Un échange France/Maroc pour mutualiser des méthodes - Luc MAZUEL UE2009
1. MINI-CONFERENCE 6 – UN ÉCHANGE FRANCE/MAROC POUR MUTUALISER DES METHODES
Intervenants :
Fatima Habté, représentante de Chaouen rural
André Valadier, administrateur de Terroirs et Cultures
Rapporteur :
Luc MAZUEL, ENITA Clermont – SOURCE
Dans le cadre d’une mission de l’Unesco sur les dynamiques territoriales autour des produits
identitaires, la notion de « terroir », un rapprochement s’opère entre plusieurs initiatives nationales.
C’est le cas de l’échange entre un terroir rural de France, l’Aubrac, au sud du Massif Central, ayant
accompli déjà depuis les années 1970 un énorme travail autour d’une trilogie paysage-animal-
tradition et un autre terroir, celui de la province de Chefchaouen dans le nord du Maroc, entamant
une démarche de valorisation du même ordre autour du bâti rural, des traditions.
Le tourisme est l’objectif transversal d’une démarche qui concerne l’agriculture, les patrimoines, le
maintien de la population sur son territoire.
Il y a donc là une double illustration de partenariats innovants : entre groupes de producteurs et
d’habitants locaux et entre deux communautés de nations différentes via le programme des Nations
Unies.
L’Aubrac,
A cheval sur 3 régions et 3 départements a du compter depuis les années 1970, époque d’une crise
démographique et agricole sévère, sur les solidarités et l’inventivité d’une poignée d’acteurs. Elus,
jeunes agriculteurs, prestataires de tourisme, passionnés du pays, ont établi les bases d’un travail sur
la dimension du « terroir », notion un peu conceptuelle mais vécue intensément dans ce pays de
montagne très isolé à l’époque (depuis, l’A75 ouvre grand les portes du plateau).
Dès le départ, les partenaires ont insisté sur le caractère évolutif de la notion. Il ne s’agissait pas de
figer le territoire dans son passé paysan mais de croiser les partenariats originaux pour réinventer le
terroir en s’appuyant sur des éléments forts : une race locale (la vache Aubrac), un fromage (le
Laguiole), un plat (l’aligot). L’agriculture a donc été le premier maillon des partenariats sous la forme
d’une coopérative de jeunes producteurs. Très vite, la dimension paysagère très marquante (hauts
plateaux d’estives) s’est trouvée renforcée et logiquement les premiers pas d’un tourisme vert
s’appuyant sur cette résurrection agricole. Au-delà, les patrimoines bâtis, le patrimoine du chemin de
Compostelle, sont venus densifier l’offre, de même que la renaissance du travail de coutellerie via le
fameux couteau Laguiole. Si l’on ajoute le succès de l’enfant du pays sur place, le célèbre
restaurateur Michel Bras, c’est une dynamique complète, très riche, qui a placé ce territoire,
2. pourtant morcelé par les limites administratives, en très bonne place dans l’offre et dans l’image des
trois régions.
Les hommes, leurs échanges réguliers, leur foi dans l’espace ancestral et dans les patrimoines
conduisent aujourd’hui à une amélioration constante de l’offre touristique, renouvelée.
De fait, le tourisme fait autant, voire plus, pour la vie de ce pays que l’agriculture pourtant
omniprésente.
Une procédure de Parc Naturel Régional est en cours, elle couronnera un travail exemplaire de
partenariat transversal.
Aujourd’hui, l’Aubrac exporte ce modèle d’organisation locale à l’étranger d’où la naissance du
partenariat avec Chaouen rural.
Chaouen rural,
Comme l’Aubrac il y a trente ans, la région de Chefchaouen est soumise à un exode rural vers les
villes du Royaume. L’agriculture vivrière ne suffit pas à nourrir les familles, les espaces forestiers sont
menacés, les produits sont mal écoulés. Cependant, la région montagnarde est très belle, les
éléments de la tradition (bâti, culture locale, produits de l’artisanat et agricoles…) moins exploités
par le tourisme de masse caractéristique d’autres zones du Maroc (littoraux, villes impériales, oasis…)
deviennent les éléments constitutifs d’une alternative touristique, plus respectueuse des lieux et des
gens du pays, plus satisfaisante aussi pour le visiteur.
L’association constituée se veut le point de rencontre, d’aide entre les prestataires touristiques, les
paysans, les artisans pour promouvoir un tourisme durable et assurer des revenus aux habitants,
directement, avec le moins possible d’intermédiaires exogènes qu’ils soient nationaux ou étrangers.
Des coopératives artisanales principalement tenues par les femmes et des maisons rurales (maisons
d’hôtes) ont été créées avec le soutien du gouvernement et d’ONG espagnoles. Les réhabilitations de
bâtis anciens sauvent le patrimoine et assurent des entrées d’argent régulières car l’association
promeut par internet ces hébergements encore peu fréquents bien que très recherchés par les
clientèles qui veulent sortir des sentiers battus. Un groupe technique assure aussi la formation des
propriétaires, indispensable pour la gestion, l’accueil, les éléments de décoration ou de confort à
offrir. La signalétique est aussi prise en charge et surtout le site web assure un peu de visibilité même
si la commercialisation reste difficile face à l’offre des agences officielles qui voient une concurrence
mal venue et se battent pour maintenir ces initiatives dans la confidentialité.
Malgré cet écueil, les projets se poursuivent pour offrir, au-delà de l’hébergement, des produits
complets (services à la carte, excursions thématisées, transferts, etc…), travailler encore la qualité via
le label, accentuer le travail de marketing-communication.
Un centre d’interprétation a été créé qui constitue une vitrine. On y vend aussi des produits
artisanaux.
La clientèle n’est plus exclusivement étrangère (Espagne, Portugal et France) mais aussi nationale
(citadins nostalgiques de ruralité).
Les efforts locaux, le soutien des ONG, celui de l’état qui a besoin d’une offre touristique renouvelée
ont fait émerger ces partenariats innovants dans un pays trop marqué encore par l’investissement
exogène et le manque de profit touristique direct aux habitants.
« Chaouen rural » et « Terroir et culture en Aubrac » sont donc des partenaires faits pour se
comprendre et échanger durablement.
Synthèse de Luc Mazuel