1. BAC GÉNÉRAL 2022
Épreuve de la spécialité HGGSP
Mercredi 11 mai
Sujet de dissertation 1
La conquête de l’espace de 1957 à nos jours : rivalités et coopérations.
Introduction
● Un sujet étroitement associé aux rapports de puissances, pendant la Guerre froide ou après,
comme en témoigne le retour récent d’une forme de « course à l’espace », même si la
guerre en Ukraine semble avoir épargné jusqu’ici les astronautes et cosmonautes de l’ISS.
● Un vieux rêve de l’humanité (Cyrano de Bergerac, Les états et empires de la Lune, Jules
Verne ou les albums de Tintin sur la Lune...), mais sujet surtout lié à la Guerre froide dans sa
réalisation concrète (comme le signale la date de 1957, lancement de Spoutnik), et relancé
aujourd’hui dans un contexte de possible nouvelle guerre froide entre les Etats-Unis et la
Chine, voire la Russie.
● La date de 1957 renvoie cependant, pour le début, aux deux puissances historiques : les
États-Unis et l’URSS. Mais d’autres acteurs ont émergé depuis, étatiques ou non.
● Les notions de rivalités et coopérations obligent à s’interroger sur la permanence de
l’affrontement, y compris pendant la Guerre froide. Les coopérations semblent avoir pris le
dessus sur beaucoup de sujets, dont Thomas Pesquet est l’exemple pour la France à
l’échelle internationale.
● Problématique : La conquête de l’espace, placée sous le signe de l’affrontement entre
puissances depuis le lancement de Spoutnik en 1957, n’a-t-elle pas été tout aussi largement
le terrain de coopérations internationales ?
I – Une conquête spatiale placée sous le signe de la compétition
1) Un symbole de la Guerre froide
● 1957, avantage URSS : rapide avance de l’URSS qui crée le premier satellite, Spoutnik (1957),
envoie le premier animal dans l’espace (Laïka, 1957), puis le premier homme (Gagarine, 1961)
=> accélère la création de la NASA en réponse à l’activisme soviétique.
● Ce volontarisme soviétique s’explique par le contexte de la Guerre froide, après une période
où l’URSS a subi l’avance des États-Unis sur la question de l’armement nucléaire. La course à
la récupération des savants allemands (W. Von Braun, concepteur des fusées V2, en est le
symbole côté américain) place d’emblée la conquête spatiale sur le terrain de l’affrontement
et non de la coopération (comme en témoigne le fait que ce secteur de recherche dépend
au départ de l’armée).
● Pour répondre à cette avance, les États-Unis créent la NASA (1958).
2. 2) Une rivalité qui devient le symbole de la Détente, entre rivalité et esquisses de coopérations.
● Après la crise de Cuba (1962), Détente et déplacement de la compétition sur d’autres
terrains : l’objectif devient la Lune.
● Volonté de « concilier la réalité de la compétition avec l’impératif de la coexistence » (H.
Kissinger) : signature du traité de l’espace en 1967 pour fixer règles du jeu (non militarisation,
non appropriation...).
● Rattrapage rapide des USA, avec premier homme sur la Lune en 1969 (programme Apollo,
N. Armstrong).
● Mais arrêt des ambitions : Von Braun démissionne en 1970 à cause du refus de la NASA de
lancer le programme vers Mars au profit du développement des navettes. L’URSS
abandonne le projet lunaire.
● La reprise de la Guerre Froide (« guerre fraîche », 1975-1985) ne relance pas forcément la
compétition : poursuite de la Détente dans ce secteur avec programmes communs : Apollo-
Soyouz, 1975 => pose les bases d’une coopération. URSS se lance dans station MIR (1986),
missions vers Vénus...
● Mais le projet IDS de Reagan en 1983 accélère l’affaiblissement de l’URSS.
3) En marge de la compétition des superpuissances, l’apparition de nouveaux acteurs.
● Chine : programme spatial dès Mao, mais moins de moyens mis en oeuvre.
● 1975 : création de l’ESA, une coopération dans sa nature même (européenne) => projet
Ariane, où France est leader : Ariane 1 (1981), J.-L. Chrétien premier européen dans l’espace
(1982).
● Les nouveaux acteurs rejoignent facilement le traité de l’espace (France : 1970).
● Mais d’emblée, on peut dire que ces acteurs ne se situent pas dans la logique de compétition
mondiale entre les deux superpuissances. Cela prépare le terrain pour l’arrivée de nouveaux
acteurs sur des secteurs ciblés.
II – Les limites de la coopération à l’heure des nouveaux désordres mondiaux
1) La fin de la Guerre froide et le début de coopérations multiples.
● ISS (1998) : symbole de la coopération post Guerre Froide (remplace la station Mir, propriété
des États-Unis mais accueille beaucoup de nationalités) : programmes de recherche...
● Développement des programmes de l’ESA en parallèle et en coopération, sur missions
complémentaires (2005 : sonde européenne sur Titan, satellite de Jupiter, 2014 : 1er
atterrissage sur une comète).
● Intégration de la Russie dans ces programmes internationaux.
2) L’arrivée de la Chine et la relance de la compétition.
● Accélération des ambitions chinoises avec Xi Jinping dans le cadre du « rêve chinois » et de
la volonté de devenir la première puissance mondiale.
● 2003 : premier vol habité.
3. ● 2019 : 1er
alunissage sur face cachée de la Lune => ambitions affichées sur la Lune, dans une
démarche assez éloignée du traité de l’espace (esprit d’appropriation des ressources).
● 2021 : lancement de la construction d’une 3e
station, chinoise (avec Russes : retour des
rivalités).
3) L’irruption de nouveaux acteurs : un approfondissement des coopérations ou un retour des
rivalités ?
● Nouveaux acteurs, nouvelles ambitions : de nouvelles puissances se lancent dans la course à
l’espace comme l’Inde…
● …mais aussi acteurs privés qui prennent en charge des missions jusque là assurées par
agences publiques : Blue Origine, Space X envoient des astronautes rejoindre l’ISS en 2020.
Ils ont aussi leur propre agenda : tourisme spatial, rejoindre Mars (comme la Chine).
● Entre l’irruption de ces nouveaux acteurs et le renforcement dans les années 2010 des
tensions entre Chine et USA qui annoncent une nouvelle Guerre froide, nous assistons à une
militarisation de l’espace : création d’un commandement spécifique aux USA et en France,
incidents réguliers à l’occasion de destruction par missiles de satellites, présentés comme
nécessaires mais qui peuvent être vus comme des démonstrations de force.
Conclusion
● Un espace d’abord de compétition, devenu pendant une vingtaine d’années un espace de
coopération qui a permis la création de l’ISS. Mais à chaque fois que les tensions montent sur
terre, elles ont tendance aussi à monter dans l’espace.
Intégrer un paragraphe d’ouverture est facultatif, mais le sujet permet de songer à la multiplication
et succès des films récents sur conquête de l’espace, qui confirment autrement le retour de ce sujet
au cœur de l’actualité mondiale et des ambitions de l’humanité : Gravity, Seul sur Mars… jusqu’au
premier film tourné dans l’espace fin 2021 (russe, ce qui est là aussi un symbole de la réaffirmation
des puissances dans la course à l’espace).
Sujet de dissertation 2
Les États-Unis et l’environnement à différentes échelles.
Introduction
● Un sujet d’actualité : les relations complexes entre les États-Unis et l’environnement
(compris ici comme les relations entre les sociétés et les milieux à différentes échelles),
notamment après le mandat, controversé sur le sujet, du président Trump.
● Ce mandat passé a justement mis en lumière la question des échelles sur le sujet, entre un
niveau fédéral où le climatoscepticisme semblait l’emporter, avec des conséquences sur la
scène internationale, et d’autres échelles, locales, où les questions environnementales
4. demeuraient centrales : la formule d’« États-Unis » ne doit pas cacher la richesse des
situations à différentes échelles.
● Mais la question des échelles peut être lue aussi à un niveau temporel : le sujet n’invite pas
seulement à une réflexion contemporaine, mais impose aussi la question du temps, car les
États-Unis sont pionniers sur la question depuis le XIXe
siècle au moins, avec des évolutions
et des paradoxes.
● Problématique : En quoi l’étude à différentes échelles des relations entre les Etats-Unis et
l’environnement met-elle à jour de profonds paradoxes, dans le temps et l’espace ?
I – La question environnementale aux États-Unis : une suite de paradoxes.
1) Le pays de l’environnement sanctuarisé et piétiné dès le XIXe
siècle
● La notion de wilderness présente dès la fin du XIXe
siècle à travers le pionniers (voir Henry
Thoreau parmi les penseurs) : une nature sauvage, à préserver car sanctuaire naturel et
spirituel.
● Mais dans le même temps : exploitation et révolution industrielle qui accompagnent
l’extension de la frontière sur les terres des Amérindiens (réseau ferroviaire transcontinental
accompagne cette avancée des pionniers).
● Ce contraste entre exploitation et admiration des espaces sauvages se traduit notamment
dans l’invention des parcs nationaux, avec Yellowstone (1872).
2) Un modèle de croissance incompatible avec la protection de l’environnement au XXe
siècle.
● La mise en valeur intensive du territoire au XXe
siècle (voir les grands travaux du New Deal
dans les années 1930, avec les barrages…) conduit à une forte exploitation des ressources
naturelles. Déjà des tensions entre États voisins sur la gestion de l’eau (Californie/Arizona)
apparaissent.
● Un modèle à soutenir, celui de la société de consommation (dès les années 30, plus encore
après guerre) : surexploitation des ressources, recul des milieux naturels dans un pays où le
sentiment d’immensité est associé à celui de ressources illimitées.
● Mais déjà des réflexes de protection à différentes échelles :
○ fédérale (création de forêts protégées et parcs nationaux sous Th. Rossevelt entre
1901 et 1909) ;
○ États (rôle de la Californie dans la prise de conscience) ;
○ acteurs privés (rôle du Sierra Club dans le Nevada).
3) Le XXIe
siècle et la recherche d’une voie, entre climatoscepticisme et volonté de protection, à
différentes échelles.
● Le XXIe
siècle prolonge ce paradoxe, mais avec la conscience accrue d’une urgence (voir les
feux de forêts en Californie, un État plutôt en pointe sur la question).
● mais le maintien d’un fort climatoscepticisme (incarné par l’élection de Donald Trump à la
présidence des États-Unis en 2016, avec par exemple la question de l’exploitation du gaz de
5. schiste) confirme les paradoxes de la gestion états-unienne de l’environnement : les États-
Unis restent le premier pollueur mondial, malgré la montée de la Chine à ce niveau.
● Face à cela, certains États, des ONG, des citoyens cherchent à compenser en maintenant un
fort engagement pour la protection de l’environnement, avec des démarches très diverses
et contradictoires : la démarche des géants du numérique de la Silicon Valley (Google) n’a
que peu à voir avec celle d’ONG (WWF, Greenpeace) ou de scientifiques.
II – Les États-Unis et l’environnement à l’échelle mondiale : la difficulté de trouver une ligne
conductrice.
1) Le pays de la prise de conscience mondiale.
● Un rôle de pionnier indéniable au XXe
siècle : les premières alertes sur le climat sont
largement le fait de scientifiques américains.
● À côté des scientifiques, voir le rôle des ONG, dont le siège est souvent aux États-Unis, avec
des moyens et des donateurs considérables : Greenpeace, WWF…
2) Une politique internationale en « stop and go ».
● mais cette prise de conscience de l’urgence environnementale ne se traduit pas toujours au
niveau fédéral et donc international.
● voir ainsi la réticence des États-Unis à engager leur signature dans des accords
contraignants : accords de Kyoto 1997 non ratifiés en 2005 par G.W. Bush, retrait de l’accord
de Paris en 2019 par D.J. Trump…
● l’engagement personnel de certains présidents ou vice-présidents (Al Gore, VP de Bill
Clinton et ancien candidat à la présidentielle, retour de Joe Biden dans l’accord de Paris
après son élection en 2020) ne peuvent masquer le fait que cette politique de « stop and
go » ralentit les efforts concrets au niveau fédéral pour s’engager dans des accords
internationaux avec de réels effets. Ces atermoiements peuvent même affaiblir la crédibilité
des États-Unis au niveau mondial, en laissant la place à des rivaux comme la Chine.
3) Face à l’urgence, le rôle d’échelles alternatives au niveau fédéral.
● Cette politique de « stop and go » conduit à la mise en valeur d’autres échelles où se jouent
les relations avec l’environnement, y compris dans une optique internationale : des États
comme la Californie cherchent à compenser par leurs propres efforts les engagements non
tenus à l’échelle fédérale.
● Cela peut aussi se traduire à l’échelle des villes.
● Mais cela peut aussi se voir au niveau des ONG, qui traînent en justice l’État fédéral pour
utiliser des contre-pouvoirs pour tenter d’obliger l’État fédéral à honorer ses engagements.
Conclusion
● Le pays des contrastes sur la question environnementale : à la fois celui qui a inventé ou
presque le concept de protection de l’environnement au XIXe
siècle, avec des traductions
6. considérables au XXe
siècle dans la formation de puissantes ONG, et le plus grand pollueur au
monde, avec un climatosceptique à sa tête pendant quatre ans à travers Donald Trump.
La question mérite donc d’être lue à différentes échelles, d’espace mais aussi de temps, pour mieux
mesurer les paradoxes de la position des États-Unis face à la question de l’environnement. Le sujet
reste ouvert, tant les évolutions de ces dernières années ne permettent pas de deviner la suite, dans
un contexte d’urgence de plus en plus pressante : on ne peut pas dire si les États-Unis seront leaders
sur ces questions pour la suite du XXIe
siècle.
7. Étude critique de documents : l’évolution des formes de la guerre
En analysant les documents, en les confrontant et en vous appuyant sur vos connaissances,
caractérisez les différentes formes de guerres.
Plan détaillé
Introduction
- Deux documents proposés, invitant à montrer l’évolution de la guerre depuis le XVIIIe
siècle ;
deux documents que tout semble opposer.
- D’abord, une estampe du début du XIXe
s. (après le 2 décembre 1805 en tout cas, date de la
bataille d’Austerlitz opposant Napoléon Ier à une coalition, et à l’origine de la fin du Saint-
Empire Romain Germanique), par Johann Laurens Rugendaz, pas autrement connu : a priori
un exemple des guerres classiques, entre armées constituées, avant le XXe
siècle et l’irruption
de la guerre totale.
- Ensuite, une analyse de 2011 par le général McChrystal à propos de l’Irak dans l’après 2003. Le
général n’est pas forcément un inconnu, car il a aussi eu des commandements importants en
Afghanistan, ce qui le place à la jonction des deux principaux conflits conduits par les Etats-
Unis au XXIe
siècle. Quoi qu’il en soit, le texte renvoie aux nouvelles conflictualités, symbolisées
entre autres par l’émergence d’Al Qaida et du terrorisme international depuis la fin du XXe
siècle.
- Entre les deux, des évolutions de la façon de faire la guerre. Problématique : En quoi ces deux
documents, de par leur éloignement, montrent-ils l’ampleur de l’évolution des formes de la
guerre depuis plus de deux siècles ?
- Plan détaillé ci-dessous
I- Guerres régulières, guerres irrégulières : deux documents modèles ?
1) Une estampe révélatrice des formes classiques de la guerre avant le XXe
siècle ?
- Si l’on part de l’observation du doc. 1, on est en présence d’une façon de faire la guerre que
n’aurait pas désavouée Clausewitz, le théoricien prussien de la guerre au tournant du XIXe
siècle : un champ de bataille identifié (et une date, avec Austerlitz qui représente un symbole
de l’affrontement entre Napoléon et la coalition des régimes européens en 1805), des armées
dont on peut identifier les corps (cavalerie, infanterie, artillerie).
- On semble se situer dans le cadre des affrontements classiques tels que théorisés par
Clausewitz à partir de son étude des conflits depuis des siècles, dans son modèle de la « guerre
réelle » : un cadre, des armées professionnelles, des règles et des ambitions limitées.
- Pourtant, ne pas oublier qu’il s’agit d’une bataille des guerres napoléoniennes, et que certains
détails de l’estampe peuvent annoncer la guerre moderne : la forte présence des volutes de
fumée dans l’estampe suggère la montée en puissance des moyens de destruction à travers
l’artillerie, déjà remarquée lors de la guerre de Sept Ans (1756-1763), et qui annonce la guerre
industrielle et la mort de masse de 14-18 ; la densité des effectifs présentés peut, quant à elle,
marquer la nouveauté de la mobilisation de centaines de milliers de soldats non
8. professionnels à travers la conscription issue de la Révolution, et qui trouvera là aussi un
aboutissement en 14-18, puis 39-45.
2) L’analyse d’un général américain, témoin des nouvelles conflictualités ?
- A l’opposé de l’affrontement régulier présenté dans l’estampe, McChrystal témoigne d’un
changement d’époque et de style avec l’avènement des guerres irrégulières au XXe
siècle :
l’exemple est ici la guerre d’Irak après 2003, mais la guerre d’Afghanistan (depuis 2001) peut
aussi être évoquée au vu de l’auteur.
- Le nouveau modèle présenté ici paraît être celui des guerres irrégulières, asymétriques :
« moudjahidines étrangers ayant prêté allégeance à Oussama Ben Laden » contre « forces de
la coalition », nous trouvons bien la réalité de la seconde moitié du XXe
siècle, où une armée
régulière affronte une guérilla (on pense à la guerre d’Indochine de 1946 à 1954, d’Algérie de
1954 à 1962, ou encore du Vietnam de 1963 à 1973).
- Mais comme il s’agit d’une affiliation à Ben Laden, il s’agit aussi de la « guerre contre le
terrorisme » théorisée par G.W. Bush, qui occupe le début du XXIe
siècle : « Son objectif avoué
consiste à faire voler en éclats le nouvel Irak en vue d’y instituer un califat ». Avec la lutte
contre des guérillas communistes dans le contexte de la Guerre froide ou de la décolonisation,
c’est le troisième type de guerre de la seconde moitié du XXe
siècle et du début du XXIe
siècle.
On notera que les guerres civiles du type « ex-Yougoslavie » ne sont pas suggérées par les
documents, mais sont aussi des guerres typiques de la fin du siècle (on notera que AQI vise
« le gouvernement irakien et les chiites du pays », ce qui renvoie à un contexte de guerre
civile).
- Le doc. 2 semble donc résumer assez bien les nouvelles conflictualités du XXe
et du XXIe
siècles, après les guerres régulières que semble symboliser le doc. 1. La réalité est plus
complexe.
II- A la croisée des documents, d’autres formes de guerres
1) La Guérilla 2.0
- C’est un modèle qui apparaît clairement dans l’analyse du doc. 2 : « Les combattants d’Al-
Zarkaoui étaient bien adaptés aux régions qu’ils fréquentaient, comme Falloujah et Al-Qaim2,
dans la province orientale d’Anbar, et grâce à la technologie moderne, ils entretenaient des
liens étroits avec le reste de la province et du pays. Argent, propagande et information
circulaient à un rythme alarmant, permettant une coordination rapide et efficace. »
- Outre que c’est un modèle inventé à l’époque des guerres napoléoniennes, en Espagne (1808),
ce qui fait un lien avec le doc. 1, la citation montre que ce modèle ne cesse de se réinventer au
XXe
siècle, à partir de l’appui du terrain signalé dans le doc. 2 (cf le rôle du terrain dans la
défaite française en Indochine) : le rôle des « technologies modernes » montre que la guérilla
se réinvente, notamment dans la communication, dont l’image popularisée de Che Guevara
peut être un prototype. Daesh a poussé à son comble l’utilisation de vidéos de propagande
reprenant les codes de l’adversaire, ce qui est suggéré dans l’évocation de la « propagande »
d’AQI, mais avec des moyens bien inférieurs dans les années 2000.
9. 2) L’ombre de la guerre totale
- Le rapprochement des documents peut conduire à la notion de guerre totale : le doc. 1, à
travers l’exemple des guerres napoléoniennes et de l’ampleur de la destruction suggérée,
rappelle que cette période est une lutte à mort entre un régime malgré tout issu de la
Révolution française et des (anciens) régimes qui y sont opposés. La guerre contre le
terrorisme (doc. 2) théorisée par G.W. Bush est aussi une lutte totale entre des systèmes que
tout oppose.
- Dans cette optique, il est possible de signaler que les documents proposés, par leur date et
leur nature, laissent totalement de côté les deux modèles par excellence de la guerre totale,
les deux guerres mondiales.
3) Des évocations des guerres hybrides
- L’incompréhension avouée de la part de McChrystal de la façon dont les combattants d’AQI
mènent la guerre en Irak après 2003 trouve un écho dans les guerres napoléoniennes
évoquées par le doc. 1 (Cependant, plus nous y réfléchissons, plus nous constatons que ce
modèle ne fonctionnait pas. Les lieutenants d’AQI n’attendaient pas les directives de leurs
supérieurs pour agir, et encore moins les ordres de Ben Laden. Les décisions se prenaient de
façon décentralisée, mais rapide, puis étaient transmises horizontalement à travers
l’organisation.). On retrouve l’impuissance de Napoléon face aux stratégies de la guérilla
espagnole, comme celle de l’armée française face à la guérilla de Hô Chi Minh et Giap en
Indochine, mais davantage dans le doc. 2
- En effet, quand McChrystal évoque la façon dont « nous avons entrepris de cartographier
l’organisation en lui attribuant une structure militaire traditionnelle, avec ses échelons et ses
rangs », puis dont « nous les voyions changer de tactique (passer d’attaques à la roquette à
des attentats suicides, par exemple) quasi simultanément dans différentes villes. Ils
exécutaient une funeste chorégraphie dont la structure, souvent méconnaissable, était en
constante évolution », un nouveau rapport à la guerre s’amorce, qui annonce les combats
contre Daech et l’alternance entre des formes de guerre irrégulière et régulière, la guerre
hybride. Cette réalité décrite par McChrystal à propos de l’Irak de l’après 2003, mais que nous
pouvons rapprocher de celle de l’Europe napoléonienne, entre guerre classique contre la
coalition, contournement du blocus continental et guérilla espagnole, renvoie aux formes
hybrides dont la guerre prend forme à l’époque moderne. Pas forcément déclarée, elle passe
de la guerre classique à la guerre asymétrique (ainsi de la guerre du Golfe en 1991 puis 2003),
avant de revenir à des formes plus classiques à la faveur de l’affirmation de Daech comme
État après 2014.
Conclusion
- Deux documents opposés dans le temps et le type de guerre décrit en apparence
- En réalité, diverses façons de faire la guerre et diverses facettes des conflits (en particulier à
l’époque moderne) qui trouvent des échos dans les deux documents.