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Master professionnel
Mention : information et communication
Spécialité : Marketing et Publicité
Option : Stratégies de marque et Communication plurimédia
TITRE DU MÉMOIRE
QUAND LES MARQUES SE DOTENT D’UN ESPRIT « FAB »
LA RHÉTORIQUE DE L’INNOVATION AU CŒUR D’UNE
STRATÉGIE DE MARQUE
LE CAS DE ORANGE FAB
Responsable de la mention information et communication
Professeure Karine Berthelot-Guiet
Tuteur universitaire : Antoine Bonino
Nom, prénom : MONZINI CÉLINIE
Promotion : 2015
Soutenu le :
Note du mémoire :
2	
  
REMERCIEMENTS
Je tiens à exprimer ma gratitude à Caroline Marti pour ses enseignements au CELSA et Antoine
Bonino, mon tuteur universitaire pour sa présence pour la rédaction de ce mémoire ainsi qu’à la
disponibilité des différentes personnes interrogées de chez Orange Fab et Orange Institute. Je tiens
aussi à remercier mon rapporteur professionnel Jean Arnaud, responsable du développement de
Scintillo et de sa branche entrepreneur : Creatis, pour avoir nourri ma réflexion.
Enfin, un grand merci à mon mari pour toute son attention et sa patience tout au long de ce
mémoire, à mon petit garçon pour ses sourires et ma famille pour leur soutien.
Célinie Monzini
3	
  
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS ...................................................................................................................2	
  
SOMMAIRE...............................................................................................................................3	
  
I.	
   INNOVER AUTREMENT : AU CŒUR D’UNE STRATÉGIE D’ENTREPRISE.....................9	
  
A.	
   L’INNOVATION DANS TOUS SES ÉTATS.....................................................................9	
  
1.	
   Un modèle d’innovation périmé .....................................................................................9	
  
1.1	
   Définition et contours de l’innovation .........................................................................9	
  
1.2	
   De l’innovation linéaire à un modèle communicationnel de l’innovation.........................11	
  
1.3	
   L’incapacité des entreprises à accéder aux innovations de rupture..................................14	
  
2.	
   Les nouvelles pratiques de l’innovation : de l’innovation ouverte aux incubateurs ................17	
  
2.1	
   De l’émergence à la définition de l’innovation ouverte .................................................17	
  
2.2	
   Les programmes d’incubateurs .................................................................................20	
  
2.3	
   Les incubateurs d’entreprises ...................................................................................23	
  
B.	
   UNE ENTREPRISE EN INNOVATION ........................................................................25	
  
1.	
   Présentation du corpus, contexte et méthodologie ..........................................................25	
  
1.1	
   Les ambitions stratégiques du groupe Orange.............................................................25	
  
1.2	
   L’écosystème de l’innovation ouverte d’Orange ..........................................................26	
  
1.3	
   Méthodologie ........................................................................................................28	
  
2.	
   Orange Fab, un accélérateur.........................................................................................32	
  
2.1	
   Orange Fab, mission et fonctionnement ....................................................................32	
  
2.2	
   Analyse des différentes études..................................................................................34	
  
2.3	
   Conclusion ............................................................................................................36	
  
II.	
   LE RECIT DE LA MARQUE .........................................................................................39	
  
A.	
   ANALYSE DU DISCOURS D’ORANGE ........................................................................39	
  
1.	
   Méthodologie et analyse ..............................................................................................39	
  
1.1	
   Méthodologie ........................................................................................................39	
  
1.2	
   Les thèmes recueillis ...............................................................................................40	
  
2.	
   Du bâtisseur au chef d’orchestre de l’innovation.............................................................46	
  
2.1	
   L’innovation : au cœur de l’identité de marque............................................................46	
  
2.2	
   Appropriation des codes du numérique et des start-ups ...............................................47	
  
2.3	
   Le chef d’orchestre de l’innovation ...........................................................................51	
  
B.	
   UNE QUÊTE DE LÉGITIMITÉ POUR S’INSCRIRE COMME ACTEUR DU
CHANGEMENT DE DEMAIN.............................................................................................52	
  
4	
  
1.	
   Le mythe de l’innovation, levier salvateur pour appréhender le futur..................................52	
  
1.1	
   Prédire l’avenir, un besoin résolument humain à la construction du mythe de l’innovation52	
  
1.2	
   Le ré-enchantement de l’avenir par les marques ..........................................................54	
  
1.3	
   Orange, la marque salvatrice ....................................................................................55	
  
1.4	
   Les start-ups, les adjuvants qui ont pour mission de redynamiser le héros.......................56	
  
1.5	
   Orange : créateur d’histoire......................................................................................57	
  
2.	
   Les Start-ups, nos héros !.............................................................................................59	
  
2.1	
   La figure de l’innovateur à travers le temps ................................................................59	
  
2.2	
   Les start-ups : le nouveau mythe contemporain ..........................................................60	
  
2.3	
   Conclusion deuxième partie .....................................................................................67	
  
CONCLUSION ........................................................................................................................69	
  
BIBLIOGRAPHIE....................................................................................................................73	
  
ANNEXES...............................................................................................................................77	
  
RÉSUMÉ .................................................................................................................................78	
  
MOTS-CLEFS ..........................................................................................................................78	
  
5	
  
INTRODUCTION
Ne naît-on pas innovateur, n’est-ce pas intimement lié à une prédisposition génétique ? Le
chromosome du génie un peu fou, souvent mal-compris à son époque, a nourri pendant des siècles
le mythe de l’innovateur, alimenté par des légendes populaires comme la pomme de Newton ou
comme le film « Retour vers le futur »1
avec le Professeur Brown.
Aujourd’hui le fantasme persiste toujours, même s’il est passé du mythe du « génie fou » à celui du
« geek » 2
derrière son ordinateur qui révolutionne le marché du jour au lendemain depuis son
garage. Mais la réelle évolution est que l’innovation s’est « démocratisée » ; tout le monde ou presque
peut prétendre être à l’origine d’innovations ou tout du moins être entrepreneur ! Le nombre de
formations offrant une filière « entreprenariat » le démontre et c’est devenu une discipline
académique à part entière. Cet engouement pour l’innovation se concrétise et se concentre dans les
mains de jeunes pousses, appelées communément : « start-up ». Terme d’origine américaine
composé du mot « start » qui signifie démarrer, commencer, et le mot « up » qui désigne élévation,
grandir qui implique donc une notion de hauteur. A croire que ces jeunes entreprises ne peuvent
que croître et sont d’ailleurs chargées d’un signifiant commun fort : celle d’une réussite rapide dans
les nouvelles technologies. On retrouve cette notion, dans la définition que livre Wikipédia : « une
jeune entreprise innovante à fort potentiel de croissance qui fait souvent l'objet de levée de fonds »3
.
On retient donc que les start-ups sont intimement liées à l’innovation et ont un « fort potentiel de
croissance ». Des acteurs qui détiendraient donc les clés de la réussite ? Qui permettraient de
relancer, voir renouveler l’économie. Difficile aujourd’hui de le confirmer, mais nombreux sont
ceux qui mettent le cap vers cette direction. Vu comme un remède aux maladies contemporaines
comme le chômage structurel, il est proposé à toutes les sauces et par tous les acteurs aussi bien
publics que privés. L’objectif : devenir une « start-up nation » pour les institutions publiques,
trouver la future « Unicorn » pour les investisseurs privés, ou encore s’offrir « une cure de jouvence »
pour les entreprises. L’espoir d’un renouveau est là.
Paris, compte à elle seule 12000 start-ups en 2015, c’est plus que Londres et Berlin, et le Numa - le
QG des jeunes entreprises du numérique au cœur de la « Silicon Sentier » (pour faire un gros clin
d’œil au temple de l’innovation mondiale : « Silicon Valley ») le nombre de postulants à leur
1 Film réalisé par Robert Zemeckis, sorti en 1985
2 Définition de Wikipedia : anglicisme désignant une « personne prise par une passion, à l’origine dans le domaine de
la high-tech, puis par extension dans n’importe quel domaine. »
3 Définition de Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Startup
6	
  
programme d’accompagnement de start-up a quadruplé depuis 2013. Les jeunes ne rêvent plus de
faire carrière dans un grand groupe mais aspirent à devenir le prochain Elon Musk4
et à trouver la
prochaine innovation disruptive qui va révolutionner les marchés. « La jeune génération veut avant
tout changer le monde, bousculer les usages, casser les rentes des acteurs historiques »5
, analyse
Oussama Ammar, associé de l'incubateur parisien « The Family », plus qu’un désir purement
marchand c’est parfois même un projet sociétal qui alimente cette aspiration.
Face à cet engouement, les grandes entreprises se sont senties presque délaissées. Perçues de plus
en plus comme des éléphants vieillissants à l’antipode des start-ups jeunes et dynamiques, elles
n’ont plus vraiment le vent en poupe et se sentent à la traîne face à cette course à l’innovation. Pour
y remédier, certaines d’entre elles, ont décidé d’ouvrir leurs portes (ou entrouvrir) à cet « eldorado »
des start-ups, une source d’innovation qui semble inépuisable et accompagnée de tout un
imaginaire synonyme d’espoirs pour les uns, de dollars pour les autres. Étant moi-même entourée
de personnes se lançant dans l’aventure entrepreneuriale, j’ai pu découvrir tout un univers qui s’est
créé autour des start-ups. Vu comme un véritable appât pour certains acteurs, de nombreuses
démarches sont entreprises pour les séduire. Mais pour quelle raison une grande entreprise aurait-
elle besoin de s’appuyer sur de plus petite ? Pour des raisons purement marchandes, ou alors est-
ce que cela correspond à une vraie volonté de stratégie d’innovation, ou encore pour s’offrir une
cure de jouvence et inscrire, l’entreprise dans l’avenir.
En effet, s’approprier les codes de cet univers peut donner l’illusion déjà d’y appartenir ou en tout
cas peut faire partie d’une stratégie de communication. Les raisons pour lesquelles les entreprises
s’intéressent aux start-ups peuvent être nombreuses. Elles ne sont pas forcément les mêmes d’une
structure à une autre et l’enjeu de ma réflexion est de distinguer ce qui ressort de la stratégie
d’innovation et de la stratégie de communication.
C’est sur ce phénomène que je me suis penchée dans ce mémoire : comprendre les dessous de cette
mise en relation entre deux acteurs qui diffèrent sur de nombreux aspects.
Quand les marques se dotent d’un « esprit fab », la rhétorique de l’innovation au cœur
d’une stratégie de marque, questionne les raisons pour lesquelles les grandes entreprises non
seulement s’intéressent aux start-ups mais mettent en scène tout un dispositif d’attraction pour les
attirer. Plus spécifiquement, notre sujet soulève la problématique suivante : dans quelle mesure les
discours de l’innovation ouverte servent-ils la stratégie de marque ?
4 Fondateur de SpaceX, co-fondateur de PayPal, Zip2 et Tesla Motors
5 Nathalie Villard, « La France, ce pays qui créé des start-up à la chaîne ! », article publié dans Capital le 09 Juin 2015
7	
  
Afin de définir le périmètre de notre mémoire, il est important de distinguer l’entreprise de la start-
up. Lors d’une conférence, Oussama Omar6
propose de différencier les deux acteurs par leur niveau
de maturité face au modèle économique. C’est à dire que la start-up cherche son modèle
économique alors que l’entreprise applique un modèle économique déjà défini. Les enjeux sont
donc très différents puisque la start-up est encore au stade de survie et l’entreprise gagne déjà sa
vie. De façon plus générale, lorsque l’on parle de grandes entreprises, l’on fait surtout référence
aux entreprises du CAC 40. Le terme « fab » fait lui référence à l’accélérateur de « Orange Fab » qui
évoque : un lieu de création ouvert, une unité de fabrication et un mouvement social. Nous
reviendrons sur ces trois points au cours du mémoire.
Pour répondre à cette problématique, j’ai émis trois hypothèses qui m’ont permis d’organiser mes
recherches et de définir mon corpus.
La première hypothèse relève d’une volonté des marques d’aller puiser l’innovation auprès des
start-ups. Dans un contexte très concurrentiel, avec des cycles de produits de plus en plus courts,
les entreprises ne seraient plus à mêmes d’innover uniquement par elles-mêmes. Dans une
démarche d’innovation ouverte, elles mettraient en place des programmes d’incubateurs pour
attirer et collaborer avec les start-ups.
Plus qu’une stratégie d’innovation, la deuxième hypothèse démontre que les entreprises viennent
chercher de la légitimité auprès des start-ups pour réactualiser leur rhétorique de l’innovation en
prenant appui sur des acteurs plus contemporains.
La troisième hypothèse s’appui sur la volonté des entreprises de s’offrir une « cure de jouvence »7
auprès des jeunes start-ups dans le but de s’ancrer dans l’avenir.
Pour répondre à ces hypothèses, j’ai choisi de me concentrer sur un acteur majeur : Orange. Héritier
de France Télécom, Orange jouit d’un patrimoine fort, ancré dans l’histoire française, et qui a
connu de nombreux succès mais, comme d’autres acteurs de la téléphonie mobile, s’est vu dépassé
par l’arrivée de Free il y a plus d’une dizaine d’années. Son domaine d’activité est intimement lié à
celui des nouvelles technologies et de l’innovation comme indiqué sur leur site internet : « 200 ans
de communications et d’innovations au service de 230 millions de clients », dont de nombreuses
« innovations audacieuses ». L’innovation est donc au cœur de la stratégie d’Orange. Aujourd’hui
6 Dans le cadre des Matinales de la Transformation, EMLYON Business School & Manpowergroup ont reçu
Oussama Ammar le 3 novembre sur le thème du "Décryptage de la transformation digitale", vidéo retransmise sur la
chaine Youtube de l’EM LYON : « early adopters », durée : 51minutes
7 Expression empruntée à Sandrine Cassini dans son article « Les usines à start-ups, cure de jouvence des grands groupes », 19
Juillet 2015, Les Échos.fr
8	
  
la marque dépense 1,9% de son chiffre d’affaires dans l’innovation avec plus de 5000 employés au
service de la R&D8
, un dispositif non négligeable. Et pourtant Orange a été un des pionniers en
France à s’intéresser à l’innovation ouverte, c’est- à-dire à aller puiser l’innovation à l'extérieur de
sa structure. Notamment avec les start-ups, le groupe a développé tout un écosystème avec plus de
huit programmes d’accélérateurs à travers le monde avec les « Orange Fab », en 2008 « Orange
Institute » a été créé et se définit comme « un think tank mondial dont l'objectif est de comprendre
et anticiper les transformations rapides provoquées par les innovations numériques dans notre
société en réseau »9
, et enfin le dispositif « Orange Digital Ventures ». C’est ce besoin de se tourner
vers les start-ups alors que l’entreprise semble déjà bien ancrée dans l’innovation qui m’a intéressé.
Quelle est la motivations d’Orange ? Quel est le discours de marque mise en avant ?
Ensuite, tout le long de mon mémoire je me suis référée à deux types d’incubateurs à titre de
comparaison. Les premiers sont les incubateurs d’entreprises, comme dans le cas d’Orange. J’ai
notamment étudié le cas de « Look Forward », l’incubateur de Showroom privé. Et « Welcome City
Lab », un incubateur d’entreprises spécialisé dans le tourisme qui regroupe différents acteurs
experts dans le domaine. Les deuxièmes, sont les incubateurs privés non rattachés à une entreprise.
Nous avons notamment retenu deux incubateurs américains « Y Combinator » et « Tech Stars »,
les deux références dans la matière. Et des acteurs français : « Le Numa », « 50 Partners » et « Le
Camping ».
Dans l’ambition d’éprouver la première l’hypothèse, j’ai entrepris une étude qualitative individuelle
dans l’objectif d’extraire la stratégie d’innovation tout en distinguant ce qui relève de l’ordre du
discours. Ainsi qu’un sondage auprès de start-ups qui ont participé au programme d’accélérateur
d’Orange. Pour la deuxième hypothèse, j’ai collecté l’ensemble des supports de communication
interne émis par Orange autour des sujets de l’innovation ouverte et de leur écosystème (Orange
Fab, Orange Institute et Fab Force essentiellement) afin de décortiquer leur discours de marque.
Cela comprend du contenu visuel (vidéo, photos) et écrit provenant des communiqués de presse
ou tout autre support interne. J’ai aussi travaillé sur une étude comparative entre différents sites
internet de programmes d’incubations et d’accélérations, comprenant Orange Fab. Pour traiter la
dernière hypothèse et comprendre le champ sémantique de la start-up et de l’innovation dans la
presse, j’ai procédé à une analyse sémiotique du discours journalistique. Et enfin, j’ai souhaité
recueillir le discours de trois responsables de chez Orange Fab et Orange Institute ainsi que trois
témoignages de start-ups ayant ou faisant toujours partie de leur programme d’accélération. In fine,
j’ai terminé par un petit sondage autour de l’imaginaire des startups.
8 Emmanuelle Delsol, « Innovation : la nouvelle peau d’Orange », publié dans l’usine nouvelle le 21 Février 2013
9 Dossier de presse Orange, « L’open innovation », publié sur le site edossiers Orange en Janvier 2016
9	
  
I. INNOVER AUTREMENT : AU CŒUR D’UNE
STRATÉGIE D’ENTREPRISE
L’innovation n’est pas l’invention. L’innovation n’est pas non plus un acte créatif mais répond à
une terminologie et un processus précis mais souvent galvaudé par les médias, entreprises ou
institutions publiques. Cette confusion et appropriation de chaque acteur public et privé démontre
l’importance et l’enjeu que représente l’innovation dans notre économie.
Nous allons dans cette partie dresser les contours de l’innovation en la définissant d’abord, puis en
étudiant l’évolution de l’innovation au prisme de différentes approches interdisciplinaires pour finir
sur les incubateurs. Si dans cette partie nous avons une approche plus managériale et macro-
économique pour répondre à la première hypothèse, la deuxième partie sera concentrée sur l’étude
de la rhétorique de notre corpus.
A.L’INNOVATION DANS TOUS SES ÉTATS
1. Un modèle d’innovation périmé
1.1 Définition et contours de l’innovation
Ainsi l’invention n’est pas l’innovation mais peut-être la source de l’innovation. Alors que
l’invention est plus liée au moment de la conception d’une découverte scientifique, d’une
découverte à proprement dit, l’innovation résulte plus de la diffusion et la propagation de
l’invention dans le corps économique et social. L’innovation à un objectif plus économique que
l’invention qui peut avoir une visée plus intellectuelle. Mais avant de nous atteler à définir
l’innovation et ses différentes théories, revenons aux racines.
Innovation vient du mot latin « innovare » qui signifie « revenir à, renouveler ». « Innovare » est
composé du verbe « novare » de racine « novus » qui veut dire « changer », « nouveau », et du préfixe
« in » qui indique un mouvement vers l’intérieur. Selon le Larousse : « introduire quelque chose de
nouveau pour remplacer quelque chose d’ancien dans un domaine quelconque »10
.
Que ce soit dans l’origine du mot ou dans sa définition, on retrouve la dimension de « nouveau »,
mais avec la spécificité que l’étymologie nous indique qu’on pénètre dans quelque chose. La
10 Le Larousse en ligne : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/innover/43197
10	
  
définition de l’innovation de Wikipedia rajoute que dans « la terminologie juridique au Moyen Âge :
« introduire quelque chose de nouveau dans une chose établie » (…) et qu’au XVIème siècle le mot
définit quelque chose de « plus singulier, inattendu, surprenant ». »11
On retient donc des origines
de l’innovation trois aspects : l’aspect de nouveauté dans un ordre établi, l’aspect de mouvement
qui fait écho au processus (à la différence de l’invention plus ponctuelle, l’innovation fait partie
d’un processus) et le dernier qui a un aspect unique, singulier. Mais R. Ringoot12
précise que la
nouveauté se retrouve plus dans la perception que dans les faits. L’innovation, à opposer à la
création, présuppose une transformation de quelque chose de déjà existant, ou de non isolé.
L’innovation « rénoverait » en induisant un « nouveau » dans la perception.
Mais qu’est-ce qu’une innovation ? La première chose qui nous vient en tête est l’innovation de
type technologique, de produit ou encore de procédé. Mais il en existe une quatrième, souvent
méconnue, qui est celle de l’innovation commerciale. Ainsi, l’innovation oscille du développement
d’un nouveau produit et service (innovation technologique) à la création d’un nouveau « business
model »13
. Gary Pisano a proposé la carte de l’innovation14
(voir carte ci-dessous) qui relève quatre
types d’innovations : innovation de rupture, innovation architecturale, innovation de routine et
enfin l’innovation radicale. En fonction du type d’innovation souhaité, elle nécessite plus ou moins
d’innover en termes technologiques ou de modèle commercial.
11 Lien de la définition sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Innovation
12 Blandine Arondel, « Sémiologie, innovation et entreprise - Colloque de l’Anvie 9-10 décembre 1998 », Communication et
organisation, n. 15, 1999
13 Traduction : modèle commercial
14 Gary P. Pisano « Vous avez besoin d’une stratégie d’innovation », Harvard Business Review, p.22
11	
  
1.2 De l’innovation linéaire à un modèle communicationnel de l’innovation
Nous allons retracer l’évolution de l’innovation à travers les travaux d’Yves Badillo15
et de son
approche interdisciplinaire de l’innovation. Une étude au croisement entre les sciences de
l’information et de la communication, des sciences économiques, de la sociologie et du
management.
Il identifie, tout au long du XXème
siècle, l’innovation comme un modèle linéaire basé sur les travaux
de Shannon et synthétisé par un schéma : émission – communication – réception. Le récepteur,
consommateur passif, n’interagit d’aucune façon sur le processus de l’innovation mais absorbe
l’innovation comme elle lui vient. L’émetteur, est quant à lui l’entrepreneur innovateur de J.
Schumpeter16
, qui dans sa première vision, est un entrepreneur issu d’entreprise moyenne ou
familiale et qui ensuite évoluera vers l’entrepreneur ingénieur des centres de recherche de grande
entreprise, motivé par les découvertes technologiques et scientifiques. Un modèle « top down »17
où
le « technology push »18
porte les innovations. Il en découle une trajectoire classique ou les chercheurs
innovent, les équipes de marketing assurent la promotion et la vente et le consommateur…
consomme.
15 Badillo Patrick-Yves, « Les théories de l'innovation revisitées : une lecture communicationnelle et interdisciplinaire de l'innovation ?
Du modèle « Émetteur » au modèle communicationnel », Les Enjeux de l'information et de la communication, 1/2013 (n°
14/1) p.32
16 Schumpeter, Joseph A. « Capitalisme, socialisme et démocratie », Paris : Payot, 1983
17 Traduction : modèle de haut en bas
18 Traduction : poussées technologiques
12	
  
Freeman et Perez19
identifient quatre principales catégories d’innovation : les innovations
incrémentales, dites aussi les innovations continues, les innovations radicales, les changements de
technologies et les changements de paradigmes techno-économiques. Nous verrons dans un
deuxième temps que les innovations incrémentales s’opposent aux innovations de rupture
introduites plus tard par Clayton Christensen dans une approche managériale. Les innovations
radicales quant à elles, amènent des changements radicaux par l’irruption de découvertes comme
celle du nylon ou encore de la pétrochimie. Les changements de paradigmes techno-économiques
bouleversent la vie économique et sociale et peuvent amener des nouveaux paradigmes de
méthodes de travail. Yves Badillo se réfère aux travaux de Frédérick W. Taylor qui développe une
vision mécanique du management « basé sur une structure organisationnelle hiérarchique avec des
flux d'informations « top-down » et une forte division du travail », tout comme le modèle de
communication unidirectionnel et linéaire de Shannon.
Depuis plusieurs décennies, des approches interactives puis systémiques de l’innovation sont
apparues et ont placé la communication au cœur de l’innovation. C’est en 1966 ou Jacob
Schmookler développe une approche de « market pull »20 ou de « demand pull »21, c’est-à-dire où le
consommateur interagit avec l’innovation, où « le processus d'innovation peut être pensé comme
un ensemble de chemins de communication à travers lesquels la connaissance est transférée »22
.
Dans les années 70, l’école de Palo Alto propose une vision systémique portée par Paul Watzlawick
où les relations humaines sont au cœur de la communication. En symétrie avec le modèle linéaire
et mécanique de Shannon, le récepteur interagit et renvoie en retour des informations qu’il partage
avec d’autres personnes. Le contexte joue alors un rôle essentiel dans la communication.
Différentes approches vont ensuite nourrir l’évolution de l’innovation comme celle de Patrice
Flichy23
qui propose une approche socio-technique de l’innovation où les différents acteurs,
designers et utilisateurs jouent un rôle dans le processus de l’innovation. C’est dans le domaine du
management de l’économie que le paradigme de l’innovation ouverte sera développé par
Chesbrough24
en 2003. Il démontre que les idées se trouvent aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur
de l’entreprise.
19 Freeman, Christopher, Perez, Carlota, « Structural crises of adjustment, business cycles and investment behaviour », London :
Pinter, 1988
20 Traduction : demande du marché
21 Traduction : demande extérieure
22 Badillo Patrick-Yves, « Les théories de l'innovation revisitées : une lecture communicationnelle et interdisciplinaire
de l'innovation ? Du modèle « Émetteur » au modèle communicationnel », Les Enjeux de l'information et de la
communication, 1/2013 (n° 14/1) p.32
23 Flichy, Patrice (2003), « L'innovation technique récents développements en sciences sociales, vers une nouvelle théorie de
l'innovation », Paris : La Découverte
24 Chesbrough, Henry, Open innovation: the new imperative for creating and profiting from technology. Boston,
Mass: Harvard Business School Press, 2003
13	
  
Everett Rogers, va placer la communication au cœur de l’innovation et introduire le terme de
« réinvention » qui est défini comme le degré auquel « une innovation est changée ou modifiée par
l'usager au cours du processus d'adoption et de mise en place »25. Il précise que « la communication
est un procès dans lequel les participants créent et partagent de l'information avec les autres pour
atteindre une compréhension mutuelle ». Eric Von Hippel26
, en 1988, va plus loin en introduisant
la logique des usages où le récepteur au contact de l’innovation va la détourner pour en faire
éventuellement un usage imprévu. Bien loin du modèle linéaire, Yves Badillo introduit alors le
modèle communicationnel de l’innovation avec l’avènement d’internet et du Web 2.0 : « dans un
contexte numérique, l'innovation passe par la communication et met au premier plan les
internautes, au sens large, en particulier, dans une perspective Web 2.0, les usagers profitent des
nouveaux espaces de communication pour échanger, communiquer et porter des innovations.»27
Et si nous sommes passés d’un modèle linéaire porté par l’entrepreneur schumpétérien à un modèle
où les interactions et la communication entre les différents acteurs sont au cœur du processus de
l’innovation, « l'activité d'innovation devient, de façon croissante, le fruit de combinaisons non pas
de facteurs de production mais de facteurs d'information»28
. Deux catégories d’innovations sont
alors distinguées : l’innovation à base technologique et l’innovation à base numérique qui, elle, est
caractérisé par la combinaison de « ré-innovations numériques ». Le premier type d’innovation est
porté par les « techno-users » c’est à dire des individus qui sont immergés dans les technologies comme
les développeurs. Le second type, par des usagers (au sens large) qui vont non seulement
s’approprier ces technologies pour ré-inventer leurs usages mais vont devenir de véritables « acteurs
(…) susceptibles de faire de véritables ré-innovations numériques »29. Ces deux types d’acteurs vont
se réunir dans le cadre d’une entité : la start-up.
On retient que la façon d’innover a évolué tout au long des décennies. La communication en est
au cœur, et plus qu’un processus à sens unique, l’innovation devient une interaction entre différents
acteurs où l’émetteur peut devenir le récepteur et vice versa. Cette évolution s’accompagne d’une
aspiration sociétale où la concentration du pouvoir n’est plus uniquement détenue dans les mains
de quelques acteurs (l’Etat et les grandes entreprises) mais dans la création d’écosystèmes ou
différents types d’acteurs (entreprises, startups, universités, publics) vont unir leurs forces et leurs
expertises.
25 Rogers, Everett (1995), « Diffusion of innovations », New York: Free Press, p. 174
26 Hippel, Eric Von « User innovation » (p. 117-133), in Huff, Anne S., Moslein, Kathrin M., Reichwald, Ralf
(2013), Leading open innovation, Cambridge, Mass: MIT Press.2013
27 Badillo Patrick-Yves, « Les théories de l'innovation revisitées : une lecture communicationnelle et interdisciplinaire de l'innovation ?
Du modèle « Émetteur » au modèle « communicationnel », Les Enjeux de l'information et de la communication, 1/2013 (n°
14/1) p.30
28 Ibid., p.31
29 Ibid., p.32
14	
  
1.3 L’incapacité des entreprises à accéder aux innovations de rupture
Mais si le modèle de l’innovation a évolué, cela proviendrait en partie de l’incapacité des grandes
entreprises à accéder aux innovations dites « de rupture » qui sont aujourd’hui les plus radicales et
les plus menaçantes pour elles. C’est la thèse, en tout cas, soutenue par le professeur américain et
spécialiste de la question de l’innovation : Clayton M. Christensen.
Dans son livre « The Innovator’s Dilemma : When New Technology Cause Great Firms to Fail », il distingue
deux types d’innovations : « l’innovation de rupture » et « l’innovation incrémentale ». L’innovation
incrémentale consiste à améliorer la performance d’un produit déjà existant, elle est souvent la plus
utilisée par les grandes entreprises alors que « l’innovation de rupture » est propre aux nouveaux
entrants. Terminologie qui a été introduite en 1997, elle consiste à offrir une nouvelle valeur au
consommateur plus qu’à apporter une innovation technologique au produit. Souvent, il s’agit de
produits moins chers, plus simples, plus petits, plus pratiques à utiliser ou alors avec une nouvelle
utilisation.
Selon Christensen, les grandes entreprises auraient plus de difficultés à mettre en place des
innovations de rupture en raison de plusieurs facteurs. Le premier facteur mis en avant, est celui
provenant de l'éducation même des managers et, par conséquent, celui du management de
l’entreprise. En effet, la plupart des managers proviennent des meilleures universités mais sont peu
enclins à prendre des risques et vont avoir tendance à se réfugier vers des innovations basées sur
des études de marché ou de consommateur : les innovations technologiques évoluant plus
rapidement que les attentes du consommateur.
Un autre facteur proviendrait de la taille des multinationales, trop souvent disproportionnées par
rapport à la taille du marché, elles seraient peu mobiles et peu enclines à faire une telle transition.
Certaines structures l’ayant compris, comme Johnson & Johnson, qui a créé plus de 160 entreprises
autonomes où chacune introduit un produit sur le marché. L’objectif n’étant pas de prétendre que
la structure connaît le marché mais, au contraire, d’admettre qu’il en n’existe pas, par conséquent,
de l’aborder sous un angle beaucoup plus neuf sans forcément d’idée préconçue. Les études de
marché seraient un handicap aux innovations disruptives.
Le dernier facteur est encore une fois lié à la structure même de l’entreprise. Les structures
traditionnelles étant peu enclines à se mouvoir rapidement, à être flexible de sorte que les processus
lourds bloquent l’innovation. Comme l’affirme Christensen « Toutefois, les raisons de l’échec des
grandes firmes dans leur tentative d’innovation disruptive ne seraient pas seulement d’ordre
décisionnel mais également d’ordre fondamentalement structurel. Cette structure englobe des
éléments tels que la taille de l’entreprise ou encore ses « process » comme cela a été vu précédemment.
Mais elle contient également des éléments davantage liés à l’ADN de l’entreprise et qui en
15	
  
constituent donc les bases. Ces fondamentaux peuvent la stimuler, l’aider à avancer ou, à l’inverse,
freiner son développement »30
.
Ainsi, l’état d’esprit (« mindset » en anglais) et la culture d’entreprise sont également des paramètres
qui déterminent cette structure. En effet, on distingue très clairement deux manières de penser et
de fonctionner entre les entreprises de type « corporate » et celles de type « start-up ». Les premières,
caractérisées par une organisation hiérarchisée subissent une pression des objectifs de croissance,
une division des services et des règles rigides. Ces éléments brident la créativité car ils ne sont pas
propices à l’échange, à l’écoute ou encore au retour d’expérience. À l’inverse, les secondes,
caractérisées par une structure plus horizontale intègrent des pratiques comme le « brainstorming »
impliquant un certain nombre de personnes issues de tous bords et favorables à la génération
d’idées. Ces entreprises « nouvelle génération » ne sont pas coincées dans un carcan de règles et de
politiques. De même, des méthodes agiles et flexibles permettent aux start-ups de s’adapter,
rebondir à tout moment et transformer un échec, une erreur, en opportunité.
Par ailleurs ces deux types d’entreprises auraient également un rapport au temps tout à fait différent.
Ce critère aurait aussi un impact sur leur capacité à réagir face au changement.
Gilles Finchelstein, dans son ouvrage « La Dictature de l’urgence »31, pointe, cette accélération qui
caractérise nos sociétés contemporaines dans de nombreux domaines (renouvellement permanent
des collections de mode, obsolescence programmée en matière technologique...). Les jeunes
entreprises innovantes s’accoutument très bien de ce rythme extrêmement rapide car elles sont
nées dans ce contexte. Elles sont dans une démarche pro-active, prêtes à saisir des opportunités de
développement à tout moment. La start-up est donc moins attachée à son activité actuelle qu’à ses
perspectives de développement, voire de renouvellement. L’origine même de la construction de ce
type d’entreprise réside d’ailleurs dans une opportunité, une brèche présente à un instant T sur le
marché. Enfin, du fait de sa « jeunesse », elle ne dispose pas d’un « patrimoine » important. Il est
donc plus facile pour elle de se projeter dans le futur et d’oser investir de nouveaux marchés.
Alors que les entreprises dites « établies » se sont souvent construites sur des atouts puissants
intangibles : un savoir-faire, une histoire, un ADN, des lignes successives de produits/services
phares qui lui ont permis d’asseoir sa notoriété au fil du temps et qu’elle tend, de fait, à sacraliser.
C’est également en partie cela qui l’empêche de se réinventer. Une vision tournée vers le futur est
donc essentielle afin d’être « disruptif ».
30 Christensen, Clayton M., « The innovator's dilemma: when new technologies cause great firms to fail, Boston », Mass: Harvard
Business School Press, 1997, p.49
31 Gilles Finchelstein, « La Dictature de l’urgence », Fayard, 2011, p.43
16	
  
Ainsi ces entreprises traditionnelles, hier glorifiées, sont aujourd’hui en berne, perdent de la vitesse
face aux start-ups ou tout du moins au plus petite structure arrivant avec des innovations
« disruptives » et raflant des parts de marché en deux temps, trois mouvements. Fortement
concurrencées par ce nouveau type de structures, difficilement identifiables et prévisibles, les
entreprises ont un besoin urgent de « veiller » à ces perturbateurs.
Afin de repérer les potentiels concurrents, qui en général proposent des substituts bon marché à
leurs produits, dans le but d’attirer de nouveaux clients pour ensuite monter en gamme petit à petit,
les grandes entreprises ont mis en place des structures de veille afin de racheter les concurrents ou
pour s’appliquer à créer un nouveau produit plus innovants. Mais voilà, depuis quelques temps
cette version classique d’innovation de rupture semble un peu désuète. La rupture provient sur
plusieurs fronts et non plus d’acteurs du même secteur d’activité.
Ainsi, le modèle stratégique d’innovation de rupture auxquelles les entreprises se sont habituées et
organisées pour les contrer, présente une faille. On part du principe que les perturbateurs
commencent par proposer un produit moins cher et moins performant, pour s’attaquer aux
segments les plus rentables. Pendant ce temps-là, le leader du marché a le temps de voir le
concurrent arriver et de proposer de nouveaux produits pour le contrer. Mais le contexte a
considérablement évolué depuis. Cette concurrence ne vient plus du même secteur d’activité, ni
même de sociétés avec un « business model 32
» similaire et la pénétration des marchés se fait de façon
très différente et très difficilement identifiable. Ces nouveaux types de perturbateurs arrivent non
seulement à conquérir tous les segments mais aussi à proposer un produit technologiquement plus
performant et quasi gratuit, voire gratuit. Le cas de UBER est l’exemple le plus connu, un acteur
ne provenant pas du secteur des VTC a révolutionné le marché en un temps record en casant les
codes du secteur et proposant une offre plus attractive. On avait déjà constaté une évolution du
cycle des produits qui était de plus en plus court avec des produits beaucoup plus rapidement
matures et qui se faisaient déblayer pas de nouvelles technologies. Mais, aujourd’hui, ce ne sont
plus uniquement des produits mais des marchés entiers qui se voient anéantis ou alors des marchés
entiers qui émergent. Cela nous fait penser aux « grappes d’innovations » de Schumpeter, où chaque
vague d’innovation détruit des branches entières obligeant de nombreuses sociétés à fermer leurs
portes ou à se ré-inventer.
On peut re-prendre l’exemple de Uber avec sa croissance exponentielle pour illustrer ce propos.
La première année, Uber était une société de limousine à San Francisco avec une centaine de
voitures, la deuxième année, Uber était dans quatre villes avec un millier de voiture. La troisième,
elle avait plus de 100.000 voitures dans le monde. La quatrième année, plus d’un millier. Cette
32 Traduction : modèle économique
17	
  
année, Uber va passer à 3 millions de voiture alors qu’il y a tout juste sept ans, la société n’existait
pas. Il y a cinq ans, Uber était uniquement à San Francisco et aujourd’hui elle est présente dans
plus de soixante-cinq pays et la société est valorisée à plus de 50 milliards de dollars. La spécificité
de ce type d’acteurs réside dans la rapidité à laquelle ils se développent (aujourd’hui l’équipe de
développement d’Uber arrive à s’implanter dans une nouvelle ville en 48 heures), en une croissance
exponentielle difficilement prévisible, une offre moins chère tout en apportant un service plus
performant au consommateur. On ne parle pas ici d’innovation technologique mais une innovation
des façons de travailler.
Les grandes entreprises seraient ainsi, non seulement, dans l’incapacité d’apporter des innovations
de rupture mais aussi de les voir venir. Elles vont par nécessité, devoir créer des synergies à
l’extérieur de leurs murs.
2. Les nouvelles pratiques de l’innovation : de l’innovation
ouverte aux incubateurs
2.1 De l’émergence à la définition de l’innovation ouverte
Par essence même, il semble difficile d’imaginer que l’innovation soit un processus non ouvert.
Comme nous avions vu initialement, innover suppose apporter quelque chose de nouveau dans un
ordre déjà établi. La nouveauté est souvent nourrie par des éléments extérieurs. Comme l’explique
le professeur Lionel Rounel33
, « les grandes époques d’innovations de l’histoire de l’humanité se
sont souvent caractérisées par de grandes périodes d’ouverture ». De la Renaissance à l’exposition
universelle de 1900 en passant par la Belle époque lors de la seconde révolution industrielle,
l’ouverture au monde a souvent été un élément illuminateur qui a provoqué de belles étincelles
grâce aux brassages de cultures et des disciplines.
Mais pourquoi alors l’existence même de ce terme « d’innovation ouverte » a émergé ? Toujours
selon le professeur Lionel Rounel, la période d’après-guerre (comme nous l’avions constaté
précédemment) a vu se développer des grandes entreprises qui ont organisé et centralisé la
production industrielle et par conséquent des services de recherche et développement.
L’innovation est devenue la véritable force de ces entreprises et elles se sont ainsi retranchées dans
leur cloison en brandissant le fameux syndrome du « NIH » (Not Invented Here)34
. Leur raison d’être,
venait de leur capacité à intégrer et contrôler les activités de R&D au sein d’immenses laboratoires
de recherche et par conséquent tout élément externe était non grata. Mais un facteur de ressources
humaines a considérablement fait évoluer la donne. Selon Chesbrough, l’inventeur de l’expression
33 Martin Duval, Klaus-Peter Speidel, « Open Innovation », coll. Dunod, 208 p. 90
34 Traduction : pas inventé içi
18	
  
« open innovation »35
, un des éléments qui a contribué au déclin de ce modèle « d’innovation fermé »
est la disponibilité et la mobilité de travailleurs qualifiés, et notamment de chercheurs, qui s’est
considérablement accrue ces cinquante dernières années. Aucune entreprise ne peut désormais se
valoriser par rapport à la qualité de ses chercheurs puisqu’il y en a désormais des milliers et nous
sommes passés à un changement de posture de « nous avons les meilleurs » à « nous travaillons
avec les meilleurs »36
. L’autre facteur d’érosion mis en avant est l’essor considérable du capital-
risque, notamment aux Etats-Unis, qui investit massivement dans les créations d’entreprises et plus
concrètement dans les start-ups ou de « spin-off »37
. L’arrivée de nouveaux acteurs a ainsi fragmenté
un paysage qui était bien dessiné par quelques mastodontes de l’industrie.
Entre 2003 et 2011, Henry Chesbrough a publié quatre livres sur le thème de l’innovation ouverte.
Il la définit comme une nouvelle approche « basée sur un paysage de connaissances différents, avec
une logique différente, sur les sources et utilisations des idées. L’IO38
signifie que les idées
intéressantes peuvent provenir de l’intérieur ou de l’extérieur de l’entreprise et peuvent accéder au
marché à partir de l’intérieur ou de l’extérieur de la compagnie. Cette approche place les idées
extérieures et les voies extérieures d’accès aux marchés sur le même plan que celui réservé aux idées
internes et aux chemins internes d’accès au marché au cours de l’ère de l’innovation fermée »39
. La
particularité de l’IO, est qu’une innovation peut provenir aussi bien de ressources internes
qu’externes à l’entreprise. Ainsi, elle n’est pas vouée à remplacer l’innovation traditionnelle mais à
s’ouvrir à différents types de collaborations qui peuvent se faire aussi bien avec les fournisseurs, les
clients, les concurrents, les universités ou autres établissement supérieurs, le secteur public ou
encore avec des entrepreneurs et start-ups. Toujours selon Chesbrough, l’innovation ouverte
permet de faire une économie de gain sur le développement de nouveaux produits, de réduire les
cycles de développements et de générer de nouveaux revenus en optimisant des droits de propriétés
intellectuelles. Cette dernière démarche consiste, pour les entreprises, à valoriser leurs innovations
« dormantes » en les proposant à d’autres entreprises soit par des contrats relationnels (accord
R&D, « joint venture ») ou soit par des contrats transactionnels (licence). Nous sommes, dans ce cas
de figure, dans une modalité d’innovation « inside-out », c’est à dire dans une logique sortante à
contrario de la logique entrante (« outside-in ») où l’entreprise va capitaliser sur les R&D externes et
va les faire pénétrer à l’intérieur de sa structure. Nous allons exclusivement nous consacrer à cette
transaction « outside-in ». L’objectif de cette transaction, comme l’illustre très bien l’exemple de la
35 Traduction : innovation ouverte
36 Nouveau credo de Protecter & Gamble
37 Traduction : compagnie dérivée
38 Innovation Ouverte
39 Christensen, Clayton M., » The innovator's dilemma: when new technologies cause great firms to fail, » Boston,
Mass: Harvard Business School Press, 1997, p.53
19	
  
société biomédicale Merck que Chesbrough utilise, est d’aller puiser dans le gisement d’innovations
de l’autre côté de sa porte : « Merck représente environ un pour cent de la recherche biomédicale
dans le monde. Afin de puiser dans les autres 99 pour cent, nous devons activement tendre la main
aux universités, aux instituts de recherche et entreprises du monde entier pour apporter les
meilleures technologies et produits potentiels à Merck » 40
. Nous sommes passés, d’un paradigme
où tout ce qui relevait de l’externe était vu comme ennemi, à un paradigme où l’environnement
extérieur est vu comme une source inépuisable d’innovations.
Dans cette modalité « outside-in », sept axes d’innovations ouvertes peuvent être appliquées selon la
classification de Martin Duval et Klaus Speidel proposée dans « Open-Innovation ». 41
Les quatre premiers axes ont, comme base commune, la récolte d’idées auprès d’acteurs externes
ou interne, leur différence porte essentiellement sur la phase d’avancement du projet (il peut se
situer plus ou moins en amont) ou sur le type de problèmes à solutionner. Ainsi le premier axe,
concerne la résolution d’un problème de type technique ou technologique qui va être résolu par un
appel fait auprès de collaborateurs identifiés interne ou externe (fournisseurs, clients, etc.). Les
solutions vont être collectées via une plateforme institutionnelle ou alors exprimées sous forme de
concours. Le deuxième aspect est le concours d’idées qui, à la différence du premier ne va pas
répondre à un problème spécifique technique mais va plus être dans la récolte d’idées d’ordre
général. Le troisième « Boite à idées, portails & RSE » s’inscrit toujours dans cette même ligne, à la
différence qu’elle s’inspire de la version classique des boîtes à outils en la numérisant et où toute
personne, interne ou externe, peut y glisser des idées, suggestions d’améliorations pour un produit,
service. L’exemple le plus connu est la plateforme créée par Starbucks « My Starbucks Idea » qui
consiste à recueillir les avis, suggestions de la part des clients et ensuite de les mettre à contribution
au niveau interne, pour réfléchir à des nouveaux produits ou services.
Le quatrième axe, va consister à constituer une « communauté béta testeurs ». C’est-à-dire
rassembler une communauté d’utilisateurs qui va tester en avant-première les nouveaux produits
et services de la société en vue de recenser leurs retours et de faire évoluer les produits ou services
en fonction des commentaires. C’est une stratégie qui s’inspire d’une nouvelle approche théorisée
par Eric Ries (« Lean Start-up »42) et qui vise à créer de l’innovation continuelle en testant à chaque
étape de développement les hypothèses émises sur le produit ou service. D’où la nécessité de créer
une communauté d’utilisateurs. Orange a mis en place un site dédié à cet effet « Lab Orange ».
40 Ibid., p.78
41 DUVAL Martin, KLAUS-PETER Speidel, « Open Innovation », coll Dunod, 208 p. 90
42 Eric Ries, « Lean Startup », Pearson, 2011, p.67
20	
  
Les trois derniers modèles d’innovation ouverte diffèrent des quatre premières, par leurs pratiques,
mais vont notamment plus loin dans la démarche d’innovation ouverte. Ainsi un des modèle
consiste en l’« ouverture et partage des données pour stimuler les développeurs d’applications
autour de plateformes ouvertes techniquement par des « API » »43
Puis nous avons la « classique »
« corporate venturing » où l’entreprise va prendre des participations minoritaires dans des entreprises
existantes ou alors créer de nouvelles structures, comme des compagnies dérivées. Le dernier axe
est le sujet de notre mémoire, qui consiste à mettre en « œuvre un programme proactif et structuré
de partenariat avec des acteurs de type start-up, PME, entrepreneurs ou laboratoires de recherche »
et de les incorporer dans une structure d’incubation ou d’accélération.
Depuis plusieurs années, nous avons constaté un net engouement de la part des grandes structures
pour cette forme d’innovation ouverte. Nous allons nous pencher sur ce phénomène pour ensuite
nous concentrer sur notre corpus principal : Orange et son réseau « Orange Fab ».
2.2 Les programmes d’incubateurs
Deux constats : le premier est que la création d’entreprise prépare le renouvellement et l’adaptation
économique, c’est à dire le futur. Le deuxième, mis en avant par Catherine Leger Jarniou, est qu’il
est « reconnu que les entreprises qui ont bénéficié d’un appui pendant leur création sont plus
pérennes que les autres entreprises et que de plus, cet appui à un effet positif sur le développement
et la rentabilité des jeunes entreprises »44
. Par conséquent, l’accompagnement à la création
d’entreprises s’est considérablement développé au gré des interventions publiques. Il en est devenu
un métier et au fur et à mesure, différents acteurs publics et privés se sont accaparés le sujet pour
en faire leur spécialité. Aujourd’hui, ces structures d’accompagnements de jeunes entreprises
prennent souvent l’appellation d’« incubateur », même si parfois les termes peuvent varier, comme
nous allons voir.
Avant de rentrer plus en profondeur sur la mission de l’incubateur et plus particulièrement de
l’incubateur d’entreprises, nous allons nous arrêter sur la définition du mot « incubateur ». D’après
le petit Larousse, l’incubateur est un « appareil servant à l’incubation artificielle des œufs de poule,
d’oie », c’est un synonyme du mot couveuse. On retient notamment la notion « artificielle » qui
sous-entend une relation de dépendance et d’assistante de l’élément incubé à l’appareil. Sans
l’incubateur, l’élément serait en situation de difficulté, sa vie pourrait être menacée ou tout du moins
sa croissance pourrait en être altérée. Cette expression, comme nous allons l’exploiter dans notre
43 API est un acronyme pour « Applications Programming Interface »
44 Leger-Jarniou Catherine, « Accompagnement des créateurs d'entreprise : regard critique et propositions », Marché et
organisations 1/2008 (N° 6), p. 73-97
21	
  
mémoire, nous vient tout droit des Etats-Unis. Raison pour laquelle j’ai voulu prendre une
définition anglaise du terme incubator : « An enclosed apparatus in which premature or unusually small babies
are placed and which provides a controlled and protective environment for their care »45
. Cette définition fait
ressortir d’autant plus la notion de « protection », « environnement protégé et protectif ». La relation
de dépendance vis-à-vis de l’incubateur est encore plus forte ainsi que la fragilité de l’élément
incubé.
Dans le cadre de notre sujet, les incubateurs sont définis comme « des structures d’appui à la
création d’entreprises. Ils réunissent des ressources spécialisées dédiées à l’accompagnement et
l’assistance des entreprises avant leur création ou dans les premières années de leur vie »46
, selon la
définition que l’on retrouve dans le rapport de recherche de la Chambre de Commerce de Sophia
Antipolis. Le Petit Larousse rajoute une définition économique qui le lie directement aux grands
groupes : « Structure créée par des grands groupes, réunissant des start-ups dont ils financent le
lancement ou dans lesquelles ils prennent des participations pour en favoriser la croissance »47
. Ce
que l’on retient de ces définitions, c’est la notion d’accompagnement et d’assistance.
Lors de nos recherches, on a constaté plusieurs terminologies liées à l’incubation, on parle de
« pépinière », « ruche », « couveuse », qui désignent une structure d’appui après la création. Nous
avons ensuite le terme « accélérateur » qui, lui, désigne l’entreprise à une phase de développement
déjà plus avancé, qui a déjà fait ses preuves sur le marché et qui va vouloir préparer sa première
levée de fonds. Par contraste, l’incubateur se situerait plus en amont dans la phase de
développement de l’entreprise. Pour Jérôme Gonthier48
, « l’incubateur a pour mission
d’accompagner un entrepreneur dans le processus de validation d’une nouvelle idée d’affaires »
tandis que l’accélérateur « accueille des entreprises en phase de pré-commercialisation et les
accompagne dans la formalisation des opérations et des canaux de ventes, en plus de mobiliser un
réseau pour accélérer leur processus de mise en marché »49
. L’incubateur est donc un outil
d’exploration alors que l’accélérateur appuie surtout l’exploitation de l’entreprise en démarrage.
45 Définition de Oxford Dictionnaries en ligne : http://www.oxforddictionaries.com/definition/english/incubator
Traduction : Un dispositif clos dans lesquels prématurés ou des nourrissons particulièrement petits sont placés et qui
offre un environnement contrôlé et protectif, adéquat à leur besoin.
46 Philippe Albert, Michel Bernasconi, Lynda Gaynor « Les incubateurs, émergence d’une nouvelle industrie. Comparaison de
leurs acteurs et de leurs stratégies », rapport de recherche de la chambre de commerce de Sophia Antipolis, 2004
47 Définition du Larousse en ligne : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/incubateur/42436
48 Gonthier Jérôme, « Incubateurs et accélérateurs : comment faire tomber les barrières entre les grandes entreprises
et les communautés d’entrepreneurs », Gestion 2/2016 (Vol. 41), p. 66-69
49 Ibid., p. 67
22	
  
Pour simplifier, nous adopterons le terme incubateur, selon la terminologie anglo-saxonne plus
générique « incubator »50
, pour désigner les structures d’accueil avant et après la création d’entreprise,
et nous viendrons sur la nuance des termes lorsqu’elle nous semblera pertinente pour l’analyse.
Deux vagues de créations d’incubateurs51
ont eu lieu en France. La première correspond à la
fragmentation du paysage industriel français dans les années 80 avec l’essor de création de petites
entreprises. Initialement les initiatives ont été d’ordre individuel et local, suivies de près par
l’intervention des pouvoirs publics. Les collectivités locales y ont vu rapidement un levier de
croissance économique. De nombreuses subventions ont été prévues pour soutenir ces initiatives,
pour ensuite être relayées à un niveau national et européen. La deuxième vague quant à elle, a eu
lieu au début des années 2000 avec l’émergence d’Internet. Initialement, des programmes
d’incubation sont nés dans le milieu académique puis les incubateurs d’entreprises ont suivi. Les
Etats-Unis ont été précurseur avec 350 incubateurs recensés en Octobre 2000, alors que selon une
étude de Harvard Business School52 il y en avait uniquement 24 à la fin des années 90. Aujourd’hui
on compte 1200 incubateurs d’entreprises selon le National Business Incubation Association avec
plus de 41000 start-ups. En France, 228 incubateurs sont référencés mais on ne connaît pas la
proportion des incubateurs issus des entreprises. Face à cet engouement pour les incubateurs, on
peut parler d’un vrai phénomène de rationalisation du processus de fabrication des start-ups et
même « d’industrialisation »53
.
On compte, ainsi, quatre grandes typologies d’incubateurs : l’incubateur de développement
économique local, l’incubateur institutionnel académique et scientifique, l’incubateur issu
d’entreprises et le dernier, l’incubateur privé. Mais globalement chaque famille d’acteurs marchands
ou non marchands a créé son programme d’incubation, associations et fondations comprises. Mais
à quoi servent ces programmes d’incubation et en quoi consistent-ils ? Comme nous l’avons vu, la
fonction principale, la raison d’être de ces incubateurs est d’accompagner les jeunes entreprises
dans leur développement et, pour y parvenir, ils interviennent dans six domaines, même si en
fonction des incubateurs, ils peuvent évoluer. Les six domaines d’interventions sont les suivants :
finances (aide à la levée de fonds, aide à l’accès aux subventions publiques ou dotations
financières…), humains et éducationnel (accès à des experts, tutorat, formation, réseaux…),
50 Traduction : incubateur
51 Philippe Albert, Michel Bernasconi, Lynda Gaynor. « Les incubateurs, émergence d’une nouvelle industrie. Comparaison de
leurs acteurs et de leurs stratégies », rapport de recherche de la chambre de commerce de Sophia Antipolis, 2004
52 Ibid., p. 10
53 Ibid., p.11
23	
  
physique (hébergement de l’entreprise, accès wifi…), organisationnel (accompagnement dans la
démarche à suivre pour la création d’entreprises), technologique (conseil sur le produit, service…).
2.3 Les incubateurs d’entreprises
Le lien entre les start-ups et les grands groupes n’est pas forcément facile à établir. Des acteurs qui
diffèrent par leurs structures, leurs procédés décisionnels et par un rapport au temps qui n’est pas
le même pour un grand groupe et une start-up. Le principal obstacle mis en évidence dans une
étude de l’agence Fabernovel54
est que, pour 54,8% des start-ups, la prise de contact avec un grand
groupe est difficile. Ainsi deux startups sur trois ne sont pas en relation avec un grand groupe à
cause d’une démarche complexe et d’une communication difficile. Souvent, c’est la difficulté de
trouver le bon interlocuteur qui semble être le principal obstacle comme explique Inès Gaisset,
fondatrice de Seat-e « Lorsqu’on rentre en relation avec un grand groupe, c’est un labyrinthe pour
trouver les bonnes personnes » Ainsi, un des rôles des incubateurs d’entreprises, va être de faciliter
la mise en relation de ces deux acteurs.
La spécificité des incubateurs d’entreprises est qu’elle doit répondre à un double objectif celui
d’irriguer l’innovation au sein de leur groupe en faisant monter en interne les innovations apportées
par les start-ups, et celui d’accompagner les start-ups dans leur développement en leur apportant
les ressources nécessaires. Pour se faire, les incubateurs vont sélectionner des start-ups en lien avec
leur domaine d’expertise afin de mettre en relation les différents services de l’entreprise mère avec
celui des start-ups dans l’objectif d’y conclure des partenariats.
Les domaines d’intervention des incubateurs que nous avons listés plus en haut sont globalement
les mêmes que celles des incubateurs d’entreprises. On constate parfois des services additionnels
tels qu’un « accès à des clients pour tester le produit ou service », des « opportunités de
communications »55
, ou des études. Mais, mis à part les côtés plus techniques, les start-ups viennent
aussi chercher auprès des programmes d’incubation des grands groupes, de la légitimité et de la
crédibilité. Ainsi, toujours selon l’agence Fabernovel, qui a mené une enquête auprès de quatre
vingt dix start-ups sur la relation entre les grands groupes et les start-ups, les principaux apports
que les start-ups recherchaient auprès des grands groupes étaient de gagner une meilleure
crédibilité. En effet, Karim Messeghem et Sylvie Sammut, dans leur étude sur « l’accompagnement
du créateur : de l’isolement à la recherche de légitimité », mettent en avant que le créateur a un
54 Institut Fabernovel, « Quelle relation entre start-ups et grandes entreprises », 20 Juin 2014
55 Op. cit. 41, p. 90
24	
  
besoin crucial de reconnaissance par la profession afin d’accéder à des ressources et des
informations lui permettant de sortir de son isolement. La pérennité de la jeune entreprise en
dépend puisque cette légitimité leur permet « d’engager des relations avec d’éventuels clients ou
fournisseurs » (…) et « la structure d’accompagnement est pourvoyeuse de confiance, d’image de
marque positive, de réputation, donc de lisibilité et de légitimité pour le nouvel arrivant
généralement déficitaire dans la matière ». La jeune entreprise dépourvue alors de passé, qui lui
apporterait la crédibilité nécessaire à sa reconnaissance, va aller la puiser dans une structure qui est
déjà bien enracinée et qui a démontré sa solidité.
Un partenariat « gagnant-gagnant » : lors de mon analyse de contenu et dans la rhétorique utilisée
par les grands groupes ainsi que par les pouvoirs publics, j’ai observé que le partenariat « gagnant-
gagnant » était souvent évoqué comme un prérequis à cette relation entre start-ups et grands
groupes. Que ce soit lors de mes entretiens avec des start-ups incubées chez Orange Fab, que lors
de la « Lead Manager » de chez Orange Fab le discours est le même, il faut qu’il y ait « un intérêt
pour Orange et un intérêt pour la startup, c’est vraiment du win win »56
. Même si nous sommes
amenés à questionner cette expression ultérieurement, il est important de souligner que cet aspect
« gagnant-gagnant » est vu comme une condition sine qua non à une relation pérenne et au bon
fonctionnement de l’incubateur. Les rôles doivent être bien définis et chaque partie doit savoir ce
qu’elle y cherche. Les start-ups viennent clairement chercher des partenariats, du réseau et de la
crédibilité auprès des grandes structures. Et ces dernières, viennent « puiser l’innovation à la
source » pour leurs services et produits mais aussi pour acquérir un état d’esprit et une façon de
travailler. Travailler avec les start-ups serait « disposer d’un outil formidable pour « acculturer » ses
collaborateurs à l’innovation ». On va à la source et on s’inspire !
La France, depuis une dizaine d’années a connu « une incubation mania de grands groupes » pour
reprendre le terme journalistique de Capucine Cousin et Gilles Wybo. Ils sont nombreux à s’y être
mis : Axa, Microsoft, Nike, JC Decaux, SNCF, Orange, La Poste, Google, SFR, Renaud, Total,
TF1, Publicis…pas un seul grand groupe semble échapper à la contamination. On distingue aussi
les « incubateurs multi-corporate » tel que « Welcome City Lab » : incubateur spécialisé dans le
tourisme où différents acteurs du secteur se sont réunis comme Galeries Lafayette, Amadeus,
Skyboard, Aéroports de Paris et Sodexo Prestige. Mais Orange est un des précurseurs, il avait déjà
implanté une de ces unités de recherche et développement dans le temple de l’innovation, à la
Silicon Valley, pour être en contact direct avec tout l’écosystème des start-ups et tout acteur externe.
56 Traduction : « gagnant-gagnant »
25	
  
Ainsi, à travers le cas d’Orange, nous allons nous pencher sur la rhétorique de l’innovation ouverte
dans l’objectif de comprendre si elle répond à une vraie volonté d’innover aux côtés de start-ups
ou si c’est uniquement une stratégie communicationnelle de la marque.
B.UNE ENTREPRISE EN INNOVATION
« On a souvent besoin d’un plus petit que soi », disait Jean de La Fontaine, dans le « Le Lion et le
rat ». Orange l’a bien compris et a mis en place tout un arsenal de dispositifs pour attirer et
sélectionner les start-ups dans l’objectif d’accéder aux innovations numériques de demain. Dans
cette partie, nous allons présenter notre corpus principal et les dispositifs mis en place pour ensuite
évaluer leurs incubateurs. L’objectif est ainsi de répondre à notre première hypothèse, qui suppose
que dans un contexte très concurrentiel, avec des cycles de produits de plus en plus courts, les
entreprises ne seraient plus à mêmes d’innover uniquement par elles-mêmes. Dans une démarche
d’innovation ouverte, elles mettent en place des programmes d’incubateurs pour attirer et
collaborer avec les start-ups.
1. Présentation du corpus, contexte et méthodologie
1.1 Les ambitions stratégiques du groupe Orange
Tous les cinq ans, Stéphane Richard à la manière d’un Steve Jobs à la française, expose la stratégie
du groupe. Si le plan « Conquêtes 2015 » misait sur l’expansion internationale et un nouveau contrat
social en interne, le plan « Essential 2020 » se tourne résolument vers l’expérience client et veut
devenir le premier opérateur à l’ère internet. Énoncé sous la monumentale Nef du Grand Palais en
Juin 2015, les ambitions à venir sont clairement tournées vers le client : « nous voulons faire vivre ̀à
chaque client une expérience incomparable au quotidien. Nous voulons que nos clients profitent
en toute confiance de la révolution numérique, avec une qualité́ de service exemplaire dans tous les
lieux qui comptent pour eux. Nous voulons qu’ils soient reconnus dans toutes leurs interactions
avec Orange, qu’ils bénéficient d’offres et de services personnalisés. Nous voulons leur faire
découvrir de nouveaux usages digitaux à la pointe de l’innovation pour enrichir et faciliter leurs
vies. Cette approche centrée sur les attentes de nos clients et la qualité́ de l’expérience Orange nous
permettra de nous différencier et de retrouver la croissance. »57
57 Communiqué de presse d’Orange, « Essentiels 2020, le nouveau plan stratégique d’Orange », 17 mars 2015
26	
  
Cinq leviers identifiés sont à retenir : offrir une connectivité enrichie, réinventer la relation client,
construire un modèle d’employeur « digital et humain » 58
, accompagner la transformation du
« client entreprise » 59
et enfin diversifier en capitalisant sur les actifs.
Sur l’axe de la diversification d’Orange, le groupe souhaite se focaliser sur les objets connectés et
les services banquier, on retrouvera ces domaines dans les start-ups sélectionnés par le programme
Orange Fab. Un gros focus aussi sur la partie B to B60
avec comme objectif « de faire croître de 10
points la part des services IT dans le mix de revenus d’Orange Business Services d’ici à 2020 »61
en
misant sur quatre domaines principaux : les outils de travail des salariés – mobiles, collaboratifs et
flexibles puis sur l’amélioration des processus métiers, en particulier grâce aux applications et objets
connectés, en troisième : le cloud privé et hybride pour les multinationales et enfin la cyber défense.
Pour parvenir à ses objectifs, le groupe affiche son projet de s’appuyer sur l’innovation ouverte et
plus précisément sur les start-ups. Avec l’ambition de soutenir plus de 500 start-ups d’ici 2020 par
ses différents programmes d’innovation ouverte, Orange veut « systématiser une vision ouverte de
l’innovation »62
. Les start-ups et les développeurs sont vus comme les avant-gardistes des nouvelles
tendances du marché. Mais plus concrètement, Orange développera, grâce aux start-ups, des
missions pilotes sur de nouveaux marchés, tester de nouveaux services, signer des contrats
commerciaux avec de nouveaux fournisseurs et trouver tout un nouveau vivier de clients en
devenant le fournisseur du « cloud » de ces multitudes de start-ups.
Nous avons choisi comme corpus principal le groupe Orange et son accélérateur Orange Fab.
Nous allons, dans un premier temps, faire un panorama de l’écosystème des dispositifs de
l’innovation ouverte chez Orange pour ensuite faire un focus sur Orange Fab, ceci nous permettra
de mieux élucider la démarche du groupe Orange dans l’innovation ouverte.
1.2 L’écosystème de l’innovation ouverte d’Orange
Né au cœur de la Silicon Valley en 2013, Orange Fab est issu d’une démarche d’Orange Silicon
Valley devenu Orange Lab depuis. Il est un des centres de développement d’Orange, implanté dans
la région californienne depuis quinze ans, qui a comme objectif de « capter les dernières tendances
et les meilleures initiatives dans le monde », c’est à dire de développer essentiellement une activité
58 Communiqué de presse Orange « Essentials2020, Orange ’s new strategic plan »
59 Ibid., 52
60 Acronyme pour : « Business to Business » c’est à dire « d’entreprise à entreprise » qui s’oppose à la vente
d’entreprise au consommateur.
61 Ibid., 52
62 Dossier de presse Orange « L’open Innovation », Sylvie Duho, Emmanuel Gauthier et Olivier Emberger
27	
  
de veille. Puis en 2008, toujours depuis la Silicon Valley, Orange Institute a été créé afin de faire
converger « leaders d’opinion, entrepreneurs, investisseurs, chercheurs et visionnaires de tous
horizons ». Aujourd’hui, « Orange Institute » est rattaché au siège social du groupe Orange à Paris.
Des voyages sont organisés dans différents endroits du globe reconnus comme des lieux
d’innovation. Le dernier en date était en Israël ou différents dirigeants de grandes sociétés sont
allés à la rencontre de jeunes start-ups réunis autour d’un thème lié aux innovations numériques.
Une autre structure, toujours implantée dans la Silicon Valley, est « Fab Force » qui réunit tout un
réseau de partenaires et de clients d’Orange dont le but est de leur faire accéder aux start-ups
accélérées chez « Orange Fab » en vue de potentiels partenariats commerciaux. Et enfin, il y a
« Orange digital ventures », le fonds d’investissement du groupe, et qui vise à « faire émerger les
services, les technologies et les modèles économiques qui définiront l’opérateur digital de demain ».
Tout un tas d’autres initiatives, liées aux innovations numériques, se sont développées en
coopération avec d’autres acteurs publics ou privés comme « Orange Gardens », un « eco-campus
de l’innovation », le Numa à Paris ou encore le prix de l’entrepreneur social en Afrique et le
programme de développeurs d’Orange en Tunisie. Plus d’une vingtaine de dispositifs ont été
comptabilisés dans le monde entier, sans mentionner tous les projets développés en interne
d’Orange (les programmes d’intraprenariats).
Pour résumer les principaux dispositifs, voici un petit schéma récapitulatif :
28	
  
1.3 Méthodologie
L’objectif de ce mémoire est de distinguer d’une part ce qui appartient à la stratégie d’innovation,
de ce qui relève de la rhétorique de la marque. Analyser la rhétorique de la marque appartient aux
sciences de l’information et de la communication et consiste à déconstruire le discours de marque
pour ensuite l’analyser. La stratégie de l’innovation quant à elle, est plus difficilement détectable
puisqu’on se situe au cœur de leur stratégie d’entreprise où les données ne sont pas forcément
accessibles. Pour traiter cette partie, il a fallu comprendre si le programme d’accélération de mon
corpus était viable, c’est à dire s’il avait les mêmes objectifs qu’un autre accélérateur (n’appartenant
pas à une entreprise) et si ces objectifs étaient atteints. La difficulté est qu’il existe très peu d’études
sur les accélérateurs et que nous n’avons pas trouvé de définition ou surtout de grille d’évaluation
pour estimer si un accélérateur rempli dument son rôle.
Pour arriver à nos fins, nous avons entrepris trois démarches : une étude qualitative, une étude
quantitative et enfin une analyse comparative.
L’étude qualitative :
L’objectif de ma démarche qualitative individuelle a été d’apprendre plus en profondeur la mission
de Orange Fab mais aussi de distinguer ce qui est de l’ordre de la rhétorique de la marque à la
stratégie d’innovation à proprement parlé. L’objectif étant double, j’ai entrepris à la fois un entretien
exploratoire et un entretien en profondeur. Ce dernier a pour ambition selon Jean-Luc Giannelloni
et Eric Vernette63
d’identifier les motivations et les freins mais aussi d’explorer l’inconscient via des
champs disciplinaires relevant de la psychanalyse, de la psychologie de la sociologie et du marketing.
Alors que l’entretien exploratoire a pour objectif de se familiariser avec un milieu et d’accéder à des
informations.
Dans une démarche qualitative, l’échantillon ne vise pas la représentativité. Le sujet central
concerne le programme d’accélération Orange Fab et sa viabilité. Les seuls critères retenus étaient
d’être en lien avec l’accélérateur et/ou l’écosystème d’innovation ouverte d’Orange et que la moitié
des personnes interrogées soient des personnes salariées du groupe Orange pour recueillir les
informations et le discours du groupe sur le sujet. Et l’autre moitié, des personnes qui par leurs
start-ups avait intégré le programme d’accélération d’Orange Fab.
La taille de l’échantillon était de six personnes et l’entretien semi-directif a été retenu en raison de
son caractère de discussion « non structurée » et de sa durée variant d’une à deux heures.
L’enquêteur est en retrait, l’interviewé au centre de l’investigation. Le recrutement des personnes
63 Vernette Eric et Jean-Luc Giannelloni, « Etudes de marché », Magnar-Vuibert, aout 2012, p.98.
29	
  
s’est fait par le réseau professionnel en ligne « LinkedIn » sur lequel j’ai d’abord contacté : Pascale
Diaine qui se définit sur les réseaux sociaux à la fois « Lead Manager d’Orange US » c’est à dire
directeur d’Orange Fab aux Etats-Unis et « évangéliste à Orange Silicon Valley » (nous étudierons
la notion d’évangéliste dans la deuxième partie du mémoire) et qui, suite à la présentation de ma
démarche, m’a invité à une journée de « Démo Day ». Cette journée permet aux start-ups d’Orange
Fab US de la saison cinq de venir présenter leurs start-ups aux unités d’affaires d’Orange à Paris et
au réseau de partenaires d’Orange. En me rendant au « Démo-day », qui avait lieu au siège social
d’Orange à Paris, j’ai eu l’occasion d’interroger les fondateurs de deux start-ups présentes : Spinnakr
et Bitwage. Spinnakr, spécialisé dans un produit d’analyse de streaming64
, et Bitwage, spécialisé dans
une plateforme qui gère toutes les démarches administratives entre indépendants. J’ai pu interroger
aussi Pascale Diaine, le lendemain dans un environnement extérieur, un café parisien. Et par la
suite, j’ai pu m’entretenir avec Julie Leclercq, développement d’affaires pour Orange Fab, qui
s’occupe de mettre en lien les start-ups aux unités d’affaires d’Orange ainsi que Laurence Lemoine,
par entretien téléphonique, responsable de Orange Institute et directrice de la communication et
de la marque chez Orange. Enfin, la dernière start-up interrogée par vidéo conférence, est une
start-up française accélérée chez Orange Fab France : CBien.com où j’ai recueilli le témoignage de
deux personnes : Marine Chambron, responsable marketing et partenariat et Landy, ancienne
stagiaire chez Orange Fab France et actuellement commerciale chez CBien.com 65
Étude quantitative :
La deuxième procédure a été d’élaborer une petite étude quantitative auprès des start-ups qui ont
participé au programme d’accélération d’Orange Fab. Et en parallèle, de créer un tableau
comparatif des différents programmes d’accélération. L’objectif est de pouvoir définir, suite aux
résultats obtenus, si l’accélérateur d’Orange a accompli sa mission en tant qu’accélérateur et si les
promesses mises en avant par Orange Fab ont été respectées.
Pour réaliser cette étude quantitative, il a d’abord fallu réaliser une grille avec les critères principaux
qui définissent un accélérateur et ses objectifs, pour ensuite élaborer le questionnaire. Pour créer
cette grille d’analyse, nous sommes partis des six domaines d’interventions des incubateurs
précédemment définis (financier, humain et éducationnel, physique, organisationnel et
technologique). Si l’accélérateur reprend certains de ces critères, il s’en différencie, car l’état de
l’avancement de la start-up accélérée n’est pas la même que celui de celles qui sont incubées, les
objectifs ne sont pas les mêmes. Les premiers accélérateurs sont arrivés en 2005 aux Etats-Unis.
Leur précurseur le plus reconnu est : « Y combinator ». Créé, entre autres, par Paul Graham, « Y
64 Traduction : diffusion en temps réel
65 Tous les entretiens sont retranscrits dans l’annexe 4
30	
  
Combinator », fournit un capital d'amorçage, des conseils et des mises en relation au cours de deux
programmes annuels de 3 mois. En échange « Y Combinator » prend 6% des capitaux de la société.
Sa mission est de préparer la start-up pour qu’elle ait les armes nécessaires pour lever des fonds
devant des investisseurs. Les trois mois se concluent par une journée où start-ups et investisseurs,
partenaires financiers et tout acteur susceptible d’investir dans la société, se rencontrent. On
comprend que l’objectif d’un accélérateur est de rendre la start-up financièrement indépendante.
Deux façons d’y parvenir : soit la start-up lève des fonds, soit elle conclut des partenariats
commerciaux. C’est dans cette deuxième fonction que les accélérateurs d’entreprises se sont
spécialisés : apporter des contrats commerciaux avec l’entreprise mère mais aussi avec d’autres
entreprises afin que la start-up ne soit pas uniquement un fournisseur de l’entreprise par qui elle
est accélérée. Dans l’entretien réalisé avec Pascale Diaine, nous retrouvons deux points essentiels :
celui de réseau, introduire les start-ups à un réseau afin de leur permettre de réaliser une levée de
fonds par la suite : « on aide les startups avec le « fundraising »66
, on aide les startups en les
introduisant aux bonnes personnes, en leur offrant un voyage à Paris, on les met en relation avec
les bonnes personnes »67. Le deuxième objectif est que la start-up devienne indépendante et pas
uniquement un fournisseur d’Orange : « Mon objectif est que la startup ne devienne pas qu’un
supplier68
d’Orange ; c’est ce qu’il y a de plus dangereux c’est qu’elle ne serve qu’Orange, on veut
absolument éviter ça »69.
On retient deux axes essentiels : la dimension financière qui peut être réalisée en deux points, soit
par la levée de fonds, soit en signant des contrats commerciaux avec l’entreprise offrant le
programme d’accélération mais aussi avec d’autres entreprises. Puis la dimension humaine, c’est à
dire sur la capacité à mettre en réseau, l’accompagnement personnalisé et tout autre type de
formation.
Donc, ma grille d’analyse comprend ces deux dimensions pour juger l’efficacité d’un accélérateur :
le caractère financier et le caractère humain (conseils et réseau). J’ai ensuite rajouté une dimension
ressources humaines, car elle me semble intéressante pour comprendre l’évolution de la taille de
l’entreprise dans la mesure où il est connu que les accélérateurs très côtés comme « Y Combinator »
permettent ensuite de recruter des personnes de très haut niveau. Et l’autre dimension qui me
semblait intéressante à rajouter est celle de la « crédibilité ». Nous avions vu dans la partie deux sur
les incubateurs, que les jeunes entreprises dépourvues d’histoire et de légitimité dans leur
66 Traduction : levée de fonds
67 Annexe 4, Entretien n.2, p. 7
68 Traduction : fournisseur
69 Ibid., 67, p.9
31	
  
environnement, venait rechercher de la crédibilité auprès des incubateurs. Ainsi sur ces différentes
dimensions, j’ai pu créer mon questionnaire70. Il comprend dix questions qui sont les suivantes :
1. Combien d'accords commerciaux avez-vous conclu avec des Business Units d'Orange
grâce à Orange Fab ?
2. Combien d'accords commerciaux avez-vous signé (ou vous êtes sur le point de signer) avec
des partenaires d'Orange grâce à Orange Fab ?
3. Avez-vous levé des fonds grâce à Orange Fab ?
4. Combien de personnes avez-vous recrutées grâce à Orange Fab ?
5. Qu’est-ce qu’Orange vous a apporté d’autre ?
6. Comment jugez-vous la qualité de l'accompagnement d'Orange Fab (conseils personnalisés
et qualité des mentors) ?
7. Qu’est-ce qu’Orange Fab vous a permis de réaliser que vous n'auriez pas pu faire sans
intégrer ce programme ?
8. Conseillerez-vous à une autre start-up de postuler au programme d'accélérateur d'Orange
Fab ?
9. Orange Fab a-il été un accélérateur pour votre business ?
10. Estimez-vous qu'Orange Fab vous ait apporté de la crédibilité dans votre secteur d’activité ?
La méthode de l’échantillonnage a été simple puisque la dimension de mon étude est définie par
les start-ups qui ont participé au programme d’Orange Fab France depuis la création de
l’accélérateur, et qui se limite à 24 start-ups. J’ai ainsi pu envoyer ce questionnaire à 24 start-ups par
internet. J’ai choisi comme méthode de recueillement : internet et j’ai alterné questions ouvertes et
questions fermées. Les questions fermées me permettent de quantifier les réponses et donc de les
ramener à des pourcentages ; les questions ouvertes, de recueillir quelques verbatims pour nourrir
ma réflexion et voir s’il y avait d’autres dimensions que je n’avais pas prises en compte dans mon
analyse.
La troisième démarche a été de créer un tableau comparatif71 de différents programmes
accélérateurs reconnus. J’ai ainsi comparé six programmes d’accélérateurs, trois français les plus
réputés en France qui sont Le Camping, 50 partners et Numa, et deux américains Y Combinator
et Tech Stars, les plus reconnus dans le monde avec celui de Orange Fab. Je les ai comparés par
rapport aux six dimensions suivantes : durée, financier, humain, physique (espace de travail),
organisationnel, gratuité ou non du programme et j’ai rajouté une case « autre » pour les éléments
ne rentrant pas dans les autres dimensions.
70 Questionnaire disponible dans l’annexe 1, p. 2
71 Tableau comparatif disponible dans l’annexe 1, p.13
32	
  
2. Orange Fab, un accélérateur
2.1 Orange Fab, mission et fonctionnement
Comme nous avons vu précédemment, l’objectif du groupe Orange vis-à-vis des start-ups est très
ambitieux : investir et/ou travailler avec plus de 500 start-ups d’ici 2020. Aujourd’hui, le réseau
Orange Fab, organisé autour de dix structures réparties sur quatre continents : Afrique, Amérique
du Nord, Europe et en Asie, a recruté dans son programme plus de 150 start-ups. Deux fois par
an, chaque structure d’Orange Fab, sélectionne, en moyenne quatre à sept start-ups. La sélection
de la start-up se fait en fonction de l’intérêt potentiel d’une des unités d’affaires d’Orange dans la
start-up. L’équipe de l’accélérateur, va ensuite vérifier l’intérêt de la start-up auprès d’autres grands
groupes présents dans Fab Force. Julie Leclercq d’Orange, en charge des partenariats entre les
unités d’affaires et les start-ups, nous explique cette phase de recrutement : « En fait, on essaie
d’équilibrer le tout car le but est quand même d’apporter de nouvelles technologies pour Orange
car on travaille chez Orange mais parfois c’est déjà arrivé qu’on prenne des start-ups qui n’avaient
pas forcément de tractions chez Orange mais il y en avait chez les partenaires » 72
, Orange Fab va
notamment sélectionner des start-ups dans les domaines de prédilection du groupe c’est à dire en
lien avec leur stratégie d’entreprise. Nous avons vu précédemment dans le plan Essentials 2020 que
le groupe Orange souhaite diversifier ses actifs en se dirigeant vers des secteurs comme les objets
connectés, les services financiers, la cyber-défense, le SAS73
et le cloud74
, l’analyse de data et tout ce
qui tourne autour des outils de travail des salariés, c’est à dire tout ce qui est en lien avec les
ressources humaines et le recrutement, ainsi que tous les produits financiers ou non en lien avec
l’Afrique.
George Nahon, CEO d’Orange Silicon Valley et d’Orange Institute, explique à travers le schéma
des « 3 Ns » de quelle façon ils classifient les starts-ups. Il catégorise ainsi les start-ups en 3 groupes :
le « Now », le « New » et le « Next ». Le « Now », « maintenant » en anglais, et le « Next », « après »,
correspondent à des investissements en synergie avec le cœur de l’activité de l’entreprise. Le « Now »
implique d’investir dans des produits, services, expertises qui vont permettre d’améliorer l’efficacité
72 Annexe 4, entretien n.5, p.15
73 Acronyme pour « Software as an Service » c’est à dire « le logiciel en tant que service, est un modèle d'exploitation
commerciale des logiciels dans lequel ceux-ci sont installés sur des serveurs distants plutôt que sur la machine de
l'utilisateur » d’après la définition de wikipédia
74 Définition du Cloud : « Le cloud computing, ou l'informatique en nuage ou nuagique ou encore l'infonuagique, est
l'exploitation de la puissance de calcul ou de stockage de serveurs informatiques distants par l'intermédiaire d'un
réseau, généralement internet » d’après la définition de Wikipédia
33	
  
et l’opérationnel de leur entreprise. Le « New » c’est ce que les entreprises utiliseraient si c’était
disponible maintenant, ce qu’elles veulent et ce qu’elles vont aller se procurer via des start-ups ayant
déjà travaillé sur ces produits. Alors que le « Next » prépare l’entreprise à aller vers de nouveaux
domaines. Le « Next » ne consiste pas à investir dans de nouveaux produits mais plutôt vers des
plateformes digitales qui permettront de créer de nouveaux types d’économie et de nouvelles
transactions entre le consommateur et le fournisseur.
Le programme d’Orange Fab a été inspiré par celui de « Y Combinator » comme Pascale Diaine
l’explique dans son entretien. La durée du programme dure trois mois au cours desquels les start-
ups vont bénéficier d’accompagnements aussi bien physiques (des bureaux de partage sont mis à
leur disposition) qu’immatériels qui consistent en un accompagnement personnel et en groupe par
des experts internes du groupe Orange mais aussi externes. Au total, vingt deux évènements avec
deux sessions de mentoring75
par semaine.
L’objectif affiché sur le site internet d’Orange Fab est de signer au moins un « partenariat
commercial entre « business units »76
et start-ups » sans qu’elle devienne uniquement un fournisseur
d’Orange. L’ambition de Pascale Diaine va plus loin, elle souhaite miser sur des « unicorns »77
. « L’idée
est de miser sur des startups qui vont exister d’elles-mêmes, elles n’ont pas besoin d’Orange pour
exister et ça c’est très très important »78. Leur ambition, est donc non seulement que la start-up
signe un partenariat avec Orange, mais qu’elle en signe avec d’autres groupes dont l’intérêt est aussi
que la start-up puisse s’envoler et qu’elle devienne la prochaine « unicorn » auprès de qui Orange va
investir. C’est le système de la note convertible. Orange Fab va proposer 20 000$ aux start-ups (qui
ne sont pas obligées de les accepter) afin de permettre à Orange de récupérer des parts dans la
start-up une fois que celle-ci aura levée des fonds.
Julie Leclercq nous explique que les collaborations entre Orange et les start-ups, s’établissent soit
par des contrats commerciaux classiques entre client et fournisseur, surtout pour les contrats de
distribution et pour les objets connectés, soit Orange met en place des programmes-pilotes pour
tester un nouveau produit ou services voués à être utilisé en interne ou en externe.
75 Traduction : d’accompagnement
76 Traduction : unités d’affaires
77 Traduction : licorne c’est à dire « est une start-up principalement de la Silicon Valley, valorisée à plus d’un milliard
de dollars. » d’après la définition de Wikipédia
78 Annexe 4, entretien n.2, p. 8
34	
  
On retient ainsi trois objectifs : le premier est que la start-up devienne un fournisseur d’Orange en
signant un ou plusieurs partenariats avec des unités d’affaires d’Orange, mais aussi de trouver
d’autres potentiels partenariats grâce à leur réseau de Fab Force et enfin trouver le prochain
« unicorn » dans lequel ils pourront investir.
2.2 Analyse des différentes études
La finalité de cette partie est d’analyser si Orange Fab répond aux critères d’un accélérateur et si les
objectifs prédéfinis par Orange Fab sont atteints.
Nous allons d’abord nous pencher, sur le tableau comparatif79 des programmes d’accélérateurs pour
définir les points de convergences et de divergences.
Voici le tableau :
Les points de convergences identifiés :
• Période d’accélération : 50% des accélérateurs se déroulent sur une période de 3 mois.
• Prise de participation dans la start-up : 67% des accélérateurs prennent une part de
participation dans les start-ups
79 Tableau disponible aussi dans l’annexe 1, p.13
35	
  
• 100% des accélérateurs organisent un « Démo-day »
• 100% des accélérateurs organisent des sessions d’accompagnements par des experts en
alternant des sessions individuelles et collectifs
• 100% des accélérateurs offrent un hébergement à leur start-up
Les points de divergences identifiés :
• 14% des accélérateurs font une dotation d’argent à la place d’une prise de participation
financière
• 14% des accélérateurs sont gratuits
• 14% des accélérateurs offrent des partenariats commerciaux à leur start-up directement en
lien avec la structure
Pour la catégorie « organisationnelle » les accélérateurs ne fournissant pas toujours les détails, il est
impossible d’établir une comparaison. On peut déduire, suite aux résultats, que la structure des
programmes des accélérateurs sont très similaires et proposent les mêmes services aux start-ups
accélérées. On peut tout de même relever quelques différences : Orange Fab est le seul accélérateur
à ne pas prendre de participation obligatoire au début du programme et il est le seul à offrir des
contrats commerciaux en lien direct avec la structure de l’organisateur.
Ainsi, on peut conclure qu’Orange Fab reprend la même organisation que les autres accélérateurs,
il suit le même programme, à la différence que l’objectif n’est pas forcément celui de la levée de
fonds à la fin du programme mais plutôt de signer un ou plusieurs contrats commerciaux avec la
structure d’Orange. Par ailleurs, pour soutenir cette affirmation, j’ai pu me rendre à une journée de
« Demo-Day » d’Orange Fab US et les personnes présentes n’étaient pas des investisseurs mais des
managers d’autres entreprises venus identifier s’il était possible de conclure des potentiels accords
avec les start-ups.
Ce que l’on retient c’est qu’Orange Fab, par sa structure et ses services offerts, est un accélérateur.
Maintenant, il semble pertinent de comprendre si l’accélérateur répond à ses promesses.
Pour cela, nous avons interrogé les start-ups accélérées chez Orange Fab sur dix questions (vu
précédemment), voici les réponses de notre étude :
• 80% des start-ups ont répondu avoir signé des accords commerciaux avec au moins une
unité d’affaires d’Orange ;
• 20% des start-ups ont répondu avoir signé des accords commerciaux avec des partenaires
d’Orange grâce à Orange Fab ;
36	
  
• 0% des start-ups ont levé des fonds grâce à Orange Fab ;
• 20% des start-ups ont recruté grâce à Orange Fab ;
• 60% des start-ups ont jugé la qualité de l’accompagnement d’Orange Fab très satisfaisant
et 20% ont jugé la qualité de l’accompagnement d’Orange Fab satisfaisant ;
• 80% des start-ups conseilleraient de postuler au programme d’accélérateur d’Orange Fab ;
• 80% des start-ups estiment qu’Orange Fab a été un vrai accélérateur pour leur business ;
• 65% des start-ups estiment qu’Orange Fab leur a apporté de la crédibilité dans leur secteur
d’activité.
Suite à ces résultats, on peut dire que la mission principale d’Orange Fab qui était de signer avec
au moins un partenariat commercial avec les start-ups a été dument rempli. Par contre, les
deuxièmes et troisièmes missions identifiées, qui étaient celles de signer des accords commerciaux
avec d’autres partenaires, n’a pas été atteint. De même que la levée de fonds. En revanche, la
dimension « humain & éducationnel » a rempli ses fonctions. De façon globale, les start-ups ont
été très satisfaites des prestations d’Orange Fab, non seulement la qualité était au rendez-vous mais
elle leur a apporté la crédibilité dans leur secteur d’activité.
2.3 Conclusion
Peut-on dire qu’Orange Fab est un accélérateur à proprement parler ? D’après les conclusions que
nous venons d’exposer, on peut dire que par la forme il s’agit d’un accélérateur mais par ses moyens,
il diverge. Maintenant, si on estime qu’une des finalités d’un accélérateur est de mettre les start-ups
sur une entrée financière, que ce soit par des partenariats commerciaux ou par une levée de fonds,
l’objectif est atteint. On pourrait affirmer que l’accélérateur d’entreprise, par l’exemple d’Orange
Fab, est une forme hybride d’accélérateur qui, à la différence d’un accélérateur privé ou public, ne
va pas se rémunérer sur une prise de capital mais plutôt en signant des partenariats commerciaux.
Quant aux deux autres finalités que nous avions définies : « humain et éducationnel » ainsi que
« crédibilité et légitimité » que l’accélérateur devait apporter à la start-up, on peut dire que c’est
mission accomplie. Des verbatims récoltés sur notre étude quantitative corroborent cette
constations : « Réseau, visibilité, crédibilité » sont les 3 noms qui reviennent le plus souvent, ainsi
que 65% des start-ups ont répondu qu’Orange Fab leur a apporté de la crédibilité dans leur secteur
d'activité.
Mais la particularité de l’accélérateur d’entreprise, comme nous l’avions évoqué plus haut, a la
spécificité qu’il doit répondre à un double objectif : celui d’accompagner les start-ups mais aussi de
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  • 1. 1   Master professionnel Mention : information et communication Spécialité : Marketing et Publicité Option : Stratégies de marque et Communication plurimédia TITRE DU MÉMOIRE QUAND LES MARQUES SE DOTENT D’UN ESPRIT « FAB » LA RHÉTORIQUE DE L’INNOVATION AU CŒUR D’UNE STRATÉGIE DE MARQUE LE CAS DE ORANGE FAB Responsable de la mention information et communication Professeure Karine Berthelot-Guiet Tuteur universitaire : Antoine Bonino Nom, prénom : MONZINI CÉLINIE Promotion : 2015 Soutenu le : Note du mémoire :
  • 2. 2   REMERCIEMENTS Je tiens à exprimer ma gratitude à Caroline Marti pour ses enseignements au CELSA et Antoine Bonino, mon tuteur universitaire pour sa présence pour la rédaction de ce mémoire ainsi qu’à la disponibilité des différentes personnes interrogées de chez Orange Fab et Orange Institute. Je tiens aussi à remercier mon rapporteur professionnel Jean Arnaud, responsable du développement de Scintillo et de sa branche entrepreneur : Creatis, pour avoir nourri ma réflexion. Enfin, un grand merci à mon mari pour toute son attention et sa patience tout au long de ce mémoire, à mon petit garçon pour ses sourires et ma famille pour leur soutien. Célinie Monzini
  • 3. 3   SOMMAIRE REMERCIEMENTS ...................................................................................................................2   SOMMAIRE...............................................................................................................................3   I.   INNOVER AUTREMENT : AU CŒUR D’UNE STRATÉGIE D’ENTREPRISE.....................9   A.   L’INNOVATION DANS TOUS SES ÉTATS.....................................................................9   1.   Un modèle d’innovation périmé .....................................................................................9   1.1   Définition et contours de l’innovation .........................................................................9   1.2   De l’innovation linéaire à un modèle communicationnel de l’innovation.........................11   1.3   L’incapacité des entreprises à accéder aux innovations de rupture..................................14   2.   Les nouvelles pratiques de l’innovation : de l’innovation ouverte aux incubateurs ................17   2.1   De l’émergence à la définition de l’innovation ouverte .................................................17   2.2   Les programmes d’incubateurs .................................................................................20   2.3   Les incubateurs d’entreprises ...................................................................................23   B.   UNE ENTREPRISE EN INNOVATION ........................................................................25   1.   Présentation du corpus, contexte et méthodologie ..........................................................25   1.1   Les ambitions stratégiques du groupe Orange.............................................................25   1.2   L’écosystème de l’innovation ouverte d’Orange ..........................................................26   1.3   Méthodologie ........................................................................................................28   2.   Orange Fab, un accélérateur.........................................................................................32   2.1   Orange Fab, mission et fonctionnement ....................................................................32   2.2   Analyse des différentes études..................................................................................34   2.3   Conclusion ............................................................................................................36   II.   LE RECIT DE LA MARQUE .........................................................................................39   A.   ANALYSE DU DISCOURS D’ORANGE ........................................................................39   1.   Méthodologie et analyse ..............................................................................................39   1.1   Méthodologie ........................................................................................................39   1.2   Les thèmes recueillis ...............................................................................................40   2.   Du bâtisseur au chef d’orchestre de l’innovation.............................................................46   2.1   L’innovation : au cœur de l’identité de marque............................................................46   2.2   Appropriation des codes du numérique et des start-ups ...............................................47   2.3   Le chef d’orchestre de l’innovation ...........................................................................51   B.   UNE QUÊTE DE LÉGITIMITÉ POUR S’INSCRIRE COMME ACTEUR DU CHANGEMENT DE DEMAIN.............................................................................................52  
  • 4. 4   1.   Le mythe de l’innovation, levier salvateur pour appréhender le futur..................................52   1.1   Prédire l’avenir, un besoin résolument humain à la construction du mythe de l’innovation52   1.2   Le ré-enchantement de l’avenir par les marques ..........................................................54   1.3   Orange, la marque salvatrice ....................................................................................55   1.4   Les start-ups, les adjuvants qui ont pour mission de redynamiser le héros.......................56   1.5   Orange : créateur d’histoire......................................................................................57   2.   Les Start-ups, nos héros !.............................................................................................59   2.1   La figure de l’innovateur à travers le temps ................................................................59   2.2   Les start-ups : le nouveau mythe contemporain ..........................................................60   2.3   Conclusion deuxième partie .....................................................................................67   CONCLUSION ........................................................................................................................69   BIBLIOGRAPHIE....................................................................................................................73   ANNEXES...............................................................................................................................77   RÉSUMÉ .................................................................................................................................78   MOTS-CLEFS ..........................................................................................................................78  
  • 5. 5   INTRODUCTION Ne naît-on pas innovateur, n’est-ce pas intimement lié à une prédisposition génétique ? Le chromosome du génie un peu fou, souvent mal-compris à son époque, a nourri pendant des siècles le mythe de l’innovateur, alimenté par des légendes populaires comme la pomme de Newton ou comme le film « Retour vers le futur »1 avec le Professeur Brown. Aujourd’hui le fantasme persiste toujours, même s’il est passé du mythe du « génie fou » à celui du « geek » 2 derrière son ordinateur qui révolutionne le marché du jour au lendemain depuis son garage. Mais la réelle évolution est que l’innovation s’est « démocratisée » ; tout le monde ou presque peut prétendre être à l’origine d’innovations ou tout du moins être entrepreneur ! Le nombre de formations offrant une filière « entreprenariat » le démontre et c’est devenu une discipline académique à part entière. Cet engouement pour l’innovation se concrétise et se concentre dans les mains de jeunes pousses, appelées communément : « start-up ». Terme d’origine américaine composé du mot « start » qui signifie démarrer, commencer, et le mot « up » qui désigne élévation, grandir qui implique donc une notion de hauteur. A croire que ces jeunes entreprises ne peuvent que croître et sont d’ailleurs chargées d’un signifiant commun fort : celle d’une réussite rapide dans les nouvelles technologies. On retrouve cette notion, dans la définition que livre Wikipédia : « une jeune entreprise innovante à fort potentiel de croissance qui fait souvent l'objet de levée de fonds »3 . On retient donc que les start-ups sont intimement liées à l’innovation et ont un « fort potentiel de croissance ». Des acteurs qui détiendraient donc les clés de la réussite ? Qui permettraient de relancer, voir renouveler l’économie. Difficile aujourd’hui de le confirmer, mais nombreux sont ceux qui mettent le cap vers cette direction. Vu comme un remède aux maladies contemporaines comme le chômage structurel, il est proposé à toutes les sauces et par tous les acteurs aussi bien publics que privés. L’objectif : devenir une « start-up nation » pour les institutions publiques, trouver la future « Unicorn » pour les investisseurs privés, ou encore s’offrir « une cure de jouvence » pour les entreprises. L’espoir d’un renouveau est là. Paris, compte à elle seule 12000 start-ups en 2015, c’est plus que Londres et Berlin, et le Numa - le QG des jeunes entreprises du numérique au cœur de la « Silicon Sentier » (pour faire un gros clin d’œil au temple de l’innovation mondiale : « Silicon Valley ») le nombre de postulants à leur 1 Film réalisé par Robert Zemeckis, sorti en 1985 2 Définition de Wikipedia : anglicisme désignant une « personne prise par une passion, à l’origine dans le domaine de la high-tech, puis par extension dans n’importe quel domaine. » 3 Définition de Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Startup
  • 6. 6   programme d’accompagnement de start-up a quadruplé depuis 2013. Les jeunes ne rêvent plus de faire carrière dans un grand groupe mais aspirent à devenir le prochain Elon Musk4 et à trouver la prochaine innovation disruptive qui va révolutionner les marchés. « La jeune génération veut avant tout changer le monde, bousculer les usages, casser les rentes des acteurs historiques »5 , analyse Oussama Ammar, associé de l'incubateur parisien « The Family », plus qu’un désir purement marchand c’est parfois même un projet sociétal qui alimente cette aspiration. Face à cet engouement, les grandes entreprises se sont senties presque délaissées. Perçues de plus en plus comme des éléphants vieillissants à l’antipode des start-ups jeunes et dynamiques, elles n’ont plus vraiment le vent en poupe et se sentent à la traîne face à cette course à l’innovation. Pour y remédier, certaines d’entre elles, ont décidé d’ouvrir leurs portes (ou entrouvrir) à cet « eldorado » des start-ups, une source d’innovation qui semble inépuisable et accompagnée de tout un imaginaire synonyme d’espoirs pour les uns, de dollars pour les autres. Étant moi-même entourée de personnes se lançant dans l’aventure entrepreneuriale, j’ai pu découvrir tout un univers qui s’est créé autour des start-ups. Vu comme un véritable appât pour certains acteurs, de nombreuses démarches sont entreprises pour les séduire. Mais pour quelle raison une grande entreprise aurait- elle besoin de s’appuyer sur de plus petite ? Pour des raisons purement marchandes, ou alors est- ce que cela correspond à une vraie volonté de stratégie d’innovation, ou encore pour s’offrir une cure de jouvence et inscrire, l’entreprise dans l’avenir. En effet, s’approprier les codes de cet univers peut donner l’illusion déjà d’y appartenir ou en tout cas peut faire partie d’une stratégie de communication. Les raisons pour lesquelles les entreprises s’intéressent aux start-ups peuvent être nombreuses. Elles ne sont pas forcément les mêmes d’une structure à une autre et l’enjeu de ma réflexion est de distinguer ce qui ressort de la stratégie d’innovation et de la stratégie de communication. C’est sur ce phénomène que je me suis penchée dans ce mémoire : comprendre les dessous de cette mise en relation entre deux acteurs qui diffèrent sur de nombreux aspects. Quand les marques se dotent d’un « esprit fab », la rhétorique de l’innovation au cœur d’une stratégie de marque, questionne les raisons pour lesquelles les grandes entreprises non seulement s’intéressent aux start-ups mais mettent en scène tout un dispositif d’attraction pour les attirer. Plus spécifiquement, notre sujet soulève la problématique suivante : dans quelle mesure les discours de l’innovation ouverte servent-ils la stratégie de marque ? 4 Fondateur de SpaceX, co-fondateur de PayPal, Zip2 et Tesla Motors 5 Nathalie Villard, « La France, ce pays qui créé des start-up à la chaîne ! », article publié dans Capital le 09 Juin 2015
  • 7. 7   Afin de définir le périmètre de notre mémoire, il est important de distinguer l’entreprise de la start- up. Lors d’une conférence, Oussama Omar6 propose de différencier les deux acteurs par leur niveau de maturité face au modèle économique. C’est à dire que la start-up cherche son modèle économique alors que l’entreprise applique un modèle économique déjà défini. Les enjeux sont donc très différents puisque la start-up est encore au stade de survie et l’entreprise gagne déjà sa vie. De façon plus générale, lorsque l’on parle de grandes entreprises, l’on fait surtout référence aux entreprises du CAC 40. Le terme « fab » fait lui référence à l’accélérateur de « Orange Fab » qui évoque : un lieu de création ouvert, une unité de fabrication et un mouvement social. Nous reviendrons sur ces trois points au cours du mémoire. Pour répondre à cette problématique, j’ai émis trois hypothèses qui m’ont permis d’organiser mes recherches et de définir mon corpus. La première hypothèse relève d’une volonté des marques d’aller puiser l’innovation auprès des start-ups. Dans un contexte très concurrentiel, avec des cycles de produits de plus en plus courts, les entreprises ne seraient plus à mêmes d’innover uniquement par elles-mêmes. Dans une démarche d’innovation ouverte, elles mettraient en place des programmes d’incubateurs pour attirer et collaborer avec les start-ups. Plus qu’une stratégie d’innovation, la deuxième hypothèse démontre que les entreprises viennent chercher de la légitimité auprès des start-ups pour réactualiser leur rhétorique de l’innovation en prenant appui sur des acteurs plus contemporains. La troisième hypothèse s’appui sur la volonté des entreprises de s’offrir une « cure de jouvence »7 auprès des jeunes start-ups dans le but de s’ancrer dans l’avenir. Pour répondre à ces hypothèses, j’ai choisi de me concentrer sur un acteur majeur : Orange. Héritier de France Télécom, Orange jouit d’un patrimoine fort, ancré dans l’histoire française, et qui a connu de nombreux succès mais, comme d’autres acteurs de la téléphonie mobile, s’est vu dépassé par l’arrivée de Free il y a plus d’une dizaine d’années. Son domaine d’activité est intimement lié à celui des nouvelles technologies et de l’innovation comme indiqué sur leur site internet : « 200 ans de communications et d’innovations au service de 230 millions de clients », dont de nombreuses « innovations audacieuses ». L’innovation est donc au cœur de la stratégie d’Orange. Aujourd’hui 6 Dans le cadre des Matinales de la Transformation, EMLYON Business School & Manpowergroup ont reçu Oussama Ammar le 3 novembre sur le thème du "Décryptage de la transformation digitale", vidéo retransmise sur la chaine Youtube de l’EM LYON : « early adopters », durée : 51minutes 7 Expression empruntée à Sandrine Cassini dans son article « Les usines à start-ups, cure de jouvence des grands groupes », 19 Juillet 2015, Les Échos.fr
  • 8. 8   la marque dépense 1,9% de son chiffre d’affaires dans l’innovation avec plus de 5000 employés au service de la R&D8 , un dispositif non négligeable. Et pourtant Orange a été un des pionniers en France à s’intéresser à l’innovation ouverte, c’est- à-dire à aller puiser l’innovation à l'extérieur de sa structure. Notamment avec les start-ups, le groupe a développé tout un écosystème avec plus de huit programmes d’accélérateurs à travers le monde avec les « Orange Fab », en 2008 « Orange Institute » a été créé et se définit comme « un think tank mondial dont l'objectif est de comprendre et anticiper les transformations rapides provoquées par les innovations numériques dans notre société en réseau »9 , et enfin le dispositif « Orange Digital Ventures ». C’est ce besoin de se tourner vers les start-ups alors que l’entreprise semble déjà bien ancrée dans l’innovation qui m’a intéressé. Quelle est la motivations d’Orange ? Quel est le discours de marque mise en avant ? Ensuite, tout le long de mon mémoire je me suis référée à deux types d’incubateurs à titre de comparaison. Les premiers sont les incubateurs d’entreprises, comme dans le cas d’Orange. J’ai notamment étudié le cas de « Look Forward », l’incubateur de Showroom privé. Et « Welcome City Lab », un incubateur d’entreprises spécialisé dans le tourisme qui regroupe différents acteurs experts dans le domaine. Les deuxièmes, sont les incubateurs privés non rattachés à une entreprise. Nous avons notamment retenu deux incubateurs américains « Y Combinator » et « Tech Stars », les deux références dans la matière. Et des acteurs français : « Le Numa », « 50 Partners » et « Le Camping ». Dans l’ambition d’éprouver la première l’hypothèse, j’ai entrepris une étude qualitative individuelle dans l’objectif d’extraire la stratégie d’innovation tout en distinguant ce qui relève de l’ordre du discours. Ainsi qu’un sondage auprès de start-ups qui ont participé au programme d’accélérateur d’Orange. Pour la deuxième hypothèse, j’ai collecté l’ensemble des supports de communication interne émis par Orange autour des sujets de l’innovation ouverte et de leur écosystème (Orange Fab, Orange Institute et Fab Force essentiellement) afin de décortiquer leur discours de marque. Cela comprend du contenu visuel (vidéo, photos) et écrit provenant des communiqués de presse ou tout autre support interne. J’ai aussi travaillé sur une étude comparative entre différents sites internet de programmes d’incubations et d’accélérations, comprenant Orange Fab. Pour traiter la dernière hypothèse et comprendre le champ sémantique de la start-up et de l’innovation dans la presse, j’ai procédé à une analyse sémiotique du discours journalistique. Et enfin, j’ai souhaité recueillir le discours de trois responsables de chez Orange Fab et Orange Institute ainsi que trois témoignages de start-ups ayant ou faisant toujours partie de leur programme d’accélération. In fine, j’ai terminé par un petit sondage autour de l’imaginaire des startups. 8 Emmanuelle Delsol, « Innovation : la nouvelle peau d’Orange », publié dans l’usine nouvelle le 21 Février 2013 9 Dossier de presse Orange, « L’open innovation », publié sur le site edossiers Orange en Janvier 2016
  • 9. 9   I. INNOVER AUTREMENT : AU CŒUR D’UNE STRATÉGIE D’ENTREPRISE L’innovation n’est pas l’invention. L’innovation n’est pas non plus un acte créatif mais répond à une terminologie et un processus précis mais souvent galvaudé par les médias, entreprises ou institutions publiques. Cette confusion et appropriation de chaque acteur public et privé démontre l’importance et l’enjeu que représente l’innovation dans notre économie. Nous allons dans cette partie dresser les contours de l’innovation en la définissant d’abord, puis en étudiant l’évolution de l’innovation au prisme de différentes approches interdisciplinaires pour finir sur les incubateurs. Si dans cette partie nous avons une approche plus managériale et macro- économique pour répondre à la première hypothèse, la deuxième partie sera concentrée sur l’étude de la rhétorique de notre corpus. A.L’INNOVATION DANS TOUS SES ÉTATS 1. Un modèle d’innovation périmé 1.1 Définition et contours de l’innovation Ainsi l’invention n’est pas l’innovation mais peut-être la source de l’innovation. Alors que l’invention est plus liée au moment de la conception d’une découverte scientifique, d’une découverte à proprement dit, l’innovation résulte plus de la diffusion et la propagation de l’invention dans le corps économique et social. L’innovation à un objectif plus économique que l’invention qui peut avoir une visée plus intellectuelle. Mais avant de nous atteler à définir l’innovation et ses différentes théories, revenons aux racines. Innovation vient du mot latin « innovare » qui signifie « revenir à, renouveler ». « Innovare » est composé du verbe « novare » de racine « novus » qui veut dire « changer », « nouveau », et du préfixe « in » qui indique un mouvement vers l’intérieur. Selon le Larousse : « introduire quelque chose de nouveau pour remplacer quelque chose d’ancien dans un domaine quelconque »10 . Que ce soit dans l’origine du mot ou dans sa définition, on retrouve la dimension de « nouveau », mais avec la spécificité que l’étymologie nous indique qu’on pénètre dans quelque chose. La 10 Le Larousse en ligne : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/innover/43197
  • 10. 10   définition de l’innovation de Wikipedia rajoute que dans « la terminologie juridique au Moyen Âge : « introduire quelque chose de nouveau dans une chose établie » (…) et qu’au XVIème siècle le mot définit quelque chose de « plus singulier, inattendu, surprenant ». »11 On retient donc des origines de l’innovation trois aspects : l’aspect de nouveauté dans un ordre établi, l’aspect de mouvement qui fait écho au processus (à la différence de l’invention plus ponctuelle, l’innovation fait partie d’un processus) et le dernier qui a un aspect unique, singulier. Mais R. Ringoot12 précise que la nouveauté se retrouve plus dans la perception que dans les faits. L’innovation, à opposer à la création, présuppose une transformation de quelque chose de déjà existant, ou de non isolé. L’innovation « rénoverait » en induisant un « nouveau » dans la perception. Mais qu’est-ce qu’une innovation ? La première chose qui nous vient en tête est l’innovation de type technologique, de produit ou encore de procédé. Mais il en existe une quatrième, souvent méconnue, qui est celle de l’innovation commerciale. Ainsi, l’innovation oscille du développement d’un nouveau produit et service (innovation technologique) à la création d’un nouveau « business model »13 . Gary Pisano a proposé la carte de l’innovation14 (voir carte ci-dessous) qui relève quatre types d’innovations : innovation de rupture, innovation architecturale, innovation de routine et enfin l’innovation radicale. En fonction du type d’innovation souhaité, elle nécessite plus ou moins d’innover en termes technologiques ou de modèle commercial. 11 Lien de la définition sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Innovation 12 Blandine Arondel, « Sémiologie, innovation et entreprise - Colloque de l’Anvie 9-10 décembre 1998 », Communication et organisation, n. 15, 1999 13 Traduction : modèle commercial 14 Gary P. Pisano « Vous avez besoin d’une stratégie d’innovation », Harvard Business Review, p.22
  • 11. 11   1.2 De l’innovation linéaire à un modèle communicationnel de l’innovation Nous allons retracer l’évolution de l’innovation à travers les travaux d’Yves Badillo15 et de son approche interdisciplinaire de l’innovation. Une étude au croisement entre les sciences de l’information et de la communication, des sciences économiques, de la sociologie et du management. Il identifie, tout au long du XXème siècle, l’innovation comme un modèle linéaire basé sur les travaux de Shannon et synthétisé par un schéma : émission – communication – réception. Le récepteur, consommateur passif, n’interagit d’aucune façon sur le processus de l’innovation mais absorbe l’innovation comme elle lui vient. L’émetteur, est quant à lui l’entrepreneur innovateur de J. Schumpeter16 , qui dans sa première vision, est un entrepreneur issu d’entreprise moyenne ou familiale et qui ensuite évoluera vers l’entrepreneur ingénieur des centres de recherche de grande entreprise, motivé par les découvertes technologiques et scientifiques. Un modèle « top down »17 où le « technology push »18 porte les innovations. Il en découle une trajectoire classique ou les chercheurs innovent, les équipes de marketing assurent la promotion et la vente et le consommateur… consomme. 15 Badillo Patrick-Yves, « Les théories de l'innovation revisitées : une lecture communicationnelle et interdisciplinaire de l'innovation ? Du modèle « Émetteur » au modèle communicationnel », Les Enjeux de l'information et de la communication, 1/2013 (n° 14/1) p.32 16 Schumpeter, Joseph A. « Capitalisme, socialisme et démocratie », Paris : Payot, 1983 17 Traduction : modèle de haut en bas 18 Traduction : poussées technologiques
  • 12. 12   Freeman et Perez19 identifient quatre principales catégories d’innovation : les innovations incrémentales, dites aussi les innovations continues, les innovations radicales, les changements de technologies et les changements de paradigmes techno-économiques. Nous verrons dans un deuxième temps que les innovations incrémentales s’opposent aux innovations de rupture introduites plus tard par Clayton Christensen dans une approche managériale. Les innovations radicales quant à elles, amènent des changements radicaux par l’irruption de découvertes comme celle du nylon ou encore de la pétrochimie. Les changements de paradigmes techno-économiques bouleversent la vie économique et sociale et peuvent amener des nouveaux paradigmes de méthodes de travail. Yves Badillo se réfère aux travaux de Frédérick W. Taylor qui développe une vision mécanique du management « basé sur une structure organisationnelle hiérarchique avec des flux d'informations « top-down » et une forte division du travail », tout comme le modèle de communication unidirectionnel et linéaire de Shannon. Depuis plusieurs décennies, des approches interactives puis systémiques de l’innovation sont apparues et ont placé la communication au cœur de l’innovation. C’est en 1966 ou Jacob Schmookler développe une approche de « market pull »20 ou de « demand pull »21, c’est-à-dire où le consommateur interagit avec l’innovation, où « le processus d'innovation peut être pensé comme un ensemble de chemins de communication à travers lesquels la connaissance est transférée »22 . Dans les années 70, l’école de Palo Alto propose une vision systémique portée par Paul Watzlawick où les relations humaines sont au cœur de la communication. En symétrie avec le modèle linéaire et mécanique de Shannon, le récepteur interagit et renvoie en retour des informations qu’il partage avec d’autres personnes. Le contexte joue alors un rôle essentiel dans la communication. Différentes approches vont ensuite nourrir l’évolution de l’innovation comme celle de Patrice Flichy23 qui propose une approche socio-technique de l’innovation où les différents acteurs, designers et utilisateurs jouent un rôle dans le processus de l’innovation. C’est dans le domaine du management de l’économie que le paradigme de l’innovation ouverte sera développé par Chesbrough24 en 2003. Il démontre que les idées se trouvent aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’entreprise. 19 Freeman, Christopher, Perez, Carlota, « Structural crises of adjustment, business cycles and investment behaviour », London : Pinter, 1988 20 Traduction : demande du marché 21 Traduction : demande extérieure 22 Badillo Patrick-Yves, « Les théories de l'innovation revisitées : une lecture communicationnelle et interdisciplinaire de l'innovation ? Du modèle « Émetteur » au modèle communicationnel », Les Enjeux de l'information et de la communication, 1/2013 (n° 14/1) p.32 23 Flichy, Patrice (2003), « L'innovation technique récents développements en sciences sociales, vers une nouvelle théorie de l'innovation », Paris : La Découverte 24 Chesbrough, Henry, Open innovation: the new imperative for creating and profiting from technology. Boston, Mass: Harvard Business School Press, 2003
  • 13. 13   Everett Rogers, va placer la communication au cœur de l’innovation et introduire le terme de « réinvention » qui est défini comme le degré auquel « une innovation est changée ou modifiée par l'usager au cours du processus d'adoption et de mise en place »25. Il précise que « la communication est un procès dans lequel les participants créent et partagent de l'information avec les autres pour atteindre une compréhension mutuelle ». Eric Von Hippel26 , en 1988, va plus loin en introduisant la logique des usages où le récepteur au contact de l’innovation va la détourner pour en faire éventuellement un usage imprévu. Bien loin du modèle linéaire, Yves Badillo introduit alors le modèle communicationnel de l’innovation avec l’avènement d’internet et du Web 2.0 : « dans un contexte numérique, l'innovation passe par la communication et met au premier plan les internautes, au sens large, en particulier, dans une perspective Web 2.0, les usagers profitent des nouveaux espaces de communication pour échanger, communiquer et porter des innovations.»27 Et si nous sommes passés d’un modèle linéaire porté par l’entrepreneur schumpétérien à un modèle où les interactions et la communication entre les différents acteurs sont au cœur du processus de l’innovation, « l'activité d'innovation devient, de façon croissante, le fruit de combinaisons non pas de facteurs de production mais de facteurs d'information»28 . Deux catégories d’innovations sont alors distinguées : l’innovation à base technologique et l’innovation à base numérique qui, elle, est caractérisé par la combinaison de « ré-innovations numériques ». Le premier type d’innovation est porté par les « techno-users » c’est à dire des individus qui sont immergés dans les technologies comme les développeurs. Le second type, par des usagers (au sens large) qui vont non seulement s’approprier ces technologies pour ré-inventer leurs usages mais vont devenir de véritables « acteurs (…) susceptibles de faire de véritables ré-innovations numériques »29. Ces deux types d’acteurs vont se réunir dans le cadre d’une entité : la start-up. On retient que la façon d’innover a évolué tout au long des décennies. La communication en est au cœur, et plus qu’un processus à sens unique, l’innovation devient une interaction entre différents acteurs où l’émetteur peut devenir le récepteur et vice versa. Cette évolution s’accompagne d’une aspiration sociétale où la concentration du pouvoir n’est plus uniquement détenue dans les mains de quelques acteurs (l’Etat et les grandes entreprises) mais dans la création d’écosystèmes ou différents types d’acteurs (entreprises, startups, universités, publics) vont unir leurs forces et leurs expertises. 25 Rogers, Everett (1995), « Diffusion of innovations », New York: Free Press, p. 174 26 Hippel, Eric Von « User innovation » (p. 117-133), in Huff, Anne S., Moslein, Kathrin M., Reichwald, Ralf (2013), Leading open innovation, Cambridge, Mass: MIT Press.2013 27 Badillo Patrick-Yves, « Les théories de l'innovation revisitées : une lecture communicationnelle et interdisciplinaire de l'innovation ? Du modèle « Émetteur » au modèle « communicationnel », Les Enjeux de l'information et de la communication, 1/2013 (n° 14/1) p.30 28 Ibid., p.31 29 Ibid., p.32
  • 14. 14   1.3 L’incapacité des entreprises à accéder aux innovations de rupture Mais si le modèle de l’innovation a évolué, cela proviendrait en partie de l’incapacité des grandes entreprises à accéder aux innovations dites « de rupture » qui sont aujourd’hui les plus radicales et les plus menaçantes pour elles. C’est la thèse, en tout cas, soutenue par le professeur américain et spécialiste de la question de l’innovation : Clayton M. Christensen. Dans son livre « The Innovator’s Dilemma : When New Technology Cause Great Firms to Fail », il distingue deux types d’innovations : « l’innovation de rupture » et « l’innovation incrémentale ». L’innovation incrémentale consiste à améliorer la performance d’un produit déjà existant, elle est souvent la plus utilisée par les grandes entreprises alors que « l’innovation de rupture » est propre aux nouveaux entrants. Terminologie qui a été introduite en 1997, elle consiste à offrir une nouvelle valeur au consommateur plus qu’à apporter une innovation technologique au produit. Souvent, il s’agit de produits moins chers, plus simples, plus petits, plus pratiques à utiliser ou alors avec une nouvelle utilisation. Selon Christensen, les grandes entreprises auraient plus de difficultés à mettre en place des innovations de rupture en raison de plusieurs facteurs. Le premier facteur mis en avant, est celui provenant de l'éducation même des managers et, par conséquent, celui du management de l’entreprise. En effet, la plupart des managers proviennent des meilleures universités mais sont peu enclins à prendre des risques et vont avoir tendance à se réfugier vers des innovations basées sur des études de marché ou de consommateur : les innovations technologiques évoluant plus rapidement que les attentes du consommateur. Un autre facteur proviendrait de la taille des multinationales, trop souvent disproportionnées par rapport à la taille du marché, elles seraient peu mobiles et peu enclines à faire une telle transition. Certaines structures l’ayant compris, comme Johnson & Johnson, qui a créé plus de 160 entreprises autonomes où chacune introduit un produit sur le marché. L’objectif n’étant pas de prétendre que la structure connaît le marché mais, au contraire, d’admettre qu’il en n’existe pas, par conséquent, de l’aborder sous un angle beaucoup plus neuf sans forcément d’idée préconçue. Les études de marché seraient un handicap aux innovations disruptives. Le dernier facteur est encore une fois lié à la structure même de l’entreprise. Les structures traditionnelles étant peu enclines à se mouvoir rapidement, à être flexible de sorte que les processus lourds bloquent l’innovation. Comme l’affirme Christensen « Toutefois, les raisons de l’échec des grandes firmes dans leur tentative d’innovation disruptive ne seraient pas seulement d’ordre décisionnel mais également d’ordre fondamentalement structurel. Cette structure englobe des éléments tels que la taille de l’entreprise ou encore ses « process » comme cela a été vu précédemment. Mais elle contient également des éléments davantage liés à l’ADN de l’entreprise et qui en
  • 15. 15   constituent donc les bases. Ces fondamentaux peuvent la stimuler, l’aider à avancer ou, à l’inverse, freiner son développement »30 . Ainsi, l’état d’esprit (« mindset » en anglais) et la culture d’entreprise sont également des paramètres qui déterminent cette structure. En effet, on distingue très clairement deux manières de penser et de fonctionner entre les entreprises de type « corporate » et celles de type « start-up ». Les premières, caractérisées par une organisation hiérarchisée subissent une pression des objectifs de croissance, une division des services et des règles rigides. Ces éléments brident la créativité car ils ne sont pas propices à l’échange, à l’écoute ou encore au retour d’expérience. À l’inverse, les secondes, caractérisées par une structure plus horizontale intègrent des pratiques comme le « brainstorming » impliquant un certain nombre de personnes issues de tous bords et favorables à la génération d’idées. Ces entreprises « nouvelle génération » ne sont pas coincées dans un carcan de règles et de politiques. De même, des méthodes agiles et flexibles permettent aux start-ups de s’adapter, rebondir à tout moment et transformer un échec, une erreur, en opportunité. Par ailleurs ces deux types d’entreprises auraient également un rapport au temps tout à fait différent. Ce critère aurait aussi un impact sur leur capacité à réagir face au changement. Gilles Finchelstein, dans son ouvrage « La Dictature de l’urgence »31, pointe, cette accélération qui caractérise nos sociétés contemporaines dans de nombreux domaines (renouvellement permanent des collections de mode, obsolescence programmée en matière technologique...). Les jeunes entreprises innovantes s’accoutument très bien de ce rythme extrêmement rapide car elles sont nées dans ce contexte. Elles sont dans une démarche pro-active, prêtes à saisir des opportunités de développement à tout moment. La start-up est donc moins attachée à son activité actuelle qu’à ses perspectives de développement, voire de renouvellement. L’origine même de la construction de ce type d’entreprise réside d’ailleurs dans une opportunité, une brèche présente à un instant T sur le marché. Enfin, du fait de sa « jeunesse », elle ne dispose pas d’un « patrimoine » important. Il est donc plus facile pour elle de se projeter dans le futur et d’oser investir de nouveaux marchés. Alors que les entreprises dites « établies » se sont souvent construites sur des atouts puissants intangibles : un savoir-faire, une histoire, un ADN, des lignes successives de produits/services phares qui lui ont permis d’asseoir sa notoriété au fil du temps et qu’elle tend, de fait, à sacraliser. C’est également en partie cela qui l’empêche de se réinventer. Une vision tournée vers le futur est donc essentielle afin d’être « disruptif ». 30 Christensen, Clayton M., « The innovator's dilemma: when new technologies cause great firms to fail, Boston », Mass: Harvard Business School Press, 1997, p.49 31 Gilles Finchelstein, « La Dictature de l’urgence », Fayard, 2011, p.43
  • 16. 16   Ainsi ces entreprises traditionnelles, hier glorifiées, sont aujourd’hui en berne, perdent de la vitesse face aux start-ups ou tout du moins au plus petite structure arrivant avec des innovations « disruptives » et raflant des parts de marché en deux temps, trois mouvements. Fortement concurrencées par ce nouveau type de structures, difficilement identifiables et prévisibles, les entreprises ont un besoin urgent de « veiller » à ces perturbateurs. Afin de repérer les potentiels concurrents, qui en général proposent des substituts bon marché à leurs produits, dans le but d’attirer de nouveaux clients pour ensuite monter en gamme petit à petit, les grandes entreprises ont mis en place des structures de veille afin de racheter les concurrents ou pour s’appliquer à créer un nouveau produit plus innovants. Mais voilà, depuis quelques temps cette version classique d’innovation de rupture semble un peu désuète. La rupture provient sur plusieurs fronts et non plus d’acteurs du même secteur d’activité. Ainsi, le modèle stratégique d’innovation de rupture auxquelles les entreprises se sont habituées et organisées pour les contrer, présente une faille. On part du principe que les perturbateurs commencent par proposer un produit moins cher et moins performant, pour s’attaquer aux segments les plus rentables. Pendant ce temps-là, le leader du marché a le temps de voir le concurrent arriver et de proposer de nouveaux produits pour le contrer. Mais le contexte a considérablement évolué depuis. Cette concurrence ne vient plus du même secteur d’activité, ni même de sociétés avec un « business model 32 » similaire et la pénétration des marchés se fait de façon très différente et très difficilement identifiable. Ces nouveaux types de perturbateurs arrivent non seulement à conquérir tous les segments mais aussi à proposer un produit technologiquement plus performant et quasi gratuit, voire gratuit. Le cas de UBER est l’exemple le plus connu, un acteur ne provenant pas du secteur des VTC a révolutionné le marché en un temps record en casant les codes du secteur et proposant une offre plus attractive. On avait déjà constaté une évolution du cycle des produits qui était de plus en plus court avec des produits beaucoup plus rapidement matures et qui se faisaient déblayer pas de nouvelles technologies. Mais, aujourd’hui, ce ne sont plus uniquement des produits mais des marchés entiers qui se voient anéantis ou alors des marchés entiers qui émergent. Cela nous fait penser aux « grappes d’innovations » de Schumpeter, où chaque vague d’innovation détruit des branches entières obligeant de nombreuses sociétés à fermer leurs portes ou à se ré-inventer. On peut re-prendre l’exemple de Uber avec sa croissance exponentielle pour illustrer ce propos. La première année, Uber était une société de limousine à San Francisco avec une centaine de voitures, la deuxième année, Uber était dans quatre villes avec un millier de voiture. La troisième, elle avait plus de 100.000 voitures dans le monde. La quatrième année, plus d’un millier. Cette 32 Traduction : modèle économique
  • 17. 17   année, Uber va passer à 3 millions de voiture alors qu’il y a tout juste sept ans, la société n’existait pas. Il y a cinq ans, Uber était uniquement à San Francisco et aujourd’hui elle est présente dans plus de soixante-cinq pays et la société est valorisée à plus de 50 milliards de dollars. La spécificité de ce type d’acteurs réside dans la rapidité à laquelle ils se développent (aujourd’hui l’équipe de développement d’Uber arrive à s’implanter dans une nouvelle ville en 48 heures), en une croissance exponentielle difficilement prévisible, une offre moins chère tout en apportant un service plus performant au consommateur. On ne parle pas ici d’innovation technologique mais une innovation des façons de travailler. Les grandes entreprises seraient ainsi, non seulement, dans l’incapacité d’apporter des innovations de rupture mais aussi de les voir venir. Elles vont par nécessité, devoir créer des synergies à l’extérieur de leurs murs. 2. Les nouvelles pratiques de l’innovation : de l’innovation ouverte aux incubateurs 2.1 De l’émergence à la définition de l’innovation ouverte Par essence même, il semble difficile d’imaginer que l’innovation soit un processus non ouvert. Comme nous avions vu initialement, innover suppose apporter quelque chose de nouveau dans un ordre déjà établi. La nouveauté est souvent nourrie par des éléments extérieurs. Comme l’explique le professeur Lionel Rounel33 , « les grandes époques d’innovations de l’histoire de l’humanité se sont souvent caractérisées par de grandes périodes d’ouverture ». De la Renaissance à l’exposition universelle de 1900 en passant par la Belle époque lors de la seconde révolution industrielle, l’ouverture au monde a souvent été un élément illuminateur qui a provoqué de belles étincelles grâce aux brassages de cultures et des disciplines. Mais pourquoi alors l’existence même de ce terme « d’innovation ouverte » a émergé ? Toujours selon le professeur Lionel Rounel, la période d’après-guerre (comme nous l’avions constaté précédemment) a vu se développer des grandes entreprises qui ont organisé et centralisé la production industrielle et par conséquent des services de recherche et développement. L’innovation est devenue la véritable force de ces entreprises et elles se sont ainsi retranchées dans leur cloison en brandissant le fameux syndrome du « NIH » (Not Invented Here)34 . Leur raison d’être, venait de leur capacité à intégrer et contrôler les activités de R&D au sein d’immenses laboratoires de recherche et par conséquent tout élément externe était non grata. Mais un facteur de ressources humaines a considérablement fait évoluer la donne. Selon Chesbrough, l’inventeur de l’expression 33 Martin Duval, Klaus-Peter Speidel, « Open Innovation », coll. Dunod, 208 p. 90 34 Traduction : pas inventé içi
  • 18. 18   « open innovation »35 , un des éléments qui a contribué au déclin de ce modèle « d’innovation fermé » est la disponibilité et la mobilité de travailleurs qualifiés, et notamment de chercheurs, qui s’est considérablement accrue ces cinquante dernières années. Aucune entreprise ne peut désormais se valoriser par rapport à la qualité de ses chercheurs puisqu’il y en a désormais des milliers et nous sommes passés à un changement de posture de « nous avons les meilleurs » à « nous travaillons avec les meilleurs »36 . L’autre facteur d’érosion mis en avant est l’essor considérable du capital- risque, notamment aux Etats-Unis, qui investit massivement dans les créations d’entreprises et plus concrètement dans les start-ups ou de « spin-off »37 . L’arrivée de nouveaux acteurs a ainsi fragmenté un paysage qui était bien dessiné par quelques mastodontes de l’industrie. Entre 2003 et 2011, Henry Chesbrough a publié quatre livres sur le thème de l’innovation ouverte. Il la définit comme une nouvelle approche « basée sur un paysage de connaissances différents, avec une logique différente, sur les sources et utilisations des idées. L’IO38 signifie que les idées intéressantes peuvent provenir de l’intérieur ou de l’extérieur de l’entreprise et peuvent accéder au marché à partir de l’intérieur ou de l’extérieur de la compagnie. Cette approche place les idées extérieures et les voies extérieures d’accès aux marchés sur le même plan que celui réservé aux idées internes et aux chemins internes d’accès au marché au cours de l’ère de l’innovation fermée »39 . La particularité de l’IO, est qu’une innovation peut provenir aussi bien de ressources internes qu’externes à l’entreprise. Ainsi, elle n’est pas vouée à remplacer l’innovation traditionnelle mais à s’ouvrir à différents types de collaborations qui peuvent se faire aussi bien avec les fournisseurs, les clients, les concurrents, les universités ou autres établissement supérieurs, le secteur public ou encore avec des entrepreneurs et start-ups. Toujours selon Chesbrough, l’innovation ouverte permet de faire une économie de gain sur le développement de nouveaux produits, de réduire les cycles de développements et de générer de nouveaux revenus en optimisant des droits de propriétés intellectuelles. Cette dernière démarche consiste, pour les entreprises, à valoriser leurs innovations « dormantes » en les proposant à d’autres entreprises soit par des contrats relationnels (accord R&D, « joint venture ») ou soit par des contrats transactionnels (licence). Nous sommes, dans ce cas de figure, dans une modalité d’innovation « inside-out », c’est à dire dans une logique sortante à contrario de la logique entrante (« outside-in ») où l’entreprise va capitaliser sur les R&D externes et va les faire pénétrer à l’intérieur de sa structure. Nous allons exclusivement nous consacrer à cette transaction « outside-in ». L’objectif de cette transaction, comme l’illustre très bien l’exemple de la 35 Traduction : innovation ouverte 36 Nouveau credo de Protecter & Gamble 37 Traduction : compagnie dérivée 38 Innovation Ouverte 39 Christensen, Clayton M., » The innovator's dilemma: when new technologies cause great firms to fail, » Boston, Mass: Harvard Business School Press, 1997, p.53
  • 19. 19   société biomédicale Merck que Chesbrough utilise, est d’aller puiser dans le gisement d’innovations de l’autre côté de sa porte : « Merck représente environ un pour cent de la recherche biomédicale dans le monde. Afin de puiser dans les autres 99 pour cent, nous devons activement tendre la main aux universités, aux instituts de recherche et entreprises du monde entier pour apporter les meilleures technologies et produits potentiels à Merck » 40 . Nous sommes passés, d’un paradigme où tout ce qui relevait de l’externe était vu comme ennemi, à un paradigme où l’environnement extérieur est vu comme une source inépuisable d’innovations. Dans cette modalité « outside-in », sept axes d’innovations ouvertes peuvent être appliquées selon la classification de Martin Duval et Klaus Speidel proposée dans « Open-Innovation ». 41 Les quatre premiers axes ont, comme base commune, la récolte d’idées auprès d’acteurs externes ou interne, leur différence porte essentiellement sur la phase d’avancement du projet (il peut se situer plus ou moins en amont) ou sur le type de problèmes à solutionner. Ainsi le premier axe, concerne la résolution d’un problème de type technique ou technologique qui va être résolu par un appel fait auprès de collaborateurs identifiés interne ou externe (fournisseurs, clients, etc.). Les solutions vont être collectées via une plateforme institutionnelle ou alors exprimées sous forme de concours. Le deuxième aspect est le concours d’idées qui, à la différence du premier ne va pas répondre à un problème spécifique technique mais va plus être dans la récolte d’idées d’ordre général. Le troisième « Boite à idées, portails & RSE » s’inscrit toujours dans cette même ligne, à la différence qu’elle s’inspire de la version classique des boîtes à outils en la numérisant et où toute personne, interne ou externe, peut y glisser des idées, suggestions d’améliorations pour un produit, service. L’exemple le plus connu est la plateforme créée par Starbucks « My Starbucks Idea » qui consiste à recueillir les avis, suggestions de la part des clients et ensuite de les mettre à contribution au niveau interne, pour réfléchir à des nouveaux produits ou services. Le quatrième axe, va consister à constituer une « communauté béta testeurs ». C’est-à-dire rassembler une communauté d’utilisateurs qui va tester en avant-première les nouveaux produits et services de la société en vue de recenser leurs retours et de faire évoluer les produits ou services en fonction des commentaires. C’est une stratégie qui s’inspire d’une nouvelle approche théorisée par Eric Ries (« Lean Start-up »42) et qui vise à créer de l’innovation continuelle en testant à chaque étape de développement les hypothèses émises sur le produit ou service. D’où la nécessité de créer une communauté d’utilisateurs. Orange a mis en place un site dédié à cet effet « Lab Orange ». 40 Ibid., p.78 41 DUVAL Martin, KLAUS-PETER Speidel, « Open Innovation », coll Dunod, 208 p. 90 42 Eric Ries, « Lean Startup », Pearson, 2011, p.67
  • 20. 20   Les trois derniers modèles d’innovation ouverte diffèrent des quatre premières, par leurs pratiques, mais vont notamment plus loin dans la démarche d’innovation ouverte. Ainsi un des modèle consiste en l’« ouverture et partage des données pour stimuler les développeurs d’applications autour de plateformes ouvertes techniquement par des « API » »43 Puis nous avons la « classique » « corporate venturing » où l’entreprise va prendre des participations minoritaires dans des entreprises existantes ou alors créer de nouvelles structures, comme des compagnies dérivées. Le dernier axe est le sujet de notre mémoire, qui consiste à mettre en « œuvre un programme proactif et structuré de partenariat avec des acteurs de type start-up, PME, entrepreneurs ou laboratoires de recherche » et de les incorporer dans une structure d’incubation ou d’accélération. Depuis plusieurs années, nous avons constaté un net engouement de la part des grandes structures pour cette forme d’innovation ouverte. Nous allons nous pencher sur ce phénomène pour ensuite nous concentrer sur notre corpus principal : Orange et son réseau « Orange Fab ». 2.2 Les programmes d’incubateurs Deux constats : le premier est que la création d’entreprise prépare le renouvellement et l’adaptation économique, c’est à dire le futur. Le deuxième, mis en avant par Catherine Leger Jarniou, est qu’il est « reconnu que les entreprises qui ont bénéficié d’un appui pendant leur création sont plus pérennes que les autres entreprises et que de plus, cet appui à un effet positif sur le développement et la rentabilité des jeunes entreprises »44 . Par conséquent, l’accompagnement à la création d’entreprises s’est considérablement développé au gré des interventions publiques. Il en est devenu un métier et au fur et à mesure, différents acteurs publics et privés se sont accaparés le sujet pour en faire leur spécialité. Aujourd’hui, ces structures d’accompagnements de jeunes entreprises prennent souvent l’appellation d’« incubateur », même si parfois les termes peuvent varier, comme nous allons voir. Avant de rentrer plus en profondeur sur la mission de l’incubateur et plus particulièrement de l’incubateur d’entreprises, nous allons nous arrêter sur la définition du mot « incubateur ». D’après le petit Larousse, l’incubateur est un « appareil servant à l’incubation artificielle des œufs de poule, d’oie », c’est un synonyme du mot couveuse. On retient notamment la notion « artificielle » qui sous-entend une relation de dépendance et d’assistante de l’élément incubé à l’appareil. Sans l’incubateur, l’élément serait en situation de difficulté, sa vie pourrait être menacée ou tout du moins sa croissance pourrait en être altérée. Cette expression, comme nous allons l’exploiter dans notre 43 API est un acronyme pour « Applications Programming Interface » 44 Leger-Jarniou Catherine, « Accompagnement des créateurs d'entreprise : regard critique et propositions », Marché et organisations 1/2008 (N° 6), p. 73-97
  • 21. 21   mémoire, nous vient tout droit des Etats-Unis. Raison pour laquelle j’ai voulu prendre une définition anglaise du terme incubator : « An enclosed apparatus in which premature or unusually small babies are placed and which provides a controlled and protective environment for their care »45 . Cette définition fait ressortir d’autant plus la notion de « protection », « environnement protégé et protectif ». La relation de dépendance vis-à-vis de l’incubateur est encore plus forte ainsi que la fragilité de l’élément incubé. Dans le cadre de notre sujet, les incubateurs sont définis comme « des structures d’appui à la création d’entreprises. Ils réunissent des ressources spécialisées dédiées à l’accompagnement et l’assistance des entreprises avant leur création ou dans les premières années de leur vie »46 , selon la définition que l’on retrouve dans le rapport de recherche de la Chambre de Commerce de Sophia Antipolis. Le Petit Larousse rajoute une définition économique qui le lie directement aux grands groupes : « Structure créée par des grands groupes, réunissant des start-ups dont ils financent le lancement ou dans lesquelles ils prennent des participations pour en favoriser la croissance »47 . Ce que l’on retient de ces définitions, c’est la notion d’accompagnement et d’assistance. Lors de nos recherches, on a constaté plusieurs terminologies liées à l’incubation, on parle de « pépinière », « ruche », « couveuse », qui désignent une structure d’appui après la création. Nous avons ensuite le terme « accélérateur » qui, lui, désigne l’entreprise à une phase de développement déjà plus avancé, qui a déjà fait ses preuves sur le marché et qui va vouloir préparer sa première levée de fonds. Par contraste, l’incubateur se situerait plus en amont dans la phase de développement de l’entreprise. Pour Jérôme Gonthier48 , « l’incubateur a pour mission d’accompagner un entrepreneur dans le processus de validation d’une nouvelle idée d’affaires » tandis que l’accélérateur « accueille des entreprises en phase de pré-commercialisation et les accompagne dans la formalisation des opérations et des canaux de ventes, en plus de mobiliser un réseau pour accélérer leur processus de mise en marché »49 . L’incubateur est donc un outil d’exploration alors que l’accélérateur appuie surtout l’exploitation de l’entreprise en démarrage. 45 Définition de Oxford Dictionnaries en ligne : http://www.oxforddictionaries.com/definition/english/incubator Traduction : Un dispositif clos dans lesquels prématurés ou des nourrissons particulièrement petits sont placés et qui offre un environnement contrôlé et protectif, adéquat à leur besoin. 46 Philippe Albert, Michel Bernasconi, Lynda Gaynor « Les incubateurs, émergence d’une nouvelle industrie. Comparaison de leurs acteurs et de leurs stratégies », rapport de recherche de la chambre de commerce de Sophia Antipolis, 2004 47 Définition du Larousse en ligne : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/incubateur/42436 48 Gonthier Jérôme, « Incubateurs et accélérateurs : comment faire tomber les barrières entre les grandes entreprises et les communautés d’entrepreneurs », Gestion 2/2016 (Vol. 41), p. 66-69 49 Ibid., p. 67
  • 22. 22   Pour simplifier, nous adopterons le terme incubateur, selon la terminologie anglo-saxonne plus générique « incubator »50 , pour désigner les structures d’accueil avant et après la création d’entreprise, et nous viendrons sur la nuance des termes lorsqu’elle nous semblera pertinente pour l’analyse. Deux vagues de créations d’incubateurs51 ont eu lieu en France. La première correspond à la fragmentation du paysage industriel français dans les années 80 avec l’essor de création de petites entreprises. Initialement les initiatives ont été d’ordre individuel et local, suivies de près par l’intervention des pouvoirs publics. Les collectivités locales y ont vu rapidement un levier de croissance économique. De nombreuses subventions ont été prévues pour soutenir ces initiatives, pour ensuite être relayées à un niveau national et européen. La deuxième vague quant à elle, a eu lieu au début des années 2000 avec l’émergence d’Internet. Initialement, des programmes d’incubation sont nés dans le milieu académique puis les incubateurs d’entreprises ont suivi. Les Etats-Unis ont été précurseur avec 350 incubateurs recensés en Octobre 2000, alors que selon une étude de Harvard Business School52 il y en avait uniquement 24 à la fin des années 90. Aujourd’hui on compte 1200 incubateurs d’entreprises selon le National Business Incubation Association avec plus de 41000 start-ups. En France, 228 incubateurs sont référencés mais on ne connaît pas la proportion des incubateurs issus des entreprises. Face à cet engouement pour les incubateurs, on peut parler d’un vrai phénomène de rationalisation du processus de fabrication des start-ups et même « d’industrialisation »53 . On compte, ainsi, quatre grandes typologies d’incubateurs : l’incubateur de développement économique local, l’incubateur institutionnel académique et scientifique, l’incubateur issu d’entreprises et le dernier, l’incubateur privé. Mais globalement chaque famille d’acteurs marchands ou non marchands a créé son programme d’incubation, associations et fondations comprises. Mais à quoi servent ces programmes d’incubation et en quoi consistent-ils ? Comme nous l’avons vu, la fonction principale, la raison d’être de ces incubateurs est d’accompagner les jeunes entreprises dans leur développement et, pour y parvenir, ils interviennent dans six domaines, même si en fonction des incubateurs, ils peuvent évoluer. Les six domaines d’interventions sont les suivants : finances (aide à la levée de fonds, aide à l’accès aux subventions publiques ou dotations financières…), humains et éducationnel (accès à des experts, tutorat, formation, réseaux…), 50 Traduction : incubateur 51 Philippe Albert, Michel Bernasconi, Lynda Gaynor. « Les incubateurs, émergence d’une nouvelle industrie. Comparaison de leurs acteurs et de leurs stratégies », rapport de recherche de la chambre de commerce de Sophia Antipolis, 2004 52 Ibid., p. 10 53 Ibid., p.11
  • 23. 23   physique (hébergement de l’entreprise, accès wifi…), organisationnel (accompagnement dans la démarche à suivre pour la création d’entreprises), technologique (conseil sur le produit, service…). 2.3 Les incubateurs d’entreprises Le lien entre les start-ups et les grands groupes n’est pas forcément facile à établir. Des acteurs qui diffèrent par leurs structures, leurs procédés décisionnels et par un rapport au temps qui n’est pas le même pour un grand groupe et une start-up. Le principal obstacle mis en évidence dans une étude de l’agence Fabernovel54 est que, pour 54,8% des start-ups, la prise de contact avec un grand groupe est difficile. Ainsi deux startups sur trois ne sont pas en relation avec un grand groupe à cause d’une démarche complexe et d’une communication difficile. Souvent, c’est la difficulté de trouver le bon interlocuteur qui semble être le principal obstacle comme explique Inès Gaisset, fondatrice de Seat-e « Lorsqu’on rentre en relation avec un grand groupe, c’est un labyrinthe pour trouver les bonnes personnes » Ainsi, un des rôles des incubateurs d’entreprises, va être de faciliter la mise en relation de ces deux acteurs. La spécificité des incubateurs d’entreprises est qu’elle doit répondre à un double objectif celui d’irriguer l’innovation au sein de leur groupe en faisant monter en interne les innovations apportées par les start-ups, et celui d’accompagner les start-ups dans leur développement en leur apportant les ressources nécessaires. Pour se faire, les incubateurs vont sélectionner des start-ups en lien avec leur domaine d’expertise afin de mettre en relation les différents services de l’entreprise mère avec celui des start-ups dans l’objectif d’y conclure des partenariats. Les domaines d’intervention des incubateurs que nous avons listés plus en haut sont globalement les mêmes que celles des incubateurs d’entreprises. On constate parfois des services additionnels tels qu’un « accès à des clients pour tester le produit ou service », des « opportunités de communications »55 , ou des études. Mais, mis à part les côtés plus techniques, les start-ups viennent aussi chercher auprès des programmes d’incubation des grands groupes, de la légitimité et de la crédibilité. Ainsi, toujours selon l’agence Fabernovel, qui a mené une enquête auprès de quatre vingt dix start-ups sur la relation entre les grands groupes et les start-ups, les principaux apports que les start-ups recherchaient auprès des grands groupes étaient de gagner une meilleure crédibilité. En effet, Karim Messeghem et Sylvie Sammut, dans leur étude sur « l’accompagnement du créateur : de l’isolement à la recherche de légitimité », mettent en avant que le créateur a un 54 Institut Fabernovel, « Quelle relation entre start-ups et grandes entreprises », 20 Juin 2014 55 Op. cit. 41, p. 90
  • 24. 24   besoin crucial de reconnaissance par la profession afin d’accéder à des ressources et des informations lui permettant de sortir de son isolement. La pérennité de la jeune entreprise en dépend puisque cette légitimité leur permet « d’engager des relations avec d’éventuels clients ou fournisseurs » (…) et « la structure d’accompagnement est pourvoyeuse de confiance, d’image de marque positive, de réputation, donc de lisibilité et de légitimité pour le nouvel arrivant généralement déficitaire dans la matière ». La jeune entreprise dépourvue alors de passé, qui lui apporterait la crédibilité nécessaire à sa reconnaissance, va aller la puiser dans une structure qui est déjà bien enracinée et qui a démontré sa solidité. Un partenariat « gagnant-gagnant » : lors de mon analyse de contenu et dans la rhétorique utilisée par les grands groupes ainsi que par les pouvoirs publics, j’ai observé que le partenariat « gagnant- gagnant » était souvent évoqué comme un prérequis à cette relation entre start-ups et grands groupes. Que ce soit lors de mes entretiens avec des start-ups incubées chez Orange Fab, que lors de la « Lead Manager » de chez Orange Fab le discours est le même, il faut qu’il y ait « un intérêt pour Orange et un intérêt pour la startup, c’est vraiment du win win »56 . Même si nous sommes amenés à questionner cette expression ultérieurement, il est important de souligner que cet aspect « gagnant-gagnant » est vu comme une condition sine qua non à une relation pérenne et au bon fonctionnement de l’incubateur. Les rôles doivent être bien définis et chaque partie doit savoir ce qu’elle y cherche. Les start-ups viennent clairement chercher des partenariats, du réseau et de la crédibilité auprès des grandes structures. Et ces dernières, viennent « puiser l’innovation à la source » pour leurs services et produits mais aussi pour acquérir un état d’esprit et une façon de travailler. Travailler avec les start-ups serait « disposer d’un outil formidable pour « acculturer » ses collaborateurs à l’innovation ». On va à la source et on s’inspire ! La France, depuis une dizaine d’années a connu « une incubation mania de grands groupes » pour reprendre le terme journalistique de Capucine Cousin et Gilles Wybo. Ils sont nombreux à s’y être mis : Axa, Microsoft, Nike, JC Decaux, SNCF, Orange, La Poste, Google, SFR, Renaud, Total, TF1, Publicis…pas un seul grand groupe semble échapper à la contamination. On distingue aussi les « incubateurs multi-corporate » tel que « Welcome City Lab » : incubateur spécialisé dans le tourisme où différents acteurs du secteur se sont réunis comme Galeries Lafayette, Amadeus, Skyboard, Aéroports de Paris et Sodexo Prestige. Mais Orange est un des précurseurs, il avait déjà implanté une de ces unités de recherche et développement dans le temple de l’innovation, à la Silicon Valley, pour être en contact direct avec tout l’écosystème des start-ups et tout acteur externe. 56 Traduction : « gagnant-gagnant »
  • 25. 25   Ainsi, à travers le cas d’Orange, nous allons nous pencher sur la rhétorique de l’innovation ouverte dans l’objectif de comprendre si elle répond à une vraie volonté d’innover aux côtés de start-ups ou si c’est uniquement une stratégie communicationnelle de la marque. B.UNE ENTREPRISE EN INNOVATION « On a souvent besoin d’un plus petit que soi », disait Jean de La Fontaine, dans le « Le Lion et le rat ». Orange l’a bien compris et a mis en place tout un arsenal de dispositifs pour attirer et sélectionner les start-ups dans l’objectif d’accéder aux innovations numériques de demain. Dans cette partie, nous allons présenter notre corpus principal et les dispositifs mis en place pour ensuite évaluer leurs incubateurs. L’objectif est ainsi de répondre à notre première hypothèse, qui suppose que dans un contexte très concurrentiel, avec des cycles de produits de plus en plus courts, les entreprises ne seraient plus à mêmes d’innover uniquement par elles-mêmes. Dans une démarche d’innovation ouverte, elles mettent en place des programmes d’incubateurs pour attirer et collaborer avec les start-ups. 1. Présentation du corpus, contexte et méthodologie 1.1 Les ambitions stratégiques du groupe Orange Tous les cinq ans, Stéphane Richard à la manière d’un Steve Jobs à la française, expose la stratégie du groupe. Si le plan « Conquêtes 2015 » misait sur l’expansion internationale et un nouveau contrat social en interne, le plan « Essential 2020 » se tourne résolument vers l’expérience client et veut devenir le premier opérateur à l’ère internet. Énoncé sous la monumentale Nef du Grand Palais en Juin 2015, les ambitions à venir sont clairement tournées vers le client : « nous voulons faire vivre ̀à chaque client une expérience incomparable au quotidien. Nous voulons que nos clients profitent en toute confiance de la révolution numérique, avec une qualité́ de service exemplaire dans tous les lieux qui comptent pour eux. Nous voulons qu’ils soient reconnus dans toutes leurs interactions avec Orange, qu’ils bénéficient d’offres et de services personnalisés. Nous voulons leur faire découvrir de nouveaux usages digitaux à la pointe de l’innovation pour enrichir et faciliter leurs vies. Cette approche centrée sur les attentes de nos clients et la qualité́ de l’expérience Orange nous permettra de nous différencier et de retrouver la croissance. »57 57 Communiqué de presse d’Orange, « Essentiels 2020, le nouveau plan stratégique d’Orange », 17 mars 2015
  • 26. 26   Cinq leviers identifiés sont à retenir : offrir une connectivité enrichie, réinventer la relation client, construire un modèle d’employeur « digital et humain » 58 , accompagner la transformation du « client entreprise » 59 et enfin diversifier en capitalisant sur les actifs. Sur l’axe de la diversification d’Orange, le groupe souhaite se focaliser sur les objets connectés et les services banquier, on retrouvera ces domaines dans les start-ups sélectionnés par le programme Orange Fab. Un gros focus aussi sur la partie B to B60 avec comme objectif « de faire croître de 10 points la part des services IT dans le mix de revenus d’Orange Business Services d’ici à 2020 »61 en misant sur quatre domaines principaux : les outils de travail des salariés – mobiles, collaboratifs et flexibles puis sur l’amélioration des processus métiers, en particulier grâce aux applications et objets connectés, en troisième : le cloud privé et hybride pour les multinationales et enfin la cyber défense. Pour parvenir à ses objectifs, le groupe affiche son projet de s’appuyer sur l’innovation ouverte et plus précisément sur les start-ups. Avec l’ambition de soutenir plus de 500 start-ups d’ici 2020 par ses différents programmes d’innovation ouverte, Orange veut « systématiser une vision ouverte de l’innovation »62 . Les start-ups et les développeurs sont vus comme les avant-gardistes des nouvelles tendances du marché. Mais plus concrètement, Orange développera, grâce aux start-ups, des missions pilotes sur de nouveaux marchés, tester de nouveaux services, signer des contrats commerciaux avec de nouveaux fournisseurs et trouver tout un nouveau vivier de clients en devenant le fournisseur du « cloud » de ces multitudes de start-ups. Nous avons choisi comme corpus principal le groupe Orange et son accélérateur Orange Fab. Nous allons, dans un premier temps, faire un panorama de l’écosystème des dispositifs de l’innovation ouverte chez Orange pour ensuite faire un focus sur Orange Fab, ceci nous permettra de mieux élucider la démarche du groupe Orange dans l’innovation ouverte. 1.2 L’écosystème de l’innovation ouverte d’Orange Né au cœur de la Silicon Valley en 2013, Orange Fab est issu d’une démarche d’Orange Silicon Valley devenu Orange Lab depuis. Il est un des centres de développement d’Orange, implanté dans la région californienne depuis quinze ans, qui a comme objectif de « capter les dernières tendances et les meilleures initiatives dans le monde », c’est à dire de développer essentiellement une activité 58 Communiqué de presse Orange « Essentials2020, Orange ’s new strategic plan » 59 Ibid., 52 60 Acronyme pour : « Business to Business » c’est à dire « d’entreprise à entreprise » qui s’oppose à la vente d’entreprise au consommateur. 61 Ibid., 52 62 Dossier de presse Orange « L’open Innovation », Sylvie Duho, Emmanuel Gauthier et Olivier Emberger
  • 27. 27   de veille. Puis en 2008, toujours depuis la Silicon Valley, Orange Institute a été créé afin de faire converger « leaders d’opinion, entrepreneurs, investisseurs, chercheurs et visionnaires de tous horizons ». Aujourd’hui, « Orange Institute » est rattaché au siège social du groupe Orange à Paris. Des voyages sont organisés dans différents endroits du globe reconnus comme des lieux d’innovation. Le dernier en date était en Israël ou différents dirigeants de grandes sociétés sont allés à la rencontre de jeunes start-ups réunis autour d’un thème lié aux innovations numériques. Une autre structure, toujours implantée dans la Silicon Valley, est « Fab Force » qui réunit tout un réseau de partenaires et de clients d’Orange dont le but est de leur faire accéder aux start-ups accélérées chez « Orange Fab » en vue de potentiels partenariats commerciaux. Et enfin, il y a « Orange digital ventures », le fonds d’investissement du groupe, et qui vise à « faire émerger les services, les technologies et les modèles économiques qui définiront l’opérateur digital de demain ». Tout un tas d’autres initiatives, liées aux innovations numériques, se sont développées en coopération avec d’autres acteurs publics ou privés comme « Orange Gardens », un « eco-campus de l’innovation », le Numa à Paris ou encore le prix de l’entrepreneur social en Afrique et le programme de développeurs d’Orange en Tunisie. Plus d’une vingtaine de dispositifs ont été comptabilisés dans le monde entier, sans mentionner tous les projets développés en interne d’Orange (les programmes d’intraprenariats). Pour résumer les principaux dispositifs, voici un petit schéma récapitulatif :
  • 28. 28   1.3 Méthodologie L’objectif de ce mémoire est de distinguer d’une part ce qui appartient à la stratégie d’innovation, de ce qui relève de la rhétorique de la marque. Analyser la rhétorique de la marque appartient aux sciences de l’information et de la communication et consiste à déconstruire le discours de marque pour ensuite l’analyser. La stratégie de l’innovation quant à elle, est plus difficilement détectable puisqu’on se situe au cœur de leur stratégie d’entreprise où les données ne sont pas forcément accessibles. Pour traiter cette partie, il a fallu comprendre si le programme d’accélération de mon corpus était viable, c’est à dire s’il avait les mêmes objectifs qu’un autre accélérateur (n’appartenant pas à une entreprise) et si ces objectifs étaient atteints. La difficulté est qu’il existe très peu d’études sur les accélérateurs et que nous n’avons pas trouvé de définition ou surtout de grille d’évaluation pour estimer si un accélérateur rempli dument son rôle. Pour arriver à nos fins, nous avons entrepris trois démarches : une étude qualitative, une étude quantitative et enfin une analyse comparative. L’étude qualitative : L’objectif de ma démarche qualitative individuelle a été d’apprendre plus en profondeur la mission de Orange Fab mais aussi de distinguer ce qui est de l’ordre de la rhétorique de la marque à la stratégie d’innovation à proprement parlé. L’objectif étant double, j’ai entrepris à la fois un entretien exploratoire et un entretien en profondeur. Ce dernier a pour ambition selon Jean-Luc Giannelloni et Eric Vernette63 d’identifier les motivations et les freins mais aussi d’explorer l’inconscient via des champs disciplinaires relevant de la psychanalyse, de la psychologie de la sociologie et du marketing. Alors que l’entretien exploratoire a pour objectif de se familiariser avec un milieu et d’accéder à des informations. Dans une démarche qualitative, l’échantillon ne vise pas la représentativité. Le sujet central concerne le programme d’accélération Orange Fab et sa viabilité. Les seuls critères retenus étaient d’être en lien avec l’accélérateur et/ou l’écosystème d’innovation ouverte d’Orange et que la moitié des personnes interrogées soient des personnes salariées du groupe Orange pour recueillir les informations et le discours du groupe sur le sujet. Et l’autre moitié, des personnes qui par leurs start-ups avait intégré le programme d’accélération d’Orange Fab. La taille de l’échantillon était de six personnes et l’entretien semi-directif a été retenu en raison de son caractère de discussion « non structurée » et de sa durée variant d’une à deux heures. L’enquêteur est en retrait, l’interviewé au centre de l’investigation. Le recrutement des personnes 63 Vernette Eric et Jean-Luc Giannelloni, « Etudes de marché », Magnar-Vuibert, aout 2012, p.98.
  • 29. 29   s’est fait par le réseau professionnel en ligne « LinkedIn » sur lequel j’ai d’abord contacté : Pascale Diaine qui se définit sur les réseaux sociaux à la fois « Lead Manager d’Orange US » c’est à dire directeur d’Orange Fab aux Etats-Unis et « évangéliste à Orange Silicon Valley » (nous étudierons la notion d’évangéliste dans la deuxième partie du mémoire) et qui, suite à la présentation de ma démarche, m’a invité à une journée de « Démo Day ». Cette journée permet aux start-ups d’Orange Fab US de la saison cinq de venir présenter leurs start-ups aux unités d’affaires d’Orange à Paris et au réseau de partenaires d’Orange. En me rendant au « Démo-day », qui avait lieu au siège social d’Orange à Paris, j’ai eu l’occasion d’interroger les fondateurs de deux start-ups présentes : Spinnakr et Bitwage. Spinnakr, spécialisé dans un produit d’analyse de streaming64 , et Bitwage, spécialisé dans une plateforme qui gère toutes les démarches administratives entre indépendants. J’ai pu interroger aussi Pascale Diaine, le lendemain dans un environnement extérieur, un café parisien. Et par la suite, j’ai pu m’entretenir avec Julie Leclercq, développement d’affaires pour Orange Fab, qui s’occupe de mettre en lien les start-ups aux unités d’affaires d’Orange ainsi que Laurence Lemoine, par entretien téléphonique, responsable de Orange Institute et directrice de la communication et de la marque chez Orange. Enfin, la dernière start-up interrogée par vidéo conférence, est une start-up française accélérée chez Orange Fab France : CBien.com où j’ai recueilli le témoignage de deux personnes : Marine Chambron, responsable marketing et partenariat et Landy, ancienne stagiaire chez Orange Fab France et actuellement commerciale chez CBien.com 65 Étude quantitative : La deuxième procédure a été d’élaborer une petite étude quantitative auprès des start-ups qui ont participé au programme d’accélération d’Orange Fab. Et en parallèle, de créer un tableau comparatif des différents programmes d’accélération. L’objectif est de pouvoir définir, suite aux résultats obtenus, si l’accélérateur d’Orange a accompli sa mission en tant qu’accélérateur et si les promesses mises en avant par Orange Fab ont été respectées. Pour réaliser cette étude quantitative, il a d’abord fallu réaliser une grille avec les critères principaux qui définissent un accélérateur et ses objectifs, pour ensuite élaborer le questionnaire. Pour créer cette grille d’analyse, nous sommes partis des six domaines d’interventions des incubateurs précédemment définis (financier, humain et éducationnel, physique, organisationnel et technologique). Si l’accélérateur reprend certains de ces critères, il s’en différencie, car l’état de l’avancement de la start-up accélérée n’est pas la même que celui de celles qui sont incubées, les objectifs ne sont pas les mêmes. Les premiers accélérateurs sont arrivés en 2005 aux Etats-Unis. Leur précurseur le plus reconnu est : « Y combinator ». Créé, entre autres, par Paul Graham, « Y 64 Traduction : diffusion en temps réel 65 Tous les entretiens sont retranscrits dans l’annexe 4
  • 30. 30   Combinator », fournit un capital d'amorçage, des conseils et des mises en relation au cours de deux programmes annuels de 3 mois. En échange « Y Combinator » prend 6% des capitaux de la société. Sa mission est de préparer la start-up pour qu’elle ait les armes nécessaires pour lever des fonds devant des investisseurs. Les trois mois se concluent par une journée où start-ups et investisseurs, partenaires financiers et tout acteur susceptible d’investir dans la société, se rencontrent. On comprend que l’objectif d’un accélérateur est de rendre la start-up financièrement indépendante. Deux façons d’y parvenir : soit la start-up lève des fonds, soit elle conclut des partenariats commerciaux. C’est dans cette deuxième fonction que les accélérateurs d’entreprises se sont spécialisés : apporter des contrats commerciaux avec l’entreprise mère mais aussi avec d’autres entreprises afin que la start-up ne soit pas uniquement un fournisseur de l’entreprise par qui elle est accélérée. Dans l’entretien réalisé avec Pascale Diaine, nous retrouvons deux points essentiels : celui de réseau, introduire les start-ups à un réseau afin de leur permettre de réaliser une levée de fonds par la suite : « on aide les startups avec le « fundraising »66 , on aide les startups en les introduisant aux bonnes personnes, en leur offrant un voyage à Paris, on les met en relation avec les bonnes personnes »67. Le deuxième objectif est que la start-up devienne indépendante et pas uniquement un fournisseur d’Orange : « Mon objectif est que la startup ne devienne pas qu’un supplier68 d’Orange ; c’est ce qu’il y a de plus dangereux c’est qu’elle ne serve qu’Orange, on veut absolument éviter ça »69. On retient deux axes essentiels : la dimension financière qui peut être réalisée en deux points, soit par la levée de fonds, soit en signant des contrats commerciaux avec l’entreprise offrant le programme d’accélération mais aussi avec d’autres entreprises. Puis la dimension humaine, c’est à dire sur la capacité à mettre en réseau, l’accompagnement personnalisé et tout autre type de formation. Donc, ma grille d’analyse comprend ces deux dimensions pour juger l’efficacité d’un accélérateur : le caractère financier et le caractère humain (conseils et réseau). J’ai ensuite rajouté une dimension ressources humaines, car elle me semble intéressante pour comprendre l’évolution de la taille de l’entreprise dans la mesure où il est connu que les accélérateurs très côtés comme « Y Combinator » permettent ensuite de recruter des personnes de très haut niveau. Et l’autre dimension qui me semblait intéressante à rajouter est celle de la « crédibilité ». Nous avions vu dans la partie deux sur les incubateurs, que les jeunes entreprises dépourvues d’histoire et de légitimité dans leur 66 Traduction : levée de fonds 67 Annexe 4, Entretien n.2, p. 7 68 Traduction : fournisseur 69 Ibid., 67, p.9
  • 31. 31   environnement, venait rechercher de la crédibilité auprès des incubateurs. Ainsi sur ces différentes dimensions, j’ai pu créer mon questionnaire70. Il comprend dix questions qui sont les suivantes : 1. Combien d'accords commerciaux avez-vous conclu avec des Business Units d'Orange grâce à Orange Fab ? 2. Combien d'accords commerciaux avez-vous signé (ou vous êtes sur le point de signer) avec des partenaires d'Orange grâce à Orange Fab ? 3. Avez-vous levé des fonds grâce à Orange Fab ? 4. Combien de personnes avez-vous recrutées grâce à Orange Fab ? 5. Qu’est-ce qu’Orange vous a apporté d’autre ? 6. Comment jugez-vous la qualité de l'accompagnement d'Orange Fab (conseils personnalisés et qualité des mentors) ? 7. Qu’est-ce qu’Orange Fab vous a permis de réaliser que vous n'auriez pas pu faire sans intégrer ce programme ? 8. Conseillerez-vous à une autre start-up de postuler au programme d'accélérateur d'Orange Fab ? 9. Orange Fab a-il été un accélérateur pour votre business ? 10. Estimez-vous qu'Orange Fab vous ait apporté de la crédibilité dans votre secteur d’activité ? La méthode de l’échantillonnage a été simple puisque la dimension de mon étude est définie par les start-ups qui ont participé au programme d’Orange Fab France depuis la création de l’accélérateur, et qui se limite à 24 start-ups. J’ai ainsi pu envoyer ce questionnaire à 24 start-ups par internet. J’ai choisi comme méthode de recueillement : internet et j’ai alterné questions ouvertes et questions fermées. Les questions fermées me permettent de quantifier les réponses et donc de les ramener à des pourcentages ; les questions ouvertes, de recueillir quelques verbatims pour nourrir ma réflexion et voir s’il y avait d’autres dimensions que je n’avais pas prises en compte dans mon analyse. La troisième démarche a été de créer un tableau comparatif71 de différents programmes accélérateurs reconnus. J’ai ainsi comparé six programmes d’accélérateurs, trois français les plus réputés en France qui sont Le Camping, 50 partners et Numa, et deux américains Y Combinator et Tech Stars, les plus reconnus dans le monde avec celui de Orange Fab. Je les ai comparés par rapport aux six dimensions suivantes : durée, financier, humain, physique (espace de travail), organisationnel, gratuité ou non du programme et j’ai rajouté une case « autre » pour les éléments ne rentrant pas dans les autres dimensions. 70 Questionnaire disponible dans l’annexe 1, p. 2 71 Tableau comparatif disponible dans l’annexe 1, p.13
  • 32. 32   2. Orange Fab, un accélérateur 2.1 Orange Fab, mission et fonctionnement Comme nous avons vu précédemment, l’objectif du groupe Orange vis-à-vis des start-ups est très ambitieux : investir et/ou travailler avec plus de 500 start-ups d’ici 2020. Aujourd’hui, le réseau Orange Fab, organisé autour de dix structures réparties sur quatre continents : Afrique, Amérique du Nord, Europe et en Asie, a recruté dans son programme plus de 150 start-ups. Deux fois par an, chaque structure d’Orange Fab, sélectionne, en moyenne quatre à sept start-ups. La sélection de la start-up se fait en fonction de l’intérêt potentiel d’une des unités d’affaires d’Orange dans la start-up. L’équipe de l’accélérateur, va ensuite vérifier l’intérêt de la start-up auprès d’autres grands groupes présents dans Fab Force. Julie Leclercq d’Orange, en charge des partenariats entre les unités d’affaires et les start-ups, nous explique cette phase de recrutement : « En fait, on essaie d’équilibrer le tout car le but est quand même d’apporter de nouvelles technologies pour Orange car on travaille chez Orange mais parfois c’est déjà arrivé qu’on prenne des start-ups qui n’avaient pas forcément de tractions chez Orange mais il y en avait chez les partenaires » 72 , Orange Fab va notamment sélectionner des start-ups dans les domaines de prédilection du groupe c’est à dire en lien avec leur stratégie d’entreprise. Nous avons vu précédemment dans le plan Essentials 2020 que le groupe Orange souhaite diversifier ses actifs en se dirigeant vers des secteurs comme les objets connectés, les services financiers, la cyber-défense, le SAS73 et le cloud74 , l’analyse de data et tout ce qui tourne autour des outils de travail des salariés, c’est à dire tout ce qui est en lien avec les ressources humaines et le recrutement, ainsi que tous les produits financiers ou non en lien avec l’Afrique. George Nahon, CEO d’Orange Silicon Valley et d’Orange Institute, explique à travers le schéma des « 3 Ns » de quelle façon ils classifient les starts-ups. Il catégorise ainsi les start-ups en 3 groupes : le « Now », le « New » et le « Next ». Le « Now », « maintenant » en anglais, et le « Next », « après », correspondent à des investissements en synergie avec le cœur de l’activité de l’entreprise. Le « Now » implique d’investir dans des produits, services, expertises qui vont permettre d’améliorer l’efficacité 72 Annexe 4, entretien n.5, p.15 73 Acronyme pour « Software as an Service » c’est à dire « le logiciel en tant que service, est un modèle d'exploitation commerciale des logiciels dans lequel ceux-ci sont installés sur des serveurs distants plutôt que sur la machine de l'utilisateur » d’après la définition de wikipédia 74 Définition du Cloud : « Le cloud computing, ou l'informatique en nuage ou nuagique ou encore l'infonuagique, est l'exploitation de la puissance de calcul ou de stockage de serveurs informatiques distants par l'intermédiaire d'un réseau, généralement internet » d’après la définition de Wikipédia
  • 33. 33   et l’opérationnel de leur entreprise. Le « New » c’est ce que les entreprises utiliseraient si c’était disponible maintenant, ce qu’elles veulent et ce qu’elles vont aller se procurer via des start-ups ayant déjà travaillé sur ces produits. Alors que le « Next » prépare l’entreprise à aller vers de nouveaux domaines. Le « Next » ne consiste pas à investir dans de nouveaux produits mais plutôt vers des plateformes digitales qui permettront de créer de nouveaux types d’économie et de nouvelles transactions entre le consommateur et le fournisseur. Le programme d’Orange Fab a été inspiré par celui de « Y Combinator » comme Pascale Diaine l’explique dans son entretien. La durée du programme dure trois mois au cours desquels les start- ups vont bénéficier d’accompagnements aussi bien physiques (des bureaux de partage sont mis à leur disposition) qu’immatériels qui consistent en un accompagnement personnel et en groupe par des experts internes du groupe Orange mais aussi externes. Au total, vingt deux évènements avec deux sessions de mentoring75 par semaine. L’objectif affiché sur le site internet d’Orange Fab est de signer au moins un « partenariat commercial entre « business units »76 et start-ups » sans qu’elle devienne uniquement un fournisseur d’Orange. L’ambition de Pascale Diaine va plus loin, elle souhaite miser sur des « unicorns »77 . « L’idée est de miser sur des startups qui vont exister d’elles-mêmes, elles n’ont pas besoin d’Orange pour exister et ça c’est très très important »78. Leur ambition, est donc non seulement que la start-up signe un partenariat avec Orange, mais qu’elle en signe avec d’autres groupes dont l’intérêt est aussi que la start-up puisse s’envoler et qu’elle devienne la prochaine « unicorn » auprès de qui Orange va investir. C’est le système de la note convertible. Orange Fab va proposer 20 000$ aux start-ups (qui ne sont pas obligées de les accepter) afin de permettre à Orange de récupérer des parts dans la start-up une fois que celle-ci aura levée des fonds. Julie Leclercq nous explique que les collaborations entre Orange et les start-ups, s’établissent soit par des contrats commerciaux classiques entre client et fournisseur, surtout pour les contrats de distribution et pour les objets connectés, soit Orange met en place des programmes-pilotes pour tester un nouveau produit ou services voués à être utilisé en interne ou en externe. 75 Traduction : d’accompagnement 76 Traduction : unités d’affaires 77 Traduction : licorne c’est à dire « est une start-up principalement de la Silicon Valley, valorisée à plus d’un milliard de dollars. » d’après la définition de Wikipédia 78 Annexe 4, entretien n.2, p. 8
  • 34. 34   On retient ainsi trois objectifs : le premier est que la start-up devienne un fournisseur d’Orange en signant un ou plusieurs partenariats avec des unités d’affaires d’Orange, mais aussi de trouver d’autres potentiels partenariats grâce à leur réseau de Fab Force et enfin trouver le prochain « unicorn » dans lequel ils pourront investir. 2.2 Analyse des différentes études La finalité de cette partie est d’analyser si Orange Fab répond aux critères d’un accélérateur et si les objectifs prédéfinis par Orange Fab sont atteints. Nous allons d’abord nous pencher, sur le tableau comparatif79 des programmes d’accélérateurs pour définir les points de convergences et de divergences. Voici le tableau : Les points de convergences identifiés : • Période d’accélération : 50% des accélérateurs se déroulent sur une période de 3 mois. • Prise de participation dans la start-up : 67% des accélérateurs prennent une part de participation dans les start-ups 79 Tableau disponible aussi dans l’annexe 1, p.13
  • 35. 35   • 100% des accélérateurs organisent un « Démo-day » • 100% des accélérateurs organisent des sessions d’accompagnements par des experts en alternant des sessions individuelles et collectifs • 100% des accélérateurs offrent un hébergement à leur start-up Les points de divergences identifiés : • 14% des accélérateurs font une dotation d’argent à la place d’une prise de participation financière • 14% des accélérateurs sont gratuits • 14% des accélérateurs offrent des partenariats commerciaux à leur start-up directement en lien avec la structure Pour la catégorie « organisationnelle » les accélérateurs ne fournissant pas toujours les détails, il est impossible d’établir une comparaison. On peut déduire, suite aux résultats, que la structure des programmes des accélérateurs sont très similaires et proposent les mêmes services aux start-ups accélérées. On peut tout de même relever quelques différences : Orange Fab est le seul accélérateur à ne pas prendre de participation obligatoire au début du programme et il est le seul à offrir des contrats commerciaux en lien direct avec la structure de l’organisateur. Ainsi, on peut conclure qu’Orange Fab reprend la même organisation que les autres accélérateurs, il suit le même programme, à la différence que l’objectif n’est pas forcément celui de la levée de fonds à la fin du programme mais plutôt de signer un ou plusieurs contrats commerciaux avec la structure d’Orange. Par ailleurs, pour soutenir cette affirmation, j’ai pu me rendre à une journée de « Demo-Day » d’Orange Fab US et les personnes présentes n’étaient pas des investisseurs mais des managers d’autres entreprises venus identifier s’il était possible de conclure des potentiels accords avec les start-ups. Ce que l’on retient c’est qu’Orange Fab, par sa structure et ses services offerts, est un accélérateur. Maintenant, il semble pertinent de comprendre si l’accélérateur répond à ses promesses. Pour cela, nous avons interrogé les start-ups accélérées chez Orange Fab sur dix questions (vu précédemment), voici les réponses de notre étude : • 80% des start-ups ont répondu avoir signé des accords commerciaux avec au moins une unité d’affaires d’Orange ; • 20% des start-ups ont répondu avoir signé des accords commerciaux avec des partenaires d’Orange grâce à Orange Fab ;
  • 36. 36   • 0% des start-ups ont levé des fonds grâce à Orange Fab ; • 20% des start-ups ont recruté grâce à Orange Fab ; • 60% des start-ups ont jugé la qualité de l’accompagnement d’Orange Fab très satisfaisant et 20% ont jugé la qualité de l’accompagnement d’Orange Fab satisfaisant ; • 80% des start-ups conseilleraient de postuler au programme d’accélérateur d’Orange Fab ; • 80% des start-ups estiment qu’Orange Fab a été un vrai accélérateur pour leur business ; • 65% des start-ups estiment qu’Orange Fab leur a apporté de la crédibilité dans leur secteur d’activité. Suite à ces résultats, on peut dire que la mission principale d’Orange Fab qui était de signer avec au moins un partenariat commercial avec les start-ups a été dument rempli. Par contre, les deuxièmes et troisièmes missions identifiées, qui étaient celles de signer des accords commerciaux avec d’autres partenaires, n’a pas été atteint. De même que la levée de fonds. En revanche, la dimension « humain & éducationnel » a rempli ses fonctions. De façon globale, les start-ups ont été très satisfaites des prestations d’Orange Fab, non seulement la qualité était au rendez-vous mais elle leur a apporté la crédibilité dans leur secteur d’activité. 2.3 Conclusion Peut-on dire qu’Orange Fab est un accélérateur à proprement parler ? D’après les conclusions que nous venons d’exposer, on peut dire que par la forme il s’agit d’un accélérateur mais par ses moyens, il diverge. Maintenant, si on estime qu’une des finalités d’un accélérateur est de mettre les start-ups sur une entrée financière, que ce soit par des partenariats commerciaux ou par une levée de fonds, l’objectif est atteint. On pourrait affirmer que l’accélérateur d’entreprise, par l’exemple d’Orange Fab, est une forme hybride d’accélérateur qui, à la différence d’un accélérateur privé ou public, ne va pas se rémunérer sur une prise de capital mais plutôt en signant des partenariats commerciaux. Quant aux deux autres finalités que nous avions définies : « humain et éducationnel » ainsi que « crédibilité et légitimité » que l’accélérateur devait apporter à la start-up, on peut dire que c’est mission accomplie. Des verbatims récoltés sur notre étude quantitative corroborent cette constations : « Réseau, visibilité, crédibilité » sont les 3 noms qui reviennent le plus souvent, ainsi que 65% des start-ups ont répondu qu’Orange Fab leur a apporté de la crédibilité dans leur secteur d'activité. Mais la particularité de l’accélérateur d’entreprise, comme nous l’avions évoqué plus haut, a la spécificité qu’il doit répondre à un double objectif : celui d’accompagner les start-ups mais aussi de