2010 06-18 ... la construction du projet professionnel
Essai en ligne ! Jean-François Maltais sur l'Approche Masterson en counseling de carrière
1. UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL
L’IMPACT D’UNE FORMATION AXÉE SUR LA COMPRÉHENSION DU
FONCTIONNEMENT PSYCHOLOGIQUE (APPROCHE MASTERSON) SUR
LES PRATIQUES DE CONSEILLÈRES
EN DÉVELOPPEMENT DE L’EMPLOYABILITÉ AU SEIN
D’ORGANISMES DU MONTRÉAL MÉTROPOLITAIN
RAPPORT D’ACTIVITÉS
DIRIGÉES PRÉSENTÉ
COMME EXIGENCE PARTIELLE
DE LA MAÎTRISE EN ÉDUCATION
PAR
JEAN-FRANÇOIS MALTAIS
DÉCEMBRE 2011
2. REMERCIEMENTS
Outre les conseillères ayant participé à cette recherche et sans qui cette
démarche n’aurait pu avoir lieu, je tiens à remercier quelques personnes
m’ayant directement ou indirectement aidé dans la dernière année à passer à
travers, ce qui pour moi, représentait un travail colossal. Tout d’abord, un gros
merci à ma copine Sarah. Dans la vie, il y a des périodes qu’on préfère ne pas
traverser seul et celle-ci en fait partie. Sans ton support, ton ouverture, tes
conseils et surtout ta capacité à me pousser au dépassement, la tâche aurait sans
doute été encore plus difficile à surmonter et j’y serais probablement encore.
Je me dois absolument de remercier une autre personne de mon entourage sans
qui ce travail d’activité dirigée n’aurait pu aboutir, ni même démarrer, ma
collègue et amie Jacinthe Fortier. Tout d’abord, merci Jacinthe d’avoir accepté
de partager ta formation, ton savoir et ton expérience avec moi. Le temps et
l’énergie que tu as mise pour m’aider ne seront jamais oubliés et je peux
t’assurer que ton implication à grandement contribués à la qualité et la justesse
de l’information se retrouvant dans cette recherche.
Un merci tout spécial à mon directeur de recherche Louis Cournoyer. Je dois
dire que ta capacité à analyser et à pousser toujours plus loin les idées m’a
vraiment impressionné. À cet égard, tu demeures pour moi un modèle de
rigueur et de professionnalisme pour ma pratique future. Aussi, j’aimerais
mentionner que tu as contribué, de par tes interventions et tes commentaires, à
développer mes compétences en recherche d’une façon incroyable. De sorte
que sans ton aide, il m’aurait été très difficile d’accomplir un travail duquel je
sois aussi fier. Finalement, un gros merci pour ta disponibilité au travers de la
dernière année.
ii
3. Je souhaite terminer en remerciant mes parents Yvon et Hélène pour tout ce
qu’ils ont fait pour moi et pour les valeurs qu’ils m’ont transmises.
iii
4. TABLE DES MATIÈRES
REMERCIEMENTS ........................................................................................... ii
LISTE DES TABLEAUX .................................................................................. vi
LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES ......................... vii
RÉSUMÉ ......................................................................................................... viii
1. INTRODUCTION .......................................................................................1
1. PROBLÉMATIQUE ........................................................................................3
1.1 Problématiques émergentes en développement de l’employabilité ...........3
1.2 Rôle et tâches de conseillères et de conseillers en emploi ....................... 11
1.3 Spécificité montréalaise en développement de l’employabilité ...............13
1.4. Portée des interventions des conseillères et des conseillers en emploi ...14
2. CADRE THÉORIQUE ..................................................................................20
2.1. Différentes conceptions du counseling de carrière .................................20
2.1.1. Approches humanistes......................................................................20
2.1.2. Approches systémiques ....................................................................21
2.1.3. Approches cognitives comportementales .........................................22
2.1.4. Approches psychodynamiques .........................................................22
2.2. L’Approche Masterson (AM) ..................................................................23
2.2.1. Origine et développement ...............................................................24
2.2.2. Influences théoriques et articulation conceptuelle de l’AM ...........25
2.2.3. Enjeux et concepts clés de l’AM ......................................................28
2.2.4. Notion de trouble de personnalité, au cœur de l’AM .......................34
2.2.4. Structures de personnalité selon l’AM .............................................35
2.2.5. Recension des écrits sur l’AM .........................................................39
2.2.6. Interventions de l’AM adaptées pour chacun des types de
personnalité ................................................................................................42
2.2.7. Intégration possible de l’AM en développement de carrière ...........45
3. OBJECTIF DE RECHERCHE ......................................................................49
4. MÉTHODOLOGIE ........................................................................................50
4.1. Échantillonnage .......................................................................................50
iv
5. 4.2. Les instruments développés et utilisés ....................................................52
4.2.1. Questionnaire sociodémographique .................................................52
4.2.2. Questionnaires pré et post formation ...............................................52
4.3. Méthode de collecte des données ............................................................53
4.4. Analyse des données ...............................................................................54
4.4.1. L’analyse qualitative des données ....................................................54
4.4.2. L’analyse quantitative des données ..................................................57
4.5. Considérations éthiques .........................................................................57
5. PRÉSENTATION ET INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS....................59
5.1 Compétences perçues par les conseillères : avant et après la formation ..59
5.1.1 Auto-évaluation des conseillères et des conseillers avant la formation
....................................................................................................................60
5.1.2 Auto-évaluation des conseillères et des conseillers après la formation
....................................................................................................................75
5.2 Différences perçues dans le discours des conseillères quant à leurs
perceptions de compétences professionnelles suite à la formation sur
l’Approche Masterson ....................................................................................91
6. DISCUSSION ................................................................................................98
LIMITES DE LA RECHERCHE .....................................................................106
CONCLUSION ................................................................................................107
Appendice A - Rôle des conseillers en emploi et de leur clientèle .................. 110
Appendice B - Programmes de formations permettant d’accéder au métier de
conseiller en emploi ......................................................................................... 116
Appendice C - Programmes de formation donnant accès au métier de conseiller
d’orientation .....................................................................................................122
Appendice D - Questionnaire sociodémographique Approche Masterson ......128
Appendice E - Questionnaire pré-formation ....................................................130
Appendice F - Questionnaire Post formation ...................................................135
Appendice G - Formulaire d’information et de consentement........................140
RÉFÉRENCES.................................................................................................145
v
6. LISTE DES TABLEAUX
Tableau Page
1.1 Tâches relatives au travail de conseillères et de
conseillers en emploi ………………………………………….. 12
1.2 Scolarité des conseillères et des conseillers en emploi
au Québec ……………………………………………………... 16
2.1 Influences théoriques du Québec ……………………………… 25
2.2 Articulation conceptuelle de l’AM ……………………………. 29
2.3 Interventions adaptées à chacun des types de personnalité …… 42
4.1 Répartition du niveau de scolarité des conseillères
interrogées …………………………………………………….. 51
4.2 Étapes de réalisation d’une analyse thématique en
continu ………………………………………………………… 55
5.1 Résultats quantitatif pré formation ……………………………. 61
5.2 Résultats quantitatif post formation …………………………… 75
5.3 Moyennes comparées …………………………………………. 91
5.4 Écarts-types comparés ………………………………………… 92
vi
7. LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES
AM Approche Masterson
CLE Centre local d’emploi
CNP Classification nationale des professions
DSM Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders
FECQ Fédération étudiante collégiale du Québec
INRS Institut national de recherche scientifique
MESS Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale
OCCOQ Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec
OCDE Organisation de coopération et de développement économique
OMS Organisation mondiale de la santé
RHDCC Ressources humaines et développement des compétences du Canada
vii
8. RÉSUMÉ
Depuis plusieurs années, le Québec vit, comme plusieurs autres sociétés
occidentales, des changements importants au niveau social, économique,
politique et technologique. Ces transformations semblent avoir des
répercussions sur les types de clientèles demandant de l’aide dans les services
d’aide en développement de carrière, mais plus encore, sur la complexité des
problématiques de ces clientèles. Entre autres, le nombre croissant de personnes
se présentant avec des problèmes de santé mentale, la clientèle immigrante ou
la clientèle judiciarisée. Au même moment, des transformations majeures se
dessinent au Québec avec l’adoption du projet de loi 21, prévoyant des
modifications au Code des professions dans le domaine de la santé mentale et
des relations humaines. Ce rapport d’activité dirigée vise à décrire les impacts
d’un atelier de formation continue misant sur le fonctionnement psychologique
des individus, en contexte de développement de l’employabilité. Il présente une
méthodologie mixte simultanée imbriquée, portant sur un corpus de données
issu de questions à court développement et traitant de difficultés d’adaptation
particulières chez les clients. Les propos de conseillères avant (N=22) une
formation sur l’Approche Masterson en contexte de counseling d’emploi et
après (N=17) cette même formation y sont analysés à partir d’une procédure de
thématisation en continu du matériel. L’analyse des résultats a pour objectifs de
décrire les différences perçues par les conseillères et les conseillers en emploi
quant à leur perception de compétence à intervenir sur des modalités du
fonctionnement psychologique chez leurs clients à la suite d’une formation
centrée sur l’Approche Masterson en counseling d’emploi.
Les résultats suggèrent une augmentation de la perception de compétence des
conseillères à pouvoir intervenir sur les cinq difficultés d’adaptation évaluées.
Ils semblent aussi laisser croire à une augmentation des capacités des
conseillères quant à leur auto-analyse, leur capacité à analyser leurs clients,
ainsi que de leur capacité à analyser les différentes dynamiques à l’intérieur de
la relation client/conseiller. Finalement, les résultats semblent indiquer une plus
grande facilité chez les conseillères à exprimer leurs besoins, en lien avec
l’intervention.
viii
9. 1. INTRODUCTION
Les pratiques d’aide en développement de l’employabilité sont marquées depuis
quelques années par une complexification importante des problématiques
touchant les bénéficiaires de services (Emploi Québec, 2009). Le
développement de l’employabilité consiste ici à évaluer la situation de la
personne selon différentes dimensions, dont ses ressources et ses lacunes, à
mobiliser son potentiel humain, ainsi qu’à intervenir sur certaines
caractéristiques du fonctionnement personnel et social. Les conseillères et les
conseillers en emploi œuvrant dans ce domaine possèdent généralement une
formation de 1er cycle universitaire en développement de carrière ou dans une
discipline connexe. Leur formation initiale leur permet d’acquérir des
compétences théoriques et pratiques au plan du counseling de carrière, de la
psychométrie, du traitement de l’information et en psychologie de la
personnalité. Néanmoins, leurs compétences demeurent lacunaires au plan de
l’intervention clinique auprès de personnes présentant des troubles de santé
mentale et d’adaptation psychosociale. De plus, ils exercent dans les mêmes
milieux et s’adressent aux mêmes clientèles que leurs consœurs et confrères
œuvrant en orientation professionnelle, qui eux possède une formation de
niveau maîtrise. Cela emmène à se questionner sur la façon dont les conseillères
et les conseillers en emploi pourraient accroître leurs compétences au niveau de
l’intervention avec des clientèles de plus en plus complexes, entre autres dans la
compréhension de la dimension du fonctionnement psychologique des
individus.
Ce rapport d’activités comporte six chapitres qui s’articulent comme suit.
Le premier chapitre présente d’abord la problématique. Celle-ci sert à
documenter la situation dans le domaine de l’employabilité au Québec quant
aux problématiques qu’on y retrouve, les acteurs qui y œuvrent, le milieu dans
1
10. lequel ils évoluent et la portée de leurs actions professionnelles. Le deuxième
chapitre concerne la cadre conceptuelle. Celui-ci traite des différentes
approches utilisées dans le domaine du développement de l’employabilité et en
intervention dans les relations humaines en général. Ce chapitre sert aussi à
expliquer et décortiquer l’Approche Masterson, utilisée comme intervention au
sein du protocole de recherche. Le troisième chapitre expose l’objectif de
recherche principal et ses deux sous-objectifs.
Le quatrième objectif aborde quant à lui la méthodologie utilisée pour la
cueillette et l’analyse des données. Le cinquième et avant-dernier objectif
concerne la présentation et l’interprétation des résultats. Les résultats avant et
après formation seront tout d’abord présentés. Ceux-ci seront ensuite interprétés
afin de faire ressortir les différences perçues dans les propos des conseillères
avant et après la formation. Le sixième et dernier objectif porte sur une
discussion des résultats analysés. Les résultats sont mis en relation avec les
divers aspects de la problématique, le cadre conceptuel et la question de
recherche.
2
11. 1. PROBLÉMATIQUE
Au Québec, la majorité des services d’aide en développement de
l’employabilité offerts à la population sont rendus par des professionnelles et
professionnels formés au premier cycle universitaire en développement de
carrière ou dans un domaine connexe lié aux sciences sociales, sciences
humaines et sciences de l’éducation. Au gré des transformations sociales,
économiques, politiques, technologiques et autres ayant marqués les sociétés
occidentales au cours des dernières décennies, les types de clientèles sollicitant,
à un moment ou l’autre de leur vie, des services d’aide en développement de
carrière ont non seulement augmenté, mais se sont aussi diversifié
(Organisation de coopération et de développement économiques, 2004). Ainsi,
les conseillers œuvrant en développement de carrière aujourd’hui au Québec
doivent mener des interventions tenant compte aussi bien des enjeux
psychosociaux, culturels et économiques de populations immigrantes, d’ex-
contrevenants, de femmes monoparentales, de personnes sans emploi et
bénéficiant de la sécurité du revenu de l’État, de personnes présentant un
handicap sur le plan physique ou psychologique, que de travailleurs aux prises
avec des pressions et des tensions liées à leur environnement de travail.
1.1 Problématiques émergentes en développement de
l’employabilité
La section qui suit, présente, à travers différentes clientèles, les problématiques
en émergences avec lesquels les intervenants travaillant dans les services d’aide
au développement de l’employabilité du Québec doivent composer.
La population des personnes immigrantes est l’une de ces clientèles émergentes
depuis quelques années. Ces personnes nées à l’extérieur du Canada, mais
également celles de citoyens associés à un statut de minorités visibles,
présentent de plus faibles revenus, un taux de chômage plus élevé, malgré une
3
12. scolarité souvent supérieure à la moyenne de la population québécoise
(Emploi-Québec, 2007). Les enjeux de surqualification, d’absence de
scolarisation québécoise, d’adaptation sociale, sans compter celles plus
particulièrement liées aux craintes de préjugés et de stigmatisation ne sont que
quelques-uns des enjeux qui pèsent sur l’expérience d’insertion
socioprofessionnelle des immigrants (Bégin, 2009).
Un autre type de clientèle en émergence est celle des personnes ayant un
dossier criminel. Celle-ci rencontre autant des difficultés d’insertion que de
réinsertion sociale et professionnelle. Elle représente actuellement près de 10%
de la population québécoise et ce chiffre ne cesse d’augmenter depuis 1996
(Bernheim, 2010). Cette personnes, comme plusieurs autres, voient leur
situation s’accompagner d’enjeux psychosociaux importants dont une faible
estime de soi, un manque de motivation, des difficultés liées à la consommation
de drogues, d’alcool et de médicaments, des difficultés financières, ainsi que
des problèmes de santé physique et mentale. Tous ces enjeux, concomitants les
uns avec les autres, ne sont pas sans avoir d’incidences négatives sur le
développement et le maintien de leur employabilité.
De leur côté, les femmes monoparentales représentent elles aussi un type de
bénéficiaire présentant des problématiques complexes. Celles-ci font entre
autres face à des contraintes d’organisation du temps en raison de leurs
responsabilités familiales, elles se retrouvent souvent dans des emplois
atypiques, caractérisés par la précarité, le travail moins bien rémunéré et sans
sécurité d’emploi (Cournoyer, 2009). Une recension de recherches menées par
Bujold et Gingras (2000) sur le développement de carrière des femmes
démontre la panoplie d’enjeux auxquelles les femmes de manière générale,
ainsi que les femmes en situation de monoparentalité en particulier, doivent
faire face : développement d’une identité personnelle, sociale, professionnelle
et maternelle en simultanée ; gestion de carrière et des barrières à l’emploi ;
choix de vie et conciliation travail-famille, etc.
4
13. Les clientèles mentionnées jusqu’à présent, ainsi que plusieurs autres
s’entremêlent également au sein de celles des prestataires de l’aide sociale. Pour
les conseillers en emploi qui accompagnent ces personnes en vue d’un
développement de leur employabilité, celle-ci représente un défi passablement
important. Ainsi, malgré que la clientèle adulte sans contrainte d’emploi, selon
les normes du Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MESS), ait
diminué de 44,2 % entre 1998 et 2008, les dernières années ont vu apparaître
une modification du profil de cette clientèle. En fait, le nombre d’adultes sans
contrainte d’emploi faisant toujours appel au service d’aide sociale et
bénéficiant de ce service depuis plus de 120 mois semblent avoir augmenté
(Emploi-Québec, 2008). De sorte que cette clientèle apparaît désormais comme
étant de plus en plus éloignées du marché du travail. Les prestataires d’aide
sociale présentent entre autres des problématiques de faible niveau de scolarité,
des difficultés à intégrer un emploi stable et à s’y maintenir, ainsi que des
difficultés comportementales et relationnelles lorsqu’en emploi (Cournoyer,
2009).
Pour les personnes en marge du marché du travail, tout comme pour celles qui
sont intégrées depuis plusieurs années, certains phénomènes prennent de plus
en plus d’ampleur. C’est le cas du phénomène de vieillissement de la
population. Au cours des dernières années, il est possible d’en voir les
premières répercussions sociales, dont sur le plan de problématiques avec
lesquelles les conseillers en développement de l’employabilité doivent, et
devront de plus en plus, composer. Bussière et coll. (2009) mentionnent, dans
une étude de l’Institut national de recherche scientifique (INRS) —
Urbanisation, Culture et Société, qu’à moins de changements démographiques
majeurs, le Québec sera l’une des sociétés les plus vieilles en occident d’ici
2041. Face à cette problématique du vieillissement de la population, une étude
de Ressources humaines et développement des compétences du Canada
(RHDCC, 2008), mentionne les obstacles à l’emploi auxquels cette clientèle en
émergence au Québec et au Canada doit faire face. Ils mentionnent entre autres
que certains employeurs risquent de nourrir des stéréotypes négatifs au sujet des
5
14. travailleurs âgés et de s’accrocher aux mythes au sujet de leur capacité ou de
leur rendement. D’autres risquent de sous-évaluer la productivité des
travailleurs âgés, d’appliquer des pratiques surannées en matière de ressources
humaines ou simplement de ne pas être conscients des compétences, des
capacités et de la valeur que les travailleurs âgés apportent à leur organisation.
Il est aussi question d’un manque de connaissance en matière de stratégies de
recherche d’emploi, d’aspirations salariales élevées, de préjugés de la part des
employeurs, d’une scolarité insuffisante, de compétences en micro-
informatiques insuffisantes et d’une faible mobilité de la main-d’œuvre.
Les personnes présentant un handicap figurent aussi parmi les clientèles à la
fois plus nombreuses et plus à risque sur le plan de la précarité de l’emploi. Les
difficultés d’intégration au travail des personnes handicapées vont bien au-delà
de leur qualification, car ces personnes font face à des limitations aussi bien
intellectuelles, psychiques, que physiques (Emploi-Québec, 2009). Les défis
d’intégration à l’emploi de ces personnes toucheraient par exemple, des
problématiques telles que le manque de confiance en soi, le manque d’estime de
soi, l’isolement, des difficultés à s’adapter aux changements ou des attentes
irréalistes face au marché du travail (Emploi-Québec, 2004). Ce qui engendre
des difficultés supplémentaires à prendre en compte dans le développement de
l’employabilité de ces clientèles.
Au fur et à mesure que se confrontent les lourdeurs des problématiques propres
à chacune des clientèles mentionnées ci-dessus à un environnement de travail
de plus en plus exigeant, où la sécurité d’emploi est moindre, la qualité des
conditions d’accès et de développement au travail réservé à une élite, la
marginalisation, la mise à l’écart du besoin fondamental de travailler ou de
produire quelque chose de sa vie peut entraîner des conséquences importantes
sur la santé psychologique. Cournoyer (2010) indique que la clientèle
présentant des troubles de santé mentale est en augmentation dans les
organismes en employabilité. Il mentionne par exemple des problématiques de
dépression, de troubles bipolaires et de troubles de personnalité limite, comme
6
15. faisant partie des problématiques auxquelles les spécialistes du domaine de
l’employabilité doivent de plus en plus faire face. Il peut être ajouté à cela, des
problèmes de consommation de drogue, de lourde médication ou de la
dépendance au jeu. Norcross et coll. (2002), mentionnaient déjà il y près de dix
ans les grands besoins en soins pour la santé mentale et l'augmentation de la
mise à contribution des professionnels en counseling de niveau maîtrise dans le
traitement de ces problèmes. Toujours il y a dix ans, l'Organisation mondiale de
la santé (OMS, 2001) mentionnait que les besoins pour des soins de santé en
lien avec la santé mentale étaient en augmentation et représentait 12% de toutes
les maladies répertoriées. Il est à noter qu’au Québec, 59 % des diagnostics
médicaux des prestataires du programme de solidarité sociale répertoriés en
2008 touchent la santé mentale, ainsi que les difficultés intellectuelles et
d’apprentissage (Emploi Québec, 2009). Plus récemment, une recherche menée
par la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ, 2011), mentionne la
fulgurante augmentation des cas de troubles d'apprentissage, de déficits de
l'attention ou de problèmes de santé mentale et mentionne que ces
problématiques ont bondi de 1150 % de 2005 à 2009.
Au niveau de la prévalence des troubles de la personnalité dans la population
générale, peu de données canadiennes semblent disponibles. Toutefois,
plusieurs études américaines récentes démontrent qu’environ 10 % de la
population générale souffrirait d’un trouble de la personnalité (Torgersen, 2001;
Reich, Yates et Nduaguba, 2005; Lenzenweger, 2009). Une étude de Landry et
coll. (1996) mentionne aussi une prévalence élevée de troubles de la
personnalité chez les personnes aux prises avec un problème de toxicomanie.
Les troubles de la personnalité seraient même une des plus importantes causes
d’inadaptation psychosociale des individus à long terme (Bessette, 2010). En se
basant sur ces statistiques, on peut facilement croire que parmi les individus se
présentant dans les services d’aide à l’emploi du Québec, un certain
pourcentage d’entre eux a un trouble de la personnalité ou de santé mentale
autre.
7
16. Parallèlement, des études récentes rapportent l’impact de la dégradation des
conditions de travail, de la qualité de vie et de la santé mentale chez les
travailleurs et les personnes sans emploi. Tel que le souligne Soarès (2002), la
prévalence élevée de la détresse psychologique, de symptômes dépressifs et de
troubles de stress post-traumatique est plus élevée chez de nombreuses
personnes en emploi ou qui perdent leur emploi. Une étude moins récente
menée par Karasek, Gardell et Lindell (1987) mentionnait déjà dans les années
80 des liens entre la surcharge de travail et la détresse psychologique des
travailleurs. L’association internationale de la sécurité sociale (2010),
mentionne dans une étude concernant l’impact des crises économiques sur la
santé mentale des travailleurs que dans l’optique où les difficultés existant sur
le marché de l’emploi et le niveau élevé du chômage se prolongent, l’on peut
s’attendre à ce que l’anxiété générée par la précarité des revenus et des emplois
persiste. L’étude souligne entre autres que les problèmes de santé mentale
risquent par conséquent de devenir de plus en plus préoccupants pour les
gouvernements et les travailleurs et que la dernière crise économique a
probablement eu des répercussions sur la santé mentale des travailleurs dans
tous les pays. De plus, on y mentionne que les bénéficiaires d’indemnités en
lien avec des limitations dû à la santé mentale sont les personnes qui
rencontrent le plus de difficultés à retrouver un emploi à plein temps. Bemak et
Hanna (1998), dans un article paru dans l’International Journal for the
Advancement of Counselling, mentionne que le 21e siècle amènera de nouveaux
problèmes de société qui auront un impact majeur sur la santé mentale des
populations. Les auteurs disent entre autres que les conseillers en relation
d’aide prendront de plus en plus de place dans toutes les sphères la société
quant à la prévention et l’intervention sur les problématiques de santé mentale.
Ils suggèrent donc que les formations des conseillers prennent en compte ces
faits et ajustent leurs formations afin de répondre plus efficacement à cette
réalité. Au sujet de la place occupée par les conseillères et les conseillers en
emploi sur le marché du travail, Services Canada (2010) mentionne que vu les
besoins grandissants des adultes en chômage ou en processus de réorientation
en matière de counseling d'emploi et d'orientation professionnelle, le nombre de
8
17. conseillers en emploi devrait augmenter de façon notable au cours des
prochaines années.
Partout au Canada les associations professionnelles de conseillers en relations
humaines se regroupent pour développer un cadre plus rigoureux au plan de la
déontologie et des normes de pratique (Association canadienne de counseling et
de psychothérapie, 2009). Tel qu’on le mentionne dans le comité responsable
des travaux menés dans le cadre du mandat de modernisation de la pratique
professionnelle en santé mentale et en relations humaines (Comité d’experts,
2005):
Jamais sans doute n’aura-t-on accordé, autant qu’à notre
époque, une telle attention à la santé, que ce soit sous l’angle
de la santé des individus, des politiques de santé publique, des
services à la population, du financement qui s’y rattache, des
avancées technologiques et scientifiques, des perspectives
d’avenir… Derrière cela, se profilent très nettement
l’évolution des sociétés, le vieillissement des populations, de
nouvelles conceptions au plan des droits, l’essor des
découvertes, la mondialisation, et bien d’autres phénomènes,
tant en contexte québécois, que canadien ou étranger. (p.3)
Cet état des faits sur la complexification du marché du travail et des types de
problématiques vécu par les clientèles, combinées à un intérêt de plus en plus
évident à travers le Canada pour développer un cadre plus rigoureux au plan de
la déontologie et des normes de pratique, envoie un message clair sur
l’importance de la compréhension du fonctionnement psychologique des
individus par les conseillères et conseillers en relation d’aide, et ce, peu importe
leur secteur d’activité. De tels constats peuvent soulever des questionnements
au niveau de l’employabilité quant à la compétence des conseillères et des
conseillers en emploi à intervenir avec des clientèles de plus en plus complexes
et par le fait même, sur leur compétence à intervenir sur les multiples
9
18. dimensions qui composent les individus. Entre autres, les ressources
personnelles (connaissance de soi, aptitudes, capacités, acquis formels et
informels, sexe, âge, etc.), les conditions du milieu (famille, groupe de pairs,
contexte socioculturel, conditions économiques, etc.) et sur la dimension du
fonctionnement psychologique (intérêts, valeurs, croyances, personnalité,
stratégies d’adaptation, motivation, lieu de contrôle, affirmation de soi,
autonomie, etc.) (Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec
(OCCOQ), 2010). Rivière (2008) a abordé la question du sentiment de
compétence des intervenants en décrivant le sentiment d’impuissance qui peut
être ressentie en relation d’aide. L’auteur mentionne que les clients, par leurs
attentes irréalistes quant aux résultats de la thérapie, par leurs demandes
contradictoires, par leurs comportements mésadaptés face au cadre et aux règles
du processus, fait en sorte que les intervenants en arrivent à ressentir un
sentiment d’impuissance dans leur capacité à aider leurs clients. Cela vient en
quelque sorte renforcer l’idée pour les conseillers et conseillères en emploi
d’avoir des compétences au niveau de la compréhension des dimensions
composants les individus, dont celle du fonctionnement psychologique.
Bien qu'il soit difficile de convenir d'une définition générale du fonctionnement
psychologique sans faire référence à une théorie, une approche ou un modèle
conceptuel spécifique, l'OCCOQ (2010) dans son guide d'évaluation en
orientation donne la définition suivante :
En référence au champ d'exercices, le fonctionnement
psychologique implique la prise en compte des
caractéristiques de la personne (ex. : intérêts, valeurs,
aptitudes, traits de personnalité), de l'organisation dynamique
de son expérience (ex. : croyances, pensées, émotions,
comportements), ainsi que de leurs effets sur sa vie
quotidienne (ex. : modalités d'autorégulation et
d'autoprotection, qualité de l'estime et de la confiance en soi,
stratégies adaptatives). Le fonctionnement psychologique est
10
19. influencé par des facteurs d'ordre biologique, psychologique
et social. L'évaluation du fonctionnement psychologique
implique également de prendre en compte la présence de
troubles mentaux ou neuropsychologiques, d'un retard mental,
de situation de handicap, de difficultés d'adaptation en
contexte scolaire ou professionnel, ou d'autres troubles
décelés par des référentiels reconnus en santé mentale.1(p.6-7)
Il y a alors lieu de se demander si les conseillères et conseillers en emploi sont
suffisamment formés pour intervenir efficacement à l’intérieur de cette
dimension de l’individu qu’est le fonctionnement psychologique. C’est ce que
nous tenterons de répondre un peu plus loin.
1.2 Rôle et tâches de conseillères et de conseillers en emploi
Dans le domaine de l’employabilité au Québec, ce sont les conseillères et les
conseillers en emploi qui principalement s’occupent du développement de
l’employabilité. Le Ministère des Ressources Humaines et Développement des
Compétences du Canada (RHDCC) via le site Internet 2 de la classification
nationale des professions (CNP, 2010), définit le métier de conseiller en emploi
de la façon suivante :
Les conseillers en emploi prodiguent des conseils et du
counseling, et donnent des renseignements aux clients qui
travaillent sur tous les aspects de la recherche d'emploi et du
choix de carrière. Ils conseillent également les employeurs sur
1
Dans le cadre de cette recherche, lorsqu’il sera question du fonctionnement psychologique,
c’est à cette définition que le lecteur est invité à se référer.
2
http://www5.rhdcc.gc.ca/CNP/Francais/CNP/2006/Bienvenue.aspx
11
20. les problèmes liés aux ressources humaines et à l'emploi. Les
conseillers en emploi travaillent principalement pour les
gouvernements fédéraux et provinciaux, mais travaillent
également dans de grands établissements et des services de
placement privés. Les superviseurs des conseillers en emploi
sont compris dans ce groupe de base.
Pour ce qui est des tâches des conseillères et conseillers en emploi, ceux-ci font
principalement les tâches suivantes :
Tableau 1.1
Tâches relatives au travail de conseillères et de conseillers en emploi
faire une entrevue d’accueil et rencontrer les clients pour obtenir des
renseignements sur leurs antécédents professionnels et scolaires, ainsi
que leurs objectifs professionnels, en utilisant le counseling individuel.
identifier les obstacles à l'emploi et aider les clients dans des domaines
comme les aptitudes à l'emploi, les stratégies de recherche d'emploi, la
rédaction du curriculum vitae et la préparation avant une entrevue;
conception, planification et animation d'ateliers de groupe ayant pour
but la recherche d'emploi (bilan de carrière, méthodes et techniques de
recherche d'emploi: curriculum vitae, lettre de présentation, entrevue
d'emploi, contacts téléphoniques, etc.).
élaborer des plans d'action, faire l’encadrement et le suivi des
participants lors des stages d'exploration au marché du travail
donner des conseils aux employeurs sur les ressources humaines et
autres sujets liés à l'emploi;
administrer et interpréter des tests afin de cerner les intérêts, les
aptitudes et les habiletés d'un client;
déterminer les besoins tels que la réadaptation, l'aide financière ou la
formation professionnelle complémentaire et diriger les clients vers les
services appropriés;
fournir aux travailleurs en emploi de l'information sur le maintien en
12
21. emploi ou les mutations au sein d'un organisme, la façon de faire face à
l'insatisfaction professionnelle ou les changements d'orientation en
cours de carrière;
recueillir des renseignements sur le marché du travail et informer le
client des possibilités d'emploi, des conditions d'accès à la profession,
des compétences requises et autres renseignements sur les professions;
fournir des services de consultation aux groupes et organismes
communautaires, aux entreprises et à l'industrie ainsi qu'à d'autres
organisations qui s'occupent de fournir des ressources dans la
collectivité au niveau de la planification de carrières.
Possibilité de travailler auprès d'une clientèle présentant divers
handicaps physiques ou intellectuels
Référer vers diverses ressources selon les besoins.
Sources : Site internet de la CNP (2006) ; Relance des diplômées et des diplômées de l’université de
Sherbrooke (2010)
Le développement de l’employabilité consiste à évaluer la situation de la
personne selon différentes dimensions, dont les ressources et les lacunes, à
mobiliser son potentiel humain, ainsi qu’à intervenir sur certaines
caractéristiques du fonctionnement personnel et social. Si la répartition
géographique des problématiques sociales, psychologiques, culturelles,
économiques et autres propres aux clientèles de conseillers en développement
de carrière s’étend sans aucun doute à l’ensemble des régions du Québec, force
est de constater que c’est dans la région de Montréal qu’il est possible d’y
retrouver la plus forte concentration et le plus grand nombre de personnes aux
prises avec une ou plusieurs de celles-ci.
1.3 Spécificité montréalaise en développement de l’employabilité
Dans la région de Montréal, la population présente certaines particularités
faisant en sorte que cette région du Québec présente des défis pour les
13
22. intervenants en employabilité qui sont différents du reste de la province. Tout
d’abord, la part des personnes titulaires d’un diplôme universitaire (certificat,
baccalauréat et diplômes d’études supérieures) correspond à près du tiers
(31,8 %) de la population montréalaise, ce qui est bien au-dessus de la moyenne
québécoise (21,4 %) (Emploi-Québec, 2010). Il apparaît toutefois que ce
pourcentage de personnes possédant un diplôme universitaire sur l’île de
Montréal varie beaucoup d’un secteur à l’autre de l’île. En effet, ce pourcentage
passe de 14 % pour le territoire du centre local d’emploi (CLE) de Pointe-aux-
Trembles, à 48,3 % pour le territoire du Plateau-Mont-Royal. Aussi, près du
tiers des personnes de 15 ans et plus ne possèderaient aucun diplôme dans les
secteurs de Montréal-Nord et de Saint-Michel (Emploi-Québec, 2009). Des
disparités apparaissent donc avec le reste du Québec, mais aussi à travers les
différents secteurs de l’île de Montréal. Selon cette même étude, la présence des
personnes nées hors Canada et des personnes issues des minorités visibles serait
très marquée sur l’île de Montréal puisque ces deux groupes rassemblent
respectivement 602 060 et 455 700 des personnes de l’île. À l’échelle du
Québec, 66,1 % des personnes nées hors Canada et 69,7 % des personnes issues
des minorités visibles résideraient sur le territoire de l’île de Montréal. Aussi,
en comparaison avec le reste de la province de Québec, l’île de Montréal
comporterait une plus grande part de jeunes adultes de 20 à 39 ans, tant chez les
hommes que les femmes. Sur l’aspect salarial, les personnes vivant sur l’île de
Montréal auraient un salaire annuel inférieur au reste du Québec. Pour la
population des 25 à 44 ans cela représenterait un salaire d’environ 12 % de
moins. La situation serait davantage préoccupante pour les personnes nées à
l’extérieur du Canada et vivant sur l’île de Montréal, puisque leur revenu
médian serait inférieur à ceux des personnes nées au Québec et vivant eux aussi
sur l’île de Montréal (respectivement 18 183 $ et 25 561 $).
1.4. Portée des interventions des conseillères et des conseillers en
emploi
Le répertoire en ligne « Itinéraire pour l’emploi » fournit une liste de sites
14
23. Internet d’organismes du grand Montréal offrant des services en développement
de l’employabilité. L’analyse exhaustive des informations contenues sur les
sites Internet d’une quarantaine de ces organismes indique une prépondérance
de services offerts plus particulièrement aux jeunes adultes et aux adultes visant
à insérer ou réinsérer, à s’adapter, sinon à se maintenir sur le marché du travail.
L’analyse a également permis de mettre en lumière la variété des
problématiques – parfois imbriquées les unes aux autres - qui accompagnent ces
services, que ce soit les enjeux d’immigration, de toxicomanie, de
judiciarisation, de santé mentale et d’adaptation psychosociale (Appendice A).
Les conseillères et les conseillers en emploi possèdent généralement une
formation de 1er cycle universitaire en développement de carrière ou dans une
discipline connexe. Au Québec, trois universités offrent le programme de
formation spécialisée en orientation et en développement de carrière : Laval,
Université du Québec à Montréal et Sherbrooke. Toutefois, la Classification
nationale des professions (CNP, 2010) apporte les précisions suivantes
concernant la formation des conseillers et conseillères en emploi actuellement
sur le marché de travail :
Un baccalauréat ou un diplôme d'études collégiales dans un
domaine connexe tel que la psychologie, les services sociaux
ou l'éducation est habituellement exigé. Un diplôme d'études
secondaires, ainsi que plusieurs années d'expérience dans les
services liés au counseling ou dans une profession d'aide
peuvent suppléer aux études officielles.
Ainsi, la formation des conseillères et conseillers en emploi s’avère plus ou
moins définie et rien ne semble garantir que toutes et tous présentent les
qualifications initiales couramment associées aux tenants d’un baccalauréat en
orientation ou en développement de carrière. Cette réalité est d’autant plus
préoccupante que 40 % des conseillères et conseillers en emploi ne
15
24. possèderaient pas de formation universitaire et que près de 10% auraient un
diplôme d’études secondaires 5 ou moins (Site internet de Services Canada,
2010). Le tableau qui suit présente la répartition de l’emploi selon le plus haut
niveau de scolarité atteint par les conseillers et conseillères en emploi au
Québec :
Tableau 1.2
Scolarité des conseillères et des conseillers en emploi au Québec
Moins d’un diplôme d’études secondaire 1,4 %
Diplôme d’études secondaires complété (DES) 9,0 %
Diplôme postsecondaire non universitaire 29,6 %
Diplôme universitaire de baccalauréat et plus 60,0 %
Source : Service Canada (2010)
Les cursus de formation de premier cycle universitaire spécialisés en orientation
et en développement de carrière permettent aux étudiantes et aux étudiants
d’acquérir les compétences théoriques et pratiques sur le plan du counseling de
carrière, de la psychométrie, du traitement de l’information, de la psychologie
de la personnalité et de l’information scolaire et professionnelle. Néanmoins,
comme il est possible de le constater en analysant les cursus de formation de
chacune des universités (Appendice B), les compétences acquises suite à la
formation demeurent lacunaires au plan de l’intervention clinique auprès de
personnes présentant des troubles de santé mentale et d’adaptation
psychosociale. La formation de baccalauréat leur fournit beaucoup de notions
théoriques et pratiques comme des stages, mais la dimension du fonctionnement
psychologique y semble très peu approfondie.
Les conseillères et conseillers en emploi ne sont pas seuls à intervenir dans le
domaine de l’employabilité. Les conseillères et conseillers d’orientation
œuvrent aussi dans ce domaine. Le comité responsable des travaux menés dans
16
25. le cadre du mandat de modernisation de la pratique professionnelle en santé
mentale et en relations humaines (Comité d'experts sur la modernisation de la
pratique professionnelle en santé mentale et en relations humaines, 2005)
propose la définition suivante quant au rôle des conseillères et des conseillers
d’orientation :
L’exercice de l’orientation consiste à évaluer le
fonctionnement psychologique, les ressources personnelles et
les conditions du milieu, à intervenir sur l’identité, à
développer et à maintenir des stratégies actives d’adaptation
dans le but de faire des choix personnels et professionnels tout
au long de la vie, de rétablir l’autonomie socioprofessionnelle
et de réaliser des projets de carrière chez l’être humain en
interaction avec son environnement. L’information, la
promotion de la santé, la prévention du suicide, de la maladie,
des accidents et des problèmes sociaux font également partie
de l’exercice de la profession auprès des individus, des
familles et des collectivités.
Ce même comité d’experts (2005) mentionne aussi que lorsqu’on prend en
considération le rôle du travail dans la préservation de la santé mentale et
l’impact des problèmes liés au travail dans l’équilibre de la personne, le
conseiller d’orientation pourra être mis à contribution dans le cadre de la
réalisation du Plan d’action en santé mentale du ministère de la Santé et des
Services sociaux du Québec. Cournoyer (2009), mentionne quant à lui :
Par leur travail d’évaluation, d’interventions et de suivi du
développement de l’employabilité de leur clientèle, les
conseillers d’orientation sont en mesure, entre autres, de
participer à la reconnaissance de compétences génériques et
techniques, de préparer les personnes aux réalités qui les
attendent sur le marché du travail, à porter des actions
17
26. préventives en matière de décrochage scolaire et enfin, à
donner un sens à la vie personnelle et professionnelle de
personnes plus ou moins éloignées du marché du travail.
(p.29)
L’analyse des formations de niveau maîtrise (deuxième cycle universitaire) des
conseillères et conseillers d’orientation permet de remarquer que les notions
enseignées sont plus approfondies quant au fonctionnement psychologique de la
personne (Appendice C). La formation semble mieux outiller ces dernières et
ces dernières à intervenir auprès de clientèles présentant des problématiques
plus complexes. D’ailleurs, la profession de conseillères et conseillers
d’orientation (Comité d’experts, 2005) est aujourd’hui appelée légalement à
voir ses interventions dirigées sur la prise en compte des multiples dimensions
de l’individu et entre autres sur celle du fonctionnement psychologique. Par
exemple, les caractéristiques de la personne, l’organisation dynamique de son
expérience et les effets sur sa vie quotidienne. Ces professionnels doivent aussi
prendre en compte la présence de troubles mentaux ou neuropsychologiques,
d'un retard mental, de situation de handicap, de difficultés d'adaptation en
contexte scolaire ou professionnel, ou d'autres troubles décelés par des
référentiels reconnus en santé mentale (OCCOQ, 2010). Cela est d’autant plus
vrai depuis l’apparition du projet de loi 21, qui avait pour objectif de modifier
le Code des professions afin de prévoir une redéfinition des champs d’exercices
professionnels dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines
pour plusieurs métiers en relation d’aide, dont le métier de conseiller
d’orientation. Entre autres, ce projet de loi inclut des activités d’information, de
promotion et de prévention communes à l’exercice de certaines professions de
la santé, tel que la prévention du suicide. Il établit pour les conseillers
d’orientation une réserve d’exercice pour des activités à risque de préjudice
dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines et prévoit
l’encadrement de la pratique de la psychothérapie (gouvernement du Québec,
2009).
18
27. Ces différents aspects du métier de conseillère et de conseiller d’orientation
témoignent d’une meilleure préparation à l’exercice d’interventions portées sur
des problématiques psychosociales toujours plus présentes sur le marché du
travail. Néanmoins, il demeure que les conseillères et conseillers en emploi,
qu’elles et qu’ils le veuillent ou non, sont aussi confrontés quotidiennement à
ces problématiques difficiles et complexes. Ils n’auront toutefois pas
nécessairement le bagage pour intervenir et se sentiront peut-être dépassés au
niveau de l’intervention.
À ce propos, il existe au niveau de l’intervention en général, une multitude de
courants de pratique différents pouvant être utilisées par les conseillers et
conseillères en emploi dans le cadre de leur pratique. Parfois utilisées seules ou
en combinaison, les choix ne manquent pas. Suite à une étude sur l’identité
professionnelle des conseillers canadiens, Gazzola et coll. (2010) ont démontré
que l'orientation théorique la plus utilisée par les conseillers canadiens ayant
participé à l'étude, est l'approche humaniste centrée sur le client, tandis que les
approches psychodynamiques seraient le moins utilisées. 40% des répondants
affirmeraient utiliser au moins trois approches différentes dans leur pratique et
30 % en utiliseraient même six et plus.
Les approches et les modèles conceptuels et théoriques en counseling de
carrière sont aussi nombreux. Dans le champ plus étendu de la psychologie et
de la psychothérapie, d’où le counseling de carrière retire ses principales
influences théoriques, quatre grands courants d’intervention sont généralement
reconnus. La prochaine section vise à décrire et faciliter la compréhension de
ces courants, ainsi que d’examiner plus en détail la plus-value possible d’une
approche psychodynamique en émergence au sein des pratiques, soit
l’Approche Masterson.
19
28. 2. CADRE THÉORIQUE
Cette section propose tout d’abord une exploration conceptuelle des courants
psychologiques d’intervention d’approches humanistes, systémiques,
cognitives comportementales et psychodynamiques. Dans un deuxième temps,
une approche liée à ce dernier courant, soit l’Approche Masterson est présentée
de façon plus approfondie, de façon générale, puis plus spécifiquement en lien
avec l’exercice professionnel de conseillères et de conseillers en emploi.
2.1. Différentes conceptions du counseling de carrière
Cette sous-section propose un survol des quatre principaux courants
d’intervention en psychologie, psychothérapie et counseling. Il s’agit dans
l’ordre des approches humanistes, systémiques, cognitives comportementales
et psychodynamiques.
2.1.1. Approches humanistes
Les approches humanistes se regroupent généralement en trois écoles de
pensées ayant des bases communes, mais qui diffèrent sur certains points. Les
approches centrées sur la personne (Carl Rogers), l’approche gestaltiste (Fritz
Perls) et les approches existentialistes (Frank Yalom). Au niveau des bases
communes, chacune d’elles misent avant tout sur la valorisation de l’expérience
du sujet, tant consciente, qu’inconsciente. Elles accordent donc une grande
place à l’expérience subjective de la personne, en prétendant que chaque
personne est unique et que chaque client est l’expert de sa propre expérience.
Au niveau du processus, le conseiller mise davantage sur sa croyance dans les
capacités d’autodétermination et de liberté de choix du client plutôt que sur la
modification de comportements ou de cognitions qu’il pourrait interpréter
20
29. comme inadéquate. Aussi, la plupart des approches du courant humaniste
accordent une place de choix à l’instauration d’une relation de confiance
empreinte de compréhension et d’acceptation pouvant faciliter la
reconsidération des problèmes et des inquiétudes, ainsi qu’une mise en action
subséquente plus rationnelle (Lecomte et Drouin, 2007). Les approches
humanistes sont actuellement très utilisées en contexte du développement de
l’employabilité. Elles sont toutefois très générales et ne conviennent pas pour
tous les types de problématiques.
2.1.2. Approches systémiques
Ces approchent ont pour objet de comprendre l’individu en partant du fait que
celui-ci est en interaction constante et circulaire avec son ou ses systèmes de
vie. Dans cette approche, le thérapeute participe à la coconstruction de la réalité
du système, mais sans essayer de comprendre la place du symptôme dans ce
système et n’encouragera pas non plus l’expression des émotions. Il va plutôt
s’attarder à ce qui contribue à maintenir le problème ou le modifier
(Bellemarre, 2000). L’approche systémique est principalement utilisée dans la
thérapie familiale. Elle met de l’avant l’importance de l’influence des contextes
sociaux dans lequel évolue l’individu, le groupe ou la famille. Il peut aussi être
utile en contexte de thérapie individuelle. Cette approche utilise entre autres
comme instruments : le récit de vie, le génogramme ou la carte familiale et des
techniques d’intervention comme : la prescription de tâches, l’utilisation du
recadrage et du paradoxe, le questionnement circulaire et les injonctions
comportementales. Cette approche est toutefois plus difficile à appliquer en
contexte de relation d’aide individuelle. On la retrouve le plus souvent en
contexte de groupe ou en thérapie familiale.
21
30. 2.1.3. Approches cognitives comportementales
Parmi l’ensemble des écoles de pensées inscrites au sein de ces courants, trois
d’entre elles se sont distinguées lors du vingtième siècle, soit l’école
comportementale de Skinner, l’école cognitive d’Ellis et l’école émotionnelle
de Linehan et les thérapies cognitives comportementales (TCC) inspirés des
travaux de Beck. Toutes convergent vers un travail centré sur la modification
des comportements et des cognitions, sur le développement d’habiletés et sur la
résolution des problèmes de la vie des personnes. Cette approche utilise des
techniques d’intervention telles que l’analyse empirique, l’analyse logique et
l’expérimentation, afin de modifier des comportements ou des cognitions
(Young, Klosko et Weishaar, 2005). Ce type d’approche est de plus en plus
présent au Québec au sein des cursus de formation universitaire en
développement de carrière. Par contre, elle est souvent moins adaptée pour les
troubles de la personnalité, due à son cadre rigide, à la difficulté des personnes
à avoir accès à leurs cognitions et leurs émotions et du besoin de l’implication
des clients pour la thérapie. De plus, elle s’intéresse peu aux difficultés
rencontrées dans la relation, elle présuppose que le client sera capable d’établir
une relation avec le thérapeute ou le conseiller et finalement, elle exige des buts
précis des clients qui peuvent s’avérer difficiles dans le cas de clients ayant un
trouble de la personnalité ou de santé mentale autre.
2.1.4. Approches psychodynamiques
Les approches psychodynamiques peuvent se regrouper sous plusieurs points
communs tant au niveau de la théorie, que de la pratique. Au niveau théorique,
les approches psychodynamiques mettent toutes de l’avant l’importance des
premières expériences de vie dans le développement de la personnalité,
l’importance de l’instinct et des pulsions (plus ou moins inconscient) sur le
comportement, les affects et la pensée. Finalement, l’importance des
mécanismes de défense pour maîtriser l’influence des motivations inconscientes
22
31. (Bujold et Gingras, 2000). Comme elle s’intéresse à comprendre les
mécanismes de défense comme modalités d’autorégulation et d’autoprotection
des individus, elle peut donc aider à l’analyse du fonctionnement psychologique
des individus. Elle fournit aussi un cadre d’analyse permettant d’identifier
certains troubles de la personnalité et accorde beaucoup d’importance au
jugement du conseiller. Et finalement, l’intervenant, par la prise en compte de
ses contre-transferts, peut arriver à s’améliorer comme intervenant, et ainsi
diminuer l’impact de ses propres réactions émotionnelles dans la relation avec
l’autre.
2.2. L’Approche Masterson (AM)
Au sein du courant psychodynamique, une approche se révèle de plus en plus
présente en matière de formation initiale et continue chez les professionnelles et
les professionnels de la relation d’aide, soit l’Approche Masterson. L’auteur de
cette approche, le docteur James F. Masterson, a créé une approche qui, à
l’intérieur d’une psychologie du soi, intègre plusieurs théories différentes : la
théorie de l’attachement, la théorie développementale, la théorie des relations
d’objets précoces et les nouvelles avancées sur la neurobiologie du cerveau.
Inspiré des concepts fondamentaux de la théorie freudienne des pulsions :
transfert, compulsion de répétition, résistance, conflit psychique, existence de
l'inconscient et perlaboration, l'Approche Masterson est une approche
psychothérapeutique des troubles de personnalité qui oriente son accent
thérapeutique sur la période préoedipienne (avant l’âge de trois ans), plutôt que
sur le conflit oedipien lui-même (Orcutt, 1997). L’approche s’inscrit dans les
courants de la psychologie du Soi (Kohut 1971; 1977) et de l’école américaine
de la théorie des relations objectales (Mahler, 1968; Kernberg, 1967). Elle
intègre les recherches touchant la théorie de l’attachement (Bowlby, 1969;
Ainsworth et coll., 1978) et le développement psychologique de l’enfant
(Mahler, 1968). L’approche utilise aussi les nouvelles avancées dans le domaine
23
32. de la neurobiologie du développement affectif et social (Schore, 1994).
2.2.1. Origine et développement
L’AM découle tout d’abord d’études empiriques menées auprès d'adolescents
état limite internés dans un hôpital de New York (Masterson, 1967, 1972,
1980), ainsi que d’intervention auprès de centaines d'adolescents et d'adultes en
consultation et en traitement en pratique privée (Masterson, 1976; 1981). Ces
recherches cliniques, combinées aux travaux de Margaret Mahler (1968) sur le
développement de l’enfant dans la période préoedipienne emmenèrent
Masterson à penser que le trouble de la personnalité état limite était avant tout
un problème développemental. S’ajouta ensuite les théories des relations
d’objet, afin d’expliquer l’existence d’un lien possible entre l’indisponibilité de
la mère et l’arrêt du développement du soi et de la structure intrapsychique.
Durant les années 80, le docteur Masterson décida d’élargir la portée de son
approche en appliquant celle-ci à la compréhension des troubles de la
personnalité narcissique. Il s’intéressa aussi davantage à la théorie du Soi en
intégrant celle-ci à son approche et en ajoutant des concepts qu’il utilisait lui-
même dans ses thérapies : le vrai Soi ou Soi-Réel et le Soi défensif. De 1988 à
aujourd'hui, l’AM s’est enrichie de nouvelles notions importantes, entre autres
grâce au travail de Ralph Klein et Candace Orcutt qui ont intégré les travaux de
Guntrip et Fairbairn sur les troubles schizoïdes à la théorie de Masterson.
Ensuite, les récentes études sur la théorie de l’attachement qui sont venues
confirmer l’influence de la mère dans le développement du soi et les nouvelles
avancées en recherches neurobiologiques sur le cerveau, qui elles, sont venues
ouvrir la porte à la compréhension des connexions neurobiologiques qui sous-
tendent le développement du soi.
24
33. 2.2.2. Influences théoriques et articulation conceptuelle de l’AM
Masterson (2004), distingue quatre structures de personnalités pathologiques
(état limite, narcissique, schizoïde et antisocial) et propose pour chacune de ces
structures des stratégies de communication adaptées. Parmi les concepts clés
utilisés par Masterson, notons le développement de l’alliance thérapeutique,
l’analyse des résistances, des mécanismes de défense et des passages à l’acte
qui font obstacle à l’alliance thérapeutique, ainsi que le cycle de l’individu
appelé « Triade dynamique du trouble du soi ». Le tableau ci-dessous présente
les différentes inspirations théoriques de l’Approche Masterson :
Tableau 2.1
Influences théoriques de l’AM
Théorie de De l’enfance, puis de façon répétitive tout au long de
l’attachement de leur vie, les individus tendent à adapter leurs
Bowlby (1969) comportements personnels et interpersonnels en
fonction de la satisfaction de besoins instinctifs
d’attachement. Entre autres, l’histoire
développementale de la personne au plan de la
satisfaction ou de la non-satisfaction de ces besoins
affectifs pourra témoigner de l’adoption de
comportements fondée sur une dynamique de sécurité
ou d’insécurité personnelle ressentie selon les individus
dans leur vie adulte (Ainsworth et coll., 1978), de
même que leur capacité à autoréguler leurs actions
personnelles, et ce, dès le l’enfance (Siegel, 1999;
Fonagy, 2001). Sroufe et coll. (1999) sont venus
corroborer ces faits en démontrant la persistance du
style d’attachement de l’enfant dans l’âge adulte et
25
34. l’implication du style d’attachement du parent dans la
détermination de celui de l’enfant. Tout cela amenant le
développement d’un faux soi défensif chez l’enfant,
résultant de l’accommodation de celui-ci aux besoins
émotionnels de son parent et brimant du même coup
l’expression de son « soi réel », tel qu’utilisé par
Masterson (Orcutt, 1997, p. 74).
Théorie À travers le développement d’un enfant normal, il vient
développementale un moment où celui-ci doit développer une identité
(Mahler, 1968) (sens de soi), qui soit séparé de celle de sa mère. Cela
se produit à travers le stade de séparation/individuation
selon Mahler. Entre autres, la disponibilité ou
l’indisponibilité de la mère à répondre au besoin
affectif de l’enfant entre 5 et 30 mois aurait une
incidence majeure sur le développement d’un soi sain
chez celui-ci. L’arrêt du développement normal à la
phase de séparation-individuation, provoqué par une
réponse parentale insuffisante à soutenir le soi
émergent de l’enfant serait à l’origine des troubles de la
personnalité. Cet arrêt du développement viendrait
limiter les capacités d’autorégulation de l’enfant
(Masterson utilise les expressions activation autonomes
ou activation du soi réel). Conséquemment, les
personnes présentant une faible capacité
d’autorégulation se verraient donc porter à
l’adolescence et à l’âge adulte à utiliser des
mécanismes de défense primitifs tels que le clivage, le
déni, la projection et l’évitement, ainsi qu’à utiliser des
objets externes pour se réguler (Masterson, 1972).
Théorie des relations S’insérant dans le courant américain des relations
d’objet objectales (Mahler, Kernberg) et le courant britannique
26
35. (Fairbairn, Guntrip), Masterson (2004, p.24) définit la
notion de relation d’objet comme étant les
représentations internes qu’ont les individus d’eux-
mêmes et des autres. Ces représentations internes sont
reliées à des affects parfois négatif, parfois positif et
influence la relation que les individus entretiennent
avec eux-mêmes et avec les autres. Dans le cas des
personnes présentant un trouble de la personnalité,
celles-ci auraient seulement des relations d’objet
partielles. Conséquemment, elles ont une vision
extrême et irréaliste d’elles-mêmes et des autres qu’on
pourrait concevoir comme étant tout bon ou tout
mauvais et qui fait en sorte que leurs relations d’objet
ne sont pas entières.
Théorie du Soi Stern (1985) dans sa théorie développementale du soi,
stipule que l’enfant développe des « sens du soi » qui
évoluent à travers ses interactions sociales. Ces
interactions sociales sont elles-mêmes régulées et
organisées par le filtre subjectif du soi de l’enfant. La
transformation psychique des individus se fait donc à
travers les interactions sociales qu’ils ont et par leur
capacité à s’actualiser par celles-ci (Orkutt, 1997).
Neurobiologie de Le développement du soi serait grandement influencé
l’attachement par le style d’attachement du parent nourricier, selon
(Schore, 1994; qu’il soit sécure ou insécure. Conséquemment, un style
2003) d’attachement insécure chez le parent peut entraîner
une incapacité de se synchroniser avec les besoins
affectifs de l’enfant. L’incapacité à répondre aux
besoins affectifs de l’enfant qui ferait en sorte que les
connections neuronales nécessaires au développement
d’un soi sain ne se ferait pas, ce qui entrainerait le
27
36. développement d’un trouble de la personnalité ou
trouble du soi, tel que décrit par Masterson. De plus,
ces traumatismes d’attachement seraient incorporés
dans la mémoire autobiographique à long terme, ce qui
appuierait l’hypothèse des relations d’objet
pathologiques. Notons aussi l’hyperexcitation de la
branche sympathique du système nerveux autonome
décrite par Schore comme caractéristique des
pathologies préoedipiennes du Soi et qui correspondrait
à la dépression d’abandon décrite par Masterson
(Bessette, 2010).
Ce qu’il faut retenir, c’est que James Masterson s’est inspiré de plusieurs
théories provenant de divers horizons, afin de mettre des bases théoriques et
cliniques à son approche psychothérapeutique. Tout d’abord influencé par la
théorie de l’attachement, d’une théorie développementale et de la théorie des
relations objectales, l’AM a évolué et s’est ensuite enrichie des concepts d’une
théorie du soi pour expliqué la transformation psychique des individus à travers
leurs relations, mais aussi de notions plus modernes en neurobiologie, afin de
solidifier ce qu’elle avançait sur l’influence des relations d’attachement sur le
développement des enfants. Il apparaît donc que l’AM s’est construite au fur et
à mesure d’expériences cliniques, de recherches personnelles par Masterson,
mais aussi de collaboration avec d’autres chercheurs. Cette construction de
l’AM a aussi donné naissance à plusieurs concepts centraux dont il faut prendre
connaissance si on veut bien comprendre l’application pratique de cette
approche.
2.2.3. Enjeux et concepts clés de l’AM
Masterson utilise plusieurs termes, propres à son approche et qui méritent d’être
expliqués plus en détail. Dans le but de faciliter la compréhension du lecteur et
28
37. de faire l’inventaire des concepts importants devant se retrouver dans une
formation portant sur cette approche, le tableau ci-dessous rassemble et
explique les concepts clés de l’Approche Masterson.
Tableau 2.2
Articulation conceptuelle de l’AM
Triade dynamique Réfère au cycle où l’individu tente d’activer son « Soi
du trouble du soi réel » ou activation autonome, ce qui entraine chez lui
(de la personnalité) l’apparition d’affects négatifs appelés « Dépression
d’abandon ». Pour s’en protéger, l’individu doit alors
mobiliser des mécanismes de défense primitive. Ce cycle
permet entre autres à la conseillère ou au conseiller qui
l’utilise de former des hypothèses cliniques sur les clients
et sur eux-mêmes, dont la validité pourra ensuite être
vérifiée à travers les rencontres.
Activation Tel de décrit par Bessette (2007), l’activation autonome
autonome ou activation du Soi réel correspond à « toute situation
qui requiert la mobilisation et l’utilisation des capacités
d’adaptation et d’autorégulation de l’individu ».
L’activation des capacités de l’individu déclenche donc
l’émergence des d’affects négatifs que Masterson appelle
la «dépression d’abandon ».
Dépression Le terme dépression d’abandon est en fait le terme que
d’abandon Masterson utilise pour décrire les réactions émotionnelles
intolérables de l'enfant face à un désajustement d'avec sa
mère. Il fait référence au sentiment subjectif qu’éprouve
l’individu d’être abandonné ou à une menace ressentie
par l’individu concernant sa survie, ainsi que ce qui
compose cet état. Lorsque les besoins affectifs de l’enfant
ne trouvent pas de réponse appropriée, ou se butent à une
réponse hostile de la part des figures d’attachement,
29
38. l’enfant se trouve laissé à lui-même pour gérer des
situations qui le dépassent, et il est envahi à répétition par
les affects de dépression, de colère, de peur, de culpabilité
de passivité, d’impuissance, de solitude, de vide et de
nullité (Masterson, 1976 : 38; 2004; Bessette, 2007).
Mécanismes de Corresponds aux moyens utilisés par n’importe quel
défense individu pour éviter d’avoir à vivre la dépression
d’abandon et ses affects ressentis comme intolérables. La
réactivation de la dépression d’abandon entraînerait la
mobilisation de défenses primitives, efficaces pour ne pas
avoir à vivre les affects intolérables, mais destructeurs
pour l’adaptation et le fonctionnement psychosocial. Les
principaux mécanismes de défense utilisés chez les
personnes ayant un trouble de la personnalité sont : le
clivage, le déni, la projection, l’identification projective,
l’évitement, la fuite dans les fantaisies et le passage à
l’acte. Dans la vie de la personne, ces passages à l’acte se
traduiraient par des gestes suicidaires et parasuicidaires,
de l’abus de substance, des explosions colériques et de la
violence verbale ou physique. Tandis que dans le
processus thérapeutique, en plus des passages à l’acte, on
pourrait les constater par des retards et des absences
fréquents, un non-respect du cadre d’intervention, parler
de sujet secondaire ou changer continuellement de sujet
(Bessette, 2007).
Vrai Soi ou Soi réel Tel que décrit par Klein (Masterson et Klein, 1989), le
« vrai soi » de Masterson représente une personnalité qui
s’est développée de façon saine, mais aussi une structure
de personnalité saine. Cela se traduit par la capacité à
vivre la séparation, la capacité à pouvoir s’attacher, la
capacité d’individuation et à faire preuve d’autonomie.
30
39. On peut aussi penser au fait d’être capable de vivre avec
et sans les autres, ainsi qu’être capable d’intégrer ces
différentes capacités à travers les structures de sa
personnalité. Ce «Vrai Soi», serait ressenti par les
individus comme un sentiment de continuité, de stabilité
et de réciprocité dans l’expérience à soi, avec et sans les
autres. Tandis qu’un individu ayant de la difficulté à
exprimer son «Vrai Soi» se plaindra généralement de
problèmes reliés à sa capacité à vivre l’intimité, à avoir de
l’empathie et à partager. Des difficultés dans l’expression
du « Vrai Soi » emmèneraient aussi l’individu à avoir de
la difficulté à admettre ou à partager ses pensées, ses
sentiments et ses désirs.
Structure Masterson (2004) définit la structure intrapsychique
intrapsychique comme étant le résultat de la somme des expériences en
bas âge avec le donneur de soins principal et de nos
représentations objectales, ainsi que des affects qui y sont
reliés. La structure intrapsychique organise donc la façon
dont nous nous percevons en relation avec les autres, ce
qui se répercute par la suite dans la vie adulte. Tel
qu’expliqué par Bessette (2007), cette structure
intrapsychique est pathologique chez les personnes ayant
un trouble de la personnalité, faisant en sorte qu’ils vont
être clivés dans leurs perceptions. Le côté positif du
clivage, correspondant au système d’attachement
pathologique de la personne qui focalise sur les besoins
de l’objet et le côté négatif du clivage, correspondant à un
état d’abandon où les personnes perdent le sentiment
d’être connectées à l’objet et aux relations.
Acting-out Par l'acting-out transférentiel, l’enfant tente par ses
transférentiel comportements d'éviter d'avoir à évoquer la
31
40. désapprobation parentale ou la négligence durant les
premières années de son développement. Ce qui devient
par la suite chez la personne atteint d’un trouble du soi,
une partie intégrante de sa réponse fondamentale aux
relations. Le concept d’acting-out transférentiel prend une
importance particulière dans la relation thérapeutique, où
l’individu, au lieu de présenter une attitude nuancée des
relations humaines (distorsion de la réalité, combinée à
une vision réaliste et raisonnable), présente plutôt une
vision clivée, constituée essentiellement de sentiments et
d’émotions distorsionné3s envers le ou la thérapeute. Par
exemple, le client pourrait se sentir choqué, désappointé
ou à l’écart lorsque le thérapeute n’agit pas comme il le
désire (Orkutt, 1997 : 74 ; Masterson, 2004). Lorsqu’une
personne fait de l’acting-out transférentiel dans sa vie
adulte, elle tente par ce comportement ou compromis
psychique d’éviter d’avoir à vivre la dépression
d’abandon (Orkutt, 1997 : 74).
Neutralité Ce concept clé dans l’Approche Masterson est
analytique directement lié à l’acting-out transférentiel, car il
implique la création par la conseillère ou le conseiller,
d’un climat thérapeutique qui donne toute la place au
client. L’approche accorde une grande attention à ce que
la conseillère ou le conseiller, face aux problèmes du
client, n’introduisent pas de matériel personnel, tel que
leurs réactions émotionnelles dans la relation. Comme il
est inévitable pour un intervenant d’avoir des réactions
émotionnelles dans une rencontre, il doit donc éviter de
faire lui-même des acting-out contretransférentiels, soit
de réagir aux acting-out des clients par un autre « acting-
out », ce qui laisserait le patient et l’intervenant pris dans
32
41. une dynamique malsaine (Masterson, 2004).
Distance Masterson (2004) considère que le thérapeute doit garder
thérapeutique une neutralité avec son client. Cette neutralité n’a
toutefois rien à voir avec une attitude froide, détachée ou
indifférente de la part du thérapeute, mais elle permet
plutôt d’éviter d’être en collusion avec les transferts du
client. Et ce, afin qu’il puisse se permettre de relever les
comportements défensif, régressif ou autodestructeur de
celui-ci (Roberts, tirés de Masterson, 2005).
Cadre Consiste à l’établissement de règles claires et constantes,
thérapeutique sans toutefois être rigides, afin de définir dès le départ la
façon de travailler et ce qui est attendu du client. Par
exemple, justification des absences, retards fréquents et
moment du paiement (Masterson, 2004).
Technique de la La technique de la confrontation sert à confronter de
confrontation façon empathique les défenses mises en place par le client
et lui servant à préserver son faux soi. Comme les
personnes ayant un trouble de la personnalité ont la
plupart du temps des perceptions de la réalité qui sont
clivées ou partielles, la technique de la confrontation est
utilisée ici pour fournir au client une perception de la
réalité qui soit plus juste et plus complète (Masterson,
1998 : 131).
Capacités du Soi Les capacités du soi réel (capacités d’adaptation)
réel sont :
Masterson (2004) ; La régulation de l’humeur et de l’estime de soi ;
Bessette (2007) La capacité de vivre les émotions profondément, avec
vivacité, joie, vigueur, excitation et spontanéité ;
La capacité d’identifier ses intérêts et ses objectifs
personnels, de s’activer et de faire preuve d’initiative,
de s’affirmer et de se défendre ;
33
42. La capacité d’apaiser les affects douloureux (émotions
douloureuses), de contrôler ses impulsions et de
tolérer la frustration;
La capacité d’engagement face à un objectif ou à une
relation, et de persévérance pour atteindre ses buts
malgré les obstacles;
La créativité;
Capacité d’intimité : la capacité d’exprimer qui on est
réellement dans une relation intime, sans craindre de
façon démesurée d’être abandonné ou d’être englouti;
L’autonomie.
Ces concepts mettent tout d’abord l’emphase sur la compréhension de
l’individu au niveau de son ressenti et des comportements et attitudes qui
l’accompagnent. Ainsi, l’utilisation de la triade dynamique, les notions de vrai
soi ou soi défensif, la notion d’acting-out transférentiel, celle des capacités du
soi réel et le concept de structure intrapsychique servent ici d’outils pour la
conceptualisation des clients que les conseillères ou les conseillers rencontrent.
Les autres concepts tels que la neutralité analytique, la distance thérapeutique,
le cadre thérapeutique et la technique de la confrontation représentent
davantage des aspects techniques liés à l’utilisation de l’AM. Il est important de
retenir que les concepts au cœur de l’AM ont été construits au regard de
clientèles présentant des troubles de la personnalité. Il est donc important de
bien comprendre l’étiologie de ces troubles selon Masterson, afin de saisir
l’origine et l’utilité des concepts proposés pour des clientèles présentant un
trouble de personnalité ou présentant des traits de personnalité marqués, nuisant
à leur fonctionnement.
2.2.4. Notion de trouble de personnalité, au cœur de l’AM
Selon Masterson (Masterson et Lieberman, 2004), les troubles de la
34
43. personnalité résulteraient d’un arrêt dans le développement du Soi et d’un
syndrome angiodépressif particulier, appelé la « dépression d’abandon »
(Bessette, 2007 : 11.04). Ils seraient principalement causés par un problème lors
de la phase de séparation-individuation dans l’enfance, où l’enfant introjecte la
gratification et le retrait de la mère comme étant les deux seules réponses
possibles à ses besoins (clivage) (Poirier, 1997). Les troubles de personnalité
pourraient aussi être causés par des facteurs qui n’ont rien à voir avec le
développement en bas âge. Par exemple, des facteurs tels que le tempérament,
les caractéristiques de l’enfant et les évènements stresseurs du hasard de la vie,
peuvent être reliés au développement d’un trouble de la personnalité et sont
généralement pris en considération dans l’étiologie du trouble. (Masterson et
Klein, 1989, p.11). L’individu présentant un trouble de la personnalité, tout
comme les personnes ne présentant pas de tels troubles, tente de satisfaire ses
besoins psychologiques (« activation du Soi réel ») par la mobilisation et
l’utilisation de ses capacités d’adaptation et d’autorégulation. Toutefois, au lieu
de ressentir des émotions tempérées pouvant être positives et négatives comme
la plupart des gens, il ressent plutôt des affects négatifs que Masterson appelle
la « dépression d’abandon ». La personne peut alors ressentir des émotions
telles que la dépression, la rage, de l’anxiété, de la honte, du désespoir ou un
sentiment de vide. Afin de contrer ces sentiments négatifs et ainsi ne pas avoir à
les supporter, l’individu développera un faux soi défensif, en mettant en place
des mécanismes de défense primitifs tels que le déni, le clivage, la projection,
l’identification, la fuite ou l’évitement. La dynamique qui s’exerce entre
l’activation des capacités du soi réel de la personne, les affects négatifs qui en
résultent et les mécanismes de défense mis en place, est appelé pas Masterson la
triade dynamique du trouble du soi et constitue la pierre angulaire de son
approche. (Masterson et Klein, 1989; 1995).
2.2.4. Structures de personnalité selon l’AM
Les troubles de la personnalité peuvent être regroupés dans l’Approche
35
44. Masterson selon quatre grandes catégories : état limite, narcissique, schizoïde et
antisocial. Cette dernière serait semble-t-il non-traitable et correspondrait au
type psychopathe du DSM-IV (Diagnostic and Statistical Manual of Mental
Disorders). Masterson a aussi ajouté des sous-catégories à celles d’état limite,
de narcissique et de schizoïde. L’auteur différencie son approche de celle du
DSM-IV (1994), par le fait que ce dernier fournit plus un portrait des
comportements et attitudes dysfonctionnelles observables associés aux
psychopathologies, tandis que sont approche irait plus en profondeur en
analysant la structure intrapsychique des personnes c’est-à-dire des
représentations internalisées du soi et de l’objet. Pour Masterson, les critères
diagnostiques du DSM-IV constitueraient en quelque sorte des défenses qui
sont partagées par tous les troubles de la personnalité et qui se traduiraient
différemment selon la structure interne des personnes.
Personnalité limite
Au niveau de la correspondance avec le DSM-IV (2004), on retrouve à
l’intérieur de ce type de personnalité de l’Approche Masterson, les types de
personnalité histrionique, dépendante, passive agressive et compulsive. Dans la
formulation de James Masterson du trouble limite du soi, l’individu tente, par
des comportements mésadaptés, d’éviter à tout prix de ressentir la dépression
d’abandon. Concrètement, cela se traduit de deux façons dans le processus
thérapeutique. Du côté positif du clivage, le client va s’en remettre au
thérapeute, de façon à ce que celui-ci lui donne des solutions, le prenne en
charge, le réconforte et le rassure dans ce qu’il croit ou ce qu’il fait. Il va donc
se soumettre à l’objet (thérapeute). Lorsque le thérapeute ne répond pas
positivement à ces demandes de prises en charge, le client se retrouvera du côté
négatif du clivage. Le client verra alors le thérapeute comme rejetant et
abandonnant et se sentira alors comme étant indigne de recevoir de l’amour ou
sans valeur. Le thérapeute devra alors faire attention à ne pas être contaminé par
les projections du client et ainsi, éviter de se sentir responsable du client et de le
prendre en charge (Bessette, 2007).
36
45. Personnalité narcissique
Au niveau de la correspondance avec le DSM-IV, le type narcissique tiré de ce
même manuel ne correspond qu’au sous-type exhibitionniste de Masterson.
L’auteur a ajouté les types à grandiosité inhibée « closet narcissistic » et
dévaluant dans son approche. Dans la personnalité narcissique décrite par
Masterson, les représentations du soi et de l’objet sont fusionnées. Lorsque ça
se passe bien, la personne voit l’objet comme étant parfait et tout puissant, donc
parfaitement capable de répondre au besoin narcissique du Soi : fournir le
regard admirateur qui confirme la grandiosité du Soi. Donc lorsque le
narcissique obtient ce sentiment d’être supérieur, merveilleux ou spécial, il s’en
sert pour réguler son humeur et s’accorder la valeur qu’il mérite. Lorsqu’il ne
l’obtient pas, le narcissique aura tendance à voir le thérapeute comme étant
dévaluant ou attaquant et à se sentir fragmenté, pas à la hauteur, minable ou
dévaluée. Le type exhibitionniste est celui qui correspond en grande partie au
type narcissique du DSM-IV, car sa grandiosité est exprimée au maximum afin
qu’il puisse se réguler. Toutefois, les clients ayant une grandiosité plus discrète
ne semblent pas ressortir si on se fit au critère du DSM-IV. C’est pourquoi
Masterson a ajouté deux autres types de narcissiques. Le type narcissique à
grandiosité inhibée se distingue, car il utilise davantage l’idéalisation de l’objet
pour se réguler, en maintenant ses projections de la fusion grandiose. Il voit
alors les autres comme supérieurs, performants, spéciaux ou puissants. Ce
maintien de la personne dans le côté positif de son clivage fait en sorte qu’il
arrive à ressentir qu’il peut répondre aux besoins et aux attentes des autres et à
se sentir adoré. Il évite ainsi d’avoir à vivre la dépression d’abandon et de
passer du côté négatif du clivage, où il se sentira inadéquat et fragmenté par
rapport à l’objet. Le type dévaluant se distingue quant à lui dans le fait qu’il se
situe uniquement du côté négatif du clivage. Il y a deux scénarios possibles du
côté négatif du clivage : sois je suis le dévaluant et tu es le minable; sois je suis
le minable et tu es le dévaluant. Le type dévaluant peut donc adopter deux
attitudes ou jouer deux rôles dans la relation. D’un côté, s’il prend le rôle du
37
46. dévaluant, il fera sentir au conseiller qu’il est minable, inférieur et inadéquat.
La dévaluation est ici une défense pour le client et lui permet de projeter sur
l’autre le rôle du minable. De l’autre côté, quand la dévaluation ne fonctionne
plus (la défense de la dévaluation n’est plus assez forte), le client est alors
coincé à reprendre le rôle du minable, de l’inadéquat. Il n’arrive plus à « se
remonter en écrasant l’autre». Le contre-transfert se répercutera alors chez les
intervenants de façon différente que chez le client état limite. Comme le client
projette ses idéalisations sur le conseiller, celui-ci peut alors sentir qu’il doit
performer de façon exceptionnelle, certains parlent d’un sentiment de marcher
sur des œufs dans la relation avec le client.
Personnalité schizoïde
Contrairement aux deux autres structures de personnalité, la structure schizoïde
ne croit pas qu’il est possible pour lui de créer de véritables relations avec les
autres et ainsi obtenir un apport affectif. Par conséquent, on ne retrouve pas
dans cette structure un côté positif dans le clivage, comme dans les deux autres
structures de personnalité. La personne schizoïde voit d’un côté du clivage
l’objet comme étant le maître qui manipule, qui exploite, qui impose ses
volontés et qui ne veut pas entrer en relation. Elle se voit donc comme étant
l’esclave qui exécute les désirs du maître, un robot, une victime. Celui-ci trouve
alors une forme de sécurité dans la relation maître-esclave, jusqu’à ce que les
sentiments associés à cette dynamique soit trop insupportables et que la
personne passe de l’autre côté du clivage, appeler pôle exil. La personne
schizoïde voit alors l’objet comme sadique, dangereux et abandonnant. La
personne se sent alors isolée, étrangère aux humains, aliénée. Le fait de ne
pouvoir être ni trop près, ni trop loin de l’objet est appelé le dilemme schizoïde.
Tandis que le compromis schizoïde correspond au fait de trouver une distance
sécuritaire entre l’objet et le schizoïde. La réponse contre-transférentielle à
laquelle il faut faire attention dans l’intervention avec les schizoïdes est de ne
pas répondre à la projection de maître faite par le client sur le thérapeute (objet)
et de se mettre à diriger le client comme un robot ou un esclave. Ou de l’autre
38