La Cistude d’Europe est une espèce protégée sur le territoire national. De par ces enjeux de conservation majeurs, une étude initiale a été réalisée en 2006 sur deux sites témoins de la ligne. Une nouvelle étude a été initiée en 2013 et reconduite en 2014. Les objectifs sont d’évaluer sur le long terme les éventuels impacts de la LGV SEA sur une espèce emblématique et d’évaluer la transparence écologique des ouvrages de franchissement mise en œuvre. Il s'agit ici du bilan annuel du suivi télémétrique de 16 individus de Cistude d’Europe Emys orbicularis capturés sur les étangs de la Goujonne (Montguyon, 17) et de la Clinette (Neuvicq, 17) – 4ème année de suivi
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Rapport réalisé pour le compte de :
LGV SEA TOURS-BORDEAUX
Suivi Cistude 2016 réalisé dans le
cadre de la LGV SEA
Bilan annuel du suivi télémétrique de 16 individus de
Cistude d’Europe Emys orbicularis capturés sur les
étangs de la Goujonne (Montguyon, 17) et de la
Clinette (Neuvicq, 17) - 4ème
année de suivi
2.
3. CR Suivi 2016 – Cistude – Avril 2017
Poitou-Charentes Nature 3
Suivi Cistude 2016 réalisé dans le
cadre de la LGV SEA
Bilan annuel du suivi télémétrique de 16 individus de
Cistude d’Europe Emys orbicularis capturés sur les
étangs de la Goujonne (Montguyon, 17) et de la
Clinette (Neuvicq, 17) – 4ème
année de suivi
Type de rapport :
Rapport 2016
Association intervenante Expert intervenant (rédaction/validation)
Nature Environnement 17 Olivier ROQUES
Coordinateur PCN Version du document
Agnès BOYE V2
Destinataires Date d’envoi
Delphine QUINTARD (LISEA)
Thierry CHARLEMAGNE (LISEA)
V1 le 11/04/2017 – V2 le 23/05/2017
4. CR Suivi 2016 – Cistude – Avril 2017
4 Poitou-Charentes Nature
Sommaire
Sommaire ........................................................................................................... 4
1. Contexte de l’étude .................................................................................... 6
2. Présentation de la Cistude d’Europe ........................................................... 8
2.1. Systématique .........................................................................................................8
Description de l’espèce.....................................................................................................8
2.2. Répartition.............................................................................................................9
2.3. Biologie et écologie...............................................................................................11
2.3.1. Habitats...................................................................................................11
2.3.2. Rythme d’activité......................................................................................11
2.3.3. Reproduction............................................................................................11
2.3.4. Prédation .................................................................................................12
2.3.5. Alimentation.............................................................................................12
2.4. Statut de conservation et protection légale .............................................................12
3. Présentation du site d’étude..................................................................... 14
3.1. Etang de la Goujonne ...........................................................................................14
3.2. Etang de la Clinette ..............................................................................................15
4. Matériel et méthode ................................................................................. 17
4.1. Principe du suivi par radiopistage...........................................................................17
4.1.1. Matériel ...................................................................................................17
4.1.2. Nombre d’individus équipés .......................................................................17
4.1.3. Déroulement du suivi ................................................................................18
4.2. Analyse des résultats ............................................................................................18
4.2.1. Calcul des domaines vitaux en 2013 et 2014 ...............................................18
4.2.2. Calcul des domaines vitaux en 2016 ...........................................................18
4.2.3. Autres analyses statistiques .......................................................................18
5. Résultats - Discussions ............................................................................. 19
5.1. Changement des émetteurs...................................................................................19
5.2. Territoire occupé par les individus des 2 populations en 2016 ..................................19
5. CR Suivi 2016 – Cistude – Avril 2017
Poitou-Charentes Nature 5
5.3. Evolution annuelle des domaines vitaux..................................................................19
5.4. Influence du sexe sur les déplacements .................................................................22
5.4.1. Etang de la Goujonne................................................................................22
5.4.2. Etang de la Clinette ..................................................................................22
5.5. Evolution saisonnière des domaines vitaux..............................................................23
5.5.1. Etang de la Goujonne................................................................................23
5.5.2. Etang de la Clinette ..................................................................................23
5.6. Etude de la transparence de la ligne ......................................................................25
6. Conclusions - Perspectives ....................................................................... 27
Bibliographie .................................................................................................... 29
6. CR Suivi 2016 – Cistude – Avril 2017
6 Poitou-Charentes Nature
Suivi Cistude 2016 réalisé dans le cadre
de la LGV SEA
Bilan annuel du suivi télémétrique de 16 individus de Cistude d’Europe Emys
orbicularis capturés sur les étangs de la Goujonne (Montguyon, 17) et de la Clinette
(Neuvicq, 17) – 4ème
année de suivi
1. Contexte de l’étude
La Cistude d’Europe est une espèce protégée sur le territoire national et inscrite aux Annexes II et IV de
la Directive « Habitats-Faune-Flore » de 1992 (espèce communautaire dont la conservation nécessite la
désignation de Zones Spéciales de Conservation). Elle est de plus classée par l’UICN comme « Quasi
menacée » aux échelles européenne et mondiale (2009). Enfin, elle est désignée déterminante en
Poitou-Charentes et bénéficie d’un Plan National d’Actions.
La Charente-Maritime compte le plus grand nombre de données régionales avec des effectifs encore
importants et fonctionnels, notamment dans le Marais de Brouage et la Double saintongeaise.
De par ces enjeux de conservation majeurs, une étude initiale a été réalisée en 2006 sur deux sites
témoins impactés par le passage de la Ligne à Grande Vitesse Sud Europe Atlantique (étangs de la
Goujonne et de La Clinette) par Nature-Environnement 17 à la demande de RFF. Pour chaque étang, les
principaux objectifs étaient :
- d’évaluer la taille des populations,
- de connaître l’occupation du site par l’espèce et son évolution saisonnière,
- de localiser et caractériser des sites de ponte et d’hivernation,
- de proposer des mesures d’évitement, de réduction et de compensation d’impacts.
Réalisée avant la phase de construction de la LGV, cette étude constitue un état initial. Il s’agit, à notre
connaissance, du seul état initial aussi détaillé et précis concernant une espèce protégée impactée par un
tel projet. Les conclusions de ce rapport ont notamment permis des travaux de restauration par COSEA
(les 5 et 7 décembre 2012) de sites de pontes identifiés à l’époque sur les marges de l’étang de la
Goujonne.
Une nouvelle étude a été initiée en 2013 et reconduite en 2014. Réalisée pendant la phase de
construction de la ligne, elle constitue la suite logique de celle de 2006. L’objectif est :
- d’évaluer sur le long terme les éventuels impacts de la LGV SEA sur une espèce emblématique,
en application de l’article 23 de l’arrêté du 24 février 2012 portant dérogation à la destruction
des espèces protégées,
- d’évaluer la transparence écologique des ouvrages de franchissement mise en œuvre sur le
chantier de la LGV SEA pour l’espèce, comme stipulé dans l’arrêté CNPN.
7. CR Suivi 2016 – Cistude – Avril 2017
Poitou-Charentes Nature 7
La reproductibilité du protocole suivi en 2006 permet d’obtenir des données comparables dans le temps
et d’en tirer des conclusions objectives quant aux réels impacts des travaux et de la mise en service de la
ligne. Ce travail a donné lieu à un rapport d’étude, transmis à LISEA en décembre 2014.
En 2015 et 2016, il a été choisi de stopper momentanément la capture d’individus, considérant que
l’estimation annuelle de la taille des populations était superflue (celle-ci sera idéalement reconduite tous
les 4 à 5 ans). En revanche, la poursuite du suivi télémétrique permet de contrôler la position des
individus équipés d’émetteurs et d’estimer l’évolution de leurs domaines vitaux. De plus, ce suivi a pour
objectif de changer les émetteurs des animaux équipés les années précédentes, afin de suivre les mêmes
individus sur le long terme et de disposer d’un historique de leurs déplacements. La batterie des
nouveaux émetteurs ayant une durée de vie moyenne de 24 mois, il sera nécessaire de renouveler cette
manipulation en 2018.
Afin d’alléger le suivi télémétrique en 2015 et 2016, il a été choisi de réaliser un unique relevé mensuel
de la position des individus. Cette démarche, outre le fait d’affiner nos connaisances quant à leur
utilisation de l’espace, permet de ne pas les perdre et de vérifier régulièrement la fonctionnalité des
émetteurs.
Le présent rapport dresse le bilan du suivi télémétrique réalisé en 2016 et synthétise les données
obtenues avec celles des 3 années précédentes.
8. CR Suivi 2016 – Cistude – Avril 2017
8 Poitou-Charentes Nature
2. Présentation de la Cistude d’Europe
2.1. Systématique
Les Reptiles sont des vertébrés poïkilothermes, à peau écailleuse et sèche. En Europe, ils regroupent les
ordres des Chéloniens (tortues) et des Squamates (lézards et serpents). Si la plupart des Reptiles ont des
mœurs terrestres, quelques espèces sont plus ou moins inféodées aux milieux humides voire aquatiques.
En dehors des espèces marines, la Cistude d’Europe Emys orbicularis compte parmi les Reptiles
européens les plus aquatiques. Comme tous les Chéloniens, elle possède une carapace formée d’un
bouclier dorsal (dossière) et d’un plastron ventral. Ses mâchoires sont dépourvues de dents et forment
un bec corné.
Classification de la Cistude d’Europe
Règne : Animalia
Embranchement : Chordata
Classe : Reptilia
Sous-classe : Chelonii
Ordre : Testudines
Famille : Emydidae
Nom binomial : Emys orbicularis (Linnaeus, 1758)
Description de l’espèce
La Cistude d’Europe, tortue boueuse, tortue des marais ou localement « Fangearde », est une tortue de
couleur sombre. Sa carapace, hydrodynamique, est donc peu bombée. Elle est constituée par :
- le bouclier dorsal, variant du brun noirâtre au verdâtre en passant par le rougeâtre et le grisâtre
et parfois orné de points ou de raies de couleur jaunâtre,
- le plastron qui peut varier du jaune-vert marbré au brun-noir uni (Figure 2).
Les pattes palmées sont munies de longues et fortes griffes et présentent généralement des bandes ou
macules jaunâtres. Le cou est allongé et le museau assez pointu possède un bec verdâtre à bords
coupants (Figure 1). La queue est longue et effilée. Le dessus de la tête, brun, est piqueté de points
jaunes ou rayés de bandes jaunâtres.
Les yeux de la Cistude varient du jaune vif au rouge orangé.
L’adulte mesure en moyenne de 138 à 160 mm de longueur de dossière pour les mâles, et de 140 à 180
mm pour les femelles (DUGUY et al, 1998). Notons que chez le mâle le plastron est légèrement concave,
contrairement à la femelle, chez qui il est plat. Cette configuration facilite le chevauchement lors des
accouplements.
Figure 1 : Photode la tête d’une Cistude d’Europe
9. CR Suivi 2016 – Cistude – Avril 2017
Poitou-Charentes Nature 9
Figure 2 : Plastron (à gauche) et dossière (à droite)
2.2. Répartition
L’aire de répartition de l’espèce s’étend du nord de l’Afrique au sud, jusqu’à la Pologne au nord, du
Portugal à l’ouest jusqu’à la mer d’Aral en Asie centrale à l’est (Figure 3). En France, l’espèce est répartie
de manière hétérogène sur les 2/3 sud du territoire. Elle est présente dans 11 ex-régions : Aquitaine,
Auvergne, Bourgogne, Centre, Corse, Languedoc-Roussillon, Limousin, Midi-Pyrénées, Poitou-Charentes,
PACA, Rhône-Alpes.
Figure 3 : Distribution européenne de la Cistude d’Europe (sources : MNHN/SPN & SEH, 1997)
10. CR Suivi 2016 – Cistude – Avril 2017
10 Poitou-Charentes Nature
La Cistude d’Europe est signalée dans les quatre départements de Poitou-Charentes, bien qu’elle n’ait
pas été revue dans les Deux-Sèvres depuis son signalement par Michel Fouquet (agent de l’ONCFS,
bénévole au sein des associations DSNE et GODS) dans les années 80 dans les étangs de l’Argentonnais
(Figure 4). Les principaux noyaux de populations en Charente-Maritime se trouvent désormais dans le
Marais de Brouage et dans la Double saintongeaise. En dehors de ces localités, sa répartition est de plus
en plus fragmentée. Notons que la seule donnée insulaire pour l’atlantique français est à attribuer à l’île
d’Oléron où la première mention de l’espèce remonte à 1904 (ALLENOU et al, 2001). En Charente, les
populations du sud semblent être en continuité avec celles de Charente-Maritime. La répartition actuelle
de la Cistude semble être limitée au sud d’une ligne Barbezieux à Montbron (THIRION et al, 1998). Pour la
Vienne, une des premières mentions remonte à la capture d’un individu dans le Clain par MAUDUYT en
1844. La seule population connue bien établie semble être limitée aux étangs de la région de
Montmorillon. Un important travail d’actualisation des connaissances dans ce département permettra
d’avoir une idée plus précise de sa répartition. En dehors de ces localités, plusieurs mentions de Cistude
en Poitou-Charentes semblent être attribuables à la découverte d’individus épars sans doute échappés de
jardins (DUGUY et THIRION, 2002).
Figure 4 : Répartition de la Cistude d’Europe en Poitou-Charentes (Poitou-Charentes Nature, 2002)
11. CR Suivi 2016 – Cistude – Avril 2017
Poitou-Charentes Nature 11
2.3. Biologie et écologie
2.3.1. Habitats
La Cistude est une espèce aquatique, capable d’effectuer d’importants déplacements terrestres pour la
ponte, mais aussi au cours de déplacements d’un milieu aquatique à un autre. Elle fréquente des zones
humides variées : étangs, rivières, mares, marais d’eau douce à légèrement saumâtre, fossés, canaux…
Les nids de ponte sont généralement creusés sur des milieux ouverts, bien exposés, non inondables et
meubles (avec une prédilection pour les sols de nature sableuse ou argilo-limoneuse). Il s’agit en général
de prairies et pelouses sèches, mais aussi, par défaut, de digues, de surfaces cultivées ou de chemins,
dont la pente est orientée préférentiellement vers le sud.
L’espèce hiverne sous l’eau, dans des zones de végétation dense présentant une importante couche de
vase dans laquelle elle peut s’enfouir (cariçaies, roselières, queues d’étangs, mares forestières…).
La Cistude dépend donc d’une mosaïque d’habitats dont chaque élément est indispensable à
l’accomplissement de son cycle biologique. Pour se déplacer d’un milieu à un autre, elle utilise des zones
de transition : les corridors écologiques. Il peut s’agir de cours d’eau, de canaux, fossés, etc. ou bien des
milieux terrestres (notamment forestiers qui offrent couvert et protection).
2.3.2. Rythme d’activité
La Cistude d’Europe est un animal ectotherme (dont la température corporelle dépend de la température
extérieure). Elle utilise donc le soleil comme source de chaleur externe pour faire fonctionner son
métabolisme. En conséquence, son cycle de vie annuel est marqué par l’alternance de périodes d’activité
au printemps et en été, puis de périodes de ralentissement d’activité ou d’hivernation en saison froide.
La saison d’activité débute en février-mars et se poursuit jusqu’en octobre-novembre. La sortie
d’hivernation est marquée par une courte période pendant laquelle les individus effectuent des petits
déplacements au sein du milieu d’hivernation. Les Cistudes se dispersent ensuite sur l’ensemble de
l’habitat disponible.
2.3.3. Reproduction
La Cistude a une longévité qui peut atteindre 120 ans en captivité (ROLLINAT, 1934).
Les individus acquièrent leur maturité sexuelle tardivement : 8-9 ans chez le mâle, 11-12 ans chez la
femelle (DUGUY et BARON, 1998).
Des accouplements ont lieu dès le mois de mars, même si la plupart interviennent en avril-mai. Ils
peuvent en réalité s’étaler tout au long de la période annuelle d’activité. Des couples (mâle chevauchant
une femelle) ont été observés dans le Marais de Brouage entre le 30 mars et le 8 octobre (Ibidem).
Les pontes ont lieu principalement entre fin mai et la première quinzaine de juillet selon la température
avec un pic au mois de juin. Il est possible pour des femelles de déposer leurs œufs en deux fois
(Ibidem). Ainsi une même tortue peut être observée en train de pondre à deux reprises avec un mois
d’intervalle (Ibidem). La femelle est capable de parcourir de quelques mètres à 4 kilomètres pour
atteindre un site de ponte favorable. Elle dépose alors le plus souvent ses œufs au crépuscule. Les
cistudons éclosent au terme d’environ 90 jours d’incubation, autour de septembre. Ils peuvent alors
émerger directement ou passer la mauvaise saison au sein du nid, pour n’émerger qu’au printemps
suivant, en fonction des conditions météorologiques.
12. CR Suivi 2016 – Cistude – Avril 2017
12 Poitou-Charentes Nature
2.3.4. Prédation
Les pontes et les jeunes Cistudes peuvent être prédatées par les Renards Vulpes vulpes, les Sangliers
Sus scrofa, tous les Mustélidés, mais aussi par de nombreux oiseaux tels que les Corvidés (ROLLINAT,
1934 ; SERVAN, 1988).
Le taux de prédation des nids est variable et dépend intimement de la disponibilité de milieux favorables
à la ponte. De manière générale, la raréfaction des sites de ponte induit leur concentration sur de faibles
surfaces et un accroissement significatif de la prédation.
Une évaluation expérimentale du taux de prédation a eu lieu dans le marais de Saint-Sornin (Charente-
Maritime) par Guillaume BARON, René ROSOUX et Raymond DUGUY (2001) : des œufs de caille de Chine ont
été enfouis dans d’anciens nids de Cistudes répartis sur 4 sites de ponte. Cette expérience a mis en
évidence des taux de prédation variant de 33.3% à 100% suivant les sites, et sur une période de 10 à 20
jours (G. Baron, obs. pers.). Dans le massif des Maures (Var), des pièges photographiques ont montré
que les pontes de la Tortue d’Hermann faisaient l’objet d’une importante prédation de la part de la
Fouine Martes foina et, dans une moindre mesure, du Sanglier, du Blaireau Meles meles, du Renard, du
Hérisson Erinaceus europaeus, du Rat surmulot Rattus norvegicus et du Geai des chênes Garrulus
glandarius (MADEC, 1997, MADEC, CHEYLAN, com.pers.).
En Camargue, on soupçonne le Putois Mustela putorius d’avoir consommé plus de 400 nids de Cistudes
en 2000 (CHEYLAN, com.pers.).
2.3.5. Alimentation
La Cistude est essentiellement carnivore, même si elle consomme de plus en plus d’aliments d’origine
végétale en vieillissant. Elle se nourrit de poissons morts, d’insectes aquatiques, de crustacés et de
mollusques. Elle peut aussi consommer des larves et adultes d’Amphibiens, des poissons et alevins. Hors
de l’eau, la Cistude s’attaque volontiers aux hannetons tombés sur le sol, aux escargots, aux limaces, et
aux vers de terre sortis après une bonne pluie (ROLLINAT, 1934). Des cadavres de mammifères et oiseaux
peuvent venir agrémenter son menu.
2.4. Statut de conservation et protection légale
Le déclin de la Cistude est un constat général à l’échelle du continent européen (HONEGGER, 1978 ;
CORBETT, 1989 ; FRITZ, 1996 ; PODLOUCKY, 1997). La Cistude aurait disparu de Suisse, Belgique et des
Pays-Bas. L’Autriche, l’Allemagne, la Pologne et la Tchécoslovaquie ne possèdent plus que des
populations relictuelles (PODLOUCKY, 1997). De beaux noyaux de populations sont encore présents en
France, Hongrie, Italie, et Espagne.
Malgré cela, en France, la situation de la Cistude est relativement préoccupante. Sa disparition ne date
pas d’hier, en effet, on peut citer comme exemple la Vendée où elle aurait disparu à l’époque gallo-
romaine (HAFFNER, 1994). D’après SERVAN (1986), l’espèce a disparu des marais de Meschers au début
des années 60 et est en voie de raréfaction dans les marais de Saint-Georges-de-Didonne et de Royan
(Charente-Maritime).
A l’époque préhistorique, elle était présente dans la majeure partie du territoire, comme on peut le
constater dans certains sites archéologiques (PARENT, 1983 ; CHEYLAN, 1998).
Les menaces pesant sur l’espèce sont nombreuses : perte d’habitat, dégradation de la qualité des
habitats terrestres et aquatiques, fragmentation des populations, pratiques agricoles et piscicoles
défavorables, prédation et prélèvements d’individus, incendies, concurrence avec une espèce exotique :
la tortue à tempes rouges Trachemys scripta.
13. CR Suivi 2016 – Cistude – Avril 2017
Poitou-Charentes Nature 13
De ce fait, l’espèce est reprise à l’annexe II de la Convention de Berne en tant qu’espèce animale
strictement protégée et aux annexes II et IV de la Directive « Habitats-Faune-Flore ». De plus, en
application des articles L.211-1, L.211-2 et R211-1 du Code Rural, l’espèce est inscrite sur la liste des
Amphibiens et Reptiles protégés sur l’ensemble du territoire (JORF du 09/09/1993) au titre de l’Article 1.
Elle est également mentionnée sur la Liste Rouge nationale comme espèce « Quasi menacée », c’est-à-
dire bientôt menacée si des mesures de conservation ne sont pas mises en place.
Espèce Nom scientifique DH CB PN LRM LRE LRPC Dét PC
Cistude d’Europe Emys orbicularis II, IV II x NT NT NT x
Légende : DH : Directive Habitats Faune Flore (1992) : II : Annexe II listant les espèces animales et végétales d’intérêt
communautaire dont la conservation nécessite la désignation de zones spéciales de conservation ; IV : Annexe IV listant les
espèces animales et végétales d’intérêt communautaire qui nécessitent une protection stricte ; CB : Convention de Berne
(1979) : II : Annexe II listant les espèces qui doivent faire l'objet de dispositions législatives ou règlementaires appropriées,
en vue d'assurer leur conservation ; PN : Protection nationale au titre de l’arrêté du 9 septembre 1993 ; LRM : Liste rouge
mondiale UICN (2009) ; LRE : Liste rouge européenne (2009) ; LRPC : Liste rouge régionale du Poitou-Charentes (2017) :
NT : Quasi-Menacé ; Dét PC : espèces déterminantes en Poitou-Charentes.
14. CR Suivi 2016 – Cistude – Avril 2017
14 Poitou-Charentes Nature
3. Présentation du site d’étude
Les étangs de la Goujonne et de la Clinette se situent dans le sud de la Charente-Maritime, en Haute
Saintonge, respectivement à l’est des communes de Montguyon et de Neuvicq.
3.1. Etang de la Goujonne
D’une surface d’environ 5 000 m², l’étang de la Goujonne est connecté au site Natura 2000 FR5402010
« Vallées du Lary et du Palais » par le ruisseau de la Goujonne, affluent direct du Palais en eau toute
l’année (Figure 5). Les habitats autour de cet étang sont principalement composés de prairies sableuses,
de boisements (forêt acidiphile à Chêne tauzin et plantation de Pins maritimes) et, dans une moindre
mesure, de cultures et de vignes sur du petit parcellaire. L’étang est fréquenté occasionnellement par
des pêcheurs.
Figure 5 : Etang de la Goujonne photographié le 15 mai 2014
15. CR Suivi 2016 – Cistude – Avril 2017
Poitou-Charentes Nature 15
3.2. Etang de la Clinette
L’étang de la Clinette est situé sur une exploitation agricole et couvre une surface d’environ 11 000m².
L’activité de la ferme est basée sur la production d’ovins et sur l’exploitation forestière. Au sein de cette
exploitation, sont présents de nombreuses mares et étangs utilisés comme abreuvoirs. Comme l’étang de
la Goujonne, celui de la Clinette est connecté au Palais par le ruisseau de Châteauroux, qui s’assèche
partiellement en été (Figure 7). Il est entouré de prairies sableuses, de boisements de pins et de Chênes
tauzin et de boisements humides à Aulne glutineux. Cette mosaïque d’habitats est très favorable à la
présence de la Cistude d’Europe.
L’étang de la Clinette est encaissé entre des prairies. Les berges de l’étang sont en pentes douces, et
très peu végétalisées. En queue d’étang, située à l’ouest, des joncs poussent sous forme de
« touradons » et constituent des placettes de thermorégulation, des îlots de refuge, voire de nidification,
intéressants pour certaines espèces (une couvée de canard colvert en 2014). L’étang principal et ses
abords subissent de faibles pressions anthropiques liées à la pêche, au piétinement par les ovins et aux
passages d’engins agricoles à proximité.
Figure 6 : Etang de la Clinette photographié le 15 mai 2014
16. CR Suivi 2016 – Cistude – Avril 2017
16 Poitou-Charentes Nature
Figure 7 : Présentation du site d’étude
17. CR Suivi 2016 – Cistude – Avril 2017
Poitou-Charentes Nature 17
4. Matériel et méthode
4.1. Principe du suivi par radiopistage
Le radiopistage (ou suivi télémétrique) consiste à fixer sur un animal un émetteur muni d’une batterie qui
émet, sur une fréquence hertzienne déterminée, un signal pulsé sous forme d’ondes électromagnétiques
qui se propagent dans le milieu. Ce signal est alors capté par une antenne reliée à un récepteur, qui rend
le signal audible pour l’opérateur sous forme de signaux sonores. Le signal s’intensifie alors au fur et à
mesure que l’antenne se rapproche ou s’oriente vers le récepteur émettant sur la fréquence réglée sur le
récepteur.
Il permet l’étude des déplacements dans le but de :
- mesurer les domaines vitaux des individus (aire utilisée par un individu au cours d’une période
considérée),
- déterminer l’évolution saisonnière de l’utilisation de l’espace par les tortues,
- prévoir les mesures de conservation à mettre en œuvre.
4.1.1. Matériel
Les émetteurs utilisés pèsent 15 g. Ils émettent en continu et sont réglés sur une fréquence comprise
entre 150 et 151 MHz (fréquence adaptée à la propagation du signal à la fois dans l’air et dans l’eau).
L’émetteur est fixé sur la carapace, à l’avant de la dossière, avec de la colle Epoxy à prise rapide. La
batterie ayant une autonomie moyenne de 24 mois, il est nécessaire de changer l’émetteur de chaque
individu a minima tous les 2 ans. Lorsque cette échéance intervient sur une année où des sessions de
capture sont prévues, il convient de réaliser ce changement lors de la capture des tortues équipées. Dans
le cas contraire, ou pour les animaux ne fréquentant plus les étangs de la Goujonne et de La Clinette
(sur lesquels les futures sessions de capture sont prévues), il est nécessaire de rechercher les animaux
par radiopistage, de les localiser précisément et de les capturer manuellement pour changer leurs
émetteurs.
Le système de réception mobile utilisé est une antenne à trois brins associée à un récepteur de type
Wildlife Track. La localisation de chaque individu contacté est enregistrée à l’aide d’un GPS (Garmin
GPSmap 62). La cartographie est réalisée sous un logiciel SIG (Système d’Information Géographique).
4.1.2. Nombre d’individus équipés
Il était idéalement prévu de suivre un échantillon de 12 individus par étang (6 mâles et 6 femelles). Cet
objectif a été atteint sur l’étang de la Goujonne dès 2013. En revanche, sur l’étang de la Clinette, le
piégeage n’a pas permis d’atteindre l’échantillon voulu. En 2013, 6 individus (2 mâles et 4 femelles) ont
pu être capturés et équipés pour le suivi sur l’étang de la Clinette.
Plusieurs émetteurs se sont décollés entre le moment où les individus ont été rééquipés et le suivi réalisé
en 2016. Pour cette raison, le suivi télémétrique concerne en 2016 :
- 1 mâle capturé pour la première fois dans l’étang de la Clinette le 17 avril 2013 ;
- 3 femelles capturées pour la première fois dans l’étang de la Clinette les 23 mars, 22 mai et 13 juin
2013 ;
- 4 mâles capturés pour la première fois dans l’étang de la Goujonne les 5 et 17 avril, 29 mai et 3 juin
2013 ;
- 5 femelles capturées pour la première fois dans l’étang de la Goujonne les 8, 17, 19 avril et le 3 juin
2013.
18. CR Suivi 2016 – Cistude – Avril 2017
18 Poitou-Charentes Nature
4.1.3. Déroulement du suivi
Le suivi est réalisé à raison d’un passage par mois. A chaque session de télémétrie, l’ensemble des
individus est localisé précisément et leur position est relevée au GPS. Comme en 2015, nous n’avons pu
obtenir l’accès à l’étang de la Clinette. Aussi, nous ne disposons pas de données de localisation précise
pour les individus stationnés dans l’étang. Cependant, des contacts éloignés ont permis, par
triangulation, d’estimer que les individus concernés étaient restés dans l’étang ou dans un
environnement proche tout le reste de l’année 2016.
4.2. Analyse des résultats
4.2.1. Calcul des domaines vitaux en 2013 et 2014
L’ensemble des localisations d’un individu permet de calculer son domaine vital. Il s’agit de l’aire occupée
par l’animal pour ses activités normales. Pour calculer le domaine vital des Cistudes, nous avons utilisé la
méthode MCP (Minimum Convex Polygon). Elle consiste à connecter les points de localisations extrêmes
sur une période donnée pour dessiner un polygone, puis de calculer la surface de ce polygone. Les
inconvénients majeurs de cette méthode sont une surestimation de la taille des domaines vitaux et
d’englober une portion non négligeable d’habitats non réellement utilisés. Pour éviter ce biais, nous
n’avons utilisé que 95% des localisations pour obtenir un domaine vital plus réaliste. 5% des points les
plus éloignés du barycentre du domaine vital calculé sont alors exclus de ce calcul. Les domaines vitaux
annuels ont été calculés à l’aide du logiciel R (package « adehabitatHR »).
4.2.2. Calcul des domaines vitaux en 2016
Comme en 2015, nous disposons en 2016 d’un nombre de relevés nettement inférieur aux années
précédentes et le calcul des domaines vitaux mensuels et trimestriels sous R est impossible (il nécessite a
minima 5 points). Afin d’obtenir une estimation pertinente et comparable avec celle des années
précédentes, il a été choisi de considérer le triangle reliant les 3 localisations successives d’un individu
comme domaine vital trimestriel de ce dernier. Notons qu’en l’absence de relevés intermédiaires entre 2
sessions mensuelles, il est probable que les domaines vitaux aient été légèrement sous-évaluée (le
départ des femelles sur les sites de ponte n’est par exemple pas pris en compte dans le calcul de ce
domaine vital).
4.2.3. Autres analyses statistiques
Les domaines vitaux ont été comparés avec un test de Wilcoxon. Ce test est adapté aux comparaisons de
moyenne sur des petits échantillons ou sur des variables ne suivant pas une loi normale (comme c’est le
cas ici).
Ces analyses statistiques ont été effectuées avec le logiciel R.
19. CR Suivi 2016 – Cistude – Avril 2017
Poitou-Charentes Nature 19
5. Résultats - Discussions
5.1. Changement des émetteurs
13 individus équipés ont été recapturés en 2015 et leur émetteur a pu être changé. En revanche, 3
autres (1 mâle et 2 femelles) ayant stationné toute l’année dans des zones profondes de l’étang de la
Goujonne, dissimulés sous un important réseau racinaire, n’ont pu être recapturés en 2015, ni en 2016.
Les émétteurs de ces individus émettaient très faiblement lors des passages réalisés en fin d’année 2016,
période pendant laquelle les animaux hivernent généralement sous une couche de vase, diminuant la
perception du signal. Il est probable que ces émetteurs redeviennent actifs au printemps 2017, lorsque
les individus rentreront en activité. Il sera alors important de recapturer ces animaux pour les rééquiper
en priorité. Dans la mesure du possible, l’intégralité des émetteurs sera changée en 2017, à l’occasion
des sessions de Capture-Marquage-Recapture.
5.2. Territoire occupé par les individus des 2 populations en 2016
En 2016, comme en 2015, les individus suivis en télémétrie ont été contactés dans une gamme d’habitats
aquatiques variée (mares, étangs, anciennes carrières, ruisseaux) (Figure 10).
Les individus de la Goujonne occupent un domaine vital annuel moyen de 3,27 ha (6,92 ha pour les
mâles (N=4) / 0,35 ha pour les femelles (N=5)) et ceux de la Clinette de 3,53 ha (1,30 ha pour les mâles
(N=1) / 4,28 ha pour les femelles (N=3)). Ces derniers ne sont pas significativement différents (Test de
Wilcoxon : W=16,5, p=0,88).
5.3. Evolution annuelle des domaines vitaux
D’une manière générale, les individus suivis en télémétrie n’ont pas visité de nouveaux milieux
aquatiques par rapport aux années précédentes, à l’exception d’une mare prairiale située au sud du
bassin versant du Châteauroux (Figure 10 et Figure 11). Une femelle est arrivée sur cette mare entre le
20 mai et le 27 juin et y est restée cantonnée jusqu’au mois de décembre. La période d’arrivée
correspondant à la période de ponte, il est probable qu’elle ait creusé son nid au sein de la prairie de
fauche.
Les domaines vitaux moyens ne sont pas significativement différents entre 2015 et 2016 pour les
individus de la Goujonne (Test de Wilcoxon : W=65, p=0,46), comme pour ceux de la Clinette (Test de
Wilcoxon : W=9, p=0,89).
De la même manière, le domaine vital moyen des mâles de la Goujonne n’a pas évolué significativement
de 2015 à 2016 (Test de Wilcoxon : W=9, p=0,61), comme celui des femelles (Test de Wilcoxon :
W=20, p=0,41). Le constat est le même pour les femelles de la Clinette (Test de Wilcoxon : W=5, p=1).
Un seul mâle capturé sur la Clinette ayant été suivi en en 2015 et 2016, les données n’ont pas été
testées.
Les tests de significativité entre les domaines vitaux de 2013 et 2014 et ceux de 2014 et 2015, présentés
dans les rapports précédents, sont également négatifs chez les 2 sexes de chacun des étangs.
On peut donc estimer qu’il n’y a pas eu d’élargissement significatif du domaine vital annuel des individus
issus de la Goujonne et de la Clinette entre 2013 et 2016. En revanche, la lecture graphique de
l’évolution annuelle des domaines vitaux permet une analyse plus fine de l’évolution des domaines vitaux
(Figure 8 et Figure 9) :
20. CR Suivi 2016 – Cistude – Avril 2017
20 Poitou-Charentes Nature
Les mâles issus de la Goujonne ont, en moyenne, plus que doublé leur domaine vital moyen par
rapport à 2015 (Figure 8). Ce constat est à attribuer au comportement exploratoire du mâle
n°35 qui, au mois de mai, à longé la clôture de l’emprise de la LGV et s’est cantonné en sous-
bois. Lors du passage du mois de juin, ce dernier avait regagné l’étang de la Goujonne. Le mâle
n°33 a quant à lui exploré 3 étangs situés sur le bassin versant des Quatre Puits. Si l’un d’eux
avait déjà été exploré en 2015, les 2 autres, situés au nord du premier, semblent faire
nouvellement partie du domaine vital de cet indivdu. Il n’est pas exclu qu’à terme, ce mâle
bascule sur le bassin versant de la Clinette, assurant un potentiel brassage génétique avec les
individus qui le fréquentent déjà depuis 2013.
En 2016, les femelles issues de l’étang de la Goujonne ont un domaine vital très faible. Elles ont
invariablement été contactées sur l’étang. Ceci pourrait traduire une certaine disponibilité et
proximité des sites de ponte autour de l’étang de la Goujonne. Les femelles n’ont alors pas à
entreprendre de grands déplacements pour se rendre sur les sites de ponte. Si, au contraire,
elles ne trouvent pas de terrains favorables à prioximité de l’étang, leurs déplacements se sont
concentrés sur moins d’un mois, période après laquelle elles auraient toutes rejoint l’étang de la
Goujonne. Le rapprochement des sessions de télémétrie (tous les 2 jours) en 2017 permettra de
confirmer cette hypothèse. Quelque soit le cas de figure, le fait que les femelles soient très
sédentaires, à l’inverse des mâles qui lors de leurs déplacements exploratoires assument un rôle
de dispersion génétique, indique que les conditions écologiques de l’étang de la Goujonne sont
favorables au maintien d’une population.
Concernant les individus issus de l’étang de la Clinette, leur faible représentativité et les
problèmes de précision liés aux conditions d’accès à la propriété ne permettent pas de tirer de
conclusions objectives. Bien que les tests ne soient pas significatifs, on note cependant une
mobilité des femelles nettement supérieure à celles issues de l’étang de la Goujonne. En
moyenne, les domaines vitaux des 3 femelles suivies sont plus de 3 fois supérieurs à celui du
mâle issu du même étang (Figure 9).
Figure 8 : Evolution annuelle des domaines vitaux des individus issus de l’étang de la Goujonne
Figure 9 : Evolution annuelle des domaines vitaux des individus issus de l’étang de la Clinette
21. CR Suivi 2016 – Cistude – Avril 2017
Poitou-Charentes Nature 21
Figure 10 : Domaines vitaux annuels 2016 Figure 11 : Evolution annuelle du territoire occupé par les individus des 2 étangs
22. CR Suivi 2016 – Cistude – Avril 2017
22 Poitou-Charentes Nature
5.4. Influence du sexe sur les déplacements
5.4.1. Etang de la Goujonne
Alors que le domaine vital des femelles reste peu élevé et quasi constant entre 2013 et 2016 (une
comparaison plus pertinente pourra être réalisée entre 2013/2014 et 2017, à partir d’une fréquence de
relevés télémétriques plus importante qu’en 2015 et 2016), celui des mâles s’est considérablement élargi
en 2014 (Figure 8). Cette même année, 4 des 6 mâles capturés sur l’étang semblent avoir définitivement
migré vers d’autres milieux aquatiques et 2 d’entre eux ont basculé sur le bassin versant des Quatre
Puits, avant que leur émetteur ne finisse par se décoller. En 2016, un nouveau mâle évolue désormais
dans les étangs à l’amont des Quatre Puis. Aucun des mâles ayant émigré de la Goujonne n’a
refréquenté l’étang en 2016. Les femelles, en revanche, restent invariablement cantonnées à l’étang de
la Goujonne. A la fin 2016, 5 des 6 femelles capturées au printemps 2013 (la femelle n°1 ayant perdu
son émetteur) se trouvent toujours sur l’étang de la Goujonne et aucune d’entre elles n’a réalisé de
déplacement supérieur à 500 m en 4 ans. En 2014 (Test de Wilcoxon : W=35, p=0,01), comme en 2015
(Test de Wilcoxon : W=32, p=0,03), le domaine vital des mâles est significativement supérieur à celui
des femelles. Il n’y a en revanche pas de différences significatives en 2016 (Test de Wilcoxon : W=17,
p=0,11), même si la dispersion plus importante des mâles semble évidente.
Ce constat de mobilité plus ou moins importante en fonction du sexe des animaux est peu étonnant et
confirme la théorie de Duguy et Baron (1998), selon laquelle les mâles, en se dispersant à long terme,
assurent le brassage des gènes dans la population, alors que les femelles restent sédentaires et réalisent
l’essentiel de leur déplacement durant la période de ponte.
A l’occasion des prochaines sessions de CMR, l’évaluation du sex-ratio permettra de vérifier que
l’émigration des mâles de la Goujonne est compensée par l’immigration d’autres individus venus des
milieux aquatiques environnants.
5.4.2. Etang de la Clinette
Le schéma semble différent sur l’étang de la Clinette, même si l’échantillon d’individus suivis est sans
doute moins représentatif que celui de la Goujonne. Les femelles capturées sur cet étang parcourent un
domaine vital annuel moyen supérieur ou égal à celui des mâles depuis 2013 (Figure 9) et certaines
d’entre elles se sont éloignées à plus d’1 kilomètre de leur milieu aquatique « d’origine ». Cette mobilité
des femelles, couplée aux estimations d’effectifs réalisées en 2013 et 2014 (nettement inférieures à celle
de 2006) laisse penser que le potentiel d'accueil de l'étang de la Clinette a régressé depuis l’étude
réalisée en 2006. Il sera donc d’autant plus important de renégocier l’accès à l’étang pour y vérifier la
présence pressentie des individus équipés d’émetteurs et remettre en œuvre des opérations de capture-
marquage-recapture. Par ailleurs, la capture sur de nouveaux étangs situés sur le bassin versant du
Châteauroux, à proximité de l’étang de la Clinette, et l’équipement de 5 nouveaux mâles et 3 femelles
(afin de suivre un échantillon de 12 individus issus du bassin versant du Châteauroux) permettront
d’estimer les effectifs qui fréquentent le secteur et de connaître plus finement l’utilisation de l’espace par
les individus.
23. CR Suivi 2016 – Cistude – Avril 2017
Poitou-Charentes Nature 23
5.5. Evolution saisonnière des domaines vitaux
5.5.1. Etang de la Goujonne
En 2016, l’essentiel des déplacements des mâles a eu lieu au printemps (Figure 12). Entre juillet et
septembre, la plupart des individus semble avoir estivé, si bien qu’au moins 2 des 3 localisations
trimestrielles ont été réalisées au même endroit (le calcul surfacique devient alors impossible, bien que
certains animaux aient pu se déplacer au cours d’une période séparant 2 sessions télémétriques).
Le domaine vital des mâles est significativement supérieur à celui des femelles au printemps (Test de
Wilcoxon : W=19, p=0,04), alors qu’on ne note pas de différence significative en été (Test de Wilcoxon :
W=4, p=0,16) (Figure 12).
Figure 12 : Evolution trimestrielle des domaines vitaux des individus de la Goujonne en 2016
5.5.2. Etang de la Clinette
Si l’essentiel des déplacements est également réalisé au printemps, les femelles ont des domaines vitaux
moyens apparents plus élevés que celui du seul mâle suivi en télémétrie (Figure 13). En réalité, cette
différence est à imputer aux déplacements de la femelle n°35, qui a visité au printemps 3 milieux
aquatiques différents en parcourant de 700 à 1 200 mètres entre 2 positions consécutives (Figure 14).
Les 2 autres femelles suivies en 2016 ont fréquenté l’étang de la Clinette une grande partie de l’année, si
bien que l’étude de leurs déplacements reste imprécise. Elles ne semblent cependant pas avoir réalisé de
déplacements importants. Seule la femelle n°1 semble avoir migré à 2 reprises (de mai à juin et
d’octobre à novembre) de l’étang de la Clinette à la mare forestière située à 400 mètres au nord-ouest,
dans laquelle elle semble avoir hiberné.
Figure 13 : Evolution trimestrielle des domaines vitaux des individus de la Clinette en 2016
24. CR Suivi 2016 – Cistude – Avril 2017
24 Poitou-Charentes Nature
Figure 14 : Contacts télémétriques annuels d’une femelle de la Clinette
25. CR Suivi 2016 – Cistude – Avril 2017
Poitou-Charentes Nature 25
5.6. Etude de la transparence de la ligne
Depuis le début de la phase de travaux, 2 mâles ont traversé l’emprise de la LGV SEA en 2013 :
- le premier, capturé sur l’étang de la Clinette le 16 avril 2013, a été contacté un mois après (15
mai) dans une mare prairiale, située en aval du Châteauroux, de l’autre côté de la trace, au sein
de laquelle il a stationné jusqu’à l’automne suivant. Malheureusement, cet individu a perdu son
émetteur avant l’hiver 2013. Ses déplacements n’ont pu être suivis depuis cette période.
- le second a quitté l’étang de la Goujonne entre le 4 et le 11 juillet 2013, date à laquelle il a été
contacté en aval du ruisseau à une centaine de mètres de l’étang. Cet individu a regagné l’étang
le 7 août suivant.
Il apparaît alors que les animaux fréquentent préférentiellement les têtes de bassin et que les étangs de
la Goujonne et de la Clinette constituent leur limite de déplacement vers l’aval. A ce titre, les 3 mâles
ayant changé de bassin versant en 2014 et 2015 l’ont fait par la voie terrestre, en occupant des mares
relais sur une courte période avant de continuer leur migration depuis le bassin de la Goujonne vers celui
des Quatre Puits. S’il eut été logique de s’attendre à ce que certains individus communiquent d’un bassin
à un autre par le biais des écoulements, l’utilisation du lit majeur du Palais (au sein duquel il existe de
nombreuses mares et dépressions prairiales a priori favorables) n’a ainsi jamais été mise en évidence par
la télémétrie.
Ce constat pourrait remettre naïvement en cause la transparence de la ligne, puisque la quasi-totalité
des contacts télémétriques se trouvent à l’ouest de cette dernière. Cependant, le franchissement du
viaduc de la Goujonne, au sein même de l’emprise, est fréquent et traduit sa perméabilité pour les
animaux. Il convient donc de considérer d’autres facteurs paysagers qui pourraient expliquer la
répartition des individus capturés sur les 2 étangs :
- la trame paysagère, particulièrement favorable à la Cistude d’Europe (limitation des zones
artificialisées, disponibilité des milieux aquatiques bénéficiant d’une certaine quiétude, prairies
calcifuges favorables à la ponte) en amont des étangs de la Goujonne et de la Clinette, est un
facteur pouvant influencer la concentration des populations ;
- à l’inverse, l’aval des ruisseaux affluents du Palais (dont la Goujonne, les Quatre Puits et le
Châteauroux) est marqué par une artificialisation plus importante avec la présence de bâti et le
passage de la D158-E1, reliant Montguyon à Brossac.
Sur l’étang de la Clinette, le faible échantillonnage et le problème d’accès à l’étang complique les
analyses. Cependant, d’autres facteurs peuvent influencer la répartition des individus en amont de
l’étang :
- l’aménagement d’une grille à barreaux rapprochés au niveau de l’exutoire de l’étang peut
représenter un frein pour le déplacement des individus vers l’aval ;
- l’endiguement, l’absence de ripisylve et la profondeur importante de l’étang rendent sa partie est
peu favorable à la Cistude d’Europe, en témoigne sa faible fréquentation. A titre de comparaison,
l’intégralité des berges de l’étang de la Goujonne est fréquentée durant la période d’activité,
alors que seule la queue d’étang de la Clinette est occupée de manière significative ;
- le choix d’une voûte comme ouvrage de franchissement sur le Châteauroux représente sans
doute un frein plus important qu’un viaduc pour l’espèce. Il conviendra alors de retravailler le
protocole de CMR pour équiper un échantillon plus représentatif et susceptible de répondre à
cette problématique. A ce titre, les propriétaires de 11 mares et étangs favorables
complémentaires, situés sur les bassins versants du Châteauroux et des Quatre Puits, ont été
contactés et ont donné leur accord pour que des captures soient réalisées sur leur propriété en
2017 (Figure 15). La CMR sur ces milieux permettra d’appréhender la répartition des effectifs sur
le secteur et d’équiper des animaux en amont et en aval de l’emprise LGV.
26. CR Suivi 2016 – Cistude – Avril 2017
26 Poitou-Charentes Nature
Figure 15 : Mares et étangs complémentaires intégrés à l’échantillonnage en 2017
27. CR Suivi 2016 – Cistude – Avril 2017
Poitou-Charentes Nature 27
6. Conclusions - Perspectives
En 2016, les animaux continuent de fréquenter les milieux occupés en 2015. A l’exception de la mare
prairiale de M. Vrignaud, aucun nouveau milieu aquatique ne semble avoir été colonisé par les
individus suivis par télémétrie.
Les cistudes issues de l’étang de la Goujonne ne semblent pas accuser de modification anormale de
leur comportement : alors que les mâles migrent logiquement vers de nouveaux milieux, assurant
ainsi un brassage génétique au sein de la population, les femelles restent cantonnées au sein de
l’étang, ne réalisant que peu de déplacements depuis 2013. Il sera toutefois intéressant de confirmer
que le départ des mâles est compensé par l’arrivée de nouveaux individus lors des sessions de
capture-marquage-recapture réalisées en 2017.
Sur la Clinette, il est aujourd’hui nécessaire d’adapter nos techniques d’étude pour palier l’absence de
d’accord avec le propriétaire de l’étang pour l’accès au site. En 2017, il sera intéressant d’étendre la
capture sur de nouveaux milieux aquatiques, situés sur le bassin versant du Châteauroux, de part et
d’autre de l’emprise de la LGV SEA. Cette démarche permettra d’équiper un nombre plus important
d’individus et d’étudier plus finement la transparence de l’ouvrage de franchissement. Le recul de 4
années de télémétrie et de prospection des milieux aux alentours permet aujourd’hui de cibler les
milieux potentiels ou connus pour héberger l’espèce dans un périmètre restreint autour de l’étang.
Par ailleurs, la pose d’émetteurs sur des individus capturés de part et d’autre de la ligne n’a encore
jamais été réalisée. Celle-ci permettra sans doute de répondre plus précisément à la problématique de
transparence de la LGV. Enfin, le suivi d’individus capturés sur le bassin versant des Quatre Puits
permettra de vérifier si des échanges existent entre ce dernier et celui de la Clinette. Des mâles issus
de l’étang de la Goujonne ayant migré sur le bassin des Quatre Puits, des échanges entre Clinette et
Quatre Puits constitueraient une preuve d’échange entre les noyaux de population de la Goujonne et
de la Clinette.
En 2016, aucun individu n’a franchi l’emprise de la LGV SEA. Notons le longement de l’emprise vers le
sud par un mâle qui a pu être stoppé par le franchissement du premier cours d’eau situé au sud de la
Goujonne. Il est cependant difficile d’être affirmatif à partir de relevés télémétriques mensuels.
Seulement 2 individus ont été contactés à l’est de la trace en 2013. La poursuite du suivi télémétrique
et l’équipement d’individus supplémentaires à l’est de l’emprise, notamment sur le bassin versant du
Châteauroux, permettra de vérifier si cette rupture de connectivité est attribuable à l’implantation de
la ligne ou à la seule trame paysagère en tant que telle.
A terme, il sera intéressant de réfléchir à la possibilité de travailler sur la génétique des populations
pour vérifier l’existence d’un patrimoine commun à des échelles plus ou moins grandes (entre les
sous-bassins versants du Châteauroux, des Quatre Puits et de la Goujonne ; de part et d’autre du
Palais ; de part et d’autre de la LGV SEA ...). Cette démarche permettrra de vérifier si des connexions
existent entre les différentes entités géographiques considérées avant la construction de la ligne (la
maturité sexuelle des Cistudes intervenant autour d’une dizaine d’années, un échantillonnage
postérieur au début des travaux constituera un état initial satisfaisant). La reconduction du protocole
après plusieurs générations permettra alors de vérifier la connectivité entre les différentes entités
géographiques considérées lors de l’élaboration du protocole. Le recul télémétrique constituera alors
un recul très intéressant pour orienter les échantillonnages sur les secteurs entre lesquels la
connectivité pose question.
28. CR Suivi 2016 – Cistude – Avril 2017
28 Poitou-Charentes Nature
La mise en service de la ligne étant prévue pour 2017, elle correspondra à la remise en place du
protocole de capture-marquage-recapture. Ce travail constituera une étape intermédiaire importante
pour estimer les effectifs sur les étangs de la Goujonne et sur le bassin versant du Châteauroux. Par
ailleurs, le printemps 2017 coïncidera avec la fin de vie des émetteurs posés au début de l’année
2015. Le piégeage devrait permettre de rééquiper une forte proportion des 16 individus suivis en
télémétrie, et cela relativement facilement.
29. CR Suivi 2016 – Cistude – Avril 2017
Poitou-Charentes Nature 29
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