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MASTER 2 RESSOURCES HUMAINES
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
LA COMPETENCE AU CŒUR DU
CHANGEMENT ORGANISATIONNEL
Mémoire soutenu par Omar MOUSSAOUI
Sous la Direction de Monsieur Frédéric MARTEL
Promotion 2009 / 2010
La compétence au cœur du changement organisationnel
2
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier vivement l’ensemble de la Direction et du corps enseignant du
Master 2 Ressources Humaines qui m’ont accompagné pendant cette formation et qui
m’ont permis d’acquérir des connaissances et des pratiques nécessaires qui, assurément,
ne manqueront pas d’éclairer mon parcours professionnel et me permettre de mener à bien
l’ensemble de mes futures missions.
Mes remerciements vont également à l’ensemble de la Direction Ressources Humaines de
BNP Paribas Assurance et plus particulièrement Madame Nadège COTTE et Monsieur
Christophe LOUP. L’apprentissage que j’ai effectué, à leur coté, a réellement été source de
professionnalisation et de montée en compétences. Cette expérience, ainsi que les
personnes rencontrées resteront une grande source de satisfaction.
Dans le cadre de ce mémoire, je tiens aussi à remercier Monsieur Fréderic MARTEL d’avoir
accepté d’être le directeur de ce mémoire et de m’avoir apporté conseils et connaissances
pour sa réalisation.
Je témoigne toute ma gratitude à l’ensemble des personnes interrogées qui figurent dans
ce mémoire et qui ont accepté de me consacrer le temps nécessaire pour apporter leurs
expériences professionnelles à ma réflexion théorique.
Enfin, j’adresse une attention particulière à toutes les personnes qui ont interagi de
près ou de loin à ce devoir.
La compétence au cœur du changement organisationnel
3
SOMMAIRE
INTRODUCTION ………………………………………………………………………….…….………8
PREMIERE PARTIE : DE LA NECESSITE DE CHANGER 11
I. LE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL ………………………………………….……12
A. Le concept de changement ……………………………………………………….………..….12
1. Nature du changement ..……………………………………………………….…….…...…13
a) le changement
b) le changement organisationnel
2. Perceptions du changement ……………………………………………………........………15
a) les conceptions du changement
b) les degrés du changement
B. Le changement organisationnel dans la théorie des organisations ……….....………….…18
1. l’école classique : organiser pour produire plus efficacement ……………………….….….18
a) la division technique du travail ou l’apport de la science
b) la division administrative du travail ou la naissance du management
c) une rationalisation de l’organisation ou la bureaucratie wébérienne
2. l’école des relations humaines ; motiver l’individu ………………………..………………20
a) Elton MAYO
b) Chris ARGYRIS
3. l’école de la contingence ; adapter la structure …………………………………..………21
4. l’école sociologique ; mobiliser et faire participer ……………………………...…….……23
II. DE LA NECESSITE A LA DIFFICULTE DE CHANGER ……….……………….…………25
A. Motivations du changement ………………………………….…………………...……..……25
1. Les raisons du changement pour les individus ………………………………...…………26
a) la nécessité
b) l’utilité
c) l’intérêt
2. Les raisons du changement pour les entreprises ……………….…………………………28
a) facteurs externes
- rupture technologique
- contraintes réglementaires
- environnement
La compétence au cœur du changement organisationnel
4
b) facteurs internes ……………………………………………………....…………………..31
- rupture stratégique
- culture d’entreprise
- accroissement des connaissances
- configuration de l’entreprise
B. Le changement, une opération complexe …………….……………………………...…….…36
1. La résistance au changement …………………………………………………………….…36
a) un recours plus qu’un refus
b) les causes de la résistance
- l’individu face au changement
- le collectif
- les variables culturelles
- le pouvoir
- la conduite du changement
- l’organisation
2. Le cycle du changement ………………………………………………………………….…42
a) les 3 phases de changement selon LEWIN
b) les 5 phases de changement selon CARTON
DEUXIEME PARTIE : LA FONCTION RH, OBJET ET ACTEUR DU CHANGEMENT 47
I. DEVELOPPER LA FONCTION POUR ACCOMPAGNER L’ORGANISATION 48
A. Un changement de fonction : l’individu au cœur du processus …………………….…..…49
1. La fonction RH dans l’entreprise …………………………………………………….…...…49
a) définitions
b) le lien entre organisation et GRH
2. la prise en compte du facteur humain ……………………………………………….…..…53
a) les prémices de la fonction
b) vers une dimension humaine
c) vers une dimension sociale
d) vers une dimension internationale
e) une dimension complexe
B. Un changement de rôle : la stratégie au coeur du processus …………….….…………...…59
1. facteurs d’évolution de la fonction RH ……………………………………….………….…59
a) environnement économique
b) le marché de l’emploi
c) le développement technologique
2. Devenir un partenaire stratégique …………………………………………….………….…61
a) la stratégie d’entreprise
b) la contribution des RH à la stratégie
- intégrer la dimension stratégique
- intégrer la dimension client
La compétence au cœur du changement organisationnel
5
II. LA COMPETENCE AU CŒUR DE LA FONCTION RH …………………………….……67
A. Théorie de la compétence ……..….……………………………………………..…….…….…67
1. La compétence, un concept complexe …………………………………….……….…….…68
a) tentative de définitions
b) une compétence, plusieurs savoirs
2. Caractéristiques de la compétence ……………………………………………………….…71
a) une création organisationnelle
b) le poids de l’environnement
c) un produit de l’individu
d) dimension sociale de la compétence
B. La compétence, un avantage concurrentiel …………………. ………………..…………….…76
1. Compétence et stratégie ……………………………………………………………….……76
a) un enjeu stratégique
b) un élément déterminant de la stratégie
2. La compétence, outil de la performance..…………………………………….……….……79
a) la reconnaissance de la compétence comme facteur de performance
b) compétence et performance, une relation dynamique
3. La compétence, facilitateur du changement …………………………………………….…82
a) la compétence, un capital vivant
b) De la qualification à la compétence ; le salarié acteur du changement
c) la gestion des aléas et des incertitudes par la compétence
TROISIEME PARTIE : LA COMPETENCE, LEVIER DU CHANGEMENT 88
I. LA GESTION DES COMPETENCES:
Quand les compétences s’adaptent à l’organisation …………………………..……………….90
A. La GPEC, nouvel outil de gestion …………………………….………………………….90
1) Principe ……………………………………………………………………………….91
2) essor de la GPEC ………………………………………………………..……………92
3) cadre juridique …………………………………………..……………………………93
B. La conduite du changement grâce à la GPEC ……………………..…………………….95
1) anticiper les évolutions de l’organisation ………………….………………………95
2) adapter les emplois et les compétences ……………………………………………98
3) favoriser l’employabilité des salariés …….. ……………………………………..100
La compétence au cœur du changement organisationnel
6
II. L’ORGANISATION APPRENANTE :
Quand l’organisation découle des compétences ……………………………….…….………103
A. Une nécessité pour les entreprises en mouvement ……………………………..….…….104
1) De l’organisation apprenante à l’organisation qualifiante ………………………..…..105
2) Un changement continu plutôt que ponctuel ;
l’apprentissage en double boucle d’Argyris et Schon ……………………………………...……107
B. Apports de l’organisation apprenante ………………………………………………………110
1) Apprentissage organisationnel ………………………………………….………………111
2) Apprentissage, qualité et changement ……………………………………………….…113
CONCLUSION .………………………………………………………………..…………………117
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ………………………………………
ANNEXES …………………………………………………………………………
La compétence au cœur du changement organisationnel
7
AVANT PROPOS
La réalisation de ce mémoire a nécessité un travail préparatoire de recherche qui nous a
permis de porter une première réflexion sur le sujet. Cependant, la problématique de ce
mémoire étant étroitement liée à la vie des organisations, une dimension plus concrète était
requise. Nous avons donc approché des professionnels ayant été amené à connaître la
question pour, à la fois, prendre connaissance de leur réflexion mais aussi bénéficier de leur
expérience terrain (CF ANNEXE X)
La problématique du changement pouvant être traitée sous plusieurs aspects, il nous
paraissait pertinent de concevoir deux questionnaires;
- L’un à destination des personnes ayant à conduire le changement
- Le second à destination des personnes ayant à le « connaître »
De plus, la réalisation de ces questionnaires a été structurée en deux parties ;
- Une sur la démarche compétences au sein des entreprises
- Une sur le phénomène de changement dans les entreprises
Il est à signaler que les questionnaires composés de questions ouvertes ou semi- directives
n’avaient pour vocation qu’à servir de trame pour les entretiens. En effet, nous avons pris le
parti de privilégier la méthode de l’entretien pour deux raisons principales ;
- laisser s’exprimer librement les personnes rencontrées
- offrir à notre premier travail théorique une nuance professionnelle et ouvrir d’autres pistes
de réflexion
En outre, conformément aux exigences requises, certaines informations récoltées lors de ces
entretiens pouvant parfois comporter un caractère sensible, nous assurons aux intéressés avoir
respecté notre devoir de confidentialité. C’est la raison pour laquelle les résultats de certains
entretiens seront retranscrits dans ce mémoire sous couvert d’anonymat.
Enfin, ces entretiens nous ont amené à rencontrer des professionnels des ressources
humaines comme des opérationnels qui ont eu la bienveillance de vouloir partager leur
expérience et leur sentiment sur de nombreuses questions qui rythment notre quotidien. Une
nouvelle fois, nous les remercions sincèrement pour la contribution qu’ils ont apportée à notre
travail de recherche.
La compétence au cœur du changement organisationnel
8
INTRODUCTION
La fin du XX siècle a vu le poids des structures économiques s’accentuer par rapport à
celui des états. D’après un rapport des Nations Unies en 2000, prés d’un tiers des entités
économiques les plus riches étaient des firmes transnationales et non des pays. Dans nos
sociétés, l’influence des entreprises grandit donc chaque jour. L’analogie avec une société
politique paraît parfois troublante ; organisation hiérarchisée, pouvoir de décision centralisé,
normes, sanctions, valeurs. Depuis quelques années, on constate même une similitude de
problématiques entre celles des entreprises et des gouvernements ; responsabilité sociale,
éthique, citoyenneté, égalité, diversité, handicap, gestion de la parentalité, santé etc. Si l’individu
est fortement lié au monde de l’entreprise, il en est de même pour les états. En effet, les
contributions professionnelles aux budgets des états leur confèrent un rôle de premier plan si
bien que parfois, du politique ou de l’économique, on ne saurait dire vers qui penche le rapport de
force. Preuve en est ; l’influence politique et législative exercée par certaines multinationales est
entrée dans le langage commun sous le terme de « lobby ». Pis, cette activité est, comme aux
Etats-Unis, institutionnalisée voire enseignée. Malheureusement, cette légalisation n’empêche
pas les dérives qui résultent des accointances entre les intérêts financiers et le pouvoir. Le
scandale de l’amiante en France ou plus récemment l’affaire Abramoff à Washington en sont de
tristes illustrations.
Si de telles extrémités peuvent être parfois atteintes c’est aussi, qu’à l’heure actuelle, les
entreprises sont soumises à des contraintes de plus en plus fortes pouvant mettre à mal leurs
intérêts économiques mais surtout la pérennité des emplois.
Notre époque est marquée par d’importantes mutations socio-économiques qui affectent les
individus comme les entreprises. De toute part, l’environnement s’est modifié. En terme politique
d’abord ; les guerres mondiales ne sont pour la plupart que des faits d’Histoire, la démocratie ne
cesse de se développer, le capitalisme a eu raison du communisme et les frontières se font plus
transparentes. Ces facteurs sont à l’origine d’un des mouvements les plus importants de
l’humanité ; la mondialisation. Désormais, les nations partagent des liens d’interdépendance sur
les plans politique, sociologique, culturel et économique. Le terme a d’ailleurs une connotation
fortement économique dans la mesure où il est souvent utilisé pour désigner les échanges de
biens et de services, de main d’œuvre mais aussi de connaissances. Dans le cadre de cette
La compétence au cœur du changement organisationnel
9
économie globalisée, le monde du travail et les entreprises doivent faire face à un environnement
concurrentiel qui les oblige certes, à être rentable, mais encore plus, compétitifs. De plus, cette
recherche de performance s’effectue sous la contrainte de nouvelles exigences qui accélère le
rythme des décisions à prendre ; financiarisation des entreprises, prise de pouvoir des
actionnaires, volatilités des marchés, exigence des clients, technologies aussitôt obsolètes… La
réactivité n’est plus un avantage mais une nécessité. Déjà, en 1984 Hannan et Freeman
affirmaient que : « si l’entreprise ne s’adapte pas alors le marché l’élimine et la remplace par une
autre organisation mieux appropriée »1
.
Ainsi, et encore plus aujourd’hui, les organisations sont appelés à adapter leur produit, leur
structure, leur management et leur mode de travail pour répondre aux exigences actuelles. Qu’il
s’agisse de mettre en place un nouvel outil informatique, de fusionner avec un concurrent, de
changer de stratégie ou de modifier son fonctionnement, l’expérience montre que les entreprises
les plus avantagées sont celles qui ont su se renouveler. Or, pour que les organisations
changent, il faut aussi et surtout que les gens qui la composent changent aussi. En effet, sans le
concours du facteur humain, à la base de tout, ces défis ne peuvent être relevés.
Par conséquent, il est un phénomène incontournable de la gestion des ressources humaines qui
prend chaque jour plus d’importance et qui devient pour les entreprises à la recherche de
compétitivité la rançon de leur succès ou de leur survie ; la gestion du changement.
Dans les organisations, le changement est souvent attribué à des déterminants extérieurs. On
cite souvent la technologie, la concurrence, le marché. Le collaborateur sur son poste de travail
ne recevrait que cette contrainte de manière passive et n’aurait pas d’influence. Or, la vie
quotidienne des entreprises ne cesse de montrer qu’il est en fait l’acteur principal des
changements. Si, foncièrement, son approbation n’est pas recueillie ou que des réserves à
l’égard du projet subsistent, celui-ci est en mesure de bloquer de multiples façons les
mouvements décidés en haut lieu. C’est de la conviction que l’individu est un acteur actif et
central dans les entreprises que se trouve la source de ce mémoire. Désormais, l’entreprise n’a
plus intérêt à considérer ses ressources humaines comme des objets de domination ni comme
des facteurs de production à rationaliser. Le salarié doit être envisagé comme un partenaire de
l’entreprise qui l’aide à atteindre ses objectifs. Il y a donc clairement une opposition entre les deux
visions. D’un coté, celle des contraintes écrasant toute indépendance et celle d’une autonomie
qui existe malgré ces contraintes.
1
HANNAN Michael et FREEMAN John, Structural inertia and organizational change, American sociological review,
1984.
La compétence au cœur du changement organisationnel
10
Il parait dès lors intéressant de savoir dans quelle mesure les deux parties peuvent trouver des
intérêts communs pour vivre et conduire ensemble les changements.
Dans le cadre de notre étude, nous développerons l’idée que l’une des solutions à cette
problématique se trouve dans la compétence. Nous démontrerons que son développement
permet à l’entreprise de disposer et de piloter des ressources capables d’évoluer dans
l’environnement qu’elle aura à traverser. Dans le même temps, la démarche compétence permet
à l’entreprise de répondre aux attentes des salariés en termes de gestion de carrières, de
formation et de rémunération. Grâce à la compétence, la place que prend l’individu dans son
travail s’éloigne des considérations tayloristes. Il est plus facilement valorisé et reconnu pour son
action. Dans un contexte économique difficile, la compétence, bien plus qu’un concept générique
et actuel, constitue un outil opérationnel nécessaire et utile au management des entreprises.
En outre, l’objet de ce devoir est également de soutenir que le challenge de conduire les
changements doit devenir l’une des missions principales de la fonction ressources humaines si
elle veut asseoir son rôle stratégique dans l’entreprise.
Dans un premier temps, nous nous intéresserons à la problématique du changement dans les
organisations en nous demandant quelles sont les forces qui poussent les entreprises à évoluer
et pourquoi l’action de changement n’est pas toujours couronnée de succès (I).
Cette étude nous amènera ensuite à comprendre comment la fonction ressources humaines a du
se transformer pour être l’acteur qui, dans les entreprises, peut conduire ces changements. Pour
poursuivre ce but, elle doit se reposer sur « l’objet » de son activité ; l’individu. Celui-ci possède
en lui-même les vertus capables d’accompagner efficacement toutes les évolutions nécessaires à
la pérennité de l’entreprise. Il est donc naturel que les entreprises se tournent vers la gestion des
compétences comme la nouvelle source d’avantage concurrentiel et l’ultime déterminant du
succès organisationnel (II).
Enfin, nous proposerons, en nous appuyant sur le modèle de la compétence et de
l’apprentissage, les outils qui peuvent permettre la facilitation du changement (III).
La compétence au cœur du changement organisationnel
11
PREMIERE PARTIE
DE LA NECESSITE DE CHANGER
Aujourd’hui, le monde des organisations se trouve confronté à un environnement en
mutation constante où règnent la concurrence et la recherche de profits rapidement acquis.
L’enchaînement des tâches répétitives et fortement spécialisées à laissé peu à peu la place au
travail en équipe et au management par projet. Dans ce contexte, la polyvalence et la flexibilité
deviennent des qualités essentielles voire nécessaires. En effet, les collaborateurs sont sollicités
pour mettre en place des changements de toute nature à un rythme soutenu et dans des délais
de plus en plus courts.
Ainsi, nous nous attacherons en premier lieu à comprendre ce que recouvre la notion de
changement et plus particulièrement celle de changement organisationnel. Nous verrons qu’au
travers de l’histoire économique, cette notion n’a cessé d’évoluer et continue de nos jours.
Pour réussir les changements, il ne suffit pas de les faire figurer dans les objectifs managériaux
ou de les imposer par la contrainte. Il faut savoir préparer le terrain et avoir les notions
nécessaires en matière de changement pour garantir la bonne mise en œuvre des projets car les
échecs sont courants et les conséquences durables. La résistance au changement fera donc
l’objet d’une seconde partie en tentant de comprendre en quoi sa portée peut elle être un facteur
prépondérant d’échec à un projet de changement organisationnel.
La compétence au cœur du changement organisationnel
12
I. LE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL
Les contraintes économiques, la modernisation, la recherche d’efficience des ressources,
la résolution de dysfonctionnements internes entraînent des actions de changement. Le
changement constitue dans l’univers des organisations un thème majeur autant que difficile à
appréhender en raison de son caractère multiple et complexe. Il inclut la modification des
structures existantes mais aussi et surtout les changements individuels qui en découle. Le
changement n’est jamais le même pour tous.
Pour comprendre pourquoi le management des entreprises doit porter attention à cette
problématique, il semble pertinent de définir la notion et ses différentes acceptions.
Les organisations ont connu de multiples bouleversements depuis la Révolution Industrielle pour
s’adapter au contexte économique. Un retour sur la littérature organisationnelle nous permettra
de constater qu’avec le temps, les structures et le rôle de l’individu dans celles-ci ont
profondément évolué.
A. Le concept de changement
Le changement peut prendre des formes multiples selon son étendue, sa profondeur et
son rythme. Il peut être global ou partiel, majeur ou marginal, progressif ou rapide. Il y a de ce fait
différentes approches possibles du changement quant à sa nature et son ampleur qui peuvent
conduire à des termes aussi divers que mouvement, ajustement, modification, évolution,
innovation, transformation, mutation, rupture ou métamorphose. Il n’en demeure pas moins qu’il
constitue une préoccupation importante des entreprises et qu’il demande donc une attention
particulière pour en comprendre les mécanismes et spécificités.
La compétence au cœur du changement organisationnel
13
1. Nature du changement
a) le changement
De manière générale, on peut définir le changement comme une modification significative
d’un état, d’un système de relations ou de situations de l’entreprise, dont les éléments affectent
les différents acteurs de l’organisation (actionnaires, dirigeants, managers, collaborateurs). Bien
que le terme de changement soit largement répandu, il nous semble essentiel, à des fins de
compréhension, de revenir dessus et d’éclaircir les contours de cette notion.
En effet, dans les sciences de gestion le terme « englobe de nombreuses significations
différentes. Changer, c’est tout à la fois devenir, s’adapter, s’ajuster et se transformer »2
.
La définition officielle du petit Robert l’entend comme « l’état de ce qui évolue, se modifie, ne
reste pas identique ». La notion de changement introduit donc l'idée de passage d'une situation à
une autre. C’est également dans cet esprit que le présente Vandangeon-Demuez Isabelle : « le
changement marque le passage d'un état 1 à un état 2 permettant de déterminer les
convergences et les divergences et d'aboutir à un choix, à un dialogue ou à une réflexion »3
. De
plus, cet auteur considère que « le changement tend à devenir la règle et la stabilité,
l'exception ». Cette remarque, trouvant également écho dans le milieu professionnel, s’est
vérifiée lors des entretiens relatifs à cette étude. Ainsi, Agnès ROBIN, responsable ressources
humaines, estime que l’entreprise doit évoluer au quotidien et que la fréquence, de plus en plus
élevée de ces changements, a pour avantage de les rendre moins douloureux et donc plus
efficace. 4
Pour d’autres, ce qui est principalement recherché lors d’un changement est la constitution d’un
nouvel équilibre. Ainsi, RAYNAL le considère comme « un phénomène interactif entre un acteur,
un système et un environnement. Ce phénomène est déclenché par un stimulus provoquant un
écart, un décalage, une rupture ou un déséquilibre »5
. Il est donc ici question de retrouver une
stabilité. De leur côté, COTE, JOCELYN et BELANGER l’analysent comme « le passage d’un
état actuel à un état désiré, d’une situation originale actuelle, jugée inadéquate, à une autre
considérée comme plus adaptée, qui répond mieux aux exigences du milieu ou aux nouvelles
aspirations des personnes concernées »6
.
2
BEAUDOIN Pierre, La gestion du changement, Libre expression, 1990.
3
VANDANGEON- DEMUEZ Isabelle, La dynamique des processus de changement, Revue Française de Gestion, n°120,
Septembre - octobre1998.
4
Entretien Madame ROBIN, responsable ressources humaines
5
RAYNAL Serge, Le management par projet ; approche stratégique du changement, Ed. D’organisations, 1998.
6
BELANGER Laurent, COTE Nicole et JACQUES Jocelyn, La dimension humaine des organisations, G. Morin, 1994.
La compétence au cœur du changement organisationnel
14
Ces premières définitions nous permettent de constater que la notion de changement englobe
plusieurs éléments complémentaires. Cependant, dans le cadre de notre discussion, nous allons
davantage cibler le concept de changement organisationnel.
b) Le changement organisationnel
Nous entendrons le changement organisationnel comme celui ayant lieu en entreprise, et
visant à modifier sa structure, son fonctionnement voire ses activités. Il désigne donc la
démarche qui accompagne la vie de l’entreprise face aux mouvements de son environnement.
Cette organisation est constituée des différents moyens matériels et humains, agencés de telle
manière à ce que les objectifs prédéfinis soient atteints. Nous changeons donc pour réussir. De
nouvelles définitions introduisent d’autres critères : « le changement réside dans toute
modification relativement durable dans un sous système de l’organisation pourvu que cette
modification soit observable par ses membres ou les gens qui sont en relation avec ce
système »7
. D’après MESTON et GROUARD, il s’agit du « processus de transformation radicale
ou marginale des structures et des compétences qui ponctue le processus d’évolution des
organisations »8
. Ces apports nous permettent donc de comprendre que le changement doit être
à la fois observable, peu importe qu’il soit minime ou non, et non éphémère.
Au cours de son histoire, le changement organisationnel a été perçu de multiples manières et
parfois même de façon contraire. Synonyme à la fois de croissance et de crise, il est le reflet de
son époque et des espoirs que l’on porte en lui.
Dans un premier temps, le changement a été synonyme de croissance et d’adaptation. La fin de
la seconde Guerre mondiale a ouvert une ère où l’économie était stable et croissante,
l’environnement prévisible, et le changement graduel et continu. La théorie des organisations
développa la théorie de la croissance, celle du cycle de vie ou encore du développement
organisationnel. L’organisation était considérée comme un outil manœuvrable par les dirigeants.
La situation économique connaît un tournant durant les années 1970. Les trente glorieuses sont
vaincues par deux crises pétrolières, le réveil de l’économie asiatique et la montée de la
concurrence internationale. C’est la période de l’ère économique et de la loi du marché. C’est
aussi le moment des premières privatisations d’Etat. DEMERS va même jusqu’à qualifier cette
époque de « période de mort ou de la transformation»9
. Les changements se retrouvent donc
associés à des événements dramatiques, aux crises et n’ont plus la connotation positive d’antan.
7
COLLERETTE Pierre, DELISLE Gilles, PERRON Richard, Le changement organisationnel : théorie et pratique, Presses
de l’université du Québec, 1997.
8
GROUARD Benoît et MESTON Francis, L’entreprise en mouvement, Dunod, 1998.
9
DEMERS Christiane, De la gestion du changement à la capacité de changer : l’évolution de la recherche sur le
changement organisationnel de 1945 à aujourd’hui, Gestion vol.24, septembre 1999.
La compétence au cœur du changement organisationnel
15
Ils sont menés de manière très radicale et dans la plus grande précipitation. A fortiori,
l’organisation échappe aux manipulations des dirigeants car elle appartient à l’environnement.
Depuis les années 1980 et jusqu’aujourd’hui, le changement dans les organisations est une
réalité quotidienne et non plus un événement soudain et temporaire. On peut affirmer que la
seule chose prévisible est le changement. Dans un contexte de mondialisation, de précarisation
de l’emploi et de bouleversements permanents, le changement doit devenir un facteur de
croissance et d’innovation. Il n’est plus le monopole des dirigeants mais appartient à tous les
membres de l’organisation qui peuvent et même doivent être les initiateurs de ce changement.
2. Perceptions du changement
a) Les conceptions du changement
Il est possible de distinguer trois approches à l’origine du changement :
Le courant déterministe prête aux facteurs externes l’initiative du changement. Les forces
exogènes sont l’environnement, qu’il s’agisse de la concurrence, la législation, le politique,
l’économie, la clientèle etc. L’organisation et ses membres ne contrôlent pas ces forces. Ils
subissent et doivent réagir pour s’adapter. Les partisans de cette démarche se retrouvent dans le
courant de l’écologie des populations d’organisations qui s’intéressent à l’environnement et à ses
conséquences sur la vie organisationnelle. Dans cette perspective, HANNAN et FREEMAN
affirment que « l’environnement reste la première cause du changement organisationnel »10
.
On peut répliquer à cela en affirmant que les causes du changement peuvent être internes à
l’organisation. Telle est la thèse du courant volontariste. Les entreprises sont, dans ce concept,
actives voire proactives et décident en étudiant différents facteurs de mener les actions leur
permettant « d’améliorer une situation ou d’anticiper une dégradation de celle-ci »11
. Ainsi,
Thomas BOWER « attribue les causes du changement organisationnel aux actions et choix
stratégiques des managers et aux processus de décisions associés à ces actions et à ces
choix ».
Enfin, il est possible d’apprécier simultanément la nécessité du changement au regard des deux
forces ; exogènes et endogènes. En effet, les partisans du courant transversal remirent en cause
cette distinction interne/externe et proposent comme alternative « le réseau
10
HANNAN Michael et FREEMAN John, The populations ecology of organizations, American journal of sociology,1977
11
GROUARD Benoît et MESTON Francis, L’entreprise en mouvement, Dunod, 1998.
La compétence au cœur du changement organisationnel
16
d’interdépendance »12
. Le changement est donc la combinaison de l’interaction entre les deux
forces. Dans son ouvrage Eloge du changement, CARTON résume parfaitement cette idée :
l’origine du changement a un impact fort sur son déroulement. La présence d’une force exogène
est un facteur de facilitation car cela renforce la nécessité perçue du changement ; la présence
d’une source interne va le plus souvent dans le sens de l’intérêt du changement ; l’ajustement
exogène-endogène renforce l’utilité perçue du changement »13
Cette dernière approche est celle qui semble être d’actualité dans nos entreprises. Le
changement n’est plus un événement rare et bouleversant. Il « fait partie de notre quotidien »14
selon Mr LOUP et relève de tous les membres de l’entreprise.
b) les degrés de changement.
L’une des caractéristiques du changement est qu’il concerne de multiples domaines comme en
témoignent les travaux de BATESON15
. Au cours de ses recherches, il met en évidence deux
types de changements dans les systèmes humains :
- Le changement reproducteur ou évolutionnaire qui intervient à l’intérieur du système et qui
permet, par la mise en place d’actions correctrices, de maintenir l’équilibre.
- Le changement transformateur ou révolutionnaire qui bouleverse le système et le modifie.
Parmi ces deux grands types de changements, la théorie de changement organisationnel est
venue rajouter différents degrés. Le réglage et la réforme sont du ressort de l’évolution quand la
révolution comprend la restructuration et la refondation.
Le réglage consiste à intervenir sur un mécanisme existant afin de corriger une erreur ou un
dysfonctionnement. C’est un changement limité dans la mesure où la suppression du
dysfonctionnement n’est pas recherchée.
La réforme cherche à améliorer une performance que l’on juge soit trop modeste soit en risque.
Là encore, la structure n’est pas modifiée mais simplement améliorée.
La restructuration est un changement car elle va apporter une nouvelle forme à la structure.
Cependant, seuls quelques secteurs de la structure, jugés inefficaces, seront remplacés.
La refondation est l’ultime acte de changement. Souvent provoquée par des situations financières
critiques, elle remet à plat, les structures, la culture, le management et l’ensemble des systèmes.
12
QUINN Robert et CAMERON Kim, Diagnosing and changing organizational culture, Addison-Wesley, 1999.
13
CARTON Gérard Dominique, Eloge du changement, Pearson Education France, 2006.
14
Entretien LOUP
15
BATESON Gregory (1904-1980). Zoologue, anthropologue et psychosociologue américain. Il est l’un des fondateurs
de l’école de Palo Alto qui s’est intéressée à la psychologie et la communication.
La compétence au cœur du changement organisationnel
17
Une autorité extérieure et puissante est nécessaire pour imposer ce changement. Pour exemple,
on peut citer « l’événement » de l’entreprise Orange France Telecom qui à la suite d’une situation
économique défavorable (chiffre d’affaire en baisse en 2009 alors que le secteur des
télécommunications reste en plein essor) et d’une crise sociale plus que funeste, a connu la
nomination d’un nouveau directeur général (nommé par l’Etat en tant qu’actionnaire principal).
"Nous allons entamer un travail de refondation de l’entreprise pour donner de nouvelles
perspectives" : Tels sont les mots de Stéphane RICHARD, en février dernier, lors de la
présentation de son nouveau comité exécutif comprenant de nouveaux profils.
La compétence au cœur du changement organisationnel
18
B. Le changement organisationnel dans la théorie des organisations
La notion d’organisation évoque la façon dont une entreprise fonctionne pour atteindre ses
objectifs. Les moyens et personnes sont combinés, hiérarchisés et disposés de manière
différente selon la volonté des directions. Une organisation ne reste jamais fixe. Elle ne cesse
d’évoluer. Le changement constitue donc un thème majeur de la théorie des organisations. Née
au début du XXème siècle, à la suite de la seconde Révolution Industrielle, cette matière a pour
objet de recenser et développer l’ensemble des connaissances que les entreprises, en plein
essor, ont besoin pour organiser, planifier et coordonner leurs activités. Plusieurs grands
courants ont été crées, souvent en réaction au précédents, mais tous ont contribué à une
meilleure compréhension des enjeux et des fonctionnements des organisations. Pour nous
permettre de comprendre pourquoi le changement est traité différemment selon les époques et
les courants de pensée, il est nécessaire de faire un rappel des théories essentielles des
organisations et du rôle qu’elles ont attribué à l’individu.
1. l’école classique : organiser pour produire plus efficacement (1900-1930)
a) la division technique du travail ou l’apport de la science
Le but est de maximiser le système technique pour produire en plus grand nombre et avec
une efficacité croissante. C’est l’ère de la gestion par la science où les ingénieurs sont les
maîtres d’œuvres et dictent leurs pensées. Ils proposent un modèle d’organisation analytique,
empirique et normatif. L’auteur le plus célèbre est Frederick TAYLOR, qui dans un souci de
rationalité conçoit l’organisation comme un outil aux services d’objectifs déterminés :
l’organisation scientifique du travail. Ce taylorisme fut par la suite poussé à l’extrême par le
fordisme. Règne une parcellisation du travail par une division horizontale et verticale du travail.
Les cadres pensent pour les ouvriers, qui doivent exécuter leurs taches avec précision. Le but de
ce taylorisme était d’augmenter la valeur ajoutée car les désaccords étaient nombreux sur la
répartition des recettes de l’entreprise. Ce système devait avoir pour vertu d’augmenter la valeur
ajoutée et il deviendrait donc « inutile de se quereller sur son mode exact de répartition »16
. Or, la
double division du travail ne tarde pas à connaître ses limites ; aliénation, monotonie, désintérêt
entraînent une déshumanisation et des conflits encore plus grands. De plus, ce type
d’organisation, s’il peut convenir dans un environnement stable ne l’est pas en période de
mouvement. Le manque de flexibilité de la structure la fige et l’inadaptation à l’environnement la
met en risque.
16
TAYLOR Frederick Winslow, La direction scientifique des entreprises, 1912.
La compétence au cœur du changement organisationnel
19
b) la division administrative du travail ou la naissance du management
Considéré comme l’un des pères du management, Henri FAYOL est le représentant de
l’école classique de gestion. Il déplore que les dirigeants ne soient pas formés à la fonction
administrative des entreprises, selon lui la plus importante. Il fait de la gestion une profession à
part entière, que l’on nomme aujourd’hui management. Il considérait que les mêmes principes de
management pouvaient s’appliquer dans toutes les entreprises. Cette fonction est selon lui, la
seule que ne puisse pas déléguer un dirigeant. Il classe les fonctions des entreprise en six
catégories ; commerciale, technique, financière, sécurité, comptabilité et administrative17
.
De plus, ses travaux le mènent à établir 14 principes de gestion qui sont ses recommandations
aux dirigeants. Il ressort de toutes ces règles qu’il faut prôner l’autorité du chef, la division du
travail et l’unité de commandement.
c) une rationalisation de l’organisation ou la bureaucratie wébérienne
Weber en étudiant l’administration publique se rendra compte que le système de l’autorité
est fondé sur la personne et non sur des éléments purement objectifs. Il distingue la légitimité
traditionnelle fondée sur l’héritage, la légitimité charismatique et la légitime rationnelle-légale.
Cette dernière trouve grâce à ses yeux et est la meilleure forme d’organisation humaine. Cette
bureaucratie allie la loi à la raison scientifique et ne se fonde pas sur la tradition et le sacré. Il
propose ce modèle ou toutes les fonctions sont structurées rationnellement et hiérarchiquement.
Ce n’est pas l’individu qui compte mais son poste. Pour WEBER18
, l’administration
bureaucratique doit répondre à plusieurs critères tels que la hiérarchie, le formalisme, la
spécialisation des fonctions et la concentration de l’autorité. Ce modèle s’il possède les bénéfices
de respecter une équité très forte, d’apporter une certaine efficacité et de prévoir les actes à
venir, comporte également ses points faibles ; une très grande rigidité rendant le changement
très compliqué, des luttes de pouvoirs, démotivation ou faible capacité à traiter les cas
particuliers.
Ce courant est marqué par son attachement très fort à la rationalisation des fonctions et par son
fonctionnement dans un système fermé qui ignore son environnement. La crise de 1929 va venir
bouleverser ce courant.
17
FAYOL Henri, L’administration industrielle et générale, Dunod, 1916
18
WEBER Max, L’étique protestante et l’esprit du capitalisme, Plon, 1972.
La compétence au cœur du changement organisationnel
20
2. l’école des relations humaines ; motiver l’individu (1930-1960)
Cette seconde phase va quitter le postulat mécaniste et mettre au cœur de l’entreprise une
dimension plus humaine. La motivation et le bien être des individus sont désormais vus comme
des acteurs de performance favorables à l’atteinte des objectifs. Le système reste fermé mais
l’approche devient sociale. Plusieurs courants vont venir traverser cette époque.
a) Elton MAYO
Psychologue et sociologue australien, il est l’un des fondateurs du mouvement des
relations humaines et de la sociologie du travail19
. Critique du taylorisme, il insiste sur les
conséquences négatives de la fatigue et de la lassitude au travail et met en lien la productivité et
le moral des ouvriers. Le point de référence de ses travaux se trouve dans ses expériences de
Hawthorne.
L’usine de Western Electric est une usine de fabrication de téléphone près de Chicago. Pendant
près de cinq ans, il mène sur deux groupes travaux et entretiens pour vérifier si les conditions
matérielles de travail favorisent la productivité. Il en résulte un accroissement de la productivité
sur les deux groupes. Mayo conclut que les individus ne sont pas uniquement intéressés par les
conditions matérielles ; ils souhaitent être reconnus, valorisés dans leur travail et entretenir de
bonnes relations. Il conclut donc qu’il faut comprendre l’organisation comme un « système
social » et prendre en compte la qualité des relations entre individus dans la motivation. On prône
un management participatif, par objectif, des équipes projets ou bien une implication dans la prise
de décision et des résultats.
b) Chris ARGYRIS
Il contribuera également à la popularité de ce courant en liant l’individu à l’organisation. Il
soutient que l’organisation a un rôle important à jouer dans la motivation et la performance de ses
membres. Tous les salariés ont un potentiel qui peut être multiplié par les opportunités que lui
donne l’organisation. La compétence et l’estime de soi doivent être selon lui, des leviers qui
profiteront à l’organisation. L’amélioration des structures organisationnelles et leur bon
fonctionnement passent par l’élargissement des tâches et l’accroissement des responsabilités
des individus. Il est l’un des premiers à prendre en compte le changement et à comprendre que
les transformations organisationnelles seront continues. Au lieu d’essayer de le prévoir ou de
19
MAYO Elton, The social problems of an industrial civilization, Harvard University, 1945.
La compétence au cœur du changement organisationnel
21
l’éviter, il faut plutôt l’accompagner. A partir de ce postulat, il bâtira une théorie de l’apprentissage
individuel et organisationnel. Ses travaux seront développés plus tard dans notre étude.
Cette période est également marquée par l’école de la prise de décision, l’école néoclassique et
l’école sociotechnique. Sans réellement approfondir leurs travaux, nous reviendrons sur ces
écoles pour compléter notre étude.
L’école de la prise de décision vient compléter l’école classique et celle des relations humaines
pour accentuer l’étude sur les processus décisionnels des dirigeants. Pour cette école, les
dirigeants sous le poids d’un contexte organisationnel fort ont tendance à ne pas rechercher la
solution optimale mais la première qu’il juge satisfaisante. Simon Herbert avec sa théorie de la
rationalité limitée en sont les figures.
L’école néoclassique voit le jour après la seconde guerre mondiale et s’inspire de la théorie
classique en utilisant les acquis de l’école des relations humaines. Caractérisée par son
pragmatisme, elle est à la recherche de principes universels. Les postulats de ce courant sont la
maximisation des profits la décentralisation des responsabilités, la direction par objectifs, le
contrôle par analyse des écarts, la motivation par la compétitivité et la réduction des coûts et des
délais. C’est à travers ce courant que se développent les théories japonaises de la qualité.
L’école sociotechnique est issue des travaux du Tavistock Institute de Londres. Elle considère
l’organisation comme un système résultant de l’interaction entre l’environnement, la technique et
le social. Cette approche remet en cause le principe qui faisait correspondre une organisation à
une forme de technologie. Il existe désormais plusieurs possibilités. L’école de la contingence va
s’inscrire dans ce prolongement.
Les relations humaines ont permis de prendre en considération le facteur humain en
entreprise. La crise économique de 1929 a contribué à modifier certaines perspectives
théoriques. La rationalité totale qui avait prévalu jusqu’à cette époque fut durement remise en
cause par les réalités sociales, économiques et politiques. L’analyse simpliste laissait soudain
entrevoir des niveaux de complexités insoupçonnés.
3. l’école de la contingence ou systémique ; adapter la structure (1960-1980)
En réaction à la théorie classique recherchant le « one best way », cette école formule
des solutions en rapport avec l’environnement de l’entreprise et ses particularités. Il n’existe pas
une seule et bonne façon de faire les choses. La structure est reliée à des facteurs comme la
technologie, l’environnement ou la stratégie. La nouveauté consiste à considérer l’organisation
comme un système ouvert sur l’environnement donc soumis aux aléas et aux incertitudes liés à
cet environnement.
La compétence au cœur du changement organisationnel
22
La flexibilité est le maître mot de cette école et l’environnement devient un facteur primordial pour
déterminer quelle forme prendra l’organisation. « A des situations diverses et variables peuvent
correspondre des modes d’organisation divers et variables. Cette contingence est dite
contingence structurelle car les changements dans les variables vont essentiellement affecter la
structure de l’organisation. Donc, à divers états de ces variables correspondent divers modèles
optimum d’organisation et non plus un seul »20
.
Les travaux de BURNS et STACKLER21
ont permis de distinguer deux types d’organisations et de
structure d’entreprise. Les organisations mécanistes qui ont une structure plutôt rigide et vivent
dans des environnements stables. Celles-ci sont caractérisées par des taches standardisées et
spécialisés, des procédures formalisées, l’observation de directives, des décisions prises au
sommet de la structure et une importance de la position hiérarchique. Les organisations
organiques ont une structure souple pour un environnement dit instable. Elles sont caractérisées
par des tâches plus floues et moins définies, une communication latérale, une reconnaissance de
l’expertise, une autorité décentralisée et une valorisation individuelle fondée sur la contribution
personnelle. Cependant, ils n’établissent pas une organisation supérieure à l’autre. Pour cause,
une organisation n’est jamais totalement mécaniste ou organique.
L’école de MINTZBERG va venir apporter une unité aux théories de la contingence en
synthétisant les différentes approches et en dressant une typologie des organisations en fonction
des différents types de contingence.
Il identifie quatre facteurs de contingence qui sont :
- L’âge et la taille de l’organisation ; plus l’organisation est ancienne et sa taille grande, plus
son comportement est formalisé et sa structure élaborée.
- Le système technique de production ; l’organisation est influencée par les produits réalisés.
- L’environnement doit être pris en compte pour structurer l’organisation. Selon MINTZBERG :
« Plus l’environnement est dynamique, plus la structure est organique. Plus l’environnement
est complexe, plus la structure est décentralisée »22
.
- Le pouvoir : une organisation en général tend à centraliser le pouvoir au niveau du sommet
et à formaliser son comportement.
Par cette école, on passe d’un modèle fermé et social des relations humaines à un
modèle ouvert et rationnel. Il n’y a plus d’organisation idéale. Les managers doivent adapter la
structure aux contraintes de l’environnement. La gestion se fait tout de même par une approche
rationnelle comme le contrôle des coûts, la recherche d’informations et d’arrangements.
20
ROJOT Jacques, Théorie des organisations, Edition Eska, 2005.
21
BURNS Tom et STALKER G.M, The management of innovation, Oxford University Press, 1961.
22
MINTZBERG Henry, Le management, voyage au centre des organisations, Editions d’Organisations, 1998.
La compétence au cœur du changement organisationnel
23
4. l’école sociologique ; mobiliser et faire participer (1980 à nos jours)
La phase que nous vivons actuellement prend à la fois en compte les apports de la théorie
des relations humaines, à savoir le facteur humain et les apports de la théorie de la contingence,
à savoir un système ouvert. La survie des entreprises est devenue difficile parce que
l’environnement est devenu très complexe et soumis à des forces de plus en plus rudes. On parie
donc sur « l’acteur social complexe »23
pour gérer les situations instables.
Le formalisme, cher à la bureaucratie classique disparaît pour laisser place à l’initiative, au
mouvement et à la prise de risque. Face aux changements, les entreprises très formalisées
peuvent certes obtenir des résultats intéressants mais courent un grand risque en période de
mouvement.
La mobilisation de tous les acteurs est recherchée. Le management participatif est vendu comme
la solution contre les problèmes de qualité et de compétitivité des entreprises.
La culture apparaît comme un levier de motivation et d’adhésion. Les directions
communiquent largement leur projet d’entreprise. La communication interne connaît ses beaux
jours et s’affirme comme une fonction majeure dans les entreprises. L’engouement pour la
« culture » comme variable décisive du fonctionnement des organisations provient sans doute
des difficultés économiques rencontrées ces dernières années. Les solutions technologiques,
économiques et structurelles se révèlent impuissantes ou insuffisantes pour sauver les
entreprises en difficulté.
La culture et les valeurs communes doivent permettre de se regrouper autour des objectifs
communs qui sont hissés comme étendard lorsque des turbulences viennent perturber les
structures de l’organisation ou lors de la constitution d’équipes projets. En effet, l’adhocratie est
une réponse aux situations complexes et incertaines que connaissent les organisations. Les
groupes projet ainsi formés se caractérisent par une large autonomie, un faible formalisme, une
hiérarchisation moins forte et une coordination assurée par un ajustement mutuel. Cependant,
cette situation va demander des compétences multidisciplinaires de la part des salariés, un
intérêt collectif partagé par tous et de fortes capacités d’adaptation.
23
CROZIER Michel, L’acteur et le système, Le Seuil, 1977.
La compétence au cœur du changement organisationnel
24
A travers ce retour sur la théorie, nous avons pu constater que chaque école a fortement
été influencée par certains moments historiques. Loin d’avoir totalement disparue, la théorie
classique est plus que jamais présente dès qu’un groupe humain constitue une organisation. Si
cette rationalité permet d’accroître la production, la limite apparaît tôt ou tard. En cela, les
ressources infinies que possèdent les individus semblent être un indice à la réponse. L’autre
enseignement que nous pouvons tirer se situe dans la désormais nécessaire capacité des
organisations à appréhender le changement. Certaines avancées théoriques nous permettent de
concevoir l’efficacité et la pérennité de l’organisation comme une résultante majeure de sa
capacité de changement.
La compétence au cœur du changement organisationnel
25
II. DE LA NECESSITE A LA DIFFICULTE DE CHANGER
Le changement fait partie de la vie quotidienne des personnes et des organisations. Au
sein des entreprises, on a cependant l’impression que les changements mineurs ou majeurs se
font de plus en plus fréquents. Ce qui a en fait profondément changé au cours des dernières
années, c’est le climat dans lequel doivent s’effectuer ces changements. L’incertain et le
complexe sont entrés dans la sphère professionnelle, pourtant réputée être l’antre de la
rationalité et de la prévision. Plus que jamais, pour résister aux offensives de la concurrence,
l’adaptation et la transformation sont des actions inévitables. Cependant, le changement n’est
pas une action qui se décrète et s’exécute linéairement. Il fait intervenir la personnalité même des
gens qui ont à les conduire ou les subir. Les conséquences peuvent être désastreuses. Ainsi,
l’étude du cabinet A.T Kearney montre que plus d’une fusion-acquisition sur deux est un échec et
ne crée pas de valeur escomptée. Dans un premier temps ; nous nous attacherons à comprendre
ce qui pousse ces firmes à vouloir changer pour ensuite nous intéresser aux résistances qu’elles
peuvent rencontrer dans la poursuite de ce projet.
A. Les motivations du changement
Pourquoi changer ? Lorsqu’une situation convient à la majorité des acteurs, le désir de
conserver le système tel qu’il est, est généralement plus fort que celui d’évoluer. On ne compte
plus le nombre de projets rester vains en raison d’une résistance provenant d’une partie. Les
aspects psychologiques prennent une part primordiale dans l’implication des changements. De
l’annonce du changement à la fin du projet, les collaborateurs passent par des phases plus ou
moins positives pour eux ou pour le déroulement du projet. Toutes sont nécessaires dans le
processus de transformation.
Cette partie propose de comprendre les enjeux des entreprises dans leur quête du
changement et de revenir sur l’indispensable adhésion de l’individu dans sa réussite.
La compétence au cœur du changement organisationnel
26
1. Les raisons du changement pour les individus
Dans son ouvrage Eloge du changement (2006), CARTON affirme qu’un changement ne peut
être pérenne s’il n’est pas nécessaire, utile et pourvu d’intérêt. « L’éthique du changement repose
sur la capacité de ceux qui le mettent en œuvre de le filtrer en fonction de ces trois critères de
base afin d’éviter d’imposer des changements sur la base de leur pouvoir, de leur statut ou de
leur volonté »24
. En effet, un changement imposé arbitrairement par un dirigeant ou un groupe est
particulièrement improductif et ne saurait perdurer dans le temps. Ces propos vont également
dans le sens de Mme X, responsable recrutement au sein de BNP Paribas Assurance qui affirme
que le changement ne se fait jamais seul et que l’adhésion des collaborateurs est obligatoire pour
voir aboutir ce projet25
.
a) La nécessité du changement
La nécessité du changement fait référence aux facteurs exogènes à l’origine du changement.
Le courant déterministe fonde sa théorie sur cet aspect. Le changement est positionné comme
essentiel à la survie de l’entreprise. Le changement est nécessaire pour répondre à la pression
de l’environnement. Sans celui-ci, notre existence même est menacée. Nous sommes donc prêts
à changer pour conserver nos privilèges, notre pouvoir, notre place ou notre emploi. Le
changement est donc la seule solution pour éviter un problème que l’on voit arriver. Ainsi, la
nécessité repose sur l’émission d’une hypothèse dramatique ou sur la constatation d’une
obligation résultant d’un fait. C’est le cas de l’entreprise BNP Paribas Assurance qui a du mettre
en place une GPEC suite à une évolution législative26
.
La nécessité apparaît comme l’argument le plus fort car il repose sur des faits objectifs et
pertinents. Par contre, lorsque le changement est réclamé sur la base d’hypothèses, plus ou
moins fortes, le changement a du mal à être accepté. Le débat sur la réforme de l’âge légal à la
retraite en est l’illustration. De même, toute la problématique écologiste qui repose sur des
prévisions plus ou moins concordantes selon les sources, a longtemps peiné à trouver écho dans
la société. Seulement, l’argument de la nécessite a une limite car, présenté seul, il a tendance à
effrayer plus qu’a mobiliser. C’est la raison pour laquelle, l’utilité et la nécessité du changement
doivent lui être adjointes.
24
CARTON G-D, Eloge du changement, Pearson Education France, 2006.
25
Entretien fabienne et erik batut
26
Entretien Fabienne , mcb et loup
La compétence au cœur du changement organisationnel
27
b) L’utilité du changement
L’utilité du changement correspond au besoin qu’à chaque individu de trouver un résultat à
ce qu’il fait. Un changement inutile ne serait jamais accepté. Cette utilité peut se vérifier dans
deux cas : le changement peut soit apporter une amélioration à la personne, au groupe ou à
l’entreprise, il peut aussi éviter une dégradation, un dommage ou une perte. Ainsi, le changement
sera jugé utile lorsque les personnes accepteront de bouleverser leurs pratiques au profit
d’autres, jugées plus bénéfiques.
c) L’intérêt du changement
L’intérêt est le critère d’acceptation le plus important pour faire accepter le changement. Il
touche directement au gain personnel. Etroitement lié à la motivation et à l’ego des personnes,
l’intérêt est un critère puissant d’acceptation du changement. On a rarement vu un changement
utile et nécessaire mais dénué d’intérêt prendre forme. « La vanité nous empêchant parfois
d’accepter les changements utiles et nécessaires, l’homme prodigue voit son intérêt à ne pas
changer son comportement alors même que la réalité l’y invite fortement »27
. Si l’intérêt est le
facteur le plus puissant, certains ont compris qu’il suffisait de jouer sur ce levier pour se voir
accepter les changements. « De nombreuses entreprises mais aussi les gouvernements ont dans
le passé, fait accepter des changements dont l’utilité et la nécessité étaient discutables, en
« achetant » l’acceptation du changement. Les politiques de mobilité fonctionnelle ou
géographique, les changements de structure ou d’organisation du travail se sont souvent
accompagnés d’augmentations de salaires ou de primes permettant de rendre évident ce qui ne
l’était pas : l’intérêt du changement »28
.
Ainsi, ces trois éléments se révèlent déterminants pour qu’un individu accepte le
changement. Parmi les individus et selon le point de vue adopté, l’attention sera portée sur l’un
des critères qui semblera plus important que les autres. « Ainsi, ils auront intrinsèquement plus
ou moins de force selon les individus ou les groupes. Les personnes pragmatiques sont moins
sensibles aux arguments par hypothèse que les personnes conceptuelles. De même, les
personnes idéalistes sont plus prédisposées à accepter un changement allant à l’encontre de
leurs intérêts matériels que les personnes matérialistes.
27
CARTON G-D, idem.
28
ibidem
La compétence au cœur du changement organisationnel
28
Les trois critères sont directement liés à l’échelle de valeur des individus et des groupes.
Le jugement de chacun sur la nécessité, l’utilité ou l’intérêt d’un changement dépend avant tout
des valeurs qui sont les siennes et du partage de ces valeurs par le collectif auquel il
appartient »29
.
2. les raisons du changement pour les entreprises
A l’heure actuelle, la capacité de survie des entreprises tient à sa capacité à évoluer, à se
transformer et à s’adapter. L’environnement de l’entreprise aussi bien que la concurrence ne lui
permet plus de se reposer sur ses acquis. Il faut que l’entreprise change pour satisfaire toujours
plus la clientèle, avoir un rendement plus élevé, proposer des idées créatives, gagner en
efficacité ou s’ouvrir de nouveaux débouchés. Il faut à tout prix se moderniser pour s’adapter aux
nouveaux comportements, aux nouvelles situations, demandes et mentalités. Le changement
devient donc un outil qui permet à l’entreprise de s’ajuster à son environnement. Cette volonté de
changement a pour origine la prise de conscience d’un décalage entre les objectifs d’une
entreprise et les moyens de les atteindre, c'est-à-dire son organisation, son fonctionnement. Les
facteurs de cette prise de conscience peuvent être à la fois externes et internes à l’entreprise.
a) Les facteurs externes du changement
i) Rupture technologique
Les technologies étant synonymes de modernité, elles ne cessent d’évoluer. A un moment
donné, l’entreprise constate l’inadéquation de son mode de fonctionnement avec l’environnement
technologique, ce qui la pousse à devoir changer. Aussi bien au niveau de l’organisation et des
processus qu’au niveau de l’utilisation de nouveaux outils, les entreprises doivent se transformer
pour suivre et devancer ces progrès. Conséquence de ce rythme accéléré, la durée de vie des
produits ne cesse de diminuer. L’innovation doit alors être constante pour toujours attirer de
nouveaux clients et rester performant. Les progrès techniques sont donc primordiaux dans les
décisions de changement des entreprises. La compétitivité croissante pousse de plus en plus les
entreprises à changer par l’innovation. En effet, de nombreuses études démontrent qu’au cours
de la dernière décennie, les entreprises qui ont eu tendance à lancer de nouveaux produits ou à
innover ont connu des marges de progression nettement supérieures à celles des autres
entreprises. L’innovation devient une ardente nécessité.
29
Ibidem.
La compétence au cœur du changement organisationnel
29
Pour être performant, l’innovation est recherchée à plusieurs endroits ;
- L’innovation peut porter sur les produits. On entend par innovation de produit la mise au point
et la commercialisation d’un produit plus performant dans le but de fournir au consommateur
des services objectivement nouveaux ou améliorés.
- L’innovation de procédé désigne la mise au point de méthodes de production ou de
distribution nouvelles ou notablement améliorées.
- L’innovation marketing résulte de l’introduction d’une nouvelle méthode impliquant des
changements significatifs dans le design du produit ou de son packaging, son mode de
distribution, sa promotion ou dans sa tarification.
- L’innovation peut aussi être organisationnelle. Elle concerne dans ce cas là, des méthodes et
pratiques de l’entreprise, une organisation certaine du travail ou les relations avec l’extérieur.
Toutes ces différentes innovations feront intervenir des changements affectant séparément ou
simultanément les matériels, les ressources humaines et les méthodes de travail.
Dans cette définition de Peter DRUCKER, le lien entre innovation et changement est clairement
établi : « innovation is a change that creates a new dimension of performance »30
. L’innovation
joue un rôle fondamental ; elle permet aux entreprises de mieux résister aux contraintes
extérieures en confortant ou améliorant le positionnement de l’entreprise dans un contexte
concurrentiel donné. Dans cette perspective, l’innovation devient le meilleur moyen pour
s’adapter. Cette innovation vient, selon PORTER, s’opposer à l’efficacité opérationnelle qui en
cherchant à faire toujours mieux que les autres, ne permet pas de se démarquer de la
concurrence et engendre des effets de mimétisme.
Mais l’innovation est plus que la sortie de nouveaux produits, elle est devenue un état d’esprit,
une des valeurs des entreprises qui veulent réussir comme en témoigne la citation du fondateur
de la société de commerce en ligne Amazon, Jeff BEZOS, « we have to make sure we’re never
too confortable ». L’idée est là ; rompre les schémas classiques, se remettre constamment en
question et ne jamais se reposer sur des lauriers qui finiront par se faner.
A la source de ces innovations, il y a toujours la redéfinition de nouveaux savoirs et aptitudes.
L’entreprise doit prendre conscience que les individus qui la composent doivent suivre la même
logique de renouvellement de leurs atouts pour aboutir à des résultats efficaces. C’est dans ce
contexte que la gestion des compétences aura à intervenir.
30
DRUCKER F Peter, Innovation and Entrepreneurship: practice and principles, 1985.
La compétence au cœur du changement organisationnel
30
ii) Contraintes réglementaires
Les entreprises évoluent dans des cadres de plus en plus réglementés. On ne compte
plus les matières juridiques qui ont été érigées et qui interagissent avec les entreprises ; droit de
la concurrence, consommation, distribution, publicité, informatique, social, marchés, finances,
propriété, obligation, société, commerce, transport, crédit, immobilier… La liste est loin d’être
exhaustive mais reflète déjà l’immense responsabilité qui pèse sur les entreprises. Nul n’est
censé ignorer la loi et s’y soustraire entraînerait des sanctions qui risqueraient de mettre à mal la
pérennité de l’organisation. En outre, on peut signaler que l’une des raisons de la crise financière
de 2008 réside dans la non observation d’un certain nombre de règles en matière de gestion des
risques de la part de grandes institutions financières qui s’étaient néanmoins consciencieusement
dotées de tout un arsenal de codes de bonne conduite et de règles de compliance. Par
conséquent, les entreprises doivent s’adapter aux différentes normes en vigueur. Cette forte
contrainte d’adaptation de l’entreprise constitue un élément majeur de changement qui
bouleverse à la fois les modes de fonctionnement des organisations mais aussi les missions des
collaborateurs. A la suite de nombreux scandales financiers dont l’un des plus retentissants reste
l’affaire Enron, le monde de la gouvernance d’entreprise a décidé d’harmoniser l’information
financière des sociétés cotées en bourse et garantir la protection des investisseurs. De nouvelles
règles comptables internationales ont été introduites ; les normes International Accouting
Standard (IAS) ou encore International Financial Reporting Standard (IFRS). Ces normes plus
rigoureuses que les précédentes ont eu du mal à se mettre en place, d’autant qu’elles ont
bousculé les pratiques traditionnelles. Autre illustration est la loi Aubry sur les 35 heures qui a
aujourd’hui dix ans d’application. Cette mesure phare de la Gauche s’est, dès le départ, heurtée à
la réticence d’une grande partie du patronat. Sa mise en place dans les entreprises de plus de 20
salariés a été difficile tant du point de vue de la négociation que de l’impact sur l’organisation du
travail.
iii) Environnement
Comme en témoignent le résultat des entretiens, le rythme des situations s’accélère (XXXX) ;
progrès et enjeux économiques grandissants sont à l’origine de nombreux changements.
L’enjeu pour l’entreprise est donc de s’ouvrir à de nouveaux horizons sous peine de se voir
stagner et dépasser par la concurrence.
La compétence au cœur du changement organisationnel
31
Pour BURNS et STALKER31
, l’entreprise doit s’adapter aux évolutions de l’environnement. La
structure des entreprises se définit certes par la direction mais est fortement influencée par
l’environnement. Après avoir mené une étude sur plusieurs entreprises, ils concluent qu’il existe
deux types de structures : une structure « mécanique » et une structure « organique ». Selon les
auteurs, la performance d’une entreprise dépend du degré d’adéquation entre sa structure et son
environnement. Si l’environnement se révèle plutôt stable et prévisible, on aura tendance à faire à
un mode de gestion de type mécaniste. Comme nous l’avons vu ce type recouvre les structures
très formalisées, spécialisées et hiérarchisées. A l’inverse, si l’incertitude de l’environnement et le
dynamisme des interactions sont la règle, la structure aura tendance à être plus souple ; elle est
de type organique.
L’entreprise doit s’adapter aux fluctuations du marché. Ainsi, dans certains cas, il s’avère que
l’organisation de l’entreprise n’est plus adaptée à son environnement économique. Dans ce cas,
le changement est nécessaire. L’un des faits marquants du XXème siècle est certainement la
mondialisation de nos économies. Ce phénomène qui a cassé bon nombre de modèles résulte de
plusieurs facteurs :
- La chute du mur de Berlin entraîne la fin du communisme. Avant cela, les économies étaient
administrées, les frontières fermées et le secteur financier contraint. Il en résultera une plus
grande interpénétration économique et financière.
- Big Bang de la city à Londres, a la fin des années 1980. Les banques peuvent tout faire ;
commerce, investissement, etc. Cette libéralisation s’accompagne de dérégulations.
- Développement de nouvelles puissances émergentes à forte croissance, les BRIC : Brésil,
Russie, Inde, Chine.
Les conséquences sont que les entreprises doivent désormais s’organiser à un niveau
mondial. Il en découle que l’une des stratégies les plus répandues pour se développer est
l’internationalisation. En effet, les échanges s’intensifient et sont désormais à la base du
processus de croissance économique. De plus en plus de marchés s’internationalisent et
sont régis par un ensemble de règles globales ce qui pousse les entreprises à prendre en
compte ce qu’il se passe en dehors de leurs frontières et d’intégrer dans leur organisation
cette dimension internationale. Cette tendance d’ouverture vers le monde est également un
facteur de changement important pour les entreprises.
31
BURNS Tom et STALKER G.M, The management of innovation, Oxford University Press, 1961
La compétence au cœur du changement organisationnel
32
b) les facteurs internes du changement
i) Rupture stratégique
Tous ces changements qui sont de sources externes ont un impact plus ou moins fort
dans la vie et le fonctionnement interne de l’entreprise. Or, il arrive à l’entreprise de décider un
changement plus prononcé sur son activité ; c’est le changement stratégique. Selon la théorie de
CHANDLER, l’évolution des organisations est le fait des stratégies envisagées. Pour réaliser ses
objectifs, l’entreprise va se transformer de telle sorte que les forces de l’entreprise seront
agencées en adéquation : « La stratégie consiste à déterminer les objectifs et les buts
fondamentaux à long terme d’une organisation, puis à choisir les modes d’action et d’allocation
de ressources qui lui permettront d’atteindre ces buts, ces objectifs »32
. A l’inverse, certains
considèrent que le poids de la structure aboutit à influencer les contenus de la prise de décision
stratégique : les stratégies seraient déterminées par la nature des structures organisationnelles.
Au regard des contraintes de l’environnement, du marché, de son actionnariat, ou tout
simplement de sa situation, l’entreprise dispose de plusieurs choix pour se tracer un chemin doré.
Il lui est possible d’exercer un changement au regard de sa clientèle. Ainsi, elle peut chercher à
dominer le marché par les coûts, adopter une stratégie de différenciation par le haut ou le bas, ou
encore se nicher vers un créneau susceptible de s’attirer une petite frange de la clientèle. Dans
les marchés financiers, le rôle de l’actionnaire a pris une importance grandissante ces dernières
années. Ses désirs sont désormais pris en compte par les dirigeants pour fonder leurs décisions
stratégiques. On peut observer un lien de dépendance des entreprises qui ne sont plus les seuls
maîtres a bord. Recherchant le profit à court terme sur les marchés boursiers, des actions telles
que la délocalisation ou réductions d’effectifs sont entreprises à toute hâte et conduisent à des
changements conséquents. L’entreprise peut également chercher à croître. Qu’il s’agisse de
l’internationalisation ou de la diversification, l’entreprise poursuivra toujours le même objectif ;
avoir de nouveaux clients, réaliser des économies d’échelles et pénétrer de nouveaux marchés
toujours plus profitables. Dans le développement des organisations, ces dernières années, il ne
faut pas négliger l’importance qu’ont pris les partenariats, alliances, coopérations stratégiques,
fusions ou autres acquisitions dans les entreprises privées et publiques. Ces méthodes
constituent des moyens rapides d’économies d’échelle, de créer des synergies et résister à la
compétition économique. Les illustrations ne manquent pas en la matière à l’instar de Bnp
Paribas, GDF Suez, Renault Nissan, Arcelor-Mittal, AOL-Time Warner…Ces opérations
complexes sont gigantesques et se chiffrent en milliards de dollars.
32
CHANDLER Alfred Dupont, Strategy and structure: chapter in the history of the American industrial enterprise, MIT
Press, 1962.
La compétence au cœur du changement organisationnel
33
La particularité de ces changements réside dans l’impact très fort qu’ils ont sur la vie de
l’entreprise et des collaborateurs. La vitesse de ces actions rend, de plus, ces métamorphoses
brutales. Les comportements, les mécanismes, la culture, le but ; tout est soumis à une nouvelle
donne par ces démarches stratégiques.
ii) la culture d’entreprise
Ces opérations s’accompagnent souvent d’une nouvelle identité, d’un nouveau nom et
d’une nouvelle culture d’entreprise. La culture est un ensemble de croyances et d’idées que tous
les membres de l’entreprise ont en commun. Ces valeurs modèlent la stratégie, le style de
direction ou les relations entre le service et les hommes. Le facteur humain et culturel doit
absolument être pris en compte pour ne pas menacer cette opération. En effet, lorsque deux
entreprises décident de se réunir, elles mettent face à face deux cultures d’entreprises, qui
parfois pouvaient être contradictoires voire antagonistes. Conduire le changement est dans ce
cas une condition essentielle de succès.
De même, cette culture peut être modifiée à la suite de nouvelles situations relatives à la vie des
salariés. En effet, les évolutions démographiques faisant apparaître la génération dite Y, la vision
du travail actuelle abandonnant les principes tayloristes ou encore l’équilibre vie professionnelle
vie privée viennent influencer l’esprit des entreprises. Il est nécessaire de s’orienter vers de
nouvelles attentes et de nouvelles valeurs pour être en cohérence avec nos salariés qui sont
également les mêmes qui consomment. Possédant tout et de plus en plus exigeants et informés,
il devient difficile de déclencher l’acte d’achat chez ces personnes. On compte désormais
énormément sur la fonction marketing pour écouler les productions et fidéliser la cible.
Selon HOFSTEDE33
, la culture des entreprises trouve également sa substance dans la culture du
pays où elle est implantée. Ayant mis en avant les traits qui caractérisent les cultures de nos
sociétés, il distingue plusieurs spécificités des cultures nationales : le degré d’individualisme (plus
un pays est riche et plus l’individualisme est fort), la distance hiérarchique, le contrôle de
l’incertitude et la masculinité / féminité. Ainsi, plus est société est féminine, plus la qualité de vie
et l’entraide existera alors que la recherche de domination et la réussite individuelle seront
valorisées dans les sociétés à propension masculine. Il fait ainsi un parallèle entre différents pays
et la structure des organisations. Par exemple, en France, la tendance à un désir fort de contrôle
de l’incertitude conduit à des structures fonctionnelles et hautement centralisées.
33
HOFSTEDE Geert, masculinity and feminity, the taboo dimension of national cultures, Sage publication,
1998.
La compétence au cœur du changement organisationnel
34
iii) L’accroissement des connaissances
On assiste à une véritable explosion des connaissances dans tous les domaines. Le niveau
général d’éducation s’élève, les jeunes font de plus en plus d’études et les formations deviennent
de plus en plus pointues. Le savoir est devenu un réel avantage compétitif depuis la fin du siècle
dernier. On estime que la quantité d’informations disponible dans le monde double actuellement
tous les 5 ans. Dans les entreprises, il en résulte que les dépenses louées à la recherche, à la
formation et aux nouveaux logiciels deviennent aussi importantes que les dépenses matérielles.
Cette intellectualisation de la production des entreprises implique de nombreux projets de
transformations pour s’adapter aux évolutions.
iv) configuration de l’entreprise
Généralement, la configuration d’une entreprise a été pensée au départ pour répondre aux
besoins essentiels de production, de vente et d’administration. Par la suite, des incohérences
susceptibles d’être améliorées peuvent être identifiées, soit que les rendements ne paraissent
plus suffisants soit que les jeux de pouvoirs nuisent à la structure.
Pour KALIKA, si on observe toutes les formes de structures dans des organisations de taille et
d’âge divers, une association logique taille-structure apparaît. En effet, une entreprise
grandissante devra à un moment donné de sa croissance s’adapter et donc modifier sa structure.
Par exemple, l’augmentation de la taille de l’entreprise pourra entraîner une plus forte
décentralisation des décisions (en raison de l’augmentation du nombre de niveaux
hiérarchiques), le développement de services spécialisés, une division importante du travail, la
création de postes de liaison, une augmentation du contrôle, un organigramme plus complexe.
De même, SCOTT rend compte de cette corrélation en identifiant plusieurs stades d’évolution.
- Au stade 1 (entrepreneurial) l'organisation est suffisamment petite pour être dirigée par une
seule personne : elle est centralisée, informelle et limitée à une seule gamme de produits.
- Au stade 2 (fonctionnel) l'entreprise reste limitée à une gamme mais la croissance de
l'activité et de la taille conduit à une spécialisation et une différenciation des tâches. La
structure reste centralisée et hiérarchique.
- Au stade 3 (divisionnel) les activités se diversifient et donnent naissance à des centres de
profit autonomes.
La compétence au cœur du changement organisationnel
35
Bien sur, ces différents facteurs peuvent se cumuler et s’enchaîner. Le futur d’une entreprise
et son organisation sont donc directement influencés par son environnement qui ne cesse d’être
en mouvement. Il faut changer pour anticiper son futur. Le succès des entreprises est donc lié à
leur capacité d’anticiper et de prendre des risques. Les modifications de l’environnement, les
pressions de la concurrence, les évolutions technologiques, la croissance même des entreprises,
la transformation des niveaux de formations des individus et leurs attentes sont autant de
phénomènes susceptibles de remettre en cause la structure d’une entreprise dans la mesure où
ils entraînent des exigences nouvelles en matière de contrôle de communication, d’innovation et
de capacité de vitesse de réaction. Si l’entreprise a l’obligation de changer et le fait, il doit en être
de même pour les personnes qui la composent. Or, le changement n’est pas une action qui se
commande et s’exécute aussi aisément.
La compétence au cœur du changement organisationnel
36
B. Le changement, une opération complexe
Aucun changement ne peut avoir lieu si les acteurs qui le mettent en œuvre ne lui donnent
pas un sens. Or, le changement n’est souvent perçu positivement que s’il provient de soi, ce qui
n’est pas le cas en entreprise. Le travail est une valeur importante dans nos sociétés. Depuis
Hegel et Marx, qui ont affirmé son caractère central et personnel dans la vie des individus, sa
place est encore discutée de nos jours. Lorsque l’on aborde le sujet du changement
organisationnel, il devient indispensable d’y associer et de traiter la question de la résistance au
changement. Présentée comme l’une des principales causes des échecs et comme un frein
inévitable aux changements, la résistance est l’un des incontournables dans l’étude des réactions
humaines face au changement. Le concept est si vaste qu’il pourrait facilement faire l’objet d’une
étude distincte. Notre champ s’axera sur la compréhension de ces phénomènes ainsi que sur ses
origines, ce qui nous permettra de comprendre pourquoi les entreprises doivent prêter la plus
grande attention pour éviter d’éventuels échecs.
1. La résistance au changement
L’homme a toujours été un être de contradiction. Il recherche la stabilité et la prévisibilité mais
aime tout autant la nouveauté et l’inconnu. Les motivations qui le font pencher d’une situation à
une autre sont particulièrement complexes à distinguer et relèvent de la propre personne qui y
est confrontée. Nous venons de dessiner les questions qui se posaient lors de la confrontation à
ce changement. Une fois ce changement envisagé et lancé, sa progression se trouve accrochée
par les appréhensions des individus. Cette résistance au changement est bien connue des
personnes ayant à conduire le changement et requiert une extrême vigilance pour éviter de
mettre à mal les projets nécessaires à l’évolution de l’entreprise.
a) un recours plus qu’un refus
De son étymologie, résistance viendrait du latin « sistere » qui signifie s’arrêter. Le terme
a quelque peu évolué depuis. En effet, le mot résistance tel qu’il est défini dans le dictionnaire se
rapporte aux choses ; c’est le phénomène physique qui s’oppose à une action ou à un
mouvement. Le fait de résister signifie donc opposer sa force à une autre et ne pas subir les
effets de ses actions.
La compétence au cœur du changement organisationnel
37
La terminologie de résistance au changement apparaît pour la première fois dans un
article de COCH et FRENCH34
en 1947. Depuis, la littérature académique et managériale
foisonnent sur le sujet. Dans le langage courant, la résistance a plutôt une connotation positive et
est souvent employée pour faire penser à une certaine solidité, fermeté, endurance, fermeté. Ce
n’est que lorsqu’on aborde l’étude des sciences humaines que le terme prend une tournure plus
négative. Les synonymes qui pourraient lui être associées se tournent plus aisément vers
rébellion, opposition, refus d’obéissance ou résistance à l’ordre. Dans la sphère
organisationnelle, la résistance est également synonyme de blocage, frein et entrave ; ce qui
empêche alors un système organisé de se mettre en place. On trouve alors plusieurs définitions
d’auteurs de la résistance au changement. Ainsi COLLERETTE, DELISLE et PERRON
définissent cette résistance comme étant « l’expression implicite ou explicite de réactions de
défense à l’endroit de l’intention de changement »35
. Selon DOLAN, LAMOUREUX ou
GOSSELIN, la résistance au changement est « l’attitude individuelle ou collective, consciente ou
inconsciente, qui se manifeste des lors que l’idée d’une transformation est évoquée. Elle
représente donc une attitude négative adoptée par les employés lorsque des modifications sont
introduites dans le cycle normal de travail »36
. MORIN voit les résistances comme « des forces
qui s’opposent à la réorganisation des conduites et à l’acquisition des nouvelles compétences ou,
en d’autres mots, à des forces restrictives »37
. Enfin, d’après CARTON, la résistance au
changement est généralement perçue comme un frein au progrès, surtout pour ceux qui l’initient.
« Activement combattue dans les entreprises, elle irrite, elle provoque frustrations et actes de
colère et est considérée comme un acte d’impertinence ou d’insubordination. Souvent assimilée à
une attitude passéiste, anti progressiste et excessivement conformiste, elle est pourtant
quasiment naturelle, innée et parfois utile et nécessaire »38
.
Les individus ne réagissent pas tous de la même manière. La résistance au changement peut
donc prendre plusieurs formes. Il est donc primordial de savoir reconnaître et analyser ses
différentes manifestations. Il parait aussi important de préciser qu’elles concernent toutes les
catégories de personnel. Pour différents motifs mais toujours avec le même effet, les cadres,
employés ou ouvriers pourront douter du bien fondé et de la logique d’un nouveau mode
organisationnel et pourront avoir un comportement analysé comme résistant.
34
COCH et FRENCH, Overcoming resistance to change, revue Human relations, 1947.
35
COLLERETTE P., DELISLE G ., PERRON R., le changement organisationnel : théorie et pratique, Presses de
l’Université du Québec, 1997.
36
DOLAN Shimon, LAMOUREUX Gérald et GOSSELIN Eric, Psychologie du travail et des organisations, G.MORIN
Edition, 1995.
37
MORIN EM, Psychologie du travail, G. MORIN Edition, 1996.
38
CARTON G-D, Eloge du changement ; méthodes et outils pour réussir un changement individuel et professionnel,
village mondial, 2004.
La compétence au cœur du changement organisationnel
38
Les témoignages de la résistance peuvent prendre plusieurs formes. Elle peut être exercée
individuellement ou collectivement. Si la résistance est concrète et s’oppose aux changements,
elle est dite active (grèves, reproches, plaintes…). Elle est passive et indirecte si elle se
manifeste par des lenteurs d’exécution, des sauvegardes d’informations, des absences ou
retards. Ses effets aussi relèvent de plusieurs types. La résistance peut venir simplement retarder
le changement en le mettant en attente. Elle peut aussi effectuer un retour en arrière des
ambitions initialement voulues. Elle peut aboutir à un changement partiel car lors de la mise en
application les différents éléments n’ont pas été respectés. Enfin, plus grave, la résistance peut
être si forte que le projet est retiré et abandonné. On peut citer le cas du contrat nouvel
embauche sanctionné par les tribunaux et l’organisation internationale du travail. Du coté des
collaborateurs, la résistance peut s’exprimer par une baisse de la productivité, de l’efficacité, par
une détérioration des relations de travail ou par l’émergence de conflits. Personnellement, le sujet
peut éprouver du stress et diminuer son engagement au travail. Bref, les conséquences sont
désastreuses tant au point de vue humain qu’au point de vue organisationnel.
Dans tous ces cas, les individus n’agissent par facilité ou pour défier l’autorité mais par le fait de
forces parfois inconscientes qui trouvent leur racine dans de nombreuses causes.
b) les causes de la résistance
Comprendre où la résistance nait permet de mieux la résorber. Les origines de la résistance au
changement sont diverses. Nous pouvons cependant les classer en plusieurs catégories ; les
causes individuelles, collectives, culturelles, politiques ou organisationnelles.
i) L’individu face au changement
Les variables individuelles sont liées à des mécanismes de défense qui peuvent être soit
conscientes soit inconscientes. Le changement entraîne de la part des collaborateurs une
évaluation personnelle entre leurs propres intérêts et ceux de leur entreprise. Même si l’adhésion
et la culture interne peuvent venir alléger la balance, il résulte souvent un certain stress et une
inquiétude quant au nouveau système organisationnel. MORIN établit sur ce sujet une typologie
de six mécanismes de défense possible : le refoulement, la régression, la projection,
l’indentification, la formation réactionnelle et le déni de la réalité39
. Face à cela, les individus ne
sont pas égaux et réagiront différemment selon leur capacité. L’homme est par nature un être
39
MORIN EM, Psychologie du travail, Gaétan MORIN, 1996.
La compétence au cœur du changement organisationnel
39
d’habitude et aime savoir ce que signifient les changements, ce que cela lui exigera et quelles
seront les nouvelles responsabilités.
L’implantation d’un changement plonge également les individus dans l’incertitude. Les privilèges
seront-ils perdus, l’autonomie gagnée si difficilement sera-t-elle toujours valable ? L’individu
cherche avant tout à garder ce qu’il a acquis et c’est parfois un sentiment de perte associée à
l’abandon de ce qui était acquis et satisfaisant qui va l’amener à résister : la perte de sécurité, de
pouvoir, d’utilité de ses compétences, de territoire, de confiance…tout est menacé dans un
monde ou il devient de plus en plus difficile d’obtenir des acquis.
On dit souvent que l’important est de tirer les conclusions de ces échecs. Or, on oublie plus
rapidement les victoires que les défaites. La peur de l’échec est pour tous les individus une force
réelle à l’immobilisme. Dans l’ère de la performance, le droit à l’erreur n’est pas permis. Ainsi, les
collaborateurs appelés à changer d’outil de production, d’organisation, de relations ou de
connaissances savent qu’ils seront jugés très rapidement par leur management sur la qualité et la
vitesse de leur travail. Sans vouloir prendre de raccourci, on peut signaler que les personnes les
plus âgées vont présenter plus de résistance au changement. Cela est logique dans la mesure
où elles ont le plus d’expérience et fondent leur valeur ajoutée sur les schémas qu’elles ont mis
du temps à apprendre et à faire valoriser.
Enfin, comme le souligne BAREIL, le changement est « générateur de résistance pour l’individu
dans la mesure où il est synonyme de rupture et de remise en cause, contribuant à la perte de
points de repères antérieurs (spatiaux, temporels, comportementaux, relationnels) qui suscitent
des interrogations chez les individus. L’individu a alors tendance à évaluer le changement en
termes de coûts (efforts, compétences à acquérir) et de bénéfices (gains salariaux, satisfaction);
dans le cas où les coûts sont supérieurs, il manifestera de la résistance »40
.
On a souvent tendance à montrer du doigt les personnes qui ne donnent pas l’impulsion sur les
changements ou qui ne sont pas comme la mode de l’entreprise l’entend « pro actives ». Or, ces
forces sont pour la plupart du temps résolument inconscientes. Ainsi, en terme de gestion, il
parait difficile voire impossible de changer la personnalité des collaborateurs, le passé ou les
caractéristiques individuelles. On ne peut en faire qu’état.
40
BAREIL C., la résistance au changement : synthèse et critique des écrits, HEC Montréal, 2004.
La compétence au cœur du changement organisationnel
40
ii) Le collectif
La résistance peut tout autant s’organiser collectivement. En effet, si individuellement nous
possédons nos acquis, il en va de même lorsque nous fonctionnons sous forme de groupe. En ce
sens, ALAIN retient plusieurs facteurs d’influence41
:
- la conformité aux normes précédemment établies ; les rites, coutumes, habitudes ou
pratiques
- le degré de cohérence dans l’organisation
- les droits et intérêts acquis par le groupe ; pauses, primes, avantages.
De plus, par peur de perdre leurs attributs, le groupe va rejeter ce qui est étranger à leur
système, le considérant comme menaçant et ne croyant pas à sa réussite.
iii) Les variables culturelles
La culture prend également une part importante dans ce phénomène. Les travaux de
FRANCESCO et de GOLD font ressortir que certaines cultures seraient plus ou moins réceptives
aux changements. HOFSTEDE va plus loin et identifie quelles pourraient être les caractéristiques
des pays ayant une propension plus grande au changement. Pour lors, il régnerait dans ces
cultures une distance élevée du pouvoir, un niveau d’individualisme faible et un évitement
important de l’incertitude. Ces différentes recherches ont qualifié les pays d’Amérique latine et le
Portugal comme ayant le profil type. Les pays anglo-saxons sont, à l’inverse plus tolérant à
l’égard du changement et de l’incertitude. Sur ce propos, Erik BATUT désigne la France, autrefois
nation de la Révolution, comme un pays où l’immobilisme et la recherche de stabilité relèvent
quasiment du dogme42
.
Plus le changement aura un impact sur ces facteurs collectifs et culturels, plus le risque de
résistance sera élevé. Si la dimension collective peut être gérée par un management adapté, il
reste difficile de modifier la dimension culturelle d’un groupe.
iv) Le pouvoir
« L’élément décisif du comportement, c’est le jeu de pouvoir et d’influence auquel participe
l’individu et à travers duquel il affirme son existence sociale malgré les contraintes. Or, tout
changement est dangereux car il met en question immanquablement les conditions de son jeu,
ses sources de pouvoir et sa liberté d’action en modifiant ou en faisant disparaître les zones
41
ALAIN M, Prendre en main le changement, stratégies personnelles et organisationnelles, Editions nouvelles, 1996.
42
Entretien batut
La compétence au cœur du changement organisationnel
41
d’incertitude pertinentes qu’il contrôle »43
. En effet dans un processus de changement,
l’environnement politique joue un rôle important et peut déterminer ou non le fait de changer. Ce
sont souvent les jeux de pouvoir et d’influence qui définissent si l’organisation est ou non
réceptive à un changement. CROZIER a d’ailleurs mis en avant cet aspect politique comme l’une
des causes principales de la résistance au changement. « Les membres d’une organisation ne
sont pas attachés de façon passive et bornée à leur routine. Ils sont tout à fait prêts à changer
très rapidement s’ils sont capables de trouver leur intérêt dans les jeux qu’on leur propose. Les
habitudes ont pour eux beaucoup moins d’importance qu’on ne le croit. En revanche, ils ont une
appréciation très raisonnable et presque instinctive des risques que peut présenter pour eux le
changement ». Comme dans la plupart des cas, l’individu va être sous l’influence d’une forte
autorité pour qui le changement ne convient pas. Des coalitions dominantes se créent et donnent
naissance à des résistances. La personne se trouve dans l’obligation de suivre le groupe et de
résister avec lui au risque de perdre son appartenance à ce groupe.
v) La conduite du changement.
La conduite du changement est reconnue par les entreprises comme une réelle compétence qui
prend une place de plus en plus grande. Les différentes personnes qui ont eu à gérer ces
activités savent qu’elles reposent sur des principes essentiels à ne jamais oublier. En effet, peu
importe la nécessité et l’intérêt du projet qui est à mettre en œuvre, les conditions pour réussir
les transformations seront les clés du succès. L’adhésion, la formation, le délai, les ressources et
la communication des informations doivent être les axes recherchés. Nous aurons l’occasion
d’expliquer l’importance de ces points plus loin dans notre étude.
vi) L’organisation
L’organisation peut elle-même être source de résistance au changement dans le sens ou
l’individu a intégré une structure et a développé une identité propre aux valeurs de ce sous
groupe. Cette cohérence entre l’organisation et son mode de fonctionnement est d’autant plus
importante que l’atteinte de ses objectifs ne peut se réaliser qu’en respectant les principes
organisationnels. Si la structure n’a jamais eu l’occasion de se changer ou qu’elle ne subit que
très peu de pression de l’environnement, il parait difficile de venir la modifier. Cette image semble
plus souvent se retrouver dans les administrations publiques ou les organisations qui ont à
connaître une fusion acquisition.
43
CROZIER M. et FRIEDBERG E., l’acteur et le système, Le seuil, 1997.
La compètence au coeur du changement organisationnel
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La compètence au coeur du changement organisationnel

  • 1. MASTER 2 RESSOURCES HUMAINES Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne LA COMPETENCE AU CŒUR DU CHANGEMENT ORGANISATIONNEL Mémoire soutenu par Omar MOUSSAOUI Sous la Direction de Monsieur Frédéric MARTEL Promotion 2009 / 2010
  • 2. La compétence au cœur du changement organisationnel 2 REMERCIEMENTS Je tiens à remercier vivement l’ensemble de la Direction et du corps enseignant du Master 2 Ressources Humaines qui m’ont accompagné pendant cette formation et qui m’ont permis d’acquérir des connaissances et des pratiques nécessaires qui, assurément, ne manqueront pas d’éclairer mon parcours professionnel et me permettre de mener à bien l’ensemble de mes futures missions. Mes remerciements vont également à l’ensemble de la Direction Ressources Humaines de BNP Paribas Assurance et plus particulièrement Madame Nadège COTTE et Monsieur Christophe LOUP. L’apprentissage que j’ai effectué, à leur coté, a réellement été source de professionnalisation et de montée en compétences. Cette expérience, ainsi que les personnes rencontrées resteront une grande source de satisfaction. Dans le cadre de ce mémoire, je tiens aussi à remercier Monsieur Fréderic MARTEL d’avoir accepté d’être le directeur de ce mémoire et de m’avoir apporté conseils et connaissances pour sa réalisation. Je témoigne toute ma gratitude à l’ensemble des personnes interrogées qui figurent dans ce mémoire et qui ont accepté de me consacrer le temps nécessaire pour apporter leurs expériences professionnelles à ma réflexion théorique. Enfin, j’adresse une attention particulière à toutes les personnes qui ont interagi de près ou de loin à ce devoir.
  • 3. La compétence au cœur du changement organisationnel 3 SOMMAIRE INTRODUCTION ………………………………………………………………………….…….………8 PREMIERE PARTIE : DE LA NECESSITE DE CHANGER 11 I. LE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL ………………………………………….……12 A. Le concept de changement ……………………………………………………….………..….12 1. Nature du changement ..……………………………………………………….…….…...…13 a) le changement b) le changement organisationnel 2. Perceptions du changement ……………………………………………………........………15 a) les conceptions du changement b) les degrés du changement B. Le changement organisationnel dans la théorie des organisations ……….....………….…18 1. l’école classique : organiser pour produire plus efficacement ……………………….….….18 a) la division technique du travail ou l’apport de la science b) la division administrative du travail ou la naissance du management c) une rationalisation de l’organisation ou la bureaucratie wébérienne 2. l’école des relations humaines ; motiver l’individu ………………………..………………20 a) Elton MAYO b) Chris ARGYRIS 3. l’école de la contingence ; adapter la structure …………………………………..………21 4. l’école sociologique ; mobiliser et faire participer ……………………………...…….……23 II. DE LA NECESSITE A LA DIFFICULTE DE CHANGER ……….……………….…………25 A. Motivations du changement ………………………………….…………………...……..……25 1. Les raisons du changement pour les individus ………………………………...…………26 a) la nécessité b) l’utilité c) l’intérêt 2. Les raisons du changement pour les entreprises ……………….…………………………28 a) facteurs externes - rupture technologique - contraintes réglementaires - environnement
  • 4. La compétence au cœur du changement organisationnel 4 b) facteurs internes ……………………………………………………....…………………..31 - rupture stratégique - culture d’entreprise - accroissement des connaissances - configuration de l’entreprise B. Le changement, une opération complexe …………….……………………………...…….…36 1. La résistance au changement …………………………………………………………….…36 a) un recours plus qu’un refus b) les causes de la résistance - l’individu face au changement - le collectif - les variables culturelles - le pouvoir - la conduite du changement - l’organisation 2. Le cycle du changement ………………………………………………………………….…42 a) les 3 phases de changement selon LEWIN b) les 5 phases de changement selon CARTON DEUXIEME PARTIE : LA FONCTION RH, OBJET ET ACTEUR DU CHANGEMENT 47 I. DEVELOPPER LA FONCTION POUR ACCOMPAGNER L’ORGANISATION 48 A. Un changement de fonction : l’individu au cœur du processus …………………….…..…49 1. La fonction RH dans l’entreprise …………………………………………………….…...…49 a) définitions b) le lien entre organisation et GRH 2. la prise en compte du facteur humain ……………………………………………….…..…53 a) les prémices de la fonction b) vers une dimension humaine c) vers une dimension sociale d) vers une dimension internationale e) une dimension complexe B. Un changement de rôle : la stratégie au coeur du processus …………….….…………...…59 1. facteurs d’évolution de la fonction RH ……………………………………….………….…59 a) environnement économique b) le marché de l’emploi c) le développement technologique 2. Devenir un partenaire stratégique …………………………………………….………….…61 a) la stratégie d’entreprise b) la contribution des RH à la stratégie - intégrer la dimension stratégique - intégrer la dimension client
  • 5. La compétence au cœur du changement organisationnel 5 II. LA COMPETENCE AU CŒUR DE LA FONCTION RH …………………………….……67 A. Théorie de la compétence ……..….……………………………………………..…….…….…67 1. La compétence, un concept complexe …………………………………….……….…….…68 a) tentative de définitions b) une compétence, plusieurs savoirs 2. Caractéristiques de la compétence ……………………………………………………….…71 a) une création organisationnelle b) le poids de l’environnement c) un produit de l’individu d) dimension sociale de la compétence B. La compétence, un avantage concurrentiel …………………. ………………..…………….…76 1. Compétence et stratégie ……………………………………………………………….……76 a) un enjeu stratégique b) un élément déterminant de la stratégie 2. La compétence, outil de la performance..…………………………………….……….……79 a) la reconnaissance de la compétence comme facteur de performance b) compétence et performance, une relation dynamique 3. La compétence, facilitateur du changement …………………………………………….…82 a) la compétence, un capital vivant b) De la qualification à la compétence ; le salarié acteur du changement c) la gestion des aléas et des incertitudes par la compétence TROISIEME PARTIE : LA COMPETENCE, LEVIER DU CHANGEMENT 88 I. LA GESTION DES COMPETENCES: Quand les compétences s’adaptent à l’organisation …………………………..……………….90 A. La GPEC, nouvel outil de gestion …………………………….………………………….90 1) Principe ……………………………………………………………………………….91 2) essor de la GPEC ………………………………………………………..……………92 3) cadre juridique …………………………………………..……………………………93 B. La conduite du changement grâce à la GPEC ……………………..…………………….95 1) anticiper les évolutions de l’organisation ………………….………………………95 2) adapter les emplois et les compétences ……………………………………………98 3) favoriser l’employabilité des salariés …….. ……………………………………..100
  • 6. La compétence au cœur du changement organisationnel 6 II. L’ORGANISATION APPRENANTE : Quand l’organisation découle des compétences ……………………………….…….………103 A. Une nécessité pour les entreprises en mouvement ……………………………..….…….104 1) De l’organisation apprenante à l’organisation qualifiante ………………………..…..105 2) Un changement continu plutôt que ponctuel ; l’apprentissage en double boucle d’Argyris et Schon ……………………………………...……107 B. Apports de l’organisation apprenante ………………………………………………………110 1) Apprentissage organisationnel ………………………………………….………………111 2) Apprentissage, qualité et changement ……………………………………………….…113 CONCLUSION .………………………………………………………………..…………………117 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ……………………………………… ANNEXES …………………………………………………………………………
  • 7. La compétence au cœur du changement organisationnel 7 AVANT PROPOS La réalisation de ce mémoire a nécessité un travail préparatoire de recherche qui nous a permis de porter une première réflexion sur le sujet. Cependant, la problématique de ce mémoire étant étroitement liée à la vie des organisations, une dimension plus concrète était requise. Nous avons donc approché des professionnels ayant été amené à connaître la question pour, à la fois, prendre connaissance de leur réflexion mais aussi bénéficier de leur expérience terrain (CF ANNEXE X) La problématique du changement pouvant être traitée sous plusieurs aspects, il nous paraissait pertinent de concevoir deux questionnaires; - L’un à destination des personnes ayant à conduire le changement - Le second à destination des personnes ayant à le « connaître » De plus, la réalisation de ces questionnaires a été structurée en deux parties ; - Une sur la démarche compétences au sein des entreprises - Une sur le phénomène de changement dans les entreprises Il est à signaler que les questionnaires composés de questions ouvertes ou semi- directives n’avaient pour vocation qu’à servir de trame pour les entretiens. En effet, nous avons pris le parti de privilégier la méthode de l’entretien pour deux raisons principales ; - laisser s’exprimer librement les personnes rencontrées - offrir à notre premier travail théorique une nuance professionnelle et ouvrir d’autres pistes de réflexion En outre, conformément aux exigences requises, certaines informations récoltées lors de ces entretiens pouvant parfois comporter un caractère sensible, nous assurons aux intéressés avoir respecté notre devoir de confidentialité. C’est la raison pour laquelle les résultats de certains entretiens seront retranscrits dans ce mémoire sous couvert d’anonymat. Enfin, ces entretiens nous ont amené à rencontrer des professionnels des ressources humaines comme des opérationnels qui ont eu la bienveillance de vouloir partager leur expérience et leur sentiment sur de nombreuses questions qui rythment notre quotidien. Une nouvelle fois, nous les remercions sincèrement pour la contribution qu’ils ont apportée à notre travail de recherche.
  • 8. La compétence au cœur du changement organisationnel 8 INTRODUCTION La fin du XX siècle a vu le poids des structures économiques s’accentuer par rapport à celui des états. D’après un rapport des Nations Unies en 2000, prés d’un tiers des entités économiques les plus riches étaient des firmes transnationales et non des pays. Dans nos sociétés, l’influence des entreprises grandit donc chaque jour. L’analogie avec une société politique paraît parfois troublante ; organisation hiérarchisée, pouvoir de décision centralisé, normes, sanctions, valeurs. Depuis quelques années, on constate même une similitude de problématiques entre celles des entreprises et des gouvernements ; responsabilité sociale, éthique, citoyenneté, égalité, diversité, handicap, gestion de la parentalité, santé etc. Si l’individu est fortement lié au monde de l’entreprise, il en est de même pour les états. En effet, les contributions professionnelles aux budgets des états leur confèrent un rôle de premier plan si bien que parfois, du politique ou de l’économique, on ne saurait dire vers qui penche le rapport de force. Preuve en est ; l’influence politique et législative exercée par certaines multinationales est entrée dans le langage commun sous le terme de « lobby ». Pis, cette activité est, comme aux Etats-Unis, institutionnalisée voire enseignée. Malheureusement, cette légalisation n’empêche pas les dérives qui résultent des accointances entre les intérêts financiers et le pouvoir. Le scandale de l’amiante en France ou plus récemment l’affaire Abramoff à Washington en sont de tristes illustrations. Si de telles extrémités peuvent être parfois atteintes c’est aussi, qu’à l’heure actuelle, les entreprises sont soumises à des contraintes de plus en plus fortes pouvant mettre à mal leurs intérêts économiques mais surtout la pérennité des emplois. Notre époque est marquée par d’importantes mutations socio-économiques qui affectent les individus comme les entreprises. De toute part, l’environnement s’est modifié. En terme politique d’abord ; les guerres mondiales ne sont pour la plupart que des faits d’Histoire, la démocratie ne cesse de se développer, le capitalisme a eu raison du communisme et les frontières se font plus transparentes. Ces facteurs sont à l’origine d’un des mouvements les plus importants de l’humanité ; la mondialisation. Désormais, les nations partagent des liens d’interdépendance sur les plans politique, sociologique, culturel et économique. Le terme a d’ailleurs une connotation fortement économique dans la mesure où il est souvent utilisé pour désigner les échanges de biens et de services, de main d’œuvre mais aussi de connaissances. Dans le cadre de cette
  • 9. La compétence au cœur du changement organisationnel 9 économie globalisée, le monde du travail et les entreprises doivent faire face à un environnement concurrentiel qui les oblige certes, à être rentable, mais encore plus, compétitifs. De plus, cette recherche de performance s’effectue sous la contrainte de nouvelles exigences qui accélère le rythme des décisions à prendre ; financiarisation des entreprises, prise de pouvoir des actionnaires, volatilités des marchés, exigence des clients, technologies aussitôt obsolètes… La réactivité n’est plus un avantage mais une nécessité. Déjà, en 1984 Hannan et Freeman affirmaient que : « si l’entreprise ne s’adapte pas alors le marché l’élimine et la remplace par une autre organisation mieux appropriée »1 . Ainsi, et encore plus aujourd’hui, les organisations sont appelés à adapter leur produit, leur structure, leur management et leur mode de travail pour répondre aux exigences actuelles. Qu’il s’agisse de mettre en place un nouvel outil informatique, de fusionner avec un concurrent, de changer de stratégie ou de modifier son fonctionnement, l’expérience montre que les entreprises les plus avantagées sont celles qui ont su se renouveler. Or, pour que les organisations changent, il faut aussi et surtout que les gens qui la composent changent aussi. En effet, sans le concours du facteur humain, à la base de tout, ces défis ne peuvent être relevés. Par conséquent, il est un phénomène incontournable de la gestion des ressources humaines qui prend chaque jour plus d’importance et qui devient pour les entreprises à la recherche de compétitivité la rançon de leur succès ou de leur survie ; la gestion du changement. Dans les organisations, le changement est souvent attribué à des déterminants extérieurs. On cite souvent la technologie, la concurrence, le marché. Le collaborateur sur son poste de travail ne recevrait que cette contrainte de manière passive et n’aurait pas d’influence. Or, la vie quotidienne des entreprises ne cesse de montrer qu’il est en fait l’acteur principal des changements. Si, foncièrement, son approbation n’est pas recueillie ou que des réserves à l’égard du projet subsistent, celui-ci est en mesure de bloquer de multiples façons les mouvements décidés en haut lieu. C’est de la conviction que l’individu est un acteur actif et central dans les entreprises que se trouve la source de ce mémoire. Désormais, l’entreprise n’a plus intérêt à considérer ses ressources humaines comme des objets de domination ni comme des facteurs de production à rationaliser. Le salarié doit être envisagé comme un partenaire de l’entreprise qui l’aide à atteindre ses objectifs. Il y a donc clairement une opposition entre les deux visions. D’un coté, celle des contraintes écrasant toute indépendance et celle d’une autonomie qui existe malgré ces contraintes. 1 HANNAN Michael et FREEMAN John, Structural inertia and organizational change, American sociological review, 1984.
  • 10. La compétence au cœur du changement organisationnel 10 Il parait dès lors intéressant de savoir dans quelle mesure les deux parties peuvent trouver des intérêts communs pour vivre et conduire ensemble les changements. Dans le cadre de notre étude, nous développerons l’idée que l’une des solutions à cette problématique se trouve dans la compétence. Nous démontrerons que son développement permet à l’entreprise de disposer et de piloter des ressources capables d’évoluer dans l’environnement qu’elle aura à traverser. Dans le même temps, la démarche compétence permet à l’entreprise de répondre aux attentes des salariés en termes de gestion de carrières, de formation et de rémunération. Grâce à la compétence, la place que prend l’individu dans son travail s’éloigne des considérations tayloristes. Il est plus facilement valorisé et reconnu pour son action. Dans un contexte économique difficile, la compétence, bien plus qu’un concept générique et actuel, constitue un outil opérationnel nécessaire et utile au management des entreprises. En outre, l’objet de ce devoir est également de soutenir que le challenge de conduire les changements doit devenir l’une des missions principales de la fonction ressources humaines si elle veut asseoir son rôle stratégique dans l’entreprise. Dans un premier temps, nous nous intéresserons à la problématique du changement dans les organisations en nous demandant quelles sont les forces qui poussent les entreprises à évoluer et pourquoi l’action de changement n’est pas toujours couronnée de succès (I). Cette étude nous amènera ensuite à comprendre comment la fonction ressources humaines a du se transformer pour être l’acteur qui, dans les entreprises, peut conduire ces changements. Pour poursuivre ce but, elle doit se reposer sur « l’objet » de son activité ; l’individu. Celui-ci possède en lui-même les vertus capables d’accompagner efficacement toutes les évolutions nécessaires à la pérennité de l’entreprise. Il est donc naturel que les entreprises se tournent vers la gestion des compétences comme la nouvelle source d’avantage concurrentiel et l’ultime déterminant du succès organisationnel (II). Enfin, nous proposerons, en nous appuyant sur le modèle de la compétence et de l’apprentissage, les outils qui peuvent permettre la facilitation du changement (III).
  • 11. La compétence au cœur du changement organisationnel 11 PREMIERE PARTIE DE LA NECESSITE DE CHANGER Aujourd’hui, le monde des organisations se trouve confronté à un environnement en mutation constante où règnent la concurrence et la recherche de profits rapidement acquis. L’enchaînement des tâches répétitives et fortement spécialisées à laissé peu à peu la place au travail en équipe et au management par projet. Dans ce contexte, la polyvalence et la flexibilité deviennent des qualités essentielles voire nécessaires. En effet, les collaborateurs sont sollicités pour mettre en place des changements de toute nature à un rythme soutenu et dans des délais de plus en plus courts. Ainsi, nous nous attacherons en premier lieu à comprendre ce que recouvre la notion de changement et plus particulièrement celle de changement organisationnel. Nous verrons qu’au travers de l’histoire économique, cette notion n’a cessé d’évoluer et continue de nos jours. Pour réussir les changements, il ne suffit pas de les faire figurer dans les objectifs managériaux ou de les imposer par la contrainte. Il faut savoir préparer le terrain et avoir les notions nécessaires en matière de changement pour garantir la bonne mise en œuvre des projets car les échecs sont courants et les conséquences durables. La résistance au changement fera donc l’objet d’une seconde partie en tentant de comprendre en quoi sa portée peut elle être un facteur prépondérant d’échec à un projet de changement organisationnel.
  • 12. La compétence au cœur du changement organisationnel 12 I. LE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL Les contraintes économiques, la modernisation, la recherche d’efficience des ressources, la résolution de dysfonctionnements internes entraînent des actions de changement. Le changement constitue dans l’univers des organisations un thème majeur autant que difficile à appréhender en raison de son caractère multiple et complexe. Il inclut la modification des structures existantes mais aussi et surtout les changements individuels qui en découle. Le changement n’est jamais le même pour tous. Pour comprendre pourquoi le management des entreprises doit porter attention à cette problématique, il semble pertinent de définir la notion et ses différentes acceptions. Les organisations ont connu de multiples bouleversements depuis la Révolution Industrielle pour s’adapter au contexte économique. Un retour sur la littérature organisationnelle nous permettra de constater qu’avec le temps, les structures et le rôle de l’individu dans celles-ci ont profondément évolué. A. Le concept de changement Le changement peut prendre des formes multiples selon son étendue, sa profondeur et son rythme. Il peut être global ou partiel, majeur ou marginal, progressif ou rapide. Il y a de ce fait différentes approches possibles du changement quant à sa nature et son ampleur qui peuvent conduire à des termes aussi divers que mouvement, ajustement, modification, évolution, innovation, transformation, mutation, rupture ou métamorphose. Il n’en demeure pas moins qu’il constitue une préoccupation importante des entreprises et qu’il demande donc une attention particulière pour en comprendre les mécanismes et spécificités.
  • 13. La compétence au cœur du changement organisationnel 13 1. Nature du changement a) le changement De manière générale, on peut définir le changement comme une modification significative d’un état, d’un système de relations ou de situations de l’entreprise, dont les éléments affectent les différents acteurs de l’organisation (actionnaires, dirigeants, managers, collaborateurs). Bien que le terme de changement soit largement répandu, il nous semble essentiel, à des fins de compréhension, de revenir dessus et d’éclaircir les contours de cette notion. En effet, dans les sciences de gestion le terme « englobe de nombreuses significations différentes. Changer, c’est tout à la fois devenir, s’adapter, s’ajuster et se transformer »2 . La définition officielle du petit Robert l’entend comme « l’état de ce qui évolue, se modifie, ne reste pas identique ». La notion de changement introduit donc l'idée de passage d'une situation à une autre. C’est également dans cet esprit que le présente Vandangeon-Demuez Isabelle : « le changement marque le passage d'un état 1 à un état 2 permettant de déterminer les convergences et les divergences et d'aboutir à un choix, à un dialogue ou à une réflexion »3 . De plus, cet auteur considère que « le changement tend à devenir la règle et la stabilité, l'exception ». Cette remarque, trouvant également écho dans le milieu professionnel, s’est vérifiée lors des entretiens relatifs à cette étude. Ainsi, Agnès ROBIN, responsable ressources humaines, estime que l’entreprise doit évoluer au quotidien et que la fréquence, de plus en plus élevée de ces changements, a pour avantage de les rendre moins douloureux et donc plus efficace. 4 Pour d’autres, ce qui est principalement recherché lors d’un changement est la constitution d’un nouvel équilibre. Ainsi, RAYNAL le considère comme « un phénomène interactif entre un acteur, un système et un environnement. Ce phénomène est déclenché par un stimulus provoquant un écart, un décalage, une rupture ou un déséquilibre »5 . Il est donc ici question de retrouver une stabilité. De leur côté, COTE, JOCELYN et BELANGER l’analysent comme « le passage d’un état actuel à un état désiré, d’une situation originale actuelle, jugée inadéquate, à une autre considérée comme plus adaptée, qui répond mieux aux exigences du milieu ou aux nouvelles aspirations des personnes concernées »6 . 2 BEAUDOIN Pierre, La gestion du changement, Libre expression, 1990. 3 VANDANGEON- DEMUEZ Isabelle, La dynamique des processus de changement, Revue Française de Gestion, n°120, Septembre - octobre1998. 4 Entretien Madame ROBIN, responsable ressources humaines 5 RAYNAL Serge, Le management par projet ; approche stratégique du changement, Ed. D’organisations, 1998. 6 BELANGER Laurent, COTE Nicole et JACQUES Jocelyn, La dimension humaine des organisations, G. Morin, 1994.
  • 14. La compétence au cœur du changement organisationnel 14 Ces premières définitions nous permettent de constater que la notion de changement englobe plusieurs éléments complémentaires. Cependant, dans le cadre de notre discussion, nous allons davantage cibler le concept de changement organisationnel. b) Le changement organisationnel Nous entendrons le changement organisationnel comme celui ayant lieu en entreprise, et visant à modifier sa structure, son fonctionnement voire ses activités. Il désigne donc la démarche qui accompagne la vie de l’entreprise face aux mouvements de son environnement. Cette organisation est constituée des différents moyens matériels et humains, agencés de telle manière à ce que les objectifs prédéfinis soient atteints. Nous changeons donc pour réussir. De nouvelles définitions introduisent d’autres critères : « le changement réside dans toute modification relativement durable dans un sous système de l’organisation pourvu que cette modification soit observable par ses membres ou les gens qui sont en relation avec ce système »7 . D’après MESTON et GROUARD, il s’agit du « processus de transformation radicale ou marginale des structures et des compétences qui ponctue le processus d’évolution des organisations »8 . Ces apports nous permettent donc de comprendre que le changement doit être à la fois observable, peu importe qu’il soit minime ou non, et non éphémère. Au cours de son histoire, le changement organisationnel a été perçu de multiples manières et parfois même de façon contraire. Synonyme à la fois de croissance et de crise, il est le reflet de son époque et des espoirs que l’on porte en lui. Dans un premier temps, le changement a été synonyme de croissance et d’adaptation. La fin de la seconde Guerre mondiale a ouvert une ère où l’économie était stable et croissante, l’environnement prévisible, et le changement graduel et continu. La théorie des organisations développa la théorie de la croissance, celle du cycle de vie ou encore du développement organisationnel. L’organisation était considérée comme un outil manœuvrable par les dirigeants. La situation économique connaît un tournant durant les années 1970. Les trente glorieuses sont vaincues par deux crises pétrolières, le réveil de l’économie asiatique et la montée de la concurrence internationale. C’est la période de l’ère économique et de la loi du marché. C’est aussi le moment des premières privatisations d’Etat. DEMERS va même jusqu’à qualifier cette époque de « période de mort ou de la transformation»9 . Les changements se retrouvent donc associés à des événements dramatiques, aux crises et n’ont plus la connotation positive d’antan. 7 COLLERETTE Pierre, DELISLE Gilles, PERRON Richard, Le changement organisationnel : théorie et pratique, Presses de l’université du Québec, 1997. 8 GROUARD Benoît et MESTON Francis, L’entreprise en mouvement, Dunod, 1998. 9 DEMERS Christiane, De la gestion du changement à la capacité de changer : l’évolution de la recherche sur le changement organisationnel de 1945 à aujourd’hui, Gestion vol.24, septembre 1999.
  • 15. La compétence au cœur du changement organisationnel 15 Ils sont menés de manière très radicale et dans la plus grande précipitation. A fortiori, l’organisation échappe aux manipulations des dirigeants car elle appartient à l’environnement. Depuis les années 1980 et jusqu’aujourd’hui, le changement dans les organisations est une réalité quotidienne et non plus un événement soudain et temporaire. On peut affirmer que la seule chose prévisible est le changement. Dans un contexte de mondialisation, de précarisation de l’emploi et de bouleversements permanents, le changement doit devenir un facteur de croissance et d’innovation. Il n’est plus le monopole des dirigeants mais appartient à tous les membres de l’organisation qui peuvent et même doivent être les initiateurs de ce changement. 2. Perceptions du changement a) Les conceptions du changement Il est possible de distinguer trois approches à l’origine du changement : Le courant déterministe prête aux facteurs externes l’initiative du changement. Les forces exogènes sont l’environnement, qu’il s’agisse de la concurrence, la législation, le politique, l’économie, la clientèle etc. L’organisation et ses membres ne contrôlent pas ces forces. Ils subissent et doivent réagir pour s’adapter. Les partisans de cette démarche se retrouvent dans le courant de l’écologie des populations d’organisations qui s’intéressent à l’environnement et à ses conséquences sur la vie organisationnelle. Dans cette perspective, HANNAN et FREEMAN affirment que « l’environnement reste la première cause du changement organisationnel »10 . On peut répliquer à cela en affirmant que les causes du changement peuvent être internes à l’organisation. Telle est la thèse du courant volontariste. Les entreprises sont, dans ce concept, actives voire proactives et décident en étudiant différents facteurs de mener les actions leur permettant « d’améliorer une situation ou d’anticiper une dégradation de celle-ci »11 . Ainsi, Thomas BOWER « attribue les causes du changement organisationnel aux actions et choix stratégiques des managers et aux processus de décisions associés à ces actions et à ces choix ». Enfin, il est possible d’apprécier simultanément la nécessité du changement au regard des deux forces ; exogènes et endogènes. En effet, les partisans du courant transversal remirent en cause cette distinction interne/externe et proposent comme alternative « le réseau 10 HANNAN Michael et FREEMAN John, The populations ecology of organizations, American journal of sociology,1977 11 GROUARD Benoît et MESTON Francis, L’entreprise en mouvement, Dunod, 1998.
  • 16. La compétence au cœur du changement organisationnel 16 d’interdépendance »12 . Le changement est donc la combinaison de l’interaction entre les deux forces. Dans son ouvrage Eloge du changement, CARTON résume parfaitement cette idée : l’origine du changement a un impact fort sur son déroulement. La présence d’une force exogène est un facteur de facilitation car cela renforce la nécessité perçue du changement ; la présence d’une source interne va le plus souvent dans le sens de l’intérêt du changement ; l’ajustement exogène-endogène renforce l’utilité perçue du changement »13 Cette dernière approche est celle qui semble être d’actualité dans nos entreprises. Le changement n’est plus un événement rare et bouleversant. Il « fait partie de notre quotidien »14 selon Mr LOUP et relève de tous les membres de l’entreprise. b) les degrés de changement. L’une des caractéristiques du changement est qu’il concerne de multiples domaines comme en témoignent les travaux de BATESON15 . Au cours de ses recherches, il met en évidence deux types de changements dans les systèmes humains : - Le changement reproducteur ou évolutionnaire qui intervient à l’intérieur du système et qui permet, par la mise en place d’actions correctrices, de maintenir l’équilibre. - Le changement transformateur ou révolutionnaire qui bouleverse le système et le modifie. Parmi ces deux grands types de changements, la théorie de changement organisationnel est venue rajouter différents degrés. Le réglage et la réforme sont du ressort de l’évolution quand la révolution comprend la restructuration et la refondation. Le réglage consiste à intervenir sur un mécanisme existant afin de corriger une erreur ou un dysfonctionnement. C’est un changement limité dans la mesure où la suppression du dysfonctionnement n’est pas recherchée. La réforme cherche à améliorer une performance que l’on juge soit trop modeste soit en risque. Là encore, la structure n’est pas modifiée mais simplement améliorée. La restructuration est un changement car elle va apporter une nouvelle forme à la structure. Cependant, seuls quelques secteurs de la structure, jugés inefficaces, seront remplacés. La refondation est l’ultime acte de changement. Souvent provoquée par des situations financières critiques, elle remet à plat, les structures, la culture, le management et l’ensemble des systèmes. 12 QUINN Robert et CAMERON Kim, Diagnosing and changing organizational culture, Addison-Wesley, 1999. 13 CARTON Gérard Dominique, Eloge du changement, Pearson Education France, 2006. 14 Entretien LOUP 15 BATESON Gregory (1904-1980). Zoologue, anthropologue et psychosociologue américain. Il est l’un des fondateurs de l’école de Palo Alto qui s’est intéressée à la psychologie et la communication.
  • 17. La compétence au cœur du changement organisationnel 17 Une autorité extérieure et puissante est nécessaire pour imposer ce changement. Pour exemple, on peut citer « l’événement » de l’entreprise Orange France Telecom qui à la suite d’une situation économique défavorable (chiffre d’affaire en baisse en 2009 alors que le secteur des télécommunications reste en plein essor) et d’une crise sociale plus que funeste, a connu la nomination d’un nouveau directeur général (nommé par l’Etat en tant qu’actionnaire principal). "Nous allons entamer un travail de refondation de l’entreprise pour donner de nouvelles perspectives" : Tels sont les mots de Stéphane RICHARD, en février dernier, lors de la présentation de son nouveau comité exécutif comprenant de nouveaux profils.
  • 18. La compétence au cœur du changement organisationnel 18 B. Le changement organisationnel dans la théorie des organisations La notion d’organisation évoque la façon dont une entreprise fonctionne pour atteindre ses objectifs. Les moyens et personnes sont combinés, hiérarchisés et disposés de manière différente selon la volonté des directions. Une organisation ne reste jamais fixe. Elle ne cesse d’évoluer. Le changement constitue donc un thème majeur de la théorie des organisations. Née au début du XXème siècle, à la suite de la seconde Révolution Industrielle, cette matière a pour objet de recenser et développer l’ensemble des connaissances que les entreprises, en plein essor, ont besoin pour organiser, planifier et coordonner leurs activités. Plusieurs grands courants ont été crées, souvent en réaction au précédents, mais tous ont contribué à une meilleure compréhension des enjeux et des fonctionnements des organisations. Pour nous permettre de comprendre pourquoi le changement est traité différemment selon les époques et les courants de pensée, il est nécessaire de faire un rappel des théories essentielles des organisations et du rôle qu’elles ont attribué à l’individu. 1. l’école classique : organiser pour produire plus efficacement (1900-1930) a) la division technique du travail ou l’apport de la science Le but est de maximiser le système technique pour produire en plus grand nombre et avec une efficacité croissante. C’est l’ère de la gestion par la science où les ingénieurs sont les maîtres d’œuvres et dictent leurs pensées. Ils proposent un modèle d’organisation analytique, empirique et normatif. L’auteur le plus célèbre est Frederick TAYLOR, qui dans un souci de rationalité conçoit l’organisation comme un outil aux services d’objectifs déterminés : l’organisation scientifique du travail. Ce taylorisme fut par la suite poussé à l’extrême par le fordisme. Règne une parcellisation du travail par une division horizontale et verticale du travail. Les cadres pensent pour les ouvriers, qui doivent exécuter leurs taches avec précision. Le but de ce taylorisme était d’augmenter la valeur ajoutée car les désaccords étaient nombreux sur la répartition des recettes de l’entreprise. Ce système devait avoir pour vertu d’augmenter la valeur ajoutée et il deviendrait donc « inutile de se quereller sur son mode exact de répartition »16 . Or, la double division du travail ne tarde pas à connaître ses limites ; aliénation, monotonie, désintérêt entraînent une déshumanisation et des conflits encore plus grands. De plus, ce type d’organisation, s’il peut convenir dans un environnement stable ne l’est pas en période de mouvement. Le manque de flexibilité de la structure la fige et l’inadaptation à l’environnement la met en risque. 16 TAYLOR Frederick Winslow, La direction scientifique des entreprises, 1912.
  • 19. La compétence au cœur du changement organisationnel 19 b) la division administrative du travail ou la naissance du management Considéré comme l’un des pères du management, Henri FAYOL est le représentant de l’école classique de gestion. Il déplore que les dirigeants ne soient pas formés à la fonction administrative des entreprises, selon lui la plus importante. Il fait de la gestion une profession à part entière, que l’on nomme aujourd’hui management. Il considérait que les mêmes principes de management pouvaient s’appliquer dans toutes les entreprises. Cette fonction est selon lui, la seule que ne puisse pas déléguer un dirigeant. Il classe les fonctions des entreprise en six catégories ; commerciale, technique, financière, sécurité, comptabilité et administrative17 . De plus, ses travaux le mènent à établir 14 principes de gestion qui sont ses recommandations aux dirigeants. Il ressort de toutes ces règles qu’il faut prôner l’autorité du chef, la division du travail et l’unité de commandement. c) une rationalisation de l’organisation ou la bureaucratie wébérienne Weber en étudiant l’administration publique se rendra compte que le système de l’autorité est fondé sur la personne et non sur des éléments purement objectifs. Il distingue la légitimité traditionnelle fondée sur l’héritage, la légitimité charismatique et la légitime rationnelle-légale. Cette dernière trouve grâce à ses yeux et est la meilleure forme d’organisation humaine. Cette bureaucratie allie la loi à la raison scientifique et ne se fonde pas sur la tradition et le sacré. Il propose ce modèle ou toutes les fonctions sont structurées rationnellement et hiérarchiquement. Ce n’est pas l’individu qui compte mais son poste. Pour WEBER18 , l’administration bureaucratique doit répondre à plusieurs critères tels que la hiérarchie, le formalisme, la spécialisation des fonctions et la concentration de l’autorité. Ce modèle s’il possède les bénéfices de respecter une équité très forte, d’apporter une certaine efficacité et de prévoir les actes à venir, comporte également ses points faibles ; une très grande rigidité rendant le changement très compliqué, des luttes de pouvoirs, démotivation ou faible capacité à traiter les cas particuliers. Ce courant est marqué par son attachement très fort à la rationalisation des fonctions et par son fonctionnement dans un système fermé qui ignore son environnement. La crise de 1929 va venir bouleverser ce courant. 17 FAYOL Henri, L’administration industrielle et générale, Dunod, 1916 18 WEBER Max, L’étique protestante et l’esprit du capitalisme, Plon, 1972.
  • 20. La compétence au cœur du changement organisationnel 20 2. l’école des relations humaines ; motiver l’individu (1930-1960) Cette seconde phase va quitter le postulat mécaniste et mettre au cœur de l’entreprise une dimension plus humaine. La motivation et le bien être des individus sont désormais vus comme des acteurs de performance favorables à l’atteinte des objectifs. Le système reste fermé mais l’approche devient sociale. Plusieurs courants vont venir traverser cette époque. a) Elton MAYO Psychologue et sociologue australien, il est l’un des fondateurs du mouvement des relations humaines et de la sociologie du travail19 . Critique du taylorisme, il insiste sur les conséquences négatives de la fatigue et de la lassitude au travail et met en lien la productivité et le moral des ouvriers. Le point de référence de ses travaux se trouve dans ses expériences de Hawthorne. L’usine de Western Electric est une usine de fabrication de téléphone près de Chicago. Pendant près de cinq ans, il mène sur deux groupes travaux et entretiens pour vérifier si les conditions matérielles de travail favorisent la productivité. Il en résulte un accroissement de la productivité sur les deux groupes. Mayo conclut que les individus ne sont pas uniquement intéressés par les conditions matérielles ; ils souhaitent être reconnus, valorisés dans leur travail et entretenir de bonnes relations. Il conclut donc qu’il faut comprendre l’organisation comme un « système social » et prendre en compte la qualité des relations entre individus dans la motivation. On prône un management participatif, par objectif, des équipes projets ou bien une implication dans la prise de décision et des résultats. b) Chris ARGYRIS Il contribuera également à la popularité de ce courant en liant l’individu à l’organisation. Il soutient que l’organisation a un rôle important à jouer dans la motivation et la performance de ses membres. Tous les salariés ont un potentiel qui peut être multiplié par les opportunités que lui donne l’organisation. La compétence et l’estime de soi doivent être selon lui, des leviers qui profiteront à l’organisation. L’amélioration des structures organisationnelles et leur bon fonctionnement passent par l’élargissement des tâches et l’accroissement des responsabilités des individus. Il est l’un des premiers à prendre en compte le changement et à comprendre que les transformations organisationnelles seront continues. Au lieu d’essayer de le prévoir ou de 19 MAYO Elton, The social problems of an industrial civilization, Harvard University, 1945.
  • 21. La compétence au cœur du changement organisationnel 21 l’éviter, il faut plutôt l’accompagner. A partir de ce postulat, il bâtira une théorie de l’apprentissage individuel et organisationnel. Ses travaux seront développés plus tard dans notre étude. Cette période est également marquée par l’école de la prise de décision, l’école néoclassique et l’école sociotechnique. Sans réellement approfondir leurs travaux, nous reviendrons sur ces écoles pour compléter notre étude. L’école de la prise de décision vient compléter l’école classique et celle des relations humaines pour accentuer l’étude sur les processus décisionnels des dirigeants. Pour cette école, les dirigeants sous le poids d’un contexte organisationnel fort ont tendance à ne pas rechercher la solution optimale mais la première qu’il juge satisfaisante. Simon Herbert avec sa théorie de la rationalité limitée en sont les figures. L’école néoclassique voit le jour après la seconde guerre mondiale et s’inspire de la théorie classique en utilisant les acquis de l’école des relations humaines. Caractérisée par son pragmatisme, elle est à la recherche de principes universels. Les postulats de ce courant sont la maximisation des profits la décentralisation des responsabilités, la direction par objectifs, le contrôle par analyse des écarts, la motivation par la compétitivité et la réduction des coûts et des délais. C’est à travers ce courant que se développent les théories japonaises de la qualité. L’école sociotechnique est issue des travaux du Tavistock Institute de Londres. Elle considère l’organisation comme un système résultant de l’interaction entre l’environnement, la technique et le social. Cette approche remet en cause le principe qui faisait correspondre une organisation à une forme de technologie. Il existe désormais plusieurs possibilités. L’école de la contingence va s’inscrire dans ce prolongement. Les relations humaines ont permis de prendre en considération le facteur humain en entreprise. La crise économique de 1929 a contribué à modifier certaines perspectives théoriques. La rationalité totale qui avait prévalu jusqu’à cette époque fut durement remise en cause par les réalités sociales, économiques et politiques. L’analyse simpliste laissait soudain entrevoir des niveaux de complexités insoupçonnés. 3. l’école de la contingence ou systémique ; adapter la structure (1960-1980) En réaction à la théorie classique recherchant le « one best way », cette école formule des solutions en rapport avec l’environnement de l’entreprise et ses particularités. Il n’existe pas une seule et bonne façon de faire les choses. La structure est reliée à des facteurs comme la technologie, l’environnement ou la stratégie. La nouveauté consiste à considérer l’organisation comme un système ouvert sur l’environnement donc soumis aux aléas et aux incertitudes liés à cet environnement.
  • 22. La compétence au cœur du changement organisationnel 22 La flexibilité est le maître mot de cette école et l’environnement devient un facteur primordial pour déterminer quelle forme prendra l’organisation. « A des situations diverses et variables peuvent correspondre des modes d’organisation divers et variables. Cette contingence est dite contingence structurelle car les changements dans les variables vont essentiellement affecter la structure de l’organisation. Donc, à divers états de ces variables correspondent divers modèles optimum d’organisation et non plus un seul »20 . Les travaux de BURNS et STACKLER21 ont permis de distinguer deux types d’organisations et de structure d’entreprise. Les organisations mécanistes qui ont une structure plutôt rigide et vivent dans des environnements stables. Celles-ci sont caractérisées par des taches standardisées et spécialisés, des procédures formalisées, l’observation de directives, des décisions prises au sommet de la structure et une importance de la position hiérarchique. Les organisations organiques ont une structure souple pour un environnement dit instable. Elles sont caractérisées par des tâches plus floues et moins définies, une communication latérale, une reconnaissance de l’expertise, une autorité décentralisée et une valorisation individuelle fondée sur la contribution personnelle. Cependant, ils n’établissent pas une organisation supérieure à l’autre. Pour cause, une organisation n’est jamais totalement mécaniste ou organique. L’école de MINTZBERG va venir apporter une unité aux théories de la contingence en synthétisant les différentes approches et en dressant une typologie des organisations en fonction des différents types de contingence. Il identifie quatre facteurs de contingence qui sont : - L’âge et la taille de l’organisation ; plus l’organisation est ancienne et sa taille grande, plus son comportement est formalisé et sa structure élaborée. - Le système technique de production ; l’organisation est influencée par les produits réalisés. - L’environnement doit être pris en compte pour structurer l’organisation. Selon MINTZBERG : « Plus l’environnement est dynamique, plus la structure est organique. Plus l’environnement est complexe, plus la structure est décentralisée »22 . - Le pouvoir : une organisation en général tend à centraliser le pouvoir au niveau du sommet et à formaliser son comportement. Par cette école, on passe d’un modèle fermé et social des relations humaines à un modèle ouvert et rationnel. Il n’y a plus d’organisation idéale. Les managers doivent adapter la structure aux contraintes de l’environnement. La gestion se fait tout de même par une approche rationnelle comme le contrôle des coûts, la recherche d’informations et d’arrangements. 20 ROJOT Jacques, Théorie des organisations, Edition Eska, 2005. 21 BURNS Tom et STALKER G.M, The management of innovation, Oxford University Press, 1961. 22 MINTZBERG Henry, Le management, voyage au centre des organisations, Editions d’Organisations, 1998.
  • 23. La compétence au cœur du changement organisationnel 23 4. l’école sociologique ; mobiliser et faire participer (1980 à nos jours) La phase que nous vivons actuellement prend à la fois en compte les apports de la théorie des relations humaines, à savoir le facteur humain et les apports de la théorie de la contingence, à savoir un système ouvert. La survie des entreprises est devenue difficile parce que l’environnement est devenu très complexe et soumis à des forces de plus en plus rudes. On parie donc sur « l’acteur social complexe »23 pour gérer les situations instables. Le formalisme, cher à la bureaucratie classique disparaît pour laisser place à l’initiative, au mouvement et à la prise de risque. Face aux changements, les entreprises très formalisées peuvent certes obtenir des résultats intéressants mais courent un grand risque en période de mouvement. La mobilisation de tous les acteurs est recherchée. Le management participatif est vendu comme la solution contre les problèmes de qualité et de compétitivité des entreprises. La culture apparaît comme un levier de motivation et d’adhésion. Les directions communiquent largement leur projet d’entreprise. La communication interne connaît ses beaux jours et s’affirme comme une fonction majeure dans les entreprises. L’engouement pour la « culture » comme variable décisive du fonctionnement des organisations provient sans doute des difficultés économiques rencontrées ces dernières années. Les solutions technologiques, économiques et structurelles se révèlent impuissantes ou insuffisantes pour sauver les entreprises en difficulté. La culture et les valeurs communes doivent permettre de se regrouper autour des objectifs communs qui sont hissés comme étendard lorsque des turbulences viennent perturber les structures de l’organisation ou lors de la constitution d’équipes projets. En effet, l’adhocratie est une réponse aux situations complexes et incertaines que connaissent les organisations. Les groupes projet ainsi formés se caractérisent par une large autonomie, un faible formalisme, une hiérarchisation moins forte et une coordination assurée par un ajustement mutuel. Cependant, cette situation va demander des compétences multidisciplinaires de la part des salariés, un intérêt collectif partagé par tous et de fortes capacités d’adaptation. 23 CROZIER Michel, L’acteur et le système, Le Seuil, 1977.
  • 24. La compétence au cœur du changement organisationnel 24 A travers ce retour sur la théorie, nous avons pu constater que chaque école a fortement été influencée par certains moments historiques. Loin d’avoir totalement disparue, la théorie classique est plus que jamais présente dès qu’un groupe humain constitue une organisation. Si cette rationalité permet d’accroître la production, la limite apparaît tôt ou tard. En cela, les ressources infinies que possèdent les individus semblent être un indice à la réponse. L’autre enseignement que nous pouvons tirer se situe dans la désormais nécessaire capacité des organisations à appréhender le changement. Certaines avancées théoriques nous permettent de concevoir l’efficacité et la pérennité de l’organisation comme une résultante majeure de sa capacité de changement.
  • 25. La compétence au cœur du changement organisationnel 25 II. DE LA NECESSITE A LA DIFFICULTE DE CHANGER Le changement fait partie de la vie quotidienne des personnes et des organisations. Au sein des entreprises, on a cependant l’impression que les changements mineurs ou majeurs se font de plus en plus fréquents. Ce qui a en fait profondément changé au cours des dernières années, c’est le climat dans lequel doivent s’effectuer ces changements. L’incertain et le complexe sont entrés dans la sphère professionnelle, pourtant réputée être l’antre de la rationalité et de la prévision. Plus que jamais, pour résister aux offensives de la concurrence, l’adaptation et la transformation sont des actions inévitables. Cependant, le changement n’est pas une action qui se décrète et s’exécute linéairement. Il fait intervenir la personnalité même des gens qui ont à les conduire ou les subir. Les conséquences peuvent être désastreuses. Ainsi, l’étude du cabinet A.T Kearney montre que plus d’une fusion-acquisition sur deux est un échec et ne crée pas de valeur escomptée. Dans un premier temps ; nous nous attacherons à comprendre ce qui pousse ces firmes à vouloir changer pour ensuite nous intéresser aux résistances qu’elles peuvent rencontrer dans la poursuite de ce projet. A. Les motivations du changement Pourquoi changer ? Lorsqu’une situation convient à la majorité des acteurs, le désir de conserver le système tel qu’il est, est généralement plus fort que celui d’évoluer. On ne compte plus le nombre de projets rester vains en raison d’une résistance provenant d’une partie. Les aspects psychologiques prennent une part primordiale dans l’implication des changements. De l’annonce du changement à la fin du projet, les collaborateurs passent par des phases plus ou moins positives pour eux ou pour le déroulement du projet. Toutes sont nécessaires dans le processus de transformation. Cette partie propose de comprendre les enjeux des entreprises dans leur quête du changement et de revenir sur l’indispensable adhésion de l’individu dans sa réussite.
  • 26. La compétence au cœur du changement organisationnel 26 1. Les raisons du changement pour les individus Dans son ouvrage Eloge du changement (2006), CARTON affirme qu’un changement ne peut être pérenne s’il n’est pas nécessaire, utile et pourvu d’intérêt. « L’éthique du changement repose sur la capacité de ceux qui le mettent en œuvre de le filtrer en fonction de ces trois critères de base afin d’éviter d’imposer des changements sur la base de leur pouvoir, de leur statut ou de leur volonté »24 . En effet, un changement imposé arbitrairement par un dirigeant ou un groupe est particulièrement improductif et ne saurait perdurer dans le temps. Ces propos vont également dans le sens de Mme X, responsable recrutement au sein de BNP Paribas Assurance qui affirme que le changement ne se fait jamais seul et que l’adhésion des collaborateurs est obligatoire pour voir aboutir ce projet25 . a) La nécessité du changement La nécessité du changement fait référence aux facteurs exogènes à l’origine du changement. Le courant déterministe fonde sa théorie sur cet aspect. Le changement est positionné comme essentiel à la survie de l’entreprise. Le changement est nécessaire pour répondre à la pression de l’environnement. Sans celui-ci, notre existence même est menacée. Nous sommes donc prêts à changer pour conserver nos privilèges, notre pouvoir, notre place ou notre emploi. Le changement est donc la seule solution pour éviter un problème que l’on voit arriver. Ainsi, la nécessité repose sur l’émission d’une hypothèse dramatique ou sur la constatation d’une obligation résultant d’un fait. C’est le cas de l’entreprise BNP Paribas Assurance qui a du mettre en place une GPEC suite à une évolution législative26 . La nécessité apparaît comme l’argument le plus fort car il repose sur des faits objectifs et pertinents. Par contre, lorsque le changement est réclamé sur la base d’hypothèses, plus ou moins fortes, le changement a du mal à être accepté. Le débat sur la réforme de l’âge légal à la retraite en est l’illustration. De même, toute la problématique écologiste qui repose sur des prévisions plus ou moins concordantes selon les sources, a longtemps peiné à trouver écho dans la société. Seulement, l’argument de la nécessite a une limite car, présenté seul, il a tendance à effrayer plus qu’a mobiliser. C’est la raison pour laquelle, l’utilité et la nécessité du changement doivent lui être adjointes. 24 CARTON G-D, Eloge du changement, Pearson Education France, 2006. 25 Entretien fabienne et erik batut 26 Entretien Fabienne , mcb et loup
  • 27. La compétence au cœur du changement organisationnel 27 b) L’utilité du changement L’utilité du changement correspond au besoin qu’à chaque individu de trouver un résultat à ce qu’il fait. Un changement inutile ne serait jamais accepté. Cette utilité peut se vérifier dans deux cas : le changement peut soit apporter une amélioration à la personne, au groupe ou à l’entreprise, il peut aussi éviter une dégradation, un dommage ou une perte. Ainsi, le changement sera jugé utile lorsque les personnes accepteront de bouleverser leurs pratiques au profit d’autres, jugées plus bénéfiques. c) L’intérêt du changement L’intérêt est le critère d’acceptation le plus important pour faire accepter le changement. Il touche directement au gain personnel. Etroitement lié à la motivation et à l’ego des personnes, l’intérêt est un critère puissant d’acceptation du changement. On a rarement vu un changement utile et nécessaire mais dénué d’intérêt prendre forme. « La vanité nous empêchant parfois d’accepter les changements utiles et nécessaires, l’homme prodigue voit son intérêt à ne pas changer son comportement alors même que la réalité l’y invite fortement »27 . Si l’intérêt est le facteur le plus puissant, certains ont compris qu’il suffisait de jouer sur ce levier pour se voir accepter les changements. « De nombreuses entreprises mais aussi les gouvernements ont dans le passé, fait accepter des changements dont l’utilité et la nécessité étaient discutables, en « achetant » l’acceptation du changement. Les politiques de mobilité fonctionnelle ou géographique, les changements de structure ou d’organisation du travail se sont souvent accompagnés d’augmentations de salaires ou de primes permettant de rendre évident ce qui ne l’était pas : l’intérêt du changement »28 . Ainsi, ces trois éléments se révèlent déterminants pour qu’un individu accepte le changement. Parmi les individus et selon le point de vue adopté, l’attention sera portée sur l’un des critères qui semblera plus important que les autres. « Ainsi, ils auront intrinsèquement plus ou moins de force selon les individus ou les groupes. Les personnes pragmatiques sont moins sensibles aux arguments par hypothèse que les personnes conceptuelles. De même, les personnes idéalistes sont plus prédisposées à accepter un changement allant à l’encontre de leurs intérêts matériels que les personnes matérialistes. 27 CARTON G-D, idem. 28 ibidem
  • 28. La compétence au cœur du changement organisationnel 28 Les trois critères sont directement liés à l’échelle de valeur des individus et des groupes. Le jugement de chacun sur la nécessité, l’utilité ou l’intérêt d’un changement dépend avant tout des valeurs qui sont les siennes et du partage de ces valeurs par le collectif auquel il appartient »29 . 2. les raisons du changement pour les entreprises A l’heure actuelle, la capacité de survie des entreprises tient à sa capacité à évoluer, à se transformer et à s’adapter. L’environnement de l’entreprise aussi bien que la concurrence ne lui permet plus de se reposer sur ses acquis. Il faut que l’entreprise change pour satisfaire toujours plus la clientèle, avoir un rendement plus élevé, proposer des idées créatives, gagner en efficacité ou s’ouvrir de nouveaux débouchés. Il faut à tout prix se moderniser pour s’adapter aux nouveaux comportements, aux nouvelles situations, demandes et mentalités. Le changement devient donc un outil qui permet à l’entreprise de s’ajuster à son environnement. Cette volonté de changement a pour origine la prise de conscience d’un décalage entre les objectifs d’une entreprise et les moyens de les atteindre, c'est-à-dire son organisation, son fonctionnement. Les facteurs de cette prise de conscience peuvent être à la fois externes et internes à l’entreprise. a) Les facteurs externes du changement i) Rupture technologique Les technologies étant synonymes de modernité, elles ne cessent d’évoluer. A un moment donné, l’entreprise constate l’inadéquation de son mode de fonctionnement avec l’environnement technologique, ce qui la pousse à devoir changer. Aussi bien au niveau de l’organisation et des processus qu’au niveau de l’utilisation de nouveaux outils, les entreprises doivent se transformer pour suivre et devancer ces progrès. Conséquence de ce rythme accéléré, la durée de vie des produits ne cesse de diminuer. L’innovation doit alors être constante pour toujours attirer de nouveaux clients et rester performant. Les progrès techniques sont donc primordiaux dans les décisions de changement des entreprises. La compétitivité croissante pousse de plus en plus les entreprises à changer par l’innovation. En effet, de nombreuses études démontrent qu’au cours de la dernière décennie, les entreprises qui ont eu tendance à lancer de nouveaux produits ou à innover ont connu des marges de progression nettement supérieures à celles des autres entreprises. L’innovation devient une ardente nécessité. 29 Ibidem.
  • 29. La compétence au cœur du changement organisationnel 29 Pour être performant, l’innovation est recherchée à plusieurs endroits ; - L’innovation peut porter sur les produits. On entend par innovation de produit la mise au point et la commercialisation d’un produit plus performant dans le but de fournir au consommateur des services objectivement nouveaux ou améliorés. - L’innovation de procédé désigne la mise au point de méthodes de production ou de distribution nouvelles ou notablement améliorées. - L’innovation marketing résulte de l’introduction d’une nouvelle méthode impliquant des changements significatifs dans le design du produit ou de son packaging, son mode de distribution, sa promotion ou dans sa tarification. - L’innovation peut aussi être organisationnelle. Elle concerne dans ce cas là, des méthodes et pratiques de l’entreprise, une organisation certaine du travail ou les relations avec l’extérieur. Toutes ces différentes innovations feront intervenir des changements affectant séparément ou simultanément les matériels, les ressources humaines et les méthodes de travail. Dans cette définition de Peter DRUCKER, le lien entre innovation et changement est clairement établi : « innovation is a change that creates a new dimension of performance »30 . L’innovation joue un rôle fondamental ; elle permet aux entreprises de mieux résister aux contraintes extérieures en confortant ou améliorant le positionnement de l’entreprise dans un contexte concurrentiel donné. Dans cette perspective, l’innovation devient le meilleur moyen pour s’adapter. Cette innovation vient, selon PORTER, s’opposer à l’efficacité opérationnelle qui en cherchant à faire toujours mieux que les autres, ne permet pas de se démarquer de la concurrence et engendre des effets de mimétisme. Mais l’innovation est plus que la sortie de nouveaux produits, elle est devenue un état d’esprit, une des valeurs des entreprises qui veulent réussir comme en témoigne la citation du fondateur de la société de commerce en ligne Amazon, Jeff BEZOS, « we have to make sure we’re never too confortable ». L’idée est là ; rompre les schémas classiques, se remettre constamment en question et ne jamais se reposer sur des lauriers qui finiront par se faner. A la source de ces innovations, il y a toujours la redéfinition de nouveaux savoirs et aptitudes. L’entreprise doit prendre conscience que les individus qui la composent doivent suivre la même logique de renouvellement de leurs atouts pour aboutir à des résultats efficaces. C’est dans ce contexte que la gestion des compétences aura à intervenir. 30 DRUCKER F Peter, Innovation and Entrepreneurship: practice and principles, 1985.
  • 30. La compétence au cœur du changement organisationnel 30 ii) Contraintes réglementaires Les entreprises évoluent dans des cadres de plus en plus réglementés. On ne compte plus les matières juridiques qui ont été érigées et qui interagissent avec les entreprises ; droit de la concurrence, consommation, distribution, publicité, informatique, social, marchés, finances, propriété, obligation, société, commerce, transport, crédit, immobilier… La liste est loin d’être exhaustive mais reflète déjà l’immense responsabilité qui pèse sur les entreprises. Nul n’est censé ignorer la loi et s’y soustraire entraînerait des sanctions qui risqueraient de mettre à mal la pérennité de l’organisation. En outre, on peut signaler que l’une des raisons de la crise financière de 2008 réside dans la non observation d’un certain nombre de règles en matière de gestion des risques de la part de grandes institutions financières qui s’étaient néanmoins consciencieusement dotées de tout un arsenal de codes de bonne conduite et de règles de compliance. Par conséquent, les entreprises doivent s’adapter aux différentes normes en vigueur. Cette forte contrainte d’adaptation de l’entreprise constitue un élément majeur de changement qui bouleverse à la fois les modes de fonctionnement des organisations mais aussi les missions des collaborateurs. A la suite de nombreux scandales financiers dont l’un des plus retentissants reste l’affaire Enron, le monde de la gouvernance d’entreprise a décidé d’harmoniser l’information financière des sociétés cotées en bourse et garantir la protection des investisseurs. De nouvelles règles comptables internationales ont été introduites ; les normes International Accouting Standard (IAS) ou encore International Financial Reporting Standard (IFRS). Ces normes plus rigoureuses que les précédentes ont eu du mal à se mettre en place, d’autant qu’elles ont bousculé les pratiques traditionnelles. Autre illustration est la loi Aubry sur les 35 heures qui a aujourd’hui dix ans d’application. Cette mesure phare de la Gauche s’est, dès le départ, heurtée à la réticence d’une grande partie du patronat. Sa mise en place dans les entreprises de plus de 20 salariés a été difficile tant du point de vue de la négociation que de l’impact sur l’organisation du travail. iii) Environnement Comme en témoignent le résultat des entretiens, le rythme des situations s’accélère (XXXX) ; progrès et enjeux économiques grandissants sont à l’origine de nombreux changements. L’enjeu pour l’entreprise est donc de s’ouvrir à de nouveaux horizons sous peine de se voir stagner et dépasser par la concurrence.
  • 31. La compétence au cœur du changement organisationnel 31 Pour BURNS et STALKER31 , l’entreprise doit s’adapter aux évolutions de l’environnement. La structure des entreprises se définit certes par la direction mais est fortement influencée par l’environnement. Après avoir mené une étude sur plusieurs entreprises, ils concluent qu’il existe deux types de structures : une structure « mécanique » et une structure « organique ». Selon les auteurs, la performance d’une entreprise dépend du degré d’adéquation entre sa structure et son environnement. Si l’environnement se révèle plutôt stable et prévisible, on aura tendance à faire à un mode de gestion de type mécaniste. Comme nous l’avons vu ce type recouvre les structures très formalisées, spécialisées et hiérarchisées. A l’inverse, si l’incertitude de l’environnement et le dynamisme des interactions sont la règle, la structure aura tendance à être plus souple ; elle est de type organique. L’entreprise doit s’adapter aux fluctuations du marché. Ainsi, dans certains cas, il s’avère que l’organisation de l’entreprise n’est plus adaptée à son environnement économique. Dans ce cas, le changement est nécessaire. L’un des faits marquants du XXème siècle est certainement la mondialisation de nos économies. Ce phénomène qui a cassé bon nombre de modèles résulte de plusieurs facteurs : - La chute du mur de Berlin entraîne la fin du communisme. Avant cela, les économies étaient administrées, les frontières fermées et le secteur financier contraint. Il en résultera une plus grande interpénétration économique et financière. - Big Bang de la city à Londres, a la fin des années 1980. Les banques peuvent tout faire ; commerce, investissement, etc. Cette libéralisation s’accompagne de dérégulations. - Développement de nouvelles puissances émergentes à forte croissance, les BRIC : Brésil, Russie, Inde, Chine. Les conséquences sont que les entreprises doivent désormais s’organiser à un niveau mondial. Il en découle que l’une des stratégies les plus répandues pour se développer est l’internationalisation. En effet, les échanges s’intensifient et sont désormais à la base du processus de croissance économique. De plus en plus de marchés s’internationalisent et sont régis par un ensemble de règles globales ce qui pousse les entreprises à prendre en compte ce qu’il se passe en dehors de leurs frontières et d’intégrer dans leur organisation cette dimension internationale. Cette tendance d’ouverture vers le monde est également un facteur de changement important pour les entreprises. 31 BURNS Tom et STALKER G.M, The management of innovation, Oxford University Press, 1961
  • 32. La compétence au cœur du changement organisationnel 32 b) les facteurs internes du changement i) Rupture stratégique Tous ces changements qui sont de sources externes ont un impact plus ou moins fort dans la vie et le fonctionnement interne de l’entreprise. Or, il arrive à l’entreprise de décider un changement plus prononcé sur son activité ; c’est le changement stratégique. Selon la théorie de CHANDLER, l’évolution des organisations est le fait des stratégies envisagées. Pour réaliser ses objectifs, l’entreprise va se transformer de telle sorte que les forces de l’entreprise seront agencées en adéquation : « La stratégie consiste à déterminer les objectifs et les buts fondamentaux à long terme d’une organisation, puis à choisir les modes d’action et d’allocation de ressources qui lui permettront d’atteindre ces buts, ces objectifs »32 . A l’inverse, certains considèrent que le poids de la structure aboutit à influencer les contenus de la prise de décision stratégique : les stratégies seraient déterminées par la nature des structures organisationnelles. Au regard des contraintes de l’environnement, du marché, de son actionnariat, ou tout simplement de sa situation, l’entreprise dispose de plusieurs choix pour se tracer un chemin doré. Il lui est possible d’exercer un changement au regard de sa clientèle. Ainsi, elle peut chercher à dominer le marché par les coûts, adopter une stratégie de différenciation par le haut ou le bas, ou encore se nicher vers un créneau susceptible de s’attirer une petite frange de la clientèle. Dans les marchés financiers, le rôle de l’actionnaire a pris une importance grandissante ces dernières années. Ses désirs sont désormais pris en compte par les dirigeants pour fonder leurs décisions stratégiques. On peut observer un lien de dépendance des entreprises qui ne sont plus les seuls maîtres a bord. Recherchant le profit à court terme sur les marchés boursiers, des actions telles que la délocalisation ou réductions d’effectifs sont entreprises à toute hâte et conduisent à des changements conséquents. L’entreprise peut également chercher à croître. Qu’il s’agisse de l’internationalisation ou de la diversification, l’entreprise poursuivra toujours le même objectif ; avoir de nouveaux clients, réaliser des économies d’échelles et pénétrer de nouveaux marchés toujours plus profitables. Dans le développement des organisations, ces dernières années, il ne faut pas négliger l’importance qu’ont pris les partenariats, alliances, coopérations stratégiques, fusions ou autres acquisitions dans les entreprises privées et publiques. Ces méthodes constituent des moyens rapides d’économies d’échelle, de créer des synergies et résister à la compétition économique. Les illustrations ne manquent pas en la matière à l’instar de Bnp Paribas, GDF Suez, Renault Nissan, Arcelor-Mittal, AOL-Time Warner…Ces opérations complexes sont gigantesques et se chiffrent en milliards de dollars. 32 CHANDLER Alfred Dupont, Strategy and structure: chapter in the history of the American industrial enterprise, MIT Press, 1962.
  • 33. La compétence au cœur du changement organisationnel 33 La particularité de ces changements réside dans l’impact très fort qu’ils ont sur la vie de l’entreprise et des collaborateurs. La vitesse de ces actions rend, de plus, ces métamorphoses brutales. Les comportements, les mécanismes, la culture, le but ; tout est soumis à une nouvelle donne par ces démarches stratégiques. ii) la culture d’entreprise Ces opérations s’accompagnent souvent d’une nouvelle identité, d’un nouveau nom et d’une nouvelle culture d’entreprise. La culture est un ensemble de croyances et d’idées que tous les membres de l’entreprise ont en commun. Ces valeurs modèlent la stratégie, le style de direction ou les relations entre le service et les hommes. Le facteur humain et culturel doit absolument être pris en compte pour ne pas menacer cette opération. En effet, lorsque deux entreprises décident de se réunir, elles mettent face à face deux cultures d’entreprises, qui parfois pouvaient être contradictoires voire antagonistes. Conduire le changement est dans ce cas une condition essentielle de succès. De même, cette culture peut être modifiée à la suite de nouvelles situations relatives à la vie des salariés. En effet, les évolutions démographiques faisant apparaître la génération dite Y, la vision du travail actuelle abandonnant les principes tayloristes ou encore l’équilibre vie professionnelle vie privée viennent influencer l’esprit des entreprises. Il est nécessaire de s’orienter vers de nouvelles attentes et de nouvelles valeurs pour être en cohérence avec nos salariés qui sont également les mêmes qui consomment. Possédant tout et de plus en plus exigeants et informés, il devient difficile de déclencher l’acte d’achat chez ces personnes. On compte désormais énormément sur la fonction marketing pour écouler les productions et fidéliser la cible. Selon HOFSTEDE33 , la culture des entreprises trouve également sa substance dans la culture du pays où elle est implantée. Ayant mis en avant les traits qui caractérisent les cultures de nos sociétés, il distingue plusieurs spécificités des cultures nationales : le degré d’individualisme (plus un pays est riche et plus l’individualisme est fort), la distance hiérarchique, le contrôle de l’incertitude et la masculinité / féminité. Ainsi, plus est société est féminine, plus la qualité de vie et l’entraide existera alors que la recherche de domination et la réussite individuelle seront valorisées dans les sociétés à propension masculine. Il fait ainsi un parallèle entre différents pays et la structure des organisations. Par exemple, en France, la tendance à un désir fort de contrôle de l’incertitude conduit à des structures fonctionnelles et hautement centralisées. 33 HOFSTEDE Geert, masculinity and feminity, the taboo dimension of national cultures, Sage publication, 1998.
  • 34. La compétence au cœur du changement organisationnel 34 iii) L’accroissement des connaissances On assiste à une véritable explosion des connaissances dans tous les domaines. Le niveau général d’éducation s’élève, les jeunes font de plus en plus d’études et les formations deviennent de plus en plus pointues. Le savoir est devenu un réel avantage compétitif depuis la fin du siècle dernier. On estime que la quantité d’informations disponible dans le monde double actuellement tous les 5 ans. Dans les entreprises, il en résulte que les dépenses louées à la recherche, à la formation et aux nouveaux logiciels deviennent aussi importantes que les dépenses matérielles. Cette intellectualisation de la production des entreprises implique de nombreux projets de transformations pour s’adapter aux évolutions. iv) configuration de l’entreprise Généralement, la configuration d’une entreprise a été pensée au départ pour répondre aux besoins essentiels de production, de vente et d’administration. Par la suite, des incohérences susceptibles d’être améliorées peuvent être identifiées, soit que les rendements ne paraissent plus suffisants soit que les jeux de pouvoirs nuisent à la structure. Pour KALIKA, si on observe toutes les formes de structures dans des organisations de taille et d’âge divers, une association logique taille-structure apparaît. En effet, une entreprise grandissante devra à un moment donné de sa croissance s’adapter et donc modifier sa structure. Par exemple, l’augmentation de la taille de l’entreprise pourra entraîner une plus forte décentralisation des décisions (en raison de l’augmentation du nombre de niveaux hiérarchiques), le développement de services spécialisés, une division importante du travail, la création de postes de liaison, une augmentation du contrôle, un organigramme plus complexe. De même, SCOTT rend compte de cette corrélation en identifiant plusieurs stades d’évolution. - Au stade 1 (entrepreneurial) l'organisation est suffisamment petite pour être dirigée par une seule personne : elle est centralisée, informelle et limitée à une seule gamme de produits. - Au stade 2 (fonctionnel) l'entreprise reste limitée à une gamme mais la croissance de l'activité et de la taille conduit à une spécialisation et une différenciation des tâches. La structure reste centralisée et hiérarchique. - Au stade 3 (divisionnel) les activités se diversifient et donnent naissance à des centres de profit autonomes.
  • 35. La compétence au cœur du changement organisationnel 35 Bien sur, ces différents facteurs peuvent se cumuler et s’enchaîner. Le futur d’une entreprise et son organisation sont donc directement influencés par son environnement qui ne cesse d’être en mouvement. Il faut changer pour anticiper son futur. Le succès des entreprises est donc lié à leur capacité d’anticiper et de prendre des risques. Les modifications de l’environnement, les pressions de la concurrence, les évolutions technologiques, la croissance même des entreprises, la transformation des niveaux de formations des individus et leurs attentes sont autant de phénomènes susceptibles de remettre en cause la structure d’une entreprise dans la mesure où ils entraînent des exigences nouvelles en matière de contrôle de communication, d’innovation et de capacité de vitesse de réaction. Si l’entreprise a l’obligation de changer et le fait, il doit en être de même pour les personnes qui la composent. Or, le changement n’est pas une action qui se commande et s’exécute aussi aisément.
  • 36. La compétence au cœur du changement organisationnel 36 B. Le changement, une opération complexe Aucun changement ne peut avoir lieu si les acteurs qui le mettent en œuvre ne lui donnent pas un sens. Or, le changement n’est souvent perçu positivement que s’il provient de soi, ce qui n’est pas le cas en entreprise. Le travail est une valeur importante dans nos sociétés. Depuis Hegel et Marx, qui ont affirmé son caractère central et personnel dans la vie des individus, sa place est encore discutée de nos jours. Lorsque l’on aborde le sujet du changement organisationnel, il devient indispensable d’y associer et de traiter la question de la résistance au changement. Présentée comme l’une des principales causes des échecs et comme un frein inévitable aux changements, la résistance est l’un des incontournables dans l’étude des réactions humaines face au changement. Le concept est si vaste qu’il pourrait facilement faire l’objet d’une étude distincte. Notre champ s’axera sur la compréhension de ces phénomènes ainsi que sur ses origines, ce qui nous permettra de comprendre pourquoi les entreprises doivent prêter la plus grande attention pour éviter d’éventuels échecs. 1. La résistance au changement L’homme a toujours été un être de contradiction. Il recherche la stabilité et la prévisibilité mais aime tout autant la nouveauté et l’inconnu. Les motivations qui le font pencher d’une situation à une autre sont particulièrement complexes à distinguer et relèvent de la propre personne qui y est confrontée. Nous venons de dessiner les questions qui se posaient lors de la confrontation à ce changement. Une fois ce changement envisagé et lancé, sa progression se trouve accrochée par les appréhensions des individus. Cette résistance au changement est bien connue des personnes ayant à conduire le changement et requiert une extrême vigilance pour éviter de mettre à mal les projets nécessaires à l’évolution de l’entreprise. a) un recours plus qu’un refus De son étymologie, résistance viendrait du latin « sistere » qui signifie s’arrêter. Le terme a quelque peu évolué depuis. En effet, le mot résistance tel qu’il est défini dans le dictionnaire se rapporte aux choses ; c’est le phénomène physique qui s’oppose à une action ou à un mouvement. Le fait de résister signifie donc opposer sa force à une autre et ne pas subir les effets de ses actions.
  • 37. La compétence au cœur du changement organisationnel 37 La terminologie de résistance au changement apparaît pour la première fois dans un article de COCH et FRENCH34 en 1947. Depuis, la littérature académique et managériale foisonnent sur le sujet. Dans le langage courant, la résistance a plutôt une connotation positive et est souvent employée pour faire penser à une certaine solidité, fermeté, endurance, fermeté. Ce n’est que lorsqu’on aborde l’étude des sciences humaines que le terme prend une tournure plus négative. Les synonymes qui pourraient lui être associées se tournent plus aisément vers rébellion, opposition, refus d’obéissance ou résistance à l’ordre. Dans la sphère organisationnelle, la résistance est également synonyme de blocage, frein et entrave ; ce qui empêche alors un système organisé de se mettre en place. On trouve alors plusieurs définitions d’auteurs de la résistance au changement. Ainsi COLLERETTE, DELISLE et PERRON définissent cette résistance comme étant « l’expression implicite ou explicite de réactions de défense à l’endroit de l’intention de changement »35 . Selon DOLAN, LAMOUREUX ou GOSSELIN, la résistance au changement est « l’attitude individuelle ou collective, consciente ou inconsciente, qui se manifeste des lors que l’idée d’une transformation est évoquée. Elle représente donc une attitude négative adoptée par les employés lorsque des modifications sont introduites dans le cycle normal de travail »36 . MORIN voit les résistances comme « des forces qui s’opposent à la réorganisation des conduites et à l’acquisition des nouvelles compétences ou, en d’autres mots, à des forces restrictives »37 . Enfin, d’après CARTON, la résistance au changement est généralement perçue comme un frein au progrès, surtout pour ceux qui l’initient. « Activement combattue dans les entreprises, elle irrite, elle provoque frustrations et actes de colère et est considérée comme un acte d’impertinence ou d’insubordination. Souvent assimilée à une attitude passéiste, anti progressiste et excessivement conformiste, elle est pourtant quasiment naturelle, innée et parfois utile et nécessaire »38 . Les individus ne réagissent pas tous de la même manière. La résistance au changement peut donc prendre plusieurs formes. Il est donc primordial de savoir reconnaître et analyser ses différentes manifestations. Il parait aussi important de préciser qu’elles concernent toutes les catégories de personnel. Pour différents motifs mais toujours avec le même effet, les cadres, employés ou ouvriers pourront douter du bien fondé et de la logique d’un nouveau mode organisationnel et pourront avoir un comportement analysé comme résistant. 34 COCH et FRENCH, Overcoming resistance to change, revue Human relations, 1947. 35 COLLERETTE P., DELISLE G ., PERRON R., le changement organisationnel : théorie et pratique, Presses de l’Université du Québec, 1997. 36 DOLAN Shimon, LAMOUREUX Gérald et GOSSELIN Eric, Psychologie du travail et des organisations, G.MORIN Edition, 1995. 37 MORIN EM, Psychologie du travail, G. MORIN Edition, 1996. 38 CARTON G-D, Eloge du changement ; méthodes et outils pour réussir un changement individuel et professionnel, village mondial, 2004.
  • 38. La compétence au cœur du changement organisationnel 38 Les témoignages de la résistance peuvent prendre plusieurs formes. Elle peut être exercée individuellement ou collectivement. Si la résistance est concrète et s’oppose aux changements, elle est dite active (grèves, reproches, plaintes…). Elle est passive et indirecte si elle se manifeste par des lenteurs d’exécution, des sauvegardes d’informations, des absences ou retards. Ses effets aussi relèvent de plusieurs types. La résistance peut venir simplement retarder le changement en le mettant en attente. Elle peut aussi effectuer un retour en arrière des ambitions initialement voulues. Elle peut aboutir à un changement partiel car lors de la mise en application les différents éléments n’ont pas été respectés. Enfin, plus grave, la résistance peut être si forte que le projet est retiré et abandonné. On peut citer le cas du contrat nouvel embauche sanctionné par les tribunaux et l’organisation internationale du travail. Du coté des collaborateurs, la résistance peut s’exprimer par une baisse de la productivité, de l’efficacité, par une détérioration des relations de travail ou par l’émergence de conflits. Personnellement, le sujet peut éprouver du stress et diminuer son engagement au travail. Bref, les conséquences sont désastreuses tant au point de vue humain qu’au point de vue organisationnel. Dans tous ces cas, les individus n’agissent par facilité ou pour défier l’autorité mais par le fait de forces parfois inconscientes qui trouvent leur racine dans de nombreuses causes. b) les causes de la résistance Comprendre où la résistance nait permet de mieux la résorber. Les origines de la résistance au changement sont diverses. Nous pouvons cependant les classer en plusieurs catégories ; les causes individuelles, collectives, culturelles, politiques ou organisationnelles. i) L’individu face au changement Les variables individuelles sont liées à des mécanismes de défense qui peuvent être soit conscientes soit inconscientes. Le changement entraîne de la part des collaborateurs une évaluation personnelle entre leurs propres intérêts et ceux de leur entreprise. Même si l’adhésion et la culture interne peuvent venir alléger la balance, il résulte souvent un certain stress et une inquiétude quant au nouveau système organisationnel. MORIN établit sur ce sujet une typologie de six mécanismes de défense possible : le refoulement, la régression, la projection, l’indentification, la formation réactionnelle et le déni de la réalité39 . Face à cela, les individus ne sont pas égaux et réagiront différemment selon leur capacité. L’homme est par nature un être 39 MORIN EM, Psychologie du travail, Gaétan MORIN, 1996.
  • 39. La compétence au cœur du changement organisationnel 39 d’habitude et aime savoir ce que signifient les changements, ce que cela lui exigera et quelles seront les nouvelles responsabilités. L’implantation d’un changement plonge également les individus dans l’incertitude. Les privilèges seront-ils perdus, l’autonomie gagnée si difficilement sera-t-elle toujours valable ? L’individu cherche avant tout à garder ce qu’il a acquis et c’est parfois un sentiment de perte associée à l’abandon de ce qui était acquis et satisfaisant qui va l’amener à résister : la perte de sécurité, de pouvoir, d’utilité de ses compétences, de territoire, de confiance…tout est menacé dans un monde ou il devient de plus en plus difficile d’obtenir des acquis. On dit souvent que l’important est de tirer les conclusions de ces échecs. Or, on oublie plus rapidement les victoires que les défaites. La peur de l’échec est pour tous les individus une force réelle à l’immobilisme. Dans l’ère de la performance, le droit à l’erreur n’est pas permis. Ainsi, les collaborateurs appelés à changer d’outil de production, d’organisation, de relations ou de connaissances savent qu’ils seront jugés très rapidement par leur management sur la qualité et la vitesse de leur travail. Sans vouloir prendre de raccourci, on peut signaler que les personnes les plus âgées vont présenter plus de résistance au changement. Cela est logique dans la mesure où elles ont le plus d’expérience et fondent leur valeur ajoutée sur les schémas qu’elles ont mis du temps à apprendre et à faire valoriser. Enfin, comme le souligne BAREIL, le changement est « générateur de résistance pour l’individu dans la mesure où il est synonyme de rupture et de remise en cause, contribuant à la perte de points de repères antérieurs (spatiaux, temporels, comportementaux, relationnels) qui suscitent des interrogations chez les individus. L’individu a alors tendance à évaluer le changement en termes de coûts (efforts, compétences à acquérir) et de bénéfices (gains salariaux, satisfaction); dans le cas où les coûts sont supérieurs, il manifestera de la résistance »40 . On a souvent tendance à montrer du doigt les personnes qui ne donnent pas l’impulsion sur les changements ou qui ne sont pas comme la mode de l’entreprise l’entend « pro actives ». Or, ces forces sont pour la plupart du temps résolument inconscientes. Ainsi, en terme de gestion, il parait difficile voire impossible de changer la personnalité des collaborateurs, le passé ou les caractéristiques individuelles. On ne peut en faire qu’état. 40 BAREIL C., la résistance au changement : synthèse et critique des écrits, HEC Montréal, 2004.
  • 40. La compétence au cœur du changement organisationnel 40 ii) Le collectif La résistance peut tout autant s’organiser collectivement. En effet, si individuellement nous possédons nos acquis, il en va de même lorsque nous fonctionnons sous forme de groupe. En ce sens, ALAIN retient plusieurs facteurs d’influence41 : - la conformité aux normes précédemment établies ; les rites, coutumes, habitudes ou pratiques - le degré de cohérence dans l’organisation - les droits et intérêts acquis par le groupe ; pauses, primes, avantages. De plus, par peur de perdre leurs attributs, le groupe va rejeter ce qui est étranger à leur système, le considérant comme menaçant et ne croyant pas à sa réussite. iii) Les variables culturelles La culture prend également une part importante dans ce phénomène. Les travaux de FRANCESCO et de GOLD font ressortir que certaines cultures seraient plus ou moins réceptives aux changements. HOFSTEDE va plus loin et identifie quelles pourraient être les caractéristiques des pays ayant une propension plus grande au changement. Pour lors, il régnerait dans ces cultures une distance élevée du pouvoir, un niveau d’individualisme faible et un évitement important de l’incertitude. Ces différentes recherches ont qualifié les pays d’Amérique latine et le Portugal comme ayant le profil type. Les pays anglo-saxons sont, à l’inverse plus tolérant à l’égard du changement et de l’incertitude. Sur ce propos, Erik BATUT désigne la France, autrefois nation de la Révolution, comme un pays où l’immobilisme et la recherche de stabilité relèvent quasiment du dogme42 . Plus le changement aura un impact sur ces facteurs collectifs et culturels, plus le risque de résistance sera élevé. Si la dimension collective peut être gérée par un management adapté, il reste difficile de modifier la dimension culturelle d’un groupe. iv) Le pouvoir « L’élément décisif du comportement, c’est le jeu de pouvoir et d’influence auquel participe l’individu et à travers duquel il affirme son existence sociale malgré les contraintes. Or, tout changement est dangereux car il met en question immanquablement les conditions de son jeu, ses sources de pouvoir et sa liberté d’action en modifiant ou en faisant disparaître les zones 41 ALAIN M, Prendre en main le changement, stratégies personnelles et organisationnelles, Editions nouvelles, 1996. 42 Entretien batut
  • 41. La compétence au cœur du changement organisationnel 41 d’incertitude pertinentes qu’il contrôle »43 . En effet dans un processus de changement, l’environnement politique joue un rôle important et peut déterminer ou non le fait de changer. Ce sont souvent les jeux de pouvoir et d’influence qui définissent si l’organisation est ou non réceptive à un changement. CROZIER a d’ailleurs mis en avant cet aspect politique comme l’une des causes principales de la résistance au changement. « Les membres d’une organisation ne sont pas attachés de façon passive et bornée à leur routine. Ils sont tout à fait prêts à changer très rapidement s’ils sont capables de trouver leur intérêt dans les jeux qu’on leur propose. Les habitudes ont pour eux beaucoup moins d’importance qu’on ne le croit. En revanche, ils ont une appréciation très raisonnable et presque instinctive des risques que peut présenter pour eux le changement ». Comme dans la plupart des cas, l’individu va être sous l’influence d’une forte autorité pour qui le changement ne convient pas. Des coalitions dominantes se créent et donnent naissance à des résistances. La personne se trouve dans l’obligation de suivre le groupe et de résister avec lui au risque de perdre son appartenance à ce groupe. v) La conduite du changement. La conduite du changement est reconnue par les entreprises comme une réelle compétence qui prend une place de plus en plus grande. Les différentes personnes qui ont eu à gérer ces activités savent qu’elles reposent sur des principes essentiels à ne jamais oublier. En effet, peu importe la nécessité et l’intérêt du projet qui est à mettre en œuvre, les conditions pour réussir les transformations seront les clés du succès. L’adhésion, la formation, le délai, les ressources et la communication des informations doivent être les axes recherchés. Nous aurons l’occasion d’expliquer l’importance de ces points plus loin dans notre étude. vi) L’organisation L’organisation peut elle-même être source de résistance au changement dans le sens ou l’individu a intégré une structure et a développé une identité propre aux valeurs de ce sous groupe. Cette cohérence entre l’organisation et son mode de fonctionnement est d’autant plus importante que l’atteinte de ses objectifs ne peut se réaliser qu’en respectant les principes organisationnels. Si la structure n’a jamais eu l’occasion de se changer ou qu’elle ne subit que très peu de pression de l’environnement, il parait difficile de venir la modifier. Cette image semble plus souvent se retrouver dans les administrations publiques ou les organisations qui ont à connaître une fusion acquisition. 43 CROZIER M. et FRIEDBERG E., l’acteur et le système, Le seuil, 1997.