Implémentation et mise en place d’un système décisionnel pour la solution Meg...
MéMoire Casino Poker Mars 2008 Dupuis
1. Université de Marne-la-Vallée
UFR d’Economie et de Gestion
Master Management et Ingénierie Economique
Spécialité Management de Projet, de l’Innovation et de la Conception
Séminaire « Gestion de projet et organisation des entreprises »
Projet d’innovation des casinos en France :
Le cas de l’introduction du poker
Présenté par : Nguyen Dang – Guillaume Dupuis – Victor Liger
Sous la direction de : Monsieur Gilles Garel
Mars 2008
Page | 1
3. Université de Marne-la-Vallée
UFR d’Economie et de Gestion
Master Management et Ingénierie Economique
Spécialité Management de Projet, de l’Innovation et de la Conception
Séminaire « Gestion de projet et organisation des entreprises »
Projet d’innovation des casinos en France :
Le cas de l’introduction du poker
Présenté par : Nguyen Dang – Guillaume Dupuis – Victor Liger
Sous la direction de : Monsieur Gilles Garel
Mars 2008
Page | 3
4. Déclaration sur l’honneur
« Nous attestons sur l’honneur que les travaux soumis en nos noms sont exclusivement le fruit
de nos propres efforts et que toute idée ou tout document utilisé pour étayer ce travail et ne
constituant pas une réflexion personnelle, est en conséquence, cité en référence. »
Nguyen Dang Guillaume Dupuis Victor Liger
Page | 4
5. Remerciements
Peu d’étudiants en France se risqueraient à réaliser un travail sur cette thématique.
En effet, ce travail ne pouvait pas se faire sans données ou autres sources pertinentes sur
lesquelles s’appuyer.
Un grand merci donc aux différents acteurs qui ont pris la peine de prendre sur leur temps
pour répondre à nos sollicitations diverses et variées.
Par ordre de rencontre,
Merci à Lionel Rosso, co-présentateur de l’émission World Poker Tour sur Canal+, grand
spécialiste du football et maintenant du poker,
Merci au sénateur François Trucy, premier expert français sur les jeux de hasard et d’argent
en France,
Merci à Philippe Pouillard, directeur des Jeux de Table du Groupe Barrière pour ses
informations sur l’activité poker au sein du Groupe,
Merci à Michel Cohen, joueur de poker français émérite,
Merci à Jean-Pierre Martignoni, éminent sociologue spécialiste sur les jeux de hasard, le
gambling et la socialisation ludique contemporaine.
Pour terminer merci à Gilles Garel de nous avoir donné la possibilité de travailler sur un sujet
qui nous tenait à cœur.
Page | 5
6. Sommaire
Sommaire ......................................................................................................................... 6
Introduction générale ....................................................................................................... 8
Première partie Le casino : un acteur majeur de l’Industrie du Jeu .............................. 12
Introduction .......................................................................................................................... 13
Chapitre 1 Les casinos dans le monde et en Europe ......................................................... 13
1. Le principal marché asiatique .............................................................................................................. 13
2. Le principal marché américain ............................................................................................................ 14
3. Le marché européen............................................................................................................................. 14
Chapitre 2 Le marché français ......................................................................................... 16
1. Un marché réglementé ......................................................................................................................... 16
2. Structure et croissance du marché ....................................................................................................... 18
Chapitre 3 L’offre de services et le poker ......................................................................... 22
1. Les jeux de hasard ............................................................................................................................... 22
2. Un jeu de contrepartie : le poker.......................................................................................................... 22
Conclusion ............................................................................................................................. 27
Deuxième partie Le projet poker : de la stratégie d’innovation à la gestion .................... 28
Introduction .......................................................................................................................... 29
Chapitre 1 Le dilemme de l’innovateur ............................................................................ 31
1. Portefeuille d’activité .......................................................................................................................... 31
2. Innovation disruptive ........................................................................................................................... 33
3. L’impact stratégique de l’innovation ................................................................................................... 35
Chapitre 2 Le projet poker .............................................................................................. 40
1. Le phénomène poker ........................................................................................................................... 40
2. Le processus organisationnel ............................................................................................................... 43
Conclusion ............................................................................................................................. 46
Troisième partie Management stratégique de la relation de service ............................... 47
Introduction .......................................................................................................................... 48
Chapitre 1 La gestion de la relation client dans l’offre de service poker ........................... 50
1. L’analyse du profil client ..................................................................................................................... 50
2. La gestion du client ressource.............................................................................................................. 53
Chapitre 2 La gestion des ressources et des opérations de process.................................... 55
1. Le personnel en contact ....................................................................................................................... 55
2. Le contrôle du processus ..................................................................................................................... 57
Chapitre 3 Management des synergies dans la gestion du portefeuille d’activités ............ 59
Page | 6
8. Introduction générale
« Le poker est la meilleure métaphore qui existe pour enseigner une multitude d’habiletés
dans les champs de compétences les plus variés » affirme Charles Nesson1, professeur de la
faculté de Droit de la célèbre université Harvard aux Etats-Unis. A l’occasion de la
conférence internationale sur le jeu à Singapour, Charles Nesson a annoncé le 19 août 2007 la
création du groupe Global Poker Strategic Thinking Society (GPSTS) qui souhaite utiliser le
poker comme outil d’apprentissage dans les écoles secondaires et les universités, en
commençant par Harvard.
En effet, le GPSTS considère le poker comme un jeu d’habileté, et non de hasard, et comme
un formidable outil d’apprentissage pour enseigner des compétences de la vie de tous les
jours, la pensée stratégique, l’analyse géopolitique, l’évaluation des risques et la gestion de
l’argent.
Ce qui est intéressant à retenir dans cette annonce et qui permet d’affirmer tous ces concepts
sur l’intelligence du jeu en lui-même, c’est de prendre en considération le fait que le poker est
un jeu d’habileté, et non de hasard.
C’est pourquoi, au regard de la législation française, l’activité poker n’était pas autorisée dans
les casinos, mais au contraire permise dans les cercles de jeux parisiens.
Les casinos sont les seuls à accueillir les jeux de contrepartie et les appareils automatiques
mais aucun jeu de commerce n’y est permis. C’est-à-dire que le joueur mise, dans les jeux de
hasard, sur les chances d’un tiers, à l’opposé du joueur qui défend sa propre chance.
Or, comme chaque règle a son exception, certains jeux de hasard sont autorisés dans quelques
cercles de jeux selon les termes de l’instruction du 15 juillet 1947. Ce sont notamment le
billard multicolore à 25 godets de 5 couleurs différentes et le baccara.
Ainsi, en l’absence de toute définition légale, on peut dire que les jeux de contrepartie
exclusivement pratiqués dans les casinos sont ceux où le joueur affronte l’établissement et
non les autres joueurs. Ce sont les jeux de dés : le craps, les jeux de roues : boule, 23,
1
http://fr.pokernews.com/news/2007/8/poker-harvard-nesson.htm
Page | 8
9. roulettes françaises, américaines et anglaises, les jeux de cartes : Black-Jack, 30 et 40, punto
banco. Le casino gagne ce que perdent les joueurs.
Cet énoncé des « règles » distinguant casinos et cercles de jeux figure dans le rapport
d’information sur les jeux de hasard et d’argent en France, rapporté par le Sénateur Trucy en
2002.
Or, le 14 mai 2007, soit cinq années plus tard, est publié au Journal Officiel le décret
autorisant officiellement le poker sous sa forme Texas Hold’em dans les casinos en France.
Que s’est-il donc passé durant ces cinq années pour que le projet poker prenne vie et
aboutisse ? Ce sera l’objet de notre étude.
D’après Christian Begin, contrôleur d’Etat, dans Pour une politique des jeux2, « les casinos ne
sauraient asseoir leur prospérité sur les seules machines à sous et qu’il faut peut-être
s’attendre à des innovations du côté des jeux de table où sévit un sérieux problème de
renouvellement ». Christian Begin a ici été visionnaire et nous mettrons en évidence que suite
à différentes circonstances, telles que l’effet de mode et le buzz médiatique, le poker est en
passe de devenir le jeu incontournable que tout casino digne de ce nom se doit de mettre en
place.
Selon la définition de Loilier et Tellier (1999), l’innovation est « un terme désignant à la fois
le processus de création par l’entreprise d’une offre considérée comme nouvelle et le résultat
de ce processus : un nouveau produit, un nouveau service ou un nouveau procédé de
fabrication ».
C’est pourquoi dans l’industrie des casinotiers, l’introduction de cette nouvelle activité peut
s’apparenter à une révolution, ou à une évolution, diront certains. Nous n’avons pas à faire à
l’ajout d’une énième machine à sous mais à l’introduction d’un nouveau jeu bouleversant
quelque peu le Dominant Design de l’offre de services du casinotier. En effet, depuis 1987 et
l’autorisation pour les casinotiers français d’installer des machines à sous dans les casinos en
France, aucune innovation majeure n’a eu lieu dans leur offre de jeux.
Ainsi, on a pu constater ces derniers mois de multiples ouvertures de « poker rooms » dans la
plupart des casinos appartenant aux Groupes Barrière et Partouche, les deux premiers
2
Christian Begin, Pour une politique des jeux, L’Harmattan, 2001, p 125.
Page | 9
10. casinotiers français. Adopteurs précoces et participants à la diffusion et au développement du
poker dans les casinos en France, les deux Groupes ont néanmoins une stratégie différente.
Cette différence n’est par ailleurs pas sans rapport, et nous verrons pourquoi, avec le fait que
l’activité poker n’est pas intrinsèquement une activité à forte croissance et à rentabilité
élevées.
La problématique qui se dégage alors est la suivante : dans quelles mesures une
innovation à faible rentabilité est-elle créatrice de valeurs pour l’organisation ? En quoi les
groupes Barrière et Partouche en sont des acteurs majeurs ?
Il s’agit de converger vers le but global grâce à ce nouveau projet, qui va supposer une
première commercialisation réussie, une acceptation par le marché et un saut quantique à
négocier (passage du fictif au réel). Si tel est le cas, l’innovation sera diffusée, c’est-à-dire
adoptée à grande échelle.
Notre étude du projet passe par l’analyse des conditions nécessaires à son développement. Ces
conditions sont d’ordre :
- Economique, financière : rentabilité de l’activité poker chez les casinotiers ;
- Politique : la législation et les autorités de tutelles sont parties prenantes ;
- Sociale : effet de mode et/ou de société ;
- Marketing : image de marque, fidélisation du client, clientélisme.
Afin de tenter de répondre à cette problématique, nous allons étudier l’activité poker à travers
les modèles théoriques de l’innovation (Christensen, Henderson et Clark, Durand) et de celui
des services (Gadrey, Eglier, Berry & al).
Dans un premier temps, nous présenterons l’Industrie du Jeu et les casinos en France pour
arriver au business model de l’activité poker.
Dans un second temps, nous mettrons en relation cette nouvelle activité avec les concepts
théoriques liés à l’innovation. Puis nous montrerons comment le projet poker a évolué, depuis
ses bribes médiatico-sociétales à son autorisation politico-économique.
Page | 10
11. Dans un dernier temps, nous analyserons le management stratégique de la relation de service
dans l’innovation.
Page | 11
12. Première partie Le casino : un acteur majeur de l’Industrie
du Jeu
Page | 12
13. Introduction
Les jeux de hasard et d’argent en France sont un marché conséquent : 1,5% du PIB sont
joués par les français chaque année. Ce marché est divisé en trois activités : les courses de
chevaux, dont le PMU est l’acteur, les loteries et les jeux à gratter, détenus par la Française
des Jeux, et enfin les casinos. Les chiffres d’affaires générés par chacune de ces activités sont
sensiblement équivalents : 8,1 milliards d’euros pour le PMU, 9,5 milliards d’euros pour la
Française des Jeux et 8,3 milliards d’euros pour les casinos.
Le mot « casino » vient de l’italien « casa » et c’est à Venise en 1626 qu’est né le principe des
casinos.
De cette « maison », le décret de 1959 dit que ce doit être « un établissement comportant trois
activités distinctes : spectacle, restauration et jeux, réunies sous une direction unique sans
qu’aucune d’elles puisse être affermée ».
C’est d’ailleurs ce modèle qui prévaut dans la grande majorité des casinos de part le monde.
Après avoir présenté les principaux marchés mondiaux de l’industrie des casinotiers, nous
nous recentrerons sur le marché français, ce dernier étant important puisqu’il détient le
deuxième rang mondial en termes de Produit Brut des Jeux.
Chapitre 1 Les casinos dans le monde et en Europe
1. Le principal marché asiatique
La capitale chinoise des casinos, Macao, a annoncé des recettes de 10 milliards de dollars
pour 2007, en hausse de 46% sur un an. Les 22 établissements de jeu ont généré l’an dernier
83,8 milliards de patacas3 (10,4 milliards de dollars), contre 56, 2 milliards de patacas en
2006. Les revenues du jeu connaissent une croissance exponentielle à Macao depuis que
3
www.lescasinos.org
Page | 13
14. l’ancienne colonie portugaise, rétrocédée à la Chine en 1999, a mis fin en 2001 au monopole
que détenait jusqu’alors le Macanais Stanley Ho. La croissance s’est nourrie d’une formidable
explosion du tourisme, la Chine communiste accordant de plus en plus d’autorisations de
voyage individuelles tandis qu’il fallait auparavant nécessairement passer par des tour-
opérateurs.
2. Le principal marché américain
Les recettes de l’ensemble des casinos de la région de Las Vegas ont quant à elles totalisé
10,6 milliards de dollars en 2006 (6,6 milliards pour les seuls établissements de la ville de Las
Vegas).
3. Le marché européen
La règle est, dans la plupart des pays européens, une interdiction formelle des jeux de
hasard et d’argent. Toutefois, des réglementations se sont un peu partout mises en place
accordant, en fonction des spécificités locales, des dérogations au principe général
d’interdiction. Ainsi, l’exploitation des casinos est généralement soumise à un système
d’autorisation de licences octroyées par la puissance publique. Qu’elles soient attribuées à des
monopoles d’Etat ou à des entreprises privées, les principaux critères d’attribution évoqués
sont :
La nécessité de satisfaire une demande potentielle tout en maîtrisant la croissance du
marché et en préservant l’ordre public. Plutôt que de prohiber l’activité, il est
préférable de la légaliser et la contrôler afin, d’une part, de protéger les joueurs et,
d’autre part, d’éviter que les organisations criminelles n’infiltrent le marché des jeux ;
Le soutien au développement de l’activité touristique ; l’implantation des casinos
participant au renforcement de l’attractivité des régions d’implantation ;
Page | 14
15. La création de destinations de loisirs, permettant d’irriguer le tissu économique local,
avec de forts investissements consacrés à l’hôtellerie et toute une gamme de services
connexes, spectacles et restauration notamment ;
Le fort potentiel fiscal des établissements de jeu, qui contribue de façon substantielle à
l’alimentation des finances publiques.
• Panorama du Produit Brut des Jeux des casinos sur les principaux marchés européens
en 2004
Graphique 1
Source : Claude Montmeas, Les casinos en France et en Europe, Natexis Banques Populaires, Juillet 2005
• Les marchés européens sont des marchés matures
Les évolutions font apparaître une décélération forte de la croissance (Grande-Bretagne,
Allemagne, Espagne), voire dans certains cas un recul, à l’exception notable du marché
helvétique, du fait de l’exploitation en année pleine de la totalité du parc (depuis 2004).
Page | 15
16. • Des marchés qui restent sous contrôle
Les régulateurs ont toujours des préoccupations contradictoires :
D’une part, assurer l’ordre et la sécurité publique, en prévenant les comportements de
dépendance, en contrôlant strictement l’activité dont la nature même peut conduire à
des déviances mafieuses ou criminelles. Les opérateurs doivent faire la preuve de leur
compétence, de leur intégrité et de leur solvabilité, le législateur souhaitant prévenir
tout risque de transactions financières douteuses ;
Et, d’autre part, favoriser le développement d’un secteur, créateur d’emplois,
générateur d’investissements, à même de dynamiser les économies locales et
également grand pourvoyeur de ressources pour les collectivités.
Par ailleurs, le marché des casinos se caractérise également par son hétérogénéité en terme de
propriété. Aux Pays-Bas, en Autriche et dans certains landers allemands, seul l’Etat est
habilité à posséder et exploiter des casinos. Dans les pays européens, les sociétés privées qui
exploitent les casinos sont soumises à des systèmes de licences et de contrôle extrêmement
stricts de la part des autorités de tutelle.
Chapitre 2 Le marché français
1. Un marché réglementé
En France, les jeux d’argent et de hasard sont soumis à un régime d’interdiction défini par
l’article 210 de l’ancien code pénal et désormais énoncé à l’article premier de la loi du 12
juillet 1983.
• Le cadre législatif
La loi du 15 juin 1907 reste fondamentale dans la mesure où elle continue à
structurer le secteur et expliquer ses évolutions. Elle autorise certains jeux de hasard
exclusivement dans les stations balnéaires, thermales, ou climatiques, et réglemente, après
Page | 16
17. accord du ministère de l’intérieur, l’exploitation des casinos. Elle définit, par ailleurs, la
procédure de délivrance des autorisations et les règles de fonctionnement et d’exploitation des
jeux. Elle dispose qu’un casino doit comporter trois activités distinctes : le spectacle, la
restauration et les jeux, réunies sous une direction unique sans possibilité d’affermer ces
activités. Elle précise enfin que la surveillance des casinos est conjointement exercée par les
ministères de l’intérieur et des finances.
En 1920 parut une décision très contraignante : aucun casino ne pouvait
s’établir à moins des cent kilomètres de la capitale. Cependant, en 1931, conformément aux
paradoxes permanents qui prévalent dans ce secteur d’activité, une exception fut faite au
profit de la ville d’Enghein.
La loi du 5 mai 1987, dite loi Pasqua, autorise l’installation d’appareils de jeux
automatiques dans les casinos tout en maintenant les procédures d’autorisation. Elle répond à
un double souci de la puissance publique qui est d’une part de redynamiser un secteur qui, à
l’époque, déclinait et d’autre part d’harmoniser la législation française avec celle des autres
pays de la Communauté Européenne qui autorisaient les machines à sous.
La loi du 5 janvier 1988, dite amendement Chaban, a étendu la possibilité
d’implantation d’un casino aux villes principales des agglomérations de plus de 500 000
habitants qui participent au fonctionnement d’un centre dramatique national, d’un orchestre
national et d’un opéra.
L’avis du Conseil d’Etat d’avril 1995 étendant au secteur des casinos les
dispositions de la loi Sapin du 29 janvier 1993 sur la prévention de la corruption et la
transparence de la vie économique et des procédures publiques, a eu pour effet de qualifier
l’activité des casinos de délégation de service public local. Cette qualification nécessite
d’introduire une obligation de mise en concurrence pour l’octroi ou le renouvellement des
concessions des casinos au sein des communes. Cette délégation doit se formaliser par la
signature d’un cahier des charges qui vaut contrat entre les parties prenantes.
Le protocole sur la promotion du jeu responsable met en œuvre
obligatoirement sur l’ensemble des casinos, au plus tard le 1er novembre 2006, d’un contrôle
d’identité des joueurs afin de refuser l’entrée des salles de jeux aux mineurs et interdits de jeu.
Cette mesure, combinée à la suppression du droit de timbre pour l’accès aux salles de grands
Page | 17
18. jeux depuis le 1er mai 2006, favorise la mixité des jeux, c’est-à-dire la suppression de la
séparation entre jeux de table et machines à sous.
Afin de protéger les fumeurs contre les non fumeurs, le renforcement de
l’interdiction de fumer dans les lieux à usage collectif a été initié par le décret du 15
novembre 2006. Depuis le 1er janvier 2008, la mesure est généralisée aux lieux dits de
« convivialité » dont les casinos font partis.
• Les autorités de tutelle et leurs domaines de compétence
L’Etat, responsable de l’ordre public et de la moralité, exerce sa tutelle sur le secteur des
casinos principalement au travers du Ministère de l’Intérieur et du Ministère des Finances.
Cette tutelle de la puissance publique se traduit par :
Le pouvoir d’autoriser la création et l’ouverture de nouveaux casinos,
d’octroyer l’autorisation d’exploitation de nouvelles machines à sous et
également d’instruire les dossiers de renouvellement et d’extension, via la
Commission Supérieure des Jeux, créée en 1934 qui donne un avis sur chaque
dossier pour le Ministre de l’Intérieur qui prend la décision finale ;
Les contrôles financiers via le Ministère des Finances qui intervient
principalement dans le cadre de la collecte des prélèvements fiscaux
spécifiques au domaine du jeu et de la publication de données de synthèse
concernant l’activité du secteur ;
Les contrôles de police via la Direction des Renseignements Généraux qui
assure, au quotidien, diverses missions de contrôle et de surveillance des
établissements.
2. Structure et croissance du marché
Entre 1999 et 2002, les casinotiers ont pu compter sur une croissance à deux chiffres de
leur PBJ. Depuis 2002, cette croissance est ralentie avec des taux moyens annuels proches des
2 %. Au total, l'activité des casinos aura généré plus de 2,7 milliards d'euros de PBJ pour la
Page | 18
19. saison 2005/2006. C'est 2,16 % de mieux que la saison 2004/2005 (le taux de progression le
plus faible depuis 15 ans) et 1 milliard de plus qu'en 1997. D'ailleurs le PBJ aurait grimpé de
988 % en 15 ans. Aujourd'hui, c'est plutôt l'accroissement de l'offre qui est responsable de
cette croissance. En effet, on a vu croître ces dernières années le parc de machines à sous
(plus de 20.000 en France en 2006), ainsi que le nombre d'établissements (188 en France en
2004 contre 196 en 2006).
Tableau 1
L’augmentation des appels d’offres des grandes villes ont également changé la donne au
niveau de l’activité, en imposant une certaine diversification et des investissements plus
lourds.
Les casinos ont donc dû développer de nombreuses activités annexes autour de l'activité jeux,
des spectacles, de la restauration, etc. Les casinos se transforment en véritables centres de
loisirs pour fidéliser la clientèle et accroître les revenus annexes. D'ailleurs, cela correspond
au modèle américain. Aux Etats-Unis, les casinos sont de véritables destinations touristiques
où le joueur reste le week-end complet.
Dans les grandes villes, l’opérateur candidat se voit donc désormais réclamer non seulement
un casino de très haut niveau, mais aussi dotés d’hôtels, restaurants, divertissements et
aménagements divers. A Lyon, Partouche, pour l’hôtel du casino Pharaon, a dépensé 40
millions d’euros, à Toulouse Barrière investit 55 millions d’euros.
Ces investissements lourds ne sont pas à négliger, tout en sachant que les résultats des casinos
ne font de plus en plus décevants.
Page | 19
20. Tableau 2
La conséquence a été une accélération des fusions-acquisitions sur cette activité et une guerre
acharnée que se livrent les grands groupes par croissance interne et externe. Cela a entraîné un
phénomène de concentration du secteur, qui est actuellement dominé par quelques leaders.
Seuls un quart des casinos sont encore indépendants aujourd'hui, c'est-à-dire non placés en
réseaux.
Si l'on observe les derniers mouvements de croissance externe, on a pu voir le groupe
Partouche racheter la Compagnie Européenne des Casinos en 2002 au terme d'une bataille
boursière avec Accor. En 2003, c'est le rapprochement du deuxième et troisième groupe
français, Barrière et Accor Casinos, qui projette la nouvelle entité à la première place avec 37
casinos et 30 % de parts de marché en 2004. L'opération est finalisée le 19 janvier 2004, et
donne naissance à un nouvel acteur générant 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires. Mais
Partouche n'a pas dit son dernier mot et a finalisé le rachat des cinq casinos du groupe Didot-
Boutin en novembre 2005 après un an de négociations. Dans le même temps, Tranchant a peu
progressé et se voit dépassé par Moliflor qui poursuit sa croissance.
Page | 20
21. Tableau 3 - Le marché des casinos en France
Les leaders du marché cumulent 61 % des unités de casinos et près des trois-quarts des parts
de marché, laissant peu de place à la survie des petits groupes et des indépendants et raflant la
plupart des appels d'offre des grandes villes.
Ces leaders sont les Groupes suivants :
Le Groupe Lucien Barrière est numéro 1 des casinos en France avec 30% de parts de
marché (selon le Ministère de l’Intérieur au 31 octobre 2005). Le Groupe familial a
développé de véritables « resorts » autour des activités d’hôtellerie, casinos, golfs,
centres de thalassothérapie. En 2003, le Groupe occupait la place de numéro 2 avec
17% de parts de marché. En janvier 2004, il prend la place de numéro 1 grâce à
l’entrée d’Accor Casinos dans son capital.
Crée en 1973, le Groupe Partouche tient 47 casinos en France4 et il est également
présent à l’international. Le Groupe réunit 28% de parts du marché français (selon le
Ministère de l’Intérieur au 31 octobre 2005).
Crée en 1999, le Groupe Moliflor Loisirs possède 21 casinos et 9% de parts de
marché. Il base sa croissance sur le développement interne de ses unités : acquisitions
de nouveaux casinos, candidatures à appel d’offres…
Crée en 1987, le Groupe Tranchant possède 17 casinos en France et 7 à l’étranger. Il
réunit 8% des parts de marché et diversifie ses acquisitions et ses activités au profit
4
Annexe 7
Page | 21
22. d’investissements dans des sociétés françaises et néerlandaises de fabrication, de
fournitures et de maintenance.
Le Groupe Emeraude exploite 8 casinos et détient 2% de parts de marché.
La part des indépendants est passée de 19% à 11% du marché entre 2004 et 2005, soit 33
casinos en 2006.
Chapitre 3 L’offre de services et le poker
1. Les jeux de hasard
En l’absence de toute définition légale, on peut dire que ce sont ceux où le joueur affronte
l’établissement et non les autres joueurs.
Il existe deux catégories de jeux de hasard dans les casinos. D’une part les machines à sous et
d’autre part les jeux de tables traditionnels. Ce sont les jeux de dés : le craps, les jeux de
roues : boule, 23, roulettes française, américaine et anglaise, les jeux de cartes : black-jack, 30
et 40, punto banco. Le casino gagne ce que perdent les joueurs.
2. Un jeu de contrepartie : le poker
Le poker est autorisé dans les casinos depuis le début de l’année 2007. En effet, c’est
l’arrêté d’application du 14 mai 2007 qui a autorisé les casinos à offrir du Texas Hold’em
dans les casinos, arrêté publié au Journal Officiel le 17 mai 2007.
Suite à cette autorisation, les casinotiers ont mis en place un business model pour cette
nouvelle activité.
Le business model est le modèle décrivant la façon dont l’entreprise se fait rémunérer et
génère ses propres revenus. Décrire un business model, c’est donc définir la composition et
Page | 22
23. les modes et formes de revenus de l’entreprise : comment faire payer le client, combien et
sous quelle forme, et comment dégager des résultats avec ces revenus compte tenu des coûts
générés par le modèle économique dont ressort l’activité ? C’est ce que nous analyserons dans
ce paragraphe.
Dès lors, et suite aux applications permises par cet arrêté, les casinotiers peuvent décliner leur
offre de poker sous deux formes distinctes qui sont d’une part les parties dites de « cash
game » et d’autre part les tournois. Mais avant d’analyser le modèle d’affaire qui permet sa
rentabilité, mettons en avant les ressources dont le casino a besoin pour le déroulement de
cette nouvelle activité.
Les ressources
Avant d’ouvrir une nouvelle activité au public, le casino se doit de mettre en œuvre les
moyens nécessaires à la réussite de cette activité.
Cela nécessite un investissement de départ qui sera ensuite rentabiliser. C’est un pari connu de
tous les entrepreneurs qui souhaitent un retour sur investissement.
Dans quelles mesures les casinotiers ont-ils investis dans la nouvelle activité du poker ?
Au premier abord, cet investissement ne s’avère pas colossal. Il s’agit d’acheter des biens
immobiliers ou des accessoires permettant la possibilité de jouer. Le casino doit alors acheter
le nombre de tables nécessaires à sa stratégie (sachant que pour le moment, les casinotiers,
hormis quelques rares exceptions, sont plutôt prudents et ont décidé d’ouvrir une à deux
tables), des jetons, en général personnalisés au casino, des écrans de contrôle pour indiquer la
structure du tournoi en cours, des chaises ainsi que tous les accessoires nécessaires au bon
déroulement d’une partie de poker (cartes plastifiées, bouton dealer, cut card…).
Dans un second temps, l’investissement a lieu au niveau de la ressource personnel de jeu. En
effet, il s’agit de former les croupiers et autres personnels qui assurent au bon déroulement de
l’activité poker. C’est un investissement du type formation du personnel, ou qui peut aussi
prendre la forme de nouvelles embauches, soit une augmentation de la masse salariale pour le
casino.
Dans un troisième temps, l’investissement transversal à ce nouveau service est celui du
marketing. Car pour attirer le client, le casino doit communiquer afin de rendre publique sa
Page | 23
24. nouvelle activité. Cela passe notamment par des frais de publicité dans des magazines
spécialisés type LivePoker5.
Dans un dernier temps, l’investissement qui peut se révéler le plus important est celui du lieu
de cette nouvelle activité. En effet, nous pouvons voir cet investissement sous deux angles
différents.
D’une part, si le casino, construit depuis de nombreuses années, n’a pas la possibilité
d’accueillir un endroit adapté à plusieurs tables de poker, appelons cet endroit comme le
désigne les anglo-saxons la « poker room », alors il va devoir soit envisager la construction
d’une nouvelle pièce dédiée à l’activité, ou bien louer une annexe située non loin du casino
mais dans un autre endroit tout de même.
De ce fait, la construction ou la location est un investissement lourd qui nécessite une
stratégie réfléchie.
D’autre part, on peut avoir un réaménagement de l’espace intérieure du casino. Cette option
ne nécessite pas l’investissement coûteux d’une nouvelle construction mais peut avoir des
conséquences néfastes sur d’autres types de jeux qui pourraient alors voir leur nombre ou leur
intérêt diminuer.
Ainsi, les ressources consacrées par cette nouvelle activité qu’est l’introduction du poker ne
mettent pas en péril le business des casinotiers. Cependant, et selon l’architecture de chaque
casino, l’allocation d’une « poker room » ne peut pas s’effectuer selon les mêmes conditions.
Le « cash game »
Le « cash game » est le terme anglo-saxon voulant dire en français « partie d’argent ». Le
terme « cash game » étant entré dans les mœurs du poker, aussi bien en France que dans le
monde entier, nous garderons cette dénomination anglaise.
Le « cash game » consiste à mettre en relation plusieurs joueurs autour d’une table de poker, 9
joueurs au maximum, sachant que chaque joueur joue son argent sur le moment. C’est-à-dire
qu’un client qui souhaite jouer en « cash game » va obtenir en valeur des jetons correspondant
à la somme d’argent qu’il a déposé au guichet, contre les dits jetons, puis il va les jouer sur la
table contre les autres joueurs présents à cette même table. Le client passe au statut de joueur
5
En publication depuis juin 2006.
Page | 24
25. à partir du moment où il échange son argent contre des jetons au guichet mais surtout au
moment où il s’assied à la table pour jouer.
Le principe est que pour rentrer sur une table, le joueur se doit de posséder le « buy-in
minimum ». Le « buy-in minimum » correspond au montant minimum (droit d’entrée) que le
joueur se doit de posséder pour s’asseoir à la table. A l’opposé, il existe aussi un « buy-in
maximum », c’est-à-dire un montant que le joueur ne peut dépasser à son entrée à la table.
Dans une majorité des casinos qui ont mis en place les premières tables de « cash game », le
« buy-in minimum » se situe à 100 euros.
Un autre principe faisant la popularité de ce type de partie est que le joueur peut se recaver
durant la partie. C’est-à-dire que s’il perd tous ses jetons, il a la possibilité de rester pour jouer
sur la table à la seule condition de « racheter » des jetons au casino pour pouvoir les remettre
en jeu. Là encore, le joueur se doit d’avoir le « buy-in minimum ». Ainsi, ce type de jeu
permet une augmentation sur la table des masses d’argent disponibles par les joueurs. A
terme, les pots ainsi constitués par les joueurs peuvent devenir colossaux, en comparaison des
pots de début de partie, joués par des joueurs aux tapis encore faible. Tout l’intérêt de ce type
de partie est là pour les casinotiers qui se rémunèrent via un taux de prélèvement opéré sur le
montant effectif de chaque pot, ce taux ayant été fixé à 4% par la loi. Ce taux de prélèvement
fait l’objet d’un affichage permanent, à disposition du public, sur chaque table de jeu. Pour
exemple, si le pot atteint à la fin du coup un montant de 200 euros (en jetons valeur euros), le
croupier taille le pot à hauteur de 4%, soit 8 euros pour le casino.
Comme nous pouvons le remarquer, le « cash game » est source de rémunération pour deux
agents.
Le premier agent est le joueur, soit le client du casino, qui peut quitter la table de jeu avec des
gains considérables si celui-ci gagne au poker. En effet, suivant notre exemple, à la fin du
coup d’un montant de 200 euros, le casino prélève 8 euros, ce qui signifie que le joueur
gagnant empoche 192 euros, pour 100 euros investis (puisqu’il a joué ce coup, il a du miser
son argent soit la moitié du pot, si l’on considère que les joueurs étaient deux à se disputer ce
pot).
Le second agent rémunérateur est le casino. Sachant qu’en moyenne, un pot se déroule en une
minute et trente secondes, étant donné la profondeur minimale des tapis des joueurs et les
Page | 25
26. sommes d’argent jouées, il est évident que la moyenne horaire d’argent prélevé par le casino
peut être qualifiée de rentable.
Les tournois
L’organisation de tournois dans les casinos est le second type de partie que les casinotiers sont
autorisés à faire.
Au contraire des parties de « cash game », le principe du tournoi consiste pour le client à
payer un « buy-in » d’entrée égal pour tous les participants, pour un montant de jetons au
départ du tournoi lui-même égalitaire entre tous les joueurs. Une fois qu’un joueur a perdu
tous ses jetons, il ne lui est plus possible de se recaver, il est donc éliminer et doit quitter la
table. Le tournoi prend fin lorsqu’il ne reste plus qu’un seul joueur possédant tous les jetons
mis en jeu par tous les joueurs au départ.
Suivant le nombre de participants et le montant du droit d’entrée du tournoi, la direction du
casino peut fixer le nombre de places payées. Le montant des places payées suit un système
progressif de la première place payée correspondant à la première personne entrant dans les
places payées à la dernière place payée correspondant au vainqueur du tournoi.
Les casinos peuvent donc organiser des tournois de Texas Hold’em poker dans leurs salles de
jeux ou des locaux annexes situés dans leur enceinte, à la condition d’avoir porté les
conditions d’organisation du tournoi deux mois à l’avance aux autorités compétentes (le
ministère de l’Economie et des Finances à Bercy ainsi qu’au Ministère de l’Intérieur). Le
« prize pool », qui est la somme d’argent mis en jeu, doit s’élever au minimum à la somme
des engagements des joueurs, à quoi le casino soustrait un prélèvement de 4%. A titre
promotionnel, les casinos peuvent rajouter jusqu’à 250 000 euros pour intéresser d’avantage
le tournoi. Pour exemple, pour un tournoi à 1000 euros d’inscription comprenant 100 joueurs,
la cagnotte allouée est de 100 000 euros, composée alors de 4000 euros pour le prélèvement
du casino, pour un « prize pool » de 96 000 euros.
De même que pour les parties de « cash game », le tournoi de poker dans les casinos est
source de rémunération pour deux agents.
Le premier agent étant le client/joueur du tournoi qui, s’il termine dans les places dites
payées, gagne de l’argent.
Page | 26
27. Le second agent est le casino qui profite d’une part non négligeable de la cagnotte afin de
rentabiliser à son optimum les efforts de logistique mis en place.
Conclusion
Le marché français des casinos est le plus important en termes de PBJ en Europe. Il avait
cependant du retard sur d’autres pays en ce qui concerne l’activité poker qui ne présentait pas
de cadre législatif spécifique. C’est chose faire puisque le législateur a autorisé cette activité
chez les casinotiers français via le décret du 13 décembre 20066.
C’est maintenant aux organisations de prendre le relai et d’assurer le succès de cette
innovation. Chose pas évidente ex ante puisque au vu des acteurs engagés dans le processus la
gestion du projet se doit d’être clairement coordonnée pour aboutir.
6
Annexe 6
Page | 27
28. Deuxième partie Le projet poker : de la stratégie
d’innovation à la gestion
Page | 28
29. Introduction
L’Industrie du Jeu et des casinotiers en particulier est constituée de multiples acteurs plus
ou moins contraignants pour certains, cruciaux pour d’autres. Afin de se rendre compte de ces
acteurs qui animent cette industrie, et ce dans l’optique de mieux saisir à quel point lancer un
projet innovant nécessite une réelle gestion, nous avons réalisé une cartographie des acteurs
(ci-dessous).
Dans un premier temps, nous verrons à travers le dilemme de l’innovateur les problématiques
que lancer un nouveau projet posent. Puis, suite à la décision prise de développer l’activité,
nous analyserons la gestion du projet poker.
Page | 29
31. Chapitre 1 Le dilemme de l’innovateur
D’après Christensen et le dilemme de l’innovateur, le piège majeur en matière
d’innovation est la focalisation sur les innovations incrémentales. La structure réelle d’une
entreprise est dictée par l’architecture des produits qui ont fait son succès. Quand la direction
a conscience que des nouvelles offres sur le marché s’améliorent et qu’elles vont tôt ou tard
s’attaquer à leurs marges, ici apparaît le dilemme : comment faire pour investir dans les
technologies de demain alors que la technologie du moment est axée sur des clients dont la
satisfaction apporte des marges élevées aujourd’hui mais s’oppose à des technologies trop
nouvelles ?
Après une analyse du portefeuille d’activité du marché du casino, nous allons tenter de
répondre à cette question en mettant en évidence la nécessité de trouver une nouvelle relance
afin de redynamiser le marché.
1. Portefeuille d’activité
Le dilemme des casinotiers tient au fait que les produits existants stagnent. Nous sommes
en présence d’un marché qui se renouvelle très peu dans le temps. Le marché français a ainsi
connu deux relances majeures jusqu’à présent, via l’introduction des machines à sous en 1987
d’une part et l’autorisation de gratuité des entrées en 2006, elle-même tirée par l’introduction
récente du poker dans les casinos :
Page | 31
32. Graphique 2
Les machines à sous arrivent quasi à maturité 20 ans après leur introduction. Elles constituent
d’importantes vaches à lait, avec une rentabilité très forte compte tenu des investissements
nécessaires. Un parc de machines à sous, pour une surface dans le casino équivalente,
rapporte bien plus que les jeux de tables. Seulement, aucun des produits actuellement
proposés par le casino n’est actuellement sur un marché croissant et on constate alors une
stagnation de l’activité :
Page | 32
33. Graphique 3 - Matrice BCG
2. Innovation disruptive
L’innovation de rupture est le résultat de la mise en œuvre d’une technologie ou d’une
offre nouvelle, d’une découverte aussi. C’est une innovation qui crée un changement
marquant, une véritable mutation dans les usages.
L’innovation de rupture exige un processus de stratégie bien distinct. Ce processus doit être
émergent et saisir les opportunités au bon moment.
C’est ici que la notion d’innovation de rupture rentre en compte. En effet, l’innovation de
rupture renvoie la firme sur d’autres compétences. C’est la mise en œuvre d’une technologie
nouvelle qui assure une fonction non remplie.
D’après Christensen, le marché des produits actuels est largement satisfait. La firme dispose
alors de deux possibilités :
Page | 33
34. - proposer un produit de rupture bas de gamme ;
- proposer un produit de rupture par création d’un nouveau marché.
En 1997, Christensen décrit dans The Innovator’s Dilemna les manières dont les marchés sont
renouvelés. Il arrive un moment où les innovations de soutien amènent le marché à saturation
car celles-ci ont tendance à concentrer leurs efforts sur la partie du marché qui permet la
marge la plus importante. En ne ciblant que le haut du marché, elles laissent aux innovations
disruptives la possibilité de s’approprier le segment bas du marché ou les nouveaux marchés.
Christensen distingue ainsi d'une part la rupture bas de gamme qui vise les clients qui n'ont
pas besoin de toutes les performances du marché supérieur et d'autre part la rupture par
création d’un nouveau marché qui s'adresse aux clients qui jusqu'à présent n'étaient pas servis
par les produits du marché.
L’importance des opportunités s’accroît avec le temps car l’augmentation des performances
des produits des leaders du marché est souvent supérieure à l’accroissement de la performance
exigée par les clients. On arrive à un paradoxe technologique, l’augmentation de la valeur
technologique aboutissant à une baisse de la satisfaction des clients, due en fait à une sur-
qualité.
Le client peut alors très bien décider de se tourner vers des produits jusqu’alors situés sur un
créneau de qualité inférieure mais qui sont désormais plus appropriés à ses attentes, ou sur des
produits d’un marché voisin.
Page | 34
35. Graphique 4 - Disruptive Innovation
Rapporté au marché des casinos, les deux possibilités sont les suivantes :
- Image de « luxe » (bas de gamme pas possible) ;
- Il faut réussir à attirer des non consommateurs actuels, soit créer un nouveau marché.
3. L’impact stratégique de l’innovation
L’innovation, dans son sens le plus large, est qualifiée de changement. Il peut être
technologique (innovation produit et innovation process), organisationnel et social. Par
ailleurs, une innovation est rarement exclusivement l’une ou l’autre de ces catégories mais
combine en général mais à des degrés divers plusieurs de ces facettes du changement.
L’innovation ne surgit pas du néant : elle résulte pour partie au moins de l’entreprise, de sa
stratégie, de ses actions.
Certaines innovations sont susceptibles de générer un impact significatif : ce sont les
innovations révolutionnaires ou radicales : nous parlons alors de rupture dans le jeu
concurrentiel. Mais d’autres innovations moins intenses sont susceptibles de perturber la
Page | 35
36. dynamique concurrentielle d’un secteur sans pour autant remettre en cause les équilibres en
présence ni la position stratégique des entreprises établies : nous parlons alors d’innovation
micro-radicale7.
Nous considérons l’activité poker comme une innovation micro-radicale puisqu’elle ne
redistribue pas les places des acteurs engagés du marché.
C’est une activité très récente (inférieure à deux ans). De ce fait, nous allons évaluer la
vulnérabilité de l’organisation casino, et en quoi elle est susceptible de tirer profit de cette
nouvelle activité. C’est en quelque sorte une étude ex ante de l’intensité de l’innovation, sans
attendre de pouvoir constater les conséquences du changement sur les positions
concurrentielles.
D’après Durand et Guerra-Vieira, l’innovation a à voir avec la notion de compétence de
l’organisation, c’est-à-dire toutes les formes de connaissance, de savoir-faire, de technologie,
d’organisation, de capacité et de ressource qu’une entreprise maîtrise.
Cette notion est directement reliée à deux concepts. D’une part au concept de « core
competencies » (Prahalad et Hamel, 1990) qui représentent les compétences les plus
importantes, les plus spécifiques et les plus rares alors que les compétences les plus
accessibles viendraient tout en bas de la liste.
D’autre part au concept d’actifs complémentaires de Teece (1986) où la capacité d’une
entreprise à développer, mettre en œuvre et transformer une innovation en avantage
concurrentiel suppose des ressources et des compétences qui sont ou non maîtrisées ou
accessibles par l’organisation.
La difficulté est alors de passer d’un ensemble de compétences a priori maîtrisées puisque
mobilisées et donc construites jusqu’ici, à un nouvel ensemble de compétences désormais
exigées par l’innovation : c’est l’écart compétence8.
Ainsi, Durand et Guerra-Vieira retiennent quatre grandes familles de compétences pour
l’organisation :
- Le cognitif : savoir, savoir-faire ;
7
http://www.strategie-aims.com/lille/com2202.pdf
8
Ibid.
Page | 36
37. - Les processus, les routines : savoir résoudre, savoir contrôler ;
- La structure ;
- L’identitaire, le comportemental : l’identité, la culture ; savoir être, savoir se
comporter.
Il est possible que l’entreprise ne détienne pas certaine des compétences nouvellement exigées
mais qu’elle dispose d’une capacité d’apprentissage et d’une adaptabilité particulièrement
poussées : c’est la « compétence d’apprentissage ».
Il est également possible que l’entreprise se voit dotée d’une capacité à mobiliser des
ressources externes et donc des compétences externes. C’est le cas du Groupe Barrière qui, au
lancement de l’activité poker, a engagé d’anciens croupiers de cercles parisiens. Ces derniers
détenaient le savoir-faire nécessaire à la bonne conduite de l’activité, de l’interaction avec les
clients : c’est la « compétence réseau »9.
Nous parlons alors de détention dynamique de compétence pour caractériser cette capacité à
se doter de compétences nouvelles au moindre coût et dans des délais brefs.
Il s’agit alors pour l’organisation de réussir à s’adapter aux nouvelles exigences de l’activité,
et ce en fonction de son adaptation, de son coût et de sa durée.
D’une part, l’entreprise peut avoir à adapter certaines de ses routines et y parvenir
précisément parce que pour elle l’évolution des processus organisationnels est quasiment
devenue une routine en soi, ce qui confère à l’organisation de la flexibilité et de l’adaptabilité.
Dans le secteur des casinotiers, qui vit continuellement des changements notamment d’ordre
législatif, l’évolution des processus organisationnels n’est donc pas une contrainte.
D’autre part, pour juger du coût de la nouvelle activité, de sa rentabilité et de son retour sur
investissement prévu, nous vous renvoyons aux propos de Philippe Pouillard10 ainsi qu’aux
résultats11 sur la première année pleine (année fiscale) de l’exploitation du poker dans les trois
casinos pilotes français (Deauville, Aix-en-Provence et Divonne-les-Bains).
9
http://www.strategie-aims.com/lille/com2202.pdf
10
Annexe 3
11
Annexe 8
Page | 37
38. Enfin, nous verrons que le projet poker, dans sa globalité, a mis une année pour répondre aux
différentes exigences et compétences qu’elle nécessitait.
Durand et Guerra-Vieira dégagent trois réponses stratégiques suivant les cas :
- Adapter le portefeuille des compétences de l’entreprise pour coller aux exigences de
l’innovation ;
- Pivoter autour de certaines compétences clés pour se reconvertir en s’éloignant de ce
que l’innovation imposerait désormais dans notre métier ;
- Tenter d’influer sur le cours des évènements pour déstabiliser les concurrents en
poussant l’innovation à venir vers des besoins en compétence que l’on maîtrise mieux
qu’eux.
Détention relative des compétences et impact stratégique12
Schéma 2
Les Groupes Barrière et Partouche se situe dans la zone 1 : lorsque les entreprises détiennent
les compétences requises mais que c’est aussi le cas pour ses concurrents. De ce fait
l’innovation ne devrait guère bouleverser la situation concurrentielle pré-existante. Peu
12
http://www.strategie-aims.com/lille/com2202.pdf
Page | 38
39. d’entrées sont à prévoir car le profil des acteurs déjà installés est très dissuasif ; peu de sorties
également, sauf si la situation favorable de détention des compétences nouvellement exigées
n’est pas partagée par certains concurrents. Ceux-là risquent alors d’avoir du mal à traverser
ce changement auquel leur portefeuille propre de compétences ne les prépare guère ou
insuffisamment. C’est le cas des Groupes Tranchant (bien qu’ils envisagent courant 2008 à
lancer à leur tour l’activité poker au sein de leurs casinos), Moliflor et autres indépendants
qui, s’ils veulent survivre, devront agir.
Cette analyse des compétences ex ante est aussi une réponse au fait que les casinos ne
voyaient pas de risques à se lancer dans cette activité car l’impact stratégique est assez faible,
l’entreprise étant dans un secteur où la concurrence est stable.
Page | 39
40. Chapitre 2 Le projet poker
1. Le phénomène poker
Un buzz est un phénomène qui s’amplifie plus on avance dans le temps. En ce qui
concerne le poker, peut-on parler de buzz, de phénomène de mode ou de phénomène de
société ? Cette question n’est pas simple à répondre puisque nous ne possédons pas le recul
nécessaire. Cependant, nous pouvons retracer chronologiquement ce phénomène poker.
Comme bien souvent, c’est un phénomène qui nous vient des Etats-Unis, pays où le poker se
pratique dans les casinos depuis des décennies, mais qui était médiatiquement marginal, en
tout cas sans comparaison avec les programmes de Sport US comme le football américain, le
basketball, le baseball ou encore le hockey sur glace. Et c’est justement suite à un incident de
parcours d’un de ces sports US que le poker a acquis une nouvelle dimension aux Etats-Unis.
En effet, d’après Lionel Rosso, journaliste sportif à Canal+13, c’est suite au « lock out » des
joueurs de hockey sur glace en 2004 qu’un programme de substitution sur le poker a été
diffusé. Et ces émissions, consacrées notamment au World Poker Tour connaissent alors un
succès retentissant outre-Atlantique.
Suite à quelques innovations techniques, le jeu est devenu plaisant à regarder, et même
spectaculaire. En effet, l’innovation majeure qui a révolutionné le poker à la TV est
l’implantation de micro caméras dans les bords de la table. Ainsi, les téléspectateurs sont à
même de pouvoir observer les cartes de tous les joueurs pendant le jeu.
Cette première innovation, complétée par de l’incrémental tels que le poker Texas Hold’em
No Limit en lui-même, la psychologie, la présence de joueurs spectaculaires (Daniel
Negreanu, Gus Hansen…) ou encore le « cash » déposé par de sublimes demoiselles et étalé
sur la table lors du face à face final ont permis une montée en puissance du poker aux Etats-
Unis d’abord, en Europe ensuite et maintenant dans le reste du monde (Australie, Asie,
Amérique du Sud).
13
Annexe 1
Page | 40
41. La demande se faisait alors croissante, et c’est à ce moment là qu’une nouvelle technologie de
la communication se développe en parallèle à la fin des années 90 / début des années 2000 :
Internet. Quoi de plus simple pour apprendre et s’exercer à un jeu qu’Internet !
Nous avons donc quelques innovations technologiques telles que l’implantation de micro
caméras et Internet qui permettent une meilleure visibilité et un attrait accru au jeu. D’après
Henderson et Clark c’est la découverte de nouvelles opportunités technologiques qui
favorisent l’innovation : c’est la « science push ».
Le poker a beau avoir été joué pendant près de 200 ans, sa version en ligne est un phénomène
récent. La force du poker en ligne est la simplicité d’utilisation et l’accessibilité. On peut y
jouer de son salon ou de son lieu de travail, et ce 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. C’est en 1998
que la première salle de poker en ligne, Planet Poker, voit le jour. Depuis cette époque, les
sites de jeu en ligne consacrés au poker se sont multipliés, ils se comptent désormais par
milliers.
Selon PokerPulse.com, société canadienne qui étudie l’évolution de cette économie, en
janvier 2003, 11,1 millions de dollars ont été échangés quotidiennement sur les principaux
sites de poker par moins de 5000 joueurs. En avril 2007, cette moyenne était passée à près de
200 millions de dollars, par près de 120 000 joueurs, sachant qu’un pic a été atteint durant
l’été 2006 avec une moyenne à 325 millions de dollars échangés par près de 130 000 joueurs.
Page | 41
42. Graphique 5
Il fallait ensuite un conte de fées pour amplifier le phénomène. Ce fut fait avec l’épopée de
l’américain Chris Moneymaker qui a été un séisme puisqu’avec une mise de départ de 39$ il
s’est qualifié en 2003 sur un site de poker online pour participer aux WSOP qu’il remporta,
ainsi que 2,5 millions de dollars.
Cet exploit se transforma en « big bang » dans le monde du jeu en ligne. Et ce n’est qu’un
début puisque, selon PokerPulse.com, le marché du poker en ligne devrait encore croître de 15
à 20% par an.
L’innovation poker est par conséquent tirée par le marché ; d’après Henderson et Clark, c’est
la « demand pull ».
Page | 42
43. Pour résumé, l’analyse du phénomène poker met en évidence les deux dimensions de
« science push » et de « demand pull ». D’après Henderson et Clark c’est en fait la mise en
relation de ces deux dimensions qui expliquent l’innovation réussie.
2. Le processus organisationnel
Le cadrage du projet et le diagramme de flux ci-dessous permettent d’apprécier
l’intégralité du processus organisationnel du projet, de ses prémices au lancement.
Nous tenons simplement à apporter quelques éléments supplémentaires en ce qui concerne les
casinos pilotes et le marketing lié à l’activité poker.
D’une part, nous considérons que le client est une source majeure liée à l’innovation poker.
Traitant de l’industrie automobile, Midler note : « on ne peut pas dire à l’avance le modèle qui
marche et celui qui ne se vend pas ; on ne peut pas dire celui qui durera et celui qui ne sera
qu’un feu de paille. Dès lors, il ne sert à rien de consommer temps et ressources à tenter
d’orienter abstraitement les efforts créatifs de l’entreprise. Si l’on pousse au bout la logique,
l’art du marketing est ici un art vain. Il n’y a d’autre signal pertinent de l’intérêt d’un tel
marché que l’accueil des produits. Il faut, comme au poker, payer pour voir » (Midler,
1993)14.
Ainsi, la phase de test avec les casinos pilotes a permis de mettre en évidence le degré de
succès ou d’échec du nouveau service proposé.
D’autre part, la stratégie poursuivie par une entreprise lors de son activité d’innovation
comprend notamment les choix relatifs à la définition du nouveau produit, à l’identification
du marché cible et au marketing de lancement.
L’intensité des efforts marketing reflète l’ampleur des moyens et actions dévolus aux
différents instruments du marketing-mix en vue de soutenir le lancement du nouveau produit.
Le précurseur et celui qui a le plus communiqué aussi bien dans les médias généralistes que
dans la presse spécialisée est le Groupe Partouche. Cependant le Groupe Barrière a intensifié
14
http://www.strategie-aims.com/angers05/com/18-466comd.pdf
Page | 43
44. ses efforts fin 2007 et fait preuve d’une meilleure visibilité dans les médias dits
« spécialisés »15.
15
Presse écrite – Radio Club Poker - Sites Internet - Forums
Page | 44
46. Conclusion
L’Industrie des casinotiers a vu sa croissance diminuer sensiblement en ce début des
années 2000. Les jeux proposés dans l’enceinte des casinos étaient arrivés à maturité pour
certains, en déclin pour d’autres. Dans ce cas là, une seule solution s’impose : renouveler tout
ou partie de son offre (Christensen).
Ce sera chose faite avec le lancement en grande pompe de l’activité poker, qui a dû faire face
à nombres d’obstacles avant de voir le jour : une législation contraignante, une « non
connaissance » sur la cible client en elle-même, des investissements à réaliser, des
compétences à détenir (Durand).
Finalement, le phénomène poker aidant (Henderson & Clark), les différents acteurs
(casinotiers, autorités de tutelle…) se sont mobilisés pour faire avancer le projet qui voit sa
route s’éclaircir une première fois en décembre 2006 avec le décret autorisant le Texas
Hold’em dans les casinos en France, une dernière fois le 14 mai 2007 lors de la publication au
JO de la loi.
Aubaine pour les casinos, les Groupes Barrière et Partouche n’ont pas manqué le wagon. Aux
autres Tranchant et Moliflor d’essayer de s’accrocher, sous peine de se voir disparaître, ou
racheter…
Après tout, l’Industrie des casinotiers est certes en perte de vitesse, mais nul ne doute que les
mastodontes s’appuient sur des cash-flows considérables.
Page | 46
47. Troisième partie Management stratégique de la relation de
service
Page | 47
48. Introduction
Engager le secteur casinotier sur la voie du poker a été un choix imposé par une volonté
de diversifier l’activité, dégager un avantage concurrentiel et ainsi parvenir à dynamiser le
chiffre d’affaire. Clairement, les casinos parient sur l’engouement médiatique de ce
divertissement pour doper leur niveau de fréquentation : miser sur l’essor de ce nouveau
segment du jeu de hasard se base avant tout dans l’espoir que le poker se pérennise et dépasse
le simple stade de l’effet de mode.
A la vue de la répartition du chiffre d’affaires que génèrent les casinos, le poker se positionne
clairement en activité à faible rentabilité comparé aux jeux phares qui dégagent des revenus
largement supérieurs. En termes de rapports, les casinos en France ont généré en 2007 1€ de
recette pour le poker contre 30€ engendrés par les machines à sous16. Seul, le poker ne peut
actuellement pas escompter atteindre les mêmes échelles de résultats que les machines à sous,
et les lourds investissements placés ne seront amortis qu’à moyen voire long terme :
l’investissement du parc complet a représenté, selon Philippe Pouillard17, plus de 300 000 €
pour l’ensemble des casinos Barrière de France par exemple.
Néanmoins, si on réfléchit selon une logique de synergies entre les différentes activités, la
question de l’impact du poker sur l’ensemble du portefeuille de services devient un enjeu
majeur dans le processus de développement des casinos. Une des finalités stratégique de la
gestion de leurs activités peut être interprétée comme le renouvellement de services en cycle
de déclin par une activité motrice de nouvelles passions et ferveurs.
Mais avant de parler de stratégie d’ensemble et de synergies d’activités, il faut tout d’abord
approfondir la question du management organisationnel du poker dans les casinos. En effet, la
refonte complète de la relation de service pose deux axes de réorganisations sensibles qu’il est
important de traiter avec pertinence et précision : la gestion de la relation client, ainsi que
l’efficience des ressources déployées.
Pourquoi ces deux points ? La réponse se trouve au niveau de la réorganisation de l’offre de
service. Reprenons la définition de Gadrey : « Une activité de service est une opération visant
16
www.lescasinos.org
17
Annexe 3
Page | 48
49. une transformation d’état d’une réalité C, possédée ou utilisée par le client B, réalisée par un
prestataire A à la demande de B, et souvent en relation avec lui, mais n’aboutissant pas à une
production d’un bien susceptible de circuler économiquement indépendamment du support
C»18 .
L’optique classique du service place le client-joueur en situation de jeu contre le casino. Ce
dernier définit une probabilité de gain (conforme à la loi) et rémunère le joueur en fonction de
son gain.
Le poker bouleverse cette relation, pourtant bien encrée dans l’image représentative que l’on
se fait du casino. Cette nouvelle amorce place le joueur en situation de concomitance face à
d’autres joueurs, dont l’ensemble participera à la création du pot commun. Le casino ne
fournit non plus le jeu en lui-même, mais la plateforme support nécessaire au jeu et à la
réunion des participants. Son mode de rémunération est lui-même modifié : l’entreprise ne
génère plus son chiffre sur les pertes des joueurs, mais sur une part prédéfinie du pot
commun. C’est sur cette dimension qu’on peut réellement parler de modification du Dominant
Design.
18
Gadrey J., Socio économie des services, p.18, 2003.
Page | 49
50. Prestataire: Casino Client : joueur
-Le joueur joue contre le
-Rémunération sur la
casino
perte du joueur
Réalité modifiée : Jeux de hasard
Prestataire: Casino Client : joueur
-Le joueur
-Rémunération sur le
joue contre
pot commun
d’autres
Réalité modifiée : Poker
Schéma 5 - Réorganisation du triangle du service poker19
Chapitre 1 La gestion de la relation client dans l’offre de service
poker
1. L’analyse du profil client
D’emblée, le poker (et les jeux de hasard plus en général) implique une particularité dans
l’offre de service du casinotier : le caractère incertain du résultat et du gain du joueur, qui va
accentuer l’aspect hétérogène de la prestation. Un gagnant entraîne un perdant : la remarque
est triviale, mais elle s’avère lourde en conséquence et pose une confusion dans la définition
de l’objectif recherché par les joueurs. Recherchent-ils le jeu et les sensations rattachées, ou
bien sont-ils mus par l’appât du gain ? Cette question est au centre de l’analyse du besoin, qui
croise ainsi la question de la définition du profil type de joueur.
19
Adapté de Gadrey J., Socio économie des services, p.19, 2003.
Page | 50
51. Lionel Rosso20 distingue deux catégories principales de personnes qui s’intéressent au poker :
les vrais joueurs de poker, réellement passionnés et qui jouent beaucoup, et un public de
curieux, de gens qui s’agrègent au phénomène poker. Aucune étude sociologique majeure n’a
encore été faite sur le sujet mais Jean-Pierre Martignoni nous livre plusieurs pistes21 sur les
motivations qui poussent les individus au « gambling » notamment.
Nous pouvons aussi relever une étude assez pertinente qui met en évidence le profil du joueur
de poker français22. Cette analyse peut aider le casino dans sa gestion de la flexibilité volume,
c'est-à-dire sa capacité à adapter ses moyens de prestation en fonction du volume de la
demande. Ainsi, les attentes client vont fortement influer sur la répartition d’activité entre les
parties standards, dites «cash game», et les tournois. On se rend compte ici que d’autres
facteurs, tels que l’image de prestige du tournoi et son caractère rare jouent aussi sur cette
répartition.
20
Annexe 1
21
Annexe 5
22
Annexe 9
Page | 51
52. Un enjeu à prendre en compte : la gestion de l’addiction
Pour Marc Valleur, psychiatre spécialisé dans l’addiction aux jeux de hasard (Le Figaro,
02/04/2007), il existe une réelle fascination pour le pactole et de l’argent facilement gagné. Le
poker est vu comme source de sensations fortes et pourvoyeur d’émotions, mais aussi
représentatif de la crainte de l’addiction au jeu. Comme toutes les dépendances, cette
addiction est une maladie, où l’argent est toujours présent. L’Association « Fairplayers »
définit le profil d’une personne additive au poker par (entre autres) un besoin de jouer avec
des sommes croissantes, un risque qui peut le pousser à aller jusqu’à la fraude, le vol, ce qui
montre le réel danger de cette maladie, même si elle est moins tangible qu’une dépendance à
l’alcool par exemple.
Malgré l’absence d’études chiffrées sur ce phénomène (un rapport de l’INSERM est en cours
de pré-publication), l’addiction est une réelle préoccupation de fond pour l’État. D’après le
Sénateur Trucy (Annexe 2), l’inquiétude est de mise, ainsi que le fait de règlementer au
mieux les établissements pour mener des actions préventives et protectrices. Face à cette
crainte, les casinos doivent définir leur position envers cette ambigüité : opter pour une
conduite de prévention active de l’addiction, ou bien ne se soucier que de l’objectif
d’augmentation du chiffre d’affaires. De son côté, Barrière avec Philippe Pouillard, (Annexe
3), a clairement tranché sur la politique de ce géant du secteur : préserver avant tout l’intérêt
du client. Non seulement par éthique, mais surtout dans un souci de fidéliser le client, la
logique du groupe Barrière est résolument orientée vers une sensibilisation des dangers de
l’addiction. La communication et l’image de l’enseigne va dans ce même sens : la sécurité, et
le fort sentiment de pouvoir prendre du plaisir sans le risque.
Les campagnes du Groupe Barrière sont très actives, avec notamment l’accès à des fascicules
de sensibilisation, ainsi que son adhésion au label « Fairplayers », une association
indépendante qui vise à soutenir le « responsable gaming » (www.fairplayers.com).
Page | 52
53. 2. La gestion du client ressource
La nouvelle réorientation de l’offre de service des casinos par le poker pose la spécificité
de la co-production du service par le client. Une partie de poker ne se joue pas seul, et un
joueur vient au casino pour se confronter à d’autres adversaires. L’intervention du client dans
le processus prend donc une part très importante, mais c’est aussi la relation de concomitance
entre les différents joueurs qui permet la prestation de service. Pour Pierre Eglier, dans son
modèle de servuction de 2002, les relations de concomitance se définissent par les interactions
dues à la présence au même moment du client et d’autres clients dans le système de
production.
Schéma 6 – Modèle de servuction du poker
Un premier enjeu managérial se dessine à travers le besoin d’une gestion pertinente des
relations de concomitance entre les joueurs. Le service effectué sur un joueur va forcément
Page | 53
54. impacter sur celui d’un autre joueur. Le casino doit veiller à assurer un service de qualité et
sans incident en maîtrisant l’ensemble des interactions entre les clients. D’autant que le
service s’assimile à une compétition avec enjeu d’argent : même si le poker se décentre de son
image de tripot qui lui a collé pendant un temps, les casinos ne sont pas à l’abri d’écarts de
conduite de la part de leurs clients.
On peut délimiter deux niveaux d’interactions sur lesquels l’entreprise doit veiller :
• Les interactions en cours de phase de jeu entre les joueurs
Une des facettes du poker est le bluff, ainsi que l’analyse stratégique et l’anticipation. Comme
toute guerre psychologique, un joueur peut recourir à la ruse de l’information. Beaucoup de
joueurs parlent intentionnellement afin de déstabiliser leur adversaire, ou bien les mettre en
position d’hésitation. La communication entre les joueurs doit donc être cadrée afin d’éviter
tout litige et abus. Les joueurs peuvent se parler, mais jusqu’à quel point ? L’importance du
personnel en contact pour animer et contrôler le jeu prend alors toute son ampleur. De même,
faut-il interdire ou non les accessoires risquant de parasiter les phases de jeu, comme des
lunettes de soleil, un baladeur audio ou un téléphone portable ?
Prenons le cas des casinos Barrière. Si les lunettes de soleil sont autorisées parce que bon
nombre de joueurs les utilisent à des fins stratégiques, les lecteurs de musique sont bannis.
Un autre exemple est la pause lors d’une partie. Est-ce que le casino doit autoriser un joueur à
sortir de table au cours d’une phase de jeu, est-ce interdit ou bien faut-il arrêter le jeu ?
Philippe Pouillard23 insiste sur cette phase dans le cas des fumeurs. Les règlementations anti-
tabagisme sont en vigueur dans les casinos, et posent la question de l’envie de fumer de
certains joueurs lors d’une partie.
Une solution trouvée depuis fin 2007 est de proposer aux joueurs des cigarettes factices
(cigarette de substitution pharmaceutique Smoz24) utilisée par les personnes ne pouvant pas
fumer dans l’enceinte du casino. Cette alternative permet au casino de contourner
partiellement le besoin de fumer et ainsi de pouvoir empêcher les pauses intempestives.
23
Annexe 3
24
Annexe 4
Page | 54
55. • Les interactions provenant d’éléments extérieurs aux joueurs
L’autre niveau de concomitance se situe par rapport aux personnes ne faisant pas partie du
jeu. Le public qui observe le jeu par exemple, mais aussi le service de sécurité du casino ou
bien les serveurs de boissons. Comment empêcher les interactions parasites sans pour autant
rendre la partie de poker imperméable et cloisonnée ?
Pour certains casinos du Groupe Barrière, une solution proposée a été de maintenir un
« espace de courtoisie » entre la table de poker et la zone publique. L’important a été de
garder un espace suffisant sans pour autant isoler les tables du reste du casino. C’est dans
cette zone qu’est posté un hôte, chargé d’encadrer le jeu et veiller au bon déroulement de la
partie. Cet intermédiaire permet donc de réguler et contenir les interactions à un niveau
adapté.
La question de la sécurité est aussi un enjeu important de l’interaction. Les joueurs doivent
être dans de bonnes conditions de jeu et se sentir encadrées et protégées de toute fraude et
infraction. Le personnel en contact a donc toute son importance dans le suivi et l’encadrement
des parties.
Chapitre 2 La gestion des ressources et des opérations de process
Après avoir développé la question de la prise en charge du client dans l’ensemble du
processus de production de service, abordons maintenant celle de la performance des
ressources déployées. Le projet poker bénéficie d’une organisation très règlementée et d’un
parc matériel au coût important. Mais de tous les éléments ressource essentiels dans la relation
de service, le personnel en contact y prend une place prédominante.
1. Le personnel en contact
Un encadrement des parties de poker doit être soutenu, mais sans pour autant être trop
contraignant. L’avantage d’une structure de jeu délimitée permet au joueur d’évoluer dans un
cadre formalisé et transparent.
Page | 55
56. On observe alors dans l’offre de service poker des casinos l’importance cruciale du croupier
dans le processus. En effet son implication est forte dans la production du service, car il est
présent du début à la fin d’une partie en tant qu’animateur du jeu, mais aussi en tant que
régulateur et arbitre.
Sa forte interaction avec le client fait de lui un des vecteurs principaux de l’image, de la
qualité et de la crédibilité de service perçue par le client.
Si on se réfère au modèle de Berry, Parasuraman, et Zeithaml sur la perception de la qualité
de service par le client25, on peut considérer le croupier comme un lien fort entre qualité
attendue et qualité perçue.
Crédibilité
Sécurité
Courtoisie
Accessibilité
Compétence
Croupier
Réactivité Communication
Fiabilité
Compréhension du client
Tangibilité
Schéma 7 – Modèle de Berry & al sur le croupier
En termes d’arbitrage, les phases de jeu d’une partie de poker sont extrêmement rapides et
s’enchainent sans discontinuité. Le croupier doit alors faire preuve de réactivité et de vitesse
d’analyse, que ce soit pour analyser les jeux de chacun, mais aussi pour le comptage des
jetons et la gestion des blindes.
Concrètement, c’est le croupier qui distribue les cartes, d’une manière qui se doit d’être
professionnelle, irréprochable de tout litige, et même teintée d’un soupçon de spectacle.
25
Balancing Customer Perceptions and expectations, New-York, The Free Press, 1990.
Page | 56
57. Directement au contact du joueur, sa compétence et sa courtoisie sont le reflet de celle de
l’ensemble du casino. Les caractères de fiabilité et de sécurité interviennent dans son rôle de
régulateur du jeu : être capable de trancher sans équivoque en cas de litige.
Pour illustration, le développement des compétences des croupiers est un des pivots des
investissements dans le projet poker pour le Groupe Barrière. Le casino de Fribourg a
inauguré en Novembre 2006 une école des croupiers. Cette formation, ouverte à tous, vise
avant tout à promouvoir le métier de croupier, mais aussi d’adopter une politique de pré-
recrutement de personnels capables et compétents. Durant la formation, les croupiers
« coachs » donnent des cours intensifs en misant sur la pratique et en reconstituant l’ambiance
d’un véritable casino avec de vraies tables de jeu26.
Les coûts engendrés par l’embauche et la formation des croupiers représentent une part
prédominante des investissements placés dans le projet poker pour le Groupe Barrière.
D’après Philippe Pouillard 27, le nombre de croupiers formés pour le poker est de 600, dont
200 emplois créés. D’autant que lors des évènements tournois, ce sont des croupiers qui sont
embauchés ponctuellement, soit à peu près 600 CDD supplémentaires qui vont être générés
dans l’année. Le coût de ces CDD est très important, car il se monte à plus de 550€ par
journée et par croupier.
2. Le contrôle du processus
A une seconde échelle de l’encadrement du jeu de poker est le maintien du respect de la
règlementation et la prévention de la fraude. Cette fois non seulement les joueurs sont sous
contrôle mais aussi le casino en lui-même.
Concrètement, si la règlementation oblige la présentation d’une pièce d’identité pour chaque
joueur, elle nomme aussi un agent des renseignements généraux qui est chargé de surveiller le
bon déroulement des jeux à chaque instant.
Si pour le client sa présence a valeur rassurante, le casino doit intégrer la présence d’une telle
ressource exogène pour qu’elle ne ralentisse pas l’efficience du déroulement du jeu. Les
26
Rapport d’activité Fréquence Barrière, journal des collaborateurs, Novembre 2006.
27
Annexe 3
Page | 57
58. agents des renseignements généraux sont présents uniquement pour des raisons de maintien
de l’ordre et ne sont pas placés sous l’autorité des casinos. Pour ces derniers l’enjeu sera de
mettre en cohérence la présence des autorités de tutelle avec objectifs de performance de la
production de service.
Prenons un exemple que nous a révélé Michel Cohen28: le système de décompte et de
prélèvement des pots communs des gains. La législation pour les casinos en la matière est
beaucoup plus contraignante qu’elle ne l’est dans les cercles de jeu, afin de cadrer d’entrée de
jeu le poker qui n’a été autorisé que récemment.
De ce fait, les protocoles de comptage et de répartition des jetons se font de manière beaucoup
plus fastidieuse, ce qui risque d’impacter fortement sur la fluidité du jeu. Le joueur, qui au
lieu de jouer 25 mains en une heure, n’a le temps d’en jouer qu’une dizaine finira par se
lasser.
La qualité de service n’est pas la priorité pour l’agent des renseignements généraux, qui est
dans une optique d’application rigoureuse de la loi.
Ainsi, la problématique de laisser un jeu plus libre ou non est de première importance pour
l’ensemble des acteurs du projet poker, et on se rend bien compte ici des divergences de
priorités selon le point de vue. Un enjeu majeur de la coordination des différentes parties
prenantes du projet est de trouver un compromis qui parvienne à une situation de gagnant-
gagnant pour tous.
Des plans d’actions sont actuellement mis en place dans les casinos Barrière afin d’aider à une
meilleure coordination des rôles. Grâce aux matériels de surveillance, les caméras, ainsi
qu’une étroite coopération entre les services de sécurité et les agents des renseignements
généraux, le Groupe essaie de favoriser l’entente et les effets de synergies entre les différents
réseaux de surveillance. Cela va dans l'optique de ne pas entraver l’efficience du jeu tout en
garantissant aux joueurs une sécurité et une transparence optimales.
28
Annexe 4
Page | 58
59. Chapitre 3 Management des synergies dans la gestion du
portefeuille d’activités
1. Le choix des cibles clientèle
Grâce à l’autorisation administrative de développer le poker dans leurs établissements, les
casinotiers ont toutes les cartes en main pour dynamiser leur activité. En effet c’est avec ces
nouvelles opportunités d’affaires que les casinos vont mettre en place une stratégie de
développement adaptée à leurs objectifs, mais aussi en cohérence avec leurs valeurs et
l’image de marque qu’ils souhaitent véhiculer. Car avec l’engouement vertigineux et la
popularisation que connaît le poker aujourd’hui, les casinotiers doivent clairement définir
quelle sera leur cible. Qui sont donc les personnes ciblées aujourd’hui en France dans les
casinos à travers le poker ?
Concrètement, les deux géants du secteur casinotier, Barrière et Partouche, s’opposent par
deux stratégies de cibles radicalement différentes, et qui peuvent se retrouver à travers les
niveaux de prix d’entrées et de participation qu’ils appliquent.
Le groupe Partouche opère une stratégie de volume et d’augmentation des flux afin d’amortir
ses investissements dans le développement de son parc poker. Prenons l’exemple du tournoi
Partouche Poker Tour. Avec des prix d’entrée aux tours de qualifications placés à 125€. Ce
prix est très peu élevé, en comparaison avec son concurrent Lucien Barrière qui fixe son
entrée à 350€. Partouche cherche de cette manière à capter une clientèle nouvelle de joueurs
attirés par l’engouement du poker, mais qui ne sont pas forcément experts.
L’avantage étant de générer des rendements d’échelles et d’amortir l’investissement de base
par un effet de masse. Le risque auquel Partouche se heurte est, outre l’enjeu de la capacité
volume de son offre de service, de capter une clientèle nouvelle, mais qui n’est pas du même
niveau que les vrais joueurs de poker. Des joueurs attirés par le phénomène de société du
poker et par un prix d’entrée faible voudront tenter leur chance, mais cela risque d’avoir un
effet déceptif vis-à-vis des vrais joueurs de poker. On se heurte ici au risque de discordance de
niveaux, et une difficulté de visibilité dans la personnalisation du service aux différents profils
Page | 59
60. clients : un vrai joueur de poker expérimenté ne voudra pas participer au tournoi si la mise
totale est trop faible, ou encore si la concomitance entre les clients n’est pas à son niveau.
Une alternative des tournois chez Partouche a été de permettre aux « vrais » joueurs d’accéder
directement aux phases finales en payant directement le droit d’entrée placé à 8000 €.
L’angle stratégique du Groupe Barrière est ici résolument différent. Autant sur des objectifs
que sur des positionnements stratégiques de niche, le Groupe cherche à toucher une clientèle
plus aisée, qui ne pourra certes pas générer des effets volumes massifs, mais qui a un potentiel
financier significatif. Avec des frais d’inscription et de participation beaucoup plus importants
que ses concurrents, Barrière s’assure de tournois de poker composés de « vrais » joueurs de
poker spécialistes. Avec une structure d’organisation orientée luxe, le Groupe place
directement son offre de service dans une optique de compétition de haut niveau et d’image
d’apparat.
Le Groupe Barrière ne se résume pas seulement à des casinos, mais se compose aussi d’hôtels
et restaurants prestigieux quatre étoiles. Chez Barrière le poker s’inscrit réellement dans une
stratégie de synergies entre les différentes activités du groupe : avec le développement du
poker, le Groupe cherche à capter une nouvelle clientèle de joueurs, non pas par glissement,
mais en créant un nouveau marché de niche. En effet Barrière n’aurait aucun intérêt à
débaucher ses joueurs de machines à sous ou bien de roulettes pour les faire jouer au poker.
On cherche alors à capter les joueurs de poker, mais pas de manière ponctuelle lors des
tournois, on cherche à les fidéliser afin qu’ils deviennent des clients fidèles des hôtels et des
restaurants.
2. Synergies entre segment à faible rentabilité et activité principale
Le Groupe Barrière cherche à créer des effets de synergies forts entre ses différentes
activités, et profite du poker pour accroître ce lien entre elles.
Page | 60
61. Dans sa communication, le Groupe prend le parti de fournir un service « inégalé »29. A travers
des valeurs d’excellence et de prestige des loisirs, les activités Barrière s’articulent autour de
quatre axes principaux :
• La restauration, avec notamment le Fouquet’s, dont l’emplacement sur les Champs-
Élysées s’inscrit dans l’image de prestige et de tradition de luxe que l’entreprise veut
véhiculer ;
• L’hôtellerie, qui regroupe quatorze hôtels de haut standing, dont l’offre principale est
complétée par des services périphériques de loisirs de luxe : golf, parcours équestres,
thalasso… Le groupe communique essentiellement sur l’excellence de son confort et
de son atmosphère ;
• Les casinos, qui constituent l’un des premiers réseaux en Europe, et qui axent leur
stratégie marketing sur un service de luxe. Ici tout est mis en place pour que le client
vive une « expérience inoubliable » ;
• L’organisation de soirées. Cette dernière activité axée sur l’évènementiel, permet aux
clients de fêter les grands évènements de leur vie en marquant le coup dans des salles
de réception « de rêve ». A l’occasion de mariages, au nouvel an, tout un service
d’accueil, d’animation et de restauration est proposé.
Afin de renforcer le lien entre ces quatre activités et y développer des effets de synergies,
l’activité poker peut jouer un rôle moteur.
29
Destinations Barrière, descriptif des activités du Groupe, 2007.
Page | 61