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R LC
                                                                                                         1560
       Par Anne TERCINET
              Professeur EM Lyon
                  Business School
                                                                    l’évolution du risque
                                                                    concurrentiel dans une
                                                                    économie globalisée :
                                                                    une approche comparée
      L’article propose une photographie au                                2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises),    contrats de distribution, les contrats de re-
      plan international du risque concur-                                 comme la société belge Electrabel, du                              cherche-développement, les contrats de
      rentiel en matière de cartels transna-                               Groupe GDF suez, se l’est vu rappeler par                          spécialisation, ou encore les transferts de
      tionaux et identifie deux tendances.                                 la commission qui l’a condamnée à 20 mil-                          technologie qui nécessitent tous que les
                                                                           lions d’euros d’amende (en application de l’article                entreprises évaluent leur impact, tant sur
      Celle du développement du Private
                                                                           14 du règlement concentration qui permet de prononcer une          la concurrence entre les marques que sur
      enforcement qui en Europe rencontre
                                                                           amende allant jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires total réalisé     la concurrence au sein de la marque,
      une forte opposition, porteuse d’un Fo-                              par les entreprises concernées en cas de réalisation de l’ac-      comme sur le commerce entre États mem-
      rum shopping. Et celle de l’engage-                                  quisition du contrôle de la cible avant d’obtenir l’autorisation   bres, car cela ne pose pas de grandes dif-
      ment de la responsabilité pénale des                                 de la commission. Amende que la commission eût pu aug-             ficultés, les praticiens du droit participant
      dirigeants dans nombre de pays post                                  menter si l’opération avait entravé de manière significative la    à la rédaction desdits contrats.
      industrialisés, comme de pays émer-                                  concurrence au sens de l’article 2) pour avoir omis                l’environnement des pratiques anticon-
      gents, en raison de l’absence avérée                                 de notifier sa prise de contrôle effective                         currentielles a significativement changé
      d’effet dissuasif des seules sanctions                               de la compagnie nationale du rhône (com-                           en dix ans. on observe l’accroissement
      à l’adresse des entreprises, ce malgré                               muniqué comm. cE n° ip/09/895, 10 juin 2009, disponible            du nombre d’autorités de concurrence à
      un durcissement universel des sanc-                                  sur le site de la commission). c’est pourquoi notre                travers le monde. De plus en plus d’États
                                                                           travail va se focaliser sur le seul volet des                      se sont dotés d’un droit de la concurrence
      tions à l’adresse de celles-ci.
                                                                           pratiques anticoncurrentielles, le plus com-                       et d’autorités en charge de veiller au res-

      O        n parle de risque concurrentiel,
              comme on parle de risque pour l’en-
      treprise eu égard à la responsabilité du
                                                                           plexe pour l’entreprise. notons qu’il y a
                                                                           une connexité forte entre les stratégies de
                                                                           croissance externe avec fusion absorption
                                                                                                                                              pect de celui-ci avec plus ou moins de
                                                                                                                                              moyens. Même la chine (souty F., chine : la
                                                                                                                                              loi anti-monopole du 30 août 2007 et l’émergence d’un droit
      fait des produits. il convient donc pour                             et la prohibition des pratiques anticon-                           chinois moderne de la concurrence, concurrences, n° 4-
      l’entreprise de l’évaluer afin de décider                            currentielles, à plus d’un titre. concernant                       2007, pp. 158-164 ; Fox E. M., An Anti-Monopoly law For
      de la stratégie à adopter. les moyens sont                           le risque concurrentiel, la jurisprudence                          china-scaling the Walls of Government restraints, Antitrust
      variés mais ils supposent avant tout une                             montre qu’une entreprise repreneuse doit                           law Journal, 2008, Vol.75 issue 1, pp. 173-195 ; ou encore
      conscience de celui-ci et une délimitation                           faire un audit antitrust si elle veut s’assurer                    owen B. M., sen s. et Zheng W., china’s competition policy
      fidèle de ses contours. le risque concur-                            qu’elle n’aura pas la mauvaise surprise                            reforms : the Anti-Monopoly law and Beyond, Antitrust
      rentiel s’entend de celui attaché à la vio-                          de voir sa responsabilité engagée pour la,                         law Journal, 2008, Vol.75 issue 1, pp. 231-265), s’est
      lation des règles de droit de la concurrence                         ou les pratiques anticoncurrentielles de                           dotée d’un droit de la concurrence avec
      (nous écartons de notre étude le risque attaché au contentieux       l’entreprise absorbée.                                             prohibition desdites pratiques. ces droits
      des aides d’États car celui-ci devrait faire l’objet d’une étude     on entend par pratiques anticoncurren-                             sont d’application extraterritoriale, de
      à part entière). il s’agit dès lors du risque relatif                tielles, les ententes entre entreprises et les                     sorte que la coopération entre les autorités
      au fait de commettre des pratiques                                   abus de position dominante. cela est assez                         de concurrence est devenue une nécessité
      anticoncurrentielles (nous ne traiterons pas, dans                   universel, même si les appellations juri-                          et une réalité (cf., par exemple, Barbier de la serre É.,
      le cadre de cette étude, de la spécificité française des pratiques   diques varient. Ainsi aux États-unis, on                           paris-londres aller-retour via saint Denis de la réunion :
      restrictives de concurrence), ou de celui attaché à                  parlera de Conspiracies in Restraints of                           première décision du conseil fondée sur des preuves obtenues
      la violation des dispositions relatives au                           Trade, ou Collusions, Attempts to mono-                            en son nom par une autre autorité nationale de concurrence,
      contrôle des concentrations. le risque at-                           polize et Monopolizations, là où dans                              rlc 2009/19, n° 1361), qu’elle soit formelle ou
      taché au contrôle des concentrations est                             l’union européenne, on parle d’accords                             informelle. la coopération est principa-
      relativement aisé d’approche pour les en-                            entre entreprises, de pratiques concertées                         lement bilatérale. une coopération en
      treprises puisqu’il s’agit pour elles de se                          et d’abus de position dominante. ce risque,                        amont s’est également organisée au tra-
      soumettre à l’obligation de notifier leur                            comme l’actualité le montre avec l’affaire                         vers de la structure non gouvernementale
      projet d’opération concentrative auprès                              st Gobain et le cartel du verre automobile                         qu’est l’International Competition Net-
      de l’ensemble des autorités de concur-                               (Déc. comm. cE, 12 nov. 2008, cf. communiqué comm. cE              work (cf. le site internet du réseau international de concur-
      rence, sur le territoire desquelles il existe                        n° ip/08/1685, 12 nov. 2008), touche particulière-                 rence dit icn pour international competition network :
      un risque d’affectation de la concurrence.                           ment les ententes injustifiées tenues se-                          <www.internationalcompetitionnetwork.org>). celle-
      Bien sûr, il ne faut pas qu’elles omettent                           crètes, et dans une moindre proportion les                         ci a permis ces dernières années une har-
      de notifier (l’obligation de notification des opérations             abus de position dominante, comme avec                             monisation internationale notable. sans
      de concentration présente à l’article 4 du règlement (cE)            l’affaire Intel (amende de 1,06 milliard € pour abus de            oublier, en aval, la coopération connexe
      n° 064/89 du conseil du 21 décembre 1989 relatif au contrôle         position dominante. Déc. comm. cE, 13 mai 2009). nous              entre les bureaux nationaux de police,
      des concentrations entre entreprises, est reprise par l’article 4    n’aborderons pas les accords entre entre-                          via interpol, qui permet de rechercher
      du règlement actuel n° 139/2004 du conseil du 20 janvier             prises, c’est-à-dire les contrats, comme les                       les dirigeants « fugitifs ».


110   R E V U E L A M Y D E L A C O N C U R R E N C E • J A N V I E R / M A R S 2 010 • N ° 2 2                                                            Droit l Économie l régulation
ENTREPRISE ET RISQUE CONCURRENTIEL




                                                                                                                                                                                                             PERSPECTIVES RÉFLEXIONS CROISÉES
     le risque concurrentiel consiste donc                            tant adaptation du 17 mars 1993) qui étend à la                  entreprises, comme pour le tribunal (an-
     dans le risque de sanctions. les sanctions                       norvège, à l’islande et au liechtenstein                         ciennement tpicE). pour autant, elles
     peuvent viser l’entreprise mais aussi, de                        plusieurs dispositions du traité, le droit                       ne doivent pas permettre un calcul arith-
     plus en plus souvent, les dirigeants ayant                       de la concurrence communautaire s’ap-                            métique de l’amende car il convient que
     activement participé de la violation de                          plique aussi à ces territoires avec une au-                      les entreprises ne puissent parvenir à une
     la loi. les sanctions peuvent être de na-                        torité dite de surveillance en charge de                         estimation de l’amende encourue si pré-
     ture diverse. Elles sont principalement                          son application.                                                 cise que cela annihilerait le caractère dis-
     de nature administrative, pénale, ou en-                                                                                          suasif de l’amende. les lignes directrices
     core civile. il peut bien entendu y avoir                        1) En droit communautaire                                        indiquent l’esprit qui anime la commis-
     un cumul de ces sanctions.                                       il convient de rappeler en préambule que                         sion dans le calcul de l’amende, mais
     Dans ce contexte globalisé, le risque                            le droit communautaire des pratiques an-                         celle-ci est reconnue légitime à s’en écar-
     concurrentiel s’est accru ces dernières an-                      ticoncurrentielles, c’est-à-dire les arti-                       ter, dès lors qu’elle motive cette différence
     nées. les raisons tiennent également d’une                       cles 101 et 102 du tFuE, est d’applica-                          de façon compatible avec le principe de
     volonté politique de durcir les sanctions                        bilité directe, de sorte que la commission                       non-discrimination ( cJcE, 28 juin 2005,
     à l’égard des pratiques les plus nocives et                      européenne, comme les autorités de                               aff. c-189/02, Dansk rorindustri A/s, rec. cJcE, i, p. 5425).
     de tenir compte de l’internationalisation                        concurrence nationales, le juge national,                        le tribunal reconnaît cette possibilité
     de ces pratiques anticoncurrentielles, c’est-                    ou encore l’Autorité de surveillance de                          donnée à la commission, afin de remplir
     à-dire des éléments d’extranéité de nombre                       l’EEE sont compétents pour l’appliquer.                          l’objectif de dissuasion à l’égard de l’en-
     de ces pratiques, qui rendent plus difficile                     le durcissement de cette politique de                            treprise en cause, comme des autres
     la lutte effective contre ces pratiques. la                      sanction est net. pour s’en convaincre,                          contrevenants possibles (tpicE, 5 avr. 2006,
     question de l’effectivité de l’application                       il suffit de prendre connaissance de la                          aff. t 279/02, Degussa c/ commission, rlc 2006/8, n° 567).
     de ce droit économique sous-tend cette                           décision relative au cartel du verre au-                         les lignes directrices listent les circons-
     évolution.                                                       tomobile, en date du 12 novembre 2008,                           tances reconnues comme aggravantes et
     le durcissement des politiques de sanction                       qui contient deux records : un montant                           atténuantes (respectivement article 28 et 29 des lignes
     constaté est universel, avec en parallèle                        d’amendes global historique de 1,38 mil-                         directrices), à savoir, pour les premières : la
     l’introduction de programmes de clémence                         liard €, et une amende individuelle, tout                        récidive, le refus de coopération, la ten-
     sur un modèle américain (tercinet A., le pro-                    aussi historique, de 896 millions €, infli-                      tative d’obstruction durant l’enquête, par
     gramme de clémence américain : un modèle placé sous le sceau     gée à st Gobain, comprenant une majo-                            destruction ou falsification de preuves, le
     du pragmatisme, rD aff. int. 2007, n° 6, pp.767-785), plus       ration de 60 % pour récidive.                                    rôle de leader ou d’incitateur. la cour a
     ou moins fidèlement retranscrit, qui ins-                                                                                         précisé que le fait de prévenir ses com-
     taure une prime à la délation visant à dé-                       a)Uneamendeadministrativerenforcée                           parses de cartel de l’imminence d’une ins-
     stabiliser les cartels existants, plus qu’à                      En droit communautaire, le règle-                                pection de la commission constitue aussi
     prévenir leur formation. Dans nombre                             ment 1/2003 prévoit en son article 23                            une circonstance aggravante (cJcE, 29 juin
     d’États, le renforcement des sanctions s’ac-                     que la commission a compétence pour                              2006, aff. c-301/04, commission c/ sGl carbon AG, Europe
     compagne de l’augmentation des pouvoirs                          imposer des amendes de nature admi-                              sept. 2006, comm. 250, obs. idot l.). pour les
     d’enquête de l’autorité de concurrence,                          nistrative aux entreprises ayant un com-                         deuxièmes, on trouve : le fait d’avoir mis
     comme c’est le cas dans l’union euro-                            portement contrevenant à l’article 101                           fin au comportement anticoncurrentiel
     péenne, avec le règlement n° 1/2003 (règl.                       et/ou 102. le montant de l’amende ne                             dès les premiers actes de la commission,
     cons. cE n° 1/2003, 16 déc. 2002, relatif à la mise en œuvre     saurait excéder 10 % du chiffre d’affaires                       l’existence d’une réelle coopération avec
     des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du       total réalisé par l’entreprise en cause, au                      la commission, que la participation à l’in-
     traité, tel que modifié par les règlements du conseil cE         cours de l’exercice social précédent (règl.                      fraction soit parfaitement mineure, ou en-
     n° 411/2004 du 26 février 2004 et n° 1419/2006 du 25 septembre   cons. cE n° 1/2003, 16 déc 2002, art. 23, § 2), c’est-à-         core que le comportement relève de la
     2006). Dès lors, c’est la réalité de la menace                   dire du chiffre d’affaires mondial de l’en-                      simple négligence. pour autant, dès lors
     qui s’exprime, et donc la réalité du risque                      treprise sur l’exercice précédant l’adop-                        que l’entreprise en cause ne pouvait igno-
     qui prend corps.                                                 tion de la décision (cJcE, 8 févr. 1990, aff. c-279/87,          rer que le comportement incriminé avait
                                                                      tipp-Exemple, rec. cJcE, p. 261). il s’agit d’un pla-            pour objet de restreindre la concurrence,
                                                                      fond imposé à l’amende finale de chaque                          cela suffit à constituer une violation de
     I. – LE RISQUE CONCURRENTIEL                                     entreprise (tpicE, 29 nov. 2005, aff. t-52/02, société           l’article 101 traité cE (cJcE, 8 févr. 1990, aff. c-
     POUR L’ENTREPRISE                                                nouvelle des couleurs zinciques, Europe janv. 2006, comm. 25,    279/87, tipp-Ex, rec. cJcE, p. 261). Enfin, la com-
     CONTREVENANTE                                                    obs. idot l.), mais nullement de l’assiette                      mission n’est pas tenue de prendre en
     on assiste depuis dix ans à un durcisse-                         servant au calcul de ladite amende.                              compte les pertes de l’entreprise en cause
     ment des politiques de sanctions à l’égard                       l’amende imposée in fine doit tenir                              lors des derniers exercices, ou des diffi-
     des entreprises. cette politique consiste                        compte de la durée de l’infraction, de sa                        cultés du secteur d’activité (tpicE, 29 avr. 2004,
     le plus souvent en un pouvoir de sanction                        gravité, et donc de l’importance du chiffre                      aff. jtes. t-236/01, t-239/01, t-244/01 à t-246/01,
     pécuniaire, un pouvoir d’injonction de                           d’affaires réalisé avec les produits concer-                     t-251/01 et t-252/01, tokai carbon co ltd et a.). De
     cesser la pratique en cause, et pour cer-                        nés par l’infraction (tpicE, 14 juill. 1994, aff. t-             même, il convient de souligner, premiè-
     taines autorités, dont l’Autorité française,                     77/92, parker pen ltd, rec. cJcE, ii, p. 549). la com-           rement, que la demande de prise en
     un pouvoir d’injonction de publication                           mission a publié en 2006 des lignes                              compte du versement de dommages et
     par voie de presse de la condamnation                            directrices pour le calcul de l’amende                           intérêts punitifs aux États-unis pour dé-
     et de sa motivation.                                             (JouE 1er sept. 2006, n° c 210 ; cf. Barbier de la serre É.,     terminer le montant de l’amende au titre
                                                                      les lignes directrices de 2006 pour le calcul des amendes,       de l’article 101 tFuE, a été rejetée par le
     A. – Au sein de l’Espace économique                              rlc 2006/9, n° 620 ; et Jalabert-Doury n., nouvel l., sévérité   tribunal dans l’affaire ADM (tpicE, 27 sept.
     européen et des États membres                                    accrue des sanctions : une nouvelle phase de consolidation,      2006, aff. t- 59/02, Archer Daniels Midland c/ commission).
     Avec l’Accord de porto (Accord sur l’Espace éco-                 rD aff. int. 2007, n° 4, pp. 527-541) rendant sa po-             Deuxièmement, le traitement fiscal de
     nomique européen [EEE]du 2 mai 1992 et son protocole por-        litique de sanction transparente pour les                        l’amende s’est durci, ainsi l’amende pro-                       



Droit l Économie l régulation                                                                             N ° 2 2 • J A N V I E R / M A R S 2 010 • R E V U E L A M Y D E L A C O N C U R R E N C E    111
L’ÉVOLUTION DU RISQUE CONCURRENTIEL DANS UNE ÉCONOMIE GLOBALISÉE : UNE APPROCHE COMPARÉE




      noncée n’est pas déductible fiscalement                                droit en cause) qui consiste au niveau com-                          de mener à bien les enquêtes. la com-
      en France (l. n° 2001-420, 15 mai 2001, art. 85, relative              munautaire à inciter les entreprises parties                         missaire européenne chargée de la
      aux nouvelles régulations économiques dite nrE qui modifie             à un cartel de le dénoncer, ainsi que ses                            concurrence ne disait pas autre chose
      l’article 39-2 du code général des impôts. le conseil d’État           membres, en échange d’une immunité                                   lorsqu’elle déclarait à propos de ce cartel :
      dans un avis a étendu la non-déductibilité aux amendes fondées         totale ou partielle d’amendes adminis-                               « La Commission a heureusement mis au
      sur le droit communautaire de la concurrence de même qu’aux            tratives pour l’entreprise dénonciatrice,                            jour cette entente de sa propre initiative
      frais de procès au titre de la défense. Cf. Gouyet r., Déductibilité   ne soit pas en parfaite cohérence avec                               et a ainsi démontré qu’elle disposait de
      des amendes pour entrave à la liberté des prix et de la concur-        celle-ci, la récidive n’étant pas un critère                         moyens indépendants pour détecter les
      rence : ce que la loi nrE a changé, contrats, conc., consom.           de non-éligibilité à l’immunité.                                     ententes et qu’elle les utilisait efficace-
      2002, comm. 4 ; et Vilmart ch., non-déductibilité des amendes          le programme de clémence communau-                                   ment » (communiqué comm. cE n° ip/08/415, Antitrust :
      de concurrence : quelques réflexions sur une distorsion fiscale,       taire (communication sur l’immunité d’amendes et la ré-              la commission inflige aux prestataires de services de démé-
      rlc 2005/3, n° 260).                                                   duction de leur montant dans les affaires portant sur les ententes   nagements internationaux en Belgique une amende de plus
      la précédente commissaire européenne                                   cE n° 2006/c298/11, 8 déc. 2006, JouE 8 déc., n° c 298)              de 32,7 millions € en raison d’une entente complexe, Bruxelles,
      à la concurrence, neelie Kroes s’étonnait                              opacifie le message de fermeté. Ainsi, dans                          11 mars 2008). les économistes spécialistes
      de la constance de ces pratiques, et de la                             le cartel du Caoutchouc chloroprene (Déc.                            de la question de la clémence s’accordent
      récidive chronique qui sévit sur nombre                                comm. cE, 5 déc. 2007, ip/07/1855, Ententes : la commission          sur ce point ; la clémence ne peut être
      marchés et sont le fait des mêmes mul-                                 inflige des amendes d’un total de 247,6 millions € aux pro-          efficace que si la menace d’être démasqué
      tinationales. Ainsi, en juin 2008, après                               ducteurs de caoutchouc chloroprene pour des accords de               est réelle pour les cartellistes (spagnolo G.,
      cinq ans d’enquête, la commission a                                    partage du marché et de fixation des prix, Bruxelles, 5 décembre     self-Defeating Antitrust laws : How leniency programs solve
      rendu sa décision sur le cartel du chlorate                            2007), Bayer obtint l’immunité pour un car-                          Bertrand’s paradox and Enforce collusion in Auctions, June
      de sodium (Déc. comm. cE, 11 juin 2008 ; communiqué                    tel ayant duré dix ans, alors même que                               2000, nota di lavoro, n° 52.00, Fondazione Eni “Enrico
      comm. cE n° ip/08/917, 11 juin 2008). pour la pre-                     cette société avait été la première bénéfi-                          Mattei”, Milano, et chen Z. et rey p. in on the Design of le-
      mière fois, elle faisait application des                               ciaire du cartel, et que sa qualité de réci-                         niency programs, iDEi Working paper, n° 452, April 2007,
      lignes directrices de 2006 pour le calcul                              diviste fut reconnue par la commission,                              p. 12, ou encore ruble r. et, Versaevel B., Mise en œuvre
      des amendes (cf. Jalabert-Doury n. et nouvel l., préc. ;               ce qui conduisit à une majoration de 50 %                            de la collusion et détection : Approches actives et passives,
      et Barbier de la serre É., les lignes directrices de 2006 pour         dans le calcul de l’amende amnistiée.                                rlc 2010/22, n° 1561).
      le calcul des amendes, préc.). Elle a majoré de                        En outre, la clémence n’est pas un outil
      90 % l’amende d’Arkema France, anté-                                   de prévention. sans revenir sur la litté-                            2) Au sein des États de l’Espace
                                                                                                                                                  économique européen
      rieurement condamnée à trois reprises                                  rature des économistes (cf. spagnolo G., self-
      pour violation de l’article 81, para-                                  Defeating Antitrust laws : How leniency programs solve               les États de l’EEE font montre dans le
      graphe 1, traité cE, au titre de la qua-                               Bertrand’s paradox and Enforce collusion in Auctions, June           niveau de sanctions pécuniaires pronon-
      trième récidive. observons que la récidive                             2000, nota di lavoro n° 52.00, Fondazione Eni “Enrico Mat-           cées de la même fermeté, même si on
      n’est pas circonscrite dans le temps (cf.tpicE,                        tei”, Milano [disponible sur www.ssrn.com] ; Motta M.              peut percevoir des différences dans la ri-
      25 oct. 2005, aff. t-38/02, Groupe Danone, rlc 2006/6, n°              et polo M., leniency programs and cartel prosecution, in-            gueur du recouvrement de la sanction
      456, obs. Barbier de la serre É. ; et tpicE, 12 déc. 2007, aff.        ternational Journal of industrial organization, 21 (2003),           en ces temps de crise. la décision du
      t-101/05 et t-111/05, BAsF, Europe févr. 2008, comm. 60,               n° 3, pp. 347-379, article disponible sur internet, www.el-          conseil de la concurrence français relative
      obs. idot l.). neelie Kroes s’est également                            sevier.com/locate/econbase ; spagnolo G., Divede et impera :         au cartel de la sidérurgie (cons. conc., déc.
      insurgée contre la passivité constante de                              optimal Deterrence Mechanisms Against cartels and orga-              n° 08-D-32, 16 déc. 2008) l’illustre avec un mon-
      la direction et des actionnaires de l’en-                              nized crime, Mimeo, university of Mannheim, c.E.p.r. last            tant global d’amendes de 575 454 500 €
      treprise (communiqué comm. cE n° ip/08/917, Ententes                   revised : August 2003 ; chen Z. et rey p. in on the Design           dont plus de 301 millions € pour le groupe
      et abus de position dominante : la commission inflige des              of leniency programs, iDEi Working paper, n° 452, April              Arcelor Mittal. cette sévérité est atténuée
      amendes d’un montant de 79 millions € aux producteurs de               2007 ; Aubert c., rey p. et Kovacic W., the impact of leniency       par la prise en compte anticipée de la
      chlorate de sodium, produit de blanchiment pour papier, qui            programs on cartels, 18 november 2003 et Version finale,             crise économique par le conseil qui a in-
      ont pris part à une entente portant sur la répartition du marché       the impact of leniency and Whistleblowing programs on                formé les entreprises sanctionnées
      et la fixation des prix, Bruxelles, 11 juin 2008, 3 p. ce qu’elle      cartels, international Journal of industrial organization,           qu’elles pouvaient demander un échéan-
      exprimait déjà dans l’affaire du cartel du caoutchouc chloro-          21 June 2005, disponible sur idei.fr, pour citer les prin-         cier de paiement au comptable public
      prene : communiqué comm. cE n° ip/07/1855, Ententes :                  cipales contributions), une décision du 11 mars                      (communiqué de presse en date du 16 décembre 2008).
      la commission inflige des amendes d’un total de 247,6 millions         2008 l’illustre parfaitement. la commis-                             pour autant, la tendance générale est
      € aux producteurs de caoutchouc chloroprene pour des accords           sion a reconnu et sanctionné le cartel des                           bien au durcissement de la sanction ad-
      de partage du marché et de fixation des prix, Bruxelles, 5 dé-         déménagements internationaux à partir,                               ministrative ou pénale à l’égard des en-
      cembre 2007). Elle a averti que « Les amendes                          comme à destination, de la Belgique. ce                              treprises, la volonté affichée d’y ajouter
      imposées aux entreprises continueront                                  cartel avait duré dix-neuf ans. il n’a pris                          un volet de réparation civile tangible n’est
      d’augmenter en cas de récidive ».                                      fin qu’en raison de l’enquête menée par                              pas avérée dans les faits.
                                                                             la commission. cela prouve que la po-
      b)Leslimitesduesdelaclémence                                     litique de clémence ne peut se substituer                            a)Undurcissementgénéralisé
      cette fermeté de la commission dans sa                                 à une vraie politique d’enquête. Elle n’en                           Dans ses conclusions sur les sanctions pé-
      politique de sanction est de bon aloi.                                 est qu’un complément (tercinet A., Décisions                         cuniaires, publiées en mai 2008 (ce document
      pourtant d’aucuns peuvent regretter que                                de la commission des 11 mars et 11 juin 2008 sur les cartels         est le fruit d’une analyse commune amorcée en mai 2006 à
      la politique de clémence (on entend par clémence,                      des Déménagements internationaux et du chlorate de sodium :          l’initiative des autorités de concurrence françaises, lors de la
      l’incitation faite par l’autorité de concurrence à l’adresse des       réflexions sur la récidive et la durée rD aff. int. 2008, n° 5,      réunion annuelle des autorités de concurrence européennes,
      entreprises parties à un cartel de dénoncer le cartel et ses           pp. 664-665). Dès lors, il convient que les                          afin d’accroître l’efficacité de la politique de sanction. Cf. ter-
      membres en échange d’une immunité totale ou partielle                  autorités de concurrence ne se départis-                             cinet A., rD aff. int. 2009, n° 2, pp. 199-201), le groupe
      d’amendes administratives ou pénales pour l’entreprise dé-             sent pas de leurs compétences et exper-                              de travail des Autorités de concurrence
      nonciatrice, et l’immunité pour ses dirigeants si leur respon-         tises en matière d’investigation et que                              européennes, l’EcA (l’EcA fut fondée à Amsterdam
      sabilité pénale est engagée au regard des dispositions du              l’État leur laisse les moyens financiers                             en avril 2001. c’est un forum informel de discussion réunissant



112   R E V U E L A M Y D E L A C O N C U R R E N C E • J A N V I E R / M A R S 2 010 • N ° 2 2                                                                 Droit l Économie l régulation
ENTREPRISE ET RISQUE CONCURRENTIEL




                                                                                                                                                                                                                       PERSPECTIVES RÉFLEXIONS CROISÉES
     les autorités de concurrence de l’Espace économique européen,         contribue au respect des règles de droit                           pp. 64-68.) En attendant, pour les victimes,
     à savoir d’un côté, les autorités de concurrence des 27 États         de la concurrence. le premier moyen est                            simples consommateurs, cette absence
     membres de l’union européenne, et la commission européenne,           de permettre aux victimes de se regrouper,                         empêche de facto toute action, le montant
     et de l’autre celles des pays de l’AElE que sont la norvège,          via les actions collectives, ou class actions.                     de leur préjudice fermant la porte, de fait
     l’islande, le lichtenstein et l’autorité de surveillance de l’AElE.   un autre outil incitatif consiste à donner                         souvent plus que de droit, à l’action in-
     régulièrement invitée, la suisse répond toujours favorablement        une prime, c’est-à-dire à récompenser la                           dividuelle. En outre, dans certains États
     à l’invitation) abonde largement dans le sens                         victime qui agit, en lui donnant plus que                          membres, dont la France (cf. t. com nanterre,
     des lignes directrices de la commission.                              la simple réparation du préjudice réel subi.                       11 mai 2006, sA les laboratoires pharmaceutiques Arko-
     il souhaite que les amendes atteignent un                             il s’agit des dommages et intérêts punitifs                        pharma c/ roche et Hoffman la roche ; et t. com. paris,
     niveau de dissuasion adéquat (EcA Working                             qui ont pour avantage non négligeable                              26 janv. 2007, Juva c/ Hauffmann la roche), des en-
     Group on sanctions , pecuniary sanctions imposed on under-            d’inciter les victimes à prendre le temps                          treprises clientes des membres du cartel
     takings for infringements of antitrust law : principles for conver-   de mener l’affaire à son terme, et lorsqu’il                       agissent en réparation de leur préjudice
     gence, May 2008, p. 3, pts. 5, 6 et 8, et p. 6, pt. 19). En           ne s’agit pas d’une action de suite, à in-                         et se voient débouter au motif que ce
     matière de circonstances atténuantes (EcA                             vestir dans l’établissement de la preuve.                          n’est point elles mais leur propres clients
     Working Group on sanctions, pecuniary sanctions imposed               tel est le choix opéré par le droit américain                      qui ont subi le préjudice résultant de l’aug-
     on undertakings for infringements of antitrust law : principles       (on observe que la jurisprudence canadienne semble évoluer         mentation des prix, celles-ci ayant reporté
     for convergence, May 2008, pp. 5 à 7, pts. 16 à 21), il sou-          sur cette question. Cf. Gcr, March 8, 2010, certification of       tout ou partie de ladite augmentation de
     tient la jurisprudence de la cJuE, lorsqu’il                          antitrust class actions in canada : is the bar lowering?) qui      leur prix d’achat sur leur propre clientèle
     demande qu’aucune réduction d’amende                                  explique qu’en matière de pratiques an-                            (ou la Passing on defense). En l’absence d’action
     ne soit acquise du seul fait que l’entreprise                         ticoncurrentielles le Private enforcement                          de groupe qui prive les victimes finales
     n’a pas approuvé expressément le com-                                 représente plus de 80 % des actions. ces                           d’un moyen d’action, l’accueil de la Pas-
     portement ayant fait l’objet de la pratique                           class actions débouchent le plus souvent                           sing on defense revient à accorder une
     concertée, ou n’a pas assisté à toutes les                                                                                               immunité civile de fait dans nombre de
     réunions concernées, « sauf si le compor-                                                                                                pays européens, dont la France.
     tement de l’entreprise en cause s’est signi-
                                                                                     Lesautoritésde                                         le royaume-uni dispose d’un tel outil
     ficativement et ouvertement écarté de la                                        concurrencene                                           et se propose de l’adapter en s’inspirant
     ligne de conduite proposée, et que sa par-                                 devraientpass’engager                                       du modèle américain (civil Justice council, De-
     ticipation à l’entente est véritablement ac-                                   suruneméthode                                          veloping a More Efficient and Effective procedure for collective
     cessoire ».                                                                  decalculpermettant                                       Actions – A series of recommendations to the lord chancellor,
     conformément à la jurisprudence ac-                                            defixerdefaçon                                         July 2008. Disponible sur le site, commenté par tercinet A.
     tuelle, le groupe de travail observe qu’un                                      arithmétiqueet                                          in rD aff. int. 2008, n° 6, pp. 786-787). En outre, la
     certain degré d’incertitude sur le montant                                 automatiquelemontant                                        cour d’appel de londres, dans l’affaire
     réel de la sanction résultant de l’appli-                                     del’amende,mais                                          Devenish Nutrition Ltd contre Sanofi-
     cation d’une méthode donnée peut ac-                                         devraientconserver                                        Aventis SA et autres (Devenish et al. v. Vitamin
     croître son effet dissuasif, dans la mesure                                                                                              cartelists [2007] EWHc 2394 (ch), and Devenish nutrition
                                                                                  unecertainemarge
     où les contrevenants potentiels ne peu-                                                                                                  ltd v. sanofi-Aventis sA and others [2008] EWcA civ 1086 ;
     vent alors effectuer à l’avance un calcul
                                                                                     demanœuvre.                                             [2008] Wlr (D) 317), a rejeté la possibilité que
     exact du risque encouru. Dès lors, les                                                                                                   les acheteurs indirects et les acheteurs
     autorités de concurrence ne devraient                                 sur des transactions. un exemple en est                            directs puissent ensemble mener une ac-
     pas s’engager sur une méthode de calcul                               donné par la société Hynix semiconductor                           tion en dédommagement. Devenish nu-
     permettant de fixer de façon arithmétique                             et cinq de ses concurrents accusés d’en-                           trition ltd n’a pas pu prouver le montant
     et automatique le montant de l’amende,                                tente sur les prix. ils ont accepté de payer                       de ses pertes réelles dues au cartel, car
     mais devraient conserver une certaine                                 $25 millions à la class (Cf. srAM makers settle                    il avait transféré les prix supérieurs im-
     marge de manœuvre (EcA Working Group on                               lawsuit out of court, Gcr January 25, 2010).                       posés par le cartel sur ses propres clients.
     sanctions, pecuniary sanctions imposed on undertakings for            la possibilité d’intenter une action col-                          la cour a accueilli la passing on defence.
     infringements of antitrust law : principles for convergence,          lective n’est pas reconnue dans la plupart                         l’italie, pour sa part, a introduit dans son
     May 2008, pp. 2 et 3, pt. 4).                                         des droits nationaux de l’EEE (livre vert de                       code de la consommation l’action de
     Enfin, suivant en cela le souci actuel de                             la commission sur les actions en dommages et intérêts pour         groupe pour réparation des préjudices su-
     la commission européenne de voir les                                  infraction aux règles communautaires sur les ententes et les       bis par les consommateurs (c. consom. italien,
     victimes de ces pratiques indemnisées,                                abus de position dominante, Bruxelles, 19 déc. 2005,               art. 3, les définit comme n’agissant pas à des fins profession-
     il propose une réduction d’amende                                     coM(2005)672 final ; sEc(2005) 1732. la commission en-             nelles) dont tout préjudice découlant d’une
     lorsque le contrevenant engage des ac-                                courage son introduction dans l’ensemble des États membres         pratique anticoncurrentielle. le système
     tions concrètes, afin d’atténuer les consé-                           de l’union : livre blanc sur les actions en dommages et intérêts   de l’opt in est celui retenu (le système de l’opt
     quences négatives de ses pratiques, par                               pour infraction aux règles communautaires sur les ententes         in veut que l’action collective ne représente que les consom-
     exemple, en fournissant volontairement                                et les abus de position dominante, {sEc(2008) 404, sEc(2008)       mateurs qui ont adhéré par écrit expressément à l’action col-
     aux victimes, et dans des délais raison-                              405 ; sEc(2008) 406}, commission des communautés euro-             lective), avec possibilité d’adhérer en cours
     nables, une compensation adéquate. cela                               péennes, Bruxelles, le 2 avril 2008). Au sein de                   de procédure. la loi (l. fin. n° 244, 24 déc. 2007.
     constituerait un réel progrès dans l’en-                              l’union européenne, la commission tente                            Cf. le More p., chronique, rD aff. int. 2009, n° 2, pp. 207-
     semble des États de l’EEE.                                            de proposer des « options » (Cf. speech/10/25                      208) devait entrer en vigueur fin 2009.
                                                                           Joaquín Almunia, Vice-président de la commission européenne        un autre moyen au service de l’action ci-
     b)Uneimmunitéciviledefait                                        en charge de la politique de concurrence, la politique de la       vile en réparation est apparu à la faveur
     il y a plusieurs moyens pour inciter les                              concurrence de l’union européenne en 2010 et au-delà, 15 fé-       de la jurisprudence allemande (jugement de
     victimes des comportements anticoncur-                                vrier 2010, p. 6. Cf. également Jalabert-Doury n., le projet       la cour régionale de Düsseldorf, 21 févr. 2007, confirmé par
     rentiels en général, et des cartels en par-                           de directive communautaire sur les actions indemnitaires :         la cour d’appel de Düsseldorf, 14 mai 2008, n° Vi-u (Kart)
     ticulier, à défendre leurs intérêts, ce qui                           une action d’éclat bien vite enterrée, rD aff. int. 2010, n° 1,    14/07, commenté par le More p. in rD aff. int. 2008, n° 5,         



Droit l Économie l régulation                                                                                   N ° 2 2 • J A N V I E R / M A R S 2 010 • R E V U E L A M Y D E L A C O N C U R R E N C E        113
L’ÉVOLUTION DU RISQUE CONCURRENTIEL DANS UNE ÉCONOMIE GLOBALISÉE : UNE APPROCHE COMPARÉE




      p. 670) qui a reconnu comme valable la ces-                       entre États fédérés, et aux cartels inter-                         la première est de déterminer le volume
      sion de créances faite par trente six en-                         nationaux. les cartels constituent une in-                         du commerce affecté en vertu de l’u.s.s.G.
      treprises, victimes du cartel allemand du                         fraction à la section 1 du Sherman Anti-                           §2r1.1 (d) (1) qui prend pour assiette les
      ciment, à la société belge, cDc Damage                            trust Act (« Every contract, combination in the form of a          ventes mondiales affectées par la viola-
      claims sA. De facto cela ouvre grand la                           trust or otherwise, or conspiracy, in restraint of trade or com-   tion, c’est-à-dire États-unis et étranger,
      porte des actions en réparation pour les                          merce among the several States, or with foreign nations, is        au lieu de se limiter aux ventes aux États-
      victimes. une nouvelle forme de forum                             hereby declared to be illegal... »), de nature pénale.             unis pour calculer le montant de
      shopping voit le jour. Dans cet arrêt, la                         l’action pénale est de la compétence ex-                           l’amende. l’u.s.s.G. §2r1.1 (d) (2) dis-
      cour d’appel a reconnu recevable l’action                         lusive du Department of Justice Antitrust                          pose que le volume de commerce attri-
      en réparation intentée par la société cDc                         Division. Depuis le 22 juin 2004, le U.S.                          buable à un participant individuel à une
      Damage claims sA (elle argue d’un préjudice estimé                Criminal Antitrust Statute a été amendé                            conspiracy est le volume de commerce
      à plus de 110 millions) contre les membres du                     et les sanctions criminelles ont été ren-                          fait par lui ou son mandant dans les mar-
      cartel allemand du ciment condamnés                               forcées (ce qui était souhaité par le Deputy Assitant At-          chandises ou services affectés par la vio-
      quatre ans plus tôt à 661 millions €                              torney General spratling G. r. in Are the recent titanic fines     lation (pour savoir quelles conduites sont pertinentes pour
      d’amendes (communiqué Bundeskartellamt, 14 avr.                   in antitrust cases just the tip of the iceberg?, 12th Annual na-   calculer les caractéristiques d’une infraction spécifique à la
      2003, disponible sur son site : www.Bundeskartellamt.de).       tional institute on White collar crime, ABA’s criminal Justice     section 1 de la loi Sherman, l’u.s.s.G. §1B1.3 dispose que
      quant aux dommages et intérêts punitifs,                          section, March 6, 1998, préc., p. 15). pour les sociétés,          « all acts and omissions committed, aided, abetted, counseled,
      on note un rejet plus ou moins explicite,                         les amendes pénales pour violation per                             commanded, induced, procured, or willfully caused by the de-
      et quasi unanime dans l’Espace écono-                             se vont jusqu’à 100 million $, ou deux                             fendant (…) that occured during the commission of the offense
      mique européen. À l’exception du                                                                                                     of conviction (and) solely with respect to offenses of a character
      royaume-uni, où ce refus n’est ni total ni                                                                                           for which §3D1.2 (d) would require grouping of multiple counts,
      définitif. un arrêt de la cour d’appel de
                                                                                 Contrairementaux                                         all acts and omissions [just] described (...) that were part of
      londres de 2008 (Devenish nutrition ltd v.sanofi-
                                                                             amendessanctionnantla                                       the same course of conduct or common scheme or plan as the
      Aventis sA and others [2008] EWcA civ 1086 ; [2008] Wlr                violationdesarticles101                                    offense of conviction » [get counted in calculating specific of-
      (D) 317) éclaire sur l’état de la jurisprudence                               et102endroit                                        fenses characteristics]. Cf. spratling G. r., Are the recent
      au royaume-uni sur la question. la cour                                   communautaire(…)                                          titanic fines in antitrust cases just the tip of the iceberg?,
      refuse d’octroyer des dommages et intérêts                                  l’amendeendroit                                        12th Annual national institute on White collar crime, ABA’s
      punitifs dans des actions de suite (i.e. lorsque                           antitrustaméricain                                       criminal Justice section, March 6, 1998, préc., p. 13). Ainsi,
      les membres du cartel ont déjà été sanctionnés par une Autorité            prendpourassiette                                      contrairement aux amendes sanctionnant
      de concurrence de la communauté ; tercinet A., chronique,                lechiffred’affairesde                                   la violation des articles 101 et 102 en droit
      rD aff. int. 2009, n° 2, pp. 206-207) au nom de l’in-                     lasociétésurleseul                                     communautaire, qui prennent pour as-
      terdiction de la double peine, de la cohé-                             marchépertinentaffecté                                      siette le chiffre d’affaires mondial global
      rence avec le programme de clémence, et                                                                                              de l’entreprise en cause, c’est-à-dire tous
      du fait que le juge ne doit pas se substituer
                                                                                  parlaconspiracy.                                       produits confondus et/ou tous produits,
      au politique. lord Justice longmore déclare                                                                                          et services, l’amende en droit antitrust
      dans cet arrêt que « Le seul véritable ar-                        fois le montant des bénéfices bruts réalisés                       américain prend pour assiette le chiffre
      gument en faveur [de dommages et intérêts                         par le défendeur à l’action, ou deux fois                          d’affaires de la société sur le seul marché
      punitifs] est un argument politique qui veut                      le montant des pertes financières des vic-                         pertinent affecté par la conspiracy.
      que les cartels sont un mal notoire, et que                       times (« Up to $100 millions for corporations and up to $1         la deuxième possibilité est de considérer
      les juridictions civiles devraient d’une façon,                   million for physical persons or twice the gain resulting from      les ventes en dehors des États-unis
      ou d’une autre, fournir une incitation pour                       the violation or the loss caused to the victims, whichever is      comme une circonstance aggravante qui
      leur éradication. (…) Mais il ne [lui] semble                     higher, and for physical person imprisonment not exceeding         requiert un ajustement à la hausse du
      pas juste pour les juridictions de franchir                       ten years » in the « Alternative fine statute »). À cela           calcul de l’amende dans le cadre des
      cette étape de leur propre initiative » (tDA).                    peuvent s’ajouter des injonctions, et/ou                           Sentencing Guidelines en vertu de
      cette jurisprudence ne devrait que par-                           l’interdiction de traiter des marchés avec                         l’u.s.s.G. §5 K2.0 (in spratling G. r., Are the recent
      tiellement limiter l’incitation des victimes                      le Gouvernement fédéral, ce qui constitue                          titanic fines in antitrust cases just the tip of the iceberg?,
      de cartels à agir en justice, car elle se limite                  une peine complémentaire très efficace.                            12th Annual national institute on White collar crime, ABA’s
      aux actions de suite.                                             l’action publique s’ajoute à l’action civile,                      criminal Justice section, March 6, 1998, préc., p. 12).
                                                                        très fortement développée en matière de                            cette application des Sentencing Guide-
      A. – Au-delà de l’Espace                                          collusion aux États-unis, contrairement                            lines a eu lieu dans l’affaire Construction
      économique européen                                               à ce que nous connaissons en Europe, et                            Marine, et dans celle dite du Gluconate
      le droit antitrust américain constitue le                         particulièrement en France.                                        de Sodium, toutes deux de 1997 et 1998.
      modèle de référence pour nombre d’États                                                                                              les ventes à l’étranger ne furent pas
      de par le monde. le droit fédéral antitrust,                      a)Unesévéritéaccrue                                            prises en compte dans le calcul du vo-
      dont l’acte fondateur est advenu un an                            En matière de lutte contre les cartels in-                         lume de commerce affecté, mais comme
      après son pendant canadien, fut le premier                        ternationaux, le principe est inversé : le                         base d’ajustement de l’amende en vertu
      appliqué. il a connu de vraies évolutions                         Public inforcement précède le Private en-                          de l’u.s.s.G. §5 K2.0. Dans l’affaire dite
      au gré des présidences avec l’introduction                        forcement. une des questions que la lutte                          du Gluconate de sodium, la section 5K2.0
      d’outils procéduraux performants, dont                            contre les cartels internationaux a posé                           (« There exists an aggravating or mitigating circumstance
      un mécanisme sophistiqué de clémence                              au Department of Justice est de savoir                             of a kind, or to a degree, not adequately taken into account
      sous l’administration clinton.                                    s’il était possible de tenir compte de la                          by the sentencing Commission in formulating the guidelines
                                                                        dimension internationale, et donc des                              that should result in a sentence different from that described »)
      1) Aux États-Unis                                                 ventes internationales dans le calcul de                           fut utilisée pour prononcer une amende
      le droit fédéral américain s’intéresse aux                        l’amende. les Sentencing Guidelines ou-                            supérieure à ce que prévoyait les Gui-
      cartels nationaux affectant le commerce                           vrent deux possibilités de ce faire.                               delines. le défendeur à l’action accepta


114   R E V U E L A M Y D E L A C O N C U R R E N C E • J A N V I E R / M A R S 2 010 • N ° 2 2                                                          Droit l Économie l régulation
ENTREPRISE ET RISQUE CONCURRENTIEL




                                                                                                                                                                                                                      PERSPECTIVES RÉFLEXIONS CROISÉES
     de payer une amende de 2,5 millions de                                  2) Du Brésil à la Corée du Sud                                    qu’afin de déterminer le montant de
     dollars, alors que le volume de commerce                                le Brésil, depuis 2003, a fait de la lutte                        l’amende administrative, la Federal Trade
     qu’il réalisa aux États-unis pendant la                                 contre les cartels sa priorité. il a suivi le                     Commission doit prendre en considération
     période de l’infraction, était de 2,6 mil-                              modèle américain dans le choix de son                             entre autres les motifs, et les résultats…
     lions de dollars, et que la fourchette pré-                             dispositif de lutte contre les cartels, en                        de la violation concertée (article 65 (3) in deter-
     vue par les Guidelines était entre 748 000                              optant pour la pénalisation de la pratique,                       mining the amount of administrative fines, the Fair trade
     et 1 282 000 dollars. la cour suivit la re-                             et en introduisant un programme de clé-                           commission shall take into consideration the motives, results,
     commandation de l’Antitrust Division.                                   mence similaire. le résultat est concluant                        etc. of the concerned violation).
     le défendeur fut condamné à 2,5 millions                                avec vingt huit cartels sanctionnés pour                          on peut également citer l’Afrique du sud
     de dollars, afin de mieux refléter le vrai                              la seule année 2008. il y consacre 75 %                           comme proactive en matière de lutte
     rôle du défendeur dans le cartel inter-                                 des ressources de son autorité d’enquête,                         contre ses pratiques anticoncurrentielles.
     national.                                                               le secrétariat du Droit Économique du                             ce pays a fait le choix de la sanction ad-
                                                                             ministère de la Justice (sDE ; Mariana tavares                    ministrative. il s’agit d’une amende ne
     b)Actuelleetàvenir                                                  de Araujo, secretary of Economic law, Washington, March           pouvant dépasser les 10 % du chiffre d’af-
     l’American Antitrust Institute (AAI ; fondée                            2008 et Ana paula Martinez, Head of competition Division,         faires de l’entreprise reconnue contreve-
     en 1998, en réaction à l’affaiblissement des ressources dévolues        sDE, Ministry of Justice, speech for the icn Workshop, in-        nante, chiffre d’affaires réalisé sur le ter-
     à l’Antitrust par l’administration Bush junior, à une époque            novative ways of detecting cartels : the Brazilian Experience,    ritoire de l’Afrique du sud et ses
     de complexification de l’économie, l’AAi est une association            october 2008). son tribunal administratif, le                     exportations à partir de l’Afrique du sud,
     à but non lucratif, d’intérêt public. Elle est dédiée à la formation,   conseil administratif pour la défense éco-                        durant l’année précédente (competition Act
     la recherche et l’essor de la politique de concurrence dans             nomique (cADE ; cf. l’Accord de coopération entre le              1998, art. 59, tel qu’il a été amendé en 1999 et en 2000, dis-
     l’intérêt du consommateur. on trouve en son sein des fon-               sED et le cADE, pour une période de deux ans, publié au           ponible sur le site de la commission de la concurrence sud
     dations, des cabinets d’avocats, des associations, des entre-           Bulletin officiel le 20 août 2007), a ainsi prononcé,             africaine : www.compcom.co.za). pour la déter-
     prises, des individus et des organismes publics) dans son               en 2007, un montant total d’amendes de                            mination de l’amende, elle tient compte,
     rapport sur la politique de concurrence                                 plus de 11, 6 millions de $us, alors qu’il                        comme en droit communautaire, de la
     à l’adresse du 44e président des États-                                 était de 1, 4 millions de $us en 2003. la                         nature, de la durée de la gravité, et de
     unis, publié en octobre 2008 (rapport de l’AAi,                         chambre des députés a adopté un projet                            l’étendue de la violation, mais également
     disponible sur le site www.antitrustinstitute.org), a                 de loi de modernisation du droit de la                            du préjudice en résultant, du comporte-
     fait des propositions de nature législative.                            concurrence et de restructuration du                              ment de l’entreprise en cause, des cir-
     il affiche des priorités d’actions, tant à                              cADE (projet de loi n° 3937/04, disponible sur le site            constances sur le marché pertinent au
     l’administration obama qu’au congrès.                                   www.cade.gov.br), qui renforce ses pou-                         moment des faits, du degré de coopération
     il propose d’abord que les ressources fi-                               voirs et aggrave les sanctions (mi-2008 déjà,                     du contrevenant et de la récidive, s’il y
     nancières de l’Antitrust Division soient                                le rapport annuel sur les Développements de la politique de       a (competition Act 1998, art. 59, § 3). Elle applique
     augmentées de manière significative.                                    concurrence au Brésil publié par l’ocDE affichait cette né-       ce droit aussi bien à des entreprises res-
     En matière de cartels et concernant les                                 cessité de réformer, et la volonté sans faille de maintenir ce    sortissantes de son territoire, comme dans
     entreprises, il souhaite que le Department                              durcissement de la politique de sanction à l’égard des cartels.   le cartel sur le pain, où la commission
     of Justice accroisse l’occurrence autant                                Cf. oEcD, Directorate For Financial And Enterprise Affairs,       de la concurrence a conclu un accord
     que la sévérité des amendes pour ententes                               competition committee, Annual report on competition               avec Foodcorp (competition commission press sta-
     sur les prix (tercinet A., États-unis rapport de l’AAi                  policy Developments in Brazil-2007- DAF/coMp(2008), 30            tement, 5 January 2009, sur le site de la commission de
     sur l’assiette de la sanction, chronique, rD aff. int. 2009,            May 2008). il devrait être adopté prochai-                        l’Afrique du sud : www.compcom.co.za) qui a re-
     n° 2, pp. 210-211). pour ce qui est des amendes                         nement par le sénat.                                              connu sa participation au cartel sur les
     infligées aux entreprises, l’AAi demande                                la corée du sud pour sa part, fait figure                         prix, et par lequel elle accepta de payer
     à l’Antitrust Division de recommander à                                 de meilleur élève parmi les pays émer-                            une amende de près de 3,5 millions €,
     la cour de calculer les amendes des en-                                 gents de l’Asie du sud Est dans l’instau-                         qu’à des entreprises tierces. Ainsi, dans
     treprises en matière de cartels interna-                                ration et la mise en œuvre d’une politique                        l’affaire de la soude, après dix ans d’en-
     tionaux sur une base fondée sur les ventes                              de concurrence. la loi dite Monopoly Re-                          quête, la commission de la concurrence
     mondiales affectées, et non plus sur les                                gulation  Fair Trade Act (promulguée par la                      a conclu un accord avec l’American Na-
     seules ventes nationales, et d’en faire sa                              loi n° 3320 du 31 décembre 1980, telle qu’elle a été amendée      tural Soda Ash Corporation (competition com-
     pratique courante. cela rapprocherait                                   quinze fois dont dernièrement par la loi n° 7315, du 31 dé-       mission press statement, 4 november 2008, sur le site de la
     l’assiette de l’amende aux États-unis de                                cembre 2004), opère une distinction entre les                     commission de l’Afrique du sud : www.compcom.co.za),
     celle retenue par la commission euro-                                   restrictions de concurrence provenant                             association de sociétés américaines pro-
     péenne. De plus, le congrès est invité à                                d’une entente nationale, et celles prove-                         ductrices de soude, au terme duquel l’An-
     porter l’amende maximale destinée à                                     nant de contrats internationaux. celles                           sAc reconnaissait que son accord d’as-
     l’entreprise à 1 milliard $.                                            provenant de contrats internationaux sont                         sociation éliminait la concurrence sur les
     Enfin, l’AAi demande de veiller à instau-                               bien moins lourdement sanctionnées (ar-                           prix entre ses membres pour les ventes
     rer un juste équilibre entre les amendes                                ticle 34-2). les articles 21 et 22 de la loi pré-                 à l’export à destination de l’Afrique du
     et les Punitive damages. l’équité veut                                  voient que la Federal Trade Commission                            sud. cela violait la section 4 (1) (b)(i)
     que l’augmentation des amendes pénales                                  coréenne peut sanctionner les cartels en                          du Competition Act. l’AnsAc a accepté
     ne devrait pas nuire au montant des dé-                                 ordonnant la cessation du comportement                            de payer une amende administrative de
     dommagements à octroyer aux victimes                                    par l’entreprise en cause, en annonçant                           9 millions rands soit 693 000€, représen-
     de ces pratiques. De même, le rapport                                   publiquement cela, ou en prenant d’autres                         tant 8 % du chiffre d’affaires annuel de
     encourage l’Antitrust Division à poursui-                               mesures correctives. Elle peut imposer                            la soude en Afrique du sud. Elle s’est en-
     vre sur le fondement de la section 4A                                   une sanction administrative, à savoir :                           gagée à modifier son règlement interne
     pour les préjudices subis par le gouver-                                une amende d’un montant pouvant aller                             qui obligeait ses membres à ne vendre à
     nement fédéral, en tant qu’acheteur vic-                                jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires. l’ar-                         l’export, hors canada, que via l’AnsAc
     time du cartel.                                                         ticle 65 du décret d’application dispose                          (l’AnsAc avait été créée sur le fondement de l’United States     



Droit l Économie l régulation                                                                                     N ° 2 2 • J A N V I E R / M A R S 2 010 • R E V U E L A M Y D E L A C O N C U R R E N C E     115
L’ÉVOLUTION DU RISQUE CONCURRENTIEL DANS UNE ÉCONOMIE GLOBALISÉE : UNE APPROCHE COMPARÉE




      Export Trade Act de 1918, dit Webb-Pomerene Act), afin             ploitation abusive d’une position domi-                           entente sur les prix, et attributions de mar-
      de permettre à ses membres de négocier                             nante, est dans la lignée des peines pré-                         chés et d’appels d’offres. les victimes au
      et de contracter en direct avec les clients                        vues en Europe, avec un maximum de                                royaume-uni, comme aux États-unis
      sud africains. cette affaire est d’impor-                          quatre ans, mais tel n’est pas le cas de                          (cf. chronique de le More p., rD aff. int. 2008, n° 3, p. 3,
      tance car la commission de la concurrence                          l’amende pénale qui n’est actuellement                            2008, p. 376), étaient entre autres, le ministère
      sud-africaine a fait échec au Webb-Po-                             que de 75 000 € (c. com., art. l. 420-6). ce pla-                 de la Défense, des compagnies de forage
      merene Act américain qui exempte les as-                           fond devrait être augmenté afin de remplir                        off-shore et de transport des produits pé-
      sociations américaines de commerce à                               son rôle de dissuasion supposée (cf. rapp.                        troliers, sans oublier, les contribuables
      l’export du champ d’application du Sher-                           coulon préc., p. 57). la commission reprend                       (tercinet A., royaume-uni : suites de l’affaire Marine Hoses,
      man Act.                                                           ici la suggestion du conseil de la concur-                        chronique, rD aff. int., pp. 668 et 669). Ainsi Bryan
                                                                         rence. En parallèle, elle préconise judi-                         Allison, Managing Director de Dunlop oil
                                                                         cieusement un allongement des délais de                            Marine ltd fut condamné à trois ans de
      II. – LE RISQUE CONCURRENTIEL                                      prescription au pénal, de 3 ans à 7 ans,                          prison, réduit en appel à 2 ans et £25 000
      POUR LES DIRIGEANTS                                                si le délit est punissable d’une peine su-                        d’amende pénale. David Brammar, sales
      la tendance est au durcissement de la po-                          périeure ou égale à 3 ans de prison (ou à                          Marketing Director de Dunlop oil  Ma-
      litique de sanction avec une extension du                          5 ans si le délit est punissable d’un peine inférieure à 3 ans    rine ltd fut condamné à deux ans et demi
      champ de celle-ci aux dirigeants sur l’en-                         de prison, cf. rapp. p. 102), ce qui est le cas avec              de prison, réduit à 20 mois après appel.
      semble des continents, et donc aux per-                            l’article l. 420-6 du code de commerce.                           peter Whittle, ancien employé de Dunlop,
      sonnes physiques qui décident et mettent                           on note que la responsabilité pénale des                          devenu officiellement consultant indépen-
      sciemment en œuvre ces pratiques. il faut                          dirigeants n’a été engagée que dans moins                         dant et propriétaire de pW consulting (oil
      entendre par dirigeants, l’ensemble des                            de dix affaires à ce jour (cf. David É., les poursuites            Marine) ltd., qui coordonnait l’entente
      dirigeants d’entreprises comme les DAF,                            pénales contre les auteurs de pratiques anticoncurrentielles,     fut condamné à trois ans de prison, réduit
      les directeurs commerciaux de zone ou                              concurrences n° 2-2006, pp. 175 et s. ; et cheynel B., criminal   à 30 mois après appel. l’irlande a égale-
      de secteur, et les directeurs marketing. le                        Enforcement du droit de la concurrence : un risque concur-        ment fait le choix de la responsabilité pé-
      risque concurrentiel pour les dirigeants                           rentiel émergeant, rlc, 2010/22, n° 1565).                        nale des dirigeants en 2002 avec la sec-
      consiste en une amende de plus en plus                             la norvège a fait le choix d’une pénali-                          tion 6 Competition Act. la Central Criminal
      souvent pénale, voire une peine d’empri-                           sation du droit des cartels, dans sa loi sur                      Court de Dublin a pour la première fois
      sonnement ou autre peine privative de li-                          la concurrence de 1993, telle qu’amendée                          condamné à une peine de prison ferme
      berté comme la consignation au domicile                            par la loi du 5 mai 2000 (n° 35 on Competition                    un manager pour sa participation à un
      avec bracelet électronique, avec de plus                           between undertakings and Control with concentrations). sa         cartelle 29 novembre 2009 (la peine est bien
      en plus souvent associée une peine d’in-                           section 6-6, Penal provisions prévoit une                         plus modique que celles prononcées au royaume-uni, puisque
      terdiction d’exercer des fonctions de di-                          peine pouvant aller jusqu’à trois ans, dès                        la condamnation fut de 28 jours. ce qui est conforme aux pré-
      rection, ou Disqualification order.                                lors qu’il y a intention ou négligence, et                        conisations des économistes cités supra).
                                                                         juqu’à six ans, si on note des circonstances                      la tchéquie, a introduit en janvier 2009
      A. – Sur le territoire de l’Espace                                 aggravantes. cette section prévoit une                            un Article 248 (loi du 27 janvier 2009, roman Barinka,
      économique européen                                                sanction pouvant aller jusqu’à trois ans                          e-competitions, Janvier 2009-ii) au code pénal, au
      sans être exhaustif, on peut présenter le                          pour avoir fourni de fausses informations                         titre duquel toute personne ayant conclu
      développement du risque pénal pour les                             ou des informations incomplètes.                                  un accord restrictif de concurrence du
      dirigeants d’entreprises, dans l’EEE, ainsi.                       le royaume-uni a également fait ce choix                          type accord de fixation de prix, ou de ré-
                                                                         de la répression pénale avec la loi Enter-                        partition de marché avec un concurrent
      1) Le risque pénal pour                                            prise Act de 2002. constitue une infraction                       est passible d’une peine d’emprisonne-
      les dirigeants
                                                                         pénale individuelle le fait de prendre part                       ment d’un mois à 8 ans selon l’impact
      En France, le rapport de la commission                             à un cartel malhonnêtement. toute per-                            de la pratique anticoncurrentielle. le sys-
      coulon, de janvier 2008 (rapport au garde des                      sonne convaincue d’une telle infraction                           tème mis en place fonctionne par seuil.
      sceaux, ministre de la Justice, la dépénalisation de la vie des    sera punie d’une peine d’emprisonnement                           si le dommage est inférieur à 18 000 € le
      affaires, Groupe de travail présidé par Jean-Marie coulon,         pouvant aller jusqu’à cinq ans, et d’une                          maximum sera de 3 ans de prison, s’il
      premier président Honoraire de la cour d’appel de paris,           amende d’un montant illimité. une peine                           est supérieur à 18 000 € mais inférieur à
      paris, collection des rapports officiels, Janvier 2008. commenté   complémentaire est prévue : tout dirigeant                        180 000 €, la peine sera comprise entre
      par tercinet A., in le rapport de la commission coulon, chro-      d’entreprise impliqué dans une activité                           6 mois et 5 ans, de même en cas de ré-
      nique, rD aff. int. 2008, n° 4, pp. 538-539) emboîte le            de cartel peut être interdit de direction                         cidive. Elle sera de 2 à 8 ans si le dom-
      pas de la pénalisation croissante des pra-                         d’entreprise pour une durée pouvant aller                         mage est supérieur à 180 000 €.
      tiques anticoncurrentielles graves, obser-                         jusqu’à quinze ans (www.oft.gov.uk/advice_and_re-
      vée en Europe (exemple dans l’union européenne :                   sources/resource_base/cartels). pour la première
                                                                                                                                           2) Une sanction autonome
                                                                                                                                           ou complémentaire : l’interdiction
      l’Allemagne, l’Autriche, l’italie et le royaume-uni). il pré-      fois, le 11 juin 2008 (les charges portaient au                   d’exercer en qualité de dirigeant
      conise un renforcement de la répression                            royaume-uni sur la période du 20 juin 2003 au 2 mai 2007,         ou Disqualification order
      pénale, en mettant l’accent sur celle à                            date de leur arrestation aux États-unis), une Crown
      l’égard des personnes physiques. la com-                           Court a fait application de cette section                         on trouve cette interdiction d’exercer en
      mission coulon estime que la sanction                              188 de l’Enterprise Act. Elle a condamné                          qualité de directeur dans le droit du
      pénale a un effet plus dissuasif que la                            trois cadres dirigeants à des peines d’em-                        royaume-uni (section 188 Enterprise Act 2000). Ap-
      seule sanction administrative (rappel : l’amende                   prisonnement, et d’interdiction d’exercer                         plication en a été faite par la crown court,
      administrative a vu son plafond porté à 10 % du chiffre d’af-      en qualité de directeurs, pour participation                      le 11 juin 2008, dans l’affaire du cartel
      faires mondial des sociétés sanctionnées avec la loi nrE du        au cartel mondial sur les tuyaux marins,                          des tuyaux marins (op. cit.). Ainsi Bryan Al-
      15 mai 2001. Cf. sur ce point le rapport op. cit., p. 64). En      et équipements accessoires au royaume-                            lison, Managing Director de Dunlop oil
      France, le quantum de la peine d’empri-                            uni, avec répartition des marchés et des                           Marine ltd fut condamné à sept ans
      sonnement, en cas d’entente, ou d’ex-                              clients, restrictions d’approvisionnement,                        d’interdiction d’exercice en qualité de di-


116   R E V U E L A M Y D E L A C O N C U R R E N C E • J A N V I E R / M A R S 2 010 • N ° 2 2                                                         Droit l Économie l régulation
Revue Lamy Concurrence 2010 N°22-1560, pp.110-118.
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Revue Lamy Concurrence 2010 N°22-1560, pp.110-118.

  • 1. R LC 1560 Par Anne TERCINET Professeur EM Lyon Business School l’évolution du risque concurrentiel dans une économie globalisée : une approche comparée L’article propose une photographie au 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises), contrats de distribution, les contrats de re- plan international du risque concur- comme la société belge Electrabel, du cherche-développement, les contrats de rentiel en matière de cartels transna- Groupe GDF suez, se l’est vu rappeler par spécialisation, ou encore les transferts de tionaux et identifie deux tendances. la commission qui l’a condamnée à 20 mil- technologie qui nécessitent tous que les lions d’euros d’amende (en application de l’article entreprises évaluent leur impact, tant sur Celle du développement du Private 14 du règlement concentration qui permet de prononcer une la concurrence entre les marques que sur enforcement qui en Europe rencontre amende allant jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires total réalisé la concurrence au sein de la marque, une forte opposition, porteuse d’un Fo- par les entreprises concernées en cas de réalisation de l’ac- comme sur le commerce entre États mem- rum shopping. Et celle de l’engage- quisition du contrôle de la cible avant d’obtenir l’autorisation bres, car cela ne pose pas de grandes dif- ment de la responsabilité pénale des de la commission. Amende que la commission eût pu aug- ficultés, les praticiens du droit participant dirigeants dans nombre de pays post menter si l’opération avait entravé de manière significative la à la rédaction desdits contrats. industrialisés, comme de pays émer- concurrence au sens de l’article 2) pour avoir omis l’environnement des pratiques anticon- gents, en raison de l’absence avérée de notifier sa prise de contrôle effective currentielles a significativement changé d’effet dissuasif des seules sanctions de la compagnie nationale du rhône (com- en dix ans. on observe l’accroissement à l’adresse des entreprises, ce malgré muniqué comm. cE n° ip/09/895, 10 juin 2009, disponible du nombre d’autorités de concurrence à un durcissement universel des sanc- sur le site de la commission). c’est pourquoi notre travers le monde. De plus en plus d’États travail va se focaliser sur le seul volet des se sont dotés d’un droit de la concurrence tions à l’adresse de celles-ci. pratiques anticoncurrentielles, le plus com- et d’autorités en charge de veiller au res- O n parle de risque concurrentiel, comme on parle de risque pour l’en- treprise eu égard à la responsabilité du plexe pour l’entreprise. notons qu’il y a une connexité forte entre les stratégies de croissance externe avec fusion absorption pect de celui-ci avec plus ou moins de moyens. Même la chine (souty F., chine : la loi anti-monopole du 30 août 2007 et l’émergence d’un droit fait des produits. il convient donc pour et la prohibition des pratiques anticon- chinois moderne de la concurrence, concurrences, n° 4- l’entreprise de l’évaluer afin de décider currentielles, à plus d’un titre. concernant 2007, pp. 158-164 ; Fox E. M., An Anti-Monopoly law For de la stratégie à adopter. les moyens sont le risque concurrentiel, la jurisprudence china-scaling the Walls of Government restraints, Antitrust variés mais ils supposent avant tout une montre qu’une entreprise repreneuse doit law Journal, 2008, Vol.75 issue 1, pp. 173-195 ; ou encore conscience de celui-ci et une délimitation faire un audit antitrust si elle veut s’assurer owen B. M., sen s. et Zheng W., china’s competition policy fidèle de ses contours. le risque concur- qu’elle n’aura pas la mauvaise surprise reforms : the Anti-Monopoly law and Beyond, Antitrust rentiel s’entend de celui attaché à la vio- de voir sa responsabilité engagée pour la, law Journal, 2008, Vol.75 issue 1, pp. 231-265), s’est lation des règles de droit de la concurrence ou les pratiques anticoncurrentielles de dotée d’un droit de la concurrence avec (nous écartons de notre étude le risque attaché au contentieux l’entreprise absorbée. prohibition desdites pratiques. ces droits des aides d’États car celui-ci devrait faire l’objet d’une étude on entend par pratiques anticoncurren- sont d’application extraterritoriale, de à part entière). il s’agit dès lors du risque relatif tielles, les ententes entre entreprises et les sorte que la coopération entre les autorités au fait de commettre des pratiques abus de position dominante. cela est assez de concurrence est devenue une nécessité anticoncurrentielles (nous ne traiterons pas, dans universel, même si les appellations juri- et une réalité (cf., par exemple, Barbier de la serre É., le cadre de cette étude, de la spécificité française des pratiques diques varient. Ainsi aux États-unis, on paris-londres aller-retour via saint Denis de la réunion : restrictives de concurrence), ou de celui attaché à parlera de Conspiracies in Restraints of première décision du conseil fondée sur des preuves obtenues la violation des dispositions relatives au Trade, ou Collusions, Attempts to mono- en son nom par une autre autorité nationale de concurrence, contrôle des concentrations. le risque at- polize et Monopolizations, là où dans rlc 2009/19, n° 1361), qu’elle soit formelle ou taché au contrôle des concentrations est l’union européenne, on parle d’accords informelle. la coopération est principa- relativement aisé d’approche pour les en- entre entreprises, de pratiques concertées lement bilatérale. une coopération en treprises puisqu’il s’agit pour elles de se et d’abus de position dominante. ce risque, amont s’est également organisée au tra- soumettre à l’obligation de notifier leur comme l’actualité le montre avec l’affaire vers de la structure non gouvernementale projet d’opération concentrative auprès st Gobain et le cartel du verre automobile qu’est l’International Competition Net- de l’ensemble des autorités de concur- (Déc. comm. cE, 12 nov. 2008, cf. communiqué comm. cE work (cf. le site internet du réseau international de concur- rence, sur le territoire desquelles il existe n° ip/08/1685, 12 nov. 2008), touche particulière- rence dit icn pour international competition network : un risque d’affectation de la concurrence. ment les ententes injustifiées tenues se- <www.internationalcompetitionnetwork.org>). celle- Bien sûr, il ne faut pas qu’elles omettent crètes, et dans une moindre proportion les ci a permis ces dernières années une har- de notifier (l’obligation de notification des opérations abus de position dominante, comme avec monisation internationale notable. sans de concentration présente à l’article 4 du règlement (cE) l’affaire Intel (amende de 1,06 milliard € pour abus de oublier, en aval, la coopération connexe n° 064/89 du conseil du 21 décembre 1989 relatif au contrôle position dominante. Déc. comm. cE, 13 mai 2009). nous entre les bureaux nationaux de police, des concentrations entre entreprises, est reprise par l’article 4 n’aborderons pas les accords entre entre- via interpol, qui permet de rechercher du règlement actuel n° 139/2004 du conseil du 20 janvier prises, c’est-à-dire les contrats, comme les les dirigeants « fugitifs ». 110 R E V U E L A M Y D E L A C O N C U R R E N C E • J A N V I E R / M A R S 2 010 • N ° 2 2 Droit l Économie l régulation
  • 2. ENTREPRISE ET RISQUE CONCURRENTIEL PERSPECTIVES RÉFLEXIONS CROISÉES le risque concurrentiel consiste donc tant adaptation du 17 mars 1993) qui étend à la entreprises, comme pour le tribunal (an- dans le risque de sanctions. les sanctions norvège, à l’islande et au liechtenstein ciennement tpicE). pour autant, elles peuvent viser l’entreprise mais aussi, de plusieurs dispositions du traité, le droit ne doivent pas permettre un calcul arith- plus en plus souvent, les dirigeants ayant de la concurrence communautaire s’ap- métique de l’amende car il convient que activement participé de la violation de plique aussi à ces territoires avec une au- les entreprises ne puissent parvenir à une la loi. les sanctions peuvent être de na- torité dite de surveillance en charge de estimation de l’amende encourue si pré- ture diverse. Elles sont principalement son application. cise que cela annihilerait le caractère dis- de nature administrative, pénale, ou en- suasif de l’amende. les lignes directrices core civile. il peut bien entendu y avoir 1) En droit communautaire indiquent l’esprit qui anime la commis- un cumul de ces sanctions. il convient de rappeler en préambule que sion dans le calcul de l’amende, mais Dans ce contexte globalisé, le risque le droit communautaire des pratiques an- celle-ci est reconnue légitime à s’en écar- concurrentiel s’est accru ces dernières an- ticoncurrentielles, c’est-à-dire les arti- ter, dès lors qu’elle motive cette différence nées. les raisons tiennent également d’une cles 101 et 102 du tFuE, est d’applica- de façon compatible avec le principe de volonté politique de durcir les sanctions bilité directe, de sorte que la commission non-discrimination ( cJcE, 28 juin 2005, à l’égard des pratiques les plus nocives et européenne, comme les autorités de aff. c-189/02, Dansk rorindustri A/s, rec. cJcE, i, p. 5425). de tenir compte de l’internationalisation concurrence nationales, le juge national, le tribunal reconnaît cette possibilité de ces pratiques anticoncurrentielles, c’est- ou encore l’Autorité de surveillance de donnée à la commission, afin de remplir à-dire des éléments d’extranéité de nombre l’EEE sont compétents pour l’appliquer. l’objectif de dissuasion à l’égard de l’en- de ces pratiques, qui rendent plus difficile le durcissement de cette politique de treprise en cause, comme des autres la lutte effective contre ces pratiques. la sanction est net. pour s’en convaincre, contrevenants possibles (tpicE, 5 avr. 2006, question de l’effectivité de l’application il suffit de prendre connaissance de la aff. t 279/02, Degussa c/ commission, rlc 2006/8, n° 567). de ce droit économique sous-tend cette décision relative au cartel du verre au- les lignes directrices listent les circons- évolution. tomobile, en date du 12 novembre 2008, tances reconnues comme aggravantes et le durcissement des politiques de sanction qui contient deux records : un montant atténuantes (respectivement article 28 et 29 des lignes constaté est universel, avec en parallèle d’amendes global historique de 1,38 mil- directrices), à savoir, pour les premières : la l’introduction de programmes de clémence liard €, et une amende individuelle, tout récidive, le refus de coopération, la ten- sur un modèle américain (tercinet A., le pro- aussi historique, de 896 millions €, infli- tative d’obstruction durant l’enquête, par gramme de clémence américain : un modèle placé sous le sceau gée à st Gobain, comprenant une majo- destruction ou falsification de preuves, le du pragmatisme, rD aff. int. 2007, n° 6, pp.767-785), plus ration de 60 % pour récidive. rôle de leader ou d’incitateur. la cour a ou moins fidèlement retranscrit, qui ins- précisé que le fait de prévenir ses com- taure une prime à la délation visant à dé- a)Uneamendeadministrativerenforcée parses de cartel de l’imminence d’une ins- stabiliser les cartels existants, plus qu’à En droit communautaire, le règle- pection de la commission constitue aussi prévenir leur formation. Dans nombre ment 1/2003 prévoit en son article 23 une circonstance aggravante (cJcE, 29 juin d’États, le renforcement des sanctions s’ac- que la commission a compétence pour 2006, aff. c-301/04, commission c/ sGl carbon AG, Europe compagne de l’augmentation des pouvoirs imposer des amendes de nature admi- sept. 2006, comm. 250, obs. idot l.). pour les d’enquête de l’autorité de concurrence, nistrative aux entreprises ayant un com- deuxièmes, on trouve : le fait d’avoir mis comme c’est le cas dans l’union euro- portement contrevenant à l’article 101 fin au comportement anticoncurrentiel péenne, avec le règlement n° 1/2003 (règl. et/ou 102. le montant de l’amende ne dès les premiers actes de la commission, cons. cE n° 1/2003, 16 déc. 2002, relatif à la mise en œuvre saurait excéder 10 % du chiffre d’affaires l’existence d’une réelle coopération avec des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du total réalisé par l’entreprise en cause, au la commission, que la participation à l’in- traité, tel que modifié par les règlements du conseil cE cours de l’exercice social précédent (règl. fraction soit parfaitement mineure, ou en- n° 411/2004 du 26 février 2004 et n° 1419/2006 du 25 septembre cons. cE n° 1/2003, 16 déc 2002, art. 23, § 2), c’est-à- core que le comportement relève de la 2006). Dès lors, c’est la réalité de la menace dire du chiffre d’affaires mondial de l’en- simple négligence. pour autant, dès lors qui s’exprime, et donc la réalité du risque treprise sur l’exercice précédant l’adop- que l’entreprise en cause ne pouvait igno- qui prend corps. tion de la décision (cJcE, 8 févr. 1990, aff. c-279/87, rer que le comportement incriminé avait tipp-Exemple, rec. cJcE, p. 261). il s’agit d’un pla- pour objet de restreindre la concurrence, fond imposé à l’amende finale de chaque cela suffit à constituer une violation de I. – LE RISQUE CONCURRENTIEL entreprise (tpicE, 29 nov. 2005, aff. t-52/02, société l’article 101 traité cE (cJcE, 8 févr. 1990, aff. c- POUR L’ENTREPRISE nouvelle des couleurs zinciques, Europe janv. 2006, comm. 25, 279/87, tipp-Ex, rec. cJcE, p. 261). Enfin, la com- CONTREVENANTE obs. idot l.), mais nullement de l’assiette mission n’est pas tenue de prendre en on assiste depuis dix ans à un durcisse- servant au calcul de ladite amende. compte les pertes de l’entreprise en cause ment des politiques de sanctions à l’égard l’amende imposée in fine doit tenir lors des derniers exercices, ou des diffi- des entreprises. cette politique consiste compte de la durée de l’infraction, de sa cultés du secteur d’activité (tpicE, 29 avr. 2004, le plus souvent en un pouvoir de sanction gravité, et donc de l’importance du chiffre aff. jtes. t-236/01, t-239/01, t-244/01 à t-246/01, pécuniaire, un pouvoir d’injonction de d’affaires réalisé avec les produits concer- t-251/01 et t-252/01, tokai carbon co ltd et a.). De cesser la pratique en cause, et pour cer- nés par l’infraction (tpicE, 14 juill. 1994, aff. t- même, il convient de souligner, premiè- taines autorités, dont l’Autorité française, 77/92, parker pen ltd, rec. cJcE, ii, p. 549). la com- rement, que la demande de prise en un pouvoir d’injonction de publication mission a publié en 2006 des lignes compte du versement de dommages et par voie de presse de la condamnation directrices pour le calcul de l’amende intérêts punitifs aux États-unis pour dé- et de sa motivation. (JouE 1er sept. 2006, n° c 210 ; cf. Barbier de la serre É., terminer le montant de l’amende au titre les lignes directrices de 2006 pour le calcul des amendes, de l’article 101 tFuE, a été rejetée par le A. – Au sein de l’Espace économique rlc 2006/9, n° 620 ; et Jalabert-Doury n., nouvel l., sévérité tribunal dans l’affaire ADM (tpicE, 27 sept. européen et des États membres accrue des sanctions : une nouvelle phase de consolidation, 2006, aff. t- 59/02, Archer Daniels Midland c/ commission). Avec l’Accord de porto (Accord sur l’Espace éco- rD aff. int. 2007, n° 4, pp. 527-541) rendant sa po- Deuxièmement, le traitement fiscal de nomique européen [EEE]du 2 mai 1992 et son protocole por- litique de sanction transparente pour les l’amende s’est durci, ainsi l’amende pro- Droit l Économie l régulation N ° 2 2 • J A N V I E R / M A R S 2 010 • R E V U E L A M Y D E L A C O N C U R R E N C E 111
  • 3. L’ÉVOLUTION DU RISQUE CONCURRENTIEL DANS UNE ÉCONOMIE GLOBALISÉE : UNE APPROCHE COMPARÉE noncée n’est pas déductible fiscalement droit en cause) qui consiste au niveau com- de mener à bien les enquêtes. la com- en France (l. n° 2001-420, 15 mai 2001, art. 85, relative munautaire à inciter les entreprises parties missaire européenne chargée de la aux nouvelles régulations économiques dite nrE qui modifie à un cartel de le dénoncer, ainsi que ses concurrence ne disait pas autre chose l’article 39-2 du code général des impôts. le conseil d’État membres, en échange d’une immunité lorsqu’elle déclarait à propos de ce cartel : dans un avis a étendu la non-déductibilité aux amendes fondées totale ou partielle d’amendes adminis- « La Commission a heureusement mis au sur le droit communautaire de la concurrence de même qu’aux tratives pour l’entreprise dénonciatrice, jour cette entente de sa propre initiative frais de procès au titre de la défense. Cf. Gouyet r., Déductibilité ne soit pas en parfaite cohérence avec et a ainsi démontré qu’elle disposait de des amendes pour entrave à la liberté des prix et de la concur- celle-ci, la récidive n’étant pas un critère moyens indépendants pour détecter les rence : ce que la loi nrE a changé, contrats, conc., consom. de non-éligibilité à l’immunité. ententes et qu’elle les utilisait efficace- 2002, comm. 4 ; et Vilmart ch., non-déductibilité des amendes le programme de clémence communau- ment » (communiqué comm. cE n° ip/08/415, Antitrust : de concurrence : quelques réflexions sur une distorsion fiscale, taire (communication sur l’immunité d’amendes et la ré- la commission inflige aux prestataires de services de démé- rlc 2005/3, n° 260). duction de leur montant dans les affaires portant sur les ententes nagements internationaux en Belgique une amende de plus la précédente commissaire européenne cE n° 2006/c298/11, 8 déc. 2006, JouE 8 déc., n° c 298) de 32,7 millions € en raison d’une entente complexe, Bruxelles, à la concurrence, neelie Kroes s’étonnait opacifie le message de fermeté. Ainsi, dans 11 mars 2008). les économistes spécialistes de la constance de ces pratiques, et de la le cartel du Caoutchouc chloroprene (Déc. de la question de la clémence s’accordent récidive chronique qui sévit sur nombre comm. cE, 5 déc. 2007, ip/07/1855, Ententes : la commission sur ce point ; la clémence ne peut être marchés et sont le fait des mêmes mul- inflige des amendes d’un total de 247,6 millions € aux pro- efficace que si la menace d’être démasqué tinationales. Ainsi, en juin 2008, après ducteurs de caoutchouc chloroprene pour des accords de est réelle pour les cartellistes (spagnolo G., cinq ans d’enquête, la commission a partage du marché et de fixation des prix, Bruxelles, 5 décembre self-Defeating Antitrust laws : How leniency programs solve rendu sa décision sur le cartel du chlorate 2007), Bayer obtint l’immunité pour un car- Bertrand’s paradox and Enforce collusion in Auctions, June de sodium (Déc. comm. cE, 11 juin 2008 ; communiqué tel ayant duré dix ans, alors même que 2000, nota di lavoro, n° 52.00, Fondazione Eni “Enrico comm. cE n° ip/08/917, 11 juin 2008). pour la pre- cette société avait été la première bénéfi- Mattei”, Milano, et chen Z. et rey p. in on the Design of le- mière fois, elle faisait application des ciaire du cartel, et que sa qualité de réci- niency programs, iDEi Working paper, n° 452, April 2007, lignes directrices de 2006 pour le calcul diviste fut reconnue par la commission, p. 12, ou encore ruble r. et, Versaevel B., Mise en œuvre des amendes (cf. Jalabert-Doury n. et nouvel l., préc. ; ce qui conduisit à une majoration de 50 % de la collusion et détection : Approches actives et passives, et Barbier de la serre É., les lignes directrices de 2006 pour dans le calcul de l’amende amnistiée. rlc 2010/22, n° 1561). le calcul des amendes, préc.). Elle a majoré de En outre, la clémence n’est pas un outil 90 % l’amende d’Arkema France, anté- de prévention. sans revenir sur la litté- 2) Au sein des États de l’Espace économique européen rieurement condamnée à trois reprises rature des économistes (cf. spagnolo G., self- pour violation de l’article 81, para- Defeating Antitrust laws : How leniency programs solve les États de l’EEE font montre dans le graphe 1, traité cE, au titre de la qua- Bertrand’s paradox and Enforce collusion in Auctions, June niveau de sanctions pécuniaires pronon- trième récidive. observons que la récidive 2000, nota di lavoro n° 52.00, Fondazione Eni “Enrico Mat- cées de la même fermeté, même si on n’est pas circonscrite dans le temps (cf.tpicE, tei”, Milano [disponible sur www.ssrn.com] ; Motta M. peut percevoir des différences dans la ri- 25 oct. 2005, aff. t-38/02, Groupe Danone, rlc 2006/6, n° et polo M., leniency programs and cartel prosecution, in- gueur du recouvrement de la sanction 456, obs. Barbier de la serre É. ; et tpicE, 12 déc. 2007, aff. ternational Journal of industrial organization, 21 (2003), en ces temps de crise. la décision du t-101/05 et t-111/05, BAsF, Europe févr. 2008, comm. 60, n° 3, pp. 347-379, article disponible sur internet, www.el- conseil de la concurrence français relative obs. idot l.). neelie Kroes s’est également sevier.com/locate/econbase ; spagnolo G., Divede et impera : au cartel de la sidérurgie (cons. conc., déc. insurgée contre la passivité constante de optimal Deterrence Mechanisms Against cartels and orga- n° 08-D-32, 16 déc. 2008) l’illustre avec un mon- la direction et des actionnaires de l’en- nized crime, Mimeo, university of Mannheim, c.E.p.r. last tant global d’amendes de 575 454 500 € treprise (communiqué comm. cE n° ip/08/917, Ententes revised : August 2003 ; chen Z. et rey p. in on the Design dont plus de 301 millions € pour le groupe et abus de position dominante : la commission inflige des of leniency programs, iDEi Working paper, n° 452, April Arcelor Mittal. cette sévérité est atténuée amendes d’un montant de 79 millions € aux producteurs de 2007 ; Aubert c., rey p. et Kovacic W., the impact of leniency par la prise en compte anticipée de la chlorate de sodium, produit de blanchiment pour papier, qui programs on cartels, 18 november 2003 et Version finale, crise économique par le conseil qui a in- ont pris part à une entente portant sur la répartition du marché the impact of leniency and Whistleblowing programs on formé les entreprises sanctionnées et la fixation des prix, Bruxelles, 11 juin 2008, 3 p. ce qu’elle cartels, international Journal of industrial organization, qu’elles pouvaient demander un échéan- exprimait déjà dans l’affaire du cartel du caoutchouc chloro- 21 June 2005, disponible sur idei.fr, pour citer les prin- cier de paiement au comptable public prene : communiqué comm. cE n° ip/07/1855, Ententes : cipales contributions), une décision du 11 mars (communiqué de presse en date du 16 décembre 2008). la commission inflige des amendes d’un total de 247,6 millions 2008 l’illustre parfaitement. la commis- pour autant, la tendance générale est € aux producteurs de caoutchouc chloroprene pour des accords sion a reconnu et sanctionné le cartel des bien au durcissement de la sanction ad- de partage du marché et de fixation des prix, Bruxelles, 5 dé- déménagements internationaux à partir, ministrative ou pénale à l’égard des en- cembre 2007). Elle a averti que « Les amendes comme à destination, de la Belgique. ce treprises, la volonté affichée d’y ajouter imposées aux entreprises continueront cartel avait duré dix-neuf ans. il n’a pris un volet de réparation civile tangible n’est d’augmenter en cas de récidive ». fin qu’en raison de l’enquête menée par pas avérée dans les faits. la commission. cela prouve que la po- b)Leslimitesduesdelaclémence litique de clémence ne peut se substituer a)Undurcissementgénéralisé cette fermeté de la commission dans sa à une vraie politique d’enquête. Elle n’en Dans ses conclusions sur les sanctions pé- politique de sanction est de bon aloi. est qu’un complément (tercinet A., Décisions cuniaires, publiées en mai 2008 (ce document pourtant d’aucuns peuvent regretter que de la commission des 11 mars et 11 juin 2008 sur les cartels est le fruit d’une analyse commune amorcée en mai 2006 à la politique de clémence (on entend par clémence, des Déménagements internationaux et du chlorate de sodium : l’initiative des autorités de concurrence françaises, lors de la l’incitation faite par l’autorité de concurrence à l’adresse des réflexions sur la récidive et la durée rD aff. int. 2008, n° 5, réunion annuelle des autorités de concurrence européennes, entreprises parties à un cartel de dénoncer le cartel et ses pp. 664-665). Dès lors, il convient que les afin d’accroître l’efficacité de la politique de sanction. Cf. ter- membres en échange d’une immunité totale ou partielle autorités de concurrence ne se départis- cinet A., rD aff. int. 2009, n° 2, pp. 199-201), le groupe d’amendes administratives ou pénales pour l’entreprise dé- sent pas de leurs compétences et exper- de travail des Autorités de concurrence nonciatrice, et l’immunité pour ses dirigeants si leur respon- tises en matière d’investigation et que européennes, l’EcA (l’EcA fut fondée à Amsterdam sabilité pénale est engagée au regard des dispositions du l’État leur laisse les moyens financiers en avril 2001. c’est un forum informel de discussion réunissant 112 R E V U E L A M Y D E L A C O N C U R R E N C E • J A N V I E R / M A R S 2 010 • N ° 2 2 Droit l Économie l régulation
  • 4. ENTREPRISE ET RISQUE CONCURRENTIEL PERSPECTIVES RÉFLEXIONS CROISÉES les autorités de concurrence de l’Espace économique européen, contribue au respect des règles de droit pp. 64-68.) En attendant, pour les victimes, à savoir d’un côté, les autorités de concurrence des 27 États de la concurrence. le premier moyen est simples consommateurs, cette absence membres de l’union européenne, et la commission européenne, de permettre aux victimes de se regrouper, empêche de facto toute action, le montant et de l’autre celles des pays de l’AElE que sont la norvège, via les actions collectives, ou class actions. de leur préjudice fermant la porte, de fait l’islande, le lichtenstein et l’autorité de surveillance de l’AElE. un autre outil incitatif consiste à donner souvent plus que de droit, à l’action in- régulièrement invitée, la suisse répond toujours favorablement une prime, c’est-à-dire à récompenser la dividuelle. En outre, dans certains États à l’invitation) abonde largement dans le sens victime qui agit, en lui donnant plus que membres, dont la France (cf. t. com nanterre, des lignes directrices de la commission. la simple réparation du préjudice réel subi. 11 mai 2006, sA les laboratoires pharmaceutiques Arko- il souhaite que les amendes atteignent un il s’agit des dommages et intérêts punitifs pharma c/ roche et Hoffman la roche ; et t. com. paris, niveau de dissuasion adéquat (EcA Working qui ont pour avantage non négligeable 26 janv. 2007, Juva c/ Hauffmann la roche), des en- Group on sanctions , pecuniary sanctions imposed on under- d’inciter les victimes à prendre le temps treprises clientes des membres du cartel takings for infringements of antitrust law : principles for conver- de mener l’affaire à son terme, et lorsqu’il agissent en réparation de leur préjudice gence, May 2008, p. 3, pts. 5, 6 et 8, et p. 6, pt. 19). En ne s’agit pas d’une action de suite, à in- et se voient débouter au motif que ce matière de circonstances atténuantes (EcA vestir dans l’établissement de la preuve. n’est point elles mais leur propres clients Working Group on sanctions, pecuniary sanctions imposed tel est le choix opéré par le droit américain qui ont subi le préjudice résultant de l’aug- on undertakings for infringements of antitrust law : principles (on observe que la jurisprudence canadienne semble évoluer mentation des prix, celles-ci ayant reporté for convergence, May 2008, pp. 5 à 7, pts. 16 à 21), il sou- sur cette question. Cf. Gcr, March 8, 2010, certification of tout ou partie de ladite augmentation de tient la jurisprudence de la cJuE, lorsqu’il antitrust class actions in canada : is the bar lowering?) qui leur prix d’achat sur leur propre clientèle demande qu’aucune réduction d’amende explique qu’en matière de pratiques an- (ou la Passing on defense). En l’absence d’action ne soit acquise du seul fait que l’entreprise ticoncurrentielles le Private enforcement de groupe qui prive les victimes finales n’a pas approuvé expressément le com- représente plus de 80 % des actions. ces d’un moyen d’action, l’accueil de la Pas- portement ayant fait l’objet de la pratique class actions débouchent le plus souvent sing on defense revient à accorder une concertée, ou n’a pas assisté à toutes les immunité civile de fait dans nombre de réunions concernées, « sauf si le compor- pays européens, dont la France. tement de l’entreprise en cause s’est signi- Lesautoritésde le royaume-uni dispose d’un tel outil ficativement et ouvertement écarté de la concurrencene et se propose de l’adapter en s’inspirant ligne de conduite proposée, et que sa par- devraientpass’engager du modèle américain (civil Justice council, De- ticipation à l’entente est véritablement ac- suruneméthode veloping a More Efficient and Effective procedure for collective cessoire ». decalculpermettant Actions – A series of recommendations to the lord chancellor, conformément à la jurisprudence ac- defixerdefaçon July 2008. Disponible sur le site, commenté par tercinet A. tuelle, le groupe de travail observe qu’un arithmétiqueet in rD aff. int. 2008, n° 6, pp. 786-787). En outre, la certain degré d’incertitude sur le montant automatiquelemontant cour d’appel de londres, dans l’affaire réel de la sanction résultant de l’appli- del’amende,mais Devenish Nutrition Ltd contre Sanofi- cation d’une méthode donnée peut ac- devraientconserver Aventis SA et autres (Devenish et al. v. Vitamin croître son effet dissuasif, dans la mesure cartelists [2007] EWHc 2394 (ch), and Devenish nutrition unecertainemarge où les contrevenants potentiels ne peu- ltd v. sanofi-Aventis sA and others [2008] EWcA civ 1086 ; vent alors effectuer à l’avance un calcul demanœuvre. [2008] Wlr (D) 317), a rejeté la possibilité que exact du risque encouru. Dès lors, les les acheteurs indirects et les acheteurs autorités de concurrence ne devraient sur des transactions. un exemple en est directs puissent ensemble mener une ac- pas s’engager sur une méthode de calcul donné par la société Hynix semiconductor tion en dédommagement. Devenish nu- permettant de fixer de façon arithmétique et cinq de ses concurrents accusés d’en- trition ltd n’a pas pu prouver le montant et automatique le montant de l’amende, tente sur les prix. ils ont accepté de payer de ses pertes réelles dues au cartel, car mais devraient conserver une certaine $25 millions à la class (Cf. srAM makers settle il avait transféré les prix supérieurs im- marge de manœuvre (EcA Working Group on lawsuit out of court, Gcr January 25, 2010). posés par le cartel sur ses propres clients. sanctions, pecuniary sanctions imposed on undertakings for la possibilité d’intenter une action col- la cour a accueilli la passing on defence. infringements of antitrust law : principles for convergence, lective n’est pas reconnue dans la plupart l’italie, pour sa part, a introduit dans son May 2008, pp. 2 et 3, pt. 4). des droits nationaux de l’EEE (livre vert de code de la consommation l’action de Enfin, suivant en cela le souci actuel de la commission sur les actions en dommages et intérêts pour groupe pour réparation des préjudices su- la commission européenne de voir les infraction aux règles communautaires sur les ententes et les bis par les consommateurs (c. consom. italien, victimes de ces pratiques indemnisées, abus de position dominante, Bruxelles, 19 déc. 2005, art. 3, les définit comme n’agissant pas à des fins profession- il propose une réduction d’amende coM(2005)672 final ; sEc(2005) 1732. la commission en- nelles) dont tout préjudice découlant d’une lorsque le contrevenant engage des ac- courage son introduction dans l’ensemble des États membres pratique anticoncurrentielle. le système tions concrètes, afin d’atténuer les consé- de l’union : livre blanc sur les actions en dommages et intérêts de l’opt in est celui retenu (le système de l’opt quences négatives de ses pratiques, par pour infraction aux règles communautaires sur les ententes in veut que l’action collective ne représente que les consom- exemple, en fournissant volontairement et les abus de position dominante, {sEc(2008) 404, sEc(2008) mateurs qui ont adhéré par écrit expressément à l’action col- aux victimes, et dans des délais raison- 405 ; sEc(2008) 406}, commission des communautés euro- lective), avec possibilité d’adhérer en cours nables, une compensation adéquate. cela péennes, Bruxelles, le 2 avril 2008). Au sein de de procédure. la loi (l. fin. n° 244, 24 déc. 2007. constituerait un réel progrès dans l’en- l’union européenne, la commission tente Cf. le More p., chronique, rD aff. int. 2009, n° 2, pp. 207- semble des États de l’EEE. de proposer des « options » (Cf. speech/10/25 208) devait entrer en vigueur fin 2009. Joaquín Almunia, Vice-président de la commission européenne un autre moyen au service de l’action ci- b)Uneimmunitéciviledefait en charge de la politique de concurrence, la politique de la vile en réparation est apparu à la faveur il y a plusieurs moyens pour inciter les concurrence de l’union européenne en 2010 et au-delà, 15 fé- de la jurisprudence allemande (jugement de victimes des comportements anticoncur- vrier 2010, p. 6. Cf. également Jalabert-Doury n., le projet la cour régionale de Düsseldorf, 21 févr. 2007, confirmé par rentiels en général, et des cartels en par- de directive communautaire sur les actions indemnitaires : la cour d’appel de Düsseldorf, 14 mai 2008, n° Vi-u (Kart) ticulier, à défendre leurs intérêts, ce qui une action d’éclat bien vite enterrée, rD aff. int. 2010, n° 1, 14/07, commenté par le More p. in rD aff. int. 2008, n° 5, Droit l Économie l régulation N ° 2 2 • J A N V I E R / M A R S 2 010 • R E V U E L A M Y D E L A C O N C U R R E N C E 113
  • 5. L’ÉVOLUTION DU RISQUE CONCURRENTIEL DANS UNE ÉCONOMIE GLOBALISÉE : UNE APPROCHE COMPARÉE p. 670) qui a reconnu comme valable la ces- entre États fédérés, et aux cartels inter- la première est de déterminer le volume sion de créances faite par trente six en- nationaux. les cartels constituent une in- du commerce affecté en vertu de l’u.s.s.G. treprises, victimes du cartel allemand du fraction à la section 1 du Sherman Anti- §2r1.1 (d) (1) qui prend pour assiette les ciment, à la société belge, cDc Damage trust Act (« Every contract, combination in the form of a ventes mondiales affectées par la viola- claims sA. De facto cela ouvre grand la trust or otherwise, or conspiracy, in restraint of trade or com- tion, c’est-à-dire États-unis et étranger, porte des actions en réparation pour les merce among the several States, or with foreign nations, is au lieu de se limiter aux ventes aux États- victimes. une nouvelle forme de forum hereby declared to be illegal... »), de nature pénale. unis pour calculer le montant de shopping voit le jour. Dans cet arrêt, la l’action pénale est de la compétence ex- l’amende. l’u.s.s.G. §2r1.1 (d) (2) dis- cour d’appel a reconnu recevable l’action lusive du Department of Justice Antitrust pose que le volume de commerce attri- en réparation intentée par la société cDc Division. Depuis le 22 juin 2004, le U.S. buable à un participant individuel à une Damage claims sA (elle argue d’un préjudice estimé Criminal Antitrust Statute a été amendé conspiracy est le volume de commerce à plus de 110 millions) contre les membres du et les sanctions criminelles ont été ren- fait par lui ou son mandant dans les mar- cartel allemand du ciment condamnés forcées (ce qui était souhaité par le Deputy Assitant At- chandises ou services affectés par la vio- quatre ans plus tôt à 661 millions € torney General spratling G. r. in Are the recent titanic fines lation (pour savoir quelles conduites sont pertinentes pour d’amendes (communiqué Bundeskartellamt, 14 avr. in antitrust cases just the tip of the iceberg?, 12th Annual na- calculer les caractéristiques d’une infraction spécifique à la 2003, disponible sur son site : www.Bundeskartellamt.de). tional institute on White collar crime, ABA’s criminal Justice section 1 de la loi Sherman, l’u.s.s.G. §1B1.3 dispose que quant aux dommages et intérêts punitifs, section, March 6, 1998, préc., p. 15). pour les sociétés, « all acts and omissions committed, aided, abetted, counseled, on note un rejet plus ou moins explicite, les amendes pénales pour violation per commanded, induced, procured, or willfully caused by the de- et quasi unanime dans l’Espace écono- se vont jusqu’à 100 million $, ou deux fendant (…) that occured during the commission of the offense mique européen. À l’exception du of conviction (and) solely with respect to offenses of a character royaume-uni, où ce refus n’est ni total ni for which §3D1.2 (d) would require grouping of multiple counts, définitif. un arrêt de la cour d’appel de Contrairementaux all acts and omissions [just] described (...) that were part of londres de 2008 (Devenish nutrition ltd v.sanofi- amendessanctionnantla the same course of conduct or common scheme or plan as the Aventis sA and others [2008] EWcA civ 1086 ; [2008] Wlr violationdesarticles101 offense of conviction » [get counted in calculating specific of- (D) 317) éclaire sur l’état de la jurisprudence et102endroit fenses characteristics]. Cf. spratling G. r., Are the recent au royaume-uni sur la question. la cour communautaire(…) titanic fines in antitrust cases just the tip of the iceberg?, refuse d’octroyer des dommages et intérêts l’amendeendroit 12th Annual national institute on White collar crime, ABA’s punitifs dans des actions de suite (i.e. lorsque antitrustaméricain criminal Justice section, March 6, 1998, préc., p. 13). Ainsi, les membres du cartel ont déjà été sanctionnés par une Autorité prendpourassiette contrairement aux amendes sanctionnant de concurrence de la communauté ; tercinet A., chronique, lechiffred’affairesde la violation des articles 101 et 102 en droit rD aff. int. 2009, n° 2, pp. 206-207) au nom de l’in- lasociétésurleseul communautaire, qui prennent pour as- terdiction de la double peine, de la cohé- marchépertinentaffecté siette le chiffre d’affaires mondial global rence avec le programme de clémence, et de l’entreprise en cause, c’est-à-dire tous du fait que le juge ne doit pas se substituer parlaconspiracy. produits confondus et/ou tous produits, au politique. lord Justice longmore déclare et services, l’amende en droit antitrust dans cet arrêt que « Le seul véritable ar- fois le montant des bénéfices bruts réalisés américain prend pour assiette le chiffre gument en faveur [de dommages et intérêts par le défendeur à l’action, ou deux fois d’affaires de la société sur le seul marché punitifs] est un argument politique qui veut le montant des pertes financières des vic- pertinent affecté par la conspiracy. que les cartels sont un mal notoire, et que times (« Up to $100 millions for corporations and up to $1 la deuxième possibilité est de considérer les juridictions civiles devraient d’une façon, million for physical persons or twice the gain resulting from les ventes en dehors des États-unis ou d’une autre, fournir une incitation pour the violation or the loss caused to the victims, whichever is comme une circonstance aggravante qui leur éradication. (…) Mais il ne [lui] semble higher, and for physical person imprisonment not exceeding requiert un ajustement à la hausse du pas juste pour les juridictions de franchir ten years » in the « Alternative fine statute »). À cela calcul de l’amende dans le cadre des cette étape de leur propre initiative » (tDA). peuvent s’ajouter des injonctions, et/ou Sentencing Guidelines en vertu de cette jurisprudence ne devrait que par- l’interdiction de traiter des marchés avec l’u.s.s.G. §5 K2.0 (in spratling G. r., Are the recent tiellement limiter l’incitation des victimes le Gouvernement fédéral, ce qui constitue titanic fines in antitrust cases just the tip of the iceberg?, de cartels à agir en justice, car elle se limite une peine complémentaire très efficace. 12th Annual national institute on White collar crime, ABA’s aux actions de suite. l’action publique s’ajoute à l’action civile, criminal Justice section, March 6, 1998, préc., p. 12). très fortement développée en matière de cette application des Sentencing Guide- A. – Au-delà de l’Espace collusion aux États-unis, contrairement lines a eu lieu dans l’affaire Construction économique européen à ce que nous connaissons en Europe, et Marine, et dans celle dite du Gluconate le droit antitrust américain constitue le particulièrement en France. de Sodium, toutes deux de 1997 et 1998. modèle de référence pour nombre d’États les ventes à l’étranger ne furent pas de par le monde. le droit fédéral antitrust, a)Unesévéritéaccrue prises en compte dans le calcul du vo- dont l’acte fondateur est advenu un an En matière de lutte contre les cartels in- lume de commerce affecté, mais comme après son pendant canadien, fut le premier ternationaux, le principe est inversé : le base d’ajustement de l’amende en vertu appliqué. il a connu de vraies évolutions Public inforcement précède le Private en- de l’u.s.s.G. §5 K2.0. Dans l’affaire dite au gré des présidences avec l’introduction forcement. une des questions que la lutte du Gluconate de sodium, la section 5K2.0 d’outils procéduraux performants, dont contre les cartels internationaux a posé (« There exists an aggravating or mitigating circumstance un mécanisme sophistiqué de clémence au Department of Justice est de savoir of a kind, or to a degree, not adequately taken into account sous l’administration clinton. s’il était possible de tenir compte de la by the sentencing Commission in formulating the guidelines dimension internationale, et donc des that should result in a sentence different from that described ») 1) Aux États-Unis ventes internationales dans le calcul de fut utilisée pour prononcer une amende le droit fédéral américain s’intéresse aux l’amende. les Sentencing Guidelines ou- supérieure à ce que prévoyait les Gui- cartels nationaux affectant le commerce vrent deux possibilités de ce faire. delines. le défendeur à l’action accepta 114 R E V U E L A M Y D E L A C O N C U R R E N C E • J A N V I E R / M A R S 2 010 • N ° 2 2 Droit l Économie l régulation
  • 6. ENTREPRISE ET RISQUE CONCURRENTIEL PERSPECTIVES RÉFLEXIONS CROISÉES de payer une amende de 2,5 millions de 2) Du Brésil à la Corée du Sud qu’afin de déterminer le montant de dollars, alors que le volume de commerce le Brésil, depuis 2003, a fait de la lutte l’amende administrative, la Federal Trade qu’il réalisa aux États-unis pendant la contre les cartels sa priorité. il a suivi le Commission doit prendre en considération période de l’infraction, était de 2,6 mil- modèle américain dans le choix de son entre autres les motifs, et les résultats… lions de dollars, et que la fourchette pré- dispositif de lutte contre les cartels, en de la violation concertée (article 65 (3) in deter- vue par les Guidelines était entre 748 000 optant pour la pénalisation de la pratique, mining the amount of administrative fines, the Fair trade et 1 282 000 dollars. la cour suivit la re- et en introduisant un programme de clé- commission shall take into consideration the motives, results, commandation de l’Antitrust Division. mence similaire. le résultat est concluant etc. of the concerned violation). le défendeur fut condamné à 2,5 millions avec vingt huit cartels sanctionnés pour on peut également citer l’Afrique du sud de dollars, afin de mieux refléter le vrai la seule année 2008. il y consacre 75 % comme proactive en matière de lutte rôle du défendeur dans le cartel inter- des ressources de son autorité d’enquête, contre ses pratiques anticoncurrentielles. national. le secrétariat du Droit Économique du ce pays a fait le choix de la sanction ad- ministère de la Justice (sDE ; Mariana tavares ministrative. il s’agit d’une amende ne b)Actuelleetàvenir de Araujo, secretary of Economic law, Washington, March pouvant dépasser les 10 % du chiffre d’af- l’American Antitrust Institute (AAI ; fondée 2008 et Ana paula Martinez, Head of competition Division, faires de l’entreprise reconnue contreve- en 1998, en réaction à l’affaiblissement des ressources dévolues sDE, Ministry of Justice, speech for the icn Workshop, in- nante, chiffre d’affaires réalisé sur le ter- à l’Antitrust par l’administration Bush junior, à une époque novative ways of detecting cartels : the Brazilian Experience, ritoire de l’Afrique du sud et ses de complexification de l’économie, l’AAi est une association october 2008). son tribunal administratif, le exportations à partir de l’Afrique du sud, à but non lucratif, d’intérêt public. Elle est dédiée à la formation, conseil administratif pour la défense éco- durant l’année précédente (competition Act la recherche et l’essor de la politique de concurrence dans nomique (cADE ; cf. l’Accord de coopération entre le 1998, art. 59, tel qu’il a été amendé en 1999 et en 2000, dis- l’intérêt du consommateur. on trouve en son sein des fon- sED et le cADE, pour une période de deux ans, publié au ponible sur le site de la commission de la concurrence sud dations, des cabinets d’avocats, des associations, des entre- Bulletin officiel le 20 août 2007), a ainsi prononcé, africaine : www.compcom.co.za). pour la déter- prises, des individus et des organismes publics) dans son en 2007, un montant total d’amendes de mination de l’amende, elle tient compte, rapport sur la politique de concurrence plus de 11, 6 millions de $us, alors qu’il comme en droit communautaire, de la à l’adresse du 44e président des États- était de 1, 4 millions de $us en 2003. la nature, de la durée de la gravité, et de unis, publié en octobre 2008 (rapport de l’AAi, chambre des députés a adopté un projet l’étendue de la violation, mais également disponible sur le site www.antitrustinstitute.org), a de loi de modernisation du droit de la du préjudice en résultant, du comporte- fait des propositions de nature législative. concurrence et de restructuration du ment de l’entreprise en cause, des cir- il affiche des priorités d’actions, tant à cADE (projet de loi n° 3937/04, disponible sur le site constances sur le marché pertinent au l’administration obama qu’au congrès. www.cade.gov.br), qui renforce ses pou- moment des faits, du degré de coopération il propose d’abord que les ressources fi- voirs et aggrave les sanctions (mi-2008 déjà, du contrevenant et de la récidive, s’il y nancières de l’Antitrust Division soient le rapport annuel sur les Développements de la politique de a (competition Act 1998, art. 59, § 3). Elle applique augmentées de manière significative. concurrence au Brésil publié par l’ocDE affichait cette né- ce droit aussi bien à des entreprises res- En matière de cartels et concernant les cessité de réformer, et la volonté sans faille de maintenir ce sortissantes de son territoire, comme dans entreprises, il souhaite que le Department durcissement de la politique de sanction à l’égard des cartels. le cartel sur le pain, où la commission of Justice accroisse l’occurrence autant Cf. oEcD, Directorate For Financial And Enterprise Affairs, de la concurrence a conclu un accord que la sévérité des amendes pour ententes competition committee, Annual report on competition avec Foodcorp (competition commission press sta- sur les prix (tercinet A., États-unis rapport de l’AAi policy Developments in Brazil-2007- DAF/coMp(2008), 30 tement, 5 January 2009, sur le site de la commission de sur l’assiette de la sanction, chronique, rD aff. int. 2009, May 2008). il devrait être adopté prochai- l’Afrique du sud : www.compcom.co.za) qui a re- n° 2, pp. 210-211). pour ce qui est des amendes nement par le sénat. connu sa participation au cartel sur les infligées aux entreprises, l’AAi demande la corée du sud pour sa part, fait figure prix, et par lequel elle accepta de payer à l’Antitrust Division de recommander à de meilleur élève parmi les pays émer- une amende de près de 3,5 millions €, la cour de calculer les amendes des en- gents de l’Asie du sud Est dans l’instau- qu’à des entreprises tierces. Ainsi, dans treprises en matière de cartels interna- ration et la mise en œuvre d’une politique l’affaire de la soude, après dix ans d’en- tionaux sur une base fondée sur les ventes de concurrence. la loi dite Monopoly Re- quête, la commission de la concurrence mondiales affectées, et non plus sur les gulation Fair Trade Act (promulguée par la a conclu un accord avec l’American Na- seules ventes nationales, et d’en faire sa loi n° 3320 du 31 décembre 1980, telle qu’elle a été amendée tural Soda Ash Corporation (competition com- pratique courante. cela rapprocherait quinze fois dont dernièrement par la loi n° 7315, du 31 dé- mission press statement, 4 november 2008, sur le site de la l’assiette de l’amende aux États-unis de cembre 2004), opère une distinction entre les commission de l’Afrique du sud : www.compcom.co.za), celle retenue par la commission euro- restrictions de concurrence provenant association de sociétés américaines pro- péenne. De plus, le congrès est invité à d’une entente nationale, et celles prove- ductrices de soude, au terme duquel l’An- porter l’amende maximale destinée à nant de contrats internationaux. celles sAc reconnaissait que son accord d’as- l’entreprise à 1 milliard $. provenant de contrats internationaux sont sociation éliminait la concurrence sur les Enfin, l’AAi demande de veiller à instau- bien moins lourdement sanctionnées (ar- prix entre ses membres pour les ventes rer un juste équilibre entre les amendes ticle 34-2). les articles 21 et 22 de la loi pré- à l’export à destination de l’Afrique du et les Punitive damages. l’équité veut voient que la Federal Trade Commission sud. cela violait la section 4 (1) (b)(i) que l’augmentation des amendes pénales coréenne peut sanctionner les cartels en du Competition Act. l’AnsAc a accepté ne devrait pas nuire au montant des dé- ordonnant la cessation du comportement de payer une amende administrative de dommagements à octroyer aux victimes par l’entreprise en cause, en annonçant 9 millions rands soit 693 000€, représen- de ces pratiques. De même, le rapport publiquement cela, ou en prenant d’autres tant 8 % du chiffre d’affaires annuel de encourage l’Antitrust Division à poursui- mesures correctives. Elle peut imposer la soude en Afrique du sud. Elle s’est en- vre sur le fondement de la section 4A une sanction administrative, à savoir : gagée à modifier son règlement interne pour les préjudices subis par le gouver- une amende d’un montant pouvant aller qui obligeait ses membres à ne vendre à nement fédéral, en tant qu’acheteur vic- jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires. l’ar- l’export, hors canada, que via l’AnsAc time du cartel. ticle 65 du décret d’application dispose (l’AnsAc avait été créée sur le fondement de l’United States Droit l Économie l régulation N ° 2 2 • J A N V I E R / M A R S 2 010 • R E V U E L A M Y D E L A C O N C U R R E N C E 115
  • 7. L’ÉVOLUTION DU RISQUE CONCURRENTIEL DANS UNE ÉCONOMIE GLOBALISÉE : UNE APPROCHE COMPARÉE Export Trade Act de 1918, dit Webb-Pomerene Act), afin ploitation abusive d’une position domi- entente sur les prix, et attributions de mar- de permettre à ses membres de négocier nante, est dans la lignée des peines pré- chés et d’appels d’offres. les victimes au et de contracter en direct avec les clients vues en Europe, avec un maximum de royaume-uni, comme aux États-unis sud africains. cette affaire est d’impor- quatre ans, mais tel n’est pas le cas de (cf. chronique de le More p., rD aff. int. 2008, n° 3, p. 3, tance car la commission de la concurrence l’amende pénale qui n’est actuellement 2008, p. 376), étaient entre autres, le ministère sud-africaine a fait échec au Webb-Po- que de 75 000 € (c. com., art. l. 420-6). ce pla- de la Défense, des compagnies de forage merene Act américain qui exempte les as- fond devrait être augmenté afin de remplir off-shore et de transport des produits pé- sociations américaines de commerce à son rôle de dissuasion supposée (cf. rapp. troliers, sans oublier, les contribuables l’export du champ d’application du Sher- coulon préc., p. 57). la commission reprend (tercinet A., royaume-uni : suites de l’affaire Marine Hoses, man Act. ici la suggestion du conseil de la concur- chronique, rD aff. int., pp. 668 et 669). Ainsi Bryan rence. En parallèle, elle préconise judi- Allison, Managing Director de Dunlop oil cieusement un allongement des délais de Marine ltd fut condamné à trois ans de II. – LE RISQUE CONCURRENTIEL prescription au pénal, de 3 ans à 7 ans, prison, réduit en appel à 2 ans et £25 000 POUR LES DIRIGEANTS si le délit est punissable d’une peine su- d’amende pénale. David Brammar, sales la tendance est au durcissement de la po- périeure ou égale à 3 ans de prison (ou à Marketing Director de Dunlop oil Ma- litique de sanction avec une extension du 5 ans si le délit est punissable d’un peine inférieure à 3 ans rine ltd fut condamné à deux ans et demi champ de celle-ci aux dirigeants sur l’en- de prison, cf. rapp. p. 102), ce qui est le cas avec de prison, réduit à 20 mois après appel. semble des continents, et donc aux per- l’article l. 420-6 du code de commerce. peter Whittle, ancien employé de Dunlop, sonnes physiques qui décident et mettent on note que la responsabilité pénale des devenu officiellement consultant indépen- sciemment en œuvre ces pratiques. il faut dirigeants n’a été engagée que dans moins dant et propriétaire de pW consulting (oil entendre par dirigeants, l’ensemble des de dix affaires à ce jour (cf. David É., les poursuites Marine) ltd., qui coordonnait l’entente dirigeants d’entreprises comme les DAF, pénales contre les auteurs de pratiques anticoncurrentielles, fut condamné à trois ans de prison, réduit les directeurs commerciaux de zone ou concurrences n° 2-2006, pp. 175 et s. ; et cheynel B., criminal à 30 mois après appel. l’irlande a égale- de secteur, et les directeurs marketing. le Enforcement du droit de la concurrence : un risque concur- ment fait le choix de la responsabilité pé- risque concurrentiel pour les dirigeants rentiel émergeant, rlc, 2010/22, n° 1565). nale des dirigeants en 2002 avec la sec- consiste en une amende de plus en plus la norvège a fait le choix d’une pénali- tion 6 Competition Act. la Central Criminal souvent pénale, voire une peine d’empri- sation du droit des cartels, dans sa loi sur Court de Dublin a pour la première fois sonnement ou autre peine privative de li- la concurrence de 1993, telle qu’amendée condamné à une peine de prison ferme berté comme la consignation au domicile par la loi du 5 mai 2000 (n° 35 on Competition un manager pour sa participation à un avec bracelet électronique, avec de plus between undertakings and Control with concentrations). sa cartelle 29 novembre 2009 (la peine est bien en plus souvent associée une peine d’in- section 6-6, Penal provisions prévoit une plus modique que celles prononcées au royaume-uni, puisque terdiction d’exercer des fonctions de di- peine pouvant aller jusqu’à trois ans, dès la condamnation fut de 28 jours. ce qui est conforme aux pré- rection, ou Disqualification order. lors qu’il y a intention ou négligence, et conisations des économistes cités supra). juqu’à six ans, si on note des circonstances la tchéquie, a introduit en janvier 2009 A. – Sur le territoire de l’Espace aggravantes. cette section prévoit une un Article 248 (loi du 27 janvier 2009, roman Barinka, économique européen sanction pouvant aller jusqu’à trois ans e-competitions, Janvier 2009-ii) au code pénal, au sans être exhaustif, on peut présenter le pour avoir fourni de fausses informations titre duquel toute personne ayant conclu développement du risque pénal pour les ou des informations incomplètes. un accord restrictif de concurrence du dirigeants d’entreprises, dans l’EEE, ainsi. le royaume-uni a également fait ce choix type accord de fixation de prix, ou de ré- de la répression pénale avec la loi Enter- partition de marché avec un concurrent 1) Le risque pénal pour prise Act de 2002. constitue une infraction est passible d’une peine d’emprisonne- les dirigeants pénale individuelle le fait de prendre part ment d’un mois à 8 ans selon l’impact En France, le rapport de la commission à un cartel malhonnêtement. toute per- de la pratique anticoncurrentielle. le sys- coulon, de janvier 2008 (rapport au garde des sonne convaincue d’une telle infraction tème mis en place fonctionne par seuil. sceaux, ministre de la Justice, la dépénalisation de la vie des sera punie d’une peine d’emprisonnement si le dommage est inférieur à 18 000 € le affaires, Groupe de travail présidé par Jean-Marie coulon, pouvant aller jusqu’à cinq ans, et d’une maximum sera de 3 ans de prison, s’il premier président Honoraire de la cour d’appel de paris, amende d’un montant illimité. une peine est supérieur à 18 000 € mais inférieur à paris, collection des rapports officiels, Janvier 2008. commenté complémentaire est prévue : tout dirigeant 180 000 €, la peine sera comprise entre par tercinet A., in le rapport de la commission coulon, chro- d’entreprise impliqué dans une activité 6 mois et 5 ans, de même en cas de ré- nique, rD aff. int. 2008, n° 4, pp. 538-539) emboîte le de cartel peut être interdit de direction cidive. Elle sera de 2 à 8 ans si le dom- pas de la pénalisation croissante des pra- d’entreprise pour une durée pouvant aller mage est supérieur à 180 000 €. tiques anticoncurrentielles graves, obser- jusqu’à quinze ans (www.oft.gov.uk/advice_and_re- vée en Europe (exemple dans l’union européenne : sources/resource_base/cartels). pour la première 2) Une sanction autonome ou complémentaire : l’interdiction l’Allemagne, l’Autriche, l’italie et le royaume-uni). il pré- fois, le 11 juin 2008 (les charges portaient au d’exercer en qualité de dirigeant conise un renforcement de la répression royaume-uni sur la période du 20 juin 2003 au 2 mai 2007, ou Disqualification order pénale, en mettant l’accent sur celle à date de leur arrestation aux États-unis), une Crown l’égard des personnes physiques. la com- Court a fait application de cette section on trouve cette interdiction d’exercer en mission coulon estime que la sanction 188 de l’Enterprise Act. Elle a condamné qualité de directeur dans le droit du pénale a un effet plus dissuasif que la trois cadres dirigeants à des peines d’em- royaume-uni (section 188 Enterprise Act 2000). Ap- seule sanction administrative (rappel : l’amende prisonnement, et d’interdiction d’exercer plication en a été faite par la crown court, administrative a vu son plafond porté à 10 % du chiffre d’af- en qualité de directeurs, pour participation le 11 juin 2008, dans l’affaire du cartel faires mondial des sociétés sanctionnées avec la loi nrE du au cartel mondial sur les tuyaux marins, des tuyaux marins (op. cit.). Ainsi Bryan Al- 15 mai 2001. Cf. sur ce point le rapport op. cit., p. 64). En et équipements accessoires au royaume- lison, Managing Director de Dunlop oil France, le quantum de la peine d’empri- uni, avec répartition des marchés et des Marine ltd fut condamné à sept ans sonnement, en cas d’entente, ou d’ex- clients, restrictions d’approvisionnement, d’interdiction d’exercice en qualité de di- 116 R E V U E L A M Y D E L A C O N C U R R E N C E • J A N V I E R / M A R S 2 010 • N ° 2 2 Droit l Économie l régulation