1. R LC
1560
Par Anne TERCINET
Professeur EM Lyon
Business School
l’évolution du risque
concurrentiel dans une
économie globalisée :
une approche comparée
L’article propose une photographie au 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises), contrats de distribution, les contrats de re-
plan international du risque concur- comme la société belge Electrabel, du cherche-développement, les contrats de
rentiel en matière de cartels transna- Groupe GDF suez, se l’est vu rappeler par spécialisation, ou encore les transferts de
tionaux et identifie deux tendances. la commission qui l’a condamnée à 20 mil- technologie qui nécessitent tous que les
lions d’euros d’amende (en application de l’article entreprises évaluent leur impact, tant sur
Celle du développement du Private
14 du règlement concentration qui permet de prononcer une la concurrence entre les marques que sur
enforcement qui en Europe rencontre
amende allant jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires total réalisé la concurrence au sein de la marque,
une forte opposition, porteuse d’un Fo- par les entreprises concernées en cas de réalisation de l’ac- comme sur le commerce entre États mem-
rum shopping. Et celle de l’engage- quisition du contrôle de la cible avant d’obtenir l’autorisation bres, car cela ne pose pas de grandes dif-
ment de la responsabilité pénale des de la commission. Amende que la commission eût pu aug- ficultés, les praticiens du droit participant
dirigeants dans nombre de pays post menter si l’opération avait entravé de manière significative la à la rédaction desdits contrats.
industrialisés, comme de pays émer- concurrence au sens de l’article 2) pour avoir omis l’environnement des pratiques anticon-
gents, en raison de l’absence avérée de notifier sa prise de contrôle effective currentielles a significativement changé
d’effet dissuasif des seules sanctions de la compagnie nationale du rhône (com- en dix ans. on observe l’accroissement
à l’adresse des entreprises, ce malgré muniqué comm. cE n° ip/09/895, 10 juin 2009, disponible du nombre d’autorités de concurrence à
un durcissement universel des sanc- sur le site de la commission). c’est pourquoi notre travers le monde. De plus en plus d’États
travail va se focaliser sur le seul volet des se sont dotés d’un droit de la concurrence
tions à l’adresse de celles-ci.
pratiques anticoncurrentielles, le plus com- et d’autorités en charge de veiller au res-
O n parle de risque concurrentiel,
comme on parle de risque pour l’en-
treprise eu égard à la responsabilité du
plexe pour l’entreprise. notons qu’il y a
une connexité forte entre les stratégies de
croissance externe avec fusion absorption
pect de celui-ci avec plus ou moins de
moyens. Même la chine (souty F., chine : la
loi anti-monopole du 30 août 2007 et l’émergence d’un droit
fait des produits. il convient donc pour et la prohibition des pratiques anticon- chinois moderne de la concurrence, concurrences, n° 4-
l’entreprise de l’évaluer afin de décider currentielles, à plus d’un titre. concernant 2007, pp. 158-164 ; Fox E. M., An Anti-Monopoly law For
de la stratégie à adopter. les moyens sont le risque concurrentiel, la jurisprudence china-scaling the Walls of Government restraints, Antitrust
variés mais ils supposent avant tout une montre qu’une entreprise repreneuse doit law Journal, 2008, Vol.75 issue 1, pp. 173-195 ; ou encore
conscience de celui-ci et une délimitation faire un audit antitrust si elle veut s’assurer owen B. M., sen s. et Zheng W., china’s competition policy
fidèle de ses contours. le risque concur- qu’elle n’aura pas la mauvaise surprise reforms : the Anti-Monopoly law and Beyond, Antitrust
rentiel s’entend de celui attaché à la vio- de voir sa responsabilité engagée pour la, law Journal, 2008, Vol.75 issue 1, pp. 231-265), s’est
lation des règles de droit de la concurrence ou les pratiques anticoncurrentielles de dotée d’un droit de la concurrence avec
(nous écartons de notre étude le risque attaché au contentieux l’entreprise absorbée. prohibition desdites pratiques. ces droits
des aides d’États car celui-ci devrait faire l’objet d’une étude on entend par pratiques anticoncurren- sont d’application extraterritoriale, de
à part entière). il s’agit dès lors du risque relatif tielles, les ententes entre entreprises et les sorte que la coopération entre les autorités
au fait de commettre des pratiques abus de position dominante. cela est assez de concurrence est devenue une nécessité
anticoncurrentielles (nous ne traiterons pas, dans universel, même si les appellations juri- et une réalité (cf., par exemple, Barbier de la serre É.,
le cadre de cette étude, de la spécificité française des pratiques diques varient. Ainsi aux États-unis, on paris-londres aller-retour via saint Denis de la réunion :
restrictives de concurrence), ou de celui attaché à parlera de Conspiracies in Restraints of première décision du conseil fondée sur des preuves obtenues
la violation des dispositions relatives au Trade, ou Collusions, Attempts to mono- en son nom par une autre autorité nationale de concurrence,
contrôle des concentrations. le risque at- polize et Monopolizations, là où dans rlc 2009/19, n° 1361), qu’elle soit formelle ou
taché au contrôle des concentrations est l’union européenne, on parle d’accords informelle. la coopération est principa-
relativement aisé d’approche pour les en- entre entreprises, de pratiques concertées lement bilatérale. une coopération en
treprises puisqu’il s’agit pour elles de se et d’abus de position dominante. ce risque, amont s’est également organisée au tra-
soumettre à l’obligation de notifier leur comme l’actualité le montre avec l’affaire vers de la structure non gouvernementale
projet d’opération concentrative auprès st Gobain et le cartel du verre automobile qu’est l’International Competition Net-
de l’ensemble des autorités de concur- (Déc. comm. cE, 12 nov. 2008, cf. communiqué comm. cE work (cf. le site internet du réseau international de concur-
rence, sur le territoire desquelles il existe n° ip/08/1685, 12 nov. 2008), touche particulière- rence dit icn pour international competition network :
un risque d’affectation de la concurrence. ment les ententes injustifiées tenues se- <www.internationalcompetitionnetwork.org>). celle-
Bien sûr, il ne faut pas qu’elles omettent crètes, et dans une moindre proportion les ci a permis ces dernières années une har-
de notifier (l’obligation de notification des opérations abus de position dominante, comme avec monisation internationale notable. sans
de concentration présente à l’article 4 du règlement (cE) l’affaire Intel (amende de 1,06 milliard € pour abus de oublier, en aval, la coopération connexe
n° 064/89 du conseil du 21 décembre 1989 relatif au contrôle position dominante. Déc. comm. cE, 13 mai 2009). nous entre les bureaux nationaux de police,
des concentrations entre entreprises, est reprise par l’article 4 n’aborderons pas les accords entre entre- via interpol, qui permet de rechercher
du règlement actuel n° 139/2004 du conseil du 20 janvier prises, c’est-à-dire les contrats, comme les les dirigeants « fugitifs ».
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2. ENTREPRISE ET RISQUE CONCURRENTIEL
PERSPECTIVES RÉFLEXIONS CROISÉES
le risque concurrentiel consiste donc tant adaptation du 17 mars 1993) qui étend à la entreprises, comme pour le tribunal (an-
dans le risque de sanctions. les sanctions norvège, à l’islande et au liechtenstein ciennement tpicE). pour autant, elles
peuvent viser l’entreprise mais aussi, de plusieurs dispositions du traité, le droit ne doivent pas permettre un calcul arith-
plus en plus souvent, les dirigeants ayant de la concurrence communautaire s’ap- métique de l’amende car il convient que
activement participé de la violation de plique aussi à ces territoires avec une au- les entreprises ne puissent parvenir à une
la loi. les sanctions peuvent être de na- torité dite de surveillance en charge de estimation de l’amende encourue si pré-
ture diverse. Elles sont principalement son application. cise que cela annihilerait le caractère dis-
de nature administrative, pénale, ou en- suasif de l’amende. les lignes directrices
core civile. il peut bien entendu y avoir 1) En droit communautaire indiquent l’esprit qui anime la commis-
un cumul de ces sanctions. il convient de rappeler en préambule que sion dans le calcul de l’amende, mais
Dans ce contexte globalisé, le risque le droit communautaire des pratiques an- celle-ci est reconnue légitime à s’en écar-
concurrentiel s’est accru ces dernières an- ticoncurrentielles, c’est-à-dire les arti- ter, dès lors qu’elle motive cette différence
nées. les raisons tiennent également d’une cles 101 et 102 du tFuE, est d’applica- de façon compatible avec le principe de
volonté politique de durcir les sanctions bilité directe, de sorte que la commission non-discrimination ( cJcE, 28 juin 2005,
à l’égard des pratiques les plus nocives et européenne, comme les autorités de aff. c-189/02, Dansk rorindustri A/s, rec. cJcE, i, p. 5425).
de tenir compte de l’internationalisation concurrence nationales, le juge national, le tribunal reconnaît cette possibilité
de ces pratiques anticoncurrentielles, c’est- ou encore l’Autorité de surveillance de donnée à la commission, afin de remplir
à-dire des éléments d’extranéité de nombre l’EEE sont compétents pour l’appliquer. l’objectif de dissuasion à l’égard de l’en-
de ces pratiques, qui rendent plus difficile le durcissement de cette politique de treprise en cause, comme des autres
la lutte effective contre ces pratiques. la sanction est net. pour s’en convaincre, contrevenants possibles (tpicE, 5 avr. 2006,
question de l’effectivité de l’application il suffit de prendre connaissance de la aff. t 279/02, Degussa c/ commission, rlc 2006/8, n° 567).
de ce droit économique sous-tend cette décision relative au cartel du verre au- les lignes directrices listent les circons-
évolution. tomobile, en date du 12 novembre 2008, tances reconnues comme aggravantes et
le durcissement des politiques de sanction qui contient deux records : un montant atténuantes (respectivement article 28 et 29 des lignes
constaté est universel, avec en parallèle d’amendes global historique de 1,38 mil- directrices), à savoir, pour les premières : la
l’introduction de programmes de clémence liard €, et une amende individuelle, tout récidive, le refus de coopération, la ten-
sur un modèle américain (tercinet A., le pro- aussi historique, de 896 millions €, infli- tative d’obstruction durant l’enquête, par
gramme de clémence américain : un modèle placé sous le sceau gée à st Gobain, comprenant une majo- destruction ou falsification de preuves, le
du pragmatisme, rD aff. int. 2007, n° 6, pp.767-785), plus ration de 60 % pour récidive. rôle de leader ou d’incitateur. la cour a
ou moins fidèlement retranscrit, qui ins- précisé que le fait de prévenir ses com-
taure une prime à la délation visant à dé- a)Uneamendeadministrativerenforcée parses de cartel de l’imminence d’une ins-
stabiliser les cartels existants, plus qu’à En droit communautaire, le règle- pection de la commission constitue aussi
prévenir leur formation. Dans nombre ment 1/2003 prévoit en son article 23 une circonstance aggravante (cJcE, 29 juin
d’États, le renforcement des sanctions s’ac- que la commission a compétence pour 2006, aff. c-301/04, commission c/ sGl carbon AG, Europe
compagne de l’augmentation des pouvoirs imposer des amendes de nature admi- sept. 2006, comm. 250, obs. idot l.). pour les
d’enquête de l’autorité de concurrence, nistrative aux entreprises ayant un com- deuxièmes, on trouve : le fait d’avoir mis
comme c’est le cas dans l’union euro- portement contrevenant à l’article 101 fin au comportement anticoncurrentiel
péenne, avec le règlement n° 1/2003 (règl. et/ou 102. le montant de l’amende ne dès les premiers actes de la commission,
cons. cE n° 1/2003, 16 déc. 2002, relatif à la mise en œuvre saurait excéder 10 % du chiffre d’affaires l’existence d’une réelle coopération avec
des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du total réalisé par l’entreprise en cause, au la commission, que la participation à l’in-
traité, tel que modifié par les règlements du conseil cE cours de l’exercice social précédent (règl. fraction soit parfaitement mineure, ou en-
n° 411/2004 du 26 février 2004 et n° 1419/2006 du 25 septembre cons. cE n° 1/2003, 16 déc 2002, art. 23, § 2), c’est-à- core que le comportement relève de la
2006). Dès lors, c’est la réalité de la menace dire du chiffre d’affaires mondial de l’en- simple négligence. pour autant, dès lors
qui s’exprime, et donc la réalité du risque treprise sur l’exercice précédant l’adop- que l’entreprise en cause ne pouvait igno-
qui prend corps. tion de la décision (cJcE, 8 févr. 1990, aff. c-279/87, rer que le comportement incriminé avait
tipp-Exemple, rec. cJcE, p. 261). il s’agit d’un pla- pour objet de restreindre la concurrence,
fond imposé à l’amende finale de chaque cela suffit à constituer une violation de
I. – LE RISQUE CONCURRENTIEL entreprise (tpicE, 29 nov. 2005, aff. t-52/02, société l’article 101 traité cE (cJcE, 8 févr. 1990, aff. c-
POUR L’ENTREPRISE nouvelle des couleurs zinciques, Europe janv. 2006, comm. 25, 279/87, tipp-Ex, rec. cJcE, p. 261). Enfin, la com-
CONTREVENANTE obs. idot l.), mais nullement de l’assiette mission n’est pas tenue de prendre en
on assiste depuis dix ans à un durcisse- servant au calcul de ladite amende. compte les pertes de l’entreprise en cause
ment des politiques de sanctions à l’égard l’amende imposée in fine doit tenir lors des derniers exercices, ou des diffi-
des entreprises. cette politique consiste compte de la durée de l’infraction, de sa cultés du secteur d’activité (tpicE, 29 avr. 2004,
le plus souvent en un pouvoir de sanction gravité, et donc de l’importance du chiffre aff. jtes. t-236/01, t-239/01, t-244/01 à t-246/01,
pécuniaire, un pouvoir d’injonction de d’affaires réalisé avec les produits concer- t-251/01 et t-252/01, tokai carbon co ltd et a.). De
cesser la pratique en cause, et pour cer- nés par l’infraction (tpicE, 14 juill. 1994, aff. t- même, il convient de souligner, premiè-
taines autorités, dont l’Autorité française, 77/92, parker pen ltd, rec. cJcE, ii, p. 549). la com- rement, que la demande de prise en
un pouvoir d’injonction de publication mission a publié en 2006 des lignes compte du versement de dommages et
par voie de presse de la condamnation directrices pour le calcul de l’amende intérêts punitifs aux États-unis pour dé-
et de sa motivation. (JouE 1er sept. 2006, n° c 210 ; cf. Barbier de la serre É., terminer le montant de l’amende au titre
les lignes directrices de 2006 pour le calcul des amendes, de l’article 101 tFuE, a été rejetée par le
A. – Au sein de l’Espace économique rlc 2006/9, n° 620 ; et Jalabert-Doury n., nouvel l., sévérité tribunal dans l’affaire ADM (tpicE, 27 sept.
européen et des États membres accrue des sanctions : une nouvelle phase de consolidation, 2006, aff. t- 59/02, Archer Daniels Midland c/ commission).
Avec l’Accord de porto (Accord sur l’Espace éco- rD aff. int. 2007, n° 4, pp. 527-541) rendant sa po- Deuxièmement, le traitement fiscal de
nomique européen [EEE]du 2 mai 1992 et son protocole por- litique de sanction transparente pour les l’amende s’est durci, ainsi l’amende pro-
Droit l Économie l régulation N ° 2 2 • J A N V I E R / M A R S 2 010 • R E V U E L A M Y D E L A C O N C U R R E N C E 111
3. L’ÉVOLUTION DU RISQUE CONCURRENTIEL DANS UNE ÉCONOMIE GLOBALISÉE : UNE APPROCHE COMPARÉE
noncée n’est pas déductible fiscalement droit en cause) qui consiste au niveau com- de mener à bien les enquêtes. la com-
en France (l. n° 2001-420, 15 mai 2001, art. 85, relative munautaire à inciter les entreprises parties missaire européenne chargée de la
aux nouvelles régulations économiques dite nrE qui modifie à un cartel de le dénoncer, ainsi que ses concurrence ne disait pas autre chose
l’article 39-2 du code général des impôts. le conseil d’État membres, en échange d’une immunité lorsqu’elle déclarait à propos de ce cartel :
dans un avis a étendu la non-déductibilité aux amendes fondées totale ou partielle d’amendes adminis- « La Commission a heureusement mis au
sur le droit communautaire de la concurrence de même qu’aux tratives pour l’entreprise dénonciatrice, jour cette entente de sa propre initiative
frais de procès au titre de la défense. Cf. Gouyet r., Déductibilité ne soit pas en parfaite cohérence avec et a ainsi démontré qu’elle disposait de
des amendes pour entrave à la liberté des prix et de la concur- celle-ci, la récidive n’étant pas un critère moyens indépendants pour détecter les
rence : ce que la loi nrE a changé, contrats, conc., consom. de non-éligibilité à l’immunité. ententes et qu’elle les utilisait efficace-
2002, comm. 4 ; et Vilmart ch., non-déductibilité des amendes le programme de clémence communau- ment » (communiqué comm. cE n° ip/08/415, Antitrust :
de concurrence : quelques réflexions sur une distorsion fiscale, taire (communication sur l’immunité d’amendes et la ré- la commission inflige aux prestataires de services de démé-
rlc 2005/3, n° 260). duction de leur montant dans les affaires portant sur les ententes nagements internationaux en Belgique une amende de plus
la précédente commissaire européenne cE n° 2006/c298/11, 8 déc. 2006, JouE 8 déc., n° c 298) de 32,7 millions € en raison d’une entente complexe, Bruxelles,
à la concurrence, neelie Kroes s’étonnait opacifie le message de fermeté. Ainsi, dans 11 mars 2008). les économistes spécialistes
de la constance de ces pratiques, et de la le cartel du Caoutchouc chloroprene (Déc. de la question de la clémence s’accordent
récidive chronique qui sévit sur nombre comm. cE, 5 déc. 2007, ip/07/1855, Ententes : la commission sur ce point ; la clémence ne peut être
marchés et sont le fait des mêmes mul- inflige des amendes d’un total de 247,6 millions € aux pro- efficace que si la menace d’être démasqué
tinationales. Ainsi, en juin 2008, après ducteurs de caoutchouc chloroprene pour des accords de est réelle pour les cartellistes (spagnolo G.,
cinq ans d’enquête, la commission a partage du marché et de fixation des prix, Bruxelles, 5 décembre self-Defeating Antitrust laws : How leniency programs solve
rendu sa décision sur le cartel du chlorate 2007), Bayer obtint l’immunité pour un car- Bertrand’s paradox and Enforce collusion in Auctions, June
de sodium (Déc. comm. cE, 11 juin 2008 ; communiqué tel ayant duré dix ans, alors même que 2000, nota di lavoro, n° 52.00, Fondazione Eni “Enrico
comm. cE n° ip/08/917, 11 juin 2008). pour la pre- cette société avait été la première bénéfi- Mattei”, Milano, et chen Z. et rey p. in on the Design of le-
mière fois, elle faisait application des ciaire du cartel, et que sa qualité de réci- niency programs, iDEi Working paper, n° 452, April 2007,
lignes directrices de 2006 pour le calcul diviste fut reconnue par la commission, p. 12, ou encore ruble r. et, Versaevel B., Mise en œuvre
des amendes (cf. Jalabert-Doury n. et nouvel l., préc. ; ce qui conduisit à une majoration de 50 % de la collusion et détection : Approches actives et passives,
et Barbier de la serre É., les lignes directrices de 2006 pour dans le calcul de l’amende amnistiée. rlc 2010/22, n° 1561).
le calcul des amendes, préc.). Elle a majoré de En outre, la clémence n’est pas un outil
90 % l’amende d’Arkema France, anté- de prévention. sans revenir sur la litté- 2) Au sein des États de l’Espace
économique européen
rieurement condamnée à trois reprises rature des économistes (cf. spagnolo G., self-
pour violation de l’article 81, para- Defeating Antitrust laws : How leniency programs solve les États de l’EEE font montre dans le
graphe 1, traité cE, au titre de la qua- Bertrand’s paradox and Enforce collusion in Auctions, June niveau de sanctions pécuniaires pronon-
trième récidive. observons que la récidive 2000, nota di lavoro n° 52.00, Fondazione Eni “Enrico Mat- cées de la même fermeté, même si on
n’est pas circonscrite dans le temps (cf.tpicE, tei”, Milano [disponible sur www.ssrn.com] ; Motta M. peut percevoir des différences dans la ri-
25 oct. 2005, aff. t-38/02, Groupe Danone, rlc 2006/6, n° et polo M., leniency programs and cartel prosecution, in- gueur du recouvrement de la sanction
456, obs. Barbier de la serre É. ; et tpicE, 12 déc. 2007, aff. ternational Journal of industrial organization, 21 (2003), en ces temps de crise. la décision du
t-101/05 et t-111/05, BAsF, Europe févr. 2008, comm. 60, n° 3, pp. 347-379, article disponible sur internet, www.el- conseil de la concurrence français relative
obs. idot l.). neelie Kroes s’est également sevier.com/locate/econbase ; spagnolo G., Divede et impera : au cartel de la sidérurgie (cons. conc., déc.
insurgée contre la passivité constante de optimal Deterrence Mechanisms Against cartels and orga- n° 08-D-32, 16 déc. 2008) l’illustre avec un mon-
la direction et des actionnaires de l’en- nized crime, Mimeo, university of Mannheim, c.E.p.r. last tant global d’amendes de 575 454 500 €
treprise (communiqué comm. cE n° ip/08/917, Ententes revised : August 2003 ; chen Z. et rey p. in on the Design dont plus de 301 millions € pour le groupe
et abus de position dominante : la commission inflige des of leniency programs, iDEi Working paper, n° 452, April Arcelor Mittal. cette sévérité est atténuée
amendes d’un montant de 79 millions € aux producteurs de 2007 ; Aubert c., rey p. et Kovacic W., the impact of leniency par la prise en compte anticipée de la
chlorate de sodium, produit de blanchiment pour papier, qui programs on cartels, 18 november 2003 et Version finale, crise économique par le conseil qui a in-
ont pris part à une entente portant sur la répartition du marché the impact of leniency and Whistleblowing programs on formé les entreprises sanctionnées
et la fixation des prix, Bruxelles, 11 juin 2008, 3 p. ce qu’elle cartels, international Journal of industrial organization, qu’elles pouvaient demander un échéan-
exprimait déjà dans l’affaire du cartel du caoutchouc chloro- 21 June 2005, disponible sur idei.fr, pour citer les prin- cier de paiement au comptable public
prene : communiqué comm. cE n° ip/07/1855, Ententes : cipales contributions), une décision du 11 mars (communiqué de presse en date du 16 décembre 2008).
la commission inflige des amendes d’un total de 247,6 millions 2008 l’illustre parfaitement. la commis- pour autant, la tendance générale est
€ aux producteurs de caoutchouc chloroprene pour des accords sion a reconnu et sanctionné le cartel des bien au durcissement de la sanction ad-
de partage du marché et de fixation des prix, Bruxelles, 5 dé- déménagements internationaux à partir, ministrative ou pénale à l’égard des en-
cembre 2007). Elle a averti que « Les amendes comme à destination, de la Belgique. ce treprises, la volonté affichée d’y ajouter
imposées aux entreprises continueront cartel avait duré dix-neuf ans. il n’a pris un volet de réparation civile tangible n’est
d’augmenter en cas de récidive ». fin qu’en raison de l’enquête menée par pas avérée dans les faits.
la commission. cela prouve que la po-
b)Leslimitesduesdelaclémence litique de clémence ne peut se substituer a)Undurcissementgénéralisé
cette fermeté de la commission dans sa à une vraie politique d’enquête. Elle n’en Dans ses conclusions sur les sanctions pé-
politique de sanction est de bon aloi. est qu’un complément (tercinet A., Décisions cuniaires, publiées en mai 2008 (ce document
pourtant d’aucuns peuvent regretter que de la commission des 11 mars et 11 juin 2008 sur les cartels est le fruit d’une analyse commune amorcée en mai 2006 à
la politique de clémence (on entend par clémence, des Déménagements internationaux et du chlorate de sodium : l’initiative des autorités de concurrence françaises, lors de la
l’incitation faite par l’autorité de concurrence à l’adresse des réflexions sur la récidive et la durée rD aff. int. 2008, n° 5, réunion annuelle des autorités de concurrence européennes,
entreprises parties à un cartel de dénoncer le cartel et ses pp. 664-665). Dès lors, il convient que les afin d’accroître l’efficacité de la politique de sanction. Cf. ter-
membres en échange d’une immunité totale ou partielle autorités de concurrence ne se départis- cinet A., rD aff. int. 2009, n° 2, pp. 199-201), le groupe
d’amendes administratives ou pénales pour l’entreprise dé- sent pas de leurs compétences et exper- de travail des Autorités de concurrence
nonciatrice, et l’immunité pour ses dirigeants si leur respon- tises en matière d’investigation et que européennes, l’EcA (l’EcA fut fondée à Amsterdam
sabilité pénale est engagée au regard des dispositions du l’État leur laisse les moyens financiers en avril 2001. c’est un forum informel de discussion réunissant
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4. ENTREPRISE ET RISQUE CONCURRENTIEL
PERSPECTIVES RÉFLEXIONS CROISÉES
les autorités de concurrence de l’Espace économique européen, contribue au respect des règles de droit pp. 64-68.) En attendant, pour les victimes,
à savoir d’un côté, les autorités de concurrence des 27 États de la concurrence. le premier moyen est simples consommateurs, cette absence
membres de l’union européenne, et la commission européenne, de permettre aux victimes de se regrouper, empêche de facto toute action, le montant
et de l’autre celles des pays de l’AElE que sont la norvège, via les actions collectives, ou class actions. de leur préjudice fermant la porte, de fait
l’islande, le lichtenstein et l’autorité de surveillance de l’AElE. un autre outil incitatif consiste à donner souvent plus que de droit, à l’action in-
régulièrement invitée, la suisse répond toujours favorablement une prime, c’est-à-dire à récompenser la dividuelle. En outre, dans certains États
à l’invitation) abonde largement dans le sens victime qui agit, en lui donnant plus que membres, dont la France (cf. t. com nanterre,
des lignes directrices de la commission. la simple réparation du préjudice réel subi. 11 mai 2006, sA les laboratoires pharmaceutiques Arko-
il souhaite que les amendes atteignent un il s’agit des dommages et intérêts punitifs pharma c/ roche et Hoffman la roche ; et t. com. paris,
niveau de dissuasion adéquat (EcA Working qui ont pour avantage non négligeable 26 janv. 2007, Juva c/ Hauffmann la roche), des en-
Group on sanctions , pecuniary sanctions imposed on under- d’inciter les victimes à prendre le temps treprises clientes des membres du cartel
takings for infringements of antitrust law : principles for conver- de mener l’affaire à son terme, et lorsqu’il agissent en réparation de leur préjudice
gence, May 2008, p. 3, pts. 5, 6 et 8, et p. 6, pt. 19). En ne s’agit pas d’une action de suite, à in- et se voient débouter au motif que ce
matière de circonstances atténuantes (EcA vestir dans l’établissement de la preuve. n’est point elles mais leur propres clients
Working Group on sanctions, pecuniary sanctions imposed tel est le choix opéré par le droit américain qui ont subi le préjudice résultant de l’aug-
on undertakings for infringements of antitrust law : principles (on observe que la jurisprudence canadienne semble évoluer mentation des prix, celles-ci ayant reporté
for convergence, May 2008, pp. 5 à 7, pts. 16 à 21), il sou- sur cette question. Cf. Gcr, March 8, 2010, certification of tout ou partie de ladite augmentation de
tient la jurisprudence de la cJuE, lorsqu’il antitrust class actions in canada : is the bar lowering?) qui leur prix d’achat sur leur propre clientèle
demande qu’aucune réduction d’amende explique qu’en matière de pratiques an- (ou la Passing on defense). En l’absence d’action
ne soit acquise du seul fait que l’entreprise ticoncurrentielles le Private enforcement de groupe qui prive les victimes finales
n’a pas approuvé expressément le com- représente plus de 80 % des actions. ces d’un moyen d’action, l’accueil de la Pas-
portement ayant fait l’objet de la pratique class actions débouchent le plus souvent sing on defense revient à accorder une
concertée, ou n’a pas assisté à toutes les immunité civile de fait dans nombre de
réunions concernées, « sauf si le compor- pays européens, dont la France.
tement de l’entreprise en cause s’est signi-
Lesautoritésde le royaume-uni dispose d’un tel outil
ficativement et ouvertement écarté de la concurrencene et se propose de l’adapter en s’inspirant
ligne de conduite proposée, et que sa par- devraientpass’engager du modèle américain (civil Justice council, De-
ticipation à l’entente est véritablement ac- suruneméthode veloping a More Efficient and Effective procedure for collective
cessoire ». decalculpermettant Actions – A series of recommendations to the lord chancellor,
conformément à la jurisprudence ac- defixerdefaçon July 2008. Disponible sur le site, commenté par tercinet A.
tuelle, le groupe de travail observe qu’un arithmétiqueet in rD aff. int. 2008, n° 6, pp. 786-787). En outre, la
certain degré d’incertitude sur le montant automatiquelemontant cour d’appel de londres, dans l’affaire
réel de la sanction résultant de l’appli- del’amende,mais Devenish Nutrition Ltd contre Sanofi-
cation d’une méthode donnée peut ac- devraientconserver Aventis SA et autres (Devenish et al. v. Vitamin
croître son effet dissuasif, dans la mesure cartelists [2007] EWHc 2394 (ch), and Devenish nutrition
unecertainemarge
où les contrevenants potentiels ne peu- ltd v. sanofi-Aventis sA and others [2008] EWcA civ 1086 ;
vent alors effectuer à l’avance un calcul
demanœuvre. [2008] Wlr (D) 317), a rejeté la possibilité que
exact du risque encouru. Dès lors, les les acheteurs indirects et les acheteurs
autorités de concurrence ne devraient sur des transactions. un exemple en est directs puissent ensemble mener une ac-
pas s’engager sur une méthode de calcul donné par la société Hynix semiconductor tion en dédommagement. Devenish nu-
permettant de fixer de façon arithmétique et cinq de ses concurrents accusés d’en- trition ltd n’a pas pu prouver le montant
et automatique le montant de l’amende, tente sur les prix. ils ont accepté de payer de ses pertes réelles dues au cartel, car
mais devraient conserver une certaine $25 millions à la class (Cf. srAM makers settle il avait transféré les prix supérieurs im-
marge de manœuvre (EcA Working Group on lawsuit out of court, Gcr January 25, 2010). posés par le cartel sur ses propres clients.
sanctions, pecuniary sanctions imposed on undertakings for la possibilité d’intenter une action col- la cour a accueilli la passing on defence.
infringements of antitrust law : principles for convergence, lective n’est pas reconnue dans la plupart l’italie, pour sa part, a introduit dans son
May 2008, pp. 2 et 3, pt. 4). des droits nationaux de l’EEE (livre vert de code de la consommation l’action de
Enfin, suivant en cela le souci actuel de la commission sur les actions en dommages et intérêts pour groupe pour réparation des préjudices su-
la commission européenne de voir les infraction aux règles communautaires sur les ententes et les bis par les consommateurs (c. consom. italien,
victimes de ces pratiques indemnisées, abus de position dominante, Bruxelles, 19 déc. 2005, art. 3, les définit comme n’agissant pas à des fins profession-
il propose une réduction d’amende coM(2005)672 final ; sEc(2005) 1732. la commission en- nelles) dont tout préjudice découlant d’une
lorsque le contrevenant engage des ac- courage son introduction dans l’ensemble des États membres pratique anticoncurrentielle. le système
tions concrètes, afin d’atténuer les consé- de l’union : livre blanc sur les actions en dommages et intérêts de l’opt in est celui retenu (le système de l’opt
quences négatives de ses pratiques, par pour infraction aux règles communautaires sur les ententes in veut que l’action collective ne représente que les consom-
exemple, en fournissant volontairement et les abus de position dominante, {sEc(2008) 404, sEc(2008) mateurs qui ont adhéré par écrit expressément à l’action col-
aux victimes, et dans des délais raison- 405 ; sEc(2008) 406}, commission des communautés euro- lective), avec possibilité d’adhérer en cours
nables, une compensation adéquate. cela péennes, Bruxelles, le 2 avril 2008). Au sein de de procédure. la loi (l. fin. n° 244, 24 déc. 2007.
constituerait un réel progrès dans l’en- l’union européenne, la commission tente Cf. le More p., chronique, rD aff. int. 2009, n° 2, pp. 207-
semble des États de l’EEE. de proposer des « options » (Cf. speech/10/25 208) devait entrer en vigueur fin 2009.
Joaquín Almunia, Vice-président de la commission européenne un autre moyen au service de l’action ci-
b)Uneimmunitéciviledefait en charge de la politique de concurrence, la politique de la vile en réparation est apparu à la faveur
il y a plusieurs moyens pour inciter les concurrence de l’union européenne en 2010 et au-delà, 15 fé- de la jurisprudence allemande (jugement de
victimes des comportements anticoncur- vrier 2010, p. 6. Cf. également Jalabert-Doury n., le projet la cour régionale de Düsseldorf, 21 févr. 2007, confirmé par
rentiels en général, et des cartels en par- de directive communautaire sur les actions indemnitaires : la cour d’appel de Düsseldorf, 14 mai 2008, n° Vi-u (Kart)
ticulier, à défendre leurs intérêts, ce qui une action d’éclat bien vite enterrée, rD aff. int. 2010, n° 1, 14/07, commenté par le More p. in rD aff. int. 2008, n° 5,
Droit l Économie l régulation N ° 2 2 • J A N V I E R / M A R S 2 010 • R E V U E L A M Y D E L A C O N C U R R E N C E 113
5. L’ÉVOLUTION DU RISQUE CONCURRENTIEL DANS UNE ÉCONOMIE GLOBALISÉE : UNE APPROCHE COMPARÉE
p. 670) qui a reconnu comme valable la ces- entre États fédérés, et aux cartels inter- la première est de déterminer le volume
sion de créances faite par trente six en- nationaux. les cartels constituent une in- du commerce affecté en vertu de l’u.s.s.G.
treprises, victimes du cartel allemand du fraction à la section 1 du Sherman Anti- §2r1.1 (d) (1) qui prend pour assiette les
ciment, à la société belge, cDc Damage trust Act (« Every contract, combination in the form of a ventes mondiales affectées par la viola-
claims sA. De facto cela ouvre grand la trust or otherwise, or conspiracy, in restraint of trade or com- tion, c’est-à-dire États-unis et étranger,
porte des actions en réparation pour les merce among the several States, or with foreign nations, is au lieu de se limiter aux ventes aux États-
victimes. une nouvelle forme de forum hereby declared to be illegal... »), de nature pénale. unis pour calculer le montant de
shopping voit le jour. Dans cet arrêt, la l’action pénale est de la compétence ex- l’amende. l’u.s.s.G. §2r1.1 (d) (2) dis-
cour d’appel a reconnu recevable l’action lusive du Department of Justice Antitrust pose que le volume de commerce attri-
en réparation intentée par la société cDc Division. Depuis le 22 juin 2004, le U.S. buable à un participant individuel à une
Damage claims sA (elle argue d’un préjudice estimé Criminal Antitrust Statute a été amendé conspiracy est le volume de commerce
à plus de 110 millions) contre les membres du et les sanctions criminelles ont été ren- fait par lui ou son mandant dans les mar-
cartel allemand du ciment condamnés forcées (ce qui était souhaité par le Deputy Assitant At- chandises ou services affectés par la vio-
quatre ans plus tôt à 661 millions € torney General spratling G. r. in Are the recent titanic fines lation (pour savoir quelles conduites sont pertinentes pour
d’amendes (communiqué Bundeskartellamt, 14 avr. in antitrust cases just the tip of the iceberg?, 12th Annual na- calculer les caractéristiques d’une infraction spécifique à la
2003, disponible sur son site : www.Bundeskartellamt.de). tional institute on White collar crime, ABA’s criminal Justice section 1 de la loi Sherman, l’u.s.s.G. §1B1.3 dispose que
quant aux dommages et intérêts punitifs, section, March 6, 1998, préc., p. 15). pour les sociétés, « all acts and omissions committed, aided, abetted, counseled,
on note un rejet plus ou moins explicite, les amendes pénales pour violation per commanded, induced, procured, or willfully caused by the de-
et quasi unanime dans l’Espace écono- se vont jusqu’à 100 million $, ou deux fendant (…) that occured during the commission of the offense
mique européen. À l’exception du of conviction (and) solely with respect to offenses of a character
royaume-uni, où ce refus n’est ni total ni for which §3D1.2 (d) would require grouping of multiple counts,
définitif. un arrêt de la cour d’appel de
Contrairementaux all acts and omissions [just] described (...) that were part of
londres de 2008 (Devenish nutrition ltd v.sanofi-
amendessanctionnantla the same course of conduct or common scheme or plan as the
Aventis sA and others [2008] EWcA civ 1086 ; [2008] Wlr violationdesarticles101 offense of conviction » [get counted in calculating specific of-
(D) 317) éclaire sur l’état de la jurisprudence et102endroit fenses characteristics]. Cf. spratling G. r., Are the recent
au royaume-uni sur la question. la cour communautaire(…) titanic fines in antitrust cases just the tip of the iceberg?,
refuse d’octroyer des dommages et intérêts l’amendeendroit 12th Annual national institute on White collar crime, ABA’s
punitifs dans des actions de suite (i.e. lorsque antitrustaméricain criminal Justice section, March 6, 1998, préc., p. 13). Ainsi,
les membres du cartel ont déjà été sanctionnés par une Autorité prendpourassiette contrairement aux amendes sanctionnant
de concurrence de la communauté ; tercinet A., chronique, lechiffred’affairesde la violation des articles 101 et 102 en droit
rD aff. int. 2009, n° 2, pp. 206-207) au nom de l’in- lasociétésurleseul communautaire, qui prennent pour as-
terdiction de la double peine, de la cohé- marchépertinentaffecté siette le chiffre d’affaires mondial global
rence avec le programme de clémence, et de l’entreprise en cause, c’est-à-dire tous
du fait que le juge ne doit pas se substituer
parlaconspiracy. produits confondus et/ou tous produits,
au politique. lord Justice longmore déclare et services, l’amende en droit antitrust
dans cet arrêt que « Le seul véritable ar- fois le montant des bénéfices bruts réalisés américain prend pour assiette le chiffre
gument en faveur [de dommages et intérêts par le défendeur à l’action, ou deux fois d’affaires de la société sur le seul marché
punitifs] est un argument politique qui veut le montant des pertes financières des vic- pertinent affecté par la conspiracy.
que les cartels sont un mal notoire, et que times (« Up to $100 millions for corporations and up to $1 la deuxième possibilité est de considérer
les juridictions civiles devraient d’une façon, million for physical persons or twice the gain resulting from les ventes en dehors des États-unis
ou d’une autre, fournir une incitation pour the violation or the loss caused to the victims, whichever is comme une circonstance aggravante qui
leur éradication. (…) Mais il ne [lui] semble higher, and for physical person imprisonment not exceeding requiert un ajustement à la hausse du
pas juste pour les juridictions de franchir ten years » in the « Alternative fine statute »). À cela calcul de l’amende dans le cadre des
cette étape de leur propre initiative » (tDA). peuvent s’ajouter des injonctions, et/ou Sentencing Guidelines en vertu de
cette jurisprudence ne devrait que par- l’interdiction de traiter des marchés avec l’u.s.s.G. §5 K2.0 (in spratling G. r., Are the recent
tiellement limiter l’incitation des victimes le Gouvernement fédéral, ce qui constitue titanic fines in antitrust cases just the tip of the iceberg?,
de cartels à agir en justice, car elle se limite une peine complémentaire très efficace. 12th Annual national institute on White collar crime, ABA’s
aux actions de suite. l’action publique s’ajoute à l’action civile, criminal Justice section, March 6, 1998, préc., p. 12).
très fortement développée en matière de cette application des Sentencing Guide-
A. – Au-delà de l’Espace collusion aux États-unis, contrairement lines a eu lieu dans l’affaire Construction
économique européen à ce que nous connaissons en Europe, et Marine, et dans celle dite du Gluconate
le droit antitrust américain constitue le particulièrement en France. de Sodium, toutes deux de 1997 et 1998.
modèle de référence pour nombre d’États les ventes à l’étranger ne furent pas
de par le monde. le droit fédéral antitrust, a)Unesévéritéaccrue prises en compte dans le calcul du vo-
dont l’acte fondateur est advenu un an En matière de lutte contre les cartels in- lume de commerce affecté, mais comme
après son pendant canadien, fut le premier ternationaux, le principe est inversé : le base d’ajustement de l’amende en vertu
appliqué. il a connu de vraies évolutions Public inforcement précède le Private en- de l’u.s.s.G. §5 K2.0. Dans l’affaire dite
au gré des présidences avec l’introduction forcement. une des questions que la lutte du Gluconate de sodium, la section 5K2.0
d’outils procéduraux performants, dont contre les cartels internationaux a posé (« There exists an aggravating or mitigating circumstance
un mécanisme sophistiqué de clémence au Department of Justice est de savoir of a kind, or to a degree, not adequately taken into account
sous l’administration clinton. s’il était possible de tenir compte de la by the sentencing Commission in formulating the guidelines
dimension internationale, et donc des that should result in a sentence different from that described »)
1) Aux États-Unis ventes internationales dans le calcul de fut utilisée pour prononcer une amende
le droit fédéral américain s’intéresse aux l’amende. les Sentencing Guidelines ou- supérieure à ce que prévoyait les Gui-
cartels nationaux affectant le commerce vrent deux possibilités de ce faire. delines. le défendeur à l’action accepta
114 R E V U E L A M Y D E L A C O N C U R R E N C E • J A N V I E R / M A R S 2 010 • N ° 2 2 Droit l Économie l régulation
6. ENTREPRISE ET RISQUE CONCURRENTIEL
PERSPECTIVES RÉFLEXIONS CROISÉES
de payer une amende de 2,5 millions de 2) Du Brésil à la Corée du Sud qu’afin de déterminer le montant de
dollars, alors que le volume de commerce le Brésil, depuis 2003, a fait de la lutte l’amende administrative, la Federal Trade
qu’il réalisa aux États-unis pendant la contre les cartels sa priorité. il a suivi le Commission doit prendre en considération
période de l’infraction, était de 2,6 mil- modèle américain dans le choix de son entre autres les motifs, et les résultats…
lions de dollars, et que la fourchette pré- dispositif de lutte contre les cartels, en de la violation concertée (article 65 (3) in deter-
vue par les Guidelines était entre 748 000 optant pour la pénalisation de la pratique, mining the amount of administrative fines, the Fair trade
et 1 282 000 dollars. la cour suivit la re- et en introduisant un programme de clé- commission shall take into consideration the motives, results,
commandation de l’Antitrust Division. mence similaire. le résultat est concluant etc. of the concerned violation).
le défendeur fut condamné à 2,5 millions avec vingt huit cartels sanctionnés pour on peut également citer l’Afrique du sud
de dollars, afin de mieux refléter le vrai la seule année 2008. il y consacre 75 % comme proactive en matière de lutte
rôle du défendeur dans le cartel inter- des ressources de son autorité d’enquête, contre ses pratiques anticoncurrentielles.
national. le secrétariat du Droit Économique du ce pays a fait le choix de la sanction ad-
ministère de la Justice (sDE ; Mariana tavares ministrative. il s’agit d’une amende ne
b)Actuelleetàvenir de Araujo, secretary of Economic law, Washington, March pouvant dépasser les 10 % du chiffre d’af-
l’American Antitrust Institute (AAI ; fondée 2008 et Ana paula Martinez, Head of competition Division, faires de l’entreprise reconnue contreve-
en 1998, en réaction à l’affaiblissement des ressources dévolues sDE, Ministry of Justice, speech for the icn Workshop, in- nante, chiffre d’affaires réalisé sur le ter-
à l’Antitrust par l’administration Bush junior, à une époque novative ways of detecting cartels : the Brazilian Experience, ritoire de l’Afrique du sud et ses
de complexification de l’économie, l’AAi est une association october 2008). son tribunal administratif, le exportations à partir de l’Afrique du sud,
à but non lucratif, d’intérêt public. Elle est dédiée à la formation, conseil administratif pour la défense éco- durant l’année précédente (competition Act
la recherche et l’essor de la politique de concurrence dans nomique (cADE ; cf. l’Accord de coopération entre le 1998, art. 59, tel qu’il a été amendé en 1999 et en 2000, dis-
l’intérêt du consommateur. on trouve en son sein des fon- sED et le cADE, pour une période de deux ans, publié au ponible sur le site de la commission de la concurrence sud
dations, des cabinets d’avocats, des associations, des entre- Bulletin officiel le 20 août 2007), a ainsi prononcé, africaine : www.compcom.co.za). pour la déter-
prises, des individus et des organismes publics) dans son en 2007, un montant total d’amendes de mination de l’amende, elle tient compte,
rapport sur la politique de concurrence plus de 11, 6 millions de $us, alors qu’il comme en droit communautaire, de la
à l’adresse du 44e président des États- était de 1, 4 millions de $us en 2003. la nature, de la durée de la gravité, et de
unis, publié en octobre 2008 (rapport de l’AAi, chambre des députés a adopté un projet l’étendue de la violation, mais également
disponible sur le site www.antitrustinstitute.org), a de loi de modernisation du droit de la du préjudice en résultant, du comporte-
fait des propositions de nature législative. concurrence et de restructuration du ment de l’entreprise en cause, des cir-
il affiche des priorités d’actions, tant à cADE (projet de loi n° 3937/04, disponible sur le site constances sur le marché pertinent au
l’administration obama qu’au congrès. www.cade.gov.br), qui renforce ses pou- moment des faits, du degré de coopération
il propose d’abord que les ressources fi- voirs et aggrave les sanctions (mi-2008 déjà, du contrevenant et de la récidive, s’il y
nancières de l’Antitrust Division soient le rapport annuel sur les Développements de la politique de a (competition Act 1998, art. 59, § 3). Elle applique
augmentées de manière significative. concurrence au Brésil publié par l’ocDE affichait cette né- ce droit aussi bien à des entreprises res-
En matière de cartels et concernant les cessité de réformer, et la volonté sans faille de maintenir ce sortissantes de son territoire, comme dans
entreprises, il souhaite que le Department durcissement de la politique de sanction à l’égard des cartels. le cartel sur le pain, où la commission
of Justice accroisse l’occurrence autant Cf. oEcD, Directorate For Financial And Enterprise Affairs, de la concurrence a conclu un accord
que la sévérité des amendes pour ententes competition committee, Annual report on competition avec Foodcorp (competition commission press sta-
sur les prix (tercinet A., États-unis rapport de l’AAi policy Developments in Brazil-2007- DAF/coMp(2008), 30 tement, 5 January 2009, sur le site de la commission de
sur l’assiette de la sanction, chronique, rD aff. int. 2009, May 2008). il devrait être adopté prochai- l’Afrique du sud : www.compcom.co.za) qui a re-
n° 2, pp. 210-211). pour ce qui est des amendes nement par le sénat. connu sa participation au cartel sur les
infligées aux entreprises, l’AAi demande la corée du sud pour sa part, fait figure prix, et par lequel elle accepta de payer
à l’Antitrust Division de recommander à de meilleur élève parmi les pays émer- une amende de près de 3,5 millions €,
la cour de calculer les amendes des en- gents de l’Asie du sud Est dans l’instau- qu’à des entreprises tierces. Ainsi, dans
treprises en matière de cartels interna- ration et la mise en œuvre d’une politique l’affaire de la soude, après dix ans d’en-
tionaux sur une base fondée sur les ventes de concurrence. la loi dite Monopoly Re- quête, la commission de la concurrence
mondiales affectées, et non plus sur les gulation Fair Trade Act (promulguée par la a conclu un accord avec l’American Na-
seules ventes nationales, et d’en faire sa loi n° 3320 du 31 décembre 1980, telle qu’elle a été amendée tural Soda Ash Corporation (competition com-
pratique courante. cela rapprocherait quinze fois dont dernièrement par la loi n° 7315, du 31 dé- mission press statement, 4 november 2008, sur le site de la
l’assiette de l’amende aux États-unis de cembre 2004), opère une distinction entre les commission de l’Afrique du sud : www.compcom.co.za),
celle retenue par la commission euro- restrictions de concurrence provenant association de sociétés américaines pro-
péenne. De plus, le congrès est invité à d’une entente nationale, et celles prove- ductrices de soude, au terme duquel l’An-
porter l’amende maximale destinée à nant de contrats internationaux. celles sAc reconnaissait que son accord d’as-
l’entreprise à 1 milliard $. provenant de contrats internationaux sont sociation éliminait la concurrence sur les
Enfin, l’AAi demande de veiller à instau- bien moins lourdement sanctionnées (ar- prix entre ses membres pour les ventes
rer un juste équilibre entre les amendes ticle 34-2). les articles 21 et 22 de la loi pré- à l’export à destination de l’Afrique du
et les Punitive damages. l’équité veut voient que la Federal Trade Commission sud. cela violait la section 4 (1) (b)(i)
que l’augmentation des amendes pénales coréenne peut sanctionner les cartels en du Competition Act. l’AnsAc a accepté
ne devrait pas nuire au montant des dé- ordonnant la cessation du comportement de payer une amende administrative de
dommagements à octroyer aux victimes par l’entreprise en cause, en annonçant 9 millions rands soit 693 000€, représen-
de ces pratiques. De même, le rapport publiquement cela, ou en prenant d’autres tant 8 % du chiffre d’affaires annuel de
encourage l’Antitrust Division à poursui- mesures correctives. Elle peut imposer la soude en Afrique du sud. Elle s’est en-
vre sur le fondement de la section 4A une sanction administrative, à savoir : gagée à modifier son règlement interne
pour les préjudices subis par le gouver- une amende d’un montant pouvant aller qui obligeait ses membres à ne vendre à
nement fédéral, en tant qu’acheteur vic- jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires. l’ar- l’export, hors canada, que via l’AnsAc
time du cartel. ticle 65 du décret d’application dispose (l’AnsAc avait été créée sur le fondement de l’United States
Droit l Économie l régulation N ° 2 2 • J A N V I E R / M A R S 2 010 • R E V U E L A M Y D E L A C O N C U R R E N C E 115
7. L’ÉVOLUTION DU RISQUE CONCURRENTIEL DANS UNE ÉCONOMIE GLOBALISÉE : UNE APPROCHE COMPARÉE
Export Trade Act de 1918, dit Webb-Pomerene Act), afin ploitation abusive d’une position domi- entente sur les prix, et attributions de mar-
de permettre à ses membres de négocier nante, est dans la lignée des peines pré- chés et d’appels d’offres. les victimes au
et de contracter en direct avec les clients vues en Europe, avec un maximum de royaume-uni, comme aux États-unis
sud africains. cette affaire est d’impor- quatre ans, mais tel n’est pas le cas de (cf. chronique de le More p., rD aff. int. 2008, n° 3, p. 3,
tance car la commission de la concurrence l’amende pénale qui n’est actuellement 2008, p. 376), étaient entre autres, le ministère
sud-africaine a fait échec au Webb-Po- que de 75 000 € (c. com., art. l. 420-6). ce pla- de la Défense, des compagnies de forage
merene Act américain qui exempte les as- fond devrait être augmenté afin de remplir off-shore et de transport des produits pé-
sociations américaines de commerce à son rôle de dissuasion supposée (cf. rapp. troliers, sans oublier, les contribuables
l’export du champ d’application du Sher- coulon préc., p. 57). la commission reprend (tercinet A., royaume-uni : suites de l’affaire Marine Hoses,
man Act. ici la suggestion du conseil de la concur- chronique, rD aff. int., pp. 668 et 669). Ainsi Bryan
rence. En parallèle, elle préconise judi- Allison, Managing Director de Dunlop oil
cieusement un allongement des délais de Marine ltd fut condamné à trois ans de
II. – LE RISQUE CONCURRENTIEL prescription au pénal, de 3 ans à 7 ans, prison, réduit en appel à 2 ans et £25 000
POUR LES DIRIGEANTS si le délit est punissable d’une peine su- d’amende pénale. David Brammar, sales
la tendance est au durcissement de la po- périeure ou égale à 3 ans de prison (ou à Marketing Director de Dunlop oil Ma-
litique de sanction avec une extension du 5 ans si le délit est punissable d’un peine inférieure à 3 ans rine ltd fut condamné à deux ans et demi
champ de celle-ci aux dirigeants sur l’en- de prison, cf. rapp. p. 102), ce qui est le cas avec de prison, réduit à 20 mois après appel.
semble des continents, et donc aux per- l’article l. 420-6 du code de commerce. peter Whittle, ancien employé de Dunlop,
sonnes physiques qui décident et mettent on note que la responsabilité pénale des devenu officiellement consultant indépen-
sciemment en œuvre ces pratiques. il faut dirigeants n’a été engagée que dans moins dant et propriétaire de pW consulting (oil
entendre par dirigeants, l’ensemble des de dix affaires à ce jour (cf. David É., les poursuites Marine) ltd., qui coordonnait l’entente
dirigeants d’entreprises comme les DAF, pénales contre les auteurs de pratiques anticoncurrentielles, fut condamné à trois ans de prison, réduit
les directeurs commerciaux de zone ou concurrences n° 2-2006, pp. 175 et s. ; et cheynel B., criminal à 30 mois après appel. l’irlande a égale-
de secteur, et les directeurs marketing. le Enforcement du droit de la concurrence : un risque concur- ment fait le choix de la responsabilité pé-
risque concurrentiel pour les dirigeants rentiel émergeant, rlc, 2010/22, n° 1565). nale des dirigeants en 2002 avec la sec-
consiste en une amende de plus en plus la norvège a fait le choix d’une pénali- tion 6 Competition Act. la Central Criminal
souvent pénale, voire une peine d’empri- sation du droit des cartels, dans sa loi sur Court de Dublin a pour la première fois
sonnement ou autre peine privative de li- la concurrence de 1993, telle qu’amendée condamné à une peine de prison ferme
berté comme la consignation au domicile par la loi du 5 mai 2000 (n° 35 on Competition un manager pour sa participation à un
avec bracelet électronique, avec de plus between undertakings and Control with concentrations). sa cartelle 29 novembre 2009 (la peine est bien
en plus souvent associée une peine d’in- section 6-6, Penal provisions prévoit une plus modique que celles prononcées au royaume-uni, puisque
terdiction d’exercer des fonctions de di- peine pouvant aller jusqu’à trois ans, dès la condamnation fut de 28 jours. ce qui est conforme aux pré-
rection, ou Disqualification order. lors qu’il y a intention ou négligence, et conisations des économistes cités supra).
juqu’à six ans, si on note des circonstances la tchéquie, a introduit en janvier 2009
A. – Sur le territoire de l’Espace aggravantes. cette section prévoit une un Article 248 (loi du 27 janvier 2009, roman Barinka,
économique européen sanction pouvant aller jusqu’à trois ans e-competitions, Janvier 2009-ii) au code pénal, au
sans être exhaustif, on peut présenter le pour avoir fourni de fausses informations titre duquel toute personne ayant conclu
développement du risque pénal pour les ou des informations incomplètes. un accord restrictif de concurrence du
dirigeants d’entreprises, dans l’EEE, ainsi. le royaume-uni a également fait ce choix type accord de fixation de prix, ou de ré-
de la répression pénale avec la loi Enter- partition de marché avec un concurrent
1) Le risque pénal pour prise Act de 2002. constitue une infraction est passible d’une peine d’emprisonne-
les dirigeants
pénale individuelle le fait de prendre part ment d’un mois à 8 ans selon l’impact
En France, le rapport de la commission à un cartel malhonnêtement. toute per- de la pratique anticoncurrentielle. le sys-
coulon, de janvier 2008 (rapport au garde des sonne convaincue d’une telle infraction tème mis en place fonctionne par seuil.
sceaux, ministre de la Justice, la dépénalisation de la vie des sera punie d’une peine d’emprisonnement si le dommage est inférieur à 18 000 € le
affaires, Groupe de travail présidé par Jean-Marie coulon, pouvant aller jusqu’à cinq ans, et d’une maximum sera de 3 ans de prison, s’il
premier président Honoraire de la cour d’appel de paris, amende d’un montant illimité. une peine est supérieur à 18 000 € mais inférieur à
paris, collection des rapports officiels, Janvier 2008. commenté complémentaire est prévue : tout dirigeant 180 000 €, la peine sera comprise entre
par tercinet A., in le rapport de la commission coulon, chro- d’entreprise impliqué dans une activité 6 mois et 5 ans, de même en cas de ré-
nique, rD aff. int. 2008, n° 4, pp. 538-539) emboîte le de cartel peut être interdit de direction cidive. Elle sera de 2 à 8 ans si le dom-
pas de la pénalisation croissante des pra- d’entreprise pour une durée pouvant aller mage est supérieur à 180 000 €.
tiques anticoncurrentielles graves, obser- jusqu’à quinze ans (www.oft.gov.uk/advice_and_re-
vée en Europe (exemple dans l’union européenne : sources/resource_base/cartels). pour la première
2) Une sanction autonome
ou complémentaire : l’interdiction
l’Allemagne, l’Autriche, l’italie et le royaume-uni). il pré- fois, le 11 juin 2008 (les charges portaient au d’exercer en qualité de dirigeant
conise un renforcement de la répression royaume-uni sur la période du 20 juin 2003 au 2 mai 2007, ou Disqualification order
pénale, en mettant l’accent sur celle à date de leur arrestation aux États-unis), une Crown
l’égard des personnes physiques. la com- Court a fait application de cette section on trouve cette interdiction d’exercer en
mission coulon estime que la sanction 188 de l’Enterprise Act. Elle a condamné qualité de directeur dans le droit du
pénale a un effet plus dissuasif que la trois cadres dirigeants à des peines d’em- royaume-uni (section 188 Enterprise Act 2000). Ap-
seule sanction administrative (rappel : l’amende prisonnement, et d’interdiction d’exercer plication en a été faite par la crown court,
administrative a vu son plafond porté à 10 % du chiffre d’af- en qualité de directeurs, pour participation le 11 juin 2008, dans l’affaire du cartel
faires mondial des sociétés sanctionnées avec la loi nrE du au cartel mondial sur les tuyaux marins, des tuyaux marins (op. cit.). Ainsi Bryan Al-
15 mai 2001. Cf. sur ce point le rapport op. cit., p. 64). En et équipements accessoires au royaume- lison, Managing Director de Dunlop oil
France, le quantum de la peine d’empri- uni, avec répartition des marchés et des Marine ltd fut condamné à sept ans
sonnement, en cas d’entente, ou d’ex- clients, restrictions d’approvisionnement, d’interdiction d’exercice en qualité de di-
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