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GEOMAGHREB Volume n° 8 / 2012
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Hassan FAOUZI
FESTIVAL ET PATRIMOINE CULTUREL, OPPORTUNITE POUR LE DEVELOPPEMENT
ECONOMIQUE, TOURISTIQUE ET SOCIAL ? LE CAS DU FESTIVAL GNAOUA D’ESSAOUIRA
(MAROC)
FESTIVAL CULTURAL HERITAGE, OPPORTUNITY FOR ECONOMIC DEVELOPMENT, TOURISTIC AND
SOCIAL? THE CASE OF ESSAOUIRA (MOROCCO)
Dr. Hassan FAOUZI
Université de Lorraine, Metz
Courriel : hassan.faouzi@univ-lorraine.fr
Résumé
Le patrimoine est une richesse culturelle et économique. Cet outil culturel peut prendre une place importante dans l’évolution et l’avenir
du territoire et de son développement, c’est un vecteur d’échanges participant à la mise en valeur du territoire, suscitant des flux
économiques et développant des échanges fructueux favorisant ainsi l’essor des connaissances et la créativité de la population, facteur
décisif de la croissance économique. A travers cet article nous soulevons un certain nombre d’interrogations, quant aux répercussions du
festival sur la ville et ses environs à travers un exemple particulier, celui du festival Gnaoua et musiques du monde d’Essaouira au Maroc.
L'objectif visé ici est d'évaluer l'impact du festival sur l'organisation de l'espace d’Essaouira. On essaiera de savoir, tout au long de notre
recherche, si, au travers de l'exemple de ce festival, la culture peut - ou non - servir d'opportunité politique, économique, touristique et
sociale aux villes.
Mots-clefs : Patrimoine culturel, Territoire, Développement, Festival, Gnaoua, Essaouira, Maroc, Tourisme.
Summary
Heritage is a cultural and economic wealth. This cultural tool can take an important place in the evolution and future of the territory and
its development is a vector of exchange involved in the development of the territory, sparking economic flows and developing fruitful
exchanges promoting and the growth of knowledge and creativity of the population factor in economic growth. Through this article we
raise a number of questions, about the impact of the festival of the city and its surroundings through a particular example, the Festival
Gnaoua and World Music of Essaouira in Morocco. The goal here is to assess the impact of the festival on the spatial organization of
Essaouira. We will try to know, throughout our research, if, through the example of this festival, culture may - or not - use of political
expediency, economic, social and tourist cities.
Keywords: Cultural Heritage, Territory Development Festival Gnaoua, Musical Heritage, Essaouira, Morocco, Tourism.
‫اﻟﺘﻨﻤﯿﺔ‬ ‫ﻓﻲ‬ ‫دورھﻤﺎ‬ ‫و‬ ‫اﻟﺜﻘﺎﻓﻲ‬ ‫اﻟﺘﺮاث‬ ‫و‬ ‫اﻟﻤﮭﺮﺟﺎن‬‫اﻻﻗﺘﺼﺎدﯾﺔ‬‫و‬ ‫اﻟﺴﯿﺎﺣﯿﺔ‬ ‫و‬‫اﻻﺟﺘﻤﺎﻋﯿﺔ‬:‫ﻣﻮﺳﻢ‬ ‫ﺣﺎﻟﺔ‬‫ﯕ‬،‫ﻨﺎوة‬‫اﻟﻤﻐﺮب‬ ،‫اﻟﺼﻮﯾﺮة‬
‫ﻣﻠﺨﺺ‬
‫ﻣﮭﻤﺔ‬ ‫ﺟﺪ‬ ‫أداة‬ ‫أﺻﺒﺤﺖ‬ ‫ﻓﺎﻟﺜﻘﺎﻓﺔ‬ ،‫واﻗﺘﺼﺎدﯾﺔ‬ ‫ﺛﻘﺎﻓﯿﺔ‬ ‫ﺛﺮوة‬ ‫اﻟﺘﺮاث‬ ‫ﯾﻌﺘﺒﺮ‬‫ﻓﻲ‬‫اﻷﻗﺎﻟﯿﻢ‬ ‫ﻣﺴﺘﻘﺒﻞ‬ ‫و‬ ‫ﺗﻘﺪم‬‫ﺗﻨﻤﯿﺘﮭﺎ‬ ‫وﻛﺪا‬.‫ﻣﮭﺮﺟﺎن‬ ‫أن‬‫ﯕ‬‫ﻨﺎوة‬‫اﻟﺬي‬‫ﯾﻨﻌﻘﺪ‬‫ﺑﺎﻟﺼﻮﯾﺮة‬)‫اﻟﻤﻐﺮب‬(‫ھﺪه‬ ‫ﺟﻠﯿﺎ‬ ‫ﯾﺠﺴﺪ‬
‫ﻧﻼﺣﻆ‬ ‫ﺑﺤﯿﺚ‬ ‫اﻟﻈﺎھﺮة‬‫ﻧﻤﻮ‬ ‫ﺗﻌﺰز‬ ‫اﻟﺘﻲ‬ ‫اﻟﻤﺜﻤﺮة‬ ‫اﻟﻤﺒﺎدﻻت‬ ‫ﯾﻄﻮر‬ ‫و‬ ‫اﻻﻗﺘﺼﺎدﯾﺔ‬ ‫اﻻﺳﺘﺜﻤﺎرات‬ ‫ﻣﻦ‬ ‫ﻣﺰﯾﺪ‬ ‫ﯾﺜﯿﺮ‬ ‫ﺑﺄﻧﺔ‬ ‫ﺑﺎﺳﺘﻤﺮار‬‫اﻟﻤﻌﺮﻓﺔ‬‫و‬‫اﻹﺑﺪاع‬‫اﻟﻨﻤﻮ‬ ‫ﻓﻲ‬ ‫ﺣﺎﺳﻢ‬ ‫ﻋﺎﻣﻞ‬ ‫أﻧﮫ‬ ، ‫اﻟﺴﺎﻛﻨﺔ‬ ‫ﻟﺪى‬
‫ا‬ ‫اﻟﻤﺠﺎﻻت‬ ‫ﺗﺜﻤﯿﻦ‬ ‫و‬ ‫اﻹﻗﻠﯿﻢ‬ ‫ﺗﻨﻤﯿﺔ‬ ‫ﻓﻲ‬ ‫ﺗﺴﺎھﻢ‬ ‫أداة‬ ‫و‬ ‫اﻻﻗﺘﺼﺎدي‬‫ﻟﺘﺮاﺑﯿﺔ‬.‫و‬ ‫اﻟﻤﺪﯾﻨﺔ‬ ‫ﻓﻲ‬ ‫اﻟﻤﮭﺮﺟﺎن‬ ‫ﺗﺄﺛﯿﺮ‬ ‫اﻟﻤﻘﺎل‬ ‫ھﺬا‬ ‫ﯾﺘﻨﺎول‬‫اﻷﻗﺎﻟﯿﻢ‬‫ﻣﮭﺮﺟﺎن‬ ‫اﻧﻌﻜﺎﺳﺎت‬ ‫دراﺳﺔ‬ ‫ﻣﻦ‬ ‫اﻧﻄﻼﻗﺎ‬ ‫اﻟﻤﺠﺎورة‬‫ﯕ‬‫ﻨﺎوة‬
‫اﻟﺼﻮﯾﺮة‬ ‫ﻣﺪﯾﻨﺔ‬ ‫ﻋﻠﻰ‬
‫اﻟﻤﻔﺎﺗﯿﺢ‬ ‫اﻟﻜﻠﻤﺎت‬
‫اﻟﺴﯿﺎﺣﺔ‬ ،‫اﻟﺘﻨﻤﯿﺔ‬ ،‫اﻟﺜﻘﺎﻓﻲ‬ ‫اﻟﺘﺮاث‬ ،‫اﻟﻤﻐﺮب‬ ،‫اﻟﺼﻮﯾﺮة‬ ،‫اﻟﻤﮭﺮﺟﺎن‬ ، ‫ﯕ‬‫ﻨﺎوة‬
GEOMAGHREB Volume n° 8 / 2012
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INTRODUCTION
La culture est une activité économique en plein essor (Scott, 1999). Promouvoir les activités culturelles est un élément de la politique
économique locale de promotion de nouveaux secteurs économiques (Bénito, 2001 ; Greffe et al., 2005 ; Henriques et Thiel, 2000 ; Saez,
2002). Au Maroc, on assiste à un accroissement progressif de l’intervention des collectivités locales dans les politiques culturelles pour
leur développement et modernisation. On constate de plus en plus que l’outil culturel (festivals, expositions, concerts, représentations...)
prend une place importante dans l’évolution et l’avenir du territoire et de son développement. De nombreux festivals sont présentés par
diverses institutions internationales (OIF, UNESCO, PNUD, OMT) comme un « facteur de développement », et ce, par la « mise en
tourisme » dont ils font l’objet.
La culture et le patrimoine par le biais notamment des festivals représentent un enjeu culturel, social et économique pour le
développement des territoires (Saint-Pierre, 2007) et contribuent à la lutte contre la pauvreté (Bénito, 2001; Lao, 2008 ; Pecqueur, 1989).
Plusieurs rapports et études vont même jusqu’à évoquer « une économie nouvelle née et se nourrissant de la vie culturelle » (Négrier et
Vidal, 2009). L'inscription festivalière, a priori éphémère, laisse sur la ville des traces à la fois matérielles et immatérielles. Le patrimoine
culturel et naturel peut être générateur d’une dynamique urbaine pour un tourisme culturel et écologique, et jouer un rôle moteur pour son
développement, « la culture est considérée comme un élément essentiel au développement d’une ville […] Le secteur culturel est
désormais considéré comme un secteur productif, créateur d’emplois, de richesses, d’innovation et de développement local » (Vivant, 2008).
Au Maroc, la centralisation du pouvoir dans les mains de l'Etat jusqu'aux années 1980, constituait une entrave au développement du pays
en général et des localités en particulier car la société civile n'est pas concrètement associée à la gestion de la chose publique. Ce système
ne permettait pas à l'Etat d'appréhender les profondes aspirations des populations et les véritables problèmes auxquels elles sont
confrontées. La crise économique galopante s’est généralisée. La pression des revendications a abouti à une reforme institutionnelle de
décentralisation le 13 septembre 19961
. La décentralisation, gage de la promotion de la démocratie à la base et du développement local,
devient alors effective. Elle permettra de responsabiliser les collectivités locales dans la production et le développement de l'économie
locale. Outre l'aide de l'Etat, chaque commune est tenue de réfléchir, de chercher et de découvrir les voies et moyens pour amorcer son
développement socio-économique réel. Les collectivités locales mettent à cet effet, toutes leurs richesses, toutes leurs ressources, qu'elles
soient culturelles, historiques, agricoles, infrastructurelles... au service de l'économie locale.
Dans cette logique, Essaouira, qui n'a pas à l'instar d'autres régions du Maroc, le privilège d'appartenir à un pôle de concentration
industrielle ou commerciale, ni le privilège d'être une région de concentration des capitaux de l’État, ne peut, à l'orée de la
décentralisation, se prévaloir que de ses richesses historiques, culturelles, artistiques et touristiques comme seules valeurs
économiquement monnayables pour son développement. Vu que le tourisme occupe aujourd'hui une place importante dans le rang des
activités génératrices de revenus au Maroc, il est devenu une industrie susceptible de contribuer au développement de la ville au regard
des devises qu'elle génère.
Cette cité portuaire singulière n'a cessé de fasciner les voyageurs et les artistes du monde entier qui y ont séjourné, tels Orson Welles,
Jimmy Hendrix, Mick Jagger, Maria Callas, Pasolini, etc. Elle présente un caractère pittoresque, sans équivalent en Afrique du Nord, qui
tient à ses fortifications à la Vauban, entourant des quartiers anciens aux rues étonnamment rectilignes et larges dont le plan a été tracé
par un français, Théodore Cornut (1765). Plusieurs éléments de la ville peuvent faire l’objet d’une politique patrimoniale et touristique
particulière (résidence d’artistes et de voyageurs etc.). Pourtant, qu’en est-il ? Quelle est la place de ces différents éléments dans la
valorisation patrimoniale et touristique ?
Nous tenterons ainsi d’étudier le lien entre « patrimoine », « tourisme » et « développement ». Différentes questions essentielles se
posent. Quels sont les effets économiques de l'investissement culturel ? Quelle est leur spécificité par rapport aux effets produits par des
investissements dans d'autres domaines ? Il s’agit de spécifier là les registres de la valorisation : les retombées financières des activités
culturelles à travers le tourisme, la création de nouveaux métiers autour du patrimoine, le renforcement de la cohésion sociale et de
l'attractivité territoriale, etc. L'objectif visé ici est d'évaluer l'impact des festivals sur l'organisation de l'espace à travers l’exemple du
festival Gnaoua
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et musiques du monde qui a lieu chaque année à Essaouira. On essaiera de savoir, au fil de notre recherche, si, au travers
de l'exemple du festival Gnaoua, la culture peut - ou non - servir d'opportunité politique, économique, touristique et sociale aux villes.
1. Méthode utilisée
Depuis 1999, les géographes s’intéressent un peu plus à la dimension festive, à la culture et ses rapports au territoire, ce dont rendent
compte les publications dans les revues ou ouvrages de géographie et les colloques (Di Méo, 2001; Garat, 2005 ; Gibout 2000 ; Boogaarts,
1992 ; Barthon et al., 2007 ; Gravari et al, 2003).
1
La loi du 13 septembre 1996 a renforcé le rôle des collectivités dans plusieurs domaines. Elle a prévu que " La collectivité définit et met en
œuvre la politique d’action sociale ", la possibilité partagée avec les régions d’engager des politiques concernant la gestion des crédits
d’entretien et de restauration du patrimoine. Enfin, les crédits pour la conservation du patrimoine leur sont transférés. La réforme de 2009 est
plus explicite avec l’instauration des PCD. Tendance confirmée par la constitution 2011.
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Confrérie au cœur du patrimoine vivant de la culture marocaine, les Gnaoua sont des descendants d’esclaves venus de la terre d’Afrique, qui au fil des
siècles ont initié un courant spirituel et musical fort.
Hassan FAOUZI
Grâce à un travail bibliographique, nous avons identifié plusieurs phénomènes qui semblaient nous permettre de vérifier nos hypothèses
et nous servir de révélateurs pour une compréhension des liens entre développement et festival (culture). Parmi ces phénomènes on peut
citer l’instrumentalisation de la culture dans les opérations urbaines (requalification de la ville), le rôle du festival comme agent de la
revalorisation symbolique (puis économique) de l'ancienne médina et la culture en tant qu’élément de communication et de promotion du
tourisme.
Par ailleurs, nous avons accordé une attention particulière au traitement du festival dans la presse que nous considérons comme une source
d’informations sur l’actualité du festival, et aussi comme un espace de construction de représentations sociales. En effet, les journalistes,
par le choix et le traitement des sujets, sont des producteurs de symboles.
A partir de notre questionnement originel, nous avons bâti un dispositif de recherche spécifique. Il nous a semblé approprié d’utiliser
comme méthodologie les questionnaires, aussi bien pour les prestataires touristiques (hôtels, campings, restaurants, etc.), que pour les
habitants et les commerces d’Essaouira, ainsi que pour les visiteurs du festival. Ces questionnaires ont, soit été envoyés par mail, soit
distribués en main propre.
On a également opté pour les entretiens et interviews, soit par téléphone, soit par une rencontre « face à face ». On a donc interrogé les
responsables de la ville et les élus locaux (municipalité d'Essaouira, délégation régionale du tourisme, délégation régionale de la culture et
les organisateurs du festival)3
dans le but de récolter certaines informations et statistiques sur le festival. On s’est aussi documenté par
l’intermédiaire de différents sites Internet et articles de presse.
Des enquêtes individuelles ont été aussi menées auprès d’un échantillon représentatif de la population locale, des touristes nationaux et
étrangers, artisans, commerçants et hôteliers, comprenant 60 entretiens, sur la période de juin et juillet 2009 complétée par une autre
enquête réalisée en mars 2012. Les questions portaient sur l’impact socio-économique et touristique du festival, sur le développent urbain
ainsi que sur la satisfaction macroéconomique.
2. Essaouira : une station balnéaire ancrée dans l’histoire et disposant d’un riche patrimoine
Essaouira est située sur la côte atlantique du Maroc à 175 km à l’ouest de Marrakech et à 170 km au nord d’Agadir. Elle est le centre
administratif d’une province de 6335 km² où habitent environ 433.683 habitants (dont 75.437 à Essaouira). Sa médina s’étend sur une
trentaine d’hectares. Elle a été construite sur une presqu’île rocheuse pénétrant dans l’océan sous forme d’une suite d’îlots éparpillés sur le
littoral. C’est une ville portuaire comptant environ 70 000 habitants et le chef-lieu de la province, qui compte environ 500 000 habitants.
Essaouira a attiré dès l’antiquité de nombreux navigateurs. Déjà au VIIe siècle avant J. C., les Phéniciens faisaient escale dans les îles de
la baie, l’antique Thamusida. Juba II, roi de Mauritanie, y a installé une fabrique de pourpre (Lugan, 2000), puis le site a été occupé tour à
tour par les portugais et les sultans saâdiens qui en ont fait le port de Tombouctou.
C’est au XVIe
siècle que les Portugais ont donné à la ville le nom de Mogador. Mais la cité ne prend un réel essor qu'au XVIIIe
siècle,
sous le règne du sultan Sidi Mohamed Ben Abdellah, qui y installa et développa un port et une ville fortifiée. On y échangeait des
produits importés d'Europe contre des plumes d'autruche, de la poudre d'or, du sel et des esclaves noirs, d'où une présence importante de
leurs descendants, les Gnaoua. La création de la ville témoigne du contexte historique de l'époque marqué par la signature de traités de
commerce avec des pays européens. Pour animer les échanges économiques, on fit appel à des familles juives et des consulats s'y
installèrent.
Sur le plan économique, l’espace d’Essaouira est parmi les plus pauvres du Maroc. On peut résumer ses activités à quelques conserveries
moribondes (onze conserveries dont une seule marche à plein temps), à un port aux bateaux vétustes, à un secteur rudimentaire de
l’artisanat. Pourtant la ville regorge de trésors touristiques : une médina au style maroco-portugais, un Mellah, vestige d’une cohabitation
et d’une harmonie interconfessionnelle (musulmans, chrétiens et juifs) unique au monde, un musé, le musée Sidi Mohamed ben Abdallah
dont l'entrée est gratuite est installé dans l'ancienne demeure du Pacha, et est consacré aux arts régionaux.
Essaouira, a le grand avantage de tirer profit de l’existence de sa médina, la seule bien structurée pour recevoir à la fois des touristes dans
des riads4
et offrir une panoplie de restaurants typiques, dans une ambiance artisane typique au Maroc. Essaouira renferme un patrimoine
architectural et urbanistique particulier et original, témoignant d’un riche passé ouvert sur de nombreuses civilisations humaines
(européenne, arabo-musulmane et africaine). La ville tire également sa renommée touristique internationale grâce aux sports nautiques,
notamment ceux relatifs au vent et aux vagues (surf, kit surf, planche à voile), etc.
Essaouira est née de la coexistence de différentes communautés liées au commerce saharien. Elle a été une étape du commerce caravanier
et une pièce maîtresse dans le commerce extérieur marocain avec l’Europe, ce qui explique l’existence d’une importante communauté
d’Afro-marocains dont la présence est attestée dans cette cité portuaire depuis le XVIIIe
siècle, c’est-à-dire depuis la fondation de ce «
3
Il est difficile de réunir des statistiques précises permettant de cerner l'importance du festival sur ces dernières années.
On constate dès lors un problème de comptabilité contradictoire et approximative. C'est pourquoi en l'absence de travaux réels de comptage, de fichiers
successifs concernant cette activité, nous sommes tenus de nous référer aux seuls outils existants (les monographies) capables de donner un chiffrage plus
ou moins cohérent.
4
Le riad définie les maisons traditionnelles des médinas marocaines. La réalité étymologique de ce mot signifie jardin en arabe. Le riad réuni
donc deux notions importantes : celle de la maison et d'un jardin clos. A travers les siècles, ces riads sont devenus la demeure de hauts
personnages dont les moyens financiers étaient importants.
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Port de Tombouctou » par le sultan Mohammed Ben Abdellah (Benachir, 2005).
Essaouira a longtemps connu un taux de fréquentation touristique relativement faible. Cet état de choses, résultat de la dégradation et de la
non conservation des différents sites touristiques et de son patrimoine, n’a pas permis pas l'amélioration des conditions de vie des artisans,
artistes, agriculteurs, restaurateurs, etc. et de leurs ménages (soit environ 75 % de la population active) ni la création de nouveaux emplois
et a participé de ce fait à l'accroissement de la pauvreté des populations. Il s'en suit qu'à l'ère de la décentralisation, la réhabilitation du
patrimoine culturel d'Essaouira par le biais du festival Gnaoua et musiques du monde s'avère indispensable. Aussi, la valorisation du
patrimoine culturel de la ville est devenu un facteur d'attractivité vis-à-vis non seulement des touristes mais aussi des opérateurs
économiques qui, par la mise en place de nouvelles activités (industries, projets de développement), vont contribuer au développement
local.
3. Définition et qualification de l'activité festivalière
Les festivals constituent des événements ponctuels mais demeurent inscrits dans la continuité de la récurrence. Ils se déroulent chaque
année presque à chaque fois au même moment, ce qui leur confère un passé susceptible d'être fixé en mémoire. Enfin, le festival reste
attaché, sauf exception, à un site -une ville ou un village- qui lui sert de support et avec lequel s'opère une identification réciproque.
La musique a toujours constitué pour les différentes communautés l’expression privilégiée de leur identité et de leur mode d’insertion
dans les tissus social et culturel. La musique se révèle alors comme moyen de reconnaissance, pont solide avec le passé et les origines.
Elle consolide les liens de solidarité au sein des communautés et jette des ponts avec les autres partenaires sociaux à travers la fusion des
expressions musicales. La musique des Gnaoua a été un acte un acte de résistance préservant ce qui pouvait l’être du patrimoine africain
noir. Acte de résistance mais aussi acte d’intégration, dans la mesure où cette musique a fondé un nouvel espace autour d’elle, un espace
né du repli mais débouchant paradoxalement sur l’ouverture.
- Gnaoua forme musicale traditionnelle africaine et arabo- amazighe
Les Gnaoua sont les descendants d’anciens esclaves originaires d’Afrique noire. Constitués en confrérie à travers tout le Maroc, les
Gnaoua sont des maîtres musiciens (maâlem), des joueurs de crotales, des voyantes, des médiums. Leurs pratiques mêlent des apports
africains et arabo-amazighes. Bien que musulmans, les Gnaoua fondent leur spécificité sur le culte des jins (esprits) et leurs rites ont
conservé nombre de traits propres aux cultes de possession africains. La cérémonie la plus importante et la plus spectaculaire des Gnaoua
est la lila, dont la fonction est essentiellement thérapeutique. Durant la célébration, le maâlem, accompagné de sa troupe, appelle les
saints et les entités surnaturelles à prendre possession des adeptes, qui s’adonnent alors à la transe. Les instruments utilisés au cours de ces
cérémonies sont : le luth-tambour à trois cordes (guembri), les crotales (qraqeb) et les tambours (ganga). Ce rituel est comparable au
vaudou d’Haïti et à la macumba du Brésil
Les Gnaoua étant un trait d’union entre les cultures (arabo-amazighes et africaines), un genre musical de rapprochement des peuples, très
vite le rythme Gnaoua fut embrassé. Cela a accru l’amour que les marocains éprouvent pour les Gnaoua. De ce fait ils sont considérés
comme prestigieux par les artistes dont le fondement de l’inspiration vient de la tradition afro-marocaine. Tout cela a contribué au
développement de ce genre de musique au point que le festival ne fait qu’élargir son public à chaque édition.
Dans le rapport au temps et à l’espace, Di Méo (2001) évoque l’importance de la dimension symbolique des villes, ce n’est pas le quotidien
individuel qui la génère mais les temps forts que constituent aujourd’hui les festivals. Le festival se comprend en effet dans une unité de
temps, de lieu et d'action :
L'unité de temps ; l'événement se définit dans une temporalité particulière, courte, identifiée et renouvelée. La durée varie généralement
entre quelques jours et quelques semaines (Robert, 2004).
L'unité de lieu elle est probablement plus utilisée pour caractériser les festivals et les différencier en catégories. On trouve ainsi des
classements par région, selon que l'événement a lieu en plein air ou en salle, dans un site patrimonial, dans l’espace public ou dans une
salle de spectacle, en milieu rural, urbain ou périurbain (Robert, 2004 ; Lucchini, 2002).
Selon l’unité d'action ou de propos, on peut répartir les festivals par genre, thèmes ou domaines artistiques, eux mêmes encore divisés en
sous catégories. Au Maroc, la grande famille des festivals de musique, représente plus de la moitié des festivals existants. Le festival
Gnaoua et musiques du monde en fait partie.
On distingue aussi deux grandes catégories de festivals, d’une part, les festivals dits de création qui sont construits autour d'un projet
artistique, visant la présentation de spectacles inédits et la découverte de nouveaux talents et, d’autre part, les festivals qualifiés de
touristiques qui ont pour objectif premier la valorisation ou l'animation d'un site patrimonial (Poggi, 2002 ; Patin, 1997). Ils cherchent
avant tout à susciter la venue de touristes, à dynamiser la fréquentation.
Dans l’espace public, le festival est un moment de relecture de la ville qui permet aux habitants de se réapproprier leur espace de vie
(Faouzi, 2009, 2010). Les festivals s'inscrivent pleinement dans les enjeux d'aménagement du territoire, qui sont même devenus, chez
certains, une préoccupation à part entière.
Hassan FAOUZI
Dans le contexte de la décentralisation, les élus locaux sont de véritables pionniers de la promotion de la démocratie à la base et du
développement local (Zyani, 2002). Qu'ils dirigent une commune "riche ou pauvre", ils ont la lourde responsabilité de relever le défi de
l'auto-développement de leur localité. Maintes stratégies sont, à cet effet, mises en œuvre pour l'accomplissement de cette tâche. Ainsi,
depuis quelques années, on assiste à un développement important des manifestations culturelles et artistiques organisées, le plus souvent,
à l'initiative des élus locaux et des collectivités locales avec parfois le soutien de l'Etat ou de donateurs publics ou privés, nationaux ou
internationaux.
Une dynamique plus forte apparaît dans les années 1990 avec une augmentation très sensible du nombre des festivals et plus
particulièrement à partir des années 2000. Les lois de décentralisation accordent des compétences nouvelles et les incitations de l'Etat sont
très rapidement relayées par les collectivités locales qui portent un intérêt particulier aux festivals. Les acteurs locaux profitent donc de
l’appropriation par les collectivités locales de l’action culturelle et de la mise en œuvre de politiques culturelles municipales, qui sont de plus
en plus imbriquées dans des politiques urbaines globales, pour développer leur territoire. « Si de tels événements sont aujourd'hui importants,
c'est qu'il s'agit pour les collectivités d'afficher une dynamique et de desservir l'ensemble de leur territoire afin de l'animer, ou encore
d'attirer des touristes » (Garat, 2005).
La fête, à travers le festival, reconstruit les solidarités, participe à la création et au développement d'un dynamisme local qui rejaillit sur la
vie économique et sociale. Le festival est pour le public un moyen de retrouver son identité et de se constituer une communauté vivante.
Dans le même ordre d'idée, de nombreuses actions sont mises en place dans les quartiers (exemple, L'ALCS, association de lutte contre le
sida, qui a lancé un partenariat avec le fabriquant de préservatifs Manix pour initier des actions de prévention dans le milieu festif de la
ville. Des stands de sensibilisation aux risques des MST sont animés par ALCS durant la période du festival. Des affiches, en français et
en arabe, ont été conçues pour l'occasion). Le festival est saisi par les opérateurs culturels afin de porter un message au politique. C’est en
atteignant les individus, en enrichissant le partage des valeurs entre eux que le champ culturel pourra intégrer les politiques nationales
(Corbin et al., 1994).
Si auparavant l'aménagement culturel du territoire constituait une charge il est de plus en plus perçu comme une stratégie. C'est un
investissement au profit de la population locale pour laquelle le festival constitue une bouffée d'oxygène qui leur permet de tirer profit de
cette activité fut-elle éphémère. Ainsi les élus locaux cherchent à faire du festival un levier de développement. Autrement dit, mettre
l'image puissante d'Essaouira au service du développement. La ville n'investit pas seule et elle n'investit pas non plus gratuitement. En
offrant des moyens considérables, la ville a dans l'idée d'obtenir une contrepartie économique utile pour son développement (Autissïer,
1998 ; Zukin, 1982, 1991, 1998, 2002).
4. Le festival gnaoua et musiques du monde : un vecteur de développement
Le festival Gnaoua et musiques du monde, qui a lieu tous les ans au mois de juin depuis 1998 et qui dure quatre jours, construit un discours
articulant les notions de tradition et d’ouverture. En maîtres incontestés, les Gnaoua, partagent la scène avec les musiciens de pop, jazz,
rock, et autres genres musicaux, créant ainsi un extraordinaire laboratoire de fusions musicales. « C’est un souffle puissant, une énergie
explosive, un naufrage définitif pour toute notion de silence. (...) Au son des qraqeb (crotales en fer) et du guembri (luth tambour à trois
cordes), la voix des Gnaouas prend possession d’Essaouira » (Labesse, 2005). Le festival Gnaoua a lieu en plein air avec plusieurs sites
patrimoniaux dans l’espace public (Figures 1 et 2).
Figure 1. Scène en plein air et en médina du festival Gnaoua.
Open-air Stage and medina Gnaoua festival (cl. A3 Communication, 2009).
GEOMAGHREB Volume n° 8 / 2012
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Figure 2. Ville d’Essaouira
City of Essaouira.
4.1. Des retombées économiques
Depuis sa création en 1998, le festival d'Essaouira s'est imposé en tant qu'événement de référence avec la participation de musiciens de
premier plan venus du monde entier. Pour sa première édition en 1998 le festival a connu, selon les organisateurs du festival5
, le flux de
20 000 personnes, alors que ce nombre est passé à plus de 500 000 personnes pour l'édition qui a eu lieu en 2010 et en 2011, dont près de
15 000 touristes étrangers. A propos de l’édition de 2005, Marie Audran écrivait dans Le Point du 7 juillet 2005 : « Durant ces quatre
jours, l’antique Mogador, transformée en néo-Woodstock, a accueilli plus de 400.000 visiteurs, dix fois sa population ».
Le festival est, dans ce sens, un concept de développement économique et touristique. « La rentabilité de telles activités est souvent
mesurée à l'aune du nombre des spectateurs et à celle des retombées économiques sur la cité et sur la région. La mesure de cette
«rentabilité» est difficile à mener : les chiffres des fréquentations sont souvent très critiquables » (Garat, 2005).
Grâce au festival, Essaouira a pu faire valoir ses acquis historiques et patrimoniaux (Mouline, 1997), tout en les mettant au service de la
renaissance économique, sociale et culturelle de la ville. Les lieux de déroulement de fêtes et événements festifs ne sont pas définis de
manière aléatoire. Le choix de lieux ayant souvent une charge symbolique importante correspond à des décisions stratégiques. Et ces lieux
sont vécus de manière intense pendant la période de déroulement de l'événement, parfois de manière durable. Ainsi on prend conscience
de l’intérêt potentiel de ces sites qui met en avant le potentiel économique de la culture. « En effet, les espaces de diffusion de la culture
(musées, galeries, patrimoine bâti...) sont les lieux visités par les touristes et l’événementiel culturel est un outil de promotion du tourisme
urbain » (Vivant, 2008).
L’atout touristique premier de la ville d'Essaouira est son paysage urbain ainsi que son patrimoine bâti. L’imaginaire d’une ville est, en effet,
fortement marqué par certains attraits paysagers spécifiques. Une ville ancienne, bien conservée et mise en valeur est en soi une attraction
touristique (Vivant, 2008). A ce titre, un des effets des actions des associations de conservation du patrimoine d'Essaouira a été
l’augmentation de la fréquentation touristique.
5
Voir le site officiel du festival : http://www.festival-gnaoua.net/festival_essaouira/pages/index.php
Hassan FAOUZI
Plusieurs travaux de restauration des remparts ont vu le jour, appuyés par des actions pilotes de l’UNESCO (exemple le Mellah6
, ancien
quartier juif, en 2002). Ces opérations de restauration ont par ailleurs débouché sur la formation de jeunes à la maçonnerie traditionnelle :
un chantier-école a été installé et des français spécialisés dans la maçonnerie traditionnelle et la taille de pierre ont encadré et formé
plusieurs dizaines d’apprentis qui ont pu réaliser la restauration des portes monumentales et des arcades des souks au centre de la médina.
Ces différents efforts menés conjointement par les autorités locales, les services extérieurs des ministères, les associations, les amicales de
quartiers, les coopérations nationales et internationales, ont abouti à l’inscription de la médina d’Essaouira sur la liste du patrimoine
mondiale de l’UNESCO en 2001. Le festival bénéficie d’une attractivité forte. Les touristes viennent du Maroc mais aussi de l’étranger,
les artistes étrangers s’intéressent de plus en plus à ce festival, renforçant ainsi le potentiel artistique de la ville. Avec le succès du festival,
un cercle vertueux a commencé, l’arrivée de ce tourisme permettant la création ou l’entretien d’hôtels, de restaurants, des maisons d’hôtes
(les riads), un effort d’automodernisation de leur habitat par les habitants, le développement de l’artisanat du bois, l’aménagement de
l’aéroport, etc.
En effet, à la recherche de maisons peu onéreuses, les étrangers (surtout les touristes européens) s’installent dans des quartiers dévalorisés
et populaires (la médina). Peu à peu, ils revalorisent le quartier, où de nouvelles populations viennent s’installer, entraînant une hausse des
prix immobiliers revalorisant ainsi les anciens quartiers (Vivant, 2008). A travers les entretiens menés auprès d’agents immobiliers, il est
sensible que les riads sont des phénomènes de masse émergents, bouleversant les règles du marché immobilier et les normes des modes
d’habiter. Tous reconnaissent la réalité d’une vraie demande de la part des acheteurs mais la quasi-inexistence de l’offre.
La ville a désormais une image de marque internationale, et des réalisations de cinéma reviennent pour effectuer des tournages la où Orson
Welles avait tourné Othello, il y a plus d’un demi siècle. Entre 1995 et 2009, le nombre de nuitées par visiteur est passé de 2 à 4 nuits, le
taux d’occupation des hôtels a été multiplié par au moins 4. Le nombre d’emplois crées spécifiquement pour le tourisme était proche de
700 en 2001. À Essaouira, ces dernières années, le festival a favorisé la concentration dans la vieille ville d'un très grand nombre de cafés,
restaurants, snacks, (Tableau 1), etc. « Les liens entre les arts, la culture et le commerce, entre la culture et le tourisme ne sont pas nouveaux,
ce qui peut être relié de prés ou de loin aux festivals est mis en vente. La commercialisation des symboles urbains prend de l'importance.
Partout on vend des objets qui reprennent des attributs du festival et de l'espace dans lequel ils se déroulent (tee-shirts, bérets, écharpes,
produits artisanaux, autocollants et cartes postales, ce que l'on n'aurait pas imaginé quelque vingt ans auparavant » (Garat, 2005). « En trois
jours, j’ai vendu autant de tapis qu’en une année » se réjouit un vieux commerçant du Bazar.
Tableau 1. Évolution des structures d’hébergement, d’accueil et de restauration à Essaouira entre 1998 date de la première édition et 2006.
Evolution of the structures of lodging, home and restoration in Essaouira between 1998 date of the first edition and 2006 (source : Municipalité
d’Essaouira).
Les retombées économiques locales sont plus souvent estimées que mesurées tant elles touchent des secteurs différents : restauration, cafés,
hôtellerie, campings, commerces touristiques ou spécialisés.
4.2. Le festival au service du territoire
Le festival est un moyen efficace pour doter les espaces vécus d'une identité territoriale reconnue, à condition de s'appuyer sur une
communication importante et de se greffer sur d'autres initiatives dont les objectifs sont similaires (comités de quartier, pratiques sportives,
associations culturelles, constitution d'établissements publics de coopération intercommunale).
4.3. Les retombées en termes d'image
En effet, si les retombées économiques et touristiques profitent plus largement à grand périmètre autour de l'événement, les retombées en
termes d'image sont plus concentrées parce que la ville est souvent associée au festival. Ce dernier est une bonne occasion pour la ville de
mieux se faire connaître. La ville d´Essaouira a su se servir de son festival pour s'affirmer au plan médiatique, afin d'enrichir son attractivité
touristique (61 % des touristes étrangers interrogés affirment que c’est grâce au festival Gnaoua qu’ils ont entendu parler de la ville
d’Essaouira). Essaouira, désormais classée ville internationale, a gagné sa renommée grâce notamment au célèbre festival Gnaoua et
musiques du monde qui a permis la revitalisation de la ville en mettant en valeur ses atouts socio-économiques et ses spécificités naturelles et
culturelles.
6
Le Mellah, quartier juif, joua un rôle important dans l’histoire de la ville car le Sultan utilisa la communauté juive pour établir des relations
avec l’Europe et organiser des activités commerciales. Les Juifs furent honores du titre de Toujjar Es-Sultan (Marchands royaux), ce qui leur
conféra des privilèges économiques et politiques considérables.
GEOMAGHREB Volume n° 8 / 2012
9
Figure 3. Affiche publicitaire du festival, édition 2011.
Poster of the festival, edition 2011 (source : A3 Communication, 2007).
5. Festival gnaoua et développement local
« Non seulement le festival contribue à promouvoir l'image souhaitée de la ville, mais il a aussi la capacité d'enrayer une dynamique de
représentation négative (insécurité, criminalité, etc.). Certaines villes s'emparent du canal culturel pour s'affirmer sur le plan
international. C'est le cas de plusieurs villes européennes qui ont réussi, en trente ans, de changer l’image de leur ville, de passer d’une
ville en crise pour revêtir celle beaucoup plus gratifiante de capitales européennes et mondiales de la culture -exemple Lorient capitale
du celtisme-. Le festival offre la possibilité pour les villes généralement dépourvues d'atouts économiques ou d'avantages liés à leur
localisation, de s'affirmer sur le plan international et de conjurer les logiques d'exclusion géographique consécutives à la mondialisation
économique. Les retombées attendues sont nombreuses (attraction de touristes voire d'entreprises, déclin des logiques d'exclusion,
revalorisation territoriale, ouverture sur le monde) » (Brennetot, 2004).
6. La promotion d'une identité souirie
7
Les festivals sont susceptibles d'exprimer l'identité d'espaces de vie émergeant autour d'une ville et de son aire d'influence tout en
stimulant le développement économique et culturel (Garat, 2005). Les festivals connaissent beaucoup de succès auprès des populations
locales. Ils sont une occasion exceptionnelle pour une communauté de se retrouver et de « vivre son patrimoine » (Necissa, 2006) et dans
certains cas de fédérer plusieurs communautés autour d'un patrimoine commun. Le festival exerce d'abord un effet sur les habitants eux-
mêmes : ceux-ci en tirent un motif de fierté, d'identification positive (54 % des personnes interrogées ont affirmé que le festival a beaucoup
apporté au plan social. Les exemples cités sont entre autres, la prise de conscience de la population de leur appartenance à l’espace souiri et
aussi que le festival est un creuset de retrouvailles de filles et fils d'Essaouira pour réfléchir sur l'avenir de la ville). Il est aussi un catalyseur
d'une fierté retrouvée et permet de redonner aux populations une confiance dans leurs valeurs culturelles, fortement valorisées par la présence
d'un public varié réunissant aussi bien des connaisseurs que des touristes. C'est dans cette perspective que s'inscrit l'organisation du festival
d’Essaouira.
7
Relatif à Essaouira
Hassan FAOUZI
En termes de retombées, le principal impact du festival Gnaoua réside dans l’accroissement de la notoriété de la ville. C’est grâce au festival
que la ville d’Essaouira a été mise sur le devant de la scène. La majorité des festivaliers nationaux (70 %) ont entendu parler du festival par le
biais des moyens de communications audio-visuel, 10 % par les journaux et 20 % par du bouche à oreille. Le festival est devenu la première
source de publicité de la ville, même s'il ne constitue pas un support d’image. En effet, Essaouira jouit plutôt d’une image de ville d’histoire,
tournée vers le patrimoine. Le festival présente l’intérêt d’un rééquilibrage du positionnement de la ville. Par ailleurs, le "coup de projecteur"
sur la ville est prolongé par le système des découvertes. Le festival engendre une découverte des lieux touristiques de la ville (Figure 2) ou
des environs et débouche sur des choix de séjours postérieurs8
.
Le festival Gnaoua a permis la création d’un environnement culturel dynamique qui a renforcé l'attractivité du territoire d’Essaouira pour les
entreprises, les résidents potentiels, les porteurs de projets, etc. C’est dans le cadre de ce festival, que des projets initiés par la population
locale ont été lancés tels le "logement chez l'habitant" au sein de la médina qui est le meilleur moyen d'associer le tourisme au développemen
t humain (75 % des festivaliers nationaux optent pour le logement chez l'habitant).
80 % des personnes enquêtées ont exprimé leurs souhaits de mettre en valeur les qualités architecturales d'un grand nombre de bâtiments
situés au centre-ville et de poursuivre l'amélioration de l'aménagement de la ville et d'utiliser le fait culturel comme source motrice du
dynamisme de la ville. De manière générale, elles veulent utiliser le festival comme moteur pour un aménagement de la ville. C’est dans
ce cadre que les responsables locaux ont élaboré des stratégies concernant les trois aspects clés de la revitalisation de la ville : les
développements économique et social, l'animation et la promotion, et la réalisation d'interventions physiques de qualité avec la mise en
valeur de techniques de construction propres et typiques à Essaouira, tout en actualisant et remettant à l'honneur un savoir-faire
traditionnel comme l’artisanat. Toute une expertise locale a été mise à profit par la présence d'artisans locaux tels que : maçons,
menuisiers, sculpteurs de bois et briquetiers,.
Pour attirer le public sur le lieu du festival (Figure 4), plusieurs résultats concrets ont émané de l'ensemble de la démarche, notamment la
réhabilitation de l’ancienne médina et du mellah, l’entrée de la ville d’Essaouira va être entièrement réaménagée. De plus, les deux axes
principaux de la ville, le boulevard Aqaba et le boulevard Mohammed V, vont être mis a niveau. La corniche qui longe ce second axe est
également concernée par ce plan de réaménagement, ainsi que le renouvellement du réseau d’assainissement de la médina, dont la vétuste
est une menace pour la préservation de ce patrimoine. De plus, une charte architecturale et urbanistique de la médina va être établie.
Enfin, le vieux quartier industriel de la ville, dont la situation des habitants est très précaire, fait aussi l’objet d’une étude de mise a
niveau.
Figure 4. La tour du Bastion de Bab Marrakech : le seul monument restauré, à la fois grâce et pour le festival, dans le but de servir de scène
payante en intérieur du festival.
Bastion Tower of Bab Marrakech: the only monument restored, bothwith and for the festival, in order to use pay-scene inside the festival.
(cl. H. Faouzi, 2012).
8
Les principales caractéristiques de la ville sont les suivantes :
- Les remparts dont la majeure partie de la section nord est toujours présente.
- Les portes de la ville et plus particulièrement la porte ornementale de la Marine (1170-1171).
- Les bastions et les forts (borjs), en particulier la Sqala du Port, la Sqala de la Medina et le bastion de Bab Marrakech.
- La Kasbah qui fut à l'origine le siège du pouvoir et de la garnison militaire et qui fait à présent partie intégrante de la ville.
- Le Mellah (quartier juif) qui a conserve nombre de ses spécificités d’origine.
- La prison, située sur une île au large du littoral (á présent elle est le refuge d’oiseaux rares tels que des faucons).
- Les nombreuses mosquées de style caractéristique.
- Les synagogues (en particulier la synagogue de Simon Attias), garantes du dynamisme des habitants juifs.
- L’église portugaise de la fin du XVIIIe siècle.
- Dar-Sultan (ancien palais royal).
- Les demeures privées au charme particulier.
- Le port d'Essaouira qui est accessible par un étroit chenal protégé. Il est borde de grandes étendues de dunes de sable au-delà desquelles se
trouvent les forets d’argan (Argania spinosa), uniques au Monde.
GEOMAGHREB Volume n° 8 / 2012
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En 13 ans, soit de 1998 à 2011, la ville a connu la rénovation de 33 bâtiments patrimoniaux. La mise en valeur du cadre bâti de la ville, a
créé une réelle prise de conscience de la richesse du patrimoine bâti et de la beauté de l'environnement naturel local. Ceci a suscité un
effet d'entraînement, des citoyens et des commerçants ont ainsi financé eux-mêmes des travaux à l’extérieur et dans leurs édifices ou à
leurs résidences et ce, en respect du caractère d'authenticité du bâtiment. Ainsi l’ERAC-Tensift (Etablissement Régional d'Aménagement
et de Construction du Tensift), a présenté quelque 16 projets étalés sur 127 hectares visant la création de 1085 unités de logement, un
projet portant sur la nouvelle zone urbaine (Rimal Mogador) sur une surface de 268 hectares ainsi que plusieurs projets consistant en la
construction de 712 unités de logement, dont 388 villas économiques, sur une superficie de 30 hectares. Par ailleurs, la SAEMOG
(Société d'aménagement Essaouira-Mogador), a investi près de 3 milliards de dirhams dans une nouvelle station qui comportera une
dizaine d'hôtels, trois parcours de golf, des centaines de villas de haut standing et ceci afin de répondre à
l'accroissement du flux de touristes depuis 1998, date de la première édition du festival.
Tableau 2 : Évolution annuelle de la capacité d'hébergement classée à Essaouira par rapport aux autres villes du Maroc (en terme de lits).
Annual change in accommodation capacity in Essaouira ranked compared to other cities in Morocco (in terms of beds).
(source : http://www.tourisme.gov.ma).
7. Festival et retombées touristiques
Pour jauger la place du festival dans l’imaginaire touristique, nous avons utilisé un média qui créé l'objet touristique de manière
indépendante de l'institution qui le promeut et qui s'accorde aux attentes de ses lecteurs dans le choix des sujets : le guide de voyage. « En
sélectionnant un lieu, en l’interprétant puis en l’évaluant, le guide de voyage construit l’image et le sens de ce lieu, et le rend
potentiellement touristique » (Vivant, 2008). L’analyse de la présentation de la ville d'Essaouira dans les guides de voyage permettra de
vérifier notre hypothèse selon laquelle le festival constitue une attraction touristique ainsi qu'une étape du parcours du touriste dans la
ville et la rend plus attractive aux yeux des visiteurs. Dans son édition du 2010, le célèbre guide de voyage « Guide du Routard », écrit á
propos de la ville « Envoûtante Essaouira, entourée de fortifications et située au bord de l'Atlantique. Sa médina toute blanche est classée
au patrimoine mondial de l’Unesco. Très différente de la trépidante Marrakech, sa voisine, Essaouira attire des artistes du monde entier
qui s’y installent pour humer l’atmosphère magique de l’ancienne Mogador »9
.
Le festival Gnaoua a donc permis à Essaouira d´amorcer un virage « touristique » et les commerçants y ont adhéré avec enthousiasme. Ce
qui a permis la création d’emplois, la consolidation et l’expansion d’entreprises. Plusieurs initiatives ont pu voir le jour ainsi que l’arrivée
en nombre croissant de touristes étrangers qui témoigne du dynamisme grandissant de la ville d’Essaouira.
Dans le rang des élus locaux, la majorité (71 %) des personnes interrogées trouve le festival utile pour le développement de la ville. À
travers ce festival, c'est la ville qui est mise sous les feux de la rampe. Quant aux populations locales enquêtées composées de
restaurateurs, propriétaires d'hôtels, artisans et commerçants..., 92 % ont répondu par l'affirmative à la question relative à la contribution
du festival au développement du tourisme de la ville d'Essaouira (d'après les agents de la Royal Air Maroc d'Essaouira, pendant le festival
on enregistre l'atterrissage de 4 à 5 avions Boeing par jour, sans compter les avions VIP, alors que le reste de l'année on n'enregistre que 2
avions par semaine). L'analyse de ces chiffres montre que le festival a reçu l'assentiment des populations d’Essaouira, du moins pour son
apport au rayonnement et aux développements culturel et touristique. Cela laisse augurer d'un lendemain meilleur pour cette
manifestation.
Grâce au festival, l’avenir touristique d’Essaouira est sur les bons rails, avec les désenclavements routier et aérien, le nombre des
investissements touristiques, notamment celui concernant la nouvelle station Essaouira Mogador, avec la réalisation de 8000 lits et deux
golfs. Ces dernières années, les professionnels du secteur du tourisme à Essaouira sont passés à l’action à travers la création
d’associations et comités professionnelles qui réunissent les divers opérateurs du secteur : hôteliers, restaurateurs et voyagistes (exemple :
l’APRES, Association Provinciale des Restaurateurs d’Essaouira et le CPT, Comité Provincial du Tourisme d’Essaouira. La première
association est créée, à la fois pour défendre les intérêts de la profession et pour participer au développement économique et social, quant
au CPT, il prend en charge le secteur touristique, notamment en matière de promotion touristique, de formation professionnelle,
d’assainissement du produit, d’animation, entre autres et d’assistance aux autorités afin de faire du tourisme un vrai vecteur des
développements économique et social, à la fois local et provincial.
7.1. Incidence sur la durée du séjour
La tenue du festival a une incidence certaine sur la durée du séjour, puisque 37,5 % des touristes interrogés affirment vouloir accroître la
9
http://www.routard.com/guide_voyage_lieu/3046-essaouira.htm
Hassan FAOUZI
durée de leur séjour. Parmi les touristes qui modifieront la durée de leur séjour, 33 % resteront à Essaouira plusieurs journées additionnelles,
67 % resteront deux ou trois jours de plus.
7.2. Le rôle touristique du festival
Plusieurs constats peuvent être tirés de la dimension touristique du festival à savoir principalement :
-Le festival est avant tout un attrait et non pas une entreprise de promotion touristique ;
-La notoriété du festival auprès des touristes a un effet bénéfique sur l’industrie touristique d’Essaouira et sur l’ensemble de l’activité
économique de la ville ;
-Les touristes qui visitent le festival n’ont pour l’instant qu’une valeur marginale sur la rentabilité de ces événements, mais néanmoins
essentielle au chapitre de la notoriété extérieure. Dans cette perspective, une augmentation de la clientèle touristique du festival a un impact
sur l’image positive de la destination Essaouira.
Même si les efforts promotionnels du festival auprès de la clientèle touristique sont relativement récents, il s’avère incontestable qu’il exerce
un impact plus que positif sur le rayonnement international d’Essaouira. En effet, le festival agit à plusieurs niveaux sur les clientèles
touristiques en ce qu’ils :
motivent les voyageurs à prolonger leur séjour ;
créent une image positive de la destination Essaouira ;
mobilisent indirectement les autres secteurs économiques de la ville, qu’ils soient liés ou non à la dimension touristique.
Le festival d’Essaouira a également une forte représentativité auprès des professionnels des industries culturelle, télévisuelle et
cinématographique (chaînes TV espagnoles, françaises, allemandes, américaines, chaînes de télé arabes, etc. Pour l’édition de 2009, le festival
a été couvert par plus de 170 journalistes, dont 70 journalistes étrangers, et plusieurs chaînes internationales de grande envergure.
L’enquête que nous avons réalisée auprès des touristes présents à Essaouira lors de la tenue de l’événement, a permis de mieux cibler la
connaissance et la perception qu’ont les touristes de cet événement. Dans l’ensemble, prés de la majorité des répondants (85 %) avaient
connaissance de la tenue du festival par l’intermédiaire des médias et des agences de tourisme.
8. Discussion
Dans un contexte de concurrence interurbaine, la ville d'Essaouira a mis en œuvre une politique urbaine ambitieuse pour signifier son
dynamisme et sa différence où la culture, à travers le festival Gnaoua et musiques du monde, est instrumentalisée au bénéfice d’une stratégie
urbaine globale. La culture est devenue un élément structurant des projets d’aménagement, elle est devenue un mode de légitimation des
opérations d’aménagement. Elle est l’outil, et non pas la finalité, de plusieurs projets (opérations de régénération urbaine). Elle est
instrumentalisée pour faciliter la mise en œuvre rapide des projets. Dans ce sens la culture á travers le festival Gnaoua est un outil de projet
urbain, un outil magique de valorisation de la ville. Elle participe aussi à la construction des paysages et à l’animation urbaine (Zukin, 1991,
1995) et sa mobilisation participe à la revalorisation symbolique et économique de la ville.
Par ailleurs, étant donné qu’il attire de nombreux journalistes, le festival Gnaoua permet de susciter des retombées touristiques et
publicitaires indirectes. Le festival agit davantage à la marge, comme un élément de différence ou d’accélération mais ne peut pas être
considéré comme un levier de développement indépendant et se suffisant à lui-même pour la croissance de la ville même s’il a permis la
dynamisation de la ville et le réaménagement du territoire. L’impact sur le développement local reste indirect. En effet, aucune entreprise
ne se serait installée sur le site uniquement à cause de la présence spécifique du festival. En revanche, entre plusieurs villes équivalentes
et concurrentes, le festival peut intervenir comme un élément de différence qui influera positivement sur le choix des groupes et
entrepreneurs. Depuis 1998, le nombre de riads, restaurants, hôtels, café, commerces et associations est en constante augmentation.
Timide cité balnéaire autrefois, Essaouira s’affiche désormais comme une ville en expansion, où l’on construit et rénove sans cesse.
En marge du festival plusieurs programmes ont été engagés, ils concernent la rénovation et la restauration du patrimoine bâti et des
anciennes maisons, ce qui atteste de la prise de conscience de la part des autorités politiques et de la population de l'importance de leurs
patrimoines historique et culturel. Le festival a permis la revalorisation symbolique de plusieurs lieux et espaces dans la ville. A l'intérieur de
la ville, le centre historique est le plus investi. Il correspond le plus à l'espace patrimonialisé, mis en valeur pendant le festival. Tous les
bâtiments et équipements publics du centre ville sont utilisés ainsi que de nombreux édifices privés auxquels se rajoutent des installations
provisoires de tentes sur les places, les allées et les boulevards. Il est important de souligner que le festival Gnaoua et musiques du monde y
est pour beaucoup dans l’inscription d'Essaouira sur la liste du patrimoine mondial par l’UNESCO. Un tel classement est en soi un argument
et un outil de promotion pour la ville ; c’est aussi une assurance pour le touriste que cette ville « mérite le détour », comme dirait le guide
Michelin. D’une certaine manière, ce type de classement réduit l’incertitude du touriste quant au choix de sa destination (Vivant, 2008).
Grâce au festival, la ville d’Essaouira est en train de conquérir sérieusement sa place au sein de l’échiquier touristique national et tout
particulièrement régional. Ses situations géographique, climatique et historique, particulières lui permettent d’avoir, un positionnement
touristique à la fois culturel et balnéaire. Grâce à sa position géographique, elle est pratiquement à égale distance, entre les deux plus
grandes destinations touristiques du pays : Agadir (pour le balnéaire) Marrakech (pour le culturel). Un nouveau triangle touristique se
dessine, grâce au développement de ces trois destinations : Marrakech, Essaouira et Agadir, et offre à Essaouira une valeur ajoutée
touristique inestimable.
En termes de rayonnement, le festival a d’abord une portée nationale. Le stade de maturité, qui se traduit par le statut de méga-événement –
tels le Mardi-Gras de la Nouvelle Orléans (Etats-Unis), le Carnaval de Rio (Brésil), ou encore le festival de Cannes (France), s’acquiert avec
le temps, généralement évalué entre 30 et 35 ans d’existence. Cette durabilité assure alors la reconnaissance des touristes et confère une
crédibilité internationale qui peut alors s’affirmer et se maintenir. Ainsi, la relative jeunesse de cet événement (depuis 1998) porte à croire
que la promotion de ce dernier doit encore se traduire par des efforts à caractère informationnel ciblé d’abord vers une clientèle avide de tels
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événements. Les nouvelles liaisons aériennes avec Essaouira facilitent maintenant l’accès à des marchés fort lucratifs et intéressés par de tels
événements, comme la France, l’Allemagne et les pays scandinaves. Par la suite, il sera possible d’établir un positionnement qui permettra de
stimuler, créer et confirmer une demande internationale substantielle.
Le festival Gnaoua est une « manifestation d’accès libre » qui se déroule complètement dans un espace découvert dont l’accès ne fait
l’objet d’aucun contrôle. Les difficultés se posent pour déterminer l’impact du tourisme sur l’économie ou les dépenses sur place lors de
ce genre de manifestation. Les dépenses des festivaliers (artistes et public) sont multiples : la part la plus importante concerne le logement
et la restauration. Par exemple, la mairie estime qu’un festivalier dépense en moyenne 100 dh par jour pour un festivalier national et
jusqu’à 600 dh pour un festivalier étranger. Mais, les retombées concernent les ventes des produits souvenirs. Sur la base de ces
estimations et sachant que festival attire aujourd’hui près de 15 000 touristes étrangers et près de 500 000 marocains dont la majorité est
jeune (seulement 5 % sont des consommateurs potentiels), on peut avancer le chiffre 11 500 000 dh de recette par jour.
Pour ce qui est des emplois, il est important de noter qu’ils ne sont pas pérennes, un bilan détaillé des créations d’emplois reste néanmoins
très difficile à évaluer correctement. Les emplois indirects concernent les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration, des transports, du
nettoyage, de la sécurité, de l’alimentation et du commerce en général, de la santé et de l’action sociale, des Télécoms, des associations
socio-culturelles. On pourra quand même souligner un impact également sur la formation via l’organisation de stages et de sessions
professionnelles.
Les retombées sur la ville vont bien au-delà des seules retombées économiques. Il convient ainsi de souligner les bénéfices en termes de
communication et d’image, qui contribuent au développement touristique du lieu. L’organisation du festival contribue à la valorisation
de l’image de la ville ainsi que la création d’une identité forte associée à la ville et donc au développement de l’attractivité touristique
du lieu. Ce potentiel de communication n’a d’ailleurs pas échappé aux entreprises, qui y trouvent souvent non seulement le support
d’une promotion commerciale de leurs activités et produits mais aussi un vecteur efficace de valorisation de leur image, tant en interne
que vis-à-vis de leurs partenaires. En l’absence de données chiffrées, l’impact doit être relativisé. C’est un festival d'image visant à
promouvoir la manifestation et dans le même temps la ville. Le festival Gnaoua et musiques du monde n’a pas d’objectif commercial
ou financier, son but est de mettre en avant la musique Gnaoua et d’encourager l’art. Si le festival n’existait pas, la musique de l’art
Gnaoui risquerait de s’éteindre. Le festival Gnaoua est un mélange de loisir, de tourisme, de culture et de fête.
Si le festival Gnaoua et musiques du monde a permis à Essaouira d´amorcer un virage « touristique », il a également eu des impacts
négatifs. 96 % de la population enquêtée affirment que pendant le festival, la ville d'Essaouira enregistre une augmentation de la
délinquance juvénile de l'insécurité ainsi qu'une nette dégradation des mœurs. Aussi, l'engouement des étrangers pour les vieilles maisons
de la médina d'Essaouira transformées en maisons d’hôtes pose le problème d’un secteur qui fonctionne dans l’anarchie où les pratiques
inavouées remplacent le tourisme à proprement parler. Prisée par un grand nombre de visiteurs, soumise aux rapaces de l’immobilier,
Essaouira a vu ainsi son patrimoine foncier gagner en valeur mais pas toujours au profit de la population locale. Les tentations
spéculatives sont très réelles.
Conclusion
Actuellement, les indicateurs d'impact socio-économique des festivals au Maroc ne sont pas disponibles. Les études étudiant l’impact
économique de ce festival sont inexistantes. Ni le ministère de la culture, ni le ministère du tourisme ne se sont penchés de façon très
approfondie sur les retombées des festivals au Maroc. Des registres d’informations doivent être identifiés et faire l’objet d’observations ou
d’enquêtes, qui porteront sur la fréquentation, les dépenses culturelles publiques, la connaissance des publics, l’économie culturelle, le
chiffre d’affaire…
Si l’identité du festival Gnaoua est d’abord perçue au travers de ses projets artistique et culturel, la production de cette manifestation
dépasse largement cette unique dimension et constitue un maillage d’actions variées. Qu’il s’agisse de projets de redynamisation de la
ville, de transformation des anciens quartiers, de revaloriser le patrimoine bâti ou de changer l’image de la ville, etc. dans ce sens le
festival Gnaoua et musiques du monde a un effet valorisant.
Le festival Gnaoua et musiques du monde est un temps de grand apaisement social, de cohésion sociale, de rencontre, de succès
populaire, d'investissement de l'espace public, de mise en vitrine de la ville. Les festivals participent donc à l'organisation et à la
promotion des territoires. On peut conclure que c'est un festival d’image, visant à améliorer l’image et la renommée de la ville. En tant
que festival de renommée internationale, il est évident que le festival a un impact énorme sur toute la région. Quand on parle d’Essaouira
à un étranger, il pensera forcément au festival. Tout ceci pour dire que la notoriété d’Essaouira est gigantesque. Le festival d’Essaouira
possède déjà une base solide d’achalandage. Le tourisme à Essaouira constitue un marché déjà présent depuis de nombreuses années, mais
qui n’est pas exploité au maximum de son potentiel.
Il faut établir une stratégie qui s'appuie sur la protection et la mise en valeur du patrimoine culturel en l'intégrant au développement
régional. Il faut faire de la préservation et de la valorisation du patrimoine un objectif principal servant d'outil de développement, et
soutient donc la mise en place de politiques et d'outils de protection, de gestion et de valorisation du patrimoine culturel. Pour cela, il faut
élaborer une méthodologie qui conduit à l'identification du patrimoine culturel pour l'intégrer dans les plans d'aménagement.
Le patrimoine culturel d'Essaouira constitue une richesse dont la protection, la conservation et la mise en valeur imposent aux autorités,
des responsabilités afin que ce patrimoine devienne un facteur déterminant de développement. Cette mise en valeur devrait être envisagée
comme l'un des aspects fondamentaux de l'aménagement du territoire et de la planification au niveau national, régional ou local.
Le patrimoine est devenu à la fois un enjeu socio-économique et un enjeu politique très important. Il faut intégrer le patrimoine dans la
politique d'aménagement du territoire dès les premières phases du processus de décision en matière d'aménagement et aussi dans la vie
sociale et économique comme étant l'un des aspects fondamentaux de l'aménagement du territoire et de la planification à tous les
Hassan FAOUZI
échelons.
La culture est donc un enjeu économique fondamental pour l’avenir d’Essaouira. Les biens et services culturels ne sont plus des activités
secondaires. Au contraire, tout concourt à en faire un secteur particulièrement dynamique dans le futur avec les nouvelles technologies
qui multiplient les moyens de transmission de l’image et du son.
Il s’agit de favoriser une concertation dans la promotion commune de la destination Essaouira par l’ensemble des intervenants touristiques
de manière à ce que soit reconnu le rôle d’attrait du festival dans la vente d’Essaouira et de l’impact positif que ce dernier ajoute à la
destination. Les partenaires d’affaires ont tout à gagner d’une association avec le festival pour amener un plus grand nombre de touristes à
Essaouira.
Il apparaît à l’issue de cette étude, que l’instrumentalisation de la culture peut permettre la valorisation de l’espace urbain et qu’analyser
les mutations urbaines à travers l’instrumentalisation de la culture par les collectivités locales dans les politiques urbaines est pertinent à
plusieurs égards, et permet, par ailleurs d’aborder plusieurs points problématiques qui pourraient être l’objet d’un approfondissement
futur.
BIBLIOGRAPHIE
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  • 2. Hassan FAOUZI FESTIVAL ET PATRIMOINE CULTUREL, OPPORTUNITE POUR LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE, TOURISTIQUE ET SOCIAL ? LE CAS DU FESTIVAL GNAOUA D’ESSAOUIRA (MAROC) FESTIVAL CULTURAL HERITAGE, OPPORTUNITY FOR ECONOMIC DEVELOPMENT, TOURISTIC AND SOCIAL? THE CASE OF ESSAOUIRA (MOROCCO) Dr. Hassan FAOUZI Université de Lorraine, Metz Courriel : hassan.faouzi@univ-lorraine.fr Résumé Le patrimoine est une richesse culturelle et économique. Cet outil culturel peut prendre une place importante dans l’évolution et l’avenir du territoire et de son développement, c’est un vecteur d’échanges participant à la mise en valeur du territoire, suscitant des flux économiques et développant des échanges fructueux favorisant ainsi l’essor des connaissances et la créativité de la population, facteur décisif de la croissance économique. A travers cet article nous soulevons un certain nombre d’interrogations, quant aux répercussions du festival sur la ville et ses environs à travers un exemple particulier, celui du festival Gnaoua et musiques du monde d’Essaouira au Maroc. L'objectif visé ici est d'évaluer l'impact du festival sur l'organisation de l'espace d’Essaouira. On essaiera de savoir, tout au long de notre recherche, si, au travers de l'exemple de ce festival, la culture peut - ou non - servir d'opportunité politique, économique, touristique et sociale aux villes. Mots-clefs : Patrimoine culturel, Territoire, Développement, Festival, Gnaoua, Essaouira, Maroc, Tourisme. Summary Heritage is a cultural and economic wealth. This cultural tool can take an important place in the evolution and future of the territory and its development is a vector of exchange involved in the development of the territory, sparking economic flows and developing fruitful exchanges promoting and the growth of knowledge and creativity of the population factor in economic growth. Through this article we raise a number of questions, about the impact of the festival of the city and its surroundings through a particular example, the Festival Gnaoua and World Music of Essaouira in Morocco. The goal here is to assess the impact of the festival on the spatial organization of Essaouira. We will try to know, throughout our research, if, through the example of this festival, culture may - or not - use of political expediency, economic, social and tourist cities. Keywords: Cultural Heritage, Territory Development Festival Gnaoua, Musical Heritage, Essaouira, Morocco, Tourism. ‫اﻟﺘﻨﻤﯿﺔ‬ ‫ﻓﻲ‬ ‫دورھﻤﺎ‬ ‫و‬ ‫اﻟﺜﻘﺎﻓﻲ‬ ‫اﻟﺘﺮاث‬ ‫و‬ ‫اﻟﻤﮭﺮﺟﺎن‬‫اﻻﻗﺘﺼﺎدﯾﺔ‬‫و‬ ‫اﻟﺴﯿﺎﺣﯿﺔ‬ ‫و‬‫اﻻﺟﺘﻤﺎﻋﯿﺔ‬:‫ﻣﻮﺳﻢ‬ ‫ﺣﺎﻟﺔ‬‫ﯕ‬،‫ﻨﺎوة‬‫اﻟﻤﻐﺮب‬ ،‫اﻟﺼﻮﯾﺮة‬ ‫ﻣﻠﺨﺺ‬ ‫ﻣﮭﻤﺔ‬ ‫ﺟﺪ‬ ‫أداة‬ ‫أﺻﺒﺤﺖ‬ ‫ﻓﺎﻟﺜﻘﺎﻓﺔ‬ ،‫واﻗﺘﺼﺎدﯾﺔ‬ ‫ﺛﻘﺎﻓﯿﺔ‬ ‫ﺛﺮوة‬ ‫اﻟﺘﺮاث‬ ‫ﯾﻌﺘﺒﺮ‬‫ﻓﻲ‬‫اﻷﻗﺎﻟﯿﻢ‬ ‫ﻣﺴﺘﻘﺒﻞ‬ ‫و‬ ‫ﺗﻘﺪم‬‫ﺗﻨﻤﯿﺘﮭﺎ‬ ‫وﻛﺪا‬.‫ﻣﮭﺮﺟﺎن‬ ‫أن‬‫ﯕ‬‫ﻨﺎوة‬‫اﻟﺬي‬‫ﯾﻨﻌﻘﺪ‬‫ﺑﺎﻟﺼﻮﯾﺮة‬)‫اﻟﻤﻐﺮب‬(‫ھﺪه‬ ‫ﺟﻠﯿﺎ‬ ‫ﯾﺠﺴﺪ‬ ‫ﻧﻼﺣﻆ‬ ‫ﺑﺤﯿﺚ‬ ‫اﻟﻈﺎھﺮة‬‫ﻧﻤﻮ‬ ‫ﺗﻌﺰز‬ ‫اﻟﺘﻲ‬ ‫اﻟﻤﺜﻤﺮة‬ ‫اﻟﻤﺒﺎدﻻت‬ ‫ﯾﻄﻮر‬ ‫و‬ ‫اﻻﻗﺘﺼﺎدﯾﺔ‬ ‫اﻻﺳﺘﺜﻤﺎرات‬ ‫ﻣﻦ‬ ‫ﻣﺰﯾﺪ‬ ‫ﯾﺜﯿﺮ‬ ‫ﺑﺄﻧﺔ‬ ‫ﺑﺎﺳﺘﻤﺮار‬‫اﻟﻤﻌﺮﻓﺔ‬‫و‬‫اﻹﺑﺪاع‬‫اﻟﻨﻤﻮ‬ ‫ﻓﻲ‬ ‫ﺣﺎﺳﻢ‬ ‫ﻋﺎﻣﻞ‬ ‫أﻧﮫ‬ ، ‫اﻟﺴﺎﻛﻨﺔ‬ ‫ﻟﺪى‬ ‫ا‬ ‫اﻟﻤﺠﺎﻻت‬ ‫ﺗﺜﻤﯿﻦ‬ ‫و‬ ‫اﻹﻗﻠﯿﻢ‬ ‫ﺗﻨﻤﯿﺔ‬ ‫ﻓﻲ‬ ‫ﺗﺴﺎھﻢ‬ ‫أداة‬ ‫و‬ ‫اﻻﻗﺘﺼﺎدي‬‫ﻟﺘﺮاﺑﯿﺔ‬.‫و‬ ‫اﻟﻤﺪﯾﻨﺔ‬ ‫ﻓﻲ‬ ‫اﻟﻤﮭﺮﺟﺎن‬ ‫ﺗﺄﺛﯿﺮ‬ ‫اﻟﻤﻘﺎل‬ ‫ھﺬا‬ ‫ﯾﺘﻨﺎول‬‫اﻷﻗﺎﻟﯿﻢ‬‫ﻣﮭﺮﺟﺎن‬ ‫اﻧﻌﻜﺎﺳﺎت‬ ‫دراﺳﺔ‬ ‫ﻣﻦ‬ ‫اﻧﻄﻼﻗﺎ‬ ‫اﻟﻤﺠﺎورة‬‫ﯕ‬‫ﻨﺎوة‬ ‫اﻟﺼﻮﯾﺮة‬ ‫ﻣﺪﯾﻨﺔ‬ ‫ﻋﻠﻰ‬ ‫اﻟﻤﻔﺎﺗﯿﺢ‬ ‫اﻟﻜﻠﻤﺎت‬ ‫اﻟﺴﯿﺎﺣﺔ‬ ،‫اﻟﺘﻨﻤﯿﺔ‬ ،‫اﻟﺜﻘﺎﻓﻲ‬ ‫اﻟﺘﺮاث‬ ،‫اﻟﻤﻐﺮب‬ ،‫اﻟﺼﻮﯾﺮة‬ ،‫اﻟﻤﮭﺮﺟﺎن‬ ، ‫ﯕ‬‫ﻨﺎوة‬
  • 3. GEOMAGHREB Volume n° 8 / 2012 3 INTRODUCTION La culture est une activité économique en plein essor (Scott, 1999). Promouvoir les activités culturelles est un élément de la politique économique locale de promotion de nouveaux secteurs économiques (Bénito, 2001 ; Greffe et al., 2005 ; Henriques et Thiel, 2000 ; Saez, 2002). Au Maroc, on assiste à un accroissement progressif de l’intervention des collectivités locales dans les politiques culturelles pour leur développement et modernisation. On constate de plus en plus que l’outil culturel (festivals, expositions, concerts, représentations...) prend une place importante dans l’évolution et l’avenir du territoire et de son développement. De nombreux festivals sont présentés par diverses institutions internationales (OIF, UNESCO, PNUD, OMT) comme un « facteur de développement », et ce, par la « mise en tourisme » dont ils font l’objet. La culture et le patrimoine par le biais notamment des festivals représentent un enjeu culturel, social et économique pour le développement des territoires (Saint-Pierre, 2007) et contribuent à la lutte contre la pauvreté (Bénito, 2001; Lao, 2008 ; Pecqueur, 1989). Plusieurs rapports et études vont même jusqu’à évoquer « une économie nouvelle née et se nourrissant de la vie culturelle » (Négrier et Vidal, 2009). L'inscription festivalière, a priori éphémère, laisse sur la ville des traces à la fois matérielles et immatérielles. Le patrimoine culturel et naturel peut être générateur d’une dynamique urbaine pour un tourisme culturel et écologique, et jouer un rôle moteur pour son développement, « la culture est considérée comme un élément essentiel au développement d’une ville […] Le secteur culturel est désormais considéré comme un secteur productif, créateur d’emplois, de richesses, d’innovation et de développement local » (Vivant, 2008). Au Maroc, la centralisation du pouvoir dans les mains de l'Etat jusqu'aux années 1980, constituait une entrave au développement du pays en général et des localités en particulier car la société civile n'est pas concrètement associée à la gestion de la chose publique. Ce système ne permettait pas à l'Etat d'appréhender les profondes aspirations des populations et les véritables problèmes auxquels elles sont confrontées. La crise économique galopante s’est généralisée. La pression des revendications a abouti à une reforme institutionnelle de décentralisation le 13 septembre 19961 . La décentralisation, gage de la promotion de la démocratie à la base et du développement local, devient alors effective. Elle permettra de responsabiliser les collectivités locales dans la production et le développement de l'économie locale. Outre l'aide de l'Etat, chaque commune est tenue de réfléchir, de chercher et de découvrir les voies et moyens pour amorcer son développement socio-économique réel. Les collectivités locales mettent à cet effet, toutes leurs richesses, toutes leurs ressources, qu'elles soient culturelles, historiques, agricoles, infrastructurelles... au service de l'économie locale. Dans cette logique, Essaouira, qui n'a pas à l'instar d'autres régions du Maroc, le privilège d'appartenir à un pôle de concentration industrielle ou commerciale, ni le privilège d'être une région de concentration des capitaux de l’État, ne peut, à l'orée de la décentralisation, se prévaloir que de ses richesses historiques, culturelles, artistiques et touristiques comme seules valeurs économiquement monnayables pour son développement. Vu que le tourisme occupe aujourd'hui une place importante dans le rang des activités génératrices de revenus au Maroc, il est devenu une industrie susceptible de contribuer au développement de la ville au regard des devises qu'elle génère. Cette cité portuaire singulière n'a cessé de fasciner les voyageurs et les artistes du monde entier qui y ont séjourné, tels Orson Welles, Jimmy Hendrix, Mick Jagger, Maria Callas, Pasolini, etc. Elle présente un caractère pittoresque, sans équivalent en Afrique du Nord, qui tient à ses fortifications à la Vauban, entourant des quartiers anciens aux rues étonnamment rectilignes et larges dont le plan a été tracé par un français, Théodore Cornut (1765). Plusieurs éléments de la ville peuvent faire l’objet d’une politique patrimoniale et touristique particulière (résidence d’artistes et de voyageurs etc.). Pourtant, qu’en est-il ? Quelle est la place de ces différents éléments dans la valorisation patrimoniale et touristique ? Nous tenterons ainsi d’étudier le lien entre « patrimoine », « tourisme » et « développement ». Différentes questions essentielles se posent. Quels sont les effets économiques de l'investissement culturel ? Quelle est leur spécificité par rapport aux effets produits par des investissements dans d'autres domaines ? Il s’agit de spécifier là les registres de la valorisation : les retombées financières des activités culturelles à travers le tourisme, la création de nouveaux métiers autour du patrimoine, le renforcement de la cohésion sociale et de l'attractivité territoriale, etc. L'objectif visé ici est d'évaluer l'impact des festivals sur l'organisation de l'espace à travers l’exemple du festival Gnaoua 2 et musiques du monde qui a lieu chaque année à Essaouira. On essaiera de savoir, au fil de notre recherche, si, au travers de l'exemple du festival Gnaoua, la culture peut - ou non - servir d'opportunité politique, économique, touristique et sociale aux villes. 1. Méthode utilisée Depuis 1999, les géographes s’intéressent un peu plus à la dimension festive, à la culture et ses rapports au territoire, ce dont rendent compte les publications dans les revues ou ouvrages de géographie et les colloques (Di Méo, 2001; Garat, 2005 ; Gibout 2000 ; Boogaarts, 1992 ; Barthon et al., 2007 ; Gravari et al, 2003). 1 La loi du 13 septembre 1996 a renforcé le rôle des collectivités dans plusieurs domaines. Elle a prévu que " La collectivité définit et met en œuvre la politique d’action sociale ", la possibilité partagée avec les régions d’engager des politiques concernant la gestion des crédits d’entretien et de restauration du patrimoine. Enfin, les crédits pour la conservation du patrimoine leur sont transférés. La réforme de 2009 est plus explicite avec l’instauration des PCD. Tendance confirmée par la constitution 2011. 2 Confrérie au cœur du patrimoine vivant de la culture marocaine, les Gnaoua sont des descendants d’esclaves venus de la terre d’Afrique, qui au fil des siècles ont initié un courant spirituel et musical fort.
  • 4. Hassan FAOUZI Grâce à un travail bibliographique, nous avons identifié plusieurs phénomènes qui semblaient nous permettre de vérifier nos hypothèses et nous servir de révélateurs pour une compréhension des liens entre développement et festival (culture). Parmi ces phénomènes on peut citer l’instrumentalisation de la culture dans les opérations urbaines (requalification de la ville), le rôle du festival comme agent de la revalorisation symbolique (puis économique) de l'ancienne médina et la culture en tant qu’élément de communication et de promotion du tourisme. Par ailleurs, nous avons accordé une attention particulière au traitement du festival dans la presse que nous considérons comme une source d’informations sur l’actualité du festival, et aussi comme un espace de construction de représentations sociales. En effet, les journalistes, par le choix et le traitement des sujets, sont des producteurs de symboles. A partir de notre questionnement originel, nous avons bâti un dispositif de recherche spécifique. Il nous a semblé approprié d’utiliser comme méthodologie les questionnaires, aussi bien pour les prestataires touristiques (hôtels, campings, restaurants, etc.), que pour les habitants et les commerces d’Essaouira, ainsi que pour les visiteurs du festival. Ces questionnaires ont, soit été envoyés par mail, soit distribués en main propre. On a également opté pour les entretiens et interviews, soit par téléphone, soit par une rencontre « face à face ». On a donc interrogé les responsables de la ville et les élus locaux (municipalité d'Essaouira, délégation régionale du tourisme, délégation régionale de la culture et les organisateurs du festival)3 dans le but de récolter certaines informations et statistiques sur le festival. On s’est aussi documenté par l’intermédiaire de différents sites Internet et articles de presse. Des enquêtes individuelles ont été aussi menées auprès d’un échantillon représentatif de la population locale, des touristes nationaux et étrangers, artisans, commerçants et hôteliers, comprenant 60 entretiens, sur la période de juin et juillet 2009 complétée par une autre enquête réalisée en mars 2012. Les questions portaient sur l’impact socio-économique et touristique du festival, sur le développent urbain ainsi que sur la satisfaction macroéconomique. 2. Essaouira : une station balnéaire ancrée dans l’histoire et disposant d’un riche patrimoine Essaouira est située sur la côte atlantique du Maroc à 175 km à l’ouest de Marrakech et à 170 km au nord d’Agadir. Elle est le centre administratif d’une province de 6335 km² où habitent environ 433.683 habitants (dont 75.437 à Essaouira). Sa médina s’étend sur une trentaine d’hectares. Elle a été construite sur une presqu’île rocheuse pénétrant dans l’océan sous forme d’une suite d’îlots éparpillés sur le littoral. C’est une ville portuaire comptant environ 70 000 habitants et le chef-lieu de la province, qui compte environ 500 000 habitants. Essaouira a attiré dès l’antiquité de nombreux navigateurs. Déjà au VIIe siècle avant J. C., les Phéniciens faisaient escale dans les îles de la baie, l’antique Thamusida. Juba II, roi de Mauritanie, y a installé une fabrique de pourpre (Lugan, 2000), puis le site a été occupé tour à tour par les portugais et les sultans saâdiens qui en ont fait le port de Tombouctou. C’est au XVIe siècle que les Portugais ont donné à la ville le nom de Mogador. Mais la cité ne prend un réel essor qu'au XVIIIe siècle, sous le règne du sultan Sidi Mohamed Ben Abdellah, qui y installa et développa un port et une ville fortifiée. On y échangeait des produits importés d'Europe contre des plumes d'autruche, de la poudre d'or, du sel et des esclaves noirs, d'où une présence importante de leurs descendants, les Gnaoua. La création de la ville témoigne du contexte historique de l'époque marqué par la signature de traités de commerce avec des pays européens. Pour animer les échanges économiques, on fit appel à des familles juives et des consulats s'y installèrent. Sur le plan économique, l’espace d’Essaouira est parmi les plus pauvres du Maroc. On peut résumer ses activités à quelques conserveries moribondes (onze conserveries dont une seule marche à plein temps), à un port aux bateaux vétustes, à un secteur rudimentaire de l’artisanat. Pourtant la ville regorge de trésors touristiques : une médina au style maroco-portugais, un Mellah, vestige d’une cohabitation et d’une harmonie interconfessionnelle (musulmans, chrétiens et juifs) unique au monde, un musé, le musée Sidi Mohamed ben Abdallah dont l'entrée est gratuite est installé dans l'ancienne demeure du Pacha, et est consacré aux arts régionaux. Essaouira, a le grand avantage de tirer profit de l’existence de sa médina, la seule bien structurée pour recevoir à la fois des touristes dans des riads4 et offrir une panoplie de restaurants typiques, dans une ambiance artisane typique au Maroc. Essaouira renferme un patrimoine architectural et urbanistique particulier et original, témoignant d’un riche passé ouvert sur de nombreuses civilisations humaines (européenne, arabo-musulmane et africaine). La ville tire également sa renommée touristique internationale grâce aux sports nautiques, notamment ceux relatifs au vent et aux vagues (surf, kit surf, planche à voile), etc. Essaouira est née de la coexistence de différentes communautés liées au commerce saharien. Elle a été une étape du commerce caravanier et une pièce maîtresse dans le commerce extérieur marocain avec l’Europe, ce qui explique l’existence d’une importante communauté d’Afro-marocains dont la présence est attestée dans cette cité portuaire depuis le XVIIIe siècle, c’est-à-dire depuis la fondation de ce « 3 Il est difficile de réunir des statistiques précises permettant de cerner l'importance du festival sur ces dernières années. On constate dès lors un problème de comptabilité contradictoire et approximative. C'est pourquoi en l'absence de travaux réels de comptage, de fichiers successifs concernant cette activité, nous sommes tenus de nous référer aux seuls outils existants (les monographies) capables de donner un chiffrage plus ou moins cohérent. 4 Le riad définie les maisons traditionnelles des médinas marocaines. La réalité étymologique de ce mot signifie jardin en arabe. Le riad réuni donc deux notions importantes : celle de la maison et d'un jardin clos. A travers les siècles, ces riads sont devenus la demeure de hauts personnages dont les moyens financiers étaient importants.
  • 5. GEOMAGHREB Volume n° 8 / 2012 5 Port de Tombouctou » par le sultan Mohammed Ben Abdellah (Benachir, 2005). Essaouira a longtemps connu un taux de fréquentation touristique relativement faible. Cet état de choses, résultat de la dégradation et de la non conservation des différents sites touristiques et de son patrimoine, n’a pas permis pas l'amélioration des conditions de vie des artisans, artistes, agriculteurs, restaurateurs, etc. et de leurs ménages (soit environ 75 % de la population active) ni la création de nouveaux emplois et a participé de ce fait à l'accroissement de la pauvreté des populations. Il s'en suit qu'à l'ère de la décentralisation, la réhabilitation du patrimoine culturel d'Essaouira par le biais du festival Gnaoua et musiques du monde s'avère indispensable. Aussi, la valorisation du patrimoine culturel de la ville est devenu un facteur d'attractivité vis-à-vis non seulement des touristes mais aussi des opérateurs économiques qui, par la mise en place de nouvelles activités (industries, projets de développement), vont contribuer au développement local. 3. Définition et qualification de l'activité festivalière Les festivals constituent des événements ponctuels mais demeurent inscrits dans la continuité de la récurrence. Ils se déroulent chaque année presque à chaque fois au même moment, ce qui leur confère un passé susceptible d'être fixé en mémoire. Enfin, le festival reste attaché, sauf exception, à un site -une ville ou un village- qui lui sert de support et avec lequel s'opère une identification réciproque. La musique a toujours constitué pour les différentes communautés l’expression privilégiée de leur identité et de leur mode d’insertion dans les tissus social et culturel. La musique se révèle alors comme moyen de reconnaissance, pont solide avec le passé et les origines. Elle consolide les liens de solidarité au sein des communautés et jette des ponts avec les autres partenaires sociaux à travers la fusion des expressions musicales. La musique des Gnaoua a été un acte un acte de résistance préservant ce qui pouvait l’être du patrimoine africain noir. Acte de résistance mais aussi acte d’intégration, dans la mesure où cette musique a fondé un nouvel espace autour d’elle, un espace né du repli mais débouchant paradoxalement sur l’ouverture. - Gnaoua forme musicale traditionnelle africaine et arabo- amazighe Les Gnaoua sont les descendants d’anciens esclaves originaires d’Afrique noire. Constitués en confrérie à travers tout le Maroc, les Gnaoua sont des maîtres musiciens (maâlem), des joueurs de crotales, des voyantes, des médiums. Leurs pratiques mêlent des apports africains et arabo-amazighes. Bien que musulmans, les Gnaoua fondent leur spécificité sur le culte des jins (esprits) et leurs rites ont conservé nombre de traits propres aux cultes de possession africains. La cérémonie la plus importante et la plus spectaculaire des Gnaoua est la lila, dont la fonction est essentiellement thérapeutique. Durant la célébration, le maâlem, accompagné de sa troupe, appelle les saints et les entités surnaturelles à prendre possession des adeptes, qui s’adonnent alors à la transe. Les instruments utilisés au cours de ces cérémonies sont : le luth-tambour à trois cordes (guembri), les crotales (qraqeb) et les tambours (ganga). Ce rituel est comparable au vaudou d’Haïti et à la macumba du Brésil Les Gnaoua étant un trait d’union entre les cultures (arabo-amazighes et africaines), un genre musical de rapprochement des peuples, très vite le rythme Gnaoua fut embrassé. Cela a accru l’amour que les marocains éprouvent pour les Gnaoua. De ce fait ils sont considérés comme prestigieux par les artistes dont le fondement de l’inspiration vient de la tradition afro-marocaine. Tout cela a contribué au développement de ce genre de musique au point que le festival ne fait qu’élargir son public à chaque édition. Dans le rapport au temps et à l’espace, Di Méo (2001) évoque l’importance de la dimension symbolique des villes, ce n’est pas le quotidien individuel qui la génère mais les temps forts que constituent aujourd’hui les festivals. Le festival se comprend en effet dans une unité de temps, de lieu et d'action : L'unité de temps ; l'événement se définit dans une temporalité particulière, courte, identifiée et renouvelée. La durée varie généralement entre quelques jours et quelques semaines (Robert, 2004). L'unité de lieu elle est probablement plus utilisée pour caractériser les festivals et les différencier en catégories. On trouve ainsi des classements par région, selon que l'événement a lieu en plein air ou en salle, dans un site patrimonial, dans l’espace public ou dans une salle de spectacle, en milieu rural, urbain ou périurbain (Robert, 2004 ; Lucchini, 2002). Selon l’unité d'action ou de propos, on peut répartir les festivals par genre, thèmes ou domaines artistiques, eux mêmes encore divisés en sous catégories. Au Maroc, la grande famille des festivals de musique, représente plus de la moitié des festivals existants. Le festival Gnaoua et musiques du monde en fait partie. On distingue aussi deux grandes catégories de festivals, d’une part, les festivals dits de création qui sont construits autour d'un projet artistique, visant la présentation de spectacles inédits et la découverte de nouveaux talents et, d’autre part, les festivals qualifiés de touristiques qui ont pour objectif premier la valorisation ou l'animation d'un site patrimonial (Poggi, 2002 ; Patin, 1997). Ils cherchent avant tout à susciter la venue de touristes, à dynamiser la fréquentation. Dans l’espace public, le festival est un moment de relecture de la ville qui permet aux habitants de se réapproprier leur espace de vie (Faouzi, 2009, 2010). Les festivals s'inscrivent pleinement dans les enjeux d'aménagement du territoire, qui sont même devenus, chez certains, une préoccupation à part entière.
  • 6. Hassan FAOUZI Dans le contexte de la décentralisation, les élus locaux sont de véritables pionniers de la promotion de la démocratie à la base et du développement local (Zyani, 2002). Qu'ils dirigent une commune "riche ou pauvre", ils ont la lourde responsabilité de relever le défi de l'auto-développement de leur localité. Maintes stratégies sont, à cet effet, mises en œuvre pour l'accomplissement de cette tâche. Ainsi, depuis quelques années, on assiste à un développement important des manifestations culturelles et artistiques organisées, le plus souvent, à l'initiative des élus locaux et des collectivités locales avec parfois le soutien de l'Etat ou de donateurs publics ou privés, nationaux ou internationaux. Une dynamique plus forte apparaît dans les années 1990 avec une augmentation très sensible du nombre des festivals et plus particulièrement à partir des années 2000. Les lois de décentralisation accordent des compétences nouvelles et les incitations de l'Etat sont très rapidement relayées par les collectivités locales qui portent un intérêt particulier aux festivals. Les acteurs locaux profitent donc de l’appropriation par les collectivités locales de l’action culturelle et de la mise en œuvre de politiques culturelles municipales, qui sont de plus en plus imbriquées dans des politiques urbaines globales, pour développer leur territoire. « Si de tels événements sont aujourd'hui importants, c'est qu'il s'agit pour les collectivités d'afficher une dynamique et de desservir l'ensemble de leur territoire afin de l'animer, ou encore d'attirer des touristes » (Garat, 2005). La fête, à travers le festival, reconstruit les solidarités, participe à la création et au développement d'un dynamisme local qui rejaillit sur la vie économique et sociale. Le festival est pour le public un moyen de retrouver son identité et de se constituer une communauté vivante. Dans le même ordre d'idée, de nombreuses actions sont mises en place dans les quartiers (exemple, L'ALCS, association de lutte contre le sida, qui a lancé un partenariat avec le fabriquant de préservatifs Manix pour initier des actions de prévention dans le milieu festif de la ville. Des stands de sensibilisation aux risques des MST sont animés par ALCS durant la période du festival. Des affiches, en français et en arabe, ont été conçues pour l'occasion). Le festival est saisi par les opérateurs culturels afin de porter un message au politique. C’est en atteignant les individus, en enrichissant le partage des valeurs entre eux que le champ culturel pourra intégrer les politiques nationales (Corbin et al., 1994). Si auparavant l'aménagement culturel du territoire constituait une charge il est de plus en plus perçu comme une stratégie. C'est un investissement au profit de la population locale pour laquelle le festival constitue une bouffée d'oxygène qui leur permet de tirer profit de cette activité fut-elle éphémère. Ainsi les élus locaux cherchent à faire du festival un levier de développement. Autrement dit, mettre l'image puissante d'Essaouira au service du développement. La ville n'investit pas seule et elle n'investit pas non plus gratuitement. En offrant des moyens considérables, la ville a dans l'idée d'obtenir une contrepartie économique utile pour son développement (Autissïer, 1998 ; Zukin, 1982, 1991, 1998, 2002). 4. Le festival gnaoua et musiques du monde : un vecteur de développement Le festival Gnaoua et musiques du monde, qui a lieu tous les ans au mois de juin depuis 1998 et qui dure quatre jours, construit un discours articulant les notions de tradition et d’ouverture. En maîtres incontestés, les Gnaoua, partagent la scène avec les musiciens de pop, jazz, rock, et autres genres musicaux, créant ainsi un extraordinaire laboratoire de fusions musicales. « C’est un souffle puissant, une énergie explosive, un naufrage définitif pour toute notion de silence. (...) Au son des qraqeb (crotales en fer) et du guembri (luth tambour à trois cordes), la voix des Gnaouas prend possession d’Essaouira » (Labesse, 2005). Le festival Gnaoua a lieu en plein air avec plusieurs sites patrimoniaux dans l’espace public (Figures 1 et 2). Figure 1. Scène en plein air et en médina du festival Gnaoua. Open-air Stage and medina Gnaoua festival (cl. A3 Communication, 2009).
  • 7. GEOMAGHREB Volume n° 8 / 2012 7 Figure 2. Ville d’Essaouira City of Essaouira. 4.1. Des retombées économiques Depuis sa création en 1998, le festival d'Essaouira s'est imposé en tant qu'événement de référence avec la participation de musiciens de premier plan venus du monde entier. Pour sa première édition en 1998 le festival a connu, selon les organisateurs du festival5 , le flux de 20 000 personnes, alors que ce nombre est passé à plus de 500 000 personnes pour l'édition qui a eu lieu en 2010 et en 2011, dont près de 15 000 touristes étrangers. A propos de l’édition de 2005, Marie Audran écrivait dans Le Point du 7 juillet 2005 : « Durant ces quatre jours, l’antique Mogador, transformée en néo-Woodstock, a accueilli plus de 400.000 visiteurs, dix fois sa population ». Le festival est, dans ce sens, un concept de développement économique et touristique. « La rentabilité de telles activités est souvent mesurée à l'aune du nombre des spectateurs et à celle des retombées économiques sur la cité et sur la région. La mesure de cette «rentabilité» est difficile à mener : les chiffres des fréquentations sont souvent très critiquables » (Garat, 2005). Grâce au festival, Essaouira a pu faire valoir ses acquis historiques et patrimoniaux (Mouline, 1997), tout en les mettant au service de la renaissance économique, sociale et culturelle de la ville. Les lieux de déroulement de fêtes et événements festifs ne sont pas définis de manière aléatoire. Le choix de lieux ayant souvent une charge symbolique importante correspond à des décisions stratégiques. Et ces lieux sont vécus de manière intense pendant la période de déroulement de l'événement, parfois de manière durable. Ainsi on prend conscience de l’intérêt potentiel de ces sites qui met en avant le potentiel économique de la culture. « En effet, les espaces de diffusion de la culture (musées, galeries, patrimoine bâti...) sont les lieux visités par les touristes et l’événementiel culturel est un outil de promotion du tourisme urbain » (Vivant, 2008). L’atout touristique premier de la ville d'Essaouira est son paysage urbain ainsi que son patrimoine bâti. L’imaginaire d’une ville est, en effet, fortement marqué par certains attraits paysagers spécifiques. Une ville ancienne, bien conservée et mise en valeur est en soi une attraction touristique (Vivant, 2008). A ce titre, un des effets des actions des associations de conservation du patrimoine d'Essaouira a été l’augmentation de la fréquentation touristique. 5 Voir le site officiel du festival : http://www.festival-gnaoua.net/festival_essaouira/pages/index.php
  • 8. Hassan FAOUZI Plusieurs travaux de restauration des remparts ont vu le jour, appuyés par des actions pilotes de l’UNESCO (exemple le Mellah6 , ancien quartier juif, en 2002). Ces opérations de restauration ont par ailleurs débouché sur la formation de jeunes à la maçonnerie traditionnelle : un chantier-école a été installé et des français spécialisés dans la maçonnerie traditionnelle et la taille de pierre ont encadré et formé plusieurs dizaines d’apprentis qui ont pu réaliser la restauration des portes monumentales et des arcades des souks au centre de la médina. Ces différents efforts menés conjointement par les autorités locales, les services extérieurs des ministères, les associations, les amicales de quartiers, les coopérations nationales et internationales, ont abouti à l’inscription de la médina d’Essaouira sur la liste du patrimoine mondiale de l’UNESCO en 2001. Le festival bénéficie d’une attractivité forte. Les touristes viennent du Maroc mais aussi de l’étranger, les artistes étrangers s’intéressent de plus en plus à ce festival, renforçant ainsi le potentiel artistique de la ville. Avec le succès du festival, un cercle vertueux a commencé, l’arrivée de ce tourisme permettant la création ou l’entretien d’hôtels, de restaurants, des maisons d’hôtes (les riads), un effort d’automodernisation de leur habitat par les habitants, le développement de l’artisanat du bois, l’aménagement de l’aéroport, etc. En effet, à la recherche de maisons peu onéreuses, les étrangers (surtout les touristes européens) s’installent dans des quartiers dévalorisés et populaires (la médina). Peu à peu, ils revalorisent le quartier, où de nouvelles populations viennent s’installer, entraînant une hausse des prix immobiliers revalorisant ainsi les anciens quartiers (Vivant, 2008). A travers les entretiens menés auprès d’agents immobiliers, il est sensible que les riads sont des phénomènes de masse émergents, bouleversant les règles du marché immobilier et les normes des modes d’habiter. Tous reconnaissent la réalité d’une vraie demande de la part des acheteurs mais la quasi-inexistence de l’offre. La ville a désormais une image de marque internationale, et des réalisations de cinéma reviennent pour effectuer des tournages la où Orson Welles avait tourné Othello, il y a plus d’un demi siècle. Entre 1995 et 2009, le nombre de nuitées par visiteur est passé de 2 à 4 nuits, le taux d’occupation des hôtels a été multiplié par au moins 4. Le nombre d’emplois crées spécifiquement pour le tourisme était proche de 700 en 2001. À Essaouira, ces dernières années, le festival a favorisé la concentration dans la vieille ville d'un très grand nombre de cafés, restaurants, snacks, (Tableau 1), etc. « Les liens entre les arts, la culture et le commerce, entre la culture et le tourisme ne sont pas nouveaux, ce qui peut être relié de prés ou de loin aux festivals est mis en vente. La commercialisation des symboles urbains prend de l'importance. Partout on vend des objets qui reprennent des attributs du festival et de l'espace dans lequel ils se déroulent (tee-shirts, bérets, écharpes, produits artisanaux, autocollants et cartes postales, ce que l'on n'aurait pas imaginé quelque vingt ans auparavant » (Garat, 2005). « En trois jours, j’ai vendu autant de tapis qu’en une année » se réjouit un vieux commerçant du Bazar. Tableau 1. Évolution des structures d’hébergement, d’accueil et de restauration à Essaouira entre 1998 date de la première édition et 2006. Evolution of the structures of lodging, home and restoration in Essaouira between 1998 date of the first edition and 2006 (source : Municipalité d’Essaouira). Les retombées économiques locales sont plus souvent estimées que mesurées tant elles touchent des secteurs différents : restauration, cafés, hôtellerie, campings, commerces touristiques ou spécialisés. 4.2. Le festival au service du territoire Le festival est un moyen efficace pour doter les espaces vécus d'une identité territoriale reconnue, à condition de s'appuyer sur une communication importante et de se greffer sur d'autres initiatives dont les objectifs sont similaires (comités de quartier, pratiques sportives, associations culturelles, constitution d'établissements publics de coopération intercommunale). 4.3. Les retombées en termes d'image En effet, si les retombées économiques et touristiques profitent plus largement à grand périmètre autour de l'événement, les retombées en termes d'image sont plus concentrées parce que la ville est souvent associée au festival. Ce dernier est une bonne occasion pour la ville de mieux se faire connaître. La ville d´Essaouira a su se servir de son festival pour s'affirmer au plan médiatique, afin d'enrichir son attractivité touristique (61 % des touristes étrangers interrogés affirment que c’est grâce au festival Gnaoua qu’ils ont entendu parler de la ville d’Essaouira). Essaouira, désormais classée ville internationale, a gagné sa renommée grâce notamment au célèbre festival Gnaoua et musiques du monde qui a permis la revitalisation de la ville en mettant en valeur ses atouts socio-économiques et ses spécificités naturelles et culturelles. 6 Le Mellah, quartier juif, joua un rôle important dans l’histoire de la ville car le Sultan utilisa la communauté juive pour établir des relations avec l’Europe et organiser des activités commerciales. Les Juifs furent honores du titre de Toujjar Es-Sultan (Marchands royaux), ce qui leur conféra des privilèges économiques et politiques considérables.
  • 9. GEOMAGHREB Volume n° 8 / 2012 9 Figure 3. Affiche publicitaire du festival, édition 2011. Poster of the festival, edition 2011 (source : A3 Communication, 2007). 5. Festival gnaoua et développement local « Non seulement le festival contribue à promouvoir l'image souhaitée de la ville, mais il a aussi la capacité d'enrayer une dynamique de représentation négative (insécurité, criminalité, etc.). Certaines villes s'emparent du canal culturel pour s'affirmer sur le plan international. C'est le cas de plusieurs villes européennes qui ont réussi, en trente ans, de changer l’image de leur ville, de passer d’une ville en crise pour revêtir celle beaucoup plus gratifiante de capitales européennes et mondiales de la culture -exemple Lorient capitale du celtisme-. Le festival offre la possibilité pour les villes généralement dépourvues d'atouts économiques ou d'avantages liés à leur localisation, de s'affirmer sur le plan international et de conjurer les logiques d'exclusion géographique consécutives à la mondialisation économique. Les retombées attendues sont nombreuses (attraction de touristes voire d'entreprises, déclin des logiques d'exclusion, revalorisation territoriale, ouverture sur le monde) » (Brennetot, 2004). 6. La promotion d'une identité souirie 7 Les festivals sont susceptibles d'exprimer l'identité d'espaces de vie émergeant autour d'une ville et de son aire d'influence tout en stimulant le développement économique et culturel (Garat, 2005). Les festivals connaissent beaucoup de succès auprès des populations locales. Ils sont une occasion exceptionnelle pour une communauté de se retrouver et de « vivre son patrimoine » (Necissa, 2006) et dans certains cas de fédérer plusieurs communautés autour d'un patrimoine commun. Le festival exerce d'abord un effet sur les habitants eux- mêmes : ceux-ci en tirent un motif de fierté, d'identification positive (54 % des personnes interrogées ont affirmé que le festival a beaucoup apporté au plan social. Les exemples cités sont entre autres, la prise de conscience de la population de leur appartenance à l’espace souiri et aussi que le festival est un creuset de retrouvailles de filles et fils d'Essaouira pour réfléchir sur l'avenir de la ville). Il est aussi un catalyseur d'une fierté retrouvée et permet de redonner aux populations une confiance dans leurs valeurs culturelles, fortement valorisées par la présence d'un public varié réunissant aussi bien des connaisseurs que des touristes. C'est dans cette perspective que s'inscrit l'organisation du festival d’Essaouira. 7 Relatif à Essaouira
  • 10. Hassan FAOUZI En termes de retombées, le principal impact du festival Gnaoua réside dans l’accroissement de la notoriété de la ville. C’est grâce au festival que la ville d’Essaouira a été mise sur le devant de la scène. La majorité des festivaliers nationaux (70 %) ont entendu parler du festival par le biais des moyens de communications audio-visuel, 10 % par les journaux et 20 % par du bouche à oreille. Le festival est devenu la première source de publicité de la ville, même s'il ne constitue pas un support d’image. En effet, Essaouira jouit plutôt d’une image de ville d’histoire, tournée vers le patrimoine. Le festival présente l’intérêt d’un rééquilibrage du positionnement de la ville. Par ailleurs, le "coup de projecteur" sur la ville est prolongé par le système des découvertes. Le festival engendre une découverte des lieux touristiques de la ville (Figure 2) ou des environs et débouche sur des choix de séjours postérieurs8 . Le festival Gnaoua a permis la création d’un environnement culturel dynamique qui a renforcé l'attractivité du territoire d’Essaouira pour les entreprises, les résidents potentiels, les porteurs de projets, etc. C’est dans le cadre de ce festival, que des projets initiés par la population locale ont été lancés tels le "logement chez l'habitant" au sein de la médina qui est le meilleur moyen d'associer le tourisme au développemen t humain (75 % des festivaliers nationaux optent pour le logement chez l'habitant). 80 % des personnes enquêtées ont exprimé leurs souhaits de mettre en valeur les qualités architecturales d'un grand nombre de bâtiments situés au centre-ville et de poursuivre l'amélioration de l'aménagement de la ville et d'utiliser le fait culturel comme source motrice du dynamisme de la ville. De manière générale, elles veulent utiliser le festival comme moteur pour un aménagement de la ville. C’est dans ce cadre que les responsables locaux ont élaboré des stratégies concernant les trois aspects clés de la revitalisation de la ville : les développements économique et social, l'animation et la promotion, et la réalisation d'interventions physiques de qualité avec la mise en valeur de techniques de construction propres et typiques à Essaouira, tout en actualisant et remettant à l'honneur un savoir-faire traditionnel comme l’artisanat. Toute une expertise locale a été mise à profit par la présence d'artisans locaux tels que : maçons, menuisiers, sculpteurs de bois et briquetiers,. Pour attirer le public sur le lieu du festival (Figure 4), plusieurs résultats concrets ont émané de l'ensemble de la démarche, notamment la réhabilitation de l’ancienne médina et du mellah, l’entrée de la ville d’Essaouira va être entièrement réaménagée. De plus, les deux axes principaux de la ville, le boulevard Aqaba et le boulevard Mohammed V, vont être mis a niveau. La corniche qui longe ce second axe est également concernée par ce plan de réaménagement, ainsi que le renouvellement du réseau d’assainissement de la médina, dont la vétuste est une menace pour la préservation de ce patrimoine. De plus, une charte architecturale et urbanistique de la médina va être établie. Enfin, le vieux quartier industriel de la ville, dont la situation des habitants est très précaire, fait aussi l’objet d’une étude de mise a niveau. Figure 4. La tour du Bastion de Bab Marrakech : le seul monument restauré, à la fois grâce et pour le festival, dans le but de servir de scène payante en intérieur du festival. Bastion Tower of Bab Marrakech: the only monument restored, bothwith and for the festival, in order to use pay-scene inside the festival. (cl. H. Faouzi, 2012). 8 Les principales caractéristiques de la ville sont les suivantes : - Les remparts dont la majeure partie de la section nord est toujours présente. - Les portes de la ville et plus particulièrement la porte ornementale de la Marine (1170-1171). - Les bastions et les forts (borjs), en particulier la Sqala du Port, la Sqala de la Medina et le bastion de Bab Marrakech. - La Kasbah qui fut à l'origine le siège du pouvoir et de la garnison militaire et qui fait à présent partie intégrante de la ville. - Le Mellah (quartier juif) qui a conserve nombre de ses spécificités d’origine. - La prison, située sur une île au large du littoral (á présent elle est le refuge d’oiseaux rares tels que des faucons). - Les nombreuses mosquées de style caractéristique. - Les synagogues (en particulier la synagogue de Simon Attias), garantes du dynamisme des habitants juifs. - L’église portugaise de la fin du XVIIIe siècle. - Dar-Sultan (ancien palais royal). - Les demeures privées au charme particulier. - Le port d'Essaouira qui est accessible par un étroit chenal protégé. Il est borde de grandes étendues de dunes de sable au-delà desquelles se trouvent les forets d’argan (Argania spinosa), uniques au Monde.
  • 11. GEOMAGHREB Volume n° 8 / 2012 11 En 13 ans, soit de 1998 à 2011, la ville a connu la rénovation de 33 bâtiments patrimoniaux. La mise en valeur du cadre bâti de la ville, a créé une réelle prise de conscience de la richesse du patrimoine bâti et de la beauté de l'environnement naturel local. Ceci a suscité un effet d'entraînement, des citoyens et des commerçants ont ainsi financé eux-mêmes des travaux à l’extérieur et dans leurs édifices ou à leurs résidences et ce, en respect du caractère d'authenticité du bâtiment. Ainsi l’ERAC-Tensift (Etablissement Régional d'Aménagement et de Construction du Tensift), a présenté quelque 16 projets étalés sur 127 hectares visant la création de 1085 unités de logement, un projet portant sur la nouvelle zone urbaine (Rimal Mogador) sur une surface de 268 hectares ainsi que plusieurs projets consistant en la construction de 712 unités de logement, dont 388 villas économiques, sur une superficie de 30 hectares. Par ailleurs, la SAEMOG (Société d'aménagement Essaouira-Mogador), a investi près de 3 milliards de dirhams dans une nouvelle station qui comportera une dizaine d'hôtels, trois parcours de golf, des centaines de villas de haut standing et ceci afin de répondre à l'accroissement du flux de touristes depuis 1998, date de la première édition du festival. Tableau 2 : Évolution annuelle de la capacité d'hébergement classée à Essaouira par rapport aux autres villes du Maroc (en terme de lits). Annual change in accommodation capacity in Essaouira ranked compared to other cities in Morocco (in terms of beds). (source : http://www.tourisme.gov.ma). 7. Festival et retombées touristiques Pour jauger la place du festival dans l’imaginaire touristique, nous avons utilisé un média qui créé l'objet touristique de manière indépendante de l'institution qui le promeut et qui s'accorde aux attentes de ses lecteurs dans le choix des sujets : le guide de voyage. « En sélectionnant un lieu, en l’interprétant puis en l’évaluant, le guide de voyage construit l’image et le sens de ce lieu, et le rend potentiellement touristique » (Vivant, 2008). L’analyse de la présentation de la ville d'Essaouira dans les guides de voyage permettra de vérifier notre hypothèse selon laquelle le festival constitue une attraction touristique ainsi qu'une étape du parcours du touriste dans la ville et la rend plus attractive aux yeux des visiteurs. Dans son édition du 2010, le célèbre guide de voyage « Guide du Routard », écrit á propos de la ville « Envoûtante Essaouira, entourée de fortifications et située au bord de l'Atlantique. Sa médina toute blanche est classée au patrimoine mondial de l’Unesco. Très différente de la trépidante Marrakech, sa voisine, Essaouira attire des artistes du monde entier qui s’y installent pour humer l’atmosphère magique de l’ancienne Mogador »9 . Le festival Gnaoua a donc permis à Essaouira d´amorcer un virage « touristique » et les commerçants y ont adhéré avec enthousiasme. Ce qui a permis la création d’emplois, la consolidation et l’expansion d’entreprises. Plusieurs initiatives ont pu voir le jour ainsi que l’arrivée en nombre croissant de touristes étrangers qui témoigne du dynamisme grandissant de la ville d’Essaouira. Dans le rang des élus locaux, la majorité (71 %) des personnes interrogées trouve le festival utile pour le développement de la ville. À travers ce festival, c'est la ville qui est mise sous les feux de la rampe. Quant aux populations locales enquêtées composées de restaurateurs, propriétaires d'hôtels, artisans et commerçants..., 92 % ont répondu par l'affirmative à la question relative à la contribution du festival au développement du tourisme de la ville d'Essaouira (d'après les agents de la Royal Air Maroc d'Essaouira, pendant le festival on enregistre l'atterrissage de 4 à 5 avions Boeing par jour, sans compter les avions VIP, alors que le reste de l'année on n'enregistre que 2 avions par semaine). L'analyse de ces chiffres montre que le festival a reçu l'assentiment des populations d’Essaouira, du moins pour son apport au rayonnement et aux développements culturel et touristique. Cela laisse augurer d'un lendemain meilleur pour cette manifestation. Grâce au festival, l’avenir touristique d’Essaouira est sur les bons rails, avec les désenclavements routier et aérien, le nombre des investissements touristiques, notamment celui concernant la nouvelle station Essaouira Mogador, avec la réalisation de 8000 lits et deux golfs. Ces dernières années, les professionnels du secteur du tourisme à Essaouira sont passés à l’action à travers la création d’associations et comités professionnelles qui réunissent les divers opérateurs du secteur : hôteliers, restaurateurs et voyagistes (exemple : l’APRES, Association Provinciale des Restaurateurs d’Essaouira et le CPT, Comité Provincial du Tourisme d’Essaouira. La première association est créée, à la fois pour défendre les intérêts de la profession et pour participer au développement économique et social, quant au CPT, il prend en charge le secteur touristique, notamment en matière de promotion touristique, de formation professionnelle, d’assainissement du produit, d’animation, entre autres et d’assistance aux autorités afin de faire du tourisme un vrai vecteur des développements économique et social, à la fois local et provincial. 7.1. Incidence sur la durée du séjour La tenue du festival a une incidence certaine sur la durée du séjour, puisque 37,5 % des touristes interrogés affirment vouloir accroître la 9 http://www.routard.com/guide_voyage_lieu/3046-essaouira.htm
  • 12. Hassan FAOUZI durée de leur séjour. Parmi les touristes qui modifieront la durée de leur séjour, 33 % resteront à Essaouira plusieurs journées additionnelles, 67 % resteront deux ou trois jours de plus. 7.2. Le rôle touristique du festival Plusieurs constats peuvent être tirés de la dimension touristique du festival à savoir principalement : -Le festival est avant tout un attrait et non pas une entreprise de promotion touristique ; -La notoriété du festival auprès des touristes a un effet bénéfique sur l’industrie touristique d’Essaouira et sur l’ensemble de l’activité économique de la ville ; -Les touristes qui visitent le festival n’ont pour l’instant qu’une valeur marginale sur la rentabilité de ces événements, mais néanmoins essentielle au chapitre de la notoriété extérieure. Dans cette perspective, une augmentation de la clientèle touristique du festival a un impact sur l’image positive de la destination Essaouira. Même si les efforts promotionnels du festival auprès de la clientèle touristique sont relativement récents, il s’avère incontestable qu’il exerce un impact plus que positif sur le rayonnement international d’Essaouira. En effet, le festival agit à plusieurs niveaux sur les clientèles touristiques en ce qu’ils : motivent les voyageurs à prolonger leur séjour ; créent une image positive de la destination Essaouira ; mobilisent indirectement les autres secteurs économiques de la ville, qu’ils soient liés ou non à la dimension touristique. Le festival d’Essaouira a également une forte représentativité auprès des professionnels des industries culturelle, télévisuelle et cinématographique (chaînes TV espagnoles, françaises, allemandes, américaines, chaînes de télé arabes, etc. Pour l’édition de 2009, le festival a été couvert par plus de 170 journalistes, dont 70 journalistes étrangers, et plusieurs chaînes internationales de grande envergure. L’enquête que nous avons réalisée auprès des touristes présents à Essaouira lors de la tenue de l’événement, a permis de mieux cibler la connaissance et la perception qu’ont les touristes de cet événement. Dans l’ensemble, prés de la majorité des répondants (85 %) avaient connaissance de la tenue du festival par l’intermédiaire des médias et des agences de tourisme. 8. Discussion Dans un contexte de concurrence interurbaine, la ville d'Essaouira a mis en œuvre une politique urbaine ambitieuse pour signifier son dynamisme et sa différence où la culture, à travers le festival Gnaoua et musiques du monde, est instrumentalisée au bénéfice d’une stratégie urbaine globale. La culture est devenue un élément structurant des projets d’aménagement, elle est devenue un mode de légitimation des opérations d’aménagement. Elle est l’outil, et non pas la finalité, de plusieurs projets (opérations de régénération urbaine). Elle est instrumentalisée pour faciliter la mise en œuvre rapide des projets. Dans ce sens la culture á travers le festival Gnaoua est un outil de projet urbain, un outil magique de valorisation de la ville. Elle participe aussi à la construction des paysages et à l’animation urbaine (Zukin, 1991, 1995) et sa mobilisation participe à la revalorisation symbolique et économique de la ville. Par ailleurs, étant donné qu’il attire de nombreux journalistes, le festival Gnaoua permet de susciter des retombées touristiques et publicitaires indirectes. Le festival agit davantage à la marge, comme un élément de différence ou d’accélération mais ne peut pas être considéré comme un levier de développement indépendant et se suffisant à lui-même pour la croissance de la ville même s’il a permis la dynamisation de la ville et le réaménagement du territoire. L’impact sur le développement local reste indirect. En effet, aucune entreprise ne se serait installée sur le site uniquement à cause de la présence spécifique du festival. En revanche, entre plusieurs villes équivalentes et concurrentes, le festival peut intervenir comme un élément de différence qui influera positivement sur le choix des groupes et entrepreneurs. Depuis 1998, le nombre de riads, restaurants, hôtels, café, commerces et associations est en constante augmentation. Timide cité balnéaire autrefois, Essaouira s’affiche désormais comme une ville en expansion, où l’on construit et rénove sans cesse. En marge du festival plusieurs programmes ont été engagés, ils concernent la rénovation et la restauration du patrimoine bâti et des anciennes maisons, ce qui atteste de la prise de conscience de la part des autorités politiques et de la population de l'importance de leurs patrimoines historique et culturel. Le festival a permis la revalorisation symbolique de plusieurs lieux et espaces dans la ville. A l'intérieur de la ville, le centre historique est le plus investi. Il correspond le plus à l'espace patrimonialisé, mis en valeur pendant le festival. Tous les bâtiments et équipements publics du centre ville sont utilisés ainsi que de nombreux édifices privés auxquels se rajoutent des installations provisoires de tentes sur les places, les allées et les boulevards. Il est important de souligner que le festival Gnaoua et musiques du monde y est pour beaucoup dans l’inscription d'Essaouira sur la liste du patrimoine mondial par l’UNESCO. Un tel classement est en soi un argument et un outil de promotion pour la ville ; c’est aussi une assurance pour le touriste que cette ville « mérite le détour », comme dirait le guide Michelin. D’une certaine manière, ce type de classement réduit l’incertitude du touriste quant au choix de sa destination (Vivant, 2008). Grâce au festival, la ville d’Essaouira est en train de conquérir sérieusement sa place au sein de l’échiquier touristique national et tout particulièrement régional. Ses situations géographique, climatique et historique, particulières lui permettent d’avoir, un positionnement touristique à la fois culturel et balnéaire. Grâce à sa position géographique, elle est pratiquement à égale distance, entre les deux plus grandes destinations touristiques du pays : Agadir (pour le balnéaire) Marrakech (pour le culturel). Un nouveau triangle touristique se dessine, grâce au développement de ces trois destinations : Marrakech, Essaouira et Agadir, et offre à Essaouira une valeur ajoutée touristique inestimable. En termes de rayonnement, le festival a d’abord une portée nationale. Le stade de maturité, qui se traduit par le statut de méga-événement – tels le Mardi-Gras de la Nouvelle Orléans (Etats-Unis), le Carnaval de Rio (Brésil), ou encore le festival de Cannes (France), s’acquiert avec le temps, généralement évalué entre 30 et 35 ans d’existence. Cette durabilité assure alors la reconnaissance des touristes et confère une crédibilité internationale qui peut alors s’affirmer et se maintenir. Ainsi, la relative jeunesse de cet événement (depuis 1998) porte à croire que la promotion de ce dernier doit encore se traduire par des efforts à caractère informationnel ciblé d’abord vers une clientèle avide de tels
  • 13. GEOMAGHREB Volume n° 8 / 2012 13 événements. Les nouvelles liaisons aériennes avec Essaouira facilitent maintenant l’accès à des marchés fort lucratifs et intéressés par de tels événements, comme la France, l’Allemagne et les pays scandinaves. Par la suite, il sera possible d’établir un positionnement qui permettra de stimuler, créer et confirmer une demande internationale substantielle. Le festival Gnaoua est une « manifestation d’accès libre » qui se déroule complètement dans un espace découvert dont l’accès ne fait l’objet d’aucun contrôle. Les difficultés se posent pour déterminer l’impact du tourisme sur l’économie ou les dépenses sur place lors de ce genre de manifestation. Les dépenses des festivaliers (artistes et public) sont multiples : la part la plus importante concerne le logement et la restauration. Par exemple, la mairie estime qu’un festivalier dépense en moyenne 100 dh par jour pour un festivalier national et jusqu’à 600 dh pour un festivalier étranger. Mais, les retombées concernent les ventes des produits souvenirs. Sur la base de ces estimations et sachant que festival attire aujourd’hui près de 15 000 touristes étrangers et près de 500 000 marocains dont la majorité est jeune (seulement 5 % sont des consommateurs potentiels), on peut avancer le chiffre 11 500 000 dh de recette par jour. Pour ce qui est des emplois, il est important de noter qu’ils ne sont pas pérennes, un bilan détaillé des créations d’emplois reste néanmoins très difficile à évaluer correctement. Les emplois indirects concernent les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration, des transports, du nettoyage, de la sécurité, de l’alimentation et du commerce en général, de la santé et de l’action sociale, des Télécoms, des associations socio-culturelles. On pourra quand même souligner un impact également sur la formation via l’organisation de stages et de sessions professionnelles. Les retombées sur la ville vont bien au-delà des seules retombées économiques. Il convient ainsi de souligner les bénéfices en termes de communication et d’image, qui contribuent au développement touristique du lieu. L’organisation du festival contribue à la valorisation de l’image de la ville ainsi que la création d’une identité forte associée à la ville et donc au développement de l’attractivité touristique du lieu. Ce potentiel de communication n’a d’ailleurs pas échappé aux entreprises, qui y trouvent souvent non seulement le support d’une promotion commerciale de leurs activités et produits mais aussi un vecteur efficace de valorisation de leur image, tant en interne que vis-à-vis de leurs partenaires. En l’absence de données chiffrées, l’impact doit être relativisé. C’est un festival d'image visant à promouvoir la manifestation et dans le même temps la ville. Le festival Gnaoua et musiques du monde n’a pas d’objectif commercial ou financier, son but est de mettre en avant la musique Gnaoua et d’encourager l’art. Si le festival n’existait pas, la musique de l’art Gnaoui risquerait de s’éteindre. Le festival Gnaoua est un mélange de loisir, de tourisme, de culture et de fête. Si le festival Gnaoua et musiques du monde a permis à Essaouira d´amorcer un virage « touristique », il a également eu des impacts négatifs. 96 % de la population enquêtée affirment que pendant le festival, la ville d'Essaouira enregistre une augmentation de la délinquance juvénile de l'insécurité ainsi qu'une nette dégradation des mœurs. Aussi, l'engouement des étrangers pour les vieilles maisons de la médina d'Essaouira transformées en maisons d’hôtes pose le problème d’un secteur qui fonctionne dans l’anarchie où les pratiques inavouées remplacent le tourisme à proprement parler. Prisée par un grand nombre de visiteurs, soumise aux rapaces de l’immobilier, Essaouira a vu ainsi son patrimoine foncier gagner en valeur mais pas toujours au profit de la population locale. Les tentations spéculatives sont très réelles. Conclusion Actuellement, les indicateurs d'impact socio-économique des festivals au Maroc ne sont pas disponibles. Les études étudiant l’impact économique de ce festival sont inexistantes. Ni le ministère de la culture, ni le ministère du tourisme ne se sont penchés de façon très approfondie sur les retombées des festivals au Maroc. Des registres d’informations doivent être identifiés et faire l’objet d’observations ou d’enquêtes, qui porteront sur la fréquentation, les dépenses culturelles publiques, la connaissance des publics, l’économie culturelle, le chiffre d’affaire… Si l’identité du festival Gnaoua est d’abord perçue au travers de ses projets artistique et culturel, la production de cette manifestation dépasse largement cette unique dimension et constitue un maillage d’actions variées. Qu’il s’agisse de projets de redynamisation de la ville, de transformation des anciens quartiers, de revaloriser le patrimoine bâti ou de changer l’image de la ville, etc. dans ce sens le festival Gnaoua et musiques du monde a un effet valorisant. Le festival Gnaoua et musiques du monde est un temps de grand apaisement social, de cohésion sociale, de rencontre, de succès populaire, d'investissement de l'espace public, de mise en vitrine de la ville. Les festivals participent donc à l'organisation et à la promotion des territoires. On peut conclure que c'est un festival d’image, visant à améliorer l’image et la renommée de la ville. En tant que festival de renommée internationale, il est évident que le festival a un impact énorme sur toute la région. Quand on parle d’Essaouira à un étranger, il pensera forcément au festival. Tout ceci pour dire que la notoriété d’Essaouira est gigantesque. Le festival d’Essaouira possède déjà une base solide d’achalandage. Le tourisme à Essaouira constitue un marché déjà présent depuis de nombreuses années, mais qui n’est pas exploité au maximum de son potentiel. Il faut établir une stratégie qui s'appuie sur la protection et la mise en valeur du patrimoine culturel en l'intégrant au développement régional. Il faut faire de la préservation et de la valorisation du patrimoine un objectif principal servant d'outil de développement, et soutient donc la mise en place de politiques et d'outils de protection, de gestion et de valorisation du patrimoine culturel. Pour cela, il faut élaborer une méthodologie qui conduit à l'identification du patrimoine culturel pour l'intégrer dans les plans d'aménagement. Le patrimoine culturel d'Essaouira constitue une richesse dont la protection, la conservation et la mise en valeur imposent aux autorités, des responsabilités afin que ce patrimoine devienne un facteur déterminant de développement. Cette mise en valeur devrait être envisagée comme l'un des aspects fondamentaux de l'aménagement du territoire et de la planification au niveau national, régional ou local. Le patrimoine est devenu à la fois un enjeu socio-économique et un enjeu politique très important. Il faut intégrer le patrimoine dans la politique d'aménagement du territoire dès les premières phases du processus de décision en matière d'aménagement et aussi dans la vie sociale et économique comme étant l'un des aspects fondamentaux de l'aménagement du territoire et de la planification à tous les
  • 14. Hassan FAOUZI échelons. La culture est donc un enjeu économique fondamental pour l’avenir d’Essaouira. Les biens et services culturels ne sont plus des activités secondaires. Au contraire, tout concourt à en faire un secteur particulièrement dynamique dans le futur avec les nouvelles technologies qui multiplient les moyens de transmission de l’image et du son. Il s’agit de favoriser une concertation dans la promotion commune de la destination Essaouira par l’ensemble des intervenants touristiques de manière à ce que soit reconnu le rôle d’attrait du festival dans la vente d’Essaouira et de l’impact positif que ce dernier ajoute à la destination. Les partenaires d’affaires ont tout à gagner d’une association avec le festival pour amener un plus grand nombre de touristes à Essaouira. Il apparaît à l’issue de cette étude, que l’instrumentalisation de la culture peut permettre la valorisation de l’espace urbain et qu’analyser les mutations urbaines à travers l’instrumentalisation de la culture par les collectivités locales dans les politiques urbaines est pertinent à plusieurs égards, et permet, par ailleurs d’aborder plusieurs points problématiques qui pourraient être l’objet d’un approfondissement futur. BIBLIOGRAPHIE Autissïer A.-M., 1998, L'impact économique des festivals, Lettre d'information (Ministère de la culture et de la communication), 33 : 3-9. Barthon C.; Garat I.; Gravari-Barbas M.; Veschambre V., 2007. L'inscription territoriale et le jeu des acteurs dans les événements culturels et festifs : Des villes, des festivals, des pouvoirs. Revue de géographie de Lyon : 82, 3 : 111-121. Brennetot A., 2004. Des festivals pour animer les territoires. Annales de géographie, 113, 635 : 29-50. Benachir B., 2005. 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