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                                                 ESCP Europe
                        Executive Mastères Spécialisés


Marketing et Communication
Thèse professionnelle
Promotion 2011-2012




Thèse professionnelle présentée par :
MONSMAMAN..............................................................................................................................................
Sylvaine CARRAU


Sous la direction de :
......................................................................................................................................................................................................
Alain OLLIVIER


Titre :
...............................................................................................................................................................................................................
De la baisse de confiance des consommateurs vers un marketing responsable. Le cas de
l’aspartame.
..........................................




Votre thèse professionnelle est confidentielle                                                                                                  ❏oui                                          non
ESCP-EUROPE




De la baisse de confiance des consommateurs vers
un marketing responsable. Le cas de l'aspartame.


                                      Thèse professionnelle
                                             Sylvaine Carrau
                                             Novembre 2012




Résumé : L’objet de cette thèse est de traiter de la baisse de confiance des consommateurs pour en
clarifier les sources et de repenser l’approche marketing sous un angle plus responsable comme voie
susceptible de restaurer cette confiance. Une analyse du concept de confiance, et plus
particulièrement dans le domaine alimentaire, associée à l’observation des évolutions du
consommateur post-moderne nous permet de faire un bilan de la situation et d’y déceler la nécessité
d’un renouveau en marketing. Une étude qualitative exploratoire sur un produit controversé,
l’aspartame, permet d’appréhender des leviers de retour à la confiance auprès de l’ensemble des
acteurs concernés.



Abstract : The purpose of this thesis is to address the decline in consumer confidence to clarify sources
and rethink the approach marketing in a more responsible way as capable of restoring that trust. An
analysis of the concept of trust, especially in the food sector, combined with the observation of
changes in the post-modern consumer allows us to take stock of the situation and to identify the need
for a renewed marketing. An exploratory qualitative study of a controversial product, aspartame, can
understand levers return to confidence among all stakeholders.




Mots clés : confiance, responsabilité sociale des entreprises, développement durable, éthique, comportement
du consommateur, psychanalyse, aspartame, consommation alimentaire, sociologie, parties prenantes,
controverse
2
A tous ceux qui doutent à tort ou à raison…




                                          3
Remerciements...

A ceux ou celles qui m’ont aidée dans mes recherches de contacts... Je pense particulièrement à
Alban de la Clinique St Yves.


A Olivier Badot, pour m’avoir conseillée quelques ouvrages qui m’ont été grandement utiles.


A mon Directeur de thèse, Alain Ollivier pour ses propos toujours rassurants.


A mes parents, pour leur soutien et particulièrement à mère.


A mes supporters... ils se reconnaîtront.




                                                                                              4
Citations sur la confiance :
                                                      « Celui qui a confiance en lui mènera les autres. »
                                                                                                 Horace


       « L'optimisme est une forme de courage qui donne confiance aux autres et mène au succès. »
                                                                                   Baden-Powell




                                                                            Citations sur la vérité :
          "La vérité appartient à ceux qui la cherchent et non point à ceux qui prétendent la détenir."
                        (Condorcet / 1743-1794 / Discours sur les conventions nationales, avril 1791)

"C'est sur son utilité que la vérité fonde sa valeur et ses droits; elle peut être quelquefois désagréable
à quelques individus et contraire à leurs intérêts, mais elle sera toujours utile à l'espèce humaine […].
         L'utilité est donc la pierre de souche des systèmes, des opinions et des actions des hommes."
                                                               (Paul-Henri, baron d'Holbach / 1723-1789)


                                                « La vérité est souvent dérangeante, relative et laide. »
                                                                                         Nikki Gemmell


                                                    « La vérité existe. On n'invente que le mensonge. »
                                                                                        Georges Braque


                                « La Vérité, c'est l'interprétation que chacun se fait de chaque chose. »
                                                                                            Vivien Bourrié


                                                      « Quand on a la foi, on peut se passer de vérité. »
                                                                                     Friedrich Nietzsche




                                                                                                        5
Sommaire
INTRODUCTION ............................................................................................................................ 8
METHODOLOGIE........................................................................................................................... 9
PREMIERE PARTIE : LE CONCEPT DE CONFIANCE .......................................................................... 10
   1.1 – Emergence du concept de confiance................................................................................ 11
   1.2 – Intégration de la confiance dans quelques domaines spécialisés ..................................... 11
   1.3 – Intégration de la confiance au sein du marketing ............................................................. 12
      1.3.1 – Dans les théories fondamentales de l’échange................................................................. 12
      1.3.2 - La problématique de conceptualisation et de transposition au marketing ....................... 12
   1.4 – La confiance dans la relation consommateur-marque ...................................................... 13
      1.4.1 – Les apports de la psychologie ........................................................................................... 13
      1.4.2 – La confiance dans la marque ............................................................................................. 14
      1.4.3 – Le nombre de dimensions de la confiance ........................................................................ 14
      1.4.4 – Les apports de l’échelle multidimensionnelle de la confiance dans la marque ................ 15
   1.5 – Le rôle de la confiance dans la perception des risques alimentaires .................................. 16
      1.5.1 – L’apport de la psychanalyse (à la compréhension des risques alimentaires perçus ) ...... 16
      1.5.2 – L’apport de la sociologie (à la compréhension des risques alimentaires perçus ) ............ 17
      1.5.3 – La problématique de la communication « alimentaire » .................................................. 18
      1.5.4 – La réassurance ................................................................................................................... 19
DEUXIEME PARTIE : LE CONTEXTE SOCIO-ECONOMIQUE .............................................................. 23
   2.1 – Bilan : la baisse de confiance des consommateurs, origines et évolutions ......................... 24
      2.1.1 – La confiance n'est plus ?.................................................................................................... 24
      2.1.2 – L'émergence du « conso'battant » (Terminologie de Luc Wise) ....................................... 25
      2.1.3 – Les nouveaux comportements d’achat ............................................................................. 26
   2.2 – La société postmoderne .................................................................................................. 27
      2.2.1 – Post-modernisme : acteur social et société ...................................................................... 27
      2.2.2 – Evolution de la consommation : historique et baroquisation ........................................... 29
      2.2.3 – Economie de « tohu-bohu» vers de nouvelles stratégies ................................................ 30
   2.3 – La résistance des consommateurs ................................................................................... 31
      2.3.1 – Définition et concept de la résistance ............................................................................... 31
      2.3.2 – Les résistances individuelle et collective ........................................................................... 32
      2.3.3 – Sélection de travaux de recherche présentés au colloque International « Consommation
      et résistance(s) des consommateurs » (à l’initiative de l’IRG Paris Est -2008) ............................. 34
          2.3.3. a) Un exemple gagnant-gagnant : La résistance coopérative et productive du
          consommateur : le cas de la mobilisation autour des médicaments orphelins ........................ 34
                                                                                                                                                 6
2.3.3. b) La résistance des consommateurs à la publicité ......................................................... 36
          2.3.3. c) Les déterminants de la décision individuelle de participation à un boycott .............. 37
          2.3.3. d) La résistance du client du point de vue du vendeur ................................................... 38
   2.4 – Vers un renouveau en marketing .................................................................................... 39
      2.4.1 – Situation actuelle du marketing ........................................................................................ 39
      2.4.2 – Décalage entre vision du marketing et vision du consommateur..................................... 40
      2.4.3 – Réflexions et conseils pour les marketeurs ....................................................................... 41
      2.4.4 – La nécessité de s’adapter : quelques exemples ................................................................ 43
TROISIEME PARTIE : MARKETING ET DEVELOPPEMENT DURABLE ................................................. 46
   3.1 – Développement Durable et Responsabilité Sociale de l’Entreprise ................................... 46
      3.1.1 – Définitions du développement durable ............................................................................ 47
      3.1.2 – Définitions de la RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) ........................................ 47
      3.1.3 – Perceptions et attentes de la société en matière de développement durable ................ 48
          3.1.3. a) Quelques chiffres........................................................................................................ 48
          3.1.3. b) La valeur ajoutée de la RSE pour les entreprises ....................................................... 49
   3.2 – Développement durable et marketing ............................................................................. 50
      3.2.1 – Le développement durable : contraintes pour les uns, opportunités pour les autres ..... 50
      3.2.2 – Comparaisons des deux disciplines ................................................................................... 51
      3.2.3 – Une opportunité de renforcement de la fonction marketing ........................................... 52
      3.2.4 – Approche de la valeur étendue (Bascoul et Moutot, 2009) .............................................. 54
          3.2.4. a) La création de valeur en développement durable : opportunité pour le marketing . 54
          3.2.4. b) Le concept de la valeur étendue ................................................................................. 55
          3.2.4. c) Critères de succès de la valeur étendue ...................................................................... 57
   3.3 – Les parties prenantes ...................................................................................................... 58
      3.3.1 – Le rôle des parties prenantes ............................................................................................ 58
      3.3.2 – Les entreprises pionnières en France................................................................................ 59
QUATRIEME PARTIE : ETUDE TERRAIN, LE CAS DE L’ASPARTAME ................................................. 62
   4.1 Méthodologie ................................................................................................................... 63
   4.2. Synthèse des résultats ...................................................................................................... 71
   4.3. Analyse générale .............................................................................................................. 81
   4.4. Analyse détaillée - Recommandations............................................................................... 82
   4.5. Limites et discussion ......................................................................................................... 89
CONCLUSION .............................................................................................................................. 91
BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................................................... 92
ANNEXES .................................................................................................................................... 94

                                                                                                                                              7
INTRODUCTION

La baisse de confiance des consommateurs est un problème sociétal et représente un enjeu
managérial. Les résultats de plusieurs études constatent cette baisse de confiance généralisée
touchant tous les acteurs : Etat, entreprises, banques, institutions, médias... On notera aussi la
préoccupation environnementale et écologique, la prise de conscience des ressources limitées de la
planète et le souhait de protéger les nouvelles générations.

Dans un contexte de crises, les Français craignent une baisse importante de leur revenu disponible, et
disent avoir réduit leur consommation. Le consommateur développe de nouveaux comportements
d’achat soucieux de mieux consommer et moins. Ultra informé grâce à internet, il est devenu malin et
opportuniste cherchant à dénicher la bonne affaire pour répondre à une de ses premières
préoccupations : le prix.

L’arrivée du web 2.0 a en effet bouleversé les échanges marchands en plus de donner la parole aux
consommateurs pouvant interagir sur la toile. Les sociétés peuvent être critiquées en ligne et ont dû
s’adapter pour soigner leur « e-reputation ». Le contre-pouvoir du consommateur est bien réel et
celui-ci n’hésite pas à manifester son mécontentement en utilisant les réseaux sociaux mais aussi
sous d’autres formes de résistance comme le boycott.

Les dérives sociales sont également décriées par les consommateurs, ces derniers étant de plus en
plus en attente d’une transparence concernant les activités d’une société tant au niveau social
qu’environnemental.

Le marketing a été et est toujours critiqué pour inonder le marché de produits sans réelle nouveauté,
pour inciter les consommateurs à acheter plus à renfort d’offres promotionnelles. Les contrats ou
abonnements proposés par certaines marques sont difficiles à décrypter et piègent parfois un
consommateur mal averti.

Les produits controversés représentent une source d’angoisse et cela particulièrement dans le
secteur alimentaire. OGM, aspartame, pesticides, bisphénol A... font l’objet d’une communication
continuelle depuis plusieurs années soulevant des interrogations sur les conséquences de ces
produits sur la santé humaine.

Les sources de baisse de confiance semblent être nombreuses, notre société a changé et nous avons
probablement atteint les limites de notre système économique actuel.

L’objectif de cette thèse sera donc de comprendre quel rôle le marketing peut jouer dans l’intégration
des problématiques environnementales et sociétales ? Un marketing plus responsable est-il un levier
de retour à la confiance des consommateurs ?

Quels sont les leviers de retour à la confiance dans le cas d’un produit controversé comme
l’aspartame ?




                                                                                                    8
METHODOLOGIE

Dans un premier temps, nous aborderons le concept de confiance pour décrypter son mécanisme en
général et comprendre son application en marketing et dans sa relation à la marque. Nous nous
attarderons particulièrement sur la spécificité du rôle de la confiance dans le domaine alimentaire.

Dans un deuxième temps, nous chercherons à analyser le contexte socio-économique pouvant
donner un éclairage sur la compréhension de cette baisse de confiance des consommateurs. Nous
illustrerons les cas de résistances à travers l’analyse d’exemples concrets. Puis nous ferons le bilan de
la situation actuelle du marketing et développerons des axes de réflexion pour les marketeurs.

Enfin la troisième partie traitera des concepts de développement durable et de Responsabilité Sociale
d’Entreprise ainsi que des attentes des consommateurs en la matière. Nous ferons une analyse
croisée des disciplines marketing et développement durable et nous considérerons les nouveaux
enjeux pour le marketing d’intégrer le concept de « valeur étendue » comme source de
renouvellement. Les parties prenantes nécessaires au bon déroulement de cette nouvelle dynamique
seront traitées comme témoignage de l’intégration des problématiques de RSE au sein des sociétés.

La quatrième partie consiste en une étude visant à voir si les enseignements issus des parties un à
trois, s’appliquent sur le terrain. J’ai choisi le cas de l’aspartame, produit controversé, pour essayer de
comprendre le phénomène de peur engendrée et illustrer les mécanismes de perte et/ou de retour à
la confiance des consommateurs. Quels sont les leviers de retour à la confiance dans le cas d’un
produit controversé comme l’aspartame ?

A travers une étude exploratoire, menée sous formes d’entretiens semi-directifs, auprès d’une
sélection d’acteurs concernés par l’aspartame, je ferai une synthèse des résultats. Mes
recommandations managériales viseront à donner des conseils aux différentes parties prenantes
concernées par le sujet de l’aspartame, dans le respect des problématiques des uns et des autres et
dans la perspective d’un retour à la confiance des consommateurs.

Mon travail est centré sur l’importance d’intégrer les enjeux du développement durable au
marketing

- pour restaurer la confiance des consommateurs

- pour qu’émerge la notion de marketing responsable pour le bien des firmes et de la société.



Rappel de la problématique :

Quel rôle le marketing peut jouer dans l’intégration des problématiques environnementales et
sociétales ? Un marketing plus responsable est-il un levier de retour à la confiance des
consommateurs ?

Quels sont les leviers de retour à la confiance dans le cas d’un produit controversé comme
l’aspartame ? Analyse de la situation.



                                                                                                         9
PREMIERE PARTIE : LE CONCEPT DE CONFIANCE

 1.1 – Emergence du concept de confiance ....................................................................................... 11
 1.2 – Intégration de la confiance dans quelques domaines spécialisés ........................................... 11
 1.3 – Intégration de la confiance au sein du marketing .................................................................... 12
    1.3.1 – Dans les théories fondamentales de l’échange................................................................. 12
    1.3.2 - La problématique de conceptualisation et de transposition au marketing....................... 12
 1.4 – La confiance dans la relation consommateur-marque ............................................................ 13
    1.4.1 – Les apports de la psychologie ........................................................................................... 13
    1.4.2 – La confiance dans la marque ............................................................................................. 14
    1.4.3 – Le nombre de dimensions de la confiance ........................................................................ 14
    1.4.4 – Les apports de l’échelle multidimensionnelle de la confiance dans la marque ................ 15
 1.5 – Le rôle de la confiance dans la perception des risques alimentaires ....................................... 16
    1.5.1 – L’apport de la psychanalyse (à la compréhension des risques alimentaires perçus ) ...... 16
    1.5.2 – L’apport de la sociologie (à la compréhension des risques alimentaires perçus ) ............ 17
    1.5.3 – La problématique de la communication « alimentaire » .................................................. 18
    1.5.4 – La réassurance ................................................................................................................... 19




                                                                                                                                             10
1.1 – Emergence du concept de confiance
   Nous allons tout d'abord définir ce qu'est le concept de confiance en marketing à partir de deux
   observatoires (Guibert, 1999) : les domaines d’application et la théorie générale du marketing
   (qui a abouti à la notion de marketing relationnel).

   Les domaines d'application sont de deux types : les échanges interentreprises (ventes,
   négociations) et le canal (relations client-fournisseur et accords co-latéraux).

La définition de la confiance et la maîtrise de sa dynamique demeurent incertaines, l'approche
psychologique de l'échange ayant engendré quelques paradoxes dans l'appropriation du concept par
le marketing. Selon Guibert, les chercheurs en marketing devraient prendre en considération le
rapport entre la théorie de la satisfaction et la théorie de la confiance.

Le concept de confiance apparaît dès 1971 pour résoudre des problèmes managériaux et de prise de
décision (Zand). Ce dernier décrit le concept de confiance « comme un comportement caractérisé par
des échanges d’informations pertinentes, une mutualité des influences exercées, un meilleur contrôle
de soi et un refus d’abuser de la vulnérabilité des autres ».

La confiance s’est appliquée dans différents domaines et malgré ou à cause d’une recherche
intensive, son mécanisme (compréhension du rôle de la confiance dans les échanges) n’est pas clair
car les définitions sont nombreuses.

Son rôle prépondérant dans la résolution des problèmes clients-fournisseurs et particulièrement dans
les échanges entre groupes est développé par Dwyer et Lagace (1986). La confiance est associée à la
coopération.

Selon Nathalie Guibert (1999), « il y a bien un paradoxe de la confiance dans son appropriation
scientifique par le marketing » et Blois (1999) souligne la différence entre la confiance envers
quelqu’un et s’en remettre à lui soit le concept de réciprocité sans parler de la distinction à apporter
entre confiance individuelle et confiance organisationnelle.

(voir annexe 1 : « La confiance dans la littérature marketing : résumé synoptique » – tiré des travaux
de recherches de Guibert Nathalie(1999), La confiance en marketing : fondements et applications,
Recherche et Applications en Marketing, Vol 14, n°1/99).



1.2 – Intégration de la confiance dans quelques domaines spécialisés

Dans les problématiques de vente et de négociation : Schurr et Ozanne (1985) ont posé une
hypothèse selon laquelle « la confiance exercerait une influence importante et positive sur les
interactions commerciales, notamment sur le plan inter-individuel », tout droit inspirée de la
psychologie sociale et applicable aux échanges interentreprises (industries et services).

 Dans le domaine des services, Zaltman et Moorman (1988) ont étudié les déterminants de la
confiance pour en ressortir des recommandations comportementales destinées aux consultants
désireux de maintenir la confiance de leurs clients et même de la développer. Ils mettent en avant
l’importance des facteurs interpersonnels tels que l’intégrité, le respect de la confidentialité,

                                                                                                     11
l’expertise, la ponctualité. Leur définition (1992) est l’une des plus utilisées dans la littérature en
marketing : « willingness to rely on an exchange partner in whom one has confidence ».

La particularité de cette définition est qu’elle introduit les notions de croyance et d’intention de
comportement. Berry (1995) est parti de cette définition pour approfondir le concept appliqué aux
consommateurs.

Pour conclure sur la confiance au sein des relations interentreprises, Andersson et al. (1996) affirme
qu’elle est l’un des concepts les plus couramment utilisés dans la recherche sur les canaux marketing.
On passe ainsi de « pouvoir, conflit, compétition » à « confiance, dépendance, engagement,
coopération »… vers le concept du marketing relationnel (Nevin, 1995).



1.3 – Intégration de la confiance au sein du marketing

   Barney et Hansen (1994) mettent en avant que la fiabilité est une source d’avantage concurrentiel
   dans leur recherche en stratégie, ce qui va amener au développement de nouveaux modèles en
   marketing pour créer, développer et conserver les relations.

   Cette évolution nous conduit au concept de marketing relationnel (Morgan et Hunt, 1994) :
   « ensemble des activités ayant pour but d’établir, de développer et de maintenir des échanges
   relationnels performants ».



   1.3.1 – Dans les théories fondamentales de l’échange

Les débats entre les économistes et les sociologues sur le concept de confiance vont bon train. Les
idées des sociologues ne sont pas encore intégrées dans les réflexions d’ordre économique, comme le
regrette Granovetter (1985). Dix ans après, la notion d’échange comme résultant d’un calcul strict des
risques économiques s’est vu être une vision étriquée, faisant ainsi une place à l’intégration des
recherches sur la confiance comme élément structurant les échanges inter-entreprise.

Le concept de confiance dans la psychologie de l’échange est empreint d'incertitudes et de
paradoxes.



   1.3.2 - La problématique de conceptualisation et de transposition au marketing

La quantité de définitions de la confiance rendent difficile sa conceptualisation. Après quelques
recherches et évolutions des théories sur le sujet, deux approches de la confiance se distinguent :
comme attitude et comme croyance.

Scott (1980) conceptualise la confiance comme une attitude avec l’intégration d’une valeur affective,
approfondie par Morgan et Hunt (1994) et dénommée dimension « cognitive ». Ils mettent ainsi en
évidence deux aspects de cette confiance « spécifique » : la croyance dans la bienveillance de l’autre
envers soi et la croyance dans son honnêteté.

Les statuts d’ « attitude » et de « croyance » restent bien distincts en psychologie. Selon Dubois et

                                                                                                    12
Jolibert (via Rokeach, 1968) : « une attitude est une organisation durable des croyances à propos d’un
objet ou d’une situation prédisposant un individu à répondre d’une manière préférentielle ». La
confiance est donc un concept polymorphe.

Les travaux de recherches sur le rôle de la confiance dans les échanges partent dans deux directions
opposées avec d’un côté la confiance comme variable à expliquer, et de l’autre la confiance comme
variable explicative. Ce paradoxe démontre à nouveau le problème de conceptualisation de la
confiance. Guibert (1999) en conclut d'ailleurs que « la variété des conceptualisations de la confiance
en psychologie sociale et en particulier les incertitudes relatives à sa conceptualisation freinent le
développement d’une théorie intégrée de la confiance dans l’échange économique, et ce faisant,
limitent sa portée actuelle en marketing ».

Après avoir visité la définition du concept de confiance à travers plusieurs approches, centrons-nous
sur la confiance des consommateurs.



1.4 – La confiance dans la relation consommateur-marque

   INTRODUCTION : Selon Filser (1998), peu d'études ont porté sur la confiance dans la relation
   consommateur-marque. Plusieurs études s'y sont depuis attelées (Sirieix et Dubois, 1999 ;
   Gurviez, 1999 ; Frisou 2000). Il en ressort que la confiance du consommateur envers une marque
   est articulée autour d’une « chaîne logique du marketing relationnel » (Aurier, Benavent et
   N’Goala, 2001). Cette chaîne pose l'existence de relations positives entre la qualité perçue, la
   valeur perçue, la satisfaction, la confiance et enfin l'engagement. A ce stade les mécanismes de
   « confiance » ne sont pas encore expliqués. La confiance trouve en partie son origine dans le
   traitement de l'information portant sur le passé, à savoir dans l’expérience. Toutefois la confiance
   est orientée dans une action dans le futur à savoir qu'elle garantit une relation stable et durable.



   1.4.1 – Les apports de la psychologie

Plusieurs études ont porté sur la mesure de la confiance entre personnes (recherches en psychologie
sociale depuis le début des années 50) ou entre entreprises partenaires (recherches en marketing
avec l’émergence du concept de marketing relationnel ; Morgan et Hunt, 1994). La confiance y est
définie comme concept clé dans la relation personne / personne ou entreprise / entreprise.

Le marketing relationnel s’est depuis étendu aux services et au comportement du consommateur. Les
différentes recherches en psychologie sociale sur la confiance n’aboutissent pas aux mêmes
conclusions, néanmoins la notion de coopération entre deux parties réside dans l’évaluation des
intentions et des attentes croisées réciproques dans une situation d’échange. Le degré de confiance
et ses différentes facettes restent à quantifier ; ce qui a fait l’objet de plusieurs échelles de mesure
critiquées entre autres par Guibert (1999) : « la conceptualisation de la confiance en psychologie
sociale […] reste un concept polymorphe, difficile à intégrer dans une explication cognitive du
comportement du consommateur ».




                                                                                                     13
1.4.2 – La confiance dans la marque

Fournier (1998) intègre une approche relationnelle entre la marque et le consommateur.
Généralement, on parle de marques en tant que symboles dans lesquels le consommateur va
chercher à s’identifier. Un autre courant vise à caractériser les marques comme des « instances
personnifiées » (Semprini, 1999). Les marques sont immatérielles et pourtant les consommateurs
peuvent aller jusqu’à leur attribuer des caractéristiques quasi-humaines (Fournier, 1998).

La dynamique existant entre le consommateur et la marque comprend des processus cognitifs et
affectifs dans lesquels la confiance ressort comme un élément déterminant. Elle aide à comprendre la
valeur d’une marque pour un consommateur et l’impact sur l’engagement du consommateur envers
la marque (et le maintien d’une relation durable).



   1.4.3 – Le nombre de dimensions de la confiance

Plusieurs auteurs ont également étudié la confiance dans la marque en empruntant les dimensions
de la théorie tri-componentielle des attitudes (Rosenberg et Hovland, 1960) présentes dans tous les
concepts majeurs de psychologie sociale : dimension cognitive (connaissance et croyances) –
dimension conative (relatives aux comportements passés et présents) – dimension affective
(émotions positives ou négatives).

Dans les recherches sur la confiance dans la marque apparaissent la notion de croyance (Sirieix et
Dubois, 1999 ; Frisou, 2000), de volonté (Moorman, Zaltman et Deshpandé, 1992 ; reprise par
Chaudhari et Holbrook, 2001) et de présomption (Gurviez, 1999 ; reprise par Aurier, Benavent et
N’Goala, 2001). Les auteurs mobilisent donc bien des dimensions cognitives, conatives et affectives
dans la définition de la confiance dans une marque.

Ces trois composantes ont un effet dans la construction et le maintien de la relation consommateur-
marque. Plus précisément la recherche marketing développe trois conceptions de la confiance :

- La conception unidimensionnelle : honnêteté / motivation bienveillante (échelle unidimensionnelle
de Larzelere et Huston, 1980 – Fournier, 1994)

- La conception bidimensionnelle : crédibilité objective du partenaire (regroupant les compétences,
l’honnêteté et la capacité à tenir ses promesses) ET bienveillance du partenaire (Ganesan, 1994 ;
Geyskens et Steenkamp, 1995 ; Sirieix et Dubois, 1999...)

- La conception tridimensionnelle : présomption de compétences (maîtrise d'un savoir-faire) ET
présomption d’honnêteté ET prise en compte de l’intérêt du consommateur, soit sur du long terme
(Hess, 1995 ; Gurviez 1999, Frisou, 2000)

Ce dernier construit tridimensionnel permet de lier des composantes qui pouvaient paraître
distinctes : la prise en compte des intérêts du consommateur correspond à la notion de réciprocité
qui postule que l'on retrouve des principes de justice et d'équité dans les termes de l'échange.




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Dans les processus de communication, on distingue deux sources de confiance, l'une relative à la
compétence technique, l'autre relative à la compétence éthique (Landowski, 1989). Une marque peut
être interrogée sus ses capacités à tenir ses promesses (faire ce qu’elle dit) et sur l’honnêteté de ses
promesses (dire ce qu’elle fait). Les études qualitatives auprès de consommateurs font ressortir le
même construit tridimensionnel dans leurs réponses lorsqu'ils sont interrogés sur la confiance qu'ils
portent dans les marques : crédibilité, intégrité, bienveillance.

Suite à des études qualitatives auprès de consommateurs de produits alimentaires de grande
consommation et de cosmétiques, le construit tridimensionnel de la confiance apparaîtrait comme le
plus pertinent, comme souligné dans les travaux de Rempel, Holmes et Zanna (1985) :

    -   Données objectivables (compétence, savoir-faire technique)

    -   Données abstraites (honnêteté, intégrité)

    -   Orientation à long terme attribuée à la marque

Cette dernière dimension reprend le devoir fiduciaire, à savoir être capable de placer l'intérêt des
autres avant le sien propre (Barber, 1983). Elle inclut aussi le concept de réciprocité, fondamental
dans l'échange, et défini comme l'obligation morale de donner quelque chose quand on a reçu un
bien (Smith-Ring et Van de Ven, 1992), ce qui va à l’encontre d’un comportement opportuniste à
court terme.

Il est à noter que le consommateur (pour revenir aux dimensions cognitives, conatives et affectives)
se forge son opinion sur une marque davantage sur des indices perçus (aspects cognitif et affectif)
que sur des preuves. Patricia Gurviez et Michaël Korchia (2002) nous propose une définition du
concept de confiance dans la relation consommateur-marque : « La confiance dans une marque, du
point de vue du consommateur, est une variable psychologique qui reflète un ensemble de
présomptions accumulées quant à la crédibilité, l’intégrité et la bienveillance que le consommateur
attribue à la marque ».

La confiance du consommateur se résume donc à travers un construit tri-dimensionnel qui va pouvoir
être mesuré grâce à une échelle développée ci-dessous.



   1.4.4 – Les apports de l’échelle multidimensionnelle de la confiance dans la marque

Gurviez et Korchia (2002) ont testé l’effet de la confiance sur l’engagement à travers la construction
d’une échelle multidimensionnelle de la confiance utilisant des items pour la crédibilité, l’intégrité et
la bienveillance. Il en est ressorti qu’une relation positive forte est obtenue entre confiance dans la
marque et engagement du consommateur.

En cas de crise, la dimension « crédibilité » peut être perturbée par l’annonce d’une défaillance
technique ou sanitaire d’un produit, et il est tentant pour les managers de focaliser sur l’aspect
technique du problème ; négliger les dimensions plus relationnelles de la confiance risque de peser
sur les réactions des consommateurs et de faire baisser leur niveau global de confiance envers la
marque (Gurviez et Korchia, 2002).

Sur le plan managérial, la dimension « bienveillante » représente un vaste chantier. Elle est utilisée
par plusieurs entreprises à travers différentes actions et engagements : propositions commerciales à
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la carte et donc adaptées aux consommateurs comme les forfaits téléphoniques ajustés
mensuellement (Frisou, 2000) ; des engagements sur le long terme en faveur du développement
durable (Monoprix, Leclerc…) ; le commerce équitable (Max Havelaar).



1.5 – Le rôle de la confiance dans la perception des risques alimentaires

   INTRODUCTION : Dans le domaine alimentaire, la confiance joue un rôle majeur dans la
   perception des risques par les consommateurs. Les différentes crises alimentaires de ces
   dernières décennies reflètent bien le niveau de méfiance des consommateurs au regard du
   progrès technique en général et de la transformation des aliments en particulier. Les progrès sont
   perçus comme une dégradation de la qualité des aliments. Les industriels ont tendance à y
   répondre par un discours rationnel et de faire remarquer que le risque zéro n’existe pas.

   Les sciences humaines ont permis de développer nos compréhensions du comportement du
   consommateur, qui dans le domaine alimentaire est enraciné dans le culturel et l’émotionnel
   (Poulain, 1985).

   La problématique de l’incorporation, communes à plusieurs cultures, rend compte d’un triple
   phénomène (Fischler, 1993) : biologique (qualités nutritionnelles et sanitaires - nous devenons ce
   que nous mangeons), psychologique (qualités symboliques voir magiques prêtées à ce que l’on
   mange) et social (mœurs alimentaires d’un groupe).



   1.5.1 – L’apport de la psychanalyse (à la compréhension des risques alimentaires perçus )

L’incorporation joue un rôle dans la constitution de l’identité. Suite aux travaux de Freud, les écoles
psychanalytiques ont étudié les mécanismes qui permettent à la personnalité de l’enfant de
s’organiser durant les premières années de sa vie. Le stade oral (Freud, 1905) peut être appréhendé
comme une « prime » fournie en marge de l’accomplissement des besoins : le plaisir pris à la succion,
en plus de l’assouvissement de la faim. La psychanalyse insiste donc sur le fait que nourrir n’est pas
uniquement lié au fait de faire ingurgiter.

Les psychanalystes anglais (Klein, Horney, Winnicott, Bowlby, Erikson) ont beaucoup décrit le rôle de
la mère et de l’environnement dans le processus de maturation psychique des individus.
L’alimentation du nourrisson l’aide à se construire psychiquement, à concevoir un soi (notion de
« self » de Winnicott, 1972). Un nourrisson est tout le temps au bord d’une angoisse liée à son état
de dépendance totale à son environnement (Klein, 1979). Lorsqu’il a faim, il n’a pas le
développement psychique nécessaire pour comprendre que son besoin va bientôt être assouvi par
un objet extérieur (sein, biberon) puisqu’il ne conçoit pas son soi (sa barrière corporelle) qui le
distingue de son environnement.

Si l’environnement est suffisamment favorable et la qualité des soins (dont alimentation) bonne,
cette angoisse va s’estomper et laisser la place à la construction d’une identité propre (« self »).

La satisfaction des désirs apporte un sentiment de sécurité par le biais du mécanisme
d’incorporation : en mettant à la bouche le sein ou le biberon, l’enfant en assimile les qualités et
conserve l’objet en soi. Le développement de l’activité psychique se construit par la faculté
                                                                                                    16
d’imaginer. Quand le nourrisson a faim, il va s’imaginer, grâce à l’incorporation (via une tétine par
exemple), que le sein est là, et en retirer une satisfaction ; d’où l’observation de bébés qui attendent
leur repas un moment en suçant une tétine.

Pour les psychanalystes, l’alimentation joue un rôle majeur dans le développement de l’individu au
sens physiologique mais surtout psychologique. Cette analyse permet de comprendre pourquoi une
angoisse peut naître face à un produit alimentaire controversé. Ainsi les émotions peuvent l’emporter
face au rationnel. Il en ressort qu’une communication basée sur le raisonnement et les aspects
techniques ne peut être entendue car elle n’inclut pas la réalité psychique des individus (Patricia
Gurviez, 2002).

Après les apports de la psychanalyse à la compréhension des risques perçus par le consommateur,
passons à la sociologie et analysons la confiance de base et la sécurité ontologique au sein de notre
société.



      1.5.2 – L’apport de la sociologie (à la compréhension des risques alimentaires perçus )

Selon le sociologue anglais Giddens (1987), la confiance est un mécanisme qui (à partir de
représentations communes) permet de faire cesser l’interrogation sur le comportement et les
intentions des autres agents dans les échanges. Or la confiance (interindividuelle) est issue du
concept de « sécurité ontologique », qui s’appuie sur les mécanismes affectifs du concept de
« confiance de base » (psychanalyste Erikson, 1950). Chez l’enfant, l’angoisse liée à la dépendance
diminue au fur et à mesure que l’environnement (grâce à ses soins et à sa protection) favorise les
mécanismes d’introjection et ainsi, l’absence ne signifie plus désertion. On est dans la « confiance de
base ».

La confiance a également un caractère réciproque : « la capacité d’être digne de confiance » se
développe et accompagne la confiance envers l’environnement « suffisamment bon ».

Selon Bowlby (1973), la capacité de faire confiance aux autres dépend de la capacité d’avoir confiance
en soi. Cette « confiance de base » constitue l’élément de base de la notion de sécurité ontologique
(Giddens, 1987). La sécurité ontologique désigne l’attitude de confiance en la continuité du monde et
de soi, qui s’ancre dans la vie quotidienne.

Dans les sociétés pré-modernes, la confiance trouvait sa source dans les communautés, la famille, les
religions, les traditions toutes sources de routines porteuses de sens (Luhmann, 1988 ; Giddens,
1990). Les sociétés modernes ont perdu ces liens sociaux engendrant la mise en place, par le collectif,
de « systèmes experts » agissant comme des tiers et étant capables de garantir la confiance. Ces
systèmes organisent notre environnement matériel et social mais peuvent aussi être des producteurs
donc des marques.

Au niveau alimentaire, la crise de confiance amène à la notion de réassurance 1 (Rochefort, 1997). Les
consommateurs cherchent à se rassurer et sont donc sensibles aux thèmes de la santé, des traditions,
du terroir, de la nature, accompagnés d’une sensibilité accrue à l’éthique, la morale et la
transparence. Le retour à sa mère nourricière rassure le consommateur, fragilisé en situation de crise,
où le danger relance les mécanismes d’introjection et de projection pour éloigner le danger.

1
    Voir point 1.5.4 – La réassurance
                                                                                                     17
La crise de confiance alimentaire concerne également les systèmes experts. Quand le consensus
gérant les différents systèmes experts (dont les marques) ne fonctionne plus, il faut se tourner vers
un tiers garant. En effet, on remarque que les consommateurs se tournent vers les pouvoirs publics.



   1.5.3 – La problématique de la communication « alimentaire »

L’importance des dimensions psychologiques et sociologiques dans le domaine alimentaire plaide en
faveur d’une communication au-delà du message qualité rationnel et technique.

L’importance accordée aux éléments symboliques de la consommation permet de considérer la
confiance, non plus seulement dans sa composante cognitive, mais d’en rechercher les sources dans
un faisceau d’éléments culturels et symboliques (Filser, 1998).

Les consommateurs sont sensibles aux qualités nutritionnelles des produits mais ont également des
attentes sur les qualités sanitaires et symboliques (éthique etc.).

Les sémioticiens pensent que la communication humaine repose sur un minimum de confiance
mutuelle, ce qui renvoie à la notion de contrat de véridiction de Greimas (1983) : « tout échange
présuppose la connaissance de la valeur de ce qui est échangé. Cependant, cette connaissance de la
valeur nécessite une opération de communication de la vérité sur cette valeur entre les deux parties,
qui comporte, pour l’énonciateur, une articulation entre l’argumentation et la persuasion, autrement
dit entre le faire-savoir et le faire-croire ».



En matière de qualité, la communication s’appuie sur des indicateurs qualité (Labels, Appellation
d’origine contrôlée, logo bio etc.). Ces indicateurs attestent du respect de cahiers des charges
spécifiques contrôlés par des organismes certificateurs indépendants. La communication se veut ici
plutôt technique, ce qui, en contexte de crise alimentaire, s’avère rassurant puisque rapide dans le
traitement du problème grâce à une traçabilité des causes de « non-qualité ». Il y a donc bien une
communication du « faire-savoir » pour rassurer les consommateurs et rendre leur process de
transformation des aliments moins opaque.

Gurviez (2001) pense que les acteurs de la filière agroalimentaire ne se donnent pas tous les moyens
d’être crus et souligne le comportement de ceux-ci lors de réunions entre industriels : « irrationalité
des consommateurs », axe de communication sur la « non-existence du risque zéro », la
responsabilité du consommateur qui ne sait pas utiliser tel ou tel bien, comme si le seul rapport de
communication possible était celui de l’industriel « qui sait » et qui va « éduquer » le consommateur
qui ne sait pas. Seule la dimension cognitive est utilisée ici. « La communication doit tenir compte de
la logique qui prévaut dans la réalité psychique, qui n’est pas la même que la logique scientifique. »

Encore faut-il que le consommateur accepte de croire en ces indicateurs et qu’il accorde sa confiance
aux émetteurs de ces signes.

Pour Guirviez (2001), la filière agroalimentaire doit accepter de prendre la dimension du « croire »
pour échapper à un double écueil : celui du discours rationnel et technoscientifique déconnecté des
attentes profondes du consommateur et celui d’un discours purement nostalgique, sans adéquation
avec la réalité et qui ne souscrirait pas la dimension éthique de l’épreuve de la confiance.

                                                                                                    18
Pour Landowski (1989), c’est la relation instaurée par les partenaires qui va permettre à l’un de croire
ce qui dit l’autre et réciproquement. La confiance s’appuie sur le fait de croire que la promesse sera
tenue. Cette croyance repose sur la loyauté de l’émetteur qui sera perçue à travers une double
compétence technique et éthique. (Le faire-croire)

Dans un contexte de défiance vis-à-vis des « systèmes experts » (marques, labels, filière, organismes
certificateurs…), le recours des tiers-garants est susceptible de restaurer cette confiance. Les
consommateurs sont en attente de plus de contrôle et d’intervention de l’Etat ou d’organismes
indépendants.

Pour un retour à la confiance des consommateurs, un consensus homogène au sein de la filière
agroalimentaire doit permettre une communication plus compréhensible à travers des signes
communs.



Gurviez (2001) nous donne sa vision de la communication dans le domaine alimentaire avec « les 3
niveaux de la communication sur l’alimentation » (voir annexe 2 : « les 3 niveaux de la
communication sur l’alimentation » - tiré des travaux de recherches de Patricia Gurviez, 2010).

Le premier niveau est la communication scientifique. Celle-ci s’adresse à des chercheurs mais elle est
souvent accessible via les moteurs de recherche. Le grand public ne peut en avoir une
compréhension complète au risque même d’appauvrir ou de dénaturer son contenu.

Le deuxième niveau est la communication des experts (ou « traducteurs de connaissance
scientifique »). Elle s’exprime par le biais des médecins, des nutritionnistes, les services marketing ou
R&D mais aussi les journalistes scientifiques. L’enjeu est à ce niveau de « traduire » les avancées
scientifiques dans des applications pratiques. Les récepteurs sont des patients, des entreprises, les
médias.

Le troisième niveau est « la diffusion des connaissances » qui concerne tous ceux en contact avec le
grand public, les entreprises, les lobbyings etc. Les consommateurs, entre autres, vont diffuser une
information issue des niveaux 1 et 2 (et donc pas toujours compris du fait de leur complexité
scientifique) au risque de créer une cacophonie relayée par les médias.



   1.5.4 – La réassurance

La prise de conscience du risque alimentaire est apparue avec les crises récentes (l’ESB en 1996, le
poulet à la dioxine en 1999, la listériose en 2000). Les systèmes de production actuels sont méconnus
par les consommateurs ce qui génère un décalage entre leurs représentations mentales d’un aliment
et la réalité. L’aliment a de particulier (comme le médicament) d’être le seul bien de consommation
que l’on ingère (Marouseau, 2000). Ces éléments engendrent un besoin de réassurance sur les
produits qu’ils consomment. Selon Fischler (1996), il se crée une distance à la fois réelle et imaginaire
entre le produit et le consommateur. Les consommateurs ne semblent pas avoir bien intégré le
nouveau contexte de production-distribution (agriculture mécanisée, transformations industrielles
ultra sophistiquées) (Lambert, 1996). Or selon plusieurs sociologues et psychosociologues, les choix
des consommateurs pour un produit sont déterminés par les représentations mentales du produit
(Lahlou, 1995 ; Masson et Moscovici, 1997 ; Fischler, 1990, 1994). Ces représentations ne sont pas
                                                                                                      19
des croyances, elles sont structurées grâce au processus de catégorisation (Cohen et Basu, 1987) qui
permet, une fois la catégorie trouvée, d’associer un comportement à un produit.

Les représentations dominantes sont issues du monde agricole avec une image mentale de nature
(Lambert, 1996) ; représentations associées aux effets supposés des aliments sur notre corps. Or les
produits industriels sont éloignés de cette image de mère Nature et on leur associe des effets négatifs
de part une méconnaissance des procédés de production industrielle actuels. En marketing, on parle
de la théorie de la dissonance cognitive (distance entre la réalité des produits et les représentations
mentales de ces produits). Festiger (1957) définit cette dissonance par une incohérence entre les
actions, les pensées, les connaissances et les croyances de l’individu.



Cette dissonance cognitive vient du fait que la survie de l’individu dépend des produits alimentaires.
Le décalage entre la représentation du produit (au moment de l’achat) et la représentation du produit
en mémoire provoquera un inconfort mental lié à l’inquiétude de l’incorporation du « mauvais »
objet (Fischler, 1990) pouvant ainsi nuire à sa santé, à sa survie.

Cet inconfort mental s’explique grâce aux neurosciences : lorsque l’individu est en contact avec un
stimulus extérieur, des marqueurs somatiques (signaux d’alerte) sont amorcés déclenchant un
comportement d’acceptation ou d’évitement vis-à-vis du produit alimentaire en fonction des
expériences passées (bénéfiques ou néfastes) avec ce produit (Damasio, 1995). Se créent ainsi des
liens entre conscience supérieure (gérant la réflexion, la raison, la volonté) et la conscience primaire
(liées aux instincts de survie, aux comportements irrationnels), visant à renouveler les expériences
bénéfiques et à éviter les expériences néfastes (Edelman, 1992 ; Damasio, 1995).

 « Parmi les variables susceptibles d’influencer le choix, l’incertitude constitue dans le domaine
alimentaire, plus que dans tout autre domaine, un problème central » (Sirieix, 1996). Or la difficulté à
catégoriser un aliment en « bon » ou « mauvais » représente bien une incertitude. Le résultat du
choix n’étant connu que dans le futur, on est bien dans l’incertitude (Taylor, 1974 ; Bauer 1960, Volle
1995). Selon Sylvander et Lassaut (1994), les phénomènes d’éloignement du processus production
consommation ont un impact sur les caractéristiques hygiéniques et nutritionnelles du produit.
L’alimentation tient un rôle central dans notre société mais l’aliment moderne n’est plus identifiable,
il est un « OCNI » (Objet Comestible Non Identifié) (Fischler). Les consommateurs ont besoin de
réidentifier le produit.



Le risque représente une part d’inné et se développe par l’apprentissage, par l’influence culturelle et
la socialisation (Dandouau, 1999 et repris par Gallen, 2001). Le risque se définit par l’incertitude et
l’importance des conséquences, c’est dans ce contexte que le consommateur a besoin de
réassurance. L’incertitude joue un rôle d’amplificateur. La notion de risque s’explique selon Diamond
(1988) par le fait que les individus sont davantage affectés par la gravité des conséquences (risque
perçu) que par la probabilité d’occurrence de celles-ci (risque réel). Selon Lambert (1996), elle
s’explique par un état affectif primaire, lié à l’instinct de survie qui ne se modifie pas par le
raisonnement. Quant aux psychosociologues, ils ont démontré que les consommateurs étaient
marqués par la « pensée magique » dans leurs représentations mentales. Cette pensée magique est
liée au principe d’incorporation : le passage de l’aliment dans le corps implique un transfert de cet
aliment au corps (Fischler, 1990 ; Lahlou, 1995). Giora (1994) va plus loin en démontrant que
                                                                                                     20
l’absence d’information constitue un terrain propice à l’apparition de la pensée magique.

L’aversion pour le risque est liée à l’aversion pour l’incertain et pour les pertes, ce qui est un trait de
caractère permanent et stable chez l’individu (Dandouau, 1999). L’anxiété est selon Taylor (1974) un
état généré par la perception d’un risque et surgit de la confrontation de la liberté de choix et de
l’absence de garantie du résultat final, impliquant d’assumer la responsabilité de ses choix. Or la
distance entre la production et la consommation engendre des peurs causées par la perte des
repères traditionnels. Gurviez (2000) et Brunel (2000) parlent de « sentiment d’angoisse ». De cette
angoisse naît le besoin de réassurance des consommateurs.

A incertitude est liée la notion de confiance en soi. Selon Mucchielli (1994), la confiance en soi est
liée à la croyance que l’individu a de pouvoir se rapprocher de la vision idéale de son moi. Une
confiance en soi importante amoindrit la perception du risque, suppose une meilleure capacité à
l’assumer (Bellenger, 1994 ; Dandouau, 1999) et donc un moindre besoin de réassurance. Le risque
perçu génère de l’anxiété qui est modéré par la confiance en soi et l’aversion pour le risque.

Gallen (2001) a exploré le construit d’une échelle de mesure du besoin de réassurance dans le
domaine alimentaire. Il en est ressorti, pour le consommateur, un besoin de réassurance sur cinq
dimensions : « la connaissance de la marque », « l’approbation par des organismes publics et privés »,
« l’expérience directe avec le produit », « la conformité sociale » et « l’information donnée par le
packaging ».



A partir de ces enseignements, le modèle du besoin de réassurance issu de la dissonance cognitive
avant l’achat pourrait être le suivant (Gallen, 2001) :




                                                                                                        21
Résumé partie 1 :
Nous avons abordé le concept de confiance depuis son émergence dans les échanges interentreprises
jusqu’au marketing relationnel client. Sa définition et son mécanisme restent encore flous. En BtoB la
confiance est souvent associée à la coopération et aurait une influence importante sur les relations
commerciales. Dans les services, les facteurs interpersonnels permettant de maintenir la confiance
des clients sont l’intégrité, le respect de la confidentialité, l’expertise et la ponctualité.

Au sein du marketing, la confiance intègre une valeur affective (la dimension « cognitive ») se
traduisant par la croyance dans la bienveillance de l’autre envers soi et la croyance dans son
honnêteté. La confiance dans la marque reposerait sur une conception tridimensionnelle :
présomption de compétences, présomption d’honnêteté, prise en compte de l’intérêt du
consommateur. La confiance a un effet sur l’engagement du consommateur envers la marque,
mesurable à travers la crédibilité, l’intégrité et la bienveillance accordées à la marque. En cas de crise,
ne communiquer que sur un seul de ses items risque de faire baisser la confiance des consommateurs
envers la marque.

L’apport des sciences sociales est crucial pour comprendre le comportement des consommateurs, qui
dans le monde alimentaire est enraciné dans le culturel et l’émotionnel. La confiance y joue un rôle
majeur dans la perception des risques. La problématique de l’incorporation, issue de la psychanalyse,
permet de comprendre pourquoi une angoisse peut naître face à un produit controversé, les
émotions pouvant l’emporter face au rationnel. En cas de crise sanitaire, La communication doit donc
inclure la réalité psychique des individus.

En sociologie, on découvrira l’importance de la confiance en soi dans l’attribution de sa confiance aux
autres. Les changements structurels de notre société moderne ont changé les liens sociaux.
Aujourd’hui le collectif a mis en place des systèmes experts, garant de la confiance dans la société. Or
la crise de confiance alimentaire actuelle remet en question ces systèmes experts. Dans ce contexte,
le recours aux tiers-garants est susceptible de restaurer cette confiance. Les consommateurs sont
d’ailleurs en attente de plus de contrôle et d’intervention de l’Etat ou d’organismes indépendants.

La communication alimentaire doit s’inspirer des dimensions psychologiques et sociologiques pour
restaurer la confiance. La prise en compte de la perception des risques alimentaires par les
consommateurs doit amener les acteurs de la filière agroalimentaire à l’intégration d’un processus de
réassurance. L’analyse des « 3 niveaux de la communication sur l’alimentation » (Gurviez) nous
explique en quoi les informations diffusées risquent de créer une cacophonie relayée par les médias.




                                                                                                        22
DEUXIEME PARTIE : LE CONTEXTE SOCIO-ECONOMIQUE

 2.1 – Bilan : la baisse de confiance des consommateurs, origines et évolutions ......................... 24
    2.1.1 – La confiance n'est plus ?.................................................................................................... 24
    2.1.2 – L'émergence du « conso'battant » (Terminologie de Luc Wise) ....................................... 25
    2.1.3 – Les nouveaux comportements d’achat ............................................................................. 26
 2.2 – La société postmoderne .................................................................................................. 27
    2.2.1 – Post-modernisme : acteur social et société ...................................................................... 27
    2.2.2 – Evolution de la consommation : historique et baroquisation ........................................... 29
    2.2.3 – Economie de « tohu-bohu» vers de nouvelles stratégies ................................................ 30
 2.3 – La résistance des consommateurs ................................................................................... 31
    2.3.1 – Définition et concept de la résistance ............................................................................... 31
    2.3.2 – Les résistances individuelle et collective ........................................................................... 32
    2.3.3 – Sélection de travaux de recherche présentés au colloque International « Consommation
    et résistance(s) des consommateurs » (à l’initiative de l’IRG Paris Est -2008) ............................. 34
       2.3.3. a) Un exemple gagnant-gagnant : La résistance coopérative et productive du
       consommateur : le cas de la mobilisation autour des médicaments orphelins ........................ 34
       2.3.3. b) La résistance des consommateurs à la publicité ......................................................... 36
       2.3.3. c) Les déterminants de la décision individuelle de participation à un boycott .............. 37
       2.3.3. d) La résistance du client du point de vue du vendeur ................................................... 38
 2.4 – Vers un renouveau en marketing .................................................................................... 39
    2.4.1 – Situation actuelle du marketing ........................................................................................ 39
    2.4.2 – Décalage entre vision du marketing et vision du consommateur..................................... 40
    2.4.3 – Réflexions et conseils pour les marketeurs ....................................................................... 41
    2.4.4 – La nécessité de s’adapter : quelques exemples ................................................................ 43




                                                                                                                                        23
2.1 – Bilan : la baisse de confiance des consommateurs, origines et
évolutions


    2.1.1 – La confiance n'est plus ?

La publication récente du baromètre de la confiance politique par TNS Sofrès (Décembre 2009)
confirme ce constat. 78% des personnes interrogées pensent que les responsables politiques ne se
préoccupent pas ou peu de ce qu'elles pensent, elles sont 65% à ne pas avoir confiance en
l'institution présidentielle...idem pour les médias, 52% pour les syndicats, 55% ne font pas confiance
aux grandes entreprises privées (63% pour les banques).

75% des Français estiment que les entreprises sont plus préoccupées par le profit que d'améliorer la
qualité des produits et des services et plus préoccupant encore, ils sont 75% à considérer que les
grandes entreprises s'entendent pour maintenir leurs prix à un niveau anormalement élevé.

78% des Français ont vu dans cette crise « une remise en cause de nos valeurs et de notre façon de
vivre » et 63% « une occasion de réformer le système actuel et de le faire progresser ».



Etudes de l’Observatoire de la Confiance du Groupe La Poste (2009 et 2012)…

90% des jeunes Français jugent que le monde va mal mais 75% pensent qu’ils vont s’en sortir. Les
jeunes ne nourrissent aucune nostalgie. Contrairement à leurs aînés, ils n’ont pas reçu la confiance en
héritage. Ainsi, 61% des jeunes Français ne font pas confiance à l’État et 57% ne font pas confiance
aux entreprises. La spécificité de cette jeune génération tient dans sa capacité à réorganiser son
rapport au monde en prenant en charge individuellement la confiance à travers ses propres pratiques
relationnelles liées aux technologies du numérique relationnel (mobile, blogs, facebook, etc...).
Cependant, 60% des jeunes ont été surpris par son ampleur et son intensité.

40% des jeunes interrogés pensent que la vie sera plus dure qu’avant. Pour 24%, les choses vont
changer positivement alors que pour 15% rien ne va changer. Notons que 21% des jeunes ne savent
pas ce que l’avenir leur réserve… (études de l’Observatoire de la Confiance de La Poste : exploration
sémiologique de blogs et analyse de 45 entretiens qualitatifs individuels et groupes - filles et garçons,
âgés de 15-18 ans et de 18-25 ans, issus de milieux populaires, moyens et aisés - menés par l’Institut
Wei ET résultats d’une enquête quantitative en janvier 2009 par l’institut LH2 auprès d’un échantillon
représentatif de 1000 jeunes âgés de 15 à 25 ans.)

4 Français sur 10 ont confiance en l’avenir mais ils sont le double à avoir confiance en eux. Et face à
l’incertitude de l’avenir, les trois-quarts des interviewés sont confiants en leur capacité à s’en sortir ;
plus d’un quart d’entre eux affirment même : « L’avenir, de toute façon, c’est à moi de le construire ».

4 Français sur 10 déclarent avoir confiance dans les entreprises et 3 sur 10 à avoir confiance dans les
institutions. La grande institution gagnante est la famille : près de 9 Français sur 10 ont confiance
dans leur famille. La proximité et l’interconnaissance personnelle agissent comme de véritables
accélérateurs de confiance.



                                                                                                        24
84 % des Français pensent que le monde va mal. Pour les jeunes (15-25 ans), « Le monde n’est pas
en crise, il est crise ». Pour les adultes (26 – 59 ans), « L’incertitude, l’indétermination du monde
s’accentuent, d’année en année ». Pour les seniors (60 ans et plus), « C’est la société dans son
ensemble qui devient l’objet de désapprobation ».

30 % des Français ont confiance dans les institutions. 37 % des Français ont confiance dans les
entreprises. 16 % des Français ont confiance dans les banques. 20 % des Français ont confiance dans
les médias.
(Le baromètre de la Confiance, Groupe La Poste, par les instituts LH1 et WEI, vague 5, 2012).



        2.1.2 – L'émergence du « conso'battant » (Terminologie de Luc Wise)

Le comité scientifique de l’institut d’études Panel on the Web a conduit deux études qualitatives et
quantitatives (mai et septembre 2009) sur le thème du consommateur français face à la crise (1000
répondants représentatifs de la population française âgée de 18 ans et plus). Les résultats dévoilent
un consommateur inquiet mais actif. Il consomme moins et mieux. Il porte une attention particulière
au prix et sait utiliser l’ensemble des canaux y compris intermédiaires pour acheter malin. Il se méfie
des marques, sait décoder et analyser promotions et contrats avant de concrétiser son acte d’achat.



Pour 65% des Français la crise est « une crise différente des autres qui va engendrer des changements
de comportements et d'habitudes profonds ».

Depuis 2004, selon l’INSEE, le pouvoir d'achat n'a cessé de progresser, alors que parallèlement
l'indice de confiance des ménages n'a lui cessé de se dégrader.

Les classes intermédiaires se sentent particulièrement lésées dénonçant la protection sociale abusive
pour certains foyers modestes et le bouclier fiscal pour les plus aisés. Les écarts entre les classes se
font plus importants et le sentiment qu’il devient difficile d’évoluer socialement est omniprésent.

7 Français sur 10 font confiance à leur capacité de jugement et pensent être en mesure de s’adapter.
Ils se révèlent plutôt déterminés à revoir leur consommation.

Près d'un Français sur deux pense que la hausse des prix a été « exagérée » et qu'elle est donc
« injustifiée » (58% des revenus les plus modestes, 50% des classes intermédiaires et 39% des plus
aisées). 51% des Français comparent les prix.

Les Français les plus modestes, puis les classes intermédiaires, craignant une baisse importante de
leur revenu disponible, disent avoir réduit leur consommation et leurs engagements financiers.

45% d’entre eux déclarent « vouloir mieux maîtriser leur consommation, quitte à se restreindre à
l'essentiel », c'est d'abord privilégier l'alimentaire, la santé, l'énergie soit se nourrir, se chauffer et
aller au travail.

On notera dans ces études la préoccupation environnementale et écologique ainsi que la prise de
conscience des ressources limitées de la planète, associées à une volonté de protéger les nouvelles
générations en leur inculquant de nouvelles façons de faire et de penser le monde (pour réparer leurs
erreurs).
                                                                                                        25
L’étude sur la consommation a passé en revue près de quarante rayons alimentaires et non
alimentaires (étude en ligne Panel On the Web), il en est ressorti les stratégies déployées par les
consommateurs : recherche du prix le plus bas (ou du meilleur rapport qualité-prix), report des
achats dans l'attente des soldes et des opérations de déstockage, utilisation des circuits alternatifs …
soit « l'émergence de l'achat malin, multiforme, opportuniste ».

L’inconvénient pour le consommateur est le temps qu’il doit passer à comparer, s’informer, décoder.

En conclusion, « en volume, les achats ont baissé de 2% en 2008...Les arbitrages d'achat ont été faits
en défaveur de l'eau en bouteille, la petite confiserie, la pâtisserie industrielle, les lessives, les
nettoyants pour sols ou encore les produits traiteurs et les plats cuisinés aux marges élevées pour les
distributeurs.»



        2.1.3 – Les nouveaux comportements d’achat

La contrainte budgétaire est transcendée en une dimension quasi-philosophique. Si je consomme
moins, ce n'est plus seulement parce que j'y suis forcé, mais par philosophie, pour changer la société,
pour sortir du « toujours plus consommer » qui ne mène nulle part ou au chaos !(« A nouveaux
consommateurs, nouveau marketing – Zoom sur le conso-battant » 2011)

Cette défiance s'est tellement généralisée qu'aujourd'hui, le consommateur ne fait plus confiance
qu'à d'autres consommateurs...déjà le cas avec le bouche à oreille. Ce qui est nouveau, c'est que
maintenant « on » se fie à l'avis d'un alter ego consommateur dont « on » ne sait absolument rien ;
les « amis et la famille » sont la deuxième source d'influence dans les processus d'achat (source :
Etudes Weber-Shandwick 2009, IFOP-Nurum 2009).

Les consommateurs se tournent de plus en plus vers de nouveaux modes de consommation,
élaborant des stratégies pour contourner le « système » : achat direct, location, partage, échange,
revente, faire soi-même, soit en rupture avec le modèle dominant (l'achat de produits neufs chez les
distributeurs).

Le commerce C2C est devenu un phénomène de masse : 90% des Français estiment désormais que
l'achat de produits d'occasion n'a rien de dévalorisant (Observateur Cetelem, 2009). Ils le font pour
des raisons économiques mais avant tout c'est le fait « d'offrir une seconde vie à un objet plutôt que
de le jeter ». On assiste à un certain retour du bon sens, la volonté d'éviter les excès et les gaspillages,
un détachement croissant envers les objets et leur possession (Credoc Juin 2009), l'affirmation d'une
dimension sociale.

Avec le développement d'internet et l'ouverture des canaux de relation avec le client (dont le
téléphone et ses hotlines), c'est le deuxième âge de la relation client qui prend forme. Un méchant
billet sur un blog peut faire autant de mal qu'une minute au journal de 20h de TF1. Son audience
immédiate est moins forte mais cette expression va laisser une trace indélébile sur la toile et se
propager...

20% des Français ont déjà dénoncé en ligne des entreprises ayant mal agi à leurs yeux (TNS Sofres
dans LSA 11/09).



                                                                                                         26
2.2 – La société postmoderne


    2.2.1 – Post-modernisme : acteur social et société

La terminologie qui caractérise l’acteur social postmoderne est : individualisme, différenciation,
complexité et réconciliation… qui animent tant les consommateurs postmodernes que les artistes
contemporains.

Selon Finkielkraut (1987), l’acteur social « aime pouvoir passer sans obstacle d’un restaurant chinois
à un club antillais, du couscous au cassoulet, du jogging à la religion, ou de la littérature au
deltaplane. […] Il n’y a plus ni vérité ni mensonge, ni stéréotype ni invention, ni beauté ni laideur,
mais une palette infinie de plaisirs, différents et égaux. La démocratie qui impliquait l’accès de tous à
la culture, se définit désormais par le droit de chacun à la culture de son choix. ».

Cette palette infinie de plaisirs, base de la société postmoderne, est appelé l’hyperchoix, décrit par
Lipovetsky (1983) comme « le droit à la liberté, en théorie illimité, mais qui – jusqu’alors socialement
circonscrit dans l’économique, le politique, le savoir – gagne les mœurs et le quotidien. Ainsi opère le
processus de personnalisation, nouvelle façon de gérer les comportements, non plus par la tyrannie
des détails, mais avec le moins de contraintes et le plus de choix privés possibles »… et donnant
naissance à des « êtres mixtes sans modèles sociaux impératifs, sortes de combinaisons du troisième
type ne choquant plus personne » (1990).

La société postmoderne (que l’on peut dater à partir des années 80) se caractérise par une rupture
idéologique avec les valeurs du progrès et de la science. « La société postmoderne n’a plus d’idole, ni
de tabou, plus d’image glorieuse d’elle-même, plus de projet historique, c’est désormais le vide qui
nous régit, un vide puissant sans logique, ni apocalypse. » (Lipovetsky, 1983).

Elle est également définie par sa logique individualiste, avec cette autre citation de Lipovetsky (1990)
« le culte de la libre disposition de soi-même dans la famille, la religion, la sexualité, le sport, la
mode… »… vers un « individualisme exacerbé et une crise des autorités de toute nature ».

Il serait cependant erroné de penser que l’acteur postmoderne est auto-suffisant de part sa nature
narcissique. En effet, selon Maffesoli (1990), « la personne peut être à la fois une individualité […] et
une part d’un être collectif. […] la personne virevolte d’une tribu à l’autre, et revêt, pour l’occasion, le
costume de scène approprié à l’espace où elle se rend ». On peut parler d’appartenance multiple.



La société postmoderne s’identifie, selon Badot et Cova 2 à travers trois grands principes : la
baroquisation des comportements, la décapitalisation sur le futur et le recours à l’éthique.

La baroquisation des comportements: « Face à un monde où les références du passé (et notamment
les repères de traditions moyennisantes, globalisantes, universelles et abstraites, d’essence
révolutionnaire) sont durement remises en cause – dénonciation et négation des idéologies, des
partis politiques, de l’Etat, des théories économiques, etc., car constatées comme inefficaces face aux


2
 Badot Olivier et Cova Bernard (2009), Néo-marketing [reloaded], Editions ems, Management et
société, p.26
                                                                                                         27
crises, notamment économiques – l’individualisme et le volontarisme tendent à l’emporter sur les
stratégies de groupes établis ».

La décapitalisation sur le futur (le deuxième grand principe de Badot et Cova) « résulte d’une prise
de conscience des individus qui remettent fortement en cause le progrès et la progression, soit qu’ils
estiment (consciemment ou inconsciemment) que les crises ternissent la vision de l’avenir […] soit
qu’ils pourfendent le progrès technique qu’ils analysent – en partie- en tant que cause des crises… ».

Le recours à l’éthique s’illustre dans un contexte de mondialisation « où l’économique l’emporte sur
le politique, où la science est apparue comme la cause d’une dégradation constante de
l’environnement […] ; l’éthique – et, notamment sa déclinaison verte, l’écologie – s’élève comme une
ultime expiation. »



    Badot et Cova définissent six modalités d’accomplissement de la personne post-moderne à
    travers lesquelles nous pourrons tenter de comprendre son évolution et sans doute avoir plus
    d’explications sur l’origine de la baisse de confiance des consommateurs.

Tout d’abord, le triomphe de l’individualisme mais aussi du volontarisme. En effet, dans un contexte
socio-économique chahuté, l’acteur social agit de plus en plus à titre individuel et privilégie l’action
(en opposition aux discours). Il espère ainsi contribuer à l’atteinte d’objectifs dans lesquels il croit et
ne plus attendre des effets tangibles de la part du système économico-politique, qui tardent à venir.

La réversibilité et l’hyperchoix, deuxième modalité d’accomplissement de l’acteur post-moderne, est
l’élargissement de la liberté résultant par une évolution des comportements. Nous avons traité ce
point plus haut avec quelques citations de Lipovetsky.

La troisième modalité est le temps des tribus électives qui « remplace les grands regroupements
stables – religieux, politiques, syndicaux, etc. – fondés sur la délégation et la représentation ». La
personne post-moderne est « une » et « collective » à la fois ; où selon Badot et Cova, elle « virevolte
de façon libertine, de tribus éphémères en tribus éphémères où le sensualisme et l’affectivité se
substituent au contractuel comme fondement du lien social ».

La quatrième est la mixité des valeurs, « tout vaut tout et tout le monde vaut tout le monde ».

La cinquième modalité est la revalorisation de la sensorialité et du corps expliqué par Badot et Cova
par la volonté « des individus à s’auto-satisfaire, à maximiser le présent et à mieux se connaître, tout
cela afin de compenser le vide angoissant laissé par le rapport au futur : le New Age ». Le New age est
la remise en question du matérialisme et de la technologie.

La dernière modalité est le rôle central de la mode dans tous les domaines de la consommation.




                                                                                                        28
2.2.2 – Evolution de la consommation : historique et baroquisation

    Etudier la consommation signifie faire appel aux sciences sociales. Pour commencer, un petit
    historique de la consommation, repris de Fabris (1990) et Morace (1990). Ces derniers classent la
    consommation en 4 phases :

Les années 60 représentent « l’intégration et la croyance dans le progrès, (modernisme) ». Les
produits de consommation reflètent « l’american way of life » où les valeurs sociales et économiques
consistent à posséder des biens matériels.

Les années 70 sont définies par « le conflit et l’antiautoritarisme (modernisme) » à savoir que
l’idéologie de la consommation s’inverse et que « l’anti-mode remplace la mode, le paupérisme
remplace l’ostentatoire ».

Les années 80 voient arriver « la complexité et l’individualisme forcené (postmodernité) ». C’est le
passage de la société moderne à la société postmoderne. La baroquisation de la consommation fait
son apparition ainsi que la multiplication des comportements. La notion de valeurs culturelles monte
en puissance au détriment des valeurs techniques. La mode change rapidement et permet aux
individus une multitude de styles grâce à des produits peu onéreux et à forte valeur tribale ; jusqu’à
se créer son propre style, unique et… narcissique.

Les années 90 sont symbolisées par « la globalité et l’individualisme réfléchi (postmodernité) ». La
prise de conscience des individus de leur environnement naturel apparaît. Ils sont à la quête d’un
équilibre et sont donc plus attentifs aux qualités profondes d’un produit. Ils n’achètent pas un produit
uniquement pour ses qualités premières mais aussi idéologiques, chacun ayant la sienne. On peut
parler de recherche identitaire, qui d’ailleurs sera accentuée par les industriels qui associent leurs
consommateurs à la conception de leurs produits.



                                                                                         3
    Badot et Cova nous invite à analyser la baroquisation de la consommation                 en reprenant le
    principe des sept clés empruntés à Morace (1990).

La première clé concerne les segments stables, les segments divergents et les sensibilités
convergentes. Dans la société moderne, les segments étaient stables et facilement repérables. Dans
la société postmoderne, ils sont multiples, s’entrecroisent et sont difficilement repérables. « On
assiste à une nouvelle segmentation en styles de vie qui a fait exploser les espaces socio-culturels
classiques et leurs catégories habituelles. […] La société s’est micro-socialisée sous l’effet de
l’explosion des styles de vie qui ont mené jusqu’à des cultures de ghetto, et à un système tribal »
(Maffesoli, 1988).

La deuxième clé traite du royaume des objets, du triomphe des surfaces et de la consolidation de
l’identité. La société moderne est l’époque du matérialisme, du tangible ; alors que la société
postmoderne introduit les notions d’image, de culturel dans les produits de consommation ; « il y a
identification totémique de l’objet au groupe » Maffesoli (1990). Dans les années 90, le

3
  La baroquisation de la consommation (et non pas du consommateur) car en effet les études marketing
classiques traitent des consommateurs dans un contexte donné (défini par l’étude) alors que ce même
consommateur est multiple (vivant dans plusieurs contextes).
Badot Olivier et Cova Bernard (2009), Néo-marketing [reloaded], Editions ems, Management et
société, p.38
                                                                                                         29
consommateur post-moderne se détache des surfaces et tend vers l’hédonisme alliant « ses désirs et
la nécessité éthique et sociale » (Cutolo, 1989).

La troisième clé aborde le besoin instrumental, la tyrannie du désir et le défi de la responsabilité. Dans
les années 60 et 70, les besoins / les attentes des consommateurs étaient faciles à identifier alors que
dans la société postmoderne, le besoin n’est plus forcément rationnel. La notion de désir émerge,
début de l’individualisme et du narcissisme qui s’atténuera avec la prise de conscience écologique
dans les années 90, pour voir apparaître les notions de responsabilité et de collectivité.

La quatrième clé traite de simplicité rigide, de complexité extensive et de globalité intensive. En effet,
avant (société moderne) la consommation était définie dans un contexte stable et durable. Avec la
société postmoderne, on assiste à un éclatement des marchés et des comportements. La notion
d’hyperchoix émerge.

La cinquième clé concerne la qualité technique, la qualité superficielle et la qualité profonde. Avant,
les qualités techniques et utilitaires des produits primaient. Dans notre ère postmoderne, le
superficiel fait son apparition et les notions de qualité profonde apparaissent dans les années 90
(éthique voir écologique) visant à allier l’intelligence et l’émotion.

La sixième clé analyse la variabilité faible, la variabilité accélérée et la variété permanente. Avant,
chaque nouveau produit était une révolution alors que dans les années 80, l’innovation est partout.
Les packagings sont couverts de « Nouveau ! » sans réelle nouveauté. Dans les années 90, ce
phénomène s’essouffle pour laisser place à la variété permanente gérée avec les consommateurs. La
notion de customisation émerge.

La septième et dernière clé traite de l’actualité active, de l’actualité passive et de la mémoire active.
La société postmoderne a rejeté le progrès de l’ère moderniste. Badot et Cova parle de l’arrêt de
l’histoire qui « n’est plus considérée comme allant de l’avant vers un avenir meilleur mais comme ne
menant plus à rien », faisant place à la notion de plaisir immédiat. A la fin des années 90, l’histoire
passée apparaît comme un « réservoir à stimuli », source de sécurité (en opposition à l’incertitude du
futur).



   2.2.3 – Economie de « tohu-bohu» vers de nouvelles stratégies

L’économie de tohu-bohu, terminologie de Gilles Paquet, (Leblond / Paquet 1988) se caractérise par
des rendements croissants, un phénomène d’accélération, une flexibilité accrue de la production, une
dimension internationale et une dématérialisation de la vie économique débouchant sur « une
remise en question des structures hiérarchisées à mesure qu’elles ont commencé à donner des signes
d’inefficacité organisationnelle » (Boisot, 1987).

Les firmes doivent donc repenser leur stratégie. La notion de stratégie vulpine nous vient de Gilles
Paquet qui utilise ici une métaphore animalière (renard) : stratégie « axée sur la ruse, l’opportunisme,
le coup par coup – pourrait se traduire comme l’occupation de l’espace de façon ultrarapide,
modulaire, horizontale et exploratoire en vue d’anticiper les réactions des demandeurs et des
offreurs et d’occuper le plus longtemps possible une position distincte sur le marché (Badot, 1990b).
Cette stratégie se traduit par une politique de développement de produit rapide, le Fast Track
Development (FTD) [Van den Muyzenberg, 1990) dont le risque, au vue de l’accélération des

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lancements de produits, est une mauvaise maîtrise technique des produits, une connaissance peu
approfondie des marchés et une saturation du marché (produits pas si innovants).

Pour palier ces problèmes, Paquet (1989c) pense que : « Promouvoir l’entrepreneurship, c’est
promouvoir la créativité » c’est-à-dire qu’il faut revoir la façon de gérer les projets en l’axant sur la
créativité et la coopération.

La veille est un des outils indispensable à cette stratégie. Martinet et Ribault (1989) définissent
quatre types de veille : technologique, concurrentielle, commerciale et environnementale. Chaque
membre d’une entreprise doit collaborer et intégrer un principe de veille active permanente et
partagée pour obtenir les informations adéquates source d’une bonne stratégie.



2.3 – La résistance des consommateurs



   2.3.1 – Définition et concept de la résistance

Les protestations des consommateurs existent depuis longtemps mais leurs déterminants et leurs
effets sont peu étudiés.

Tout d’abord, abordons la définition de la résistance : « elle est à la fois un phénomène et un acte,
consistant à mettre en échec, de manière intentionnelle et volontaire, une force jugée oppressive. »
(Roux). Selon ce dernier, l’étude des déterminants psychologiques dans une situation de résistance
est la première phase de recherche à faire. La notion de pouvoir, détenu en partie par le
consommateur postmoderne (au détriment des firmes), expliquerait aussi la montée de ces
résistances ; qui dit pouvoir, dit « pression » « influence ». Foucault (1975, 1976, 2002) a étudié la
coexistence entre la résistance et le pouvoir.

Selon Cochoy (1999), La résistance a été peu étudiée car le marketing en est également à l’origine.



La publicité comme technique d’influence a été étudiée par Cottet, Ferrandi et Lichtlé pour analyser
les résistances des consommateurs, à travers une étude qualitative exploratoire auprès d’un
échantillon de trente trois personnes. Il en ressort une résistance à la tentation, un évitement de la
publicité, un boycott des produits ; un profil psychologique du résistant qui se dit peu influençable ;
les facteurs déclencheurs de la résistance sont d’ordre social ou écologique au regard du
comportement de la firme ; l’envahissement publicitaire et la compréhension des techniques
employées par les firmes pour faire vendre.



A partir des travaux de Cochoy sur les apories du concept de résistance, Roux et son équipe, propose
de repenser la résistance des consommateurs. Tout d’abord en intégrant qu’il n’y a pas vraiment de
marché alternatif. Même les solutions dites « alternatives » empruntent les mêmes outils qu’au
marché traditionnel (packaging, logo, pub…). Dans la co-création entre le consommateur et une
firme, la résistance du consommateur est faible. Ce dernier passe du marché « alternatif » au marché

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traditionnel fréquenté par les moins résistants. Ensuite, Roux souligne qu’un consommateur résiste à
un produit pour céder à un autre ; ainsi la résistance se situe chez les individus dont les motivations
sont les moins pénétrables. Enfin, « résister au marché, c’est très souvent résister à soi-même ». Face
à nos propres faiblesses, l’analyse d’Elster (figure d’Ulysse - 1979) est que l’individu a du mal à
compter sur sa propre morale et cherche ainsi à déléguer sa volonté à des acteurs externes pour que
ces derniers lui rappellent ses engagements.

Selon Roux (2007, a), la difficulté d’analyse de la résistance réside dans la compréhension de son
intention. Deux perspectives apparaissent à savoir « l’intention » et « l’action », cette dernière
découlant d’un comportement donc d’une résistance réelle.

L’autre difficulté est la catégorisation des comportements que l’on peut classer selon trois
perspectives : celle du consommateur, celle du marketeur et celle du chercheur. Le consommateur
peut boycotter un produit sans que le marketeur ne s’en rende compte, ainsi l’acte de résistance n’est
pas perçu. Un nouveau produit lancé sur le marché et dont le ventes ne décollent pas peut être
interprété par le marketeur comme une résistance des consommateurs alors qu’il n’en est rien. Le
problème peut venir du peu d’intérêt du produit (fausse nouveauté) ou d’un lancement pas assez
visible ou trop peu médiatisé. Quant à lui, le chercheur peut classer des comportements comme
résistants alors que les consommateurs n’ont manifesté aucune résistance.

(Voir annexe 3 : « Les types de résistance des consommateurs » - tiré du livre : Roux Dominique
(2009), Marketing et Résistance(s) des Consommateurs, Edition Economica, p.92.)



La conclusion de Roux sur la résistance est la suivante : « Ainsi et contre toute attente, les dispositifs
de captation marchants sont indissociablement des dispositifs de séduction et de résistance ; aider le
consommateur à résister, rendre ses choix réversibles ou partiels est devenu le meilleur moyen de
surmonter cette résistance même que les consommateurs croient pouvoir opposer aux séductions du
marché ».4



      2.3.2 – Les résistances individuelle et collective

Les actes de résistance, qu’ils soient individuels ou collectifs ont comme point de départ la référence
à une culture, ainsi ils expriment des attitudes et des pratiques en phase avec une certaine idéologie
reflétant un ensemble commun de références. La résistance individuelle peut aussi se lier à une
résistance collective, le groupe étant perçu comme un porte-parole de cette culture.

L’idéologie est définie par Garud et al. (2007) comme « un instrument stratégique, utilisé par les
personnes et les groupes pour donner du sens à leurs actions, en concurrence avec d’autres
groupes » et est alimentée par notre culture. La crédibilité d’une idéologie repose sur la simplicité de
son cadrage, la solidité de ses fondements et sa cohérence (dimensions cognitives). La raison et
l’émotion (dimensions affectives) en sont les moteurs et sont les garantes de la résonnance du
discours d’une idéologie.



4
    Roux Dominique (2009), Marketing et Résistance(s) des Consommateurs, Edition Economica, p.56

                                                                                                       32
Dubuisson-Quellier et Barrier (2007) ont mis en évidence la nécessité de créer des chaînes de
coopération pour définir et organiser une résistance. Le réseau est défini par un ensemble d’acteurs
reliés par des flux d’information et des contacts qu’ils entretiennent entre eux. Une autre forme de
«collectif » est l’organisation, celle-ci est la résultante d’un noyau fort d’acteurs au sein d’un réseau et
souhaitant structurer leur action. Le collectif (représenté par un réseau ou une organisation) et
l’individuel peuvent être liés par des actions codifiées par le collectif et exécutées individuellement
(tags commandités par les membres de Casseurs de pub). Des évènements annuels sont organisés
par le « collectif » invitant chaque individu adhérant à leur idéologie de se joindre à eux (festival
Burning Man dans le désert de Mohave, pour célébrer le refus du marché, Kozinets, 2002). Ces rituels
sont une grande source de cohésion et de confortation dans leur idéologie partagée au sein de leur
communauté / collectif ; en plus d’être des actions visibles permettant de montrer l’importance du
mouvement et de sa résistance.



Les consommateurs résistants cherchent à se protéger de certaines pratiques marchandes ou de
produits controversés mais s’accommodent aussi du marché. Ils visent ainsi à faire évoluer le système
socio-économique à leur niveau. Le mouvement Colibris et sa légende amérindienne fétiche peut
illustrer ces actions individuelles : la légende du colibri racontée par Pierre Rabhi « Un jour, dit la
légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient
impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec
pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : «
Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! »
Et le colibri lui répondit : « Je le sais, mais je fais ma part. »

L’action individuelle représente donc une part qui multipliée par le nombre d’individus exécutant
cette même action résulte en un effet de masse. Pour les marketeurs et les chercheurs, la difficulté
réside dans l’identification de cette résistance et pour les consommateurs, la difficulté est de rendre
leurs actes de résistance visibles et qu’ils soient bien identifiés comme résistants.



Le Dalaï Lama disait : « Si vous avez l’impression que vous êtes trop petit pour pouvoir changer
quelque chose, essayez donc de dormir avec un moustique… et vous verrez lequel des deux empêche
l’autre de dormir ».




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  • 1.   ESCP Europe Executive Mastères Spécialisés Marketing et Communication Thèse professionnelle Promotion 2011-2012 Thèse professionnelle présentée par : MONSMAMAN.............................................................................................................................................. Sylvaine CARRAU Sous la direction de : ...................................................................................................................................................................................................... Alain OLLIVIER Titre : ............................................................................................................................................................................................................... De la baisse de confiance des consommateurs vers un marketing responsable. Le cas de l’aspartame. .......................................... Votre thèse professionnelle est confidentielle ❏oui  non
  • 2. ESCP-EUROPE De la baisse de confiance des consommateurs vers un marketing responsable. Le cas de l'aspartame. Thèse professionnelle Sylvaine Carrau Novembre 2012 Résumé : L’objet de cette thèse est de traiter de la baisse de confiance des consommateurs pour en clarifier les sources et de repenser l’approche marketing sous un angle plus responsable comme voie susceptible de restaurer cette confiance. Une analyse du concept de confiance, et plus particulièrement dans le domaine alimentaire, associée à l’observation des évolutions du consommateur post-moderne nous permet de faire un bilan de la situation et d’y déceler la nécessité d’un renouveau en marketing. Une étude qualitative exploratoire sur un produit controversé, l’aspartame, permet d’appréhender des leviers de retour à la confiance auprès de l’ensemble des acteurs concernés. Abstract : The purpose of this thesis is to address the decline in consumer confidence to clarify sources and rethink the approach marketing in a more responsible way as capable of restoring that trust. An analysis of the concept of trust, especially in the food sector, combined with the observation of changes in the post-modern consumer allows us to take stock of the situation and to identify the need for a renewed marketing. An exploratory qualitative study of a controversial product, aspartame, can understand levers return to confidence among all stakeholders. Mots clés : confiance, responsabilité sociale des entreprises, développement durable, éthique, comportement du consommateur, psychanalyse, aspartame, consommation alimentaire, sociologie, parties prenantes, controverse
  • 3. 2
  • 4. A tous ceux qui doutent à tort ou à raison… 3
  • 5. Remerciements... A ceux ou celles qui m’ont aidée dans mes recherches de contacts... Je pense particulièrement à Alban de la Clinique St Yves. A Olivier Badot, pour m’avoir conseillée quelques ouvrages qui m’ont été grandement utiles. A mon Directeur de thèse, Alain Ollivier pour ses propos toujours rassurants. A mes parents, pour leur soutien et particulièrement à mère. A mes supporters... ils se reconnaîtront. 4
  • 6. Citations sur la confiance : « Celui qui a confiance en lui mènera les autres. » Horace « L'optimisme est une forme de courage qui donne confiance aux autres et mène au succès. » Baden-Powell Citations sur la vérité : "La vérité appartient à ceux qui la cherchent et non point à ceux qui prétendent la détenir." (Condorcet / 1743-1794 / Discours sur les conventions nationales, avril 1791) "C'est sur son utilité que la vérité fonde sa valeur et ses droits; elle peut être quelquefois désagréable à quelques individus et contraire à leurs intérêts, mais elle sera toujours utile à l'espèce humaine […]. L'utilité est donc la pierre de souche des systèmes, des opinions et des actions des hommes." (Paul-Henri, baron d'Holbach / 1723-1789) « La vérité est souvent dérangeante, relative et laide. » Nikki Gemmell « La vérité existe. On n'invente que le mensonge. » Georges Braque « La Vérité, c'est l'interprétation que chacun se fait de chaque chose. » Vivien Bourrié « Quand on a la foi, on peut se passer de vérité. » Friedrich Nietzsche 5
  • 7. Sommaire INTRODUCTION ............................................................................................................................ 8 METHODOLOGIE........................................................................................................................... 9 PREMIERE PARTIE : LE CONCEPT DE CONFIANCE .......................................................................... 10 1.1 – Emergence du concept de confiance................................................................................ 11 1.2 – Intégration de la confiance dans quelques domaines spécialisés ..................................... 11 1.3 – Intégration de la confiance au sein du marketing ............................................................. 12 1.3.1 – Dans les théories fondamentales de l’échange................................................................. 12 1.3.2 - La problématique de conceptualisation et de transposition au marketing ....................... 12 1.4 – La confiance dans la relation consommateur-marque ...................................................... 13 1.4.1 – Les apports de la psychologie ........................................................................................... 13 1.4.2 – La confiance dans la marque ............................................................................................. 14 1.4.3 – Le nombre de dimensions de la confiance ........................................................................ 14 1.4.4 – Les apports de l’échelle multidimensionnelle de la confiance dans la marque ................ 15 1.5 – Le rôle de la confiance dans la perception des risques alimentaires .................................. 16 1.5.1 – L’apport de la psychanalyse (à la compréhension des risques alimentaires perçus ) ...... 16 1.5.2 – L’apport de la sociologie (à la compréhension des risques alimentaires perçus ) ............ 17 1.5.3 – La problématique de la communication « alimentaire » .................................................. 18 1.5.4 – La réassurance ................................................................................................................... 19 DEUXIEME PARTIE : LE CONTEXTE SOCIO-ECONOMIQUE .............................................................. 23 2.1 – Bilan : la baisse de confiance des consommateurs, origines et évolutions ......................... 24 2.1.1 – La confiance n'est plus ?.................................................................................................... 24 2.1.2 – L'émergence du « conso'battant » (Terminologie de Luc Wise) ....................................... 25 2.1.3 – Les nouveaux comportements d’achat ............................................................................. 26 2.2 – La société postmoderne .................................................................................................. 27 2.2.1 – Post-modernisme : acteur social et société ...................................................................... 27 2.2.2 – Evolution de la consommation : historique et baroquisation ........................................... 29 2.2.3 – Economie de « tohu-bohu» vers de nouvelles stratégies ................................................ 30 2.3 – La résistance des consommateurs ................................................................................... 31 2.3.1 – Définition et concept de la résistance ............................................................................... 31 2.3.2 – Les résistances individuelle et collective ........................................................................... 32 2.3.3 – Sélection de travaux de recherche présentés au colloque International « Consommation et résistance(s) des consommateurs » (à l’initiative de l’IRG Paris Est -2008) ............................. 34 2.3.3. a) Un exemple gagnant-gagnant : La résistance coopérative et productive du consommateur : le cas de la mobilisation autour des médicaments orphelins ........................ 34 6
  • 8. 2.3.3. b) La résistance des consommateurs à la publicité ......................................................... 36 2.3.3. c) Les déterminants de la décision individuelle de participation à un boycott .............. 37 2.3.3. d) La résistance du client du point de vue du vendeur ................................................... 38 2.4 – Vers un renouveau en marketing .................................................................................... 39 2.4.1 – Situation actuelle du marketing ........................................................................................ 39 2.4.2 – Décalage entre vision du marketing et vision du consommateur..................................... 40 2.4.3 – Réflexions et conseils pour les marketeurs ....................................................................... 41 2.4.4 – La nécessité de s’adapter : quelques exemples ................................................................ 43 TROISIEME PARTIE : MARKETING ET DEVELOPPEMENT DURABLE ................................................. 46 3.1 – Développement Durable et Responsabilité Sociale de l’Entreprise ................................... 46 3.1.1 – Définitions du développement durable ............................................................................ 47 3.1.2 – Définitions de la RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) ........................................ 47 3.1.3 – Perceptions et attentes de la société en matière de développement durable ................ 48 3.1.3. a) Quelques chiffres........................................................................................................ 48 3.1.3. b) La valeur ajoutée de la RSE pour les entreprises ....................................................... 49 3.2 – Développement durable et marketing ............................................................................. 50 3.2.1 – Le développement durable : contraintes pour les uns, opportunités pour les autres ..... 50 3.2.2 – Comparaisons des deux disciplines ................................................................................... 51 3.2.3 – Une opportunité de renforcement de la fonction marketing ........................................... 52 3.2.4 – Approche de la valeur étendue (Bascoul et Moutot, 2009) .............................................. 54 3.2.4. a) La création de valeur en développement durable : opportunité pour le marketing . 54 3.2.4. b) Le concept de la valeur étendue ................................................................................. 55 3.2.4. c) Critères de succès de la valeur étendue ...................................................................... 57 3.3 – Les parties prenantes ...................................................................................................... 58 3.3.1 – Le rôle des parties prenantes ............................................................................................ 58 3.3.2 – Les entreprises pionnières en France................................................................................ 59 QUATRIEME PARTIE : ETUDE TERRAIN, LE CAS DE L’ASPARTAME ................................................. 62 4.1 Méthodologie ................................................................................................................... 63 4.2. Synthèse des résultats ...................................................................................................... 71 4.3. Analyse générale .............................................................................................................. 81 4.4. Analyse détaillée - Recommandations............................................................................... 82 4.5. Limites et discussion ......................................................................................................... 89 CONCLUSION .............................................................................................................................. 91 BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................................................... 92 ANNEXES .................................................................................................................................... 94 7
  • 9. INTRODUCTION La baisse de confiance des consommateurs est un problème sociétal et représente un enjeu managérial. Les résultats de plusieurs études constatent cette baisse de confiance généralisée touchant tous les acteurs : Etat, entreprises, banques, institutions, médias... On notera aussi la préoccupation environnementale et écologique, la prise de conscience des ressources limitées de la planète et le souhait de protéger les nouvelles générations. Dans un contexte de crises, les Français craignent une baisse importante de leur revenu disponible, et disent avoir réduit leur consommation. Le consommateur développe de nouveaux comportements d’achat soucieux de mieux consommer et moins. Ultra informé grâce à internet, il est devenu malin et opportuniste cherchant à dénicher la bonne affaire pour répondre à une de ses premières préoccupations : le prix. L’arrivée du web 2.0 a en effet bouleversé les échanges marchands en plus de donner la parole aux consommateurs pouvant interagir sur la toile. Les sociétés peuvent être critiquées en ligne et ont dû s’adapter pour soigner leur « e-reputation ». Le contre-pouvoir du consommateur est bien réel et celui-ci n’hésite pas à manifester son mécontentement en utilisant les réseaux sociaux mais aussi sous d’autres formes de résistance comme le boycott. Les dérives sociales sont également décriées par les consommateurs, ces derniers étant de plus en plus en attente d’une transparence concernant les activités d’une société tant au niveau social qu’environnemental. Le marketing a été et est toujours critiqué pour inonder le marché de produits sans réelle nouveauté, pour inciter les consommateurs à acheter plus à renfort d’offres promotionnelles. Les contrats ou abonnements proposés par certaines marques sont difficiles à décrypter et piègent parfois un consommateur mal averti. Les produits controversés représentent une source d’angoisse et cela particulièrement dans le secteur alimentaire. OGM, aspartame, pesticides, bisphénol A... font l’objet d’une communication continuelle depuis plusieurs années soulevant des interrogations sur les conséquences de ces produits sur la santé humaine. Les sources de baisse de confiance semblent être nombreuses, notre société a changé et nous avons probablement atteint les limites de notre système économique actuel. L’objectif de cette thèse sera donc de comprendre quel rôle le marketing peut jouer dans l’intégration des problématiques environnementales et sociétales ? Un marketing plus responsable est-il un levier de retour à la confiance des consommateurs ? Quels sont les leviers de retour à la confiance dans le cas d’un produit controversé comme l’aspartame ? 8
  • 10. METHODOLOGIE Dans un premier temps, nous aborderons le concept de confiance pour décrypter son mécanisme en général et comprendre son application en marketing et dans sa relation à la marque. Nous nous attarderons particulièrement sur la spécificité du rôle de la confiance dans le domaine alimentaire. Dans un deuxième temps, nous chercherons à analyser le contexte socio-économique pouvant donner un éclairage sur la compréhension de cette baisse de confiance des consommateurs. Nous illustrerons les cas de résistances à travers l’analyse d’exemples concrets. Puis nous ferons le bilan de la situation actuelle du marketing et développerons des axes de réflexion pour les marketeurs. Enfin la troisième partie traitera des concepts de développement durable et de Responsabilité Sociale d’Entreprise ainsi que des attentes des consommateurs en la matière. Nous ferons une analyse croisée des disciplines marketing et développement durable et nous considérerons les nouveaux enjeux pour le marketing d’intégrer le concept de « valeur étendue » comme source de renouvellement. Les parties prenantes nécessaires au bon déroulement de cette nouvelle dynamique seront traitées comme témoignage de l’intégration des problématiques de RSE au sein des sociétés. La quatrième partie consiste en une étude visant à voir si les enseignements issus des parties un à trois, s’appliquent sur le terrain. J’ai choisi le cas de l’aspartame, produit controversé, pour essayer de comprendre le phénomène de peur engendrée et illustrer les mécanismes de perte et/ou de retour à la confiance des consommateurs. Quels sont les leviers de retour à la confiance dans le cas d’un produit controversé comme l’aspartame ? A travers une étude exploratoire, menée sous formes d’entretiens semi-directifs, auprès d’une sélection d’acteurs concernés par l’aspartame, je ferai une synthèse des résultats. Mes recommandations managériales viseront à donner des conseils aux différentes parties prenantes concernées par le sujet de l’aspartame, dans le respect des problématiques des uns et des autres et dans la perspective d’un retour à la confiance des consommateurs. Mon travail est centré sur l’importance d’intégrer les enjeux du développement durable au marketing - pour restaurer la confiance des consommateurs - pour qu’émerge la notion de marketing responsable pour le bien des firmes et de la société. Rappel de la problématique : Quel rôle le marketing peut jouer dans l’intégration des problématiques environnementales et sociétales ? Un marketing plus responsable est-il un levier de retour à la confiance des consommateurs ? Quels sont les leviers de retour à la confiance dans le cas d’un produit controversé comme l’aspartame ? Analyse de la situation. 9
  • 11. PREMIERE PARTIE : LE CONCEPT DE CONFIANCE 1.1 – Emergence du concept de confiance ....................................................................................... 11 1.2 – Intégration de la confiance dans quelques domaines spécialisés ........................................... 11 1.3 – Intégration de la confiance au sein du marketing .................................................................... 12 1.3.1 – Dans les théories fondamentales de l’échange................................................................. 12 1.3.2 - La problématique de conceptualisation et de transposition au marketing....................... 12 1.4 – La confiance dans la relation consommateur-marque ............................................................ 13 1.4.1 – Les apports de la psychologie ........................................................................................... 13 1.4.2 – La confiance dans la marque ............................................................................................. 14 1.4.3 – Le nombre de dimensions de la confiance ........................................................................ 14 1.4.4 – Les apports de l’échelle multidimensionnelle de la confiance dans la marque ................ 15 1.5 – Le rôle de la confiance dans la perception des risques alimentaires ....................................... 16 1.5.1 – L’apport de la psychanalyse (à la compréhension des risques alimentaires perçus ) ...... 16 1.5.2 – L’apport de la sociologie (à la compréhension des risques alimentaires perçus ) ............ 17 1.5.3 – La problématique de la communication « alimentaire » .................................................. 18 1.5.4 – La réassurance ................................................................................................................... 19 10
  • 12. 1.1 – Emergence du concept de confiance Nous allons tout d'abord définir ce qu'est le concept de confiance en marketing à partir de deux observatoires (Guibert, 1999) : les domaines d’application et la théorie générale du marketing (qui a abouti à la notion de marketing relationnel). Les domaines d'application sont de deux types : les échanges interentreprises (ventes, négociations) et le canal (relations client-fournisseur et accords co-latéraux). La définition de la confiance et la maîtrise de sa dynamique demeurent incertaines, l'approche psychologique de l'échange ayant engendré quelques paradoxes dans l'appropriation du concept par le marketing. Selon Guibert, les chercheurs en marketing devraient prendre en considération le rapport entre la théorie de la satisfaction et la théorie de la confiance. Le concept de confiance apparaît dès 1971 pour résoudre des problèmes managériaux et de prise de décision (Zand). Ce dernier décrit le concept de confiance « comme un comportement caractérisé par des échanges d’informations pertinentes, une mutualité des influences exercées, un meilleur contrôle de soi et un refus d’abuser de la vulnérabilité des autres ». La confiance s’est appliquée dans différents domaines et malgré ou à cause d’une recherche intensive, son mécanisme (compréhension du rôle de la confiance dans les échanges) n’est pas clair car les définitions sont nombreuses. Son rôle prépondérant dans la résolution des problèmes clients-fournisseurs et particulièrement dans les échanges entre groupes est développé par Dwyer et Lagace (1986). La confiance est associée à la coopération. Selon Nathalie Guibert (1999), « il y a bien un paradoxe de la confiance dans son appropriation scientifique par le marketing » et Blois (1999) souligne la différence entre la confiance envers quelqu’un et s’en remettre à lui soit le concept de réciprocité sans parler de la distinction à apporter entre confiance individuelle et confiance organisationnelle. (voir annexe 1 : « La confiance dans la littérature marketing : résumé synoptique » – tiré des travaux de recherches de Guibert Nathalie(1999), La confiance en marketing : fondements et applications, Recherche et Applications en Marketing, Vol 14, n°1/99). 1.2 – Intégration de la confiance dans quelques domaines spécialisés Dans les problématiques de vente et de négociation : Schurr et Ozanne (1985) ont posé une hypothèse selon laquelle « la confiance exercerait une influence importante et positive sur les interactions commerciales, notamment sur le plan inter-individuel », tout droit inspirée de la psychologie sociale et applicable aux échanges interentreprises (industries et services). Dans le domaine des services, Zaltman et Moorman (1988) ont étudié les déterminants de la confiance pour en ressortir des recommandations comportementales destinées aux consultants désireux de maintenir la confiance de leurs clients et même de la développer. Ils mettent en avant l’importance des facteurs interpersonnels tels que l’intégrité, le respect de la confidentialité, 11
  • 13. l’expertise, la ponctualité. Leur définition (1992) est l’une des plus utilisées dans la littérature en marketing : « willingness to rely on an exchange partner in whom one has confidence ». La particularité de cette définition est qu’elle introduit les notions de croyance et d’intention de comportement. Berry (1995) est parti de cette définition pour approfondir le concept appliqué aux consommateurs. Pour conclure sur la confiance au sein des relations interentreprises, Andersson et al. (1996) affirme qu’elle est l’un des concepts les plus couramment utilisés dans la recherche sur les canaux marketing. On passe ainsi de « pouvoir, conflit, compétition » à « confiance, dépendance, engagement, coopération »… vers le concept du marketing relationnel (Nevin, 1995). 1.3 – Intégration de la confiance au sein du marketing Barney et Hansen (1994) mettent en avant que la fiabilité est une source d’avantage concurrentiel dans leur recherche en stratégie, ce qui va amener au développement de nouveaux modèles en marketing pour créer, développer et conserver les relations. Cette évolution nous conduit au concept de marketing relationnel (Morgan et Hunt, 1994) : « ensemble des activités ayant pour but d’établir, de développer et de maintenir des échanges relationnels performants ». 1.3.1 – Dans les théories fondamentales de l’échange Les débats entre les économistes et les sociologues sur le concept de confiance vont bon train. Les idées des sociologues ne sont pas encore intégrées dans les réflexions d’ordre économique, comme le regrette Granovetter (1985). Dix ans après, la notion d’échange comme résultant d’un calcul strict des risques économiques s’est vu être une vision étriquée, faisant ainsi une place à l’intégration des recherches sur la confiance comme élément structurant les échanges inter-entreprise. Le concept de confiance dans la psychologie de l’échange est empreint d'incertitudes et de paradoxes. 1.3.2 - La problématique de conceptualisation et de transposition au marketing La quantité de définitions de la confiance rendent difficile sa conceptualisation. Après quelques recherches et évolutions des théories sur le sujet, deux approches de la confiance se distinguent : comme attitude et comme croyance. Scott (1980) conceptualise la confiance comme une attitude avec l’intégration d’une valeur affective, approfondie par Morgan et Hunt (1994) et dénommée dimension « cognitive ». Ils mettent ainsi en évidence deux aspects de cette confiance « spécifique » : la croyance dans la bienveillance de l’autre envers soi et la croyance dans son honnêteté. Les statuts d’ « attitude » et de « croyance » restent bien distincts en psychologie. Selon Dubois et 12
  • 14. Jolibert (via Rokeach, 1968) : « une attitude est une organisation durable des croyances à propos d’un objet ou d’une situation prédisposant un individu à répondre d’une manière préférentielle ». La confiance est donc un concept polymorphe. Les travaux de recherches sur le rôle de la confiance dans les échanges partent dans deux directions opposées avec d’un côté la confiance comme variable à expliquer, et de l’autre la confiance comme variable explicative. Ce paradoxe démontre à nouveau le problème de conceptualisation de la confiance. Guibert (1999) en conclut d'ailleurs que « la variété des conceptualisations de la confiance en psychologie sociale et en particulier les incertitudes relatives à sa conceptualisation freinent le développement d’une théorie intégrée de la confiance dans l’échange économique, et ce faisant, limitent sa portée actuelle en marketing ». Après avoir visité la définition du concept de confiance à travers plusieurs approches, centrons-nous sur la confiance des consommateurs. 1.4 – La confiance dans la relation consommateur-marque INTRODUCTION : Selon Filser (1998), peu d'études ont porté sur la confiance dans la relation consommateur-marque. Plusieurs études s'y sont depuis attelées (Sirieix et Dubois, 1999 ; Gurviez, 1999 ; Frisou 2000). Il en ressort que la confiance du consommateur envers une marque est articulée autour d’une « chaîne logique du marketing relationnel » (Aurier, Benavent et N’Goala, 2001). Cette chaîne pose l'existence de relations positives entre la qualité perçue, la valeur perçue, la satisfaction, la confiance et enfin l'engagement. A ce stade les mécanismes de « confiance » ne sont pas encore expliqués. La confiance trouve en partie son origine dans le traitement de l'information portant sur le passé, à savoir dans l’expérience. Toutefois la confiance est orientée dans une action dans le futur à savoir qu'elle garantit une relation stable et durable. 1.4.1 – Les apports de la psychologie Plusieurs études ont porté sur la mesure de la confiance entre personnes (recherches en psychologie sociale depuis le début des années 50) ou entre entreprises partenaires (recherches en marketing avec l’émergence du concept de marketing relationnel ; Morgan et Hunt, 1994). La confiance y est définie comme concept clé dans la relation personne / personne ou entreprise / entreprise. Le marketing relationnel s’est depuis étendu aux services et au comportement du consommateur. Les différentes recherches en psychologie sociale sur la confiance n’aboutissent pas aux mêmes conclusions, néanmoins la notion de coopération entre deux parties réside dans l’évaluation des intentions et des attentes croisées réciproques dans une situation d’échange. Le degré de confiance et ses différentes facettes restent à quantifier ; ce qui a fait l’objet de plusieurs échelles de mesure critiquées entre autres par Guibert (1999) : « la conceptualisation de la confiance en psychologie sociale […] reste un concept polymorphe, difficile à intégrer dans une explication cognitive du comportement du consommateur ». 13
  • 15. 1.4.2 – La confiance dans la marque Fournier (1998) intègre une approche relationnelle entre la marque et le consommateur. Généralement, on parle de marques en tant que symboles dans lesquels le consommateur va chercher à s’identifier. Un autre courant vise à caractériser les marques comme des « instances personnifiées » (Semprini, 1999). Les marques sont immatérielles et pourtant les consommateurs peuvent aller jusqu’à leur attribuer des caractéristiques quasi-humaines (Fournier, 1998). La dynamique existant entre le consommateur et la marque comprend des processus cognitifs et affectifs dans lesquels la confiance ressort comme un élément déterminant. Elle aide à comprendre la valeur d’une marque pour un consommateur et l’impact sur l’engagement du consommateur envers la marque (et le maintien d’une relation durable). 1.4.3 – Le nombre de dimensions de la confiance Plusieurs auteurs ont également étudié la confiance dans la marque en empruntant les dimensions de la théorie tri-componentielle des attitudes (Rosenberg et Hovland, 1960) présentes dans tous les concepts majeurs de psychologie sociale : dimension cognitive (connaissance et croyances) – dimension conative (relatives aux comportements passés et présents) – dimension affective (émotions positives ou négatives). Dans les recherches sur la confiance dans la marque apparaissent la notion de croyance (Sirieix et Dubois, 1999 ; Frisou, 2000), de volonté (Moorman, Zaltman et Deshpandé, 1992 ; reprise par Chaudhari et Holbrook, 2001) et de présomption (Gurviez, 1999 ; reprise par Aurier, Benavent et N’Goala, 2001). Les auteurs mobilisent donc bien des dimensions cognitives, conatives et affectives dans la définition de la confiance dans une marque. Ces trois composantes ont un effet dans la construction et le maintien de la relation consommateur- marque. Plus précisément la recherche marketing développe trois conceptions de la confiance : - La conception unidimensionnelle : honnêteté / motivation bienveillante (échelle unidimensionnelle de Larzelere et Huston, 1980 – Fournier, 1994) - La conception bidimensionnelle : crédibilité objective du partenaire (regroupant les compétences, l’honnêteté et la capacité à tenir ses promesses) ET bienveillance du partenaire (Ganesan, 1994 ; Geyskens et Steenkamp, 1995 ; Sirieix et Dubois, 1999...) - La conception tridimensionnelle : présomption de compétences (maîtrise d'un savoir-faire) ET présomption d’honnêteté ET prise en compte de l’intérêt du consommateur, soit sur du long terme (Hess, 1995 ; Gurviez 1999, Frisou, 2000) Ce dernier construit tridimensionnel permet de lier des composantes qui pouvaient paraître distinctes : la prise en compte des intérêts du consommateur correspond à la notion de réciprocité qui postule que l'on retrouve des principes de justice et d'équité dans les termes de l'échange. 14
  • 16. Dans les processus de communication, on distingue deux sources de confiance, l'une relative à la compétence technique, l'autre relative à la compétence éthique (Landowski, 1989). Une marque peut être interrogée sus ses capacités à tenir ses promesses (faire ce qu’elle dit) et sur l’honnêteté de ses promesses (dire ce qu’elle fait). Les études qualitatives auprès de consommateurs font ressortir le même construit tridimensionnel dans leurs réponses lorsqu'ils sont interrogés sur la confiance qu'ils portent dans les marques : crédibilité, intégrité, bienveillance. Suite à des études qualitatives auprès de consommateurs de produits alimentaires de grande consommation et de cosmétiques, le construit tridimensionnel de la confiance apparaîtrait comme le plus pertinent, comme souligné dans les travaux de Rempel, Holmes et Zanna (1985) : - Données objectivables (compétence, savoir-faire technique) - Données abstraites (honnêteté, intégrité) - Orientation à long terme attribuée à la marque Cette dernière dimension reprend le devoir fiduciaire, à savoir être capable de placer l'intérêt des autres avant le sien propre (Barber, 1983). Elle inclut aussi le concept de réciprocité, fondamental dans l'échange, et défini comme l'obligation morale de donner quelque chose quand on a reçu un bien (Smith-Ring et Van de Ven, 1992), ce qui va à l’encontre d’un comportement opportuniste à court terme. Il est à noter que le consommateur (pour revenir aux dimensions cognitives, conatives et affectives) se forge son opinion sur une marque davantage sur des indices perçus (aspects cognitif et affectif) que sur des preuves. Patricia Gurviez et Michaël Korchia (2002) nous propose une définition du concept de confiance dans la relation consommateur-marque : « La confiance dans une marque, du point de vue du consommateur, est une variable psychologique qui reflète un ensemble de présomptions accumulées quant à la crédibilité, l’intégrité et la bienveillance que le consommateur attribue à la marque ». La confiance du consommateur se résume donc à travers un construit tri-dimensionnel qui va pouvoir être mesuré grâce à une échelle développée ci-dessous. 1.4.4 – Les apports de l’échelle multidimensionnelle de la confiance dans la marque Gurviez et Korchia (2002) ont testé l’effet de la confiance sur l’engagement à travers la construction d’une échelle multidimensionnelle de la confiance utilisant des items pour la crédibilité, l’intégrité et la bienveillance. Il en est ressorti qu’une relation positive forte est obtenue entre confiance dans la marque et engagement du consommateur. En cas de crise, la dimension « crédibilité » peut être perturbée par l’annonce d’une défaillance technique ou sanitaire d’un produit, et il est tentant pour les managers de focaliser sur l’aspect technique du problème ; négliger les dimensions plus relationnelles de la confiance risque de peser sur les réactions des consommateurs et de faire baisser leur niveau global de confiance envers la marque (Gurviez et Korchia, 2002). Sur le plan managérial, la dimension « bienveillante » représente un vaste chantier. Elle est utilisée par plusieurs entreprises à travers différentes actions et engagements : propositions commerciales à 15
  • 17. la carte et donc adaptées aux consommateurs comme les forfaits téléphoniques ajustés mensuellement (Frisou, 2000) ; des engagements sur le long terme en faveur du développement durable (Monoprix, Leclerc…) ; le commerce équitable (Max Havelaar). 1.5 – Le rôle de la confiance dans la perception des risques alimentaires INTRODUCTION : Dans le domaine alimentaire, la confiance joue un rôle majeur dans la perception des risques par les consommateurs. Les différentes crises alimentaires de ces dernières décennies reflètent bien le niveau de méfiance des consommateurs au regard du progrès technique en général et de la transformation des aliments en particulier. Les progrès sont perçus comme une dégradation de la qualité des aliments. Les industriels ont tendance à y répondre par un discours rationnel et de faire remarquer que le risque zéro n’existe pas. Les sciences humaines ont permis de développer nos compréhensions du comportement du consommateur, qui dans le domaine alimentaire est enraciné dans le culturel et l’émotionnel (Poulain, 1985). La problématique de l’incorporation, communes à plusieurs cultures, rend compte d’un triple phénomène (Fischler, 1993) : biologique (qualités nutritionnelles et sanitaires - nous devenons ce que nous mangeons), psychologique (qualités symboliques voir magiques prêtées à ce que l’on mange) et social (mœurs alimentaires d’un groupe). 1.5.1 – L’apport de la psychanalyse (à la compréhension des risques alimentaires perçus ) L’incorporation joue un rôle dans la constitution de l’identité. Suite aux travaux de Freud, les écoles psychanalytiques ont étudié les mécanismes qui permettent à la personnalité de l’enfant de s’organiser durant les premières années de sa vie. Le stade oral (Freud, 1905) peut être appréhendé comme une « prime » fournie en marge de l’accomplissement des besoins : le plaisir pris à la succion, en plus de l’assouvissement de la faim. La psychanalyse insiste donc sur le fait que nourrir n’est pas uniquement lié au fait de faire ingurgiter. Les psychanalystes anglais (Klein, Horney, Winnicott, Bowlby, Erikson) ont beaucoup décrit le rôle de la mère et de l’environnement dans le processus de maturation psychique des individus. L’alimentation du nourrisson l’aide à se construire psychiquement, à concevoir un soi (notion de « self » de Winnicott, 1972). Un nourrisson est tout le temps au bord d’une angoisse liée à son état de dépendance totale à son environnement (Klein, 1979). Lorsqu’il a faim, il n’a pas le développement psychique nécessaire pour comprendre que son besoin va bientôt être assouvi par un objet extérieur (sein, biberon) puisqu’il ne conçoit pas son soi (sa barrière corporelle) qui le distingue de son environnement. Si l’environnement est suffisamment favorable et la qualité des soins (dont alimentation) bonne, cette angoisse va s’estomper et laisser la place à la construction d’une identité propre (« self »). La satisfaction des désirs apporte un sentiment de sécurité par le biais du mécanisme d’incorporation : en mettant à la bouche le sein ou le biberon, l’enfant en assimile les qualités et conserve l’objet en soi. Le développement de l’activité psychique se construit par la faculté 16
  • 18. d’imaginer. Quand le nourrisson a faim, il va s’imaginer, grâce à l’incorporation (via une tétine par exemple), que le sein est là, et en retirer une satisfaction ; d’où l’observation de bébés qui attendent leur repas un moment en suçant une tétine. Pour les psychanalystes, l’alimentation joue un rôle majeur dans le développement de l’individu au sens physiologique mais surtout psychologique. Cette analyse permet de comprendre pourquoi une angoisse peut naître face à un produit alimentaire controversé. Ainsi les émotions peuvent l’emporter face au rationnel. Il en ressort qu’une communication basée sur le raisonnement et les aspects techniques ne peut être entendue car elle n’inclut pas la réalité psychique des individus (Patricia Gurviez, 2002). Après les apports de la psychanalyse à la compréhension des risques perçus par le consommateur, passons à la sociologie et analysons la confiance de base et la sécurité ontologique au sein de notre société. 1.5.2 – L’apport de la sociologie (à la compréhension des risques alimentaires perçus ) Selon le sociologue anglais Giddens (1987), la confiance est un mécanisme qui (à partir de représentations communes) permet de faire cesser l’interrogation sur le comportement et les intentions des autres agents dans les échanges. Or la confiance (interindividuelle) est issue du concept de « sécurité ontologique », qui s’appuie sur les mécanismes affectifs du concept de « confiance de base » (psychanalyste Erikson, 1950). Chez l’enfant, l’angoisse liée à la dépendance diminue au fur et à mesure que l’environnement (grâce à ses soins et à sa protection) favorise les mécanismes d’introjection et ainsi, l’absence ne signifie plus désertion. On est dans la « confiance de base ». La confiance a également un caractère réciproque : « la capacité d’être digne de confiance » se développe et accompagne la confiance envers l’environnement « suffisamment bon ». Selon Bowlby (1973), la capacité de faire confiance aux autres dépend de la capacité d’avoir confiance en soi. Cette « confiance de base » constitue l’élément de base de la notion de sécurité ontologique (Giddens, 1987). La sécurité ontologique désigne l’attitude de confiance en la continuité du monde et de soi, qui s’ancre dans la vie quotidienne. Dans les sociétés pré-modernes, la confiance trouvait sa source dans les communautés, la famille, les religions, les traditions toutes sources de routines porteuses de sens (Luhmann, 1988 ; Giddens, 1990). Les sociétés modernes ont perdu ces liens sociaux engendrant la mise en place, par le collectif, de « systèmes experts » agissant comme des tiers et étant capables de garantir la confiance. Ces systèmes organisent notre environnement matériel et social mais peuvent aussi être des producteurs donc des marques. Au niveau alimentaire, la crise de confiance amène à la notion de réassurance 1 (Rochefort, 1997). Les consommateurs cherchent à se rassurer et sont donc sensibles aux thèmes de la santé, des traditions, du terroir, de la nature, accompagnés d’une sensibilité accrue à l’éthique, la morale et la transparence. Le retour à sa mère nourricière rassure le consommateur, fragilisé en situation de crise, où le danger relance les mécanismes d’introjection et de projection pour éloigner le danger. 1 Voir point 1.5.4 – La réassurance 17
  • 19. La crise de confiance alimentaire concerne également les systèmes experts. Quand le consensus gérant les différents systèmes experts (dont les marques) ne fonctionne plus, il faut se tourner vers un tiers garant. En effet, on remarque que les consommateurs se tournent vers les pouvoirs publics. 1.5.3 – La problématique de la communication « alimentaire » L’importance des dimensions psychologiques et sociologiques dans le domaine alimentaire plaide en faveur d’une communication au-delà du message qualité rationnel et technique. L’importance accordée aux éléments symboliques de la consommation permet de considérer la confiance, non plus seulement dans sa composante cognitive, mais d’en rechercher les sources dans un faisceau d’éléments culturels et symboliques (Filser, 1998). Les consommateurs sont sensibles aux qualités nutritionnelles des produits mais ont également des attentes sur les qualités sanitaires et symboliques (éthique etc.). Les sémioticiens pensent que la communication humaine repose sur un minimum de confiance mutuelle, ce qui renvoie à la notion de contrat de véridiction de Greimas (1983) : « tout échange présuppose la connaissance de la valeur de ce qui est échangé. Cependant, cette connaissance de la valeur nécessite une opération de communication de la vérité sur cette valeur entre les deux parties, qui comporte, pour l’énonciateur, une articulation entre l’argumentation et la persuasion, autrement dit entre le faire-savoir et le faire-croire ». En matière de qualité, la communication s’appuie sur des indicateurs qualité (Labels, Appellation d’origine contrôlée, logo bio etc.). Ces indicateurs attestent du respect de cahiers des charges spécifiques contrôlés par des organismes certificateurs indépendants. La communication se veut ici plutôt technique, ce qui, en contexte de crise alimentaire, s’avère rassurant puisque rapide dans le traitement du problème grâce à une traçabilité des causes de « non-qualité ». Il y a donc bien une communication du « faire-savoir » pour rassurer les consommateurs et rendre leur process de transformation des aliments moins opaque. Gurviez (2001) pense que les acteurs de la filière agroalimentaire ne se donnent pas tous les moyens d’être crus et souligne le comportement de ceux-ci lors de réunions entre industriels : « irrationalité des consommateurs », axe de communication sur la « non-existence du risque zéro », la responsabilité du consommateur qui ne sait pas utiliser tel ou tel bien, comme si le seul rapport de communication possible était celui de l’industriel « qui sait » et qui va « éduquer » le consommateur qui ne sait pas. Seule la dimension cognitive est utilisée ici. « La communication doit tenir compte de la logique qui prévaut dans la réalité psychique, qui n’est pas la même que la logique scientifique. » Encore faut-il que le consommateur accepte de croire en ces indicateurs et qu’il accorde sa confiance aux émetteurs de ces signes. Pour Guirviez (2001), la filière agroalimentaire doit accepter de prendre la dimension du « croire » pour échapper à un double écueil : celui du discours rationnel et technoscientifique déconnecté des attentes profondes du consommateur et celui d’un discours purement nostalgique, sans adéquation avec la réalité et qui ne souscrirait pas la dimension éthique de l’épreuve de la confiance. 18
  • 20. Pour Landowski (1989), c’est la relation instaurée par les partenaires qui va permettre à l’un de croire ce qui dit l’autre et réciproquement. La confiance s’appuie sur le fait de croire que la promesse sera tenue. Cette croyance repose sur la loyauté de l’émetteur qui sera perçue à travers une double compétence technique et éthique. (Le faire-croire) Dans un contexte de défiance vis-à-vis des « systèmes experts » (marques, labels, filière, organismes certificateurs…), le recours des tiers-garants est susceptible de restaurer cette confiance. Les consommateurs sont en attente de plus de contrôle et d’intervention de l’Etat ou d’organismes indépendants. Pour un retour à la confiance des consommateurs, un consensus homogène au sein de la filière agroalimentaire doit permettre une communication plus compréhensible à travers des signes communs. Gurviez (2001) nous donne sa vision de la communication dans le domaine alimentaire avec « les 3 niveaux de la communication sur l’alimentation » (voir annexe 2 : « les 3 niveaux de la communication sur l’alimentation » - tiré des travaux de recherches de Patricia Gurviez, 2010). Le premier niveau est la communication scientifique. Celle-ci s’adresse à des chercheurs mais elle est souvent accessible via les moteurs de recherche. Le grand public ne peut en avoir une compréhension complète au risque même d’appauvrir ou de dénaturer son contenu. Le deuxième niveau est la communication des experts (ou « traducteurs de connaissance scientifique »). Elle s’exprime par le biais des médecins, des nutritionnistes, les services marketing ou R&D mais aussi les journalistes scientifiques. L’enjeu est à ce niveau de « traduire » les avancées scientifiques dans des applications pratiques. Les récepteurs sont des patients, des entreprises, les médias. Le troisième niveau est « la diffusion des connaissances » qui concerne tous ceux en contact avec le grand public, les entreprises, les lobbyings etc. Les consommateurs, entre autres, vont diffuser une information issue des niveaux 1 et 2 (et donc pas toujours compris du fait de leur complexité scientifique) au risque de créer une cacophonie relayée par les médias. 1.5.4 – La réassurance La prise de conscience du risque alimentaire est apparue avec les crises récentes (l’ESB en 1996, le poulet à la dioxine en 1999, la listériose en 2000). Les systèmes de production actuels sont méconnus par les consommateurs ce qui génère un décalage entre leurs représentations mentales d’un aliment et la réalité. L’aliment a de particulier (comme le médicament) d’être le seul bien de consommation que l’on ingère (Marouseau, 2000). Ces éléments engendrent un besoin de réassurance sur les produits qu’ils consomment. Selon Fischler (1996), il se crée une distance à la fois réelle et imaginaire entre le produit et le consommateur. Les consommateurs ne semblent pas avoir bien intégré le nouveau contexte de production-distribution (agriculture mécanisée, transformations industrielles ultra sophistiquées) (Lambert, 1996). Or selon plusieurs sociologues et psychosociologues, les choix des consommateurs pour un produit sont déterminés par les représentations mentales du produit (Lahlou, 1995 ; Masson et Moscovici, 1997 ; Fischler, 1990, 1994). Ces représentations ne sont pas 19
  • 21. des croyances, elles sont structurées grâce au processus de catégorisation (Cohen et Basu, 1987) qui permet, une fois la catégorie trouvée, d’associer un comportement à un produit. Les représentations dominantes sont issues du monde agricole avec une image mentale de nature (Lambert, 1996) ; représentations associées aux effets supposés des aliments sur notre corps. Or les produits industriels sont éloignés de cette image de mère Nature et on leur associe des effets négatifs de part une méconnaissance des procédés de production industrielle actuels. En marketing, on parle de la théorie de la dissonance cognitive (distance entre la réalité des produits et les représentations mentales de ces produits). Festiger (1957) définit cette dissonance par une incohérence entre les actions, les pensées, les connaissances et les croyances de l’individu. Cette dissonance cognitive vient du fait que la survie de l’individu dépend des produits alimentaires. Le décalage entre la représentation du produit (au moment de l’achat) et la représentation du produit en mémoire provoquera un inconfort mental lié à l’inquiétude de l’incorporation du « mauvais » objet (Fischler, 1990) pouvant ainsi nuire à sa santé, à sa survie. Cet inconfort mental s’explique grâce aux neurosciences : lorsque l’individu est en contact avec un stimulus extérieur, des marqueurs somatiques (signaux d’alerte) sont amorcés déclenchant un comportement d’acceptation ou d’évitement vis-à-vis du produit alimentaire en fonction des expériences passées (bénéfiques ou néfastes) avec ce produit (Damasio, 1995). Se créent ainsi des liens entre conscience supérieure (gérant la réflexion, la raison, la volonté) et la conscience primaire (liées aux instincts de survie, aux comportements irrationnels), visant à renouveler les expériences bénéfiques et à éviter les expériences néfastes (Edelman, 1992 ; Damasio, 1995). « Parmi les variables susceptibles d’influencer le choix, l’incertitude constitue dans le domaine alimentaire, plus que dans tout autre domaine, un problème central » (Sirieix, 1996). Or la difficulté à catégoriser un aliment en « bon » ou « mauvais » représente bien une incertitude. Le résultat du choix n’étant connu que dans le futur, on est bien dans l’incertitude (Taylor, 1974 ; Bauer 1960, Volle 1995). Selon Sylvander et Lassaut (1994), les phénomènes d’éloignement du processus production consommation ont un impact sur les caractéristiques hygiéniques et nutritionnelles du produit. L’alimentation tient un rôle central dans notre société mais l’aliment moderne n’est plus identifiable, il est un « OCNI » (Objet Comestible Non Identifié) (Fischler). Les consommateurs ont besoin de réidentifier le produit. Le risque représente une part d’inné et se développe par l’apprentissage, par l’influence culturelle et la socialisation (Dandouau, 1999 et repris par Gallen, 2001). Le risque se définit par l’incertitude et l’importance des conséquences, c’est dans ce contexte que le consommateur a besoin de réassurance. L’incertitude joue un rôle d’amplificateur. La notion de risque s’explique selon Diamond (1988) par le fait que les individus sont davantage affectés par la gravité des conséquences (risque perçu) que par la probabilité d’occurrence de celles-ci (risque réel). Selon Lambert (1996), elle s’explique par un état affectif primaire, lié à l’instinct de survie qui ne se modifie pas par le raisonnement. Quant aux psychosociologues, ils ont démontré que les consommateurs étaient marqués par la « pensée magique » dans leurs représentations mentales. Cette pensée magique est liée au principe d’incorporation : le passage de l’aliment dans le corps implique un transfert de cet aliment au corps (Fischler, 1990 ; Lahlou, 1995). Giora (1994) va plus loin en démontrant que 20
  • 22. l’absence d’information constitue un terrain propice à l’apparition de la pensée magique. L’aversion pour le risque est liée à l’aversion pour l’incertain et pour les pertes, ce qui est un trait de caractère permanent et stable chez l’individu (Dandouau, 1999). L’anxiété est selon Taylor (1974) un état généré par la perception d’un risque et surgit de la confrontation de la liberté de choix et de l’absence de garantie du résultat final, impliquant d’assumer la responsabilité de ses choix. Or la distance entre la production et la consommation engendre des peurs causées par la perte des repères traditionnels. Gurviez (2000) et Brunel (2000) parlent de « sentiment d’angoisse ». De cette angoisse naît le besoin de réassurance des consommateurs. A incertitude est liée la notion de confiance en soi. Selon Mucchielli (1994), la confiance en soi est liée à la croyance que l’individu a de pouvoir se rapprocher de la vision idéale de son moi. Une confiance en soi importante amoindrit la perception du risque, suppose une meilleure capacité à l’assumer (Bellenger, 1994 ; Dandouau, 1999) et donc un moindre besoin de réassurance. Le risque perçu génère de l’anxiété qui est modéré par la confiance en soi et l’aversion pour le risque. Gallen (2001) a exploré le construit d’une échelle de mesure du besoin de réassurance dans le domaine alimentaire. Il en est ressorti, pour le consommateur, un besoin de réassurance sur cinq dimensions : « la connaissance de la marque », « l’approbation par des organismes publics et privés », « l’expérience directe avec le produit », « la conformité sociale » et « l’information donnée par le packaging ». A partir de ces enseignements, le modèle du besoin de réassurance issu de la dissonance cognitive avant l’achat pourrait être le suivant (Gallen, 2001) : 21
  • 23. Résumé partie 1 : Nous avons abordé le concept de confiance depuis son émergence dans les échanges interentreprises jusqu’au marketing relationnel client. Sa définition et son mécanisme restent encore flous. En BtoB la confiance est souvent associée à la coopération et aurait une influence importante sur les relations commerciales. Dans les services, les facteurs interpersonnels permettant de maintenir la confiance des clients sont l’intégrité, le respect de la confidentialité, l’expertise et la ponctualité. Au sein du marketing, la confiance intègre une valeur affective (la dimension « cognitive ») se traduisant par la croyance dans la bienveillance de l’autre envers soi et la croyance dans son honnêteté. La confiance dans la marque reposerait sur une conception tridimensionnelle : présomption de compétences, présomption d’honnêteté, prise en compte de l’intérêt du consommateur. La confiance a un effet sur l’engagement du consommateur envers la marque, mesurable à travers la crédibilité, l’intégrité et la bienveillance accordées à la marque. En cas de crise, ne communiquer que sur un seul de ses items risque de faire baisser la confiance des consommateurs envers la marque. L’apport des sciences sociales est crucial pour comprendre le comportement des consommateurs, qui dans le monde alimentaire est enraciné dans le culturel et l’émotionnel. La confiance y joue un rôle majeur dans la perception des risques. La problématique de l’incorporation, issue de la psychanalyse, permet de comprendre pourquoi une angoisse peut naître face à un produit controversé, les émotions pouvant l’emporter face au rationnel. En cas de crise sanitaire, La communication doit donc inclure la réalité psychique des individus. En sociologie, on découvrira l’importance de la confiance en soi dans l’attribution de sa confiance aux autres. Les changements structurels de notre société moderne ont changé les liens sociaux. Aujourd’hui le collectif a mis en place des systèmes experts, garant de la confiance dans la société. Or la crise de confiance alimentaire actuelle remet en question ces systèmes experts. Dans ce contexte, le recours aux tiers-garants est susceptible de restaurer cette confiance. Les consommateurs sont d’ailleurs en attente de plus de contrôle et d’intervention de l’Etat ou d’organismes indépendants. La communication alimentaire doit s’inspirer des dimensions psychologiques et sociologiques pour restaurer la confiance. La prise en compte de la perception des risques alimentaires par les consommateurs doit amener les acteurs de la filière agroalimentaire à l’intégration d’un processus de réassurance. L’analyse des « 3 niveaux de la communication sur l’alimentation » (Gurviez) nous explique en quoi les informations diffusées risquent de créer une cacophonie relayée par les médias. 22
  • 24. DEUXIEME PARTIE : LE CONTEXTE SOCIO-ECONOMIQUE 2.1 – Bilan : la baisse de confiance des consommateurs, origines et évolutions ......................... 24 2.1.1 – La confiance n'est plus ?.................................................................................................... 24 2.1.2 – L'émergence du « conso'battant » (Terminologie de Luc Wise) ....................................... 25 2.1.3 – Les nouveaux comportements d’achat ............................................................................. 26 2.2 – La société postmoderne .................................................................................................. 27 2.2.1 – Post-modernisme : acteur social et société ...................................................................... 27 2.2.2 – Evolution de la consommation : historique et baroquisation ........................................... 29 2.2.3 – Economie de « tohu-bohu» vers de nouvelles stratégies ................................................ 30 2.3 – La résistance des consommateurs ................................................................................... 31 2.3.1 – Définition et concept de la résistance ............................................................................... 31 2.3.2 – Les résistances individuelle et collective ........................................................................... 32 2.3.3 – Sélection de travaux de recherche présentés au colloque International « Consommation et résistance(s) des consommateurs » (à l’initiative de l’IRG Paris Est -2008) ............................. 34 2.3.3. a) Un exemple gagnant-gagnant : La résistance coopérative et productive du consommateur : le cas de la mobilisation autour des médicaments orphelins ........................ 34 2.3.3. b) La résistance des consommateurs à la publicité ......................................................... 36 2.3.3. c) Les déterminants de la décision individuelle de participation à un boycott .............. 37 2.3.3. d) La résistance du client du point de vue du vendeur ................................................... 38 2.4 – Vers un renouveau en marketing .................................................................................... 39 2.4.1 – Situation actuelle du marketing ........................................................................................ 39 2.4.2 – Décalage entre vision du marketing et vision du consommateur..................................... 40 2.4.3 – Réflexions et conseils pour les marketeurs ....................................................................... 41 2.4.4 – La nécessité de s’adapter : quelques exemples ................................................................ 43 23
  • 25. 2.1 – Bilan : la baisse de confiance des consommateurs, origines et évolutions 2.1.1 – La confiance n'est plus ? La publication récente du baromètre de la confiance politique par TNS Sofrès (Décembre 2009) confirme ce constat. 78% des personnes interrogées pensent que les responsables politiques ne se préoccupent pas ou peu de ce qu'elles pensent, elles sont 65% à ne pas avoir confiance en l'institution présidentielle...idem pour les médias, 52% pour les syndicats, 55% ne font pas confiance aux grandes entreprises privées (63% pour les banques). 75% des Français estiment que les entreprises sont plus préoccupées par le profit que d'améliorer la qualité des produits et des services et plus préoccupant encore, ils sont 75% à considérer que les grandes entreprises s'entendent pour maintenir leurs prix à un niveau anormalement élevé. 78% des Français ont vu dans cette crise « une remise en cause de nos valeurs et de notre façon de vivre » et 63% « une occasion de réformer le système actuel et de le faire progresser ». Etudes de l’Observatoire de la Confiance du Groupe La Poste (2009 et 2012)… 90% des jeunes Français jugent que le monde va mal mais 75% pensent qu’ils vont s’en sortir. Les jeunes ne nourrissent aucune nostalgie. Contrairement à leurs aînés, ils n’ont pas reçu la confiance en héritage. Ainsi, 61% des jeunes Français ne font pas confiance à l’État et 57% ne font pas confiance aux entreprises. La spécificité de cette jeune génération tient dans sa capacité à réorganiser son rapport au monde en prenant en charge individuellement la confiance à travers ses propres pratiques relationnelles liées aux technologies du numérique relationnel (mobile, blogs, facebook, etc...). Cependant, 60% des jeunes ont été surpris par son ampleur et son intensité. 40% des jeunes interrogés pensent que la vie sera plus dure qu’avant. Pour 24%, les choses vont changer positivement alors que pour 15% rien ne va changer. Notons que 21% des jeunes ne savent pas ce que l’avenir leur réserve… (études de l’Observatoire de la Confiance de La Poste : exploration sémiologique de blogs et analyse de 45 entretiens qualitatifs individuels et groupes - filles et garçons, âgés de 15-18 ans et de 18-25 ans, issus de milieux populaires, moyens et aisés - menés par l’Institut Wei ET résultats d’une enquête quantitative en janvier 2009 par l’institut LH2 auprès d’un échantillon représentatif de 1000 jeunes âgés de 15 à 25 ans.) 4 Français sur 10 ont confiance en l’avenir mais ils sont le double à avoir confiance en eux. Et face à l’incertitude de l’avenir, les trois-quarts des interviewés sont confiants en leur capacité à s’en sortir ; plus d’un quart d’entre eux affirment même : « L’avenir, de toute façon, c’est à moi de le construire ». 4 Français sur 10 déclarent avoir confiance dans les entreprises et 3 sur 10 à avoir confiance dans les institutions. La grande institution gagnante est la famille : près de 9 Français sur 10 ont confiance dans leur famille. La proximité et l’interconnaissance personnelle agissent comme de véritables accélérateurs de confiance. 24
  • 26. 84 % des Français pensent que le monde va mal. Pour les jeunes (15-25 ans), « Le monde n’est pas en crise, il est crise ». Pour les adultes (26 – 59 ans), « L’incertitude, l’indétermination du monde s’accentuent, d’année en année ». Pour les seniors (60 ans et plus), « C’est la société dans son ensemble qui devient l’objet de désapprobation ». 30 % des Français ont confiance dans les institutions. 37 % des Français ont confiance dans les entreprises. 16 % des Français ont confiance dans les banques. 20 % des Français ont confiance dans les médias. (Le baromètre de la Confiance, Groupe La Poste, par les instituts LH1 et WEI, vague 5, 2012). 2.1.2 – L'émergence du « conso'battant » (Terminologie de Luc Wise) Le comité scientifique de l’institut d’études Panel on the Web a conduit deux études qualitatives et quantitatives (mai et septembre 2009) sur le thème du consommateur français face à la crise (1000 répondants représentatifs de la population française âgée de 18 ans et plus). Les résultats dévoilent un consommateur inquiet mais actif. Il consomme moins et mieux. Il porte une attention particulière au prix et sait utiliser l’ensemble des canaux y compris intermédiaires pour acheter malin. Il se méfie des marques, sait décoder et analyser promotions et contrats avant de concrétiser son acte d’achat. Pour 65% des Français la crise est « une crise différente des autres qui va engendrer des changements de comportements et d'habitudes profonds ». Depuis 2004, selon l’INSEE, le pouvoir d'achat n'a cessé de progresser, alors que parallèlement l'indice de confiance des ménages n'a lui cessé de se dégrader. Les classes intermédiaires se sentent particulièrement lésées dénonçant la protection sociale abusive pour certains foyers modestes et le bouclier fiscal pour les plus aisés. Les écarts entre les classes se font plus importants et le sentiment qu’il devient difficile d’évoluer socialement est omniprésent. 7 Français sur 10 font confiance à leur capacité de jugement et pensent être en mesure de s’adapter. Ils se révèlent plutôt déterminés à revoir leur consommation. Près d'un Français sur deux pense que la hausse des prix a été « exagérée » et qu'elle est donc « injustifiée » (58% des revenus les plus modestes, 50% des classes intermédiaires et 39% des plus aisées). 51% des Français comparent les prix. Les Français les plus modestes, puis les classes intermédiaires, craignant une baisse importante de leur revenu disponible, disent avoir réduit leur consommation et leurs engagements financiers. 45% d’entre eux déclarent « vouloir mieux maîtriser leur consommation, quitte à se restreindre à l'essentiel », c'est d'abord privilégier l'alimentaire, la santé, l'énergie soit se nourrir, se chauffer et aller au travail. On notera dans ces études la préoccupation environnementale et écologique ainsi que la prise de conscience des ressources limitées de la planète, associées à une volonté de protéger les nouvelles générations en leur inculquant de nouvelles façons de faire et de penser le monde (pour réparer leurs erreurs). 25
  • 27. L’étude sur la consommation a passé en revue près de quarante rayons alimentaires et non alimentaires (étude en ligne Panel On the Web), il en est ressorti les stratégies déployées par les consommateurs : recherche du prix le plus bas (ou du meilleur rapport qualité-prix), report des achats dans l'attente des soldes et des opérations de déstockage, utilisation des circuits alternatifs … soit « l'émergence de l'achat malin, multiforme, opportuniste ». L’inconvénient pour le consommateur est le temps qu’il doit passer à comparer, s’informer, décoder. En conclusion, « en volume, les achats ont baissé de 2% en 2008...Les arbitrages d'achat ont été faits en défaveur de l'eau en bouteille, la petite confiserie, la pâtisserie industrielle, les lessives, les nettoyants pour sols ou encore les produits traiteurs et les plats cuisinés aux marges élevées pour les distributeurs.» 2.1.3 – Les nouveaux comportements d’achat La contrainte budgétaire est transcendée en une dimension quasi-philosophique. Si je consomme moins, ce n'est plus seulement parce que j'y suis forcé, mais par philosophie, pour changer la société, pour sortir du « toujours plus consommer » qui ne mène nulle part ou au chaos !(« A nouveaux consommateurs, nouveau marketing – Zoom sur le conso-battant » 2011) Cette défiance s'est tellement généralisée qu'aujourd'hui, le consommateur ne fait plus confiance qu'à d'autres consommateurs...déjà le cas avec le bouche à oreille. Ce qui est nouveau, c'est que maintenant « on » se fie à l'avis d'un alter ego consommateur dont « on » ne sait absolument rien ; les « amis et la famille » sont la deuxième source d'influence dans les processus d'achat (source : Etudes Weber-Shandwick 2009, IFOP-Nurum 2009). Les consommateurs se tournent de plus en plus vers de nouveaux modes de consommation, élaborant des stratégies pour contourner le « système » : achat direct, location, partage, échange, revente, faire soi-même, soit en rupture avec le modèle dominant (l'achat de produits neufs chez les distributeurs). Le commerce C2C est devenu un phénomène de masse : 90% des Français estiment désormais que l'achat de produits d'occasion n'a rien de dévalorisant (Observateur Cetelem, 2009). Ils le font pour des raisons économiques mais avant tout c'est le fait « d'offrir une seconde vie à un objet plutôt que de le jeter ». On assiste à un certain retour du bon sens, la volonté d'éviter les excès et les gaspillages, un détachement croissant envers les objets et leur possession (Credoc Juin 2009), l'affirmation d'une dimension sociale. Avec le développement d'internet et l'ouverture des canaux de relation avec le client (dont le téléphone et ses hotlines), c'est le deuxième âge de la relation client qui prend forme. Un méchant billet sur un blog peut faire autant de mal qu'une minute au journal de 20h de TF1. Son audience immédiate est moins forte mais cette expression va laisser une trace indélébile sur la toile et se propager... 20% des Français ont déjà dénoncé en ligne des entreprises ayant mal agi à leurs yeux (TNS Sofres dans LSA 11/09). 26
  • 28. 2.2 – La société postmoderne 2.2.1 – Post-modernisme : acteur social et société La terminologie qui caractérise l’acteur social postmoderne est : individualisme, différenciation, complexité et réconciliation… qui animent tant les consommateurs postmodernes que les artistes contemporains. Selon Finkielkraut (1987), l’acteur social « aime pouvoir passer sans obstacle d’un restaurant chinois à un club antillais, du couscous au cassoulet, du jogging à la religion, ou de la littérature au deltaplane. […] Il n’y a plus ni vérité ni mensonge, ni stéréotype ni invention, ni beauté ni laideur, mais une palette infinie de plaisirs, différents et égaux. La démocratie qui impliquait l’accès de tous à la culture, se définit désormais par le droit de chacun à la culture de son choix. ». Cette palette infinie de plaisirs, base de la société postmoderne, est appelé l’hyperchoix, décrit par Lipovetsky (1983) comme « le droit à la liberté, en théorie illimité, mais qui – jusqu’alors socialement circonscrit dans l’économique, le politique, le savoir – gagne les mœurs et le quotidien. Ainsi opère le processus de personnalisation, nouvelle façon de gérer les comportements, non plus par la tyrannie des détails, mais avec le moins de contraintes et le plus de choix privés possibles »… et donnant naissance à des « êtres mixtes sans modèles sociaux impératifs, sortes de combinaisons du troisième type ne choquant plus personne » (1990). La société postmoderne (que l’on peut dater à partir des années 80) se caractérise par une rupture idéologique avec les valeurs du progrès et de la science. « La société postmoderne n’a plus d’idole, ni de tabou, plus d’image glorieuse d’elle-même, plus de projet historique, c’est désormais le vide qui nous régit, un vide puissant sans logique, ni apocalypse. » (Lipovetsky, 1983). Elle est également définie par sa logique individualiste, avec cette autre citation de Lipovetsky (1990) « le culte de la libre disposition de soi-même dans la famille, la religion, la sexualité, le sport, la mode… »… vers un « individualisme exacerbé et une crise des autorités de toute nature ». Il serait cependant erroné de penser que l’acteur postmoderne est auto-suffisant de part sa nature narcissique. En effet, selon Maffesoli (1990), « la personne peut être à la fois une individualité […] et une part d’un être collectif. […] la personne virevolte d’une tribu à l’autre, et revêt, pour l’occasion, le costume de scène approprié à l’espace où elle se rend ». On peut parler d’appartenance multiple. La société postmoderne s’identifie, selon Badot et Cova 2 à travers trois grands principes : la baroquisation des comportements, la décapitalisation sur le futur et le recours à l’éthique. La baroquisation des comportements: « Face à un monde où les références du passé (et notamment les repères de traditions moyennisantes, globalisantes, universelles et abstraites, d’essence révolutionnaire) sont durement remises en cause – dénonciation et négation des idéologies, des partis politiques, de l’Etat, des théories économiques, etc., car constatées comme inefficaces face aux 2 Badot Olivier et Cova Bernard (2009), Néo-marketing [reloaded], Editions ems, Management et société, p.26 27
  • 29. crises, notamment économiques – l’individualisme et le volontarisme tendent à l’emporter sur les stratégies de groupes établis ». La décapitalisation sur le futur (le deuxième grand principe de Badot et Cova) « résulte d’une prise de conscience des individus qui remettent fortement en cause le progrès et la progression, soit qu’ils estiment (consciemment ou inconsciemment) que les crises ternissent la vision de l’avenir […] soit qu’ils pourfendent le progrès technique qu’ils analysent – en partie- en tant que cause des crises… ». Le recours à l’éthique s’illustre dans un contexte de mondialisation « où l’économique l’emporte sur le politique, où la science est apparue comme la cause d’une dégradation constante de l’environnement […] ; l’éthique – et, notamment sa déclinaison verte, l’écologie – s’élève comme une ultime expiation. » Badot et Cova définissent six modalités d’accomplissement de la personne post-moderne à travers lesquelles nous pourrons tenter de comprendre son évolution et sans doute avoir plus d’explications sur l’origine de la baisse de confiance des consommateurs. Tout d’abord, le triomphe de l’individualisme mais aussi du volontarisme. En effet, dans un contexte socio-économique chahuté, l’acteur social agit de plus en plus à titre individuel et privilégie l’action (en opposition aux discours). Il espère ainsi contribuer à l’atteinte d’objectifs dans lesquels il croit et ne plus attendre des effets tangibles de la part du système économico-politique, qui tardent à venir. La réversibilité et l’hyperchoix, deuxième modalité d’accomplissement de l’acteur post-moderne, est l’élargissement de la liberté résultant par une évolution des comportements. Nous avons traité ce point plus haut avec quelques citations de Lipovetsky. La troisième modalité est le temps des tribus électives qui « remplace les grands regroupements stables – religieux, politiques, syndicaux, etc. – fondés sur la délégation et la représentation ». La personne post-moderne est « une » et « collective » à la fois ; où selon Badot et Cova, elle « virevolte de façon libertine, de tribus éphémères en tribus éphémères où le sensualisme et l’affectivité se substituent au contractuel comme fondement du lien social ». La quatrième est la mixité des valeurs, « tout vaut tout et tout le monde vaut tout le monde ». La cinquième modalité est la revalorisation de la sensorialité et du corps expliqué par Badot et Cova par la volonté « des individus à s’auto-satisfaire, à maximiser le présent et à mieux se connaître, tout cela afin de compenser le vide angoissant laissé par le rapport au futur : le New Age ». Le New age est la remise en question du matérialisme et de la technologie. La dernière modalité est le rôle central de la mode dans tous les domaines de la consommation. 28
  • 30. 2.2.2 – Evolution de la consommation : historique et baroquisation Etudier la consommation signifie faire appel aux sciences sociales. Pour commencer, un petit historique de la consommation, repris de Fabris (1990) et Morace (1990). Ces derniers classent la consommation en 4 phases : Les années 60 représentent « l’intégration et la croyance dans le progrès, (modernisme) ». Les produits de consommation reflètent « l’american way of life » où les valeurs sociales et économiques consistent à posséder des biens matériels. Les années 70 sont définies par « le conflit et l’antiautoritarisme (modernisme) » à savoir que l’idéologie de la consommation s’inverse et que « l’anti-mode remplace la mode, le paupérisme remplace l’ostentatoire ». Les années 80 voient arriver « la complexité et l’individualisme forcené (postmodernité) ». C’est le passage de la société moderne à la société postmoderne. La baroquisation de la consommation fait son apparition ainsi que la multiplication des comportements. La notion de valeurs culturelles monte en puissance au détriment des valeurs techniques. La mode change rapidement et permet aux individus une multitude de styles grâce à des produits peu onéreux et à forte valeur tribale ; jusqu’à se créer son propre style, unique et… narcissique. Les années 90 sont symbolisées par « la globalité et l’individualisme réfléchi (postmodernité) ». La prise de conscience des individus de leur environnement naturel apparaît. Ils sont à la quête d’un équilibre et sont donc plus attentifs aux qualités profondes d’un produit. Ils n’achètent pas un produit uniquement pour ses qualités premières mais aussi idéologiques, chacun ayant la sienne. On peut parler de recherche identitaire, qui d’ailleurs sera accentuée par les industriels qui associent leurs consommateurs à la conception de leurs produits. 3 Badot et Cova nous invite à analyser la baroquisation de la consommation en reprenant le principe des sept clés empruntés à Morace (1990). La première clé concerne les segments stables, les segments divergents et les sensibilités convergentes. Dans la société moderne, les segments étaient stables et facilement repérables. Dans la société postmoderne, ils sont multiples, s’entrecroisent et sont difficilement repérables. « On assiste à une nouvelle segmentation en styles de vie qui a fait exploser les espaces socio-culturels classiques et leurs catégories habituelles. […] La société s’est micro-socialisée sous l’effet de l’explosion des styles de vie qui ont mené jusqu’à des cultures de ghetto, et à un système tribal » (Maffesoli, 1988). La deuxième clé traite du royaume des objets, du triomphe des surfaces et de la consolidation de l’identité. La société moderne est l’époque du matérialisme, du tangible ; alors que la société postmoderne introduit les notions d’image, de culturel dans les produits de consommation ; « il y a identification totémique de l’objet au groupe » Maffesoli (1990). Dans les années 90, le 3 La baroquisation de la consommation (et non pas du consommateur) car en effet les études marketing classiques traitent des consommateurs dans un contexte donné (défini par l’étude) alors que ce même consommateur est multiple (vivant dans plusieurs contextes). Badot Olivier et Cova Bernard (2009), Néo-marketing [reloaded], Editions ems, Management et société, p.38 29
  • 31. consommateur post-moderne se détache des surfaces et tend vers l’hédonisme alliant « ses désirs et la nécessité éthique et sociale » (Cutolo, 1989). La troisième clé aborde le besoin instrumental, la tyrannie du désir et le défi de la responsabilité. Dans les années 60 et 70, les besoins / les attentes des consommateurs étaient faciles à identifier alors que dans la société postmoderne, le besoin n’est plus forcément rationnel. La notion de désir émerge, début de l’individualisme et du narcissisme qui s’atténuera avec la prise de conscience écologique dans les années 90, pour voir apparaître les notions de responsabilité et de collectivité. La quatrième clé traite de simplicité rigide, de complexité extensive et de globalité intensive. En effet, avant (société moderne) la consommation était définie dans un contexte stable et durable. Avec la société postmoderne, on assiste à un éclatement des marchés et des comportements. La notion d’hyperchoix émerge. La cinquième clé concerne la qualité technique, la qualité superficielle et la qualité profonde. Avant, les qualités techniques et utilitaires des produits primaient. Dans notre ère postmoderne, le superficiel fait son apparition et les notions de qualité profonde apparaissent dans les années 90 (éthique voir écologique) visant à allier l’intelligence et l’émotion. La sixième clé analyse la variabilité faible, la variabilité accélérée et la variété permanente. Avant, chaque nouveau produit était une révolution alors que dans les années 80, l’innovation est partout. Les packagings sont couverts de « Nouveau ! » sans réelle nouveauté. Dans les années 90, ce phénomène s’essouffle pour laisser place à la variété permanente gérée avec les consommateurs. La notion de customisation émerge. La septième et dernière clé traite de l’actualité active, de l’actualité passive et de la mémoire active. La société postmoderne a rejeté le progrès de l’ère moderniste. Badot et Cova parle de l’arrêt de l’histoire qui « n’est plus considérée comme allant de l’avant vers un avenir meilleur mais comme ne menant plus à rien », faisant place à la notion de plaisir immédiat. A la fin des années 90, l’histoire passée apparaît comme un « réservoir à stimuli », source de sécurité (en opposition à l’incertitude du futur). 2.2.3 – Economie de « tohu-bohu» vers de nouvelles stratégies L’économie de tohu-bohu, terminologie de Gilles Paquet, (Leblond / Paquet 1988) se caractérise par des rendements croissants, un phénomène d’accélération, une flexibilité accrue de la production, une dimension internationale et une dématérialisation de la vie économique débouchant sur « une remise en question des structures hiérarchisées à mesure qu’elles ont commencé à donner des signes d’inefficacité organisationnelle » (Boisot, 1987). Les firmes doivent donc repenser leur stratégie. La notion de stratégie vulpine nous vient de Gilles Paquet qui utilise ici une métaphore animalière (renard) : stratégie « axée sur la ruse, l’opportunisme, le coup par coup – pourrait se traduire comme l’occupation de l’espace de façon ultrarapide, modulaire, horizontale et exploratoire en vue d’anticiper les réactions des demandeurs et des offreurs et d’occuper le plus longtemps possible une position distincte sur le marché (Badot, 1990b). Cette stratégie se traduit par une politique de développement de produit rapide, le Fast Track Development (FTD) [Van den Muyzenberg, 1990) dont le risque, au vue de l’accélération des 30
  • 32. lancements de produits, est une mauvaise maîtrise technique des produits, une connaissance peu approfondie des marchés et une saturation du marché (produits pas si innovants). Pour palier ces problèmes, Paquet (1989c) pense que : « Promouvoir l’entrepreneurship, c’est promouvoir la créativité » c’est-à-dire qu’il faut revoir la façon de gérer les projets en l’axant sur la créativité et la coopération. La veille est un des outils indispensable à cette stratégie. Martinet et Ribault (1989) définissent quatre types de veille : technologique, concurrentielle, commerciale et environnementale. Chaque membre d’une entreprise doit collaborer et intégrer un principe de veille active permanente et partagée pour obtenir les informations adéquates source d’une bonne stratégie. 2.3 – La résistance des consommateurs 2.3.1 – Définition et concept de la résistance Les protestations des consommateurs existent depuis longtemps mais leurs déterminants et leurs effets sont peu étudiés. Tout d’abord, abordons la définition de la résistance : « elle est à la fois un phénomène et un acte, consistant à mettre en échec, de manière intentionnelle et volontaire, une force jugée oppressive. » (Roux). Selon ce dernier, l’étude des déterminants psychologiques dans une situation de résistance est la première phase de recherche à faire. La notion de pouvoir, détenu en partie par le consommateur postmoderne (au détriment des firmes), expliquerait aussi la montée de ces résistances ; qui dit pouvoir, dit « pression » « influence ». Foucault (1975, 1976, 2002) a étudié la coexistence entre la résistance et le pouvoir. Selon Cochoy (1999), La résistance a été peu étudiée car le marketing en est également à l’origine. La publicité comme technique d’influence a été étudiée par Cottet, Ferrandi et Lichtlé pour analyser les résistances des consommateurs, à travers une étude qualitative exploratoire auprès d’un échantillon de trente trois personnes. Il en ressort une résistance à la tentation, un évitement de la publicité, un boycott des produits ; un profil psychologique du résistant qui se dit peu influençable ; les facteurs déclencheurs de la résistance sont d’ordre social ou écologique au regard du comportement de la firme ; l’envahissement publicitaire et la compréhension des techniques employées par les firmes pour faire vendre. A partir des travaux de Cochoy sur les apories du concept de résistance, Roux et son équipe, propose de repenser la résistance des consommateurs. Tout d’abord en intégrant qu’il n’y a pas vraiment de marché alternatif. Même les solutions dites « alternatives » empruntent les mêmes outils qu’au marché traditionnel (packaging, logo, pub…). Dans la co-création entre le consommateur et une firme, la résistance du consommateur est faible. Ce dernier passe du marché « alternatif » au marché 31
  • 33. traditionnel fréquenté par les moins résistants. Ensuite, Roux souligne qu’un consommateur résiste à un produit pour céder à un autre ; ainsi la résistance se situe chez les individus dont les motivations sont les moins pénétrables. Enfin, « résister au marché, c’est très souvent résister à soi-même ». Face à nos propres faiblesses, l’analyse d’Elster (figure d’Ulysse - 1979) est que l’individu a du mal à compter sur sa propre morale et cherche ainsi à déléguer sa volonté à des acteurs externes pour que ces derniers lui rappellent ses engagements. Selon Roux (2007, a), la difficulté d’analyse de la résistance réside dans la compréhension de son intention. Deux perspectives apparaissent à savoir « l’intention » et « l’action », cette dernière découlant d’un comportement donc d’une résistance réelle. L’autre difficulté est la catégorisation des comportements que l’on peut classer selon trois perspectives : celle du consommateur, celle du marketeur et celle du chercheur. Le consommateur peut boycotter un produit sans que le marketeur ne s’en rende compte, ainsi l’acte de résistance n’est pas perçu. Un nouveau produit lancé sur le marché et dont le ventes ne décollent pas peut être interprété par le marketeur comme une résistance des consommateurs alors qu’il n’en est rien. Le problème peut venir du peu d’intérêt du produit (fausse nouveauté) ou d’un lancement pas assez visible ou trop peu médiatisé. Quant à lui, le chercheur peut classer des comportements comme résistants alors que les consommateurs n’ont manifesté aucune résistance. (Voir annexe 3 : « Les types de résistance des consommateurs » - tiré du livre : Roux Dominique (2009), Marketing et Résistance(s) des Consommateurs, Edition Economica, p.92.) La conclusion de Roux sur la résistance est la suivante : « Ainsi et contre toute attente, les dispositifs de captation marchants sont indissociablement des dispositifs de séduction et de résistance ; aider le consommateur à résister, rendre ses choix réversibles ou partiels est devenu le meilleur moyen de surmonter cette résistance même que les consommateurs croient pouvoir opposer aux séductions du marché ».4 2.3.2 – Les résistances individuelle et collective Les actes de résistance, qu’ils soient individuels ou collectifs ont comme point de départ la référence à une culture, ainsi ils expriment des attitudes et des pratiques en phase avec une certaine idéologie reflétant un ensemble commun de références. La résistance individuelle peut aussi se lier à une résistance collective, le groupe étant perçu comme un porte-parole de cette culture. L’idéologie est définie par Garud et al. (2007) comme « un instrument stratégique, utilisé par les personnes et les groupes pour donner du sens à leurs actions, en concurrence avec d’autres groupes » et est alimentée par notre culture. La crédibilité d’une idéologie repose sur la simplicité de son cadrage, la solidité de ses fondements et sa cohérence (dimensions cognitives). La raison et l’émotion (dimensions affectives) en sont les moteurs et sont les garantes de la résonnance du discours d’une idéologie. 4 Roux Dominique (2009), Marketing et Résistance(s) des Consommateurs, Edition Economica, p.56 32
  • 34. Dubuisson-Quellier et Barrier (2007) ont mis en évidence la nécessité de créer des chaînes de coopération pour définir et organiser une résistance. Le réseau est défini par un ensemble d’acteurs reliés par des flux d’information et des contacts qu’ils entretiennent entre eux. Une autre forme de «collectif » est l’organisation, celle-ci est la résultante d’un noyau fort d’acteurs au sein d’un réseau et souhaitant structurer leur action. Le collectif (représenté par un réseau ou une organisation) et l’individuel peuvent être liés par des actions codifiées par le collectif et exécutées individuellement (tags commandités par les membres de Casseurs de pub). Des évènements annuels sont organisés par le « collectif » invitant chaque individu adhérant à leur idéologie de se joindre à eux (festival Burning Man dans le désert de Mohave, pour célébrer le refus du marché, Kozinets, 2002). Ces rituels sont une grande source de cohésion et de confortation dans leur idéologie partagée au sein de leur communauté / collectif ; en plus d’être des actions visibles permettant de montrer l’importance du mouvement et de sa résistance. Les consommateurs résistants cherchent à se protéger de certaines pratiques marchandes ou de produits controversés mais s’accommodent aussi du marché. Ils visent ainsi à faire évoluer le système socio-économique à leur niveau. Le mouvement Colibris et sa légende amérindienne fétiche peut illustrer ces actions individuelles : la légende du colibri racontée par Pierre Rabhi « Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! » Et le colibri lui répondit : « Je le sais, mais je fais ma part. » L’action individuelle représente donc une part qui multipliée par le nombre d’individus exécutant cette même action résulte en un effet de masse. Pour les marketeurs et les chercheurs, la difficulté réside dans l’identification de cette résistance et pour les consommateurs, la difficulté est de rendre leurs actes de résistance visibles et qu’ils soient bien identifiés comme résistants. Le Dalaï Lama disait : « Si vous avez l’impression que vous êtes trop petit pour pouvoir changer quelque chose, essayez donc de dormir avec un moustique… et vous verrez lequel des deux empêche l’autre de dormir ». 33