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dimanche 20 septembre 2020
L’événement
Il y a donc des progressions
« exponentielles » réjouissantes en
médecine.Onl’avaitpresqueoublié,
tantnotrevieestdésormaishantée
par l’avancée, galopante, du coro-
navirus. Quand on lui demande si
la pilule miracle est pour après-
demain, Marie Sarazin, cheffe de
service en neurologie à l’hôpital
parisien Sainte-Anne (AP-HP),
fait une réponse prudente : « Sur
leplandelarecherchefondamentale,
onprogressetellementvitequec’est
devenudifficileàsuivre,mêmepour
les spécialistes. L’accumulation de
connaissances nouvelles est explo-
sive. Pour l’instant, aucun médica-
mentn’afaitsespreuvesetilfautse
méfier des annonces tonitruantes
des laboratoires mais, quand les
avancées sont aussi importantes
en science, il suffit parfois de peu
de temps pour que la recherche cli-
nique suive, pourquoi pas de façon
exponentielle. »
ÀlaveilledelaJournéemondiale
de la maladie d’Alzheimer, ils sont
nombreux, dans ce champ de la
­médecine longtemps infertile, à
considérerqu’ilyaenfindesraisons
d’espérer.Certes,iln’existetoujours
pas de traitement efficace contre
unepathologieneuro­dégénérative
trèsfréquentequifrapperaitchaque
année 225 000 nouveaux malades
enFrance.Mais,endécembre 2019,
une lueur est née : le laboratoire
Biogen a assuré, lors d’un congrès,
quesamoléculeaducanumabétait
capablederéduireledéclincognitif
chezunepartiedespatientsinclus
dans l’essai clinique, et ce dans la
phase initiale de la maladie.
300 médicaments
en cours de développement
Si les résultats définitifs de l’étude
n’ont pas été publiés, ce qui incite
à la réserve, tout comme le fait
que les données présentées l’aient
été en pourcentage, un dossier de
demande d’autorisation de mise
surlemarchéabienétédéposéaux
États-Unis par l’entreprise améri-
caine.« LaFDA[gendarmeaméri-
caindu­médicament]estentrainde
« Un effet positif
sur l’autonomie et
les performances
cognitives, quelle
promesse ! »
225 000
nouveaux malades
d’Alzheimer chaque année
en France.
Au total, le nombre
de patients devrait dépasser
le million en 2020
Alzheimer :
la course
au remède
est relancée
AVANCéES Après plusieurs échecs, une poignée
de traitements suscitent l’espoir. Des résultats sont
attendus aux États-Unis en début d’année prochaine
l’examiner,préciseunesourcebien
informée. Le Covid n’a pas inter-
rompuleprocessus,etlaréponseest
attendue pour mars 2021. » Alors,
faut-il vraiment se réjouir ? « Oui,
carc’estlapremièrefoisqu’unepiste
thérapeutique pourrait être vali-
dée », éclaire Patrick Dallemagne,
professeur en chimie médicinale
à l’université de Caen et directeur
duCentred’étudesetderecherche
sur le médicament de Normandie.
À l’instar de Biogen, d’autres
acteurs industriels se sont lancés
dans la course au remède miracle.
« Cette concurrence est plutôt ras-
surante car, après l’échec des molé-
cules de Pfizer et Lilly, on a cru que
c’était la fin, que l’industrie allait
se désengager d’Alzheimer, raconte
un neurologue. Certains l’ont fait,
commePfizer,maisd’autrescompé-
titeurssontarrivés. »Lamajoritédes
quelque300 médicamentsencours
de développement s’attaque aussi
auxprotéines(plaquesamyloïdesou
Tau) qui s’accumulent dans le cer-
veaudesmalades.« Certainstraite-
mentsessaientderéduireleurtoxicité,
d’autres d’inhiber leur production »,
décrit la professeure Sarazin.
Mais d’autres voies sont explo-
rées.Etleschercheursdupublicne
sontpasenrestepourproposerdes
cheminsbuissonniersetaudacieux.
« Grâceàl’aidedelaFondationpour
la recherche médicale [FRM] et de
la Fondation Alzheimer, nous tra-
vaillons sur un traitement qui vise à
modulerl’inflammationauniveaudes
synapses », explique la professeure
Sarazin.ÀCaen,PatrickDallemagne
etsoncollègueChristopheRochais
ontpourprojet,depuisunedizaine
d’années, de mettre au point une
molécule capable d’agir sur « une
maladie qui a de multiples causes ».
« Avec le soutien de la Région Nor-
mandie et de la fondation Vaincre
Alzheimer, on cherche un couteau
suisse,unemultithérapiecommepour
le sida, décrit le chimiste. Mais pas
administrée en plusieurs pilules. Il
s’agit de réunir toutes ces activités
dans une seule molécule. »
Emmener une molécule
en phase 2
Une part du rêve est déjà devenue
réalité : l’équipe normande a dé-
montré l’intérêt de son « couteau
suisse »danslesmodèlescellulaires
etanimaux.Lavoilàsurlalignede
départ du marathon des essais cli-
niques,danslesillaged’uneéquipe
lilloise qui, grâce à une start-up,
vient d’emmener une molécule
en phase 2. « Si nous parvenons à
apporter la preuve que notre molé-
culen’estpasdangereuse,lapremière
phasedémarrerafin2021 »,détaille
le professeur Dallemagne.
Le chercheur défriche en paral-
lèle la piste du repositionnement
de médicaments. L’échec probable
de l’hydroxychloroquine contre
le Covid ne doit pas faire oublier
que c’est parfois en débusquant un
vieux traitement dans l’armoire à
pharmacie et en le testant sur une
maladieincurablequelamédecine
fait des pas de géant. Lui a breveté,
dans le domaine d’Alzheimer, un
remède ancien utilisé fréquem-
ment pour soigner une pathologie
banale. « On cherche un partenaire
industriel », murmure-t-il. La mo-
lécule étant de longue date sur le
marché, il ne voudrait pas inciter
les patients à se la procurer avant
d’avoir la preuve que cela fonc-
tionne. La course contre Alzhei-
mer est certes relancée, mais ses
compétiteurs, plus modestes que
certains « covidologues », ont
appris la prudence. Eux ont été
échaudés par vingt ans d’échec. g
Anne-Laure Barret
Après des années de doute, Bruno
Dubois, professeur de neurologie,
chefduserviceàlaPitié-Salpêtrière
(AP-HP),sereprendàespérer.L’au-
teurdupassionnantAlzheimer–La
véritésurlamaladiedusiècle(Gras-
set, 2019) attend avec impatience
lesrésultatsdesessaiscliniquessur
lenouveautraitementdelasociété
américaine Biogen, auxquels son
équipe a été associée, comme à
nombre d’études d’ampleur.
Le nouveau médicament
du laboratoire Biogen, actuellement
examiné par les autorités sanitaires
américaines, peut-il constituer
une lueur d’espoir ?
L’espoir le plus lumineux, ce sont
les énormes progrès conceptuels
réalisés ces dernières années. On
n’est plus dans la contemplation
de la maladie ; on tient peut-être
le chemin de la solution. Tout ça
­irrigue la recherche pharmaceu-
tique. Par le passé, certaines molé-
culesétaientparvenuesàfairedimi-
nuer les plaques amyloïdes dans le
­cerveau des malades, c’est-à-dire
une des deux lésions caractéris-
tiques d’Alzheimer, mais ça restait
sanseffetsurlessymptômes.Cesont
les échecs thérapeutiques dont on
a beaucoup parlé depuis dix ans.
L’aducanumab, lui, semble réduire
ledéclincognitifchezunepartiedes
patients dans la phase initiale de la
maladie. Un effet positif sur l’auto-
nomie et les performances cogni-
tives, c’est une première, et quelle
promesse ! On tient peut-être un
fil de la pelote. Mais prudence : les
­résultats des essais cliniques n’ont
pas encore été publiés. Si l’effica-
cité était confirmée l’an prochain,
Bruno Dubois, neurologue
« On tient peut-être 	
interview
InnovationLe médecin,
chef de service à la Pitié-
Salpêtrière, proposera mardi la
création d’un réseau de centres
de prévention de la démence
le journal du dimanchedimanche 20 septembre 2020  3
Les progrès de la recherche
« Notre objectif
est de poser un
diagnostic le plus
tôt possible »
2021seraitladeuxièmedatelaplus
importante depuis la description
de la maladie par Aloïs Alzheimer
en 1906.
Quels autres traitements
en développement vous semblent
prometteurs ?
La molécule BAN2401, un anti-
corpsquiviseluiaussiàéliminerles
plaquesamyloïdes,donnedesrésul-
tats encourageants. La phase 3 de
l’essai clinique a démarré. D’autres
médicamentsciblantlaprotéineTau
sont en cours de développement.
Votre centre est très impliqué
dans les essais cliniques. Est-il
facile de recruter des patients ?
Non, c’est difficile, car les essais
sont contraignants. Ils nécessitent
des rendez-vous mensuels, avec
ponction lombaire et bilans san-
guins. Les patients les plus jeunes
soignés dans le service, ceux âgés
d’environ 65 ans, sont souvent les
plus impliqués.
Puisqu’il semble si difficile
de guérir Alzheimer, pourra-t-on
un jour la prévenir ?
Traiter les gens déjà malades, c’est
peut-être trop tard. Impossible de
remonter le temps ; on peut seule-
ment espérer bloquer le processus
ou en ralentir l’aggravation. Notre
objectif est de poser un diagnostic
le plus tôt possible, avant la perte
d’autonomie,voireavantlessymp-
tômes. Pour ça, nous allons nous
appuyer sur d’énormes progrès
dans l’identification de marqueurs
biologiques associés à la présence
de lésions.
Certains de ces marqueurs étant
présentsquinzeansavantlasurve-
nuedessymptômes,onseracapables
un jour d’identifier les sujets sains
à risque et d’empêcher l’arrivée de
la maladie. Je défends l’idée d’une
clinique du risque qui va nous per-
mettredepasserd’unevisionunpeu
fataliste,centréesurl’accompagne-
ment des malades, à une approche
d’amont,plusglobaleetdynamique.
Biensûr,ilfaudraexpliquerauxper-
sonnes ainsi dépistées qu’elles ne
sontpasmalades,maisàrisque.Cela
relèveencoredelamédecine-fiction
mais, si les médicaments tiennent
leur promesse, on peut imaginer
que certains puissent être donnés
en prévention.
Mais comment pourrait-on
repérer les personnes à risque ?
Il n’est pas question de dépister
tout le monde à coups de PET-
scan ou de ponction lombaire.
Pour apprendre à mieux évaluer
le risque, nous suivons, à l’Insti-
tut de la mémoire et depuis 2013,
une cohorte de 318 personnes
âgées, sans troubles cognitifs au
départ, dans le cadre d’une grande
étude baptisée Insight et finan-
cée ­notamment par l’Institut du
cerveau et de la moelle épinière
(ICM) et par la Fondation pour la
recherche sur Alzheimer (FRA).
Au bout de cinq ans, parmi les
88 personnesquiavaientaudépart
leslésionscérébralesdelamaladie,
15 seulement ont développé des
symptômes. Ce qui semble vali-
der l’hypothèse que nous avions
formulée en 2007 : la présence de
lésions ne suffit pas à annoncer la
survenue de la maladie ; seule la
présence des symptômes associés
à ces lésions définit l’affection.
Mais la controverse scientifique
n’est pas éteinte : mes collègues
de Harvard ou de la Mayo Clinic
aux États-Unis sont persuadés du
contraire !Pournous,etlesdonnées
actuelles de la littérature scienti-
fiquelesuggèrent,d’autresfacteurs
doivent être associés aux lésions
pour que la maladie ­survienne.
Une fois achevés, tous ces travaux
nous permettront d’élaborer un
algorithme prédictif pour repérer,
dans la population des personnes
âgées, le petit nombre chez qui les
lésions sont présentes et évoluent.
Notreéquipeaidentifiéunecorré-
lation entre un marqueur sanguin
etleslésionsamyloïdesducerveau.
Ça reste fragile, et on n’en est pas
encore à diagnostiquer Alzheimer
grâce à une prise de sang.
Le dépistage, c’est pour
demain ou après-demain,
mais que faire dès aujourd’hui ?
On a l’idée de créer des centres de
préventiondeladémence– etjevais
d’ailleursenparlermardi,lorsd’une
conférence à l’Académie de méde-
cine, à Paris. Je les imagine comme
des structures de repérage des fac-
teurs de risque, dont certains sont
modifiables par des interventions
ciblées.Encomplément,nousdéve-
loppons,avecl’agencerégionalede
santéd’Île-de-France,uneapplica-
tionderepéragedetroublescognitifs
accessiblesursmartphone.Ceprojet
baptiséSanté-Cerveauvapermettre
aux gens de s’évaluer au moyen de
questionnaires et de tests validés.
Çaleurdonneradesindicationssur
leur fonctionnement cognitif. Au
besoin,ilsserontmisencontactavec
lecentremémoireleplusprochede
chez eux. En mobilisant la popula-
tion,onpeutespérerretarderunpeu
l’entrée dans la maladie.
Pouvons-nous vraiment
réduire nos risques?
La prévention ne fait pas baisser
la fréquence de survenue de la
maladie, mais l’expression des
symptômes peut être retardée. Le
niveau d'éducation est un facteur
majeur. Pour toutes les démences,
laluttecontrelesfacteursderisque
vasculaires– hypertension,obésité,
sédentarité –estprimordiale.Tout
comme la lutte contre l'isolement
social et sensoriel. g
Propos recueillis par A.-L.B.
Peut-onprévenirourepousserl’appa-
rition des symptômes de la maladie
d’Alzheimer ?Faceàcespectreangois-
sant,unimportantrapportpubliécet
été dans The Lancet par un groupe
d’experts a jeté une lueur d’espoir. Il
révèleque40 %descasdedémence,
incluant Alzheimer, pourraient être
évités ou retardés en contrôlant
douze facteurs de risque. Outre
ceux qui étaient déjà connus (perte
del’audition,conditionsd’éducation,
tabagisme, isolement social, dépres-
sion, hypertension, obésité, inacti-
vitéphysiqueetdiabète),les­auteurs
en ont identifié trois nouveaux : la
consommation excessive d’alcool,
les blessures à la tête et l’exposition
à la pollution à l’âge adulte.
Selon les chercheurs, décideurs
politiquesetindividusdisposentainsi
de clés pour agir. « Retarder la date
de déclenchement des symptômes est
notremeilleurlevierpourluttercontre
lamaladie,abondePhilippeAmouyel,
professeurdesantépubliqueauCHU
de Lille et directeur de la Fondation
Alzheimer.Carlorsquelessymptômes
apparaissent, en moyenne à l’âge de
75 ans, la maladie évolue déjà depuis
dix à quinze ans. »
Reste que, au-delà du mode de
vie,d’autresfacteurssontimpliqués,
­notammentgénétiques.« Iln’yapas
derecettemiracle »,nuanceGuillaume
Dorothée, chercheur à l’Inserm et
directeurdel’équipeSystèmeimmu-
nitaireetneuro­inflammationàParis.
Malgrél’importanced’unepolitique
depréventionciblée,ilestimequece
neserapassuffisantpourveniràbout
de la maladie. « Un enjeu primordial
est de réussir à identifier les malades
pendant cette phase présymptoma-
tique et de leur faire bénéficier d’un
traitement adapté. »
Pourlemoment,aucuntraitement
médicamenteux préventif ne s’est
montré assez efficace. Des équipes
américaines testent des molécules
chezdespersonnesasymptomatiques
à risque ou porteuses de certaines
mutationsgénétiques.Uneapproche
jugée problématique par l’Académie
nationale de médecine, en 2018.
Maintien du lien social
Fautedemédicament,leschercheurs
se concentrent sur les facteurs per-
mettant d’atténuer les symptômes.
« Lessourisgénétiquementprogram-
méespourdévelopperlamaladieaux-
quellesnousfaisonssubirunemauvaise
hygiène alimentaire la développent
rapidement, détaille ainsi Claire
Rampon, directrice du Centre de
recherchessurlacognitionanimaleà
Toulouse.Cellesquimangentcorrecte-
ment,quisedépensent,ladéveloppent
plustard,voireneladéveloppentpas. »
Pourréduirelesrisques,toutesles
activités sollicitant le cerveau sont
recommandées. Lecture, jardinage,
apprentissage d’une langue, mais
aussi maintien du lien social, que ce
soitenfamilleouenmilieuassociatif.
« Après20 ans,lescellulesdenotrecer-
veauontfinidesemultiplier,décrypte
­PhilippeAmouyel.Maisgrâceaujeu
desconnexionsentreles80à100 mil-
liards de neurones qui le composent,
ilmaintientunegrandeplasticitétout
aulongdenotrevie.Plusonlesollicite,
plus on favorise les connexions. » g
Vincent Bordenave
Prévenir, en attendant
de guérir
	 le chemin de la solution »
modes de vie Une étude
récente montre que 40 % des
cas de démence pourraient être
évités ou retardés en contrôlant
douze facteurs de risque
Dans un « village » destiné aux malades
d’Alzheimer, à Dax, en juillet (lire page 4).
Axelle de Russé

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Rire-Bienfaits
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Alzheimer

  • 1. le journal du dimanche2 dimanche 20 septembre 2020 L’événement Il y a donc des progressions « exponentielles » réjouissantes en médecine.Onl’avaitpresqueoublié, tantnotrevieestdésormaishantée par l’avancée, galopante, du coro- navirus. Quand on lui demande si la pilule miracle est pour après- demain, Marie Sarazin, cheffe de service en neurologie à l’hôpital parisien Sainte-Anne (AP-HP), fait une réponse prudente : « Sur leplandelarecherchefondamentale, onprogressetellementvitequec’est devenudifficileàsuivre,mêmepour les spécialistes. L’accumulation de connaissances nouvelles est explo- sive. Pour l’instant, aucun médica- mentn’afaitsespreuvesetilfautse méfier des annonces tonitruantes des laboratoires mais, quand les avancées sont aussi importantes en science, il suffit parfois de peu de temps pour que la recherche cli- nique suive, pourquoi pas de façon exponentielle. » ÀlaveilledelaJournéemondiale de la maladie d’Alzheimer, ils sont nombreux, dans ce champ de la ­médecine longtemps infertile, à considérerqu’ilyaenfindesraisons d’espérer.Certes,iln’existetoujours pas de traitement efficace contre unepathologieneuro­dégénérative trèsfréquentequifrapperaitchaque année 225 000 nouveaux malades enFrance.Mais,endécembre 2019, une lueur est née : le laboratoire Biogen a assuré, lors d’un congrès, quesamoléculeaducanumabétait capablederéduireledéclincognitif chezunepartiedespatientsinclus dans l’essai clinique, et ce dans la phase initiale de la maladie. 300 médicaments en cours de développement Si les résultats définitifs de l’étude n’ont pas été publiés, ce qui incite à la réserve, tout comme le fait que les données présentées l’aient été en pourcentage, un dossier de demande d’autorisation de mise surlemarchéabienétédéposéaux États-Unis par l’entreprise améri- caine.« LaFDA[gendarmeaméri- caindu­médicament]estentrainde « Un effet positif sur l’autonomie et les performances cognitives, quelle promesse ! » 225 000 nouveaux malades d’Alzheimer chaque année en France. Au total, le nombre de patients devrait dépasser le million en 2020 Alzheimer : la course au remède est relancée AVANCéES Après plusieurs échecs, une poignée de traitements suscitent l’espoir. Des résultats sont attendus aux États-Unis en début d’année prochaine l’examiner,préciseunesourcebien informée. Le Covid n’a pas inter- rompuleprocessus,etlaréponseest attendue pour mars 2021. » Alors, faut-il vraiment se réjouir ? « Oui, carc’estlapremièrefoisqu’unepiste thérapeutique pourrait être vali- dée », éclaire Patrick Dallemagne, professeur en chimie médicinale à l’université de Caen et directeur duCentred’étudesetderecherche sur le médicament de Normandie. À l’instar de Biogen, d’autres acteurs industriels se sont lancés dans la course au remède miracle. « Cette concurrence est plutôt ras- surante car, après l’échec des molé- cules de Pfizer et Lilly, on a cru que c’était la fin, que l’industrie allait se désengager d’Alzheimer, raconte un neurologue. Certains l’ont fait, commePfizer,maisd’autrescompé- titeurssontarrivés. »Lamajoritédes quelque300 médicamentsencours de développement s’attaque aussi auxprotéines(plaquesamyloïdesou Tau) qui s’accumulent dans le cer- veaudesmalades.« Certainstraite- mentsessaientderéduireleurtoxicité, d’autres d’inhiber leur production », décrit la professeure Sarazin. Mais d’autres voies sont explo- rées.Etleschercheursdupublicne sontpasenrestepourproposerdes cheminsbuissonniersetaudacieux. « Grâceàl’aidedelaFondationpour la recherche médicale [FRM] et de la Fondation Alzheimer, nous tra- vaillons sur un traitement qui vise à modulerl’inflammationauniveaudes synapses », explique la professeure Sarazin.ÀCaen,PatrickDallemagne etsoncollègueChristopheRochais ontpourprojet,depuisunedizaine d’années, de mettre au point une molécule capable d’agir sur « une maladie qui a de multiples causes ». « Avec le soutien de la Région Nor- mandie et de la fondation Vaincre Alzheimer, on cherche un couteau suisse,unemultithérapiecommepour le sida, décrit le chimiste. Mais pas administrée en plusieurs pilules. Il s’agit de réunir toutes ces activités dans une seule molécule. » Emmener une molécule en phase 2 Une part du rêve est déjà devenue réalité : l’équipe normande a dé- montré l’intérêt de son « couteau suisse »danslesmodèlescellulaires etanimaux.Lavoilàsurlalignede départ du marathon des essais cli- niques,danslesillaged’uneéquipe lilloise qui, grâce à une start-up, vient d’emmener une molécule en phase 2. « Si nous parvenons à apporter la preuve que notre molé- culen’estpasdangereuse,lapremière phasedémarrerafin2021 »,détaille le professeur Dallemagne. Le chercheur défriche en paral- lèle la piste du repositionnement de médicaments. L’échec probable de l’hydroxychloroquine contre le Covid ne doit pas faire oublier que c’est parfois en débusquant un vieux traitement dans l’armoire à pharmacie et en le testant sur une maladieincurablequelamédecine fait des pas de géant. Lui a breveté, dans le domaine d’Alzheimer, un remède ancien utilisé fréquem- ment pour soigner une pathologie banale. « On cherche un partenaire industriel », murmure-t-il. La mo- lécule étant de longue date sur le marché, il ne voudrait pas inciter les patients à se la procurer avant d’avoir la preuve que cela fonc- tionne. La course contre Alzhei- mer est certes relancée, mais ses compétiteurs, plus modestes que certains « covidologues », ont appris la prudence. Eux ont été échaudés par vingt ans d’échec. g Anne-Laure Barret Après des années de doute, Bruno Dubois, professeur de neurologie, chefduserviceàlaPitié-Salpêtrière (AP-HP),sereprendàespérer.L’au- teurdupassionnantAlzheimer–La véritésurlamaladiedusiècle(Gras- set, 2019) attend avec impatience lesrésultatsdesessaiscliniquessur lenouveautraitementdelasociété américaine Biogen, auxquels son équipe a été associée, comme à nombre d’études d’ampleur. Le nouveau médicament du laboratoire Biogen, actuellement examiné par les autorités sanitaires américaines, peut-il constituer une lueur d’espoir ? L’espoir le plus lumineux, ce sont les énormes progrès conceptuels réalisés ces dernières années. On n’est plus dans la contemplation de la maladie ; on tient peut-être le chemin de la solution. Tout ça ­irrigue la recherche pharmaceu- tique. Par le passé, certaines molé- culesétaientparvenuesàfairedimi- nuer les plaques amyloïdes dans le ­cerveau des malades, c’est-à-dire une des deux lésions caractéris- tiques d’Alzheimer, mais ça restait sanseffetsurlessymptômes.Cesont les échecs thérapeutiques dont on a beaucoup parlé depuis dix ans. L’aducanumab, lui, semble réduire ledéclincognitifchezunepartiedes patients dans la phase initiale de la maladie. Un effet positif sur l’auto- nomie et les performances cogni- tives, c’est une première, et quelle promesse ! On tient peut-être un fil de la pelote. Mais prudence : les ­résultats des essais cliniques n’ont pas encore été publiés. Si l’effica- cité était confirmée l’an prochain, Bruno Dubois, neurologue « On tient peut-être interview InnovationLe médecin, chef de service à la Pitié- Salpêtrière, proposera mardi la création d’un réseau de centres de prévention de la démence
  • 2. le journal du dimanchedimanche 20 septembre 2020 3 Les progrès de la recherche « Notre objectif est de poser un diagnostic le plus tôt possible » 2021seraitladeuxièmedatelaplus importante depuis la description de la maladie par Aloïs Alzheimer en 1906. Quels autres traitements en développement vous semblent prometteurs ? La molécule BAN2401, un anti- corpsquiviseluiaussiàéliminerles plaquesamyloïdes,donnedesrésul- tats encourageants. La phase 3 de l’essai clinique a démarré. D’autres médicamentsciblantlaprotéineTau sont en cours de développement. Votre centre est très impliqué dans les essais cliniques. Est-il facile de recruter des patients ? Non, c’est difficile, car les essais sont contraignants. Ils nécessitent des rendez-vous mensuels, avec ponction lombaire et bilans san- guins. Les patients les plus jeunes soignés dans le service, ceux âgés d’environ 65 ans, sont souvent les plus impliqués. Puisqu’il semble si difficile de guérir Alzheimer, pourra-t-on un jour la prévenir ? Traiter les gens déjà malades, c’est peut-être trop tard. Impossible de remonter le temps ; on peut seule- ment espérer bloquer le processus ou en ralentir l’aggravation. Notre objectif est de poser un diagnostic le plus tôt possible, avant la perte d’autonomie,voireavantlessymp- tômes. Pour ça, nous allons nous appuyer sur d’énormes progrès dans l’identification de marqueurs biologiques associés à la présence de lésions. Certains de ces marqueurs étant présentsquinzeansavantlasurve- nuedessymptômes,onseracapables un jour d’identifier les sujets sains à risque et d’empêcher l’arrivée de la maladie. Je défends l’idée d’une clinique du risque qui va nous per- mettredepasserd’unevisionunpeu fataliste,centréesurl’accompagne- ment des malades, à une approche d’amont,plusglobaleetdynamique. Biensûr,ilfaudraexpliquerauxper- sonnes ainsi dépistées qu’elles ne sontpasmalades,maisàrisque.Cela relèveencoredelamédecine-fiction mais, si les médicaments tiennent leur promesse, on peut imaginer que certains puissent être donnés en prévention. Mais comment pourrait-on repérer les personnes à risque ? Il n’est pas question de dépister tout le monde à coups de PET- scan ou de ponction lombaire. Pour apprendre à mieux évaluer le risque, nous suivons, à l’Insti- tut de la mémoire et depuis 2013, une cohorte de 318 personnes âgées, sans troubles cognitifs au départ, dans le cadre d’une grande étude baptisée Insight et finan- cée ­notamment par l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM) et par la Fondation pour la recherche sur Alzheimer (FRA). Au bout de cinq ans, parmi les 88 personnesquiavaientaudépart leslésionscérébralesdelamaladie, 15 seulement ont développé des symptômes. Ce qui semble vali- der l’hypothèse que nous avions formulée en 2007 : la présence de lésions ne suffit pas à annoncer la survenue de la maladie ; seule la présence des symptômes associés à ces lésions définit l’affection. Mais la controverse scientifique n’est pas éteinte : mes collègues de Harvard ou de la Mayo Clinic aux États-Unis sont persuadés du contraire !Pournous,etlesdonnées actuelles de la littérature scienti- fiquelesuggèrent,d’autresfacteurs doivent être associés aux lésions pour que la maladie ­survienne. Une fois achevés, tous ces travaux nous permettront d’élaborer un algorithme prédictif pour repérer, dans la population des personnes âgées, le petit nombre chez qui les lésions sont présentes et évoluent. Notreéquipeaidentifiéunecorré- lation entre un marqueur sanguin etleslésionsamyloïdesducerveau. Ça reste fragile, et on n’en est pas encore à diagnostiquer Alzheimer grâce à une prise de sang. Le dépistage, c’est pour demain ou après-demain, mais que faire dès aujourd’hui ? On a l’idée de créer des centres de préventiondeladémence– etjevais d’ailleursenparlermardi,lorsd’une conférence à l’Académie de méde- cine, à Paris. Je les imagine comme des structures de repérage des fac- teurs de risque, dont certains sont modifiables par des interventions ciblées.Encomplément,nousdéve- loppons,avecl’agencerégionalede santéd’Île-de-France,uneapplica- tionderepéragedetroublescognitifs accessiblesursmartphone.Ceprojet baptiséSanté-Cerveauvapermettre aux gens de s’évaluer au moyen de questionnaires et de tests validés. Çaleurdonneradesindicationssur leur fonctionnement cognitif. Au besoin,ilsserontmisencontactavec lecentremémoireleplusprochede chez eux. En mobilisant la popula- tion,onpeutespérerretarderunpeu l’entrée dans la maladie. Pouvons-nous vraiment réduire nos risques? La prévention ne fait pas baisser la fréquence de survenue de la maladie, mais l’expression des symptômes peut être retardée. Le niveau d'éducation est un facteur majeur. Pour toutes les démences, laluttecontrelesfacteursderisque vasculaires– hypertension,obésité, sédentarité –estprimordiale.Tout comme la lutte contre l'isolement social et sensoriel. g Propos recueillis par A.-L.B. Peut-onprévenirourepousserl’appa- rition des symptômes de la maladie d’Alzheimer ?Faceàcespectreangois- sant,unimportantrapportpubliécet été dans The Lancet par un groupe d’experts a jeté une lueur d’espoir. Il révèleque40 %descasdedémence, incluant Alzheimer, pourraient être évités ou retardés en contrôlant douze facteurs de risque. Outre ceux qui étaient déjà connus (perte del’audition,conditionsd’éducation, tabagisme, isolement social, dépres- sion, hypertension, obésité, inacti- vitéphysiqueetdiabète),les­auteurs en ont identifié trois nouveaux : la consommation excessive d’alcool, les blessures à la tête et l’exposition à la pollution à l’âge adulte. Selon les chercheurs, décideurs politiquesetindividusdisposentainsi de clés pour agir. « Retarder la date de déclenchement des symptômes est notremeilleurlevierpourluttercontre lamaladie,abondePhilippeAmouyel, professeurdesantépubliqueauCHU de Lille et directeur de la Fondation Alzheimer.Carlorsquelessymptômes apparaissent, en moyenne à l’âge de 75 ans, la maladie évolue déjà depuis dix à quinze ans. » Reste que, au-delà du mode de vie,d’autresfacteurssontimpliqués, ­notammentgénétiques.« Iln’yapas derecettemiracle »,nuanceGuillaume Dorothée, chercheur à l’Inserm et directeurdel’équipeSystèmeimmu- nitaireetneuro­inflammationàParis. Malgrél’importanced’unepolitique depréventionciblée,ilestimequece neserapassuffisantpourveniràbout de la maladie. « Un enjeu primordial est de réussir à identifier les malades pendant cette phase présymptoma- tique et de leur faire bénéficier d’un traitement adapté. » Pourlemoment,aucuntraitement médicamenteux préventif ne s’est montré assez efficace. Des équipes américaines testent des molécules chezdespersonnesasymptomatiques à risque ou porteuses de certaines mutationsgénétiques.Uneapproche jugée problématique par l’Académie nationale de médecine, en 2018. Maintien du lien social Fautedemédicament,leschercheurs se concentrent sur les facteurs per- mettant d’atténuer les symptômes. « Lessourisgénétiquementprogram- méespourdévelopperlamaladieaux- quellesnousfaisonssubirunemauvaise hygiène alimentaire la développent rapidement, détaille ainsi Claire Rampon, directrice du Centre de recherchessurlacognitionanimaleà Toulouse.Cellesquimangentcorrecte- ment,quisedépensent,ladéveloppent plustard,voireneladéveloppentpas. » Pourréduirelesrisques,toutesles activités sollicitant le cerveau sont recommandées. Lecture, jardinage, apprentissage d’une langue, mais aussi maintien du lien social, que ce soitenfamilleouenmilieuassociatif. « Après20 ans,lescellulesdenotrecer- veauontfinidesemultiplier,décrypte ­PhilippeAmouyel.Maisgrâceaujeu desconnexionsentreles80à100 mil- liards de neurones qui le composent, ilmaintientunegrandeplasticitétout aulongdenotrevie.Plusonlesollicite, plus on favorise les connexions. » g Vincent Bordenave Prévenir, en attendant de guérir le chemin de la solution » modes de vie Une étude récente montre que 40 % des cas de démence pourraient être évités ou retardés en contrôlant douze facteurs de risque Dans un « village » destiné aux malades d’Alzheimer, à Dax, en juillet (lire page 4). Axelle de Russé