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Atelier de Recherche et d’Observation
La médiation numérique
Université Lumière Lyon 2
Master 2 Développement de Projets Artistiques et Culturels Internationaux
Promo 2014-2015
Catherine FILIPPONE
Inès MAAMCHA
Ying-Qian JIANG
Emma MELLADO
Maria Paula PENAGOS
Philippine VALLETTE
Tutrice:
Camille JUTANT
REMERCIEMENTS
Ce travail entend faire honneur à l’ensemble des personnalités qui y ont contribué.
Tout d’abord, nous souhaitons remercier Camille JUTANT, responsable de notre formation et
maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’Université
Lyon II, qui a encadré ce travail avec enthousiasme et bienveillance. Selma LARIBI
également, responsable administrative et assistante pédagogique du Master 2 DPACI à
l’Université Lyon II, pour son soutien et sa disponibilité.
Toute notre reconnaissance va aussi bien sûr aux intervenants qui ont gracieusement
accepté de répondre à nos questions et de se plier à nos horaires ainsi qu’à la forme d’un
entretien téléphonique pour certains. Grâce à eux, cet exercice a pu mêler à la fois théorie et
pratique, ce qui a contribué à inscrire cette étude dans la réalité du terrain et du contexte que
connaissent aujourd’hui les musées français.
Que se sentent chaleureusement remerciés :
Charlotte MOREL, chargée du service des publics à l’Institut d’Art Contemporain de
Villeurbanne, qui nous a reçues le 21/11,
Jean-Christophe THEOBALT, chargé de mission numérique au Ministère de la culture et de
la Communication - Secrétariat général, Service de la coordination des politiques culturelles
et de l'innovation, Département de l'éducation et du développement artistiques et culturels -,
avec qui nous avons échangé au téléphone le vendredi 28/11,
Adeline LEPINE, chargée de programmation culturelle et Karel CIOFFI, webmestre au
Musée d’Art Contemporain de Lyon, rencontrées le 01/12,
François BOUTARD, auteur du blog Art Design Tendance, rencontré le 02/12,
Laurent CHOPARD, médiateur culturel et chargé de projet au Musée Gallo-Romain de Lyon,
en charge des outils numériques et des nouveaux publics, rencontré le 02/12,
Florence VIELFAURE, chargée de mission médiation numérique au Ministère de la Culture
et de la Communication - Département de la politique des publics, Direction générale des
patrimoines -, interrogée au téléphone le 02/12,
et enfin Marie-Christine BORDEAUX, chercheur au GRESEC et maître de conférences en
sciences de la communication à l’Université Stendhal de Grenoble, interrogée le 07/12 sur
Skype à la dernière minute, mais dont la lucidité nous a été très profitable.
2	
  
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION......................................................................................................................3
1. La médiation culturelle, un renouveau en cours… ........................................................4
1.1 Une notion problématique...............................................................................................4
1.2 Le public au centre de la préoccupation des musées.....................................................7
1.3 La révolution numérique vécue par les musées .............................................................8
2. ...auquel le numérique contribue grandement… ............................................................9
2.1 L’outil numérique en question dans les musées.............................................................9
2.2 Quelles stratégies pour quels musées et quels publics ?.............................................11
2.3 Quelles évaluations et quelles évolutions ?..................................................................15
3. … mais auquel elle ne se réduit pas..............................................................................17
3.1 La fracture numérique et le besoin pressent de formation ...........................................17
3.2 Culture et tradition, culture et vivre ensemble ..............................................................19
CONCLUSION .......................................................................................................................23
3	
  
INTRODUCTION
L’évolution d’internet et de ses usages se décline en générations. D’abord un média
permettant l’accès à l’information via des pages reliées entre elles par des hyperliens, il voit
par la suite se développer les blogs, les forums, les réseaux sociaux et l’interconnexion, et
avec eux les notions de « web social » et de « web 2.0 ». Ainsi, au début des années 2000,
Internet devient plateforme participative et passe de la culture du « read only » à celle du
« read and write ». Avec par exemple Twitter, Youtube et Wikipédia, l’utilisateur devient
producteur de contenu et dépasse son attitude passive de réception de l’information. La
mobilité rendue possible par la possession de smartphones et de tablettes prolonge ces
usages en tant qu’elle permet de réagir en direct à son environnement et d’interagir en
permanence avec lui.
Cette génération connectée dans une société du tout-numérique a des habitudes et des
attentes nouvelles. Le numérique bouleverse la société sur tous les plans. Qu’ils soient plutôt
enthousiastes ou réfractaires à ces changements majeurs, les acteurs culturels ne peuvent
pas ignorer cette nouvelle donne. Les établissements culturels doivent-ils intégrer ces
nouveaux outils, et comment? Par une démarche d’adaptation aux nouvelles pratiques de
leurs publics, ou en cherchant à s’approprier les nouveaux outils et leurs atouts? Se sentent-
ils forcés d’intégrer les outils numériques à leurs projets de médiation ou en font-ils un choix
stratégique?
Nous avons décidé de concentrer notre observation sur les musées et les enjeux posés par
le numérique en lien avec leurs pratiques de médiation, en se demandant si les promesses
du numérique dans les musées vont dans le sens des ambitions que s’est donnée la
médiation culturelle.
Pour cela, nous nous appuyons sur deux sources d’informations: d’une part les écrits sur la
médiation culturelle - bien que nos recherches bibliographiques aient révélé un manque de
prise en compte de la notion du numérique dans le sujet -, et d’autre part une série
d’entretiens semi-directifs menés avec huit différents acteurs culturels aux fonctions très
différentes.
Dans un premier temps nous aborderons donc le renouveau de la médiation culturelle, pour
ensuite commenter la contribution du numérique dans ses évolutions, et évoquer enfin les
limites de cette révolution.
4	
  
1. La médiation culturelle, un renouveau en cours…
1.1 Une notion problématique
Cette partie se consacre à un rapide tour d’horizon de la notion de médiation dans ses
diverses acceptations et dimensions. Pour cela, nous aborderons tour à tour les points
suivants qui doivent nous aider à mieux nous saisir de cette notion aux contours fuyants:
- Etymologie et héritage philosophique
- Approche théorique : la médiation comme façon de penser la communication
- Approche politique et socio économique : la médiation comme façon de penser le rapport à
la culture et la médiation comme secteur professionnel.
Etymologie
- Le terme de médiation est issu des mots latins mediare (verbe) : « être au milieu » et de
medius (nom) : « au milieu ». Ce terme, dans son sens restreint, renvoie à l’entremise, dont
l’objectif est la conciliation; et par extension à ce qui peut servir d’intermédiaire.
- Médiateur : utilisé la première fois en 1314 pour stipuler une chose intermédiaire. Il a pris
au XVIe siècle sa valeur moderne d'entremise destinée à concilier des personnes, des partis,
d'abord en religion dans une relation entre l'homme et Dieu (1541) puis surtout en droit et en
diplomatie (1878). Par extension il s'applique au fait de servir d'intermédiaire, dans des
emplois didactiques et particulièrement en philosophie.
Nous retenons l’idée d’une interface et d’un médium, c’est-à-dire d’un support. Ils constituent
deux aspects importants de la médiation sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir.
Héritage philosophique
La notion de médiation s’origine chez Platon pour qui nos rapports avec le monde physique,
social ou imaginaire ne sont pas immédiats mais passent par des constructions
intellectuelles, des récits, des mythes, des représentations symboliques, des langages.
L’âme réalise une médiation qui, au delà du monde sensible, conduit à la connaissance de
l’intelligible.
Elle puise ses sources également en sémiologie (science des signes, philosophie
pragmatique). Pour Charles Sanders Peirce, sémiologue et philosophe américain, les signes
(éléments du langage, émotions, normes, lois, etc.) sont éléments de médiation et nous
permettent de penser le monde. Tout serait alors médiation !
5	
  
Approche théorique en sciences de l’information et de la communication
Il s’agit d’aborder la médiation comme façon de penser le processus de communication et de
construction du sens d’un message culturel. Si l’on peut regretter le manque d’ancrage de la
recherche en sciences de l’info-com dans la pratique réelle de la médiation, celles-ci ont au
moins théorisé un des aspects les plus importants du métier de médiateur : l’existence d’un
« tiers », inévitable dans toute situation d’énonciation. Ce tiers, c’est le moment où il y a
médiation, qu’il s’agisse du support dans lequel l’œuvre se donne à voir ou du contexte
spatio-temporel dans lequel elle s’inscrit. Autrement dit, il n’y a pas, comme on avait
tendance à le penser d’après le paradigme mécaniste de l’émetteur et du récepteur, rapport
direct à l’objet culturel.
Ce modèle du tiers est arrivé dans les années 80 comme un troisième modèle après la
théorie linéaire et diffusionniste de Claude Shannon et la théorie interactionniste d’Erving
Goffman.1
L’intérêt du détour par la théorie, c’est qu’il laisse déjà entendre que la déclinaison des
intentions, des formes et des usages de la médiation varie selon les établissements et le
discours qu’ils défendent.
Enfin, on relève deux façons courante d’appréhender la notion de médiation culturelle : soit
en tant que fonction ou technique (le médiateur se fait l’intercesseur entre un public et des
œuvres), soit en tant que processus plus global impactant l’individu dans son rapport à lui-
même et au monde :
1) « Elle vise à faire accéder un public à des œuvres (ou des savoirs) et son action consiste
à construire une interface entre ces deux univers étrangers l’un à l’autre (public et objet
culturel) dans le but de permettre une appropriation du second par le premier. » (Jean
Davallon)2
2) Avec Elisabeth Caillet nous pouvons aller au-delà de cette définition et aborder la
médiation en tant que processus plus global qui aurait le pouvoir de transformer: « il ne s’agit
pas de mettre en relation un visiteur et l’œuvre, de jouer l’intermédiaire entre deux pôles,
mais le passage d’un niveau à un niveau supérieur supposant à la fois un déplacement et
une création de quelque chose de nouveau impliquant la production d’une situation nouvelle
(positions des acteurs, objets, discours, etc.) »3
.
	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
1
Goffman propose un autre modèle de la communication sociale avec la prise en compte de
nouveaux éléments de l’interaction dans la communication (paroles, gestes, silence, etc.).
2
Jean Davallon, « La médiation : la communication en procès ? », MEI, Médiation et information, n°
19, 2003.
3
Elisabeth Caillet, « L’ambiguïté de la médiation culturelle : entre savoir et présence, Publics et
musées, n°6, 1995.
6	
  
Enfin, pour Marie-Christine Bordeaux (2008), ce terme désigne à la fois des méthodes de
travail, d’intervention et des dispositifs qui s’inscrivent dans une chaîne où de nombreux
agents (humains et matériels) concourent à des modes particuliers de diffusion et de
facilitation de la réception de la culture. Pour revenir à Davallon (2003), la médiation repose
également sur une interrogation sans cesse renouvelée sur la place, le rôle et la légitimité de
l’institution culturelle car elle remet à chaque fois au devant de la scène la place des publics
au sein des institutions ainsi que la construction de la relation à l’art et aux œuvres.
Approche politique et socio-économique
Cette approche nous permet de considérer la médiation culturelle comme un ensemble de
pratiques professionnelles dont la reconnaissance par les politiques et les institutions s’est
faite relativement tard, au moment où les tentatives de démocratisation culturelle mises en
place jusqu’alors se sont épuisées. Elle est venue réinterroger la manière d’aborder les
publics dans les institutions, ainsi que la relation qu’ils entretiennent avec les œuvres.
« La présence du médiateur dans les institutions culturelles me semblait évidente », affirme
Charlotte Morel, responsable du service des publics à l’Institut d’Art Contemporain de
Villeurbanne lorsque nous lui demandons de nous parler de l’évolution de la médiation au
sein de l’IAC. Cependant, elle nous confirme que ce sont plutôt ses prédécesseurs en
médiation qui ont vécu les vicissitudes de l’évolution du métier : « Elles ont vu émerger dans
leur vie professionnelle la qualité de médiateur qui n’existait pas avant les années 80 et 90.
Elles ont été pionnières dans la mise en forme et en pratique de certaines actions de
médiation. Moi non, j’ai vraiment été bercée par ces idées-là ».
Pourtant, le métier de médiateur culturel n’est pas toujours « allé de soi ». Problème de
reconnaissance, résistance de la part du secteur culturel voire rejet de la figure du médiateur
dans certaines disciplines, font partie des obstacles auxquels la profession a été confrontée
et continue de l’être.
C’est que le terme de médiateur culturel, inventé à la Cité des Sciences et de l’Industrie,
n’apparaît qu’au milieu des années 80 dans un contexte d’essor des grandes institutions
culturelles dont les musées font partie. Ces institutions mettent en évidence une nécessité de
former un personnel spécialisé dans la relation entre les “expots” et les publics, les politiques
demandant qu’ils soient différentiés et mieux accueillis.
Cependant ce n’est qu’en 1997 qu’est lancé le programme « nouveaux services - emplois
jeunes », et que la médiation culturelle commence à être reconnue comme une fonction et un
métier spécifique. Malgré cette avancée, le programme n’atteint pas vraiment ses objectifs :
pas de véritable pérennisation pour ces nouveaux emplois ni de définition claire des
fonctions de médiateur culturel à cheval sur des fonctions d’administration, d’accueil ou
encore de communication, sauf dans le cas du patrimoine où les médiateurs exercent des
activités en contact direct avec les publics.
7	
  
Dans les années 2000, les musées bénéficient d’une reconnaissance du métier par la loi
n°2002-5 du 4 janvier 2002. Cette loi précise que chaque musée de France doit disposer
d’un service ayant en charge les actions d’accueil des publics, de diffusion, d’animation et de
médiation culturelle. Ces actions doivent être assurées par des personnels qualifiés. Cette loi
permet à des dizaines de musées de formaliser le statut du métier qui se voyait confondu
avec les métiers de diffusion ou d’animation.
Outre les aléas de cette reconnaissance, une étude du DEPS révèle le caractère fragmenté
du métier. Après plus de 30 ans d’essor continu de la médiation culturelle et du métier de
médiateur culturel, les activités de médiation, les emplois et les compétences ne constituent
pas un ensemble homogène. Et ceci même si aujourd’hui la médiation s’impose comme une
évidence partagée par l’ensemble des institutions culturelles, car l’intérêt d’offrir aux publics
les moyens d’accéder aux œuvres, de développer des capacités critiques et artistiques est
considéré comme essentiel. Même si le médiateur se positionne au cœur de cette ambition,
la médiation culturelle ne se développe pas de la même manière en fonction de la structure
dans laquelle elle s’exerce, des types de publics auxquels elle s’adresse, et de ces facteurs
dépend la place du médiateur au sein du musée. Cette médiation est parfois réalisée par le
département des publics ou de la communication, ce qui témoigne bien d’un manque de
reconnaissance et de légitimité du métier.
1.2 Le public au centre de la préoccupation des musées
Malgré ces obstacles qui continuent de faire partie du quotidien des médiateurs, le secteur
muséal a été historiquement l’un des plus réactifs au besoin de médiation, conscient de
l’importance de la prise en compte des publics. C’est la raison pour laquelle nous avons fait
le choix d’étudier cette notion de médiation culturelle numérique au travers du secteur
muséal, partant du principe que les musées ont été à la fois pionniers sur la mise en place
d’outils de médiation et de médiateurs dans leurs locaux et sur le souci de prise en compte
des publics.
Dès les années 70, une nouvelle conception de la médiation culturelle émerge dans les
musées avec l’introduction de nouveaux métiers, aux côtés des conservateurs et des
gardiens avec pour mission de créer des situations dans lesquelles des populations (et non
pas des visiteurs) peuvent participer à des débats qui ne se limitent pas aux seuls experts
mais dans lesquels la voix des citoyens est requise. A partir des années 80 et 90, le public,
puis « les publics » deviennent la référence majeure des politiques culturelles (Bordeaux,
2008) ; de nombreux programmes dédiés à des publics « éloignés » ou « empêchés » se
mettent en place pour répondre au besoin de socialisation des équipements culturels.
Comme nous l’avons vu plus haut, la question de la médiation est remise en avant par le
grand mouvement de mutation des musées depuis les années 80 dont l’identité a évolué, en
grande partie autour de la question des publics dans le cadre d’une véritable « révolution
démographique » qui a favorisé la création de services éducatifs et où les fonctions
8	
  
classiques d’accueil et de visite guidée ont connu de nombreuses extensions, le public étant
devenu le principe organisateur de l’activité culturelle des musées.
Cette reconnaissance de la fonction de médiation - même précaire et fragile - est moins
perceptible dans d’autres secteurs culturels, particulièrement dans le théâtre (qui se pense
comme un art intrinsèquement médiateur), la musique et à un moindre degré dans la danse,
qui regroupe de nombreux collectifs artistiques de taille réduite, où les institutions ne
disposent que rarement de services culturels distincts des services de relations publiques, et
où l’artiste est considéré comme le seul médiateur possible de son œuvre.
Malgré l’attention que les musées portent à leurs publics, la question de leur renouvellement
est récurrente et la médiation culturelle vient questionner à chaque fois la problématique de
la démocratisation culturelle dans le sens où la fréquentation dans les musées augmente
sans capter de nouveaux publics.
1.3 La révolution numérique vécue par les musées
Par rapport à cette question récurrente des publics que les musées n’arrivent pas à toucher,
la médiation culturelle dans le contexte du numérique arrive d’une certaine manière comme
une nouvelle donne ou une nouvelle façon de penser un public dont les pratiques ont été
bouleversées avec l’arrivée du numérique. Il s’agit pour les musées d’adapter leurs pratiques
de médiation, renouvelées par les outils numériques, aux pratiques des usagers. De la
même façon que le numérique est entré dans le quotidien des gens, il est entré dans le
quotidien des musées. Ces outils permettent à une exposition de ne plus exister dans sa
seule durée, ni dans son lieu spécifique ; par exemple, par le jeu instauré entre exposition
matérielle et exposition immatérielle, entre temps limité de l’expérience de l’exposition
matérielle et temps illimité de l’usage de ses ressources numériques. Cette reconfiguration
entre œuvres de la culture et numérique sert-elle pour autant au mieux le dessein de la
démocratisation culturelle par le biais d’une médiation « augmentée » ?
Les musées ont été en quelque sorte « pionniers » dans le pouvoir qu’ils ont eu de capter les
nouvelles technologies au service de leurs pratiques de médiation, mais un certain nombre
de problématiques sont récurrentes comme on le verra plus loin. En outre, l’effort
d’adaptation à cette vague du numérique ne touche pas de la même manière les petits,
moyens et grands établissements, avec des effets par rapport à l’accès aux œuvres qui
restent encore à évaluer. Même si près de 75% des musées français ont une identité
virtuelle (site Internet et présence sur les réseaux sociaux), seulement 5 à 10 % de ces
institutions proposent une médiation utilisant un support numérique. Ce paradoxe provient de
la rupture croissante entre les grands musées nationaux et les institutions plus modestes (La
Tribune N°97, juillet 2014). Les établissements s’y adaptent progressivement avec l’aide de
divers programmes et/ou partenariats (Erasme du Département du Rhône par exemple) ou
rencontres (Rencontres Culture et numérique mises en place par le Ministère de la Culture et
de la Communication).
9	
  
A la question de savoir quelles sont les motivations des musées à mettre en place des outils
numériques (accessibilité, pédagogie, aspect ludique), Jean-Christophe Théobalt répond
sans hésitation que l’enjeu réside dans l’accompagnement et la formation des publics :
« C'est tout simplement de mieux accompagner les publics, […] Le numérique permet
d’enrichir ou d’amplifier des fonctions d'action pédagogique, d’action culturelle,
d'accompagnement des publics ou de communication, que les équipements font déjà.»
Deux points sont à souligner dans son témoignage : à la fois la question de la formation des
publics à l’usage des outils et celle de savoir si le numérique amplifie effectivement la
médiation culturelle, aspects que les deux prochaines parties s’attachent à développer.
Voir annexe nº 1 : Evolution de la médiation
2. ...auquel le numérique contribue grandement…
2.1 L’outil numérique en question dans les musées.
Des grands musées nationaux comme l’emblématique Musée du Louvre à Paris aux petits
musées de province, une dynamique semble s’être créée dans le secteur muséal qu’il est
plus rare d’observer dans d’autres secteurs culturels. Des dispositifs numériques sont mis en
place non seulement dans l'espace réel mais aussi dans l'espace virtuel. Dans cette partie,
nous nous attachons à faire l’analyse des dispositifs les plus plébiscités dans les musées.
De prime abord, on voit que les dispositifs les plus présents sont les réseaux sociaux et les
applications mobiles, sans qu’il y ait forcément corrélation entre la taille de la structure et sa
présence en ligne. Créer une page Facebook ou un compte Twitter est devenu une
dimension incontournable sinon très fréquente de la médiation et de la communication
muséale. A entendre les établissements les plus enthousiastes, les musées ont tout intérêt à
développer et construire leurs propres réseaux de partage avec les publics hors les murs car
d'une part, ces réseaux sociaux génèrent la curiosité des publics et créent le buzz dans la
communauté des internautes, et d'autre part, les publics peuvent interagir et poster
directement leur réactions vis-à-vis de l'exposition qu'ils fréquentent. C'est donc une nouvelle
façon de créer un lien entre les établissements et les publics.
Depuis la numérisation des contenus amorcée par les professionnels eux-mêmes, les sites
internet des établissements semblent aller vers toujours plus d’interactivité : nombreux sont
les instituts qui proposent des visites en ligne, et l’on voit certains musées proposer même
des outils de navigation ludiques, tels que le Musée des Beaux-Arts de Lyon qui propose à
son public la possibilité de commenter certaines œuvres en ligne. Le système de partage et
d'appropriation est aussi renforcé par le fait qu'un simple clic puisse distribuer les œuvres
choisies sur réseaux sociaux. Il y a donc à la fois renforcement du système de médiation en
10	
  
ligne et duplication de celle-ci, avec un contenu qui bien sûr doit (ou devrait d’avantage ?)
s’adapter à la forme et à la pratique des internautes.
Autre outil très courant : l'application mobile. Par exemple, le musée de Picasso qui a rouvert
ses portes en octobre dernier propose désormais une application mobile à télécharger à son
public. Celui-ci peut non seulement s'en servir sur place en suivant les propositions de
parcours et thématiques intégrés mais aussi découvrir les collections du musée chez lui.
C'est un outil numérique facile à manipuler et qui permet une consultation agréable avant,
après, voire en parallèle des visites. Des jeux interactifs sont aussi conçus sous forme
d’application, par exemple, l'application du Palais des Beaux-Arts de Lille qui aide les enfants
à positionner les œuvres du musée dans le temps au travers d’une série de jeux
d'entraînement sur mobile. Cela facilite non seulement l'accès à l’information proposée
autour des œuvres mais aussi toujours à créer un lien entre les œuvres et le public
connecté.
Il existe naturellement d'autres types d'outils in situ tels que les traditionnels audioguides
mais aussi des tablettes et des maquettes 3D. Le Louvre a également mis en place des
audioguides conçus sur Nintendo DS, dotés de double-écran avec commentaires et
reconstitutions d’œuvres en 3D, afin de pouvoir les voir sous tous les angles et de zoomer.
En ce qui concerne les tablettes tactiles, les établissements s'en servent de plus en plus
comme objet de consultation mais aussi afin de diversifier la scénographie d’exposition. Le
musée d'Aquitaine à Bordeaux a ainsi intégré des tablettes au mobilier d’exposition qui se
présentent comme des bornes de consultation, permettant aux visiteurs de « feuilleter » un
large éventail de documents iconographiques.
Certains établissements bénéficient même d’une expertise personnalisée, comme le Musée
Gallo-Romain de Lyon qui a beaucoup gagné en popularité depuis le passage remarqué du
Muséomix, collectif inclassable et hétéroclite qui s’est donné pour défi de donner un « coup
de neuf » aux musées en développant de nouveaux outils de médiation en 3 jours et deux
nuits. A la clef ? Un système interactif qui permet d’entendre les conversations des habitants
de l’époque, évoquant leur vie quotidienne comme les grands événements historiques.
On voit que le numérique peut donc être un atout majeur dans la compréhension d’un site
culturel ou historique et dans sa présentation au grand public. Il inspire, stimule la curiosité
autant qu’il divertit et diversifie l’expérience culturelle des publics. Même si certains outils
restent à optimiser, ils assurent quand même un rôle de démocratisation des contenus en
réécrivant et en déclinant le discours institutionnel sous différentes formes.
11	
  
2.2 Quelles stratégies pour quels musées et quels publics ?
Comme nous l’évoquions précédemment, la médiation est un « concept » relativement
récent et qui fait toujours polémique, bien qu’il se soit banalisé dans le secteur muséal, où
visiteurs comme professionnels s’attendent toujours à ce qu’il y ait un service de médiation
présent sur les lieux. A ce concept déjà flou s’ajoute aujourd’hui un autre « concept » en
pleine expansion, et qui de ce fait s’avère difficile à maitriser : le numérique. On voit
apparaître de nouveaux outils tous les six mois, avec des usages pas aussi simples qu’on le
croit. A l’ensemble des données à traiter (requêtes des artistes, exigence du commissaire
d’exposition, revendication des médiateurs, diversité des publics et problème des non-
publics) vient donc s’ajouter l’usage du numérique. S’il n’y a pas de réponse uniforme à la
question de la médiation numérique dans les musées, on peut toutefois dégager les
tendances qui s’affirment dans le domaine en 2014.
« Le numérique était déjà dans les musées avant qu’on l’y fasse entrer. On ne pouvait pas
s’y opposer, il a fallu le prendre en compte. »4
Le numérique s’installant dans nos vies
quotidiennes, smartphones, tablettes, réseaux sociaux etc., les musées n’ont eu d’autre
choix que de s’adapter. Aux prises depuis déjà quelques décennies avec les problématiques
de la démocratisation culturelle et des publics empêchés, les musées semblent voir dans le
numérique une façon d’attirer ce qu’on appelle les « non-publics ». Le piège ? Faire du
numérique, vite, et essentiellement à l’usage des jeunes.
Les éléments à prendre en compte lors de la construction d’un projet de médiation
numérique sont : les moyens (budgétaires, humains, techniques), les publics et la place des
outils numériques dans les stratégies de médiations préexistantes.
- Moyens financiers :
Si les structures à « gros » budget peuvent se permettre de financer des outils numériques
sur leurs fonds propres, les occasions pour les musées à budgets moindres ne manquent
pas pour autant. Les principaux financeurs restent les collectivités locales, d’où
« l’importance de sensibiliser les élus à la question du numérique »5
.
Le numérique prend toute son importance lors de rénovations ou de réhabilitations de
musées, avec la rédaction de Programmes Scientifiques et Culturels. Il existe également de
	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
4
Entretien au MAC, en réponse à la question « La présence sur les réseaux sociaux et le
développement d’outils numériques sont-ils indispensables à vos yeux? Pourquoi? »
5
Entretien Florence Vielfaure en réponse à la question « Quelles sont les différences entre un
montage de projet de médiation traditionnelle versus un montage de projet de médiation numérique ?
12	
  
nombreux appels à projets comme les Services numériques culturels innovants ou de
bourses dispensées par le Ministère de la Culture, dans le cadre d’Aide aux projets de
développement des musées de France ou de Plans de numérisation. Si le Ministère ne
finance pas l’intégralité des projets, le fait qu’il investisse a souvent permis de débloquer des
financements complémentaires au niveau local.
- Moyens humains :
L’une des problématiques récurrentes à l’adoption des outils numériques est la question de
la logistique : qui doit s’en occuper ? Entre le service des publics, le service de la
communication ou le service informatique, voire la création de nouveaux postes spécialisés
ou le recours à des prestataires extérieurs, les possibilités sont multiples et varient d’un
établissement à l’autre. Certains semblent ne pas réussir à trancher et il n’est pas rare de
voir deux services concurrents en termes de responsabilité; le plus fréquent étant le service
de communication en charge des réseaux sociaux et sites web ainsi que celui des publics,
en charge des outils in situ. Ces situations, dues au développement progressif et hétérogène
des établissements, peuvent entrainer des dysfonctionnements en interne, voire des rivalités
et des tensions, avérées ou refoulées. Les community managers, fraîchement arrivés dans le
secteur muséal, sont en effet susceptibles d’être mal vus par les médiateurs, à qui ils
renvoient une image d’eux-mêmes qu’ils ne veulent pas voir : accusés d’être trop élitistes et
pas assez à la page, ceux-ci sentent qu’ils ne font pas le poids face à ces spécialistes de la
communication et de l’outil 2.0.
« Mais ce genre de problèmes, à la limite, c’est des problèmes de riches »6
Effectivement, si
la question de la délégation aux équipements numériques se pose dans les grandes
structures, dans les musées à l’organigramme plus réduit, la question ne se pose pas.
« En général, c’est le service regroupant le plus de compétences qui sera responsable des
outils numériques »7
- Moyens techniques et outils :
Le manque de formation au numérique handicape souvent les établissements : pour
Florence Vielfaure toujours, c’est même le principal frein au développement du numérique.
Le développement constant de nouvelles technologies et la demande, l’attente des publics
ressentie (ou fantasmée?) par les établissements engendre parfois une sorte de compétition
entre les musées, qui se précipitent sur le dernier outil sorti ou sur le plus « tendance ».
	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
6
Entretien avec Jean-Christophe Théobalt, en réponse à la question « Avez-vous observé des
changements par rapport aux participants? Par rapport aux métiers, au niveau des Rencontres? Y a-t-
il de nouveaux profils?
7
Florence Vielfaure, chargée de mission sur la médiation numérique au Ministère de la Culture. C’est
donc des moyens humains mis en œuvre que dépendent les moyens techniques.	
  	
  
13	
  
« Les établissements ont aussi la nécessité d’inventer chacun des choses différentes des
autres, il y a peut-être même parfois une sorte de concurrence, mais c’est au bénéfice du
public. »8
Or, les médiateurs ne sont pas forcément formés à l’utilisation du numérique, tout comme un
responsable des publics n’est pas toujours formé à la direction de projets numériques. Un
besoin important d’information, d’accompagnement et d’inventivité se fait sentir dans le
milieu professionnel. C’est en partie dans cette idée de discussion et d’échange de bonnes
pratiques entre établissements qu’ont été créées les Rencontres Culture et Numérique.
Fondées en 2008 à la suite du Programme Espace Culture, les Rencontres Culture et
Numérique sont en effet l’occasion pour les musées, largement représentés dans ces
assemblées, de prendre la mesure de la place accordée au numérique dans les autres
établissements, en même temps qu’ils peuvent témoigner de leur expérience. Si chacun
aimerait innover, deux outils se détachent nettement de l’ensemble : les devices (du type
tablettes) et les outils de développement (du type applications), soit des dispositifs mobiles,
peu coûteux et faciles à mettre en place. En plus d’être faciles à fournir ou à créer ainsi qu’à
gérer (même en interne, pour les réseaux sociaux), ces outils ont le net avantage d’être déjà
connus et « domestiqués » par le public.
- Les publics:
Sans surprise, ce sont les publics jeunes qui sont les premiers ciblés par la médiation
numérique. En effet, c’est ce type de public que la médiation numérique muséale a d’abord
cherché à capter, bien qu’entre-temps sa cible se soit élargie. Grand absent des musées et
premier utilisateur de ces nouvelles technologies, «l’occasion était trop bonne » pour s’en
priver. On voit pourtant les stratégies s’ouvrir à d’autres publics, passant du simple outil de
communication à des dispositifs permettant d’améliorer l’accès aux publics empêchés
physiquement. Le musée des Beaux-Arts de Toulouse, par exemple, a travaillé en
collaboration avec des associations vouées à l’amélioration des conditions de vie des
malentendants. Ensemble, ils ont développé une application autour de vingt-et-une œuvres
majeures commentées en LSF. Le Château d’Oiron, dans les Deux-Sèvres, a travaillé avec
la « Droïd Company » pour développer un robot haut d’1m60 capable de se déplacer dans
les pièces du château inaccessibles aux handicapés moteurs, leur permettant de faire la
visite à travers ses « yeux ». Au musée Gallo-Romain, à Lyon, le service des publics s’est
également équipé de trois robots mobiles pour le public à distance. Si donc le numérique est
un argument de taille pour attirer de nouveaux publics, plus familiers avec les technologies
qu’avec le monde des musées, il est également un avantage de taille à exploiter pour un
certain nombre de publics demandeurs mais dans l’incapacité physique de visiter ou de
	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
8
Entretien avec Florence Vielfaure, en réponse à la question « On a constaté qu’il y avait consultation
entre les établissements, mais en parallèle chacun veut un équipement propre à soi et innovant. »
14	
  
bénéficier d’un type de médiation traditionnelle. Enfin, le numérique contribue aussi
largement à fidéliser un public déjà conquis.
- La place du numérique dans la stratégie de médiation préexistante :
La nécessité ressentie par les établissements à proposer au plus vite des outils numériques
mène parfois à leur « sur ajout » dans les dispositifs de médiation existants, sans que leur
place n’ait réellement été pensée. Ceci se fait alors au détriment de la cohérence, pourtant
au cœur de la notion de « stratégie de médiation ». Si la majorité des musées ont aujourd’hui
un site web (et très souvent une page sur les réseaux sociaux, du moins Facebook et
Twitter), la majorité d’entre eux ne sont pas encore équipés d’applications, de tables tactiles
ou de système d’immersion en 3D. Il semble que la façon la plus probante soit encore de
travailler par projets. C’est ce que fait très bien le MAC de Lyon, qui a créé une application
pour la plupart de ses expositions temporaires ou propose des QR codes donnant accès à
des informations supplémentaires sur un événement, etc.
Néanmoins, ces dispositifs ont une durée de vie très courte, étant impossibles à réutiliser
d’une exposition sur l’autre. A ce problème, Florence Vielfaure mentionne un souci
d’inadaptabilité (applications non connectées à la base de données du musée par exemple)
ou dans la négociation des contrats (ce n’est pas le musée qui est propriétaire de l’appli,
mais son concepteur. Le musée ne peut pas s’approprier l’application en dehors de la durée
du contrat sans avoir à rémunérer le concepteur).
Ce phénomène traduit à l’évidence le manque de recul des établissements sur le numérique,
auquel nous sommes par ailleurs tous confrontés.
Si les structures les plus importantes peuvent développer des stratégies médiatiques
pointues (budget important pour la médiation/communication, service dédié) les
établissements se tournent le plus souvent vers les sites web (base de données,
informations sur certains événements) touchant donc plutôt les publics déjà conquis, ou vers
les réseaux sociaux ou applications mobiles (peu chères, volume peu important, facile à
développer et auxquelles le public est censé être déjà familier). Certains établissements font
également le choix de travailler avec des prestataires extérieurs dans le cadre d’événements
ponctuels, au risque de voir se développer des applications à usage unique, pour « faire le
buzz ». D’autres établissements disent vouloir développer une stratégie de médiation
numérique à long terme mais ne pas savoir à quoi se référer car les premières études
commencent tout juste à être publiées, d’où la montée en puissance de rassemblement, à
l’image des Rencontres Culture Numérique. On notera par exemple à Lyon la tenue d’un
colloque intitulé Les métamorphoses de la culture contemporaine les 2, 3 et 4 Décembre
derniers au Théâtre National Populaire de Villeurbanne, dont la programmation faisait la part
belle aux problématiques que soulèvent le numérique dans la recherche, l’action et la
décision publique dans les arts et la culture.
15	
  
2.3 Quelles évaluations et quelles évolutions ?
La médiation numérique dans les musées étant encore en phase de développement, il nous
est difficile, voire impossible, de prendre le recul nécessaire à l’analyse de ses retombées.
Ce qui ressort néanmoins, c’est que la majorité des établissements confirment avoir « senti
le vent tourner en faveur du numérique » et ressentent un besoin d’innovation sinon de
modernisation dans leur secteur, toujours dans le but de s’adapter à la diversité des
citoyens. Cependant, le manque d’outils d’évaluation fait cruellement défaut : on ne peut pas
encore distinguer ce qui est « efficace » de ce qui ne l’est pas, ce qui subsistera ou ce qui se
révèlera, avec le temps, n’avoir été qu’un gadget passager. On remarque que les
établissements ont pour la plupart réellement le souci de l’incorporer à leur stratégie de
médiation préexistante ou dite « traditionnelle ».
« Ça ne doit pas être fait tout seul, ça doit faire partie d’une grande chaine, c’est une chose
qui est possible et appliquée dans de très grands établissements par une longue pratique du
sujet, dans d’autres, il va falloir faire attention justement à ne pas inventer une petite appli
qui ne va servir que pour une expo […] La médiation numérique n’est pas qu’un concept,
c’est aussi la mise en œuvre d’un certain nombre de règles pour en faire un outil qui soit, un,
reproductible, et deux, qui s’inscrive dans une stratégie générale. »9
C’est dans cette optique de lutte contre la « gadgétisation » du happening digital que
Geoffrey Dorne, spécialiste en « design et en hacking », a lancé la Responsive Museum
Week10
. Le concept ? Travailler en partenariat avec des musées français dont le site web est
inadapté à la version mobile, récupérer leurs codes CSS (le code de mise en forme du site
internet mobile) et le mettre à disposition d’internautes débrouillards. Chacun modifie le code
de manière à rendre le site mobile plus fluide d’utilisation, enregistre son travail et le met en
ligne : ainsi, les établissements « hackés » mais également les utilisateurs de ces sites
mobiles peuvent utiliser les différentes versions et en constater les points forts et les points
faibles. Le but affiché : faire réfléchir ces établissements qui se « numérisent » trop vite et
sans penser l’outil. Via cette action, Geoffrey Dorne a voulu sensibiliser à l’utilisation correcte
des outils numériques : ici, le « responsive web design » est une manière de créer un site
web capable de s’adapter à tous les smartphones.
Pour ce qui est des publics, là encore, les premières études viennent corriger les a priori.
	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
9
Entretien avec Florence Vielfaure, en réponse à la question «Quelle est la spécificité du montage
d’un programme de médiation numérique ? »
10
Article trouvé sur CultureClic : http://www.club-innovation-culture.fr/geoffrey-dorne-presque-aucun-
site-de-musee-francais-nest-veritablement-adapte-pour-les-tablettes-et-pour-les-telephones-mobiles/	
  
16	
  
« Les jeunes sont technophiles, pas techniciens »11
Si le public visé en premier lieu était les
jeunes, les premières études démontrent que ce ne sont pas eux qui viennent les premiers
tester ces nouveaux outils numériques. En effet, les chiffres montrent que ce sont les publics
conquis, déjà habitués des musées, qui utilisent les dispositifs numériques mis à disposition.
Nous avons également pu constater que beaucoup d’entre eux ne se servent pas des outils
numériques comme les établissements l’attendaient. Charlotte Morel, chargée des publics à
l’Institut d’Art Contemporain de Villeurbanne nous a notamment parlé de la frustration
ressentie lorsque les visiteurs du musée ont commencé à utiliser le « hashtag » mis en place
par l’établissement (#IAC) : les premiers partages n’étaient rien de plus que des selfies de
gens « qui faisaient des grimaces ». Ce n’est que lorsque l’IAC a « suggéré » aux
utilisateurs d’interagir avec les œuvres exposées que les premiers « posts » intéressantes
ont fait leur apparition. Dans le même schéma, le MAC de Lyon nous avait fait part de
l’utilisation « incomplète » que les visiteurs faisaient de la table tactile installée à l’entrée : en
effet, la plupart se contentaient de « s’amuser » avec l’outil sans aller jusqu’à la création de
réels « collages » numériques à partager sur leurs réseaux sociaux (utilisation pensée par
l’établissement). Il faut également éviter le piège de l’attrait pour l’outil lui-même, et non plus
pour l’œuvre sensée être présentée. Le but de la plupart des musées est d’utiliser des outils
déjà maitrisés par le public car présents dans leur vie quotidienne ; toutefois, lorsque les
publics utilisent ces outils comme ils en ont l’habitude, on perçoit une forme de déception. Il
semble aujourd’hui nécessaire que les chargés de stratégies et des publics servent
également de médiateurs entre l’outil et le public. Les avis sur le numérique sont que ces
outils sont une nécessité et une opportunité comme le multimédia l’a été à une autre époque
(audioguide, base de données) mais que de manière générale, l’attrait pour ces outils
diminuera avec le temps (effet de mode passé). La médiation humaine resterait « l’outil » le
plus adaptable car il peut interagir totalement avec les publics, le numérique viendra
seulement enrichir une médiation humaine toujours en phase de développement.
Si la médiation numérique poursuit donc les mêmes buts que la médiation traditionnelle, il
est nécessaire de travailler sur ces outils de façon à ce qu’ils s’adaptent aux besoins précis
de l’utilisateur. C’est dans cette optique que les études en cours viendront enrichir le
développement du numérique : distinction des publics et adaptation des interfaces, ainsi que
la prise en compte des contextes de consultations ; ce qui permettra aux établissements de
développer leurs stratégies de médiations numériques au plus près des besoins du public.
	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
11
Entretien avec Jean-Christophe Théobalt, en réponse à la question «Mais le numérique dans les
opérations de médiation n’est pas anodin. Qu’est-ce qu’il apporte? Quels changements avez-vous
remarqués? J’imagine que sa présence apporte une nouveauté? »
17	
  
3. … mais auquel elle ne se réduit pas
3.1 La fracture numérique et le besoin pressent de formation
Les musées sont-ils, comme on l’entend parfois, réservés à une minorité? Beaucoup
d’études, à l’image des analyses sociologiques de Pierre Bourdieu développées dans son
ouvrage de 1966 L’Amour de l’Art, montrent une segmentation importante des pratiques
culturelles. Une étude du CREDOC datée de juin 2012 sur la visite des musées, des
expositions et des monuments révèle qu’il y a une distinction à prendre en compte entre
visites de musées, expositions de beaux-arts et visites de monuments patrimoniaux, ces
derniers attirant une population plutôt diversifiée. Dans les établissements relevant de la
première catégorie en revanche, le taux de visiteurs est six fois plus élevé chez les titulaires
d’un diplôme de licence au moins que chez les non-diplômés. 67% des cadres et professions
intellectuelles supérieurs et 54% des hauts revenus se sont rendus dans un musée en 2011
contre 28% dans les foyers aux revenus faibles et 20% chez les ouvriers. La catégorie socio-
professionnelle à laquelle appartient le visiteur apparaît donc comme un facteur très
déterminant. Le critère de l’âge joue également un rôle très important. C’est la catégorie des
sexagénaires qui a le plus de chances de se rendre à un musée ou une exposition, ce qui
correspond effectivement à une période de vie où la disponibilité est la plus grande.
Qu’en est-il des usages du numérique dans la population française? Jean-Christophe
Théobalt, au cours de l’entretien qu’il nous a accordé, a rappelé l’importance des chiffres de
diffusion du numérique dans la société française: « Maintenant on est dans le top cinq
européen de possession d’ordinateur chez soi, accès à internet, smartphones, etc. Devant
nous il n’y a plus que les Pays-Bas et les pays nordiques. Le CREDOC donne des chiffres
pour les foyers et à côté pour les tranches d’âge; sur les tranches jeunes on est à 98 ou
100% sur plusieurs catégories. Mais ça on le sait depuis longtemps, il y a dans les familles
avec enfants un suréquipement. Donc maintenant la diffusion est massive dans la société
française, il n’y a plus de fracture numérique comme c’était le cas il y a quinze ans où il y
avait vraiment une fracture d’accès. »
L’Observatoire du Numérique publie régulièrement des chiffres clés sur ce sujet, les derniers
datant de mai 2014. On y découvre que 82% des ménages français disposent d’une
connexion internet, et que près de 8% du trafic internet se fait aujourd’hui depuis des
téléphones portables ou des tablettes. Mais ces chiffres révèlent également que presque
20% des Français sont considérés comme « déconnectés »: ils n’ont pas d’ordinateur chez
eux et pas d’accès à internet. La fracture d’accès est donc bien tangible et persistante. Elle
dépend de différents critères: principalement l’âge, mais aussi les revenus, le niveau
d’études, et l’isolement. A partir de 70 ans, seule 1 personne sur 3 peut être qualifiée
d’internaute. Pour ce qui est de l’équipement en smartphones, l’âge est toujours à la source
des plus grands écarts : au-delà de 70 ans, moins d’1 personne équipée en téléphone
18	
  
mobile sur 10 a un smartphone, contre 76 % des 18-24 ans. Jean-Christophe Théobalt
mentionne également les débits de connexion parfois limités dans les zones rurales.
Au point d’articulation de ces informations, on retrouve donc dans l’utilisation d’internet et
d’outils numériques la même fracture que celle que l’on reconnaît chez les visiteurs des
musées: dans les deux cas la catégorie socio-professionnelle à laquelle on appartient joue
un rôle déterminant. L’un des discours institutionnels récurrents concernant l’intégration
d’outils numériques dans une stratégie de médiation consiste à présenter cette démarche
comme un souci de démocratisation de la culture et de l’art par l’appropriation des pratiques
des visiteurs. Les musées cherchent à adopter les habitudes domestiques de leurs publics et
leur familiarité avec les outils numériques. En reflétant ainsi les pratiques de leurs visiteurs,
ils espèrent s’adapter à une réalité sociétale et toucher de nouveaux publics peu représentés
dans leurs entrées. Cependant, une telle démarche doit prendre en compte cette fracture qui
force à relativiser l’image d’une société du tout-numérique.
Au-delà des problématiques liées aux équipements, il faut également se poser la question
des usages des outils numériques. On peut avoir l’habitude d’utiliser son smartphone ou sa
tablette, et transférer ces pratiques au sein d’un musée, sans pour autant en faire un usage
qui soit réellement constructif dans le cadre de sa visite. Lorsque nous avons interrogé
Charlotte Morel sur ses impressions concernant les pratiques numériques des visiteurs de
l’Institut d’Art Contemporain, elle a regretté leur manque de créativité: « Les gens se
servaient de [Twitter] pour poster des selfies, des petites vidéos, quelque chose d’assez
narcissique en fait, sans en voir le potentiel d’usage ».
La volonté de faire appel aux outils numériques pour enrichir l’expérience de visite se heurte
donc à des limites qui forcent à relativiser l’aspect révolutionnaire que l’on peut leur prêter.
Les entretiens que nous avons menés avec différents acteurs culturels nous amènent à
penser le numérique comme un outil utile, mais pas systématique. Dans leurs propos revient
souvent l’idée de compléter la médiation « humaine », faute de pouvoir la remplacer en
parvenant à combler tous ses manques tels que la réduction des fractures qui caractérisent
les publics.
L’enjeu principal de la médiation numérique aujourd’hui est donc bien la formation. Comme
une médiation de la médiation, cette notion concerne à la fois les publics et les
établissements qui les accueillent. En parlant des objectifs de ses Rencontres Numériques,
Jean-Christophe Théobalt mentionne des « besoins d’accompagnement et d’éducation des
publics » qu’il explique en ces termes: « Effectivement les publics jeunes ont un très gros
usage de ces outils mais ce sont des usages généralement assez consuméristes,
communicationnels et superficiels sans vraiment de conscience de tous les enjeux sur les
données personnelles, etc. ». Un emploi à la fois constructif et conscient des outils
numériques, qui apporterait un réel bénéfice dans la médiation sans ignorer les risques liés
au partage de données personnelles passe donc nécessairement par un accompagnement.
Une étude de mars 2014 menée par l’INRIA avec TNS Sofres intitulée Les Français et le
numérique en 2014 révèle d’ailleurs que 42% des personnes interrogées sont prêtes à être
accompagnées dans leur découverte du numérique, dans des lieux spécifiques tels que les
19	
  
EPN, les Fablab, etc. 43% seulement se disent à l’aise pour accompagner leurs enfants
dans leurs usages des technologies numériques. Pour compléter ces chiffres, 72% des
Français pensent que le numérique a des effets négatifs sur la vie privée et 69% réclament
plus d’informations sur la protection de la vie privée et des données sur internet. Au delà de
ce souci de protection de la vie privée, les personnes que nous avons interrogées nous ont
exposé la nécessité de donner à leurs visiteurs des exemples d’utilisation d’outils
numériques pour les inciter à avoir des pratiques plus créatives, qui entrent réellement en
résonance avec l’exposition. Les institutions elles-mêmes ressentent elles aussi le besoin de
se former aux problématiques que pose le numérique. Jean-Christophe Théobalt identifie
cette demande et remarque que les participants des Rencontres Numériques viennent
beaucoup avec un désir d’échange d’expériences et de formation, parce qu’ils constatent
l’importance du numérique dans la société mais ne savent pas comment se l’approprier.
3.2 Culture et tradition, culture et vivre ensemble
Reprenant son expression « Le numérique n’est pas la panacée », le dernier mouvement de
ce travail entend défendre l’idée que la médiation numérique ne saurait remplacer la
médiation dite traditionnelle ou humaine. En fait, on voit bien que l’une et l’autre ne sont
jamais mises en antagonisme, et que toute médiation culturelle qui utilise le numérique fait
en même temps appel au savoir-faire de la médiation. Aussi, si le titre de notre ARO était
bien « la médiation numérique », il s’agissait pour nous de déconstruire les termes du sujet
pour montrer l’étroite imbrication des avancées technologiques et informatiques et de la
médiation culturelle. En effet, comme nous l’avons dit à plusieurs reprises, dans le contexte
économique et social actuel, les musées essaient d’ « avancer » avec leur public ; de faire
du musée un espace culturel qui intègre les pratiques de son public voire innove avec ce que
la technologie permet. La numérisation des contenus et la création aujourd’hui
incontournable de site internet des musées correspondent au niveau 1.0 ou au niveau du
« read only » de cette évolution de la médiation, et dix ans plus tard, il ne viendrait à l’idée de
personne de contester ces usages. Pour autant, il semble qu’une question plus ancienne
demeure toujours au centre de ces discussions sur le numérique, comme si ce dernier était
finalement ce qu’on appelle « l’arbre qui cache la forêt », ou « un pansement mis sur une
jambe de bois ». C’est celle du statut du médiateur et de ce qu’on met derrière l’expression
« d’expérience culturelle ».
Qu’est-ce finalement que l’expérience culturelle, qu’est-ce que le métier de médiateur culturel
et comment le numérique pourrait-il faire positivement bouger les lignes de ces réalités ?
L’évaluation de ces outils numériques par les professionnels eux-mêmes et par notre
analyse a montré grossièrement deux types de profils : les dubitatifs, qui pourtant font
régulièrement des essais avec des outils numériques, et les enthousiastes, qui sans jurer
entièrement par le numérique, voit en lui un avenir très prometteur pour la médiation. Parmi
ces intervenants, nous relèverons en particulier le mot de Florence Vielfaure, après qu’elle
ait cité le musée imaginaire de Marlaux:
20	
  
« Pour moi, que le musée s’expose à travers des applis et sur les réseaux sociaux, ça
correspond parfaitement aux missions du musée. En tout cas, on est dans les missions de la
culture, qui sont la démocratisation, l’éducation artistique et culturelle, notre mission est
d’aller vers les publics, par tous les moyens, et le moyen du numérique est un moyen,
comment dire, très domestique et familier. Moi j’y crois. J’y crois dans la mesure où ils ne
sont qu’un outil ».
Une déclaration à la fois positive et riche, puisqu’elle met en lien sa position sur le numérique
dans la médiation culturelle et sa conception de la « mission culturelle ». Ici finalement
médiation et mission culturelle se confondent et se caractérisent par un certain militantisme,
dont Charlotte Morel avait préféré se garder : la mission de la culture est d’aller vers les
publics « par tous les moyens ». Il en va du ressort de l’Etat depuis André Malraux, premier
ministre de la culture mais aussi de celui de tout établissement culturel qui ne doit pas se
contenter de proposer une offre culturelle mais chercher aussi à en favoriser la demande par
l’éducation culturelle et la recherche d’une plus grande accessibilité et d’attrait pour les
publics. Par l’idée donc d’aller vers les publics en récupérant des outils auxquels ils sont
familiers, il y a aussi l’idée d’une réciprocité, d’un point de contact qui se crée entre la culture
et son auditoire, réel ou potentiel, sans discrimination. Florence Vielfaure, dans son rôle de
chargée de mission médiations numériques au Ministère de la Culture, partage donc une
vision républicaine et démocratique de la culture.
Néanmoins, comme nous l’avons vu précédemment, et comme Florence Vielfaure le
reconnaît12
, les enquêtes montrent que le numérique n’a pas révolutionné l’accès à la culture
en terme à la fois de fréquentation et de diversité. Aussi, si l’idée que le numérique est un
outil de plus dans le panel du médiateur, comme elle l’affirme elle aussi, le plus gros travail
semble toujours demeurer dans le métier-même du médiateur culturel. Aussi vrai que l’artiste
ne se limite pas à sa technique, beaucoup sont d’avis que c’est l’usage qui est fait de la
technologie qui fait la différence. C’est l’humain qui donne sens à la machine, si bien que si
l’usage du numérique était également réparti dans tous les musées, on peut imaginer qu’il ne
soit pas partout le même, selon le type de musées mais aussi selon les publics visés et son
implantation sur le territoire. Encore faudrait-il que soit accordée une plus grande autonomie
au médiateur qui occupe souvent une position délicate. En effet, si le statut du médiateur
s’est « banalisé »13
, il n’en reste pas moins que sa situation professionnelle demeure
précaire, faiblement rémunérée, alors même que cette fonction requiert un niveau d’étude
élevé et que presque tous pratiquent ou ont pratiqué une activité artistique ou créative qui
n’est jamais valorisée dans leurs discours. Dans la plupart des cas, le médiateur exerce
dans l’ombre du commissaire d’exposition et de l’artiste et refuse de se concevoir sur le
modèle du pédagogue ou du communicant. Aussi, le champ de possibilité du médiateur se
	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
12
A notre question « pensez-vous que le numérique a révolutionné les pratiques culturelles du
public ? » elle répond : « non pas encore… mais ça y participe ».
13
Pour reprendre une expression de Marie Christine Bordeaux et Elisabeth Caillet, ibid.)	
  
21	
  
réduit très souvent à une peau de chagrin, située « en sandwich » entre les publics et sa
hiérarchie.
D’ici donc à ce que le numérique devienne un langage commun pour les professionnels
comme pour les publics, il faudrait s’entendre sur les conditions optimales d’accès à la
culture et de démocratie culturelle, ainsi que sur ce que l’on met derrière l’idée
« d’expérience culturelle ».
A en croire Jean Caune dans son article dans lequel il cite Hannah Arendt, « Le pouvoir
originellement spécifique de toute chose culturelle étant d’arrêter notre attention et de nous
émouvoir, l’expérience esthétique, le jugement de goût, comme le montre Hannah Arendt,
est une activité « en laquelle le partager-le-monde-avec-autrui » se produit. ». Autrement dit,
la spécificité de l’œuvre artistique ou de la culture réside dans l’instant de sa découverte, qui
produit (plus ou moins soudainement) à la fois émotion, cadre esthétique et jugement de
goût, tout cela en confrontation avec l’altérité de l’œuvre et/ou avec les autres. Cette
définition de l’expérience culturelle soulève donc trois aspects, qui vraisemblablement sont
aussi à l’esprit du médiateur et du chargé d’exposition quand ils développent un projet in situ
ou en ligne : l’espace, la temporalité et la convivialité, au sens du « vivre ensemble ».
Or la grande spécificité d’internet et de ses avatars est de rendre possible un déplacement
spatio-temporel. Le numérique nous rend doués d’ « ubiquité » : nous sommes ici et ailleurs,
ailleurs renvoyant à l’espace virtuel. Qu’en est-il alors de l’expérience culturelle, quand celle-
ci se trouve délocalisée, déplacée de son cadre initial ? Comment la médiation s’adapte-t-
elle aux différents média, autrement dit à ce qu’on a appelé au début des années 2000 le
« multimédia », et auquel vient s’ajouter aujourd’hui le numérique? La réponse est simple,
bien qu’elle soit plus facile à dire qu’à faire : à chaque média sa médiation, et le rôle du
médiateur est aussi de faire le lien entre les outils numériques et le public. Il n’y a pas de
recettes clés, l’important étant de « donner au visiteur les outils pour son émotion et son
plaisir ». Si la fonctionnalité de visite en ligne existe, elle peut donner envie au visiteur de s’y
rendre tout comme il peut décider de s’en contenter. Il faut le noter : l’ère numérique que
nous semblons vivre n’a pas pour autant « éradiqué » le besoin de rencontres physiques.
Aux musées donc d’axer leur communication sur les besoins que le numérique ne satisfait
pas pleinement. Aussi vrai que le montage d’une exposition doit créer un cadre propice à
l’appréciation des œuvres, les outils numériques, qu’ils interviennent in situ ou en ligne,
doivent rentrer dans cette même logique. C’est en tous cas ce que nous avons constaté au
cours de notre enquête. Le numérique est toujours un « plus », pensé pour « augmenter »
l’expérience du public, en durée et en intensité (avant, pendant, après ou en parallèle des
œuvres). Qu’en est-il alors de la notion de convivialité ou de « vivre ensemble » ?
Comme nous le rappelle Florence Vielfaure, ces outils numériques sont tous dotés de
fonctions de partage, donc il y a ce qu’elle appelle « un leitmotiv [à] partager ». Au-delà des
dérives (narcissisme, mise en scène de soi, désinhibition, superficialité) dénoncées par
l’ensemble des intervenants, ne peut-on pas y voir quelque chose d’enthousiasmant ? A
l’image du public de l’IAC, dont les pratiques de partage ont progressivement évolué du
simple partage de photos ou de courtes vidéos sur les réseaux sociaux à un dialogue critique
22	
  
et créatif avec les œuvres, ou bien encore des forums14
, ne peut-on pas voir ces pratiques
sociales comme contribuant à l’aspect convivial de la culture ? A ce sujet, un rapide détour
vers la définition du terme de convivialité nous a semblé étonnant et pertinent :
• Du latin convivium, repas en commun et convivialis, convives, c’est aussi un
hispanisme utilisé par Ivan Illitch dans La Convivialité en 1973 « pour qualifier à la
fois des outils dont la fonction est déterminée par celui qui les manie plutôt que par
celui qui les conçoit, et un type de société post-industrielle caractérisé par ces outils,
l'autonomie et l'interdépendance ».
• En informatique c'est la qualité d'un logiciel dont l'usage est intuitif ou qui dirige
suffisamment son utilisateur pour ne nécessiter ni formation ni mode d'emploi (ce
dernier sens est radicalement opposé au sens Illichien).
Alors certes, on a vu que ces outils demandaient un effort d’appropriation, mais le fait est
qu’ils présupposent toujours l’idée d’une communauté et d’un lien social. D’autant que ces
réseaux sociaux restent sous l’entier contrôle de l’établissement. Or, tant que cela permet au
public de rebondir sur une œuvre, que cela se fasse « de visu » ou en ligne, de la manière
attendue ou de façon détournée n’est pas le plus important. L’important, c’est d’avoir le
choix.
	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
14
« Une fois ce stade-là passé (cf. le stade narcissique), on s’est rendu compte qu’en postant 2, 3
choses un peu décalées les gens suivaient. Ils commencent au fur et à mesure à voir le potentiel pour
témoigner de l’expo, pour parler d’eux-mêmes, et je pense à usage privé aussi. Donc c’est intéressant
de voir l’évolution de l’outil dans les pratiques. Il y a des gens qui ont fait des actions en réponse à des
choses qui les ont marqués dans l’expo. C’est des réponses un peu créatives plutôt qu’un
commentaire textuel par exemple. Ils entrent en résonance avec l’expo. C’était tout à fait ce qu’on
recherchait. »
23	
  
CONCLUSION
Au terme de cette réflexion, nous avons donc montré que le numérique était un outil de plus
dans le panel du médiateur culturel qui exerce dans les musées. Le numérique offre de
nouvelles opportunités mais il ne remplace pas la médiation humaine, pas plus que ne l’ont
fait avant lui l’instauration de bases de données ou d’audioguides. Le numérique est donc
avant tout un outil, qui, comme tous les autres, demande à être appréhendé, maîtrisé, à la
fois par celui-qui le manie que par celui qui le conçoit. De là à parler de « démocratisation
culturelle », quand les publics les plus avisés sur le numérique demeurent toujours les
mêmes, il y a un pas à faire. Et justement, quel est-il ? Qu’est-ce que la démocratie culturelle
sinon la collaboration de chacun à l’élaboration du patrimoine culturel qui par définition nous
appartient tous ? Et comment travailler ensemble à laisser une voix à l’ensemble des publics
tout en n’entravant pas les compétences des établissements ? D’ici à ce que les publics les
plus « éloignés » ou « empêchés » se voient soulagés des obstacles psychologiques ou
physiques qui les empêchent de franchir la porte des musées, la figure du médiateur
demeure le plus grand espoir à l’avancée de la démocratie culturelle dans ce secteur, à
condition qu’il parvienne à tirer parti de l’ambivalence de son métier. Car qu’est-ce donc
qu’un médiateur, sinon un éducateur culturel informel, et ce bien qu’il s’accommode mal de
cette définition ? Qu’est-ce donc qu’un community manager et qu’un chargé de la
communication, sinon deux alliés précieux pour la tâche noble et pourtant injustement
considérée de la médiation ? Le numérique a renforcé l’accès et la participation des publics
mais a aussi contribué au décloisonnement du secteur culturel, plus que jamais obligé de
s’entourer d’un réseau d’acteurs large : chercheurs, associations, internautes…
Autre aspect qui peut sembler à la marge de notre sujet mais qui rentre néanmoins tout à fait
dans les questions de démocratie culturelle : le numérique a largement élargi la voie aux
pratiques culturelles amateurs. Or, on ne peut pas nier que l’amateurisme a toujours soutenu
la demande culturelle, et ce bien que les établissements culturels mettent un point d’honneur
à s’en distinguer. Penser le musée de demain, ce musée idéal ou imaginaire dont rêvait
Malraux ne se limite donc pas à faire innover les outils mais aussi à réinventer les
techniques de médiation et soutenir les techniciens (médiateurs et autres) qui les
accompagnent. Car c’est avant tout de la volonté des humains derrière les équipements
culturels que dépend en grande partie - non pas le pouvoir d’achat - mais bien le pouvoir
culturel des publics.
24	
  
BIBLIOGRAPHIE
ARTICLES
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enjeux théoriques », Culture et Musées, 2013, hors série, p. 147
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LIVRES, RAPPORTS
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gestion des ressources humaines, DEPS, 2010-1
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CHAUMIER Serge, MAIRESSE François, La médiation culturelle, Armand Colin, 2013
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PEYRIN Aurélie, Etre médiateur au musée. Sociologie d’un métier en trompe-l’œil, La
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l’OCIM, n° 154, 2014
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SANDRI, Eva, « De l'utilisation du terme “révolution” dans les technologies de l'information et
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VIDAL Geneviève, « Interactivité et médiation dans l'usage des multimédias de musées »,
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VIDAL Geneviève (LabSic – Université Paris 13), Médiation & numérique, usages des
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Power point de l’auteur présenté à une rencontre (la rencontre n’est pas précisée)
Liste non exhaustive de liens Internet consultés
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http://www.culturecommunication.gouv.fr/Politiques-ministerielles/Etudes-et-statistiques/Les-
publications/Collections-de-synthese/Culture-etudes-2007-2014/Mediation-culturelle-l-enjeu-
de-la-gestion-des-ressources-humaines-CE-2010-1
http://montreal.mediationculturelle.org/quest-ce-que-la-mediation-culturelle
http://www.club-innovation-culture.fr/didier-happe-agp/
http://www.crossmedias.fr/fr/2013/12/la-mediation-culturelle-numerique-quels-nouveaux-
supports/
http://www.culturemobile.net/cultures-numerique/nouveaux-territoires-louvre
TABLE D’ANNEXES
Annexe	
  1...................................................................................................................................................2	
  
Infographie	
  sur	
  l’évolution	
  de	
  la	
  médiation.................................................................................2	
  
Annexe	
  2...................................................................................................................................................3	
  
Entretien	
  avec	
  Charlotte	
  Morel	
  (le	
  21/11/2014),	
  Responsable	
  du	
  service	
  des	
  publics	
  
à	
  l’Institut	
  d’Art	
  Contemporain	
  de	
  Villeurbanne........................................................................3	
  
Annexe	
  3................................................................................................................................................ 11	
  
Entretien	
  avec	
  Jean-­Christophe	
  Théobalt	
  (le	
  28/11/14),	
  Chargé	
  de	
  Mission	
  
Numérique	
  au	
  Ministère	
  de	
  la	
  culture	
  et	
  de	
  la	
  Communication	
  -­	
  Secrétariat	
  général,	
  
Service	
  de	
  la	
  coordination	
  des	
  politiques	
  culturelles	
  et	
  de	
  l'innovation,	
  Département	
  
de	
  l'éducation	
  et	
  du	
  développement	
  artistiques	
  et	
  culturels.............................................. 11	
  
Annexe	
  4................................................................................................................................................ 20	
  
Entretien	
  avec	
  Adeline	
  Lépine	
  et	
  Karel	
  Cioffi	
  (le	
  29/11/2014)	
  ;	
  Adeline	
  Lépine	
  (AL),	
  
chargée	
  de	
  programmation	
  culturelle	
  et	
  Karel	
  Cioffi	
  (KC),	
  webmaster	
  du	
  Musée	
  d’Art	
  
Contemporain	
  de	
  Lyon	
  (MAC)........................................................................................................ 20	
  
Annexe	
  5................................................................................................................................................ 25	
  
Entretien	
  avec	
  François	
  Boutard	
  (le	
  02/12/14),	
  Auteur	
  du	
  blog	
  ArtDesignTendance
.................................................................................................................................................................. 25	
  
Annexe	
  6................................................................................................................................................ 28	
  
Entretien	
  avec	
  Laurent	
  Chopard	
  (le	
  02/12/2014),	
  Médiateur	
  culturel	
  et	
  chargé	
  de	
  
projet	
  au	
  Musée	
  Gallo-­Romain	
  de	
  Lyon,	
  en	
  charge	
  des	
  outils	
  numériques	
  et	
  du	
  
développement	
  des	
  nouveaux	
  publics........................................................................................ 28	
  
Annexe	
  1	
  :	
  Infographie	
  sur	
  l'evolution	
  de	
  la	
  médiation	
  
	
  
Annexe 2
Entretien avec Charlotte Morel (le 21/11/2014), Responsable du service des publics à
l’Institut d’Art Contemporain de Villeurbanne
Pourriez-vous vous présenter? Et présenter l’Institut d’Art Contemporain?
J’ai été embauchée à l’IAC en février 2013. En qualité de médiatrice culturelle d’abord, et depuis
quelques mois j’ai pris la responsabilité du service des publics. Une bonne partie de mes
activités relève de la médiation, que ce soit de la conduite de visites guidées ou la rédaction de
projets pédagogiques ou de supports de médiation écrite, des rencontres avec les enseignants,
et la programmation d’événements culturels comme des rencontres avec des acteurs du champ
artistique, des auteurs, des commissaires. Je forme également des étudiants en médiation.
L’IAC est un centre d’art qui trouve son origine dans la fusion de deux structures. En 1978 le
nouveau musée est le premier centre d’art français à s’implanter, et qui plus est à Villeurbanne
donc pas à Lyon. Il y avait uniquement une politique d’expositions temporaires, et un fort soutien
à la création internationale et contemporaine. A 1982 le FRAC est fondé avec une constitution
de collection. En 1998 les deux entités deviennent l’IAC. On a l’héritage du FRAC c’est-à-dire la
collection de 1700 œuvres qui s’alimente chaque année et l’activité d’expositions temporaires
qui se fusionnent. Donc l’IAC a la spécificité d’être porteur d’une grosse collection qui
normalement est propre aux musées et pas aux centres d’art. Nos expositions temporaires
servent souvent à faire l’acquisition de nouvelles pièces qui entrent dans la collection. On est
une équipe de 13 permanents dans les bureaux.
D’où viennent les fonds pour acquérir les œuvres?
L’IAC bénéficie de subventions de l’Etat et de la région, et on a également le soutien de la ville
de Villeurbanne. Le budget d’acquisition peut fluctuer, et il est pris sur le budget de
fonctionnement normal qui provient des subventions des trois parties. Donc c’est de l’argent
public, et la collection est publique.
Pouvez-vous me raconter le dernier projet d’exposition, et comment vous y avez pris part
en tant que chargée des publics?
Ça s’appelle « Collection à l’étude. Expériences de l’œuvre ». C’est un projet qui agit ici dans les
locaux de l’IAC et dans différents lieux de Villeurbanne. Ce projet montre des œuvres qui
appartiennent à la collection. L’IAC montre tous les deux ans une partie de sa collection. C’est
un éclairage qui peut être des dernières acquisitions ou une thématique. En 2012 c’était l’art
vidéo donc on a sorti une certaine quantité d’œuvres vidéo qu’on avait dans la collection. Cette
fois-ci on a décidé qu’il n’y aurait pas vraiment de thématique et pas vraiment de nouvelles
acquisitions mises en focus, mais par contre on s’est dit qu’il serait intéressant de réinterroger
les relations que peuvent avoir les visiteurs aux œuvres. D’où le titre. Ça supposait que dans la
sélection des œuvres, qui s’est faite de manière relativement collective et pas seulement un
choix de direction, on réfléchisse vraiment à quel type d’œuvres a été susceptible de créer des
comportements, des réactions différentes. On a été le plus éclectique et le plus large possible
dans notre sélection en cherchant à ce que ce soit représentatif des médiums très divers qui
existent dans l’art contemporain, pour donner à voir une multiplicité, potentiellement déclencher
une multiplicité d’attitudes, de réactions, d’émotions, de sensations et de commentaires.
Et puis le second point c’est que pour appuyer cette sélection-là du point de vue de la médiation,
on a essayé de remettre en cause ce qu’on faisait jusqu’à présent. C’est-à-dire qu’à l’IAC vous
avez la possibilité de faire des visites commentées avec des médiateurs, de venir seul mais
vous avez aussi le guide du visiteur qui est un support de médiation écrit assez complet, plus les
cartels évidemment. Et on s’est dit que ça pourrait être intéressant puisqu’on essaye de
déclencher une prise de conscience des gens quand ils viennent - quelle est mon attitude quand
je vais au musée, qu’est-ce que j’attends face aux œuvres, est-ce que parce que j’ai les
informations je comprends mieux l’œuvre et ça me fait d’avantage d’effet, on s’est basés aussi
sur beaucoup de réactions assez archétypales de visiteurs « de toutes façons l’art contemporain
j’y comprends rien, si vous n’étiez pas là je ne comprendrais rien, c’est joli mais ça me parle
pas, je ressens rien, l’art c’est fait pour être beau », enfin ce genre de poncifs là, plutôt que de
les rejeter on a essayé d’en tenir compte, et de proposer un accompagnement différent de
d’habitude. On n’avait pas la prétention de révolutionner la pratique de la médiation mais on
s’est dit qu’on allait essayer de décaler un petit peu les habitudes pour voir ce que ça produit.
Donc ça passe par cette proposition que vous avez vue: un accueil du visiteur oral, une sorte de
mise en confiance vis-à-vis du projet, etc., une mise à disposition d’un petit strapontin pliant, un
petit carnet avec un crayon, non pas source d’informations mais qui est vide et à remplir
potentiellement, et une liberté du timing que vous avez face à chacune des œuvres puisque
vous pouvez vous asseoir, vous ne suivez pas un groupe. On a enlevé les cartels donc pas de
référence immédiate à l’information, pas de notice dans les salles et donc a priori un parcours
qui produit un aller et un retour. Donc avec un point de rencontre, avec à ce moment-là, salle par
salle, les notices d’œuvres assez complètes et une possibilité de rencontre avec un médiateur
qui ensuite est assez volant, vous accompagne sur une partie, répond à vos questions, fait le
retour complètement avec vous en répondant à vos questions. Mais les consignes qu’ils ont
eues c’est surtout de déplacer votre propos. Non pas d’esquiver les réponses et de ne pas
connaître les œuvres, au contraire, mais de faire aussi prendre conscience qu’on peut avoir un
tout autre intérêt à venir voir des œuvres que de bien les comprendre. On peut aussi s’interroger
sur - c’est vrai que face à un tableau je m’approche à 15cm, et face à une sculpture je tourne
autour. Surtout, l’idée qu’on avait surtout en tête, c’est un aller « autonome », et un retour
accompagné par une lecture ou une conversation, et est-ce que ça change quelque chose. On a
vu deux fois les œuvres, est-ce qu’on a mieux compris avec de l’info, est-ce que c’est
simplement le fait de l’avoir vu deux fois qui permet de mieux comprendre, etc.
Et donc un dernier élément de ce dispositif-là, c’est celui qui est dans le jardin, vous avez un
container industriel qui d’ordinaire est attribué au « laboratoire espace cerveau » qui est un
dispositif à part entière et qui est concepteur, donc il y a un groupe de recherche qui est
concepteur de cette exposition et de ce projet collection à l’étude là, et donc à l’intérieur vous
avez ipads, ordis, paperboards, pour noter des choses, restituer - on appelle ça un retour de
mémoire - des sensations que vous auriez eues, des commentaires, des remarques, des
critiques, simplement une photo que vous avez envie de poster pour la partager, et tous les
visiteurs peuvent voir ce qui a été posté auparavant. C’est sur twitter, sur le compte de l’institut,
et vous pouvez poster à tout moment dans la salle. Si vous-mêmes vous avez un compte twitter
vous le postez avec le hashtag de l’IAC. Et vous avez aussi dans la verrière d’accueil un petit
ipad pour consulter les notices qui sont aussi en ligne.
Depuis que vous êtes en poste, avez-vous observé des changements dans la médiation?
Moi j’ai repris le service à la suite de deux autres personnes, qui avaient elles beaucoup défriché
le terrain puisqu’elles étaient en poste depuis longtemps. Elles ont vu émerger dans leur vie
professionnelle la qualité de médiateur qui n’existait pas avant les années 80, ou 90 pour
vraiment l’installer. Elles ont été pionnières dans la mise en forme et en pratique de certaines
actions de médiation. Moi non, j’ai vraiment été bercée par ces idées-là, la place du médiateur
dans les institutions me semblait évidente.
Mais par contre c’est vrai que ce qu’on observe c’est les comportements. Dans cette institution
la nécessité d’avoir de la médiation est peu remise en question. Ce qui est sûr c’est que les
outils évoluent. La nécessité d’avoir des outils est parfois remise en question, mais quand elle
est soulevée elle nécessite d’être adaptée aux âges. Cela va sans dire, puisque moi je l’observe,
je reçois très souvent de jeunes enfant de deux ans et demi, cinq ans, sept ans dans les
espaces, et on voit (mais ça c’est une banalité que de dire ça maintenant), leur immédiateté à se
servir des outils, en l’occurrence numériques. L’Ipad c’est quelque chose qui est très évident
pour eux, dans les fonctionnalités, dans les interfaces, dans la manipulation de l’objet, qui l’est
évidemment beaucoup moins pour des adultes, voire des personnes d’un certain âge. Donc il y
a une nécessité qui commence vraiment à s’imposer à nous qui est d’utiliser ce genre d’outils-là,
maintenant pourquoi, ça c’est une autre question.
De plus en plus souvent les gens comparent les outils de médiation d’une institution à l’autre.
Donc ça donne des idées, mais on constate qu’il n’y a pas encore un systématisme dans
l’utilisation. Il y a des franges de la population qui s’en servent, et ce n’est même pas
générationnel parce qu’il y a par exemple des lycéens qui s’en servent beaucoup et des
collégiens qui pourtant sont encore plus à même d’être là dedans qui ne s’en servent pas du
tout. Donc ce n’est pas encore très clair dans mon esprit d’arriver à viser le bon public pour quel
outil. Il y a des franges, on va dire les personnes de plus de 45 ans, le numérique c’est pas
encore tout à fait ça et encore je parle de manière très générale, il y en a qui sont très au fait,
mais il y a quand même assez peu de ces acteurs-là qui sont sur les réseaux sociaux
activement, ou alors si ils le sont c’est pour un but très privé et ce n’est pas pour ce type
d’activités-là qui seraient culturelles, on va dire. Ou alors qui ne voient pas l’intérêt quand ils sont
au sein d’un cadre parce qu’ils considèrent que c’est nous qui allons les guider vers ça. Donc
c’est plutôt à la maison quand ils se renseignent sur ce qu’il y a à voir, etc. Des applications dont
ils se servent pour eux en gros pour décider de leur vie culturelle, mais pas une fois qu’ils sont
dans l’institution. Donc ça évolue très vite, il y a des gens qui travaillent là-dessus donc on a
régulièrement de la part des sociologues, de chercheurs des réponses ou des ajustements.
Pour ce qui est vraiment de la pratique de médiation pour l’instant ici on n’a pas en place d’outils
réellement novateurs. On reste sur des choses assez attendues, comme le papier, comme des
guides du visiteur, pour les jeunes visiteurs des cahiers de jeu, etc. La parole, moi c’est vrai que
pour l’instant je suis assez neuve dans ce métier et je ne suis pas du tout lassée, c’est très
important encore d’avoir le contact. Parce qu’on est un petit lieu, c’est spécifique à notre lieu
aussi, ce n’est sans doute pas la même problématique pour le MAC par exemple, mais on est un
petit lieu et on cherche à être au contact des gens, à fidéliser les gens qui viennent, à être dans
un rapport de facilité d’accueil, de discours parce qu’il n’y a pas 36 intermédiaires, il y a deux
personnes à l’accueil, c’est toujours les mêmes. Que les gens nous connaissent bien, ça fait
partie de nos missions, parce qu’on doit rester un lieu abordable.
Vous pensez qu’un outil numérique peut constituer un frein à la sociabilité?
Pas nécessairement. Mais c’est vrai que ce que je remarque c’est que ces questions sont tout le
temps en ce moment au cœur de nos recherches, et entre homologues on se pose souvent des
questions « qu’est-ce que tu mets en place, ah tiens il y a une nouveauté, on fait tel colloque,
viens », on a fait un colloque sur la médiation il n’y a même pas un mois, et on a beaucoup de
demandes sur ce qu’il y a de nouveau, ce qu’on peut faire, ce qu’on peut inventer, etc. Et moi je
ne suis pas du tout réticente à utiliser la technologie, le numérique, etc., mais je n’ai pas encore
fait le tour des questions des basiques. Donc passer à autre chose pour moi ce n’est encore pas
à propos, je n’arrive pas à être pertinente dans mes propositions de nouveaux outils, en tous cas
numériques, parce que d’une part je ne suis pas extrêmement utilisatrice moi-même à titre
personnel (mais ça on peut le dépasser à titre professionnel), et d’autre part parce que je n’ai
pas encore ciblé des choses, des croisements où le numérique pourrait intervenir non pas pour
se substituer par exemple à une personne, à un discours mais serait un outil qui vraiment se
rende indispensable ou qui soit vraiment un plus à quelque chose qui s’imposerait de manière
sociétale, avec des besoins auxquels vraiment on ne peut pas répondre actuellement. Ce n’est
pas encore le cas, je ne le ressens pas comme ça, et du coup j’ai du mal à être prospective pour
l’outil numérique. Pour d’autres choses oui mais pour l’outil numérique j’ai besoin de murir
l’approche que j’ai en médiation, et que je connaisse mieux aussi les publics, savoir quelle est la
demande exactement, parce que si c’est pour mettre un ipad on met un ipad, mais finalement si
c’est pour consulter une notice ça ne sert à rien. La notice est en papier, moi je peux répondre
aux questions. Il y a plein de choses qui existent déjà mais qui se prêtent aussi quand le lieu est
très grand, quand il y a une collection permanente. Nous on a encore un fonctionnement qui est
à murir de ce côté là. A adapter.
Quand je visitais votre site internet, j’essayais de voir si vous utilisiez des outils
numériques et je n’ai pas trouvé vraiment d’information, j’ai vu que vous aviez une page
Facebook, une page de retours, et un compte twitter mais on y reviendra. Mais je me suis
dit, dans le cadre du laboratoire espace cerveau, vous avez dit qu’il y avait des tablettes,
et dans ce cadre-là ça a l’air de faire sens justement.
Oui, tout à fait. C’était vraiment pour recueillir quelque chose, il nous fallait quelque chose qui
garde une trace. Parce qu’on a des conversations éphémères entre les médiateurs et les
visiteurs - des fois les gens nous rendent leur petit carnet mais ce n’est pas une obligation. On
voulait vraiment tirer profit de cette expérience sur la durée des quatre mois du projet pour savoir
adapter des propositions, c’était un thermomètre aussi pour savoir quelle était la demande.
Puisque ce projet-là découle de nombreuses remarques au fil des années des visiteurs, des
partenaires. On fait des choix curatoriaux pour les œuvres, les artistes mais on accueille du
public donc on devrait remettre en question la façon dont on accueille les gens. Et mettre ça au
cœur du projet ça nous permettait après d’en tirer profit pour un autre projet qui n’aurait peut-être
pas les mêmes modalités d’accueil mais peut-être qu’on gardera des éléments parce qu’on aura
senti une réelle accroche, une réelle pertinence à ces outils là. Et effectivement vous ne
trouverez rien sur le site qui témoigne de possibilités numériques d’accompagnement parce qu’il
n’y a rien qui est en place pour l’instant.
Par rapport aux outils numériques, vous avez dit qu’il n’y en avait pas dans cette
exposition-là. Mais ça a pu vous arriver d’en utiliser? vous disiez des tablettes, ipad?
C’est déjà arrivé. Mais pour l’instant principalement à but de consultation. Toute notre collection
d’œuvres est en ligne par exemple. On a fait déjà plusieurs fois des expositions, notamment je
pense à Rendez-Vous qui est une plateforme jeune création à l’IAC, et à l’occasion de laquelle
on avait fait intervenir une commande d’artistes, c’était des artistes de Séoul je crois, qui étaient
quatre - un collectif -, et qui avaient fait en fait une sorte d’œuvre d’art / virus informatique et pour
que les gens la voient c’était consultable sur une tablette.
Parce que c’était de l’art numérique.
Voilà. C’était de l’art numérique. Donc forcément l’outil était adéquat. Mais c’est souvent pour
consulter quelque chose. Consulter en ligne, être une extension de nos bureaux plus qu’un réel
projet de médiation, bien que ce soit un accompagnement de médiation.
Est-ce que vous diriez, par rapport au labo espace cerveau, comme c’est des sciences
cognitives, que ça les intéressait de travailler avec des outils numériques pour avoir une mise en
abîme dans la cognition ou c’était simplement parce que pour collecter c’est plus pratique?
Je pense qu’il y avait un peu des deux à vrai dire. C’était un outil pratique pour nous parce que
c’est beaucoup plus léger à mettre en œuvre, ou beaucoup plus viable qu’un livre d’or pour
l’exploiter ensuite donc ça paraissait assez évident, mais en revanche c’est vrai que ça permet
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Atelier de recherche et d'observation : La Médiation Numérique

  • 1. Atelier de Recherche et d’Observation La médiation numérique Université Lumière Lyon 2 Master 2 Développement de Projets Artistiques et Culturels Internationaux Promo 2014-2015 Catherine FILIPPONE Inès MAAMCHA Ying-Qian JIANG Emma MELLADO Maria Paula PENAGOS Philippine VALLETTE Tutrice: Camille JUTANT
  • 2. REMERCIEMENTS Ce travail entend faire honneur à l’ensemble des personnalités qui y ont contribué. Tout d’abord, nous souhaitons remercier Camille JUTANT, responsable de notre formation et maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’Université Lyon II, qui a encadré ce travail avec enthousiasme et bienveillance. Selma LARIBI également, responsable administrative et assistante pédagogique du Master 2 DPACI à l’Université Lyon II, pour son soutien et sa disponibilité. Toute notre reconnaissance va aussi bien sûr aux intervenants qui ont gracieusement accepté de répondre à nos questions et de se plier à nos horaires ainsi qu’à la forme d’un entretien téléphonique pour certains. Grâce à eux, cet exercice a pu mêler à la fois théorie et pratique, ce qui a contribué à inscrire cette étude dans la réalité du terrain et du contexte que connaissent aujourd’hui les musées français. Que se sentent chaleureusement remerciés : Charlotte MOREL, chargée du service des publics à l’Institut d’Art Contemporain de Villeurbanne, qui nous a reçues le 21/11, Jean-Christophe THEOBALT, chargé de mission numérique au Ministère de la culture et de la Communication - Secrétariat général, Service de la coordination des politiques culturelles et de l'innovation, Département de l'éducation et du développement artistiques et culturels -, avec qui nous avons échangé au téléphone le vendredi 28/11, Adeline LEPINE, chargée de programmation culturelle et Karel CIOFFI, webmestre au Musée d’Art Contemporain de Lyon, rencontrées le 01/12, François BOUTARD, auteur du blog Art Design Tendance, rencontré le 02/12, Laurent CHOPARD, médiateur culturel et chargé de projet au Musée Gallo-Romain de Lyon, en charge des outils numériques et des nouveaux publics, rencontré le 02/12, Florence VIELFAURE, chargée de mission médiation numérique au Ministère de la Culture et de la Communication - Département de la politique des publics, Direction générale des patrimoines -, interrogée au téléphone le 02/12, et enfin Marie-Christine BORDEAUX, chercheur au GRESEC et maître de conférences en sciences de la communication à l’Université Stendhal de Grenoble, interrogée le 07/12 sur Skype à la dernière minute, mais dont la lucidité nous a été très profitable.
  • 3. 2   TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION......................................................................................................................3 1. La médiation culturelle, un renouveau en cours… ........................................................4 1.1 Une notion problématique...............................................................................................4 1.2 Le public au centre de la préoccupation des musées.....................................................7 1.3 La révolution numérique vécue par les musées .............................................................8 2. ...auquel le numérique contribue grandement… ............................................................9 2.1 L’outil numérique en question dans les musées.............................................................9 2.2 Quelles stratégies pour quels musées et quels publics ?.............................................11 2.3 Quelles évaluations et quelles évolutions ?..................................................................15 3. … mais auquel elle ne se réduit pas..............................................................................17 3.1 La fracture numérique et le besoin pressent de formation ...........................................17 3.2 Culture et tradition, culture et vivre ensemble ..............................................................19 CONCLUSION .......................................................................................................................23
  • 4. 3   INTRODUCTION L’évolution d’internet et de ses usages se décline en générations. D’abord un média permettant l’accès à l’information via des pages reliées entre elles par des hyperliens, il voit par la suite se développer les blogs, les forums, les réseaux sociaux et l’interconnexion, et avec eux les notions de « web social » et de « web 2.0 ». Ainsi, au début des années 2000, Internet devient plateforme participative et passe de la culture du « read only » à celle du « read and write ». Avec par exemple Twitter, Youtube et Wikipédia, l’utilisateur devient producteur de contenu et dépasse son attitude passive de réception de l’information. La mobilité rendue possible par la possession de smartphones et de tablettes prolonge ces usages en tant qu’elle permet de réagir en direct à son environnement et d’interagir en permanence avec lui. Cette génération connectée dans une société du tout-numérique a des habitudes et des attentes nouvelles. Le numérique bouleverse la société sur tous les plans. Qu’ils soient plutôt enthousiastes ou réfractaires à ces changements majeurs, les acteurs culturels ne peuvent pas ignorer cette nouvelle donne. Les établissements culturels doivent-ils intégrer ces nouveaux outils, et comment? Par une démarche d’adaptation aux nouvelles pratiques de leurs publics, ou en cherchant à s’approprier les nouveaux outils et leurs atouts? Se sentent- ils forcés d’intégrer les outils numériques à leurs projets de médiation ou en font-ils un choix stratégique? Nous avons décidé de concentrer notre observation sur les musées et les enjeux posés par le numérique en lien avec leurs pratiques de médiation, en se demandant si les promesses du numérique dans les musées vont dans le sens des ambitions que s’est donnée la médiation culturelle. Pour cela, nous nous appuyons sur deux sources d’informations: d’une part les écrits sur la médiation culturelle - bien que nos recherches bibliographiques aient révélé un manque de prise en compte de la notion du numérique dans le sujet -, et d’autre part une série d’entretiens semi-directifs menés avec huit différents acteurs culturels aux fonctions très différentes. Dans un premier temps nous aborderons donc le renouveau de la médiation culturelle, pour ensuite commenter la contribution du numérique dans ses évolutions, et évoquer enfin les limites de cette révolution.
  • 5. 4   1. La médiation culturelle, un renouveau en cours… 1.1 Une notion problématique Cette partie se consacre à un rapide tour d’horizon de la notion de médiation dans ses diverses acceptations et dimensions. Pour cela, nous aborderons tour à tour les points suivants qui doivent nous aider à mieux nous saisir de cette notion aux contours fuyants: - Etymologie et héritage philosophique - Approche théorique : la médiation comme façon de penser la communication - Approche politique et socio économique : la médiation comme façon de penser le rapport à la culture et la médiation comme secteur professionnel. Etymologie - Le terme de médiation est issu des mots latins mediare (verbe) : « être au milieu » et de medius (nom) : « au milieu ». Ce terme, dans son sens restreint, renvoie à l’entremise, dont l’objectif est la conciliation; et par extension à ce qui peut servir d’intermédiaire. - Médiateur : utilisé la première fois en 1314 pour stipuler une chose intermédiaire. Il a pris au XVIe siècle sa valeur moderne d'entremise destinée à concilier des personnes, des partis, d'abord en religion dans une relation entre l'homme et Dieu (1541) puis surtout en droit et en diplomatie (1878). Par extension il s'applique au fait de servir d'intermédiaire, dans des emplois didactiques et particulièrement en philosophie. Nous retenons l’idée d’une interface et d’un médium, c’est-à-dire d’un support. Ils constituent deux aspects importants de la médiation sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir. Héritage philosophique La notion de médiation s’origine chez Platon pour qui nos rapports avec le monde physique, social ou imaginaire ne sont pas immédiats mais passent par des constructions intellectuelles, des récits, des mythes, des représentations symboliques, des langages. L’âme réalise une médiation qui, au delà du monde sensible, conduit à la connaissance de l’intelligible. Elle puise ses sources également en sémiologie (science des signes, philosophie pragmatique). Pour Charles Sanders Peirce, sémiologue et philosophe américain, les signes (éléments du langage, émotions, normes, lois, etc.) sont éléments de médiation et nous permettent de penser le monde. Tout serait alors médiation !
  • 6. 5   Approche théorique en sciences de l’information et de la communication Il s’agit d’aborder la médiation comme façon de penser le processus de communication et de construction du sens d’un message culturel. Si l’on peut regretter le manque d’ancrage de la recherche en sciences de l’info-com dans la pratique réelle de la médiation, celles-ci ont au moins théorisé un des aspects les plus importants du métier de médiateur : l’existence d’un « tiers », inévitable dans toute situation d’énonciation. Ce tiers, c’est le moment où il y a médiation, qu’il s’agisse du support dans lequel l’œuvre se donne à voir ou du contexte spatio-temporel dans lequel elle s’inscrit. Autrement dit, il n’y a pas, comme on avait tendance à le penser d’après le paradigme mécaniste de l’émetteur et du récepteur, rapport direct à l’objet culturel. Ce modèle du tiers est arrivé dans les années 80 comme un troisième modèle après la théorie linéaire et diffusionniste de Claude Shannon et la théorie interactionniste d’Erving Goffman.1 L’intérêt du détour par la théorie, c’est qu’il laisse déjà entendre que la déclinaison des intentions, des formes et des usages de la médiation varie selon les établissements et le discours qu’ils défendent. Enfin, on relève deux façons courante d’appréhender la notion de médiation culturelle : soit en tant que fonction ou technique (le médiateur se fait l’intercesseur entre un public et des œuvres), soit en tant que processus plus global impactant l’individu dans son rapport à lui- même et au monde : 1) « Elle vise à faire accéder un public à des œuvres (ou des savoirs) et son action consiste à construire une interface entre ces deux univers étrangers l’un à l’autre (public et objet culturel) dans le but de permettre une appropriation du second par le premier. » (Jean Davallon)2 2) Avec Elisabeth Caillet nous pouvons aller au-delà de cette définition et aborder la médiation en tant que processus plus global qui aurait le pouvoir de transformer: « il ne s’agit pas de mettre en relation un visiteur et l’œuvre, de jouer l’intermédiaire entre deux pôles, mais le passage d’un niveau à un niveau supérieur supposant à la fois un déplacement et une création de quelque chose de nouveau impliquant la production d’une situation nouvelle (positions des acteurs, objets, discours, etc.) »3 .                                                                                                                           1 Goffman propose un autre modèle de la communication sociale avec la prise en compte de nouveaux éléments de l’interaction dans la communication (paroles, gestes, silence, etc.). 2 Jean Davallon, « La médiation : la communication en procès ? », MEI, Médiation et information, n° 19, 2003. 3 Elisabeth Caillet, « L’ambiguïté de la médiation culturelle : entre savoir et présence, Publics et musées, n°6, 1995.
  • 7. 6   Enfin, pour Marie-Christine Bordeaux (2008), ce terme désigne à la fois des méthodes de travail, d’intervention et des dispositifs qui s’inscrivent dans une chaîne où de nombreux agents (humains et matériels) concourent à des modes particuliers de diffusion et de facilitation de la réception de la culture. Pour revenir à Davallon (2003), la médiation repose également sur une interrogation sans cesse renouvelée sur la place, le rôle et la légitimité de l’institution culturelle car elle remet à chaque fois au devant de la scène la place des publics au sein des institutions ainsi que la construction de la relation à l’art et aux œuvres. Approche politique et socio-économique Cette approche nous permet de considérer la médiation culturelle comme un ensemble de pratiques professionnelles dont la reconnaissance par les politiques et les institutions s’est faite relativement tard, au moment où les tentatives de démocratisation culturelle mises en place jusqu’alors se sont épuisées. Elle est venue réinterroger la manière d’aborder les publics dans les institutions, ainsi que la relation qu’ils entretiennent avec les œuvres. « La présence du médiateur dans les institutions culturelles me semblait évidente », affirme Charlotte Morel, responsable du service des publics à l’Institut d’Art Contemporain de Villeurbanne lorsque nous lui demandons de nous parler de l’évolution de la médiation au sein de l’IAC. Cependant, elle nous confirme que ce sont plutôt ses prédécesseurs en médiation qui ont vécu les vicissitudes de l’évolution du métier : « Elles ont vu émerger dans leur vie professionnelle la qualité de médiateur qui n’existait pas avant les années 80 et 90. Elles ont été pionnières dans la mise en forme et en pratique de certaines actions de médiation. Moi non, j’ai vraiment été bercée par ces idées-là ». Pourtant, le métier de médiateur culturel n’est pas toujours « allé de soi ». Problème de reconnaissance, résistance de la part du secteur culturel voire rejet de la figure du médiateur dans certaines disciplines, font partie des obstacles auxquels la profession a été confrontée et continue de l’être. C’est que le terme de médiateur culturel, inventé à la Cité des Sciences et de l’Industrie, n’apparaît qu’au milieu des années 80 dans un contexte d’essor des grandes institutions culturelles dont les musées font partie. Ces institutions mettent en évidence une nécessité de former un personnel spécialisé dans la relation entre les “expots” et les publics, les politiques demandant qu’ils soient différentiés et mieux accueillis. Cependant ce n’est qu’en 1997 qu’est lancé le programme « nouveaux services - emplois jeunes », et que la médiation culturelle commence à être reconnue comme une fonction et un métier spécifique. Malgré cette avancée, le programme n’atteint pas vraiment ses objectifs : pas de véritable pérennisation pour ces nouveaux emplois ni de définition claire des fonctions de médiateur culturel à cheval sur des fonctions d’administration, d’accueil ou encore de communication, sauf dans le cas du patrimoine où les médiateurs exercent des activités en contact direct avec les publics.
  • 8. 7   Dans les années 2000, les musées bénéficient d’une reconnaissance du métier par la loi n°2002-5 du 4 janvier 2002. Cette loi précise que chaque musée de France doit disposer d’un service ayant en charge les actions d’accueil des publics, de diffusion, d’animation et de médiation culturelle. Ces actions doivent être assurées par des personnels qualifiés. Cette loi permet à des dizaines de musées de formaliser le statut du métier qui se voyait confondu avec les métiers de diffusion ou d’animation. Outre les aléas de cette reconnaissance, une étude du DEPS révèle le caractère fragmenté du métier. Après plus de 30 ans d’essor continu de la médiation culturelle et du métier de médiateur culturel, les activités de médiation, les emplois et les compétences ne constituent pas un ensemble homogène. Et ceci même si aujourd’hui la médiation s’impose comme une évidence partagée par l’ensemble des institutions culturelles, car l’intérêt d’offrir aux publics les moyens d’accéder aux œuvres, de développer des capacités critiques et artistiques est considéré comme essentiel. Même si le médiateur se positionne au cœur de cette ambition, la médiation culturelle ne se développe pas de la même manière en fonction de la structure dans laquelle elle s’exerce, des types de publics auxquels elle s’adresse, et de ces facteurs dépend la place du médiateur au sein du musée. Cette médiation est parfois réalisée par le département des publics ou de la communication, ce qui témoigne bien d’un manque de reconnaissance et de légitimité du métier. 1.2 Le public au centre de la préoccupation des musées Malgré ces obstacles qui continuent de faire partie du quotidien des médiateurs, le secteur muséal a été historiquement l’un des plus réactifs au besoin de médiation, conscient de l’importance de la prise en compte des publics. C’est la raison pour laquelle nous avons fait le choix d’étudier cette notion de médiation culturelle numérique au travers du secteur muséal, partant du principe que les musées ont été à la fois pionniers sur la mise en place d’outils de médiation et de médiateurs dans leurs locaux et sur le souci de prise en compte des publics. Dès les années 70, une nouvelle conception de la médiation culturelle émerge dans les musées avec l’introduction de nouveaux métiers, aux côtés des conservateurs et des gardiens avec pour mission de créer des situations dans lesquelles des populations (et non pas des visiteurs) peuvent participer à des débats qui ne se limitent pas aux seuls experts mais dans lesquels la voix des citoyens est requise. A partir des années 80 et 90, le public, puis « les publics » deviennent la référence majeure des politiques culturelles (Bordeaux, 2008) ; de nombreux programmes dédiés à des publics « éloignés » ou « empêchés » se mettent en place pour répondre au besoin de socialisation des équipements culturels. Comme nous l’avons vu plus haut, la question de la médiation est remise en avant par le grand mouvement de mutation des musées depuis les années 80 dont l’identité a évolué, en grande partie autour de la question des publics dans le cadre d’une véritable « révolution démographique » qui a favorisé la création de services éducatifs et où les fonctions
  • 9. 8   classiques d’accueil et de visite guidée ont connu de nombreuses extensions, le public étant devenu le principe organisateur de l’activité culturelle des musées. Cette reconnaissance de la fonction de médiation - même précaire et fragile - est moins perceptible dans d’autres secteurs culturels, particulièrement dans le théâtre (qui se pense comme un art intrinsèquement médiateur), la musique et à un moindre degré dans la danse, qui regroupe de nombreux collectifs artistiques de taille réduite, où les institutions ne disposent que rarement de services culturels distincts des services de relations publiques, et où l’artiste est considéré comme le seul médiateur possible de son œuvre. Malgré l’attention que les musées portent à leurs publics, la question de leur renouvellement est récurrente et la médiation culturelle vient questionner à chaque fois la problématique de la démocratisation culturelle dans le sens où la fréquentation dans les musées augmente sans capter de nouveaux publics. 1.3 La révolution numérique vécue par les musées Par rapport à cette question récurrente des publics que les musées n’arrivent pas à toucher, la médiation culturelle dans le contexte du numérique arrive d’une certaine manière comme une nouvelle donne ou une nouvelle façon de penser un public dont les pratiques ont été bouleversées avec l’arrivée du numérique. Il s’agit pour les musées d’adapter leurs pratiques de médiation, renouvelées par les outils numériques, aux pratiques des usagers. De la même façon que le numérique est entré dans le quotidien des gens, il est entré dans le quotidien des musées. Ces outils permettent à une exposition de ne plus exister dans sa seule durée, ni dans son lieu spécifique ; par exemple, par le jeu instauré entre exposition matérielle et exposition immatérielle, entre temps limité de l’expérience de l’exposition matérielle et temps illimité de l’usage de ses ressources numériques. Cette reconfiguration entre œuvres de la culture et numérique sert-elle pour autant au mieux le dessein de la démocratisation culturelle par le biais d’une médiation « augmentée » ? Les musées ont été en quelque sorte « pionniers » dans le pouvoir qu’ils ont eu de capter les nouvelles technologies au service de leurs pratiques de médiation, mais un certain nombre de problématiques sont récurrentes comme on le verra plus loin. En outre, l’effort d’adaptation à cette vague du numérique ne touche pas de la même manière les petits, moyens et grands établissements, avec des effets par rapport à l’accès aux œuvres qui restent encore à évaluer. Même si près de 75% des musées français ont une identité virtuelle (site Internet et présence sur les réseaux sociaux), seulement 5 à 10 % de ces institutions proposent une médiation utilisant un support numérique. Ce paradoxe provient de la rupture croissante entre les grands musées nationaux et les institutions plus modestes (La Tribune N°97, juillet 2014). Les établissements s’y adaptent progressivement avec l’aide de divers programmes et/ou partenariats (Erasme du Département du Rhône par exemple) ou rencontres (Rencontres Culture et numérique mises en place par le Ministère de la Culture et de la Communication).
  • 10. 9   A la question de savoir quelles sont les motivations des musées à mettre en place des outils numériques (accessibilité, pédagogie, aspect ludique), Jean-Christophe Théobalt répond sans hésitation que l’enjeu réside dans l’accompagnement et la formation des publics : « C'est tout simplement de mieux accompagner les publics, […] Le numérique permet d’enrichir ou d’amplifier des fonctions d'action pédagogique, d’action culturelle, d'accompagnement des publics ou de communication, que les équipements font déjà.» Deux points sont à souligner dans son témoignage : à la fois la question de la formation des publics à l’usage des outils et celle de savoir si le numérique amplifie effectivement la médiation culturelle, aspects que les deux prochaines parties s’attachent à développer. Voir annexe nº 1 : Evolution de la médiation 2. ...auquel le numérique contribue grandement… 2.1 L’outil numérique en question dans les musées. Des grands musées nationaux comme l’emblématique Musée du Louvre à Paris aux petits musées de province, une dynamique semble s’être créée dans le secteur muséal qu’il est plus rare d’observer dans d’autres secteurs culturels. Des dispositifs numériques sont mis en place non seulement dans l'espace réel mais aussi dans l'espace virtuel. Dans cette partie, nous nous attachons à faire l’analyse des dispositifs les plus plébiscités dans les musées. De prime abord, on voit que les dispositifs les plus présents sont les réseaux sociaux et les applications mobiles, sans qu’il y ait forcément corrélation entre la taille de la structure et sa présence en ligne. Créer une page Facebook ou un compte Twitter est devenu une dimension incontournable sinon très fréquente de la médiation et de la communication muséale. A entendre les établissements les plus enthousiastes, les musées ont tout intérêt à développer et construire leurs propres réseaux de partage avec les publics hors les murs car d'une part, ces réseaux sociaux génèrent la curiosité des publics et créent le buzz dans la communauté des internautes, et d'autre part, les publics peuvent interagir et poster directement leur réactions vis-à-vis de l'exposition qu'ils fréquentent. C'est donc une nouvelle façon de créer un lien entre les établissements et les publics. Depuis la numérisation des contenus amorcée par les professionnels eux-mêmes, les sites internet des établissements semblent aller vers toujours plus d’interactivité : nombreux sont les instituts qui proposent des visites en ligne, et l’on voit certains musées proposer même des outils de navigation ludiques, tels que le Musée des Beaux-Arts de Lyon qui propose à son public la possibilité de commenter certaines œuvres en ligne. Le système de partage et d'appropriation est aussi renforcé par le fait qu'un simple clic puisse distribuer les œuvres choisies sur réseaux sociaux. Il y a donc à la fois renforcement du système de médiation en
  • 11. 10   ligne et duplication de celle-ci, avec un contenu qui bien sûr doit (ou devrait d’avantage ?) s’adapter à la forme et à la pratique des internautes. Autre outil très courant : l'application mobile. Par exemple, le musée de Picasso qui a rouvert ses portes en octobre dernier propose désormais une application mobile à télécharger à son public. Celui-ci peut non seulement s'en servir sur place en suivant les propositions de parcours et thématiques intégrés mais aussi découvrir les collections du musée chez lui. C'est un outil numérique facile à manipuler et qui permet une consultation agréable avant, après, voire en parallèle des visites. Des jeux interactifs sont aussi conçus sous forme d’application, par exemple, l'application du Palais des Beaux-Arts de Lille qui aide les enfants à positionner les œuvres du musée dans le temps au travers d’une série de jeux d'entraînement sur mobile. Cela facilite non seulement l'accès à l’information proposée autour des œuvres mais aussi toujours à créer un lien entre les œuvres et le public connecté. Il existe naturellement d'autres types d'outils in situ tels que les traditionnels audioguides mais aussi des tablettes et des maquettes 3D. Le Louvre a également mis en place des audioguides conçus sur Nintendo DS, dotés de double-écran avec commentaires et reconstitutions d’œuvres en 3D, afin de pouvoir les voir sous tous les angles et de zoomer. En ce qui concerne les tablettes tactiles, les établissements s'en servent de plus en plus comme objet de consultation mais aussi afin de diversifier la scénographie d’exposition. Le musée d'Aquitaine à Bordeaux a ainsi intégré des tablettes au mobilier d’exposition qui se présentent comme des bornes de consultation, permettant aux visiteurs de « feuilleter » un large éventail de documents iconographiques. Certains établissements bénéficient même d’une expertise personnalisée, comme le Musée Gallo-Romain de Lyon qui a beaucoup gagné en popularité depuis le passage remarqué du Muséomix, collectif inclassable et hétéroclite qui s’est donné pour défi de donner un « coup de neuf » aux musées en développant de nouveaux outils de médiation en 3 jours et deux nuits. A la clef ? Un système interactif qui permet d’entendre les conversations des habitants de l’époque, évoquant leur vie quotidienne comme les grands événements historiques. On voit que le numérique peut donc être un atout majeur dans la compréhension d’un site culturel ou historique et dans sa présentation au grand public. Il inspire, stimule la curiosité autant qu’il divertit et diversifie l’expérience culturelle des publics. Même si certains outils restent à optimiser, ils assurent quand même un rôle de démocratisation des contenus en réécrivant et en déclinant le discours institutionnel sous différentes formes.
  • 12. 11   2.2 Quelles stratégies pour quels musées et quels publics ? Comme nous l’évoquions précédemment, la médiation est un « concept » relativement récent et qui fait toujours polémique, bien qu’il se soit banalisé dans le secteur muséal, où visiteurs comme professionnels s’attendent toujours à ce qu’il y ait un service de médiation présent sur les lieux. A ce concept déjà flou s’ajoute aujourd’hui un autre « concept » en pleine expansion, et qui de ce fait s’avère difficile à maitriser : le numérique. On voit apparaître de nouveaux outils tous les six mois, avec des usages pas aussi simples qu’on le croit. A l’ensemble des données à traiter (requêtes des artistes, exigence du commissaire d’exposition, revendication des médiateurs, diversité des publics et problème des non- publics) vient donc s’ajouter l’usage du numérique. S’il n’y a pas de réponse uniforme à la question de la médiation numérique dans les musées, on peut toutefois dégager les tendances qui s’affirment dans le domaine en 2014. « Le numérique était déjà dans les musées avant qu’on l’y fasse entrer. On ne pouvait pas s’y opposer, il a fallu le prendre en compte. »4 Le numérique s’installant dans nos vies quotidiennes, smartphones, tablettes, réseaux sociaux etc., les musées n’ont eu d’autre choix que de s’adapter. Aux prises depuis déjà quelques décennies avec les problématiques de la démocratisation culturelle et des publics empêchés, les musées semblent voir dans le numérique une façon d’attirer ce qu’on appelle les « non-publics ». Le piège ? Faire du numérique, vite, et essentiellement à l’usage des jeunes. Les éléments à prendre en compte lors de la construction d’un projet de médiation numérique sont : les moyens (budgétaires, humains, techniques), les publics et la place des outils numériques dans les stratégies de médiations préexistantes. - Moyens financiers : Si les structures à « gros » budget peuvent se permettre de financer des outils numériques sur leurs fonds propres, les occasions pour les musées à budgets moindres ne manquent pas pour autant. Les principaux financeurs restent les collectivités locales, d’où « l’importance de sensibiliser les élus à la question du numérique »5 . Le numérique prend toute son importance lors de rénovations ou de réhabilitations de musées, avec la rédaction de Programmes Scientifiques et Culturels. Il existe également de                                                                                                                           4 Entretien au MAC, en réponse à la question « La présence sur les réseaux sociaux et le développement d’outils numériques sont-ils indispensables à vos yeux? Pourquoi? » 5 Entretien Florence Vielfaure en réponse à la question « Quelles sont les différences entre un montage de projet de médiation traditionnelle versus un montage de projet de médiation numérique ?
  • 13. 12   nombreux appels à projets comme les Services numériques culturels innovants ou de bourses dispensées par le Ministère de la Culture, dans le cadre d’Aide aux projets de développement des musées de France ou de Plans de numérisation. Si le Ministère ne finance pas l’intégralité des projets, le fait qu’il investisse a souvent permis de débloquer des financements complémentaires au niveau local. - Moyens humains : L’une des problématiques récurrentes à l’adoption des outils numériques est la question de la logistique : qui doit s’en occuper ? Entre le service des publics, le service de la communication ou le service informatique, voire la création de nouveaux postes spécialisés ou le recours à des prestataires extérieurs, les possibilités sont multiples et varient d’un établissement à l’autre. Certains semblent ne pas réussir à trancher et il n’est pas rare de voir deux services concurrents en termes de responsabilité; le plus fréquent étant le service de communication en charge des réseaux sociaux et sites web ainsi que celui des publics, en charge des outils in situ. Ces situations, dues au développement progressif et hétérogène des établissements, peuvent entrainer des dysfonctionnements en interne, voire des rivalités et des tensions, avérées ou refoulées. Les community managers, fraîchement arrivés dans le secteur muséal, sont en effet susceptibles d’être mal vus par les médiateurs, à qui ils renvoient une image d’eux-mêmes qu’ils ne veulent pas voir : accusés d’être trop élitistes et pas assez à la page, ceux-ci sentent qu’ils ne font pas le poids face à ces spécialistes de la communication et de l’outil 2.0. « Mais ce genre de problèmes, à la limite, c’est des problèmes de riches »6 Effectivement, si la question de la délégation aux équipements numériques se pose dans les grandes structures, dans les musées à l’organigramme plus réduit, la question ne se pose pas. « En général, c’est le service regroupant le plus de compétences qui sera responsable des outils numériques »7 - Moyens techniques et outils : Le manque de formation au numérique handicape souvent les établissements : pour Florence Vielfaure toujours, c’est même le principal frein au développement du numérique. Le développement constant de nouvelles technologies et la demande, l’attente des publics ressentie (ou fantasmée?) par les établissements engendre parfois une sorte de compétition entre les musées, qui se précipitent sur le dernier outil sorti ou sur le plus « tendance ».                                                                                                                           6 Entretien avec Jean-Christophe Théobalt, en réponse à la question « Avez-vous observé des changements par rapport aux participants? Par rapport aux métiers, au niveau des Rencontres? Y a-t- il de nouveaux profils? 7 Florence Vielfaure, chargée de mission sur la médiation numérique au Ministère de la Culture. C’est donc des moyens humains mis en œuvre que dépendent les moyens techniques.    
  • 14. 13   « Les établissements ont aussi la nécessité d’inventer chacun des choses différentes des autres, il y a peut-être même parfois une sorte de concurrence, mais c’est au bénéfice du public. »8 Or, les médiateurs ne sont pas forcément formés à l’utilisation du numérique, tout comme un responsable des publics n’est pas toujours formé à la direction de projets numériques. Un besoin important d’information, d’accompagnement et d’inventivité se fait sentir dans le milieu professionnel. C’est en partie dans cette idée de discussion et d’échange de bonnes pratiques entre établissements qu’ont été créées les Rencontres Culture et Numérique. Fondées en 2008 à la suite du Programme Espace Culture, les Rencontres Culture et Numérique sont en effet l’occasion pour les musées, largement représentés dans ces assemblées, de prendre la mesure de la place accordée au numérique dans les autres établissements, en même temps qu’ils peuvent témoigner de leur expérience. Si chacun aimerait innover, deux outils se détachent nettement de l’ensemble : les devices (du type tablettes) et les outils de développement (du type applications), soit des dispositifs mobiles, peu coûteux et faciles à mettre en place. En plus d’être faciles à fournir ou à créer ainsi qu’à gérer (même en interne, pour les réseaux sociaux), ces outils ont le net avantage d’être déjà connus et « domestiqués » par le public. - Les publics: Sans surprise, ce sont les publics jeunes qui sont les premiers ciblés par la médiation numérique. En effet, c’est ce type de public que la médiation numérique muséale a d’abord cherché à capter, bien qu’entre-temps sa cible se soit élargie. Grand absent des musées et premier utilisateur de ces nouvelles technologies, «l’occasion était trop bonne » pour s’en priver. On voit pourtant les stratégies s’ouvrir à d’autres publics, passant du simple outil de communication à des dispositifs permettant d’améliorer l’accès aux publics empêchés physiquement. Le musée des Beaux-Arts de Toulouse, par exemple, a travaillé en collaboration avec des associations vouées à l’amélioration des conditions de vie des malentendants. Ensemble, ils ont développé une application autour de vingt-et-une œuvres majeures commentées en LSF. Le Château d’Oiron, dans les Deux-Sèvres, a travaillé avec la « Droïd Company » pour développer un robot haut d’1m60 capable de se déplacer dans les pièces du château inaccessibles aux handicapés moteurs, leur permettant de faire la visite à travers ses « yeux ». Au musée Gallo-Romain, à Lyon, le service des publics s’est également équipé de trois robots mobiles pour le public à distance. Si donc le numérique est un argument de taille pour attirer de nouveaux publics, plus familiers avec les technologies qu’avec le monde des musées, il est également un avantage de taille à exploiter pour un certain nombre de publics demandeurs mais dans l’incapacité physique de visiter ou de                                                                                                                           8 Entretien avec Florence Vielfaure, en réponse à la question « On a constaté qu’il y avait consultation entre les établissements, mais en parallèle chacun veut un équipement propre à soi et innovant. »
  • 15. 14   bénéficier d’un type de médiation traditionnelle. Enfin, le numérique contribue aussi largement à fidéliser un public déjà conquis. - La place du numérique dans la stratégie de médiation préexistante : La nécessité ressentie par les établissements à proposer au plus vite des outils numériques mène parfois à leur « sur ajout » dans les dispositifs de médiation existants, sans que leur place n’ait réellement été pensée. Ceci se fait alors au détriment de la cohérence, pourtant au cœur de la notion de « stratégie de médiation ». Si la majorité des musées ont aujourd’hui un site web (et très souvent une page sur les réseaux sociaux, du moins Facebook et Twitter), la majorité d’entre eux ne sont pas encore équipés d’applications, de tables tactiles ou de système d’immersion en 3D. Il semble que la façon la plus probante soit encore de travailler par projets. C’est ce que fait très bien le MAC de Lyon, qui a créé une application pour la plupart de ses expositions temporaires ou propose des QR codes donnant accès à des informations supplémentaires sur un événement, etc. Néanmoins, ces dispositifs ont une durée de vie très courte, étant impossibles à réutiliser d’une exposition sur l’autre. A ce problème, Florence Vielfaure mentionne un souci d’inadaptabilité (applications non connectées à la base de données du musée par exemple) ou dans la négociation des contrats (ce n’est pas le musée qui est propriétaire de l’appli, mais son concepteur. Le musée ne peut pas s’approprier l’application en dehors de la durée du contrat sans avoir à rémunérer le concepteur). Ce phénomène traduit à l’évidence le manque de recul des établissements sur le numérique, auquel nous sommes par ailleurs tous confrontés. Si les structures les plus importantes peuvent développer des stratégies médiatiques pointues (budget important pour la médiation/communication, service dédié) les établissements se tournent le plus souvent vers les sites web (base de données, informations sur certains événements) touchant donc plutôt les publics déjà conquis, ou vers les réseaux sociaux ou applications mobiles (peu chères, volume peu important, facile à développer et auxquelles le public est censé être déjà familier). Certains établissements font également le choix de travailler avec des prestataires extérieurs dans le cadre d’événements ponctuels, au risque de voir se développer des applications à usage unique, pour « faire le buzz ». D’autres établissements disent vouloir développer une stratégie de médiation numérique à long terme mais ne pas savoir à quoi se référer car les premières études commencent tout juste à être publiées, d’où la montée en puissance de rassemblement, à l’image des Rencontres Culture Numérique. On notera par exemple à Lyon la tenue d’un colloque intitulé Les métamorphoses de la culture contemporaine les 2, 3 et 4 Décembre derniers au Théâtre National Populaire de Villeurbanne, dont la programmation faisait la part belle aux problématiques que soulèvent le numérique dans la recherche, l’action et la décision publique dans les arts et la culture.
  • 16. 15   2.3 Quelles évaluations et quelles évolutions ? La médiation numérique dans les musées étant encore en phase de développement, il nous est difficile, voire impossible, de prendre le recul nécessaire à l’analyse de ses retombées. Ce qui ressort néanmoins, c’est que la majorité des établissements confirment avoir « senti le vent tourner en faveur du numérique » et ressentent un besoin d’innovation sinon de modernisation dans leur secteur, toujours dans le but de s’adapter à la diversité des citoyens. Cependant, le manque d’outils d’évaluation fait cruellement défaut : on ne peut pas encore distinguer ce qui est « efficace » de ce qui ne l’est pas, ce qui subsistera ou ce qui se révèlera, avec le temps, n’avoir été qu’un gadget passager. On remarque que les établissements ont pour la plupart réellement le souci de l’incorporer à leur stratégie de médiation préexistante ou dite « traditionnelle ». « Ça ne doit pas être fait tout seul, ça doit faire partie d’une grande chaine, c’est une chose qui est possible et appliquée dans de très grands établissements par une longue pratique du sujet, dans d’autres, il va falloir faire attention justement à ne pas inventer une petite appli qui ne va servir que pour une expo […] La médiation numérique n’est pas qu’un concept, c’est aussi la mise en œuvre d’un certain nombre de règles pour en faire un outil qui soit, un, reproductible, et deux, qui s’inscrive dans une stratégie générale. »9 C’est dans cette optique de lutte contre la « gadgétisation » du happening digital que Geoffrey Dorne, spécialiste en « design et en hacking », a lancé la Responsive Museum Week10 . Le concept ? Travailler en partenariat avec des musées français dont le site web est inadapté à la version mobile, récupérer leurs codes CSS (le code de mise en forme du site internet mobile) et le mettre à disposition d’internautes débrouillards. Chacun modifie le code de manière à rendre le site mobile plus fluide d’utilisation, enregistre son travail et le met en ligne : ainsi, les établissements « hackés » mais également les utilisateurs de ces sites mobiles peuvent utiliser les différentes versions et en constater les points forts et les points faibles. Le but affiché : faire réfléchir ces établissements qui se « numérisent » trop vite et sans penser l’outil. Via cette action, Geoffrey Dorne a voulu sensibiliser à l’utilisation correcte des outils numériques : ici, le « responsive web design » est une manière de créer un site web capable de s’adapter à tous les smartphones. Pour ce qui est des publics, là encore, les premières études viennent corriger les a priori.                                                                                                                           9 Entretien avec Florence Vielfaure, en réponse à la question «Quelle est la spécificité du montage d’un programme de médiation numérique ? » 10 Article trouvé sur CultureClic : http://www.club-innovation-culture.fr/geoffrey-dorne-presque-aucun- site-de-musee-francais-nest-veritablement-adapte-pour-les-tablettes-et-pour-les-telephones-mobiles/  
  • 17. 16   « Les jeunes sont technophiles, pas techniciens »11 Si le public visé en premier lieu était les jeunes, les premières études démontrent que ce ne sont pas eux qui viennent les premiers tester ces nouveaux outils numériques. En effet, les chiffres montrent que ce sont les publics conquis, déjà habitués des musées, qui utilisent les dispositifs numériques mis à disposition. Nous avons également pu constater que beaucoup d’entre eux ne se servent pas des outils numériques comme les établissements l’attendaient. Charlotte Morel, chargée des publics à l’Institut d’Art Contemporain de Villeurbanne nous a notamment parlé de la frustration ressentie lorsque les visiteurs du musée ont commencé à utiliser le « hashtag » mis en place par l’établissement (#IAC) : les premiers partages n’étaient rien de plus que des selfies de gens « qui faisaient des grimaces ». Ce n’est que lorsque l’IAC a « suggéré » aux utilisateurs d’interagir avec les œuvres exposées que les premiers « posts » intéressantes ont fait leur apparition. Dans le même schéma, le MAC de Lyon nous avait fait part de l’utilisation « incomplète » que les visiteurs faisaient de la table tactile installée à l’entrée : en effet, la plupart se contentaient de « s’amuser » avec l’outil sans aller jusqu’à la création de réels « collages » numériques à partager sur leurs réseaux sociaux (utilisation pensée par l’établissement). Il faut également éviter le piège de l’attrait pour l’outil lui-même, et non plus pour l’œuvre sensée être présentée. Le but de la plupart des musées est d’utiliser des outils déjà maitrisés par le public car présents dans leur vie quotidienne ; toutefois, lorsque les publics utilisent ces outils comme ils en ont l’habitude, on perçoit une forme de déception. Il semble aujourd’hui nécessaire que les chargés de stratégies et des publics servent également de médiateurs entre l’outil et le public. Les avis sur le numérique sont que ces outils sont une nécessité et une opportunité comme le multimédia l’a été à une autre époque (audioguide, base de données) mais que de manière générale, l’attrait pour ces outils diminuera avec le temps (effet de mode passé). La médiation humaine resterait « l’outil » le plus adaptable car il peut interagir totalement avec les publics, le numérique viendra seulement enrichir une médiation humaine toujours en phase de développement. Si la médiation numérique poursuit donc les mêmes buts que la médiation traditionnelle, il est nécessaire de travailler sur ces outils de façon à ce qu’ils s’adaptent aux besoins précis de l’utilisateur. C’est dans cette optique que les études en cours viendront enrichir le développement du numérique : distinction des publics et adaptation des interfaces, ainsi que la prise en compte des contextes de consultations ; ce qui permettra aux établissements de développer leurs stratégies de médiations numériques au plus près des besoins du public.                                                                                                                           11 Entretien avec Jean-Christophe Théobalt, en réponse à la question «Mais le numérique dans les opérations de médiation n’est pas anodin. Qu’est-ce qu’il apporte? Quels changements avez-vous remarqués? J’imagine que sa présence apporte une nouveauté? »
  • 18. 17   3. … mais auquel elle ne se réduit pas 3.1 La fracture numérique et le besoin pressent de formation Les musées sont-ils, comme on l’entend parfois, réservés à une minorité? Beaucoup d’études, à l’image des analyses sociologiques de Pierre Bourdieu développées dans son ouvrage de 1966 L’Amour de l’Art, montrent une segmentation importante des pratiques culturelles. Une étude du CREDOC datée de juin 2012 sur la visite des musées, des expositions et des monuments révèle qu’il y a une distinction à prendre en compte entre visites de musées, expositions de beaux-arts et visites de monuments patrimoniaux, ces derniers attirant une population plutôt diversifiée. Dans les établissements relevant de la première catégorie en revanche, le taux de visiteurs est six fois plus élevé chez les titulaires d’un diplôme de licence au moins que chez les non-diplômés. 67% des cadres et professions intellectuelles supérieurs et 54% des hauts revenus se sont rendus dans un musée en 2011 contre 28% dans les foyers aux revenus faibles et 20% chez les ouvriers. La catégorie socio- professionnelle à laquelle appartient le visiteur apparaît donc comme un facteur très déterminant. Le critère de l’âge joue également un rôle très important. C’est la catégorie des sexagénaires qui a le plus de chances de se rendre à un musée ou une exposition, ce qui correspond effectivement à une période de vie où la disponibilité est la plus grande. Qu’en est-il des usages du numérique dans la population française? Jean-Christophe Théobalt, au cours de l’entretien qu’il nous a accordé, a rappelé l’importance des chiffres de diffusion du numérique dans la société française: « Maintenant on est dans le top cinq européen de possession d’ordinateur chez soi, accès à internet, smartphones, etc. Devant nous il n’y a plus que les Pays-Bas et les pays nordiques. Le CREDOC donne des chiffres pour les foyers et à côté pour les tranches d’âge; sur les tranches jeunes on est à 98 ou 100% sur plusieurs catégories. Mais ça on le sait depuis longtemps, il y a dans les familles avec enfants un suréquipement. Donc maintenant la diffusion est massive dans la société française, il n’y a plus de fracture numérique comme c’était le cas il y a quinze ans où il y avait vraiment une fracture d’accès. » L’Observatoire du Numérique publie régulièrement des chiffres clés sur ce sujet, les derniers datant de mai 2014. On y découvre que 82% des ménages français disposent d’une connexion internet, et que près de 8% du trafic internet se fait aujourd’hui depuis des téléphones portables ou des tablettes. Mais ces chiffres révèlent également que presque 20% des Français sont considérés comme « déconnectés »: ils n’ont pas d’ordinateur chez eux et pas d’accès à internet. La fracture d’accès est donc bien tangible et persistante. Elle dépend de différents critères: principalement l’âge, mais aussi les revenus, le niveau d’études, et l’isolement. A partir de 70 ans, seule 1 personne sur 3 peut être qualifiée d’internaute. Pour ce qui est de l’équipement en smartphones, l’âge est toujours à la source des plus grands écarts : au-delà de 70 ans, moins d’1 personne équipée en téléphone
  • 19. 18   mobile sur 10 a un smartphone, contre 76 % des 18-24 ans. Jean-Christophe Théobalt mentionne également les débits de connexion parfois limités dans les zones rurales. Au point d’articulation de ces informations, on retrouve donc dans l’utilisation d’internet et d’outils numériques la même fracture que celle que l’on reconnaît chez les visiteurs des musées: dans les deux cas la catégorie socio-professionnelle à laquelle on appartient joue un rôle déterminant. L’un des discours institutionnels récurrents concernant l’intégration d’outils numériques dans une stratégie de médiation consiste à présenter cette démarche comme un souci de démocratisation de la culture et de l’art par l’appropriation des pratiques des visiteurs. Les musées cherchent à adopter les habitudes domestiques de leurs publics et leur familiarité avec les outils numériques. En reflétant ainsi les pratiques de leurs visiteurs, ils espèrent s’adapter à une réalité sociétale et toucher de nouveaux publics peu représentés dans leurs entrées. Cependant, une telle démarche doit prendre en compte cette fracture qui force à relativiser l’image d’une société du tout-numérique. Au-delà des problématiques liées aux équipements, il faut également se poser la question des usages des outils numériques. On peut avoir l’habitude d’utiliser son smartphone ou sa tablette, et transférer ces pratiques au sein d’un musée, sans pour autant en faire un usage qui soit réellement constructif dans le cadre de sa visite. Lorsque nous avons interrogé Charlotte Morel sur ses impressions concernant les pratiques numériques des visiteurs de l’Institut d’Art Contemporain, elle a regretté leur manque de créativité: « Les gens se servaient de [Twitter] pour poster des selfies, des petites vidéos, quelque chose d’assez narcissique en fait, sans en voir le potentiel d’usage ». La volonté de faire appel aux outils numériques pour enrichir l’expérience de visite se heurte donc à des limites qui forcent à relativiser l’aspect révolutionnaire que l’on peut leur prêter. Les entretiens que nous avons menés avec différents acteurs culturels nous amènent à penser le numérique comme un outil utile, mais pas systématique. Dans leurs propos revient souvent l’idée de compléter la médiation « humaine », faute de pouvoir la remplacer en parvenant à combler tous ses manques tels que la réduction des fractures qui caractérisent les publics. L’enjeu principal de la médiation numérique aujourd’hui est donc bien la formation. Comme une médiation de la médiation, cette notion concerne à la fois les publics et les établissements qui les accueillent. En parlant des objectifs de ses Rencontres Numériques, Jean-Christophe Théobalt mentionne des « besoins d’accompagnement et d’éducation des publics » qu’il explique en ces termes: « Effectivement les publics jeunes ont un très gros usage de ces outils mais ce sont des usages généralement assez consuméristes, communicationnels et superficiels sans vraiment de conscience de tous les enjeux sur les données personnelles, etc. ». Un emploi à la fois constructif et conscient des outils numériques, qui apporterait un réel bénéfice dans la médiation sans ignorer les risques liés au partage de données personnelles passe donc nécessairement par un accompagnement. Une étude de mars 2014 menée par l’INRIA avec TNS Sofres intitulée Les Français et le numérique en 2014 révèle d’ailleurs que 42% des personnes interrogées sont prêtes à être accompagnées dans leur découverte du numérique, dans des lieux spécifiques tels que les
  • 20. 19   EPN, les Fablab, etc. 43% seulement se disent à l’aise pour accompagner leurs enfants dans leurs usages des technologies numériques. Pour compléter ces chiffres, 72% des Français pensent que le numérique a des effets négatifs sur la vie privée et 69% réclament plus d’informations sur la protection de la vie privée et des données sur internet. Au delà de ce souci de protection de la vie privée, les personnes que nous avons interrogées nous ont exposé la nécessité de donner à leurs visiteurs des exemples d’utilisation d’outils numériques pour les inciter à avoir des pratiques plus créatives, qui entrent réellement en résonance avec l’exposition. Les institutions elles-mêmes ressentent elles aussi le besoin de se former aux problématiques que pose le numérique. Jean-Christophe Théobalt identifie cette demande et remarque que les participants des Rencontres Numériques viennent beaucoup avec un désir d’échange d’expériences et de formation, parce qu’ils constatent l’importance du numérique dans la société mais ne savent pas comment se l’approprier. 3.2 Culture et tradition, culture et vivre ensemble Reprenant son expression « Le numérique n’est pas la panacée », le dernier mouvement de ce travail entend défendre l’idée que la médiation numérique ne saurait remplacer la médiation dite traditionnelle ou humaine. En fait, on voit bien que l’une et l’autre ne sont jamais mises en antagonisme, et que toute médiation culturelle qui utilise le numérique fait en même temps appel au savoir-faire de la médiation. Aussi, si le titre de notre ARO était bien « la médiation numérique », il s’agissait pour nous de déconstruire les termes du sujet pour montrer l’étroite imbrication des avancées technologiques et informatiques et de la médiation culturelle. En effet, comme nous l’avons dit à plusieurs reprises, dans le contexte économique et social actuel, les musées essaient d’ « avancer » avec leur public ; de faire du musée un espace culturel qui intègre les pratiques de son public voire innove avec ce que la technologie permet. La numérisation des contenus et la création aujourd’hui incontournable de site internet des musées correspondent au niveau 1.0 ou au niveau du « read only » de cette évolution de la médiation, et dix ans plus tard, il ne viendrait à l’idée de personne de contester ces usages. Pour autant, il semble qu’une question plus ancienne demeure toujours au centre de ces discussions sur le numérique, comme si ce dernier était finalement ce qu’on appelle « l’arbre qui cache la forêt », ou « un pansement mis sur une jambe de bois ». C’est celle du statut du médiateur et de ce qu’on met derrière l’expression « d’expérience culturelle ». Qu’est-ce finalement que l’expérience culturelle, qu’est-ce que le métier de médiateur culturel et comment le numérique pourrait-il faire positivement bouger les lignes de ces réalités ? L’évaluation de ces outils numériques par les professionnels eux-mêmes et par notre analyse a montré grossièrement deux types de profils : les dubitatifs, qui pourtant font régulièrement des essais avec des outils numériques, et les enthousiastes, qui sans jurer entièrement par le numérique, voit en lui un avenir très prometteur pour la médiation. Parmi ces intervenants, nous relèverons en particulier le mot de Florence Vielfaure, après qu’elle ait cité le musée imaginaire de Marlaux:
  • 21. 20   « Pour moi, que le musée s’expose à travers des applis et sur les réseaux sociaux, ça correspond parfaitement aux missions du musée. En tout cas, on est dans les missions de la culture, qui sont la démocratisation, l’éducation artistique et culturelle, notre mission est d’aller vers les publics, par tous les moyens, et le moyen du numérique est un moyen, comment dire, très domestique et familier. Moi j’y crois. J’y crois dans la mesure où ils ne sont qu’un outil ». Une déclaration à la fois positive et riche, puisqu’elle met en lien sa position sur le numérique dans la médiation culturelle et sa conception de la « mission culturelle ». Ici finalement médiation et mission culturelle se confondent et se caractérisent par un certain militantisme, dont Charlotte Morel avait préféré se garder : la mission de la culture est d’aller vers les publics « par tous les moyens ». Il en va du ressort de l’Etat depuis André Malraux, premier ministre de la culture mais aussi de celui de tout établissement culturel qui ne doit pas se contenter de proposer une offre culturelle mais chercher aussi à en favoriser la demande par l’éducation culturelle et la recherche d’une plus grande accessibilité et d’attrait pour les publics. Par l’idée donc d’aller vers les publics en récupérant des outils auxquels ils sont familiers, il y a aussi l’idée d’une réciprocité, d’un point de contact qui se crée entre la culture et son auditoire, réel ou potentiel, sans discrimination. Florence Vielfaure, dans son rôle de chargée de mission médiations numériques au Ministère de la Culture, partage donc une vision républicaine et démocratique de la culture. Néanmoins, comme nous l’avons vu précédemment, et comme Florence Vielfaure le reconnaît12 , les enquêtes montrent que le numérique n’a pas révolutionné l’accès à la culture en terme à la fois de fréquentation et de diversité. Aussi, si l’idée que le numérique est un outil de plus dans le panel du médiateur, comme elle l’affirme elle aussi, le plus gros travail semble toujours demeurer dans le métier-même du médiateur culturel. Aussi vrai que l’artiste ne se limite pas à sa technique, beaucoup sont d’avis que c’est l’usage qui est fait de la technologie qui fait la différence. C’est l’humain qui donne sens à la machine, si bien que si l’usage du numérique était également réparti dans tous les musées, on peut imaginer qu’il ne soit pas partout le même, selon le type de musées mais aussi selon les publics visés et son implantation sur le territoire. Encore faudrait-il que soit accordée une plus grande autonomie au médiateur qui occupe souvent une position délicate. En effet, si le statut du médiateur s’est « banalisé »13 , il n’en reste pas moins que sa situation professionnelle demeure précaire, faiblement rémunérée, alors même que cette fonction requiert un niveau d’étude élevé et que presque tous pratiquent ou ont pratiqué une activité artistique ou créative qui n’est jamais valorisée dans leurs discours. Dans la plupart des cas, le médiateur exerce dans l’ombre du commissaire d’exposition et de l’artiste et refuse de se concevoir sur le modèle du pédagogue ou du communicant. Aussi, le champ de possibilité du médiateur se                                                                                                                           12 A notre question « pensez-vous que le numérique a révolutionné les pratiques culturelles du public ? » elle répond : « non pas encore… mais ça y participe ». 13 Pour reprendre une expression de Marie Christine Bordeaux et Elisabeth Caillet, ibid.)  
  • 22. 21   réduit très souvent à une peau de chagrin, située « en sandwich » entre les publics et sa hiérarchie. D’ici donc à ce que le numérique devienne un langage commun pour les professionnels comme pour les publics, il faudrait s’entendre sur les conditions optimales d’accès à la culture et de démocratie culturelle, ainsi que sur ce que l’on met derrière l’idée « d’expérience culturelle ». A en croire Jean Caune dans son article dans lequel il cite Hannah Arendt, « Le pouvoir originellement spécifique de toute chose culturelle étant d’arrêter notre attention et de nous émouvoir, l’expérience esthétique, le jugement de goût, comme le montre Hannah Arendt, est une activité « en laquelle le partager-le-monde-avec-autrui » se produit. ». Autrement dit, la spécificité de l’œuvre artistique ou de la culture réside dans l’instant de sa découverte, qui produit (plus ou moins soudainement) à la fois émotion, cadre esthétique et jugement de goût, tout cela en confrontation avec l’altérité de l’œuvre et/ou avec les autres. Cette définition de l’expérience culturelle soulève donc trois aspects, qui vraisemblablement sont aussi à l’esprit du médiateur et du chargé d’exposition quand ils développent un projet in situ ou en ligne : l’espace, la temporalité et la convivialité, au sens du « vivre ensemble ». Or la grande spécificité d’internet et de ses avatars est de rendre possible un déplacement spatio-temporel. Le numérique nous rend doués d’ « ubiquité » : nous sommes ici et ailleurs, ailleurs renvoyant à l’espace virtuel. Qu’en est-il alors de l’expérience culturelle, quand celle- ci se trouve délocalisée, déplacée de son cadre initial ? Comment la médiation s’adapte-t- elle aux différents média, autrement dit à ce qu’on a appelé au début des années 2000 le « multimédia », et auquel vient s’ajouter aujourd’hui le numérique? La réponse est simple, bien qu’elle soit plus facile à dire qu’à faire : à chaque média sa médiation, et le rôle du médiateur est aussi de faire le lien entre les outils numériques et le public. Il n’y a pas de recettes clés, l’important étant de « donner au visiteur les outils pour son émotion et son plaisir ». Si la fonctionnalité de visite en ligne existe, elle peut donner envie au visiteur de s’y rendre tout comme il peut décider de s’en contenter. Il faut le noter : l’ère numérique que nous semblons vivre n’a pas pour autant « éradiqué » le besoin de rencontres physiques. Aux musées donc d’axer leur communication sur les besoins que le numérique ne satisfait pas pleinement. Aussi vrai que le montage d’une exposition doit créer un cadre propice à l’appréciation des œuvres, les outils numériques, qu’ils interviennent in situ ou en ligne, doivent rentrer dans cette même logique. C’est en tous cas ce que nous avons constaté au cours de notre enquête. Le numérique est toujours un « plus », pensé pour « augmenter » l’expérience du public, en durée et en intensité (avant, pendant, après ou en parallèle des œuvres). Qu’en est-il alors de la notion de convivialité ou de « vivre ensemble » ? Comme nous le rappelle Florence Vielfaure, ces outils numériques sont tous dotés de fonctions de partage, donc il y a ce qu’elle appelle « un leitmotiv [à] partager ». Au-delà des dérives (narcissisme, mise en scène de soi, désinhibition, superficialité) dénoncées par l’ensemble des intervenants, ne peut-on pas y voir quelque chose d’enthousiasmant ? A l’image du public de l’IAC, dont les pratiques de partage ont progressivement évolué du simple partage de photos ou de courtes vidéos sur les réseaux sociaux à un dialogue critique
  • 23. 22   et créatif avec les œuvres, ou bien encore des forums14 , ne peut-on pas voir ces pratiques sociales comme contribuant à l’aspect convivial de la culture ? A ce sujet, un rapide détour vers la définition du terme de convivialité nous a semblé étonnant et pertinent : • Du latin convivium, repas en commun et convivialis, convives, c’est aussi un hispanisme utilisé par Ivan Illitch dans La Convivialité en 1973 « pour qualifier à la fois des outils dont la fonction est déterminée par celui qui les manie plutôt que par celui qui les conçoit, et un type de société post-industrielle caractérisé par ces outils, l'autonomie et l'interdépendance ». • En informatique c'est la qualité d'un logiciel dont l'usage est intuitif ou qui dirige suffisamment son utilisateur pour ne nécessiter ni formation ni mode d'emploi (ce dernier sens est radicalement opposé au sens Illichien). Alors certes, on a vu que ces outils demandaient un effort d’appropriation, mais le fait est qu’ils présupposent toujours l’idée d’une communauté et d’un lien social. D’autant que ces réseaux sociaux restent sous l’entier contrôle de l’établissement. Or, tant que cela permet au public de rebondir sur une œuvre, que cela se fasse « de visu » ou en ligne, de la manière attendue ou de façon détournée n’est pas le plus important. L’important, c’est d’avoir le choix.                                                                                                                           14 « Une fois ce stade-là passé (cf. le stade narcissique), on s’est rendu compte qu’en postant 2, 3 choses un peu décalées les gens suivaient. Ils commencent au fur et à mesure à voir le potentiel pour témoigner de l’expo, pour parler d’eux-mêmes, et je pense à usage privé aussi. Donc c’est intéressant de voir l’évolution de l’outil dans les pratiques. Il y a des gens qui ont fait des actions en réponse à des choses qui les ont marqués dans l’expo. C’est des réponses un peu créatives plutôt qu’un commentaire textuel par exemple. Ils entrent en résonance avec l’expo. C’était tout à fait ce qu’on recherchait. »
  • 24. 23   CONCLUSION Au terme de cette réflexion, nous avons donc montré que le numérique était un outil de plus dans le panel du médiateur culturel qui exerce dans les musées. Le numérique offre de nouvelles opportunités mais il ne remplace pas la médiation humaine, pas plus que ne l’ont fait avant lui l’instauration de bases de données ou d’audioguides. Le numérique est donc avant tout un outil, qui, comme tous les autres, demande à être appréhendé, maîtrisé, à la fois par celui-qui le manie que par celui qui le conçoit. De là à parler de « démocratisation culturelle », quand les publics les plus avisés sur le numérique demeurent toujours les mêmes, il y a un pas à faire. Et justement, quel est-il ? Qu’est-ce que la démocratie culturelle sinon la collaboration de chacun à l’élaboration du patrimoine culturel qui par définition nous appartient tous ? Et comment travailler ensemble à laisser une voix à l’ensemble des publics tout en n’entravant pas les compétences des établissements ? D’ici à ce que les publics les plus « éloignés » ou « empêchés » se voient soulagés des obstacles psychologiques ou physiques qui les empêchent de franchir la porte des musées, la figure du médiateur demeure le plus grand espoir à l’avancée de la démocratie culturelle dans ce secteur, à condition qu’il parvienne à tirer parti de l’ambivalence de son métier. Car qu’est-ce donc qu’un médiateur, sinon un éducateur culturel informel, et ce bien qu’il s’accommode mal de cette définition ? Qu’est-ce donc qu’un community manager et qu’un chargé de la communication, sinon deux alliés précieux pour la tâche noble et pourtant injustement considérée de la médiation ? Le numérique a renforcé l’accès et la participation des publics mais a aussi contribué au décloisonnement du secteur culturel, plus que jamais obligé de s’entourer d’un réseau d’acteurs large : chercheurs, associations, internautes… Autre aspect qui peut sembler à la marge de notre sujet mais qui rentre néanmoins tout à fait dans les questions de démocratie culturelle : le numérique a largement élargi la voie aux pratiques culturelles amateurs. Or, on ne peut pas nier que l’amateurisme a toujours soutenu la demande culturelle, et ce bien que les établissements culturels mettent un point d’honneur à s’en distinguer. Penser le musée de demain, ce musée idéal ou imaginaire dont rêvait Malraux ne se limite donc pas à faire innover les outils mais aussi à réinventer les techniques de médiation et soutenir les techniciens (médiateurs et autres) qui les accompagnent. Car c’est avant tout de la volonté des humains derrière les équipements culturels que dépend en grande partie - non pas le pouvoir d’achat - mais bien le pouvoir culturel des publics.
  • 25. 24   BIBLIOGRAPHIE ARTICLES BORDEAUX Marie-Christine, CAILLET Elisabeth, « La médiation culturelle : pratiques et enjeux théoriques », Culture et Musées, 2013, hors série, p. 147 BORDEAUX Marie-Christine, La médiation culturelle en France, conditions d’émergence, enjeux politiques et théoriques, Actes du Colloque international sur la médiation culturelle Culture pour tous, Montréal, décembre 2008 DUFRENE Bernadette, GELLEREAU Michèle, « La médiation culturelle : enjeux professionnels et politiques », Hermès, 38, 2004, p. 199-206 DUFRENE Bernadette, GELLEREAU Michèle, « Qui sont les médiateurs culturels ? Statuts, rôles et constructions d’images », MEI, n°19, 2004, p. 163-175 LIVRES, RAPPORTS AUBOUIN Nicolas, KLETZ Frédéric, LENAY Olivier, Médiation culturelle : l’enjeu de la gestion des ressources humaines, DEPS, 2010-1 CAILLET Élisabeth, À l’approche du musée, la médiation culturelle, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1995 CAUNE Jean, Pour une éthique de la médiation : le sens des pratiques culturelles, Presses universitaires de Grenoble, 1999 CHAUMIER Serge, MAIRESSE François, La médiation culturelle, Armand Colin, 2013 DAVALLON Jean, « Réflexions sur la notion de médiation muséale », dans L’Art contemporain et son exposition (1), Paris L’Harmattan, 2002, p. 41-61
  • 26. 25   Du muséum au musée des Confluences. Médiation et activités culturelles, 2008 LAMIZET Bernard, La médiation culturelle, Paris, L’Harmattan, 1999 PEYRIN Aurélie, Etre médiateur au musée. Sociologie d’un métier en trompe-l’œil, La Documentation française, 2010 SAINT-GERANT Jacques-Philippe, REGOURD Martine (dir.), Musées en mutation. Un espace public à revisiter, Paris, L’Harmattan, coll. Gestion de la culture, 2012, 398 p., p. 211- 280) Médiation et numérique « France : plus de 15 ans de numérique pour les musées »: Chronologie de la médiation numérique dans les musées par Omer Pesquer, juillet 2012. http://omer.mobi/notes/pratiques/france-numerique-pour-les-musees-reperes/ CHAPELAIN Brigitte, « De nouvelles médiations numériques au service de la culture augmentée», Hermès, 2011, n° 61 CHEVREFILS DESBIOLLES Annie, La fonction de médiation 2.0 comme production d'un environnement relationnel : la médiation [au carré], 30 octobre 2012 – Rencontres numériques « Médiation & Numérique dans les équipements culturels» DALBAVIE Juliette, « La table interactive du musée d’histoire naturelle de Lille », La Lettre de l’OCIM, n° 152, 2014 DAVALLON Jean, GOTTESDIENNER Hana et LE MAREC Joëlle, Premiers usages des cédéroms de musées, pratiques et représentations d’un produit innovant, Dijon, OCIM, 2000 FOURQUET-COURBET Marie-Pierre, COURBET Didier, « Les serious games, dispositifs numériques de médiation : processus sociocognitifs et affectifs dans les usages et les effets sur les publics », Culture et musées, 2013, n° 22, p. 165-190
  • 27. 26   LESAFFRE Gaëlle, WATREMEZ Anne, FLON Emilie, « Les applications mobiles de musées et de sites patrimoniaux en France : quelles propositions de médiation ? », La Lettre de l’OCIM, n° 154, 2014 Le numérique au théâtre, l’exemple du théâtre Rond-point http://cliophile.wordpress.com/2013/05/30/episode-8-le-numerique-au-theatre-lexemple-du- theatre-du-rond-point/ « Quand le musée se réinvente dans le numérique », La Tribune, n° 97, septembre 2014 SANDRI, Eva, « De l'utilisation du terme “révolution” dans les technologies de l'information et de la communication : le cas des nouvelles technologies au musée » in Métamorphoses et bouleversements, journées d’étude, 12-13 avril 2012, Université d’Avignon VIDAL Geneviève, « Interactivité et médiation dans l'usage des multimédias de musées », Communication et langages, n°137, 2003, p. 63-76 VIDAL Geneviève (LabSic – Université Paris 13), Médiation & numérique, usages des médiations numériques muséales, 30-31 octobre 2012 Power point de l’auteur présenté à une rencontre (la rencontre n’est pas précisée) Liste non exhaustive de liens Internet consultés http://www.culturepourtous.ca/mediation/lexique_biblio_2007.pdf http://www.culturecommunication.gouv.fr/Politiques-ministerielles/Etudes-et-statistiques/Les- publications/Collections-de-synthese/Culture-etudes-2007-2014/Mediation-culturelle-l-enjeu- de-la-gestion-des-ressources-humaines-CE-2010-1 http://montreal.mediationculturelle.org/quest-ce-que-la-mediation-culturelle http://www.club-innovation-culture.fr/didier-happe-agp/ http://www.crossmedias.fr/fr/2013/12/la-mediation-culturelle-numerique-quels-nouveaux- supports/ http://www.culturemobile.net/cultures-numerique/nouveaux-territoires-louvre
  • 28. TABLE D’ANNEXES Annexe  1...................................................................................................................................................2   Infographie  sur  l’évolution  de  la  médiation.................................................................................2   Annexe  2...................................................................................................................................................3   Entretien  avec  Charlotte  Morel  (le  21/11/2014),  Responsable  du  service  des  publics   à  l’Institut  d’Art  Contemporain  de  Villeurbanne........................................................................3   Annexe  3................................................................................................................................................ 11   Entretien  avec  Jean-­Christophe  Théobalt  (le  28/11/14),  Chargé  de  Mission   Numérique  au  Ministère  de  la  culture  et  de  la  Communication  -­  Secrétariat  général,   Service  de  la  coordination  des  politiques  culturelles  et  de  l'innovation,  Département   de  l'éducation  et  du  développement  artistiques  et  culturels.............................................. 11   Annexe  4................................................................................................................................................ 20   Entretien  avec  Adeline  Lépine  et  Karel  Cioffi  (le  29/11/2014)  ;  Adeline  Lépine  (AL),   chargée  de  programmation  culturelle  et  Karel  Cioffi  (KC),  webmaster  du  Musée  d’Art   Contemporain  de  Lyon  (MAC)........................................................................................................ 20   Annexe  5................................................................................................................................................ 25   Entretien  avec  François  Boutard  (le  02/12/14),  Auteur  du  blog  ArtDesignTendance .................................................................................................................................................................. 25   Annexe  6................................................................................................................................................ 28   Entretien  avec  Laurent  Chopard  (le  02/12/2014),  Médiateur  culturel  et  chargé  de   projet  au  Musée  Gallo-­Romain  de  Lyon,  en  charge  des  outils  numériques  et  du   développement  des  nouveaux  publics........................................................................................ 28  
  • 29. Annexe  1  :  Infographie  sur  l'evolution  de  la  médiation    
  • 30. Annexe 2 Entretien avec Charlotte Morel (le 21/11/2014), Responsable du service des publics à l’Institut d’Art Contemporain de Villeurbanne Pourriez-vous vous présenter? Et présenter l’Institut d’Art Contemporain? J’ai été embauchée à l’IAC en février 2013. En qualité de médiatrice culturelle d’abord, et depuis quelques mois j’ai pris la responsabilité du service des publics. Une bonne partie de mes activités relève de la médiation, que ce soit de la conduite de visites guidées ou la rédaction de projets pédagogiques ou de supports de médiation écrite, des rencontres avec les enseignants, et la programmation d’événements culturels comme des rencontres avec des acteurs du champ artistique, des auteurs, des commissaires. Je forme également des étudiants en médiation. L’IAC est un centre d’art qui trouve son origine dans la fusion de deux structures. En 1978 le nouveau musée est le premier centre d’art français à s’implanter, et qui plus est à Villeurbanne donc pas à Lyon. Il y avait uniquement une politique d’expositions temporaires, et un fort soutien à la création internationale et contemporaine. A 1982 le FRAC est fondé avec une constitution de collection. En 1998 les deux entités deviennent l’IAC. On a l’héritage du FRAC c’est-à-dire la collection de 1700 œuvres qui s’alimente chaque année et l’activité d’expositions temporaires qui se fusionnent. Donc l’IAC a la spécificité d’être porteur d’une grosse collection qui normalement est propre aux musées et pas aux centres d’art. Nos expositions temporaires servent souvent à faire l’acquisition de nouvelles pièces qui entrent dans la collection. On est une équipe de 13 permanents dans les bureaux. D’où viennent les fonds pour acquérir les œuvres? L’IAC bénéficie de subventions de l’Etat et de la région, et on a également le soutien de la ville de Villeurbanne. Le budget d’acquisition peut fluctuer, et il est pris sur le budget de fonctionnement normal qui provient des subventions des trois parties. Donc c’est de l’argent public, et la collection est publique. Pouvez-vous me raconter le dernier projet d’exposition, et comment vous y avez pris part en tant que chargée des publics? Ça s’appelle « Collection à l’étude. Expériences de l’œuvre ». C’est un projet qui agit ici dans les locaux de l’IAC et dans différents lieux de Villeurbanne. Ce projet montre des œuvres qui appartiennent à la collection. L’IAC montre tous les deux ans une partie de sa collection. C’est un éclairage qui peut être des dernières acquisitions ou une thématique. En 2012 c’était l’art vidéo donc on a sorti une certaine quantité d’œuvres vidéo qu’on avait dans la collection. Cette fois-ci on a décidé qu’il n’y aurait pas vraiment de thématique et pas vraiment de nouvelles acquisitions mises en focus, mais par contre on s’est dit qu’il serait intéressant de réinterroger les relations que peuvent avoir les visiteurs aux œuvres. D’où le titre. Ça supposait que dans la sélection des œuvres, qui s’est faite de manière relativement collective et pas seulement un choix de direction, on réfléchisse vraiment à quel type d’œuvres a été susceptible de créer des comportements, des réactions différentes. On a été le plus éclectique et le plus large possible dans notre sélection en cherchant à ce que ce soit représentatif des médiums très divers qui existent dans l’art contemporain, pour donner à voir une multiplicité, potentiellement déclencher une multiplicité d’attitudes, de réactions, d’émotions, de sensations et de commentaires.
  • 31. Et puis le second point c’est que pour appuyer cette sélection-là du point de vue de la médiation, on a essayé de remettre en cause ce qu’on faisait jusqu’à présent. C’est-à-dire qu’à l’IAC vous avez la possibilité de faire des visites commentées avec des médiateurs, de venir seul mais vous avez aussi le guide du visiteur qui est un support de médiation écrit assez complet, plus les cartels évidemment. Et on s’est dit que ça pourrait être intéressant puisqu’on essaye de déclencher une prise de conscience des gens quand ils viennent - quelle est mon attitude quand je vais au musée, qu’est-ce que j’attends face aux œuvres, est-ce que parce que j’ai les informations je comprends mieux l’œuvre et ça me fait d’avantage d’effet, on s’est basés aussi sur beaucoup de réactions assez archétypales de visiteurs « de toutes façons l’art contemporain j’y comprends rien, si vous n’étiez pas là je ne comprendrais rien, c’est joli mais ça me parle pas, je ressens rien, l’art c’est fait pour être beau », enfin ce genre de poncifs là, plutôt que de les rejeter on a essayé d’en tenir compte, et de proposer un accompagnement différent de d’habitude. On n’avait pas la prétention de révolutionner la pratique de la médiation mais on s’est dit qu’on allait essayer de décaler un petit peu les habitudes pour voir ce que ça produit. Donc ça passe par cette proposition que vous avez vue: un accueil du visiteur oral, une sorte de mise en confiance vis-à-vis du projet, etc., une mise à disposition d’un petit strapontin pliant, un petit carnet avec un crayon, non pas source d’informations mais qui est vide et à remplir potentiellement, et une liberté du timing que vous avez face à chacune des œuvres puisque vous pouvez vous asseoir, vous ne suivez pas un groupe. On a enlevé les cartels donc pas de référence immédiate à l’information, pas de notice dans les salles et donc a priori un parcours qui produit un aller et un retour. Donc avec un point de rencontre, avec à ce moment-là, salle par salle, les notices d’œuvres assez complètes et une possibilité de rencontre avec un médiateur qui ensuite est assez volant, vous accompagne sur une partie, répond à vos questions, fait le retour complètement avec vous en répondant à vos questions. Mais les consignes qu’ils ont eues c’est surtout de déplacer votre propos. Non pas d’esquiver les réponses et de ne pas connaître les œuvres, au contraire, mais de faire aussi prendre conscience qu’on peut avoir un tout autre intérêt à venir voir des œuvres que de bien les comprendre. On peut aussi s’interroger sur - c’est vrai que face à un tableau je m’approche à 15cm, et face à une sculpture je tourne autour. Surtout, l’idée qu’on avait surtout en tête, c’est un aller « autonome », et un retour accompagné par une lecture ou une conversation, et est-ce que ça change quelque chose. On a vu deux fois les œuvres, est-ce qu’on a mieux compris avec de l’info, est-ce que c’est simplement le fait de l’avoir vu deux fois qui permet de mieux comprendre, etc. Et donc un dernier élément de ce dispositif-là, c’est celui qui est dans le jardin, vous avez un container industriel qui d’ordinaire est attribué au « laboratoire espace cerveau » qui est un dispositif à part entière et qui est concepteur, donc il y a un groupe de recherche qui est concepteur de cette exposition et de ce projet collection à l’étude là, et donc à l’intérieur vous avez ipads, ordis, paperboards, pour noter des choses, restituer - on appelle ça un retour de mémoire - des sensations que vous auriez eues, des commentaires, des remarques, des critiques, simplement une photo que vous avez envie de poster pour la partager, et tous les visiteurs peuvent voir ce qui a été posté auparavant. C’est sur twitter, sur le compte de l’institut, et vous pouvez poster à tout moment dans la salle. Si vous-mêmes vous avez un compte twitter vous le postez avec le hashtag de l’IAC. Et vous avez aussi dans la verrière d’accueil un petit ipad pour consulter les notices qui sont aussi en ligne. Depuis que vous êtes en poste, avez-vous observé des changements dans la médiation? Moi j’ai repris le service à la suite de deux autres personnes, qui avaient elles beaucoup défriché le terrain puisqu’elles étaient en poste depuis longtemps. Elles ont vu émerger dans leur vie professionnelle la qualité de médiateur qui n’existait pas avant les années 80, ou 90 pour vraiment l’installer. Elles ont été pionnières dans la mise en forme et en pratique de certaines actions de médiation. Moi non, j’ai vraiment été bercée par ces idées-là, la place du médiateur dans les institutions me semblait évidente.
  • 32. Mais par contre c’est vrai que ce qu’on observe c’est les comportements. Dans cette institution la nécessité d’avoir de la médiation est peu remise en question. Ce qui est sûr c’est que les outils évoluent. La nécessité d’avoir des outils est parfois remise en question, mais quand elle est soulevée elle nécessite d’être adaptée aux âges. Cela va sans dire, puisque moi je l’observe, je reçois très souvent de jeunes enfant de deux ans et demi, cinq ans, sept ans dans les espaces, et on voit (mais ça c’est une banalité que de dire ça maintenant), leur immédiateté à se servir des outils, en l’occurrence numériques. L’Ipad c’est quelque chose qui est très évident pour eux, dans les fonctionnalités, dans les interfaces, dans la manipulation de l’objet, qui l’est évidemment beaucoup moins pour des adultes, voire des personnes d’un certain âge. Donc il y a une nécessité qui commence vraiment à s’imposer à nous qui est d’utiliser ce genre d’outils-là, maintenant pourquoi, ça c’est une autre question. De plus en plus souvent les gens comparent les outils de médiation d’une institution à l’autre. Donc ça donne des idées, mais on constate qu’il n’y a pas encore un systématisme dans l’utilisation. Il y a des franges de la population qui s’en servent, et ce n’est même pas générationnel parce qu’il y a par exemple des lycéens qui s’en servent beaucoup et des collégiens qui pourtant sont encore plus à même d’être là dedans qui ne s’en servent pas du tout. Donc ce n’est pas encore très clair dans mon esprit d’arriver à viser le bon public pour quel outil. Il y a des franges, on va dire les personnes de plus de 45 ans, le numérique c’est pas encore tout à fait ça et encore je parle de manière très générale, il y en a qui sont très au fait, mais il y a quand même assez peu de ces acteurs-là qui sont sur les réseaux sociaux activement, ou alors si ils le sont c’est pour un but très privé et ce n’est pas pour ce type d’activités-là qui seraient culturelles, on va dire. Ou alors qui ne voient pas l’intérêt quand ils sont au sein d’un cadre parce qu’ils considèrent que c’est nous qui allons les guider vers ça. Donc c’est plutôt à la maison quand ils se renseignent sur ce qu’il y a à voir, etc. Des applications dont ils se servent pour eux en gros pour décider de leur vie culturelle, mais pas une fois qu’ils sont dans l’institution. Donc ça évolue très vite, il y a des gens qui travaillent là-dessus donc on a régulièrement de la part des sociologues, de chercheurs des réponses ou des ajustements. Pour ce qui est vraiment de la pratique de médiation pour l’instant ici on n’a pas en place d’outils réellement novateurs. On reste sur des choses assez attendues, comme le papier, comme des guides du visiteur, pour les jeunes visiteurs des cahiers de jeu, etc. La parole, moi c’est vrai que pour l’instant je suis assez neuve dans ce métier et je ne suis pas du tout lassée, c’est très important encore d’avoir le contact. Parce qu’on est un petit lieu, c’est spécifique à notre lieu aussi, ce n’est sans doute pas la même problématique pour le MAC par exemple, mais on est un petit lieu et on cherche à être au contact des gens, à fidéliser les gens qui viennent, à être dans un rapport de facilité d’accueil, de discours parce qu’il n’y a pas 36 intermédiaires, il y a deux personnes à l’accueil, c’est toujours les mêmes. Que les gens nous connaissent bien, ça fait partie de nos missions, parce qu’on doit rester un lieu abordable. Vous pensez qu’un outil numérique peut constituer un frein à la sociabilité? Pas nécessairement. Mais c’est vrai que ce que je remarque c’est que ces questions sont tout le temps en ce moment au cœur de nos recherches, et entre homologues on se pose souvent des questions « qu’est-ce que tu mets en place, ah tiens il y a une nouveauté, on fait tel colloque, viens », on a fait un colloque sur la médiation il n’y a même pas un mois, et on a beaucoup de demandes sur ce qu’il y a de nouveau, ce qu’on peut faire, ce qu’on peut inventer, etc. Et moi je ne suis pas du tout réticente à utiliser la technologie, le numérique, etc., mais je n’ai pas encore fait le tour des questions des basiques. Donc passer à autre chose pour moi ce n’est encore pas à propos, je n’arrive pas à être pertinente dans mes propositions de nouveaux outils, en tous cas numériques, parce que d’une part je ne suis pas extrêmement utilisatrice moi-même à titre personnel (mais ça on peut le dépasser à titre professionnel), et d’autre part parce que je n’ai pas encore ciblé des choses, des croisements où le numérique pourrait intervenir non pas pour se substituer par exemple à une personne, à un discours mais serait un outil qui vraiment se
  • 33. rende indispensable ou qui soit vraiment un plus à quelque chose qui s’imposerait de manière sociétale, avec des besoins auxquels vraiment on ne peut pas répondre actuellement. Ce n’est pas encore le cas, je ne le ressens pas comme ça, et du coup j’ai du mal à être prospective pour l’outil numérique. Pour d’autres choses oui mais pour l’outil numérique j’ai besoin de murir l’approche que j’ai en médiation, et que je connaisse mieux aussi les publics, savoir quelle est la demande exactement, parce que si c’est pour mettre un ipad on met un ipad, mais finalement si c’est pour consulter une notice ça ne sert à rien. La notice est en papier, moi je peux répondre aux questions. Il y a plein de choses qui existent déjà mais qui se prêtent aussi quand le lieu est très grand, quand il y a une collection permanente. Nous on a encore un fonctionnement qui est à murir de ce côté là. A adapter. Quand je visitais votre site internet, j’essayais de voir si vous utilisiez des outils numériques et je n’ai pas trouvé vraiment d’information, j’ai vu que vous aviez une page Facebook, une page de retours, et un compte twitter mais on y reviendra. Mais je me suis dit, dans le cadre du laboratoire espace cerveau, vous avez dit qu’il y avait des tablettes, et dans ce cadre-là ça a l’air de faire sens justement. Oui, tout à fait. C’était vraiment pour recueillir quelque chose, il nous fallait quelque chose qui garde une trace. Parce qu’on a des conversations éphémères entre les médiateurs et les visiteurs - des fois les gens nous rendent leur petit carnet mais ce n’est pas une obligation. On voulait vraiment tirer profit de cette expérience sur la durée des quatre mois du projet pour savoir adapter des propositions, c’était un thermomètre aussi pour savoir quelle était la demande. Puisque ce projet-là découle de nombreuses remarques au fil des années des visiteurs, des partenaires. On fait des choix curatoriaux pour les œuvres, les artistes mais on accueille du public donc on devrait remettre en question la façon dont on accueille les gens. Et mettre ça au cœur du projet ça nous permettait après d’en tirer profit pour un autre projet qui n’aurait peut-être pas les mêmes modalités d’accueil mais peut-être qu’on gardera des éléments parce qu’on aura senti une réelle accroche, une réelle pertinence à ces outils là. Et effectivement vous ne trouverez rien sur le site qui témoigne de possibilités numériques d’accompagnement parce qu’il n’y a rien qui est en place pour l’instant. Par rapport aux outils numériques, vous avez dit qu’il n’y en avait pas dans cette exposition-là. Mais ça a pu vous arriver d’en utiliser? vous disiez des tablettes, ipad? C’est déjà arrivé. Mais pour l’instant principalement à but de consultation. Toute notre collection d’œuvres est en ligne par exemple. On a fait déjà plusieurs fois des expositions, notamment je pense à Rendez-Vous qui est une plateforme jeune création à l’IAC, et à l’occasion de laquelle on avait fait intervenir une commande d’artistes, c’était des artistes de Séoul je crois, qui étaient quatre - un collectif -, et qui avaient fait en fait une sorte d’œuvre d’art / virus informatique et pour que les gens la voient c’était consultable sur une tablette. Parce que c’était de l’art numérique. Voilà. C’était de l’art numérique. Donc forcément l’outil était adéquat. Mais c’est souvent pour consulter quelque chose. Consulter en ligne, être une extension de nos bureaux plus qu’un réel projet de médiation, bien que ce soit un accompagnement de médiation. Est-ce que vous diriez, par rapport au labo espace cerveau, comme c’est des sciences cognitives, que ça les intéressait de travailler avec des outils numériques pour avoir une mise en abîme dans la cognition ou c’était simplement parce que pour collecter c’est plus pratique? Je pense qu’il y avait un peu des deux à vrai dire. C’était un outil pratique pour nous parce que c’est beaucoup plus léger à mettre en œuvre, ou beaucoup plus viable qu’un livre d’or pour l’exploiter ensuite donc ça paraissait assez évident, mais en revanche c’est vrai que ça permet