatriculations
ont égalementcontribué à lacroissanceexceptionnelle du
marché en août dernier.
Malgré son ampleur, le phénomène est retombé comme
un soufflé enseptembre.Lesventes d'automobiles neuves
ont chuté de 8,5 % par rapport àseptembre 2017. Quant
aux entreprises, leurs achats ont reculé de 18,3% sur la
même période. L'effet d'aubaine du WLTP estbel et bien
passéet, sur les neuf premiers mois de l'année, le marché
restenéanmoins orienté à la hausseavecdesimmatricula-
tions devéhicules neufsenprogressionde 6,5% quand les
entreprises augmentent leurs volumes d'achats de 5,3 %.
Dans une étude sur l'évolution du marché automobile,
l'Observatoire Cetelemestimeque lesventesaux entrepri-
sesdevraient baisserde 5 % en 2019 et de 2,5 % en 2020.
UN AN DE RÉPIT POUR LE WLTP
Quant au recours au protocole WLTP pour le calcul du
malus et de la TVS, il estreporté à septembre 2019. Les
automobilistes respirent car la nouvelle norme s'accom-
pagne d'un changement de calcul et, à l'arrivée, d'un
probable alourdissement de la facture. Au lieu d'homo-
loguer chaque version (moteur et transmission) d'une
gamme, les autorités ont décidé quechaque déclinaison
du même modèle associéeà sesdifférents équipements
devait être prise en compte pour le calcul des émissions
et dela consommation. En fonction deséquipements et
des options, lepoids peut varier de quelques kilos, cequi
peut avoir un impact de1 ou plusieurs grammes de CO2.
Cela peut suffire à augmenter le malus deplusieurs cen-
taines d'euros. De fait, lenombre de données explose et
le systèmed'immatriculation desvéhicules (SIP), l'archi-
tecture informatique de l'administration, n'est pas assez
robustepour supporter untel afflux d'informations.
CALCUL DE LA TAXE SUR LES VÉHICULES DE SOCIÉTÉ
Taux d'émission de dioxyde de carbone
(en grammespar kilomètre)
Tarifapplicablepargramme
dedioxydedecarboneà
partirdu 1er
janvier2018
Inférieur ou égal à 20 0 €
Supérieur à 20 et inférieur ou égal à 60 1 €
Supérieur à 60 et inférieur ou égal à 100 2 €
Supérieur à 100 et inférieur ou égal à 120 4,5 €
Supérieur à 120 et inférieur ou égal à 140 6,5 €
Supérieur à 140 et inférieur ou égal à 160 13 €
Supérieur à 160 et inférieur ou égal à 200 19,5 €
Supérieur à 200 et inférieur ou égal à 250 23,5 €
Supérieur à 250 29 €
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2 novembre 2018 - N°23086
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3. Les entreprises et les particuliers ont donc gagné une
année supplémentaire pour se préparer à une fiscalité
indexée sur les données des tests WLTP. Dans l'inter-
valle, l'administration sebasera sur un montant calculé
à partir des données WLTP baptisé NEDC corrélé.
Le marché des flottes automobiles ne doit pas faire face
seulement à l'évolution des normes d'homologation. A
la suite du dieselgate, le gouvernement français a décidé
de rééquilibrer les prix à la pompe entre essence et diesel.
D'ores et déjà, le litre de gazole est plus cher que celui
du super sans plomb dans de nombreuses stations-ser-
vice. Autre conséquence du scandale du diesel, plusieurs
villes dont Paris ont annoncé leur intention d'interdire
les véhicules diesels sur leur territoire. Patrick Ollier,
président de la métropole du Grand Paris, a précisé le
calendrier des restrictions de circulation pour les com-
munes se trouvant à l'intérieur du périmètre de FA86.
En 2021, les véhicules dotés de pastilles Crit'Air 4 ne
pourront plus circuler dans l'enceinte du Grand Paris et
de la capitale. L'année suivante, ce sera au tour des véhi-
cules Crit'Air 3. A compter de 2024, tous les véhicules
diesels seront interdits sur l'ensemble de la zone. Enfin,
l'objectif est qu'il n'y ait plus aucun véhicule à moteur
thermique dans la métropole Grand Paris dès 2030.
Après plusieurs décennies deculture diesel, le marché se
prépare à se désintoxiquer. Le gouvernement a décidé
d'aider les entreprises à sortir du dogme du tout diesel
en les autorisant à récupérer la TVA sur l'essence
comme ils le font depuis de nombreuses années sur le
diesel. Progressive, cette mesure portera tous seseffets
en 2021, quand la récupération de la taxe sefera à 80 %
comme c'est déjà le cas pour le diesel.
QUAND LE DIESEL BAISSE,
L'ESSENCE MONTE
« Sur les huit premiers mois de l'année, la part, du dieselest-
passéesousla barre des80 %, constate François Piot, prési-
dent de l'Observatoire du véhicule d'entreprise (OVE). Il
faut remonter aux années 1970pour rencontrer un telpour-
centage. » Plus précisément, sur les neuf premiers mois de
2018, la part du diesel dans les ventes de camionnettes et
d'automobiles aux entreprises s'établit à 79,5 %, soit une
baisse de 2,7 points depuis le début de l'année. Ce tasse-
ment profite à l'essence puisque sur les trois premiers tri-
mestres de2018, sa part passede 11,2 % à 15,4 %, soit une
augmentation de4,2 points. Quant à l'électrique, même si
sesvolumes sont en hausse de 34,8 %, il représente seule-
ment 1,8 % des achats réalisés par les entreprises. De son
côté, si le parc des hybrides représente 3,1 %, avecdesvolu-
mes en hausse de 44,5 %, il reste relativement modeste.
Face aux énergies alternatives et au super sans plomb, le
diesel continue derégner en maître au sein des flottes d'en-
treprise, même si sa part ne cessede reculer depuis quel-
ques années. La raison de cette domination découle de ses
avantages financiers. Moins taxé en matière de TVS et de
malus car moins émetteur de CO2, le véhicule diesel coûte
moins cher à l'usage que seshomologues essence,électrique
et hybride. Cabinet conseil spécialisé dans l'optimisation
INNOVATION : BMW LANCE LA RECHARGE SANS FIL
L
e constructeur munichois innove en proposant,
en première mondiale, la recharge par induction.
Ce système réservé pour le moment à la 530e, la Série 5
hybride rechargeable, devrait s'étendre à d'autres modèles
de la gamme. Il comprend une plaque de 45 kg que l'on pose
à même le sol et que l'on raccorde à une prise d'électricité et
un récepteur installé sous le moteur (+ 900 €). Le dispositif
produit un champ magnétique de 3,2 kW.
Pour fonctionner, la Série 5 doit s'accompagner de l'option
Navigation Professionnal, facturée 1 150 €.
Cet équipement reliant en Wi-Fi la voiture à la plaque permet
le guidage de la 530e au-dessus de la plaque. Le conducteur
dispose d'une marge de 70 mm en longueur et de 140 mm
en largeur. Sur l'écran central de la voiture, une vue aérienne
permet de connecter les deux dispositifs. Il faudra encore
ajouter 1 500 à 2 000 € pour les opérations de vérification
de l'état du réseau et l'installation. Quant à la plaque, elle ne
sera proposée qu'en location à un tarif encore non défini. Il
faut 3 h 30 pour recharger la batterie de 9,2 kWh avec un taux
d'efficacité à 85 %. Les entreprises devraient être sensibles
à ce système. Dans le cadre d'un parc comptant plusieurs
530e, la plaque à induction pourra être partagée. S. R.
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4. des coûts, Euklead juge le gazole plus compétitif dès lors
que les kilométrages annuels dépassent les 50 000 kilomè-
tres. Entre 20 000 et 50 000 kilomètres, il est concurrencé
par l'essence et l'hybride, et l'électrique s'impose en deçà
de cette limite. Yann Guillaud et Patrice Leroy, directeurs
associés, expliquent qu'en l'état actuel des technologies,
la solution réside dans un éventail de motorisations.
SUV ET ÉLECTRIFICATION
EN LIGNE DE MIRE
WLTP, diesel et électrification ont animé les conversations
lors du dernier Mondial de l'automobile deParis qui reste,
avec un peu plus de un million de visiteurs, le premier
événement planétaire consacré à la voiture et à la mobilité.
Dans le hall 1, le groupe PSA présentait sestrois marques
françaises. Plus spécifiquement destinée aux entreprises,
la nouvelle 508 attirait les regards sur le stand Peugeot.
Plus basse et plus sportive, cette grande berline veut
séduire les cadres et redynamiser les ventes de son
segment. Sur son stand, Citroën s'est concentrée sur le
lancement du C5 Aircross, un SUV compact dont la
commercialisation interviendra avant la fin de l'année. Il
emprunte sa plate-forme au 3008, son homologue chez
Peugeot.
Toujours au sein du groupe PSA, mais cette fois du côté
de sa marque premium DS, l'inédit DS 3 Crossback se
démultipliait sur l'espace d'exposition de la marque. Des-
tiné à concurrencer les Mini Countryman et Audi Q2, ce
SUV urbain sera disponible au premier trimestre 2019. Il
sera décliné en électrique alors que les routières de PSA
(Peugeot 508 et 3008, Citroën C5 Aircross et DS 7) auront
droit à desvariantes hybrides rechargeables de225 ou 300
chevaux. Même s'il était absent du Mondial de l'auto
comme huit autres constructeurs importants, Nissan
avance de sérieux arguments sur le front del'électrique. Sa
Leaf et son e-NV200 sont respectivement les automobiles
et utilitaires électriques les plus vendus en Europe.
VERS UNE MOBILITÉ MULTIMODALE
Si l'électrification constitue l'une desrévolutions en cours,
les entreprises réfléchissent également aux modes de
transports alternatifs et à la mobilité dans sa globalité.
Obligatoire depuis le 1
er
janvier dernier pour les sites de
plus de 100 salariés installés dans certaines zones géogra-
phiques, le plan de mobilité s'attache à développer le
covoiturage, Fautopartage, le vélo, les transports en com-
mun, la visioconférence, le télétravail, etc. « Au printemps
dernier; seules14 % desentreprises avaient mis surpied un
tel plan. C'est d'autant plus dommage que, pour une fois,
lespouvoirs publics n'avaient pas assorti cette obligation de
sanctions », constate François Piot. Le président de l'OVE
regrette que les entreprises ne s'emparent pas de ce sujet
pour réunir l'ensemble des départements de l'entreprise
autour de sujets transversaux pour poser les bonnes
questions et trouver des réponses pertinentes sur les
plans économiques et environnementaux. Comment
diminuer le nombre detrajets ? Avec quels modes et quel-
les énergies les assurer ? Quel mode de transport alternatif
mettre en place ? Comment et dans quelles situations
doit-on éviter de se déplacer ?
« Un véhicule est immobilisé à 95 % du temps », fait valoir
Jérémie Almosni, chef du service transport et mobilité à
l'Ademe. Dans ce contexte, le mode collaboratif et les
mobilités alternatives doivent être privilégiés pour baisser
l'empreinte carbone des déplacements professionnels. •
E.G.
Sources : AAA Data, OVE (Observatoire du véhicule d'entreprise),
CCFA (Comité des constructeurs français d'automobiles).
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