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LA CRITIQUE LITTERAIRE AFRICAINE ET LE COLLOQUE DE
YAOUNDE DE 1973 : l’appropriation littéraire
NOKE SIMON FRANCIS
Doctorant en Littérature et Civilisations africaines,
LCA, Université de Yaoundé I
Tables des matières
Introduction
I Compréhension des concepts
I-1 Critique littéraire
I-2 Histoire littéraire
I-3 Francophonie
II L’exercice de l’activité critique littéraire en Afrique
II-1 Fondements de la critique dans l’exercice de la critique dans les sociétés
orales africaines
II-1-1 Le critique Africain qui est-il ? Qu’est-ce que la critique africaine ?
II-1-2 Les exigences d’une Critique africaine
II-1-3 Les arguments de la Critique africaine selon le colloque de Yaoundé de
1973
II-2 L’exercice de la critique dans les sociétés orales africaines et la question de
la création littéraire
II-3 Fondements de la critique dans le langage.
III Littérature africaine et Francophonie
Conclusion
INTRODUCTION
La littérature, loin d’être un ensemble d’œuvres écrites ou orales auxquelles on
reconnaît une finalité esthétique, est l’âme d’un peuple. La questionner, c’est répondre du
même coup aux problèmes qui minent la société humaine intégrale. C’est du moins, inscrire
les signes culturels dans le sens contextuel de la vie d’un peuple. La littérature est une
pratique humaine depuis la nuit des temps. Qu’elle soit orale ou écrite, elle met l’homme au
centre de tout. Elle est donc homocentrique.
Comme pratique, la littérature en général a ses normes d’appréciation, ses propres
jugements esthétiques. Cette appréciation normative s’inscrit dans une autre sous-pratique de
la littérature appelée : critique littéraire, s’affirmant déjà avec beaucoup de difficultés comme
une branche scientifique et littéraire autonome.
Toute littérature est expression d’une culture, d’une vision du monde propre à un
peuple. Il y a donc autant de littératures qu’il y a de peuples. C’est au sein de sa littérature
qu’un peuple dit sa joie de vivre, ses difficultés face à la vie, ses prières et ses souhaits face à
son avenir et au-delà. C’est au sein de sa littérature qu’un peuple lance un défi à la nature et à
la mort et se met débout devant cette dernière pour ressusciter chaque fois à un errements
quelconque du destin.
Partant de ces prérequis ou de ces présuppositions, on ne peut mieux lire une œuvre
littéraire que si l’on se place dans un contexte, que lorsqu’on vit une certaine réalité. Et, au
delà de cette lecture, il est indubitable que toute lecture est mobilisation d’une certaine
perception, d’une certaine représentation du monde. Autrement dit, un africain par exemple ne
peut lire qu’en temps qu’africain et par extension, il ne peut lire une œuvre occidentale qu’en
la contextualisant et en l’intégrant à son vécu et à sa vision du monde. Pour tout dire, nous
pouvons affirmer que : toute lecture est ethnipète. C’est dans ce sens qu’on parle
d’appropriation littéraire.
L’appropriation littéraire, loin d’être une technique visant à intégrer par une lecture,
une œuvre littéraire dans un système idéologique spécifique, implique aussi le caractère que
doit revêtir toute critique d’une œuvre. C’est dans ce sens que nous pouvons affirmer que
toute critique de quelque ordre que ce soit, pour comprendre une œuvre littéraire, pour la
saisir dans son originalité, doit être : une critique littéraire appropriatrice. Cette dernière
perspective s’impose dans la logique des peuples qui ont à résoudre leurs problèmes de
développement et plus loin, elle s’inscrit dans le cadre du renouvellement de la créativité, elle
entre en droite ligne de la lutte contre l’uniformisation qui porterait un coup dur au patrimoine
culturel mondial.
L’objet de notre exposé englobe en général la notion d’appropriation littéraire dans le
cadre d’application Africain. Il s’appuie sur la lecture de textes constituant une sorte de corps
normatif, pour une sorte de construction de ce nous pouvons appeler : une bonne critique
littéraire africaine.
I- COMPREHENSION DES CONCEPTS
I-1 Critique littéraire
La critique est l’action de porter un jugement, de décrire, de juger, de comprendre les
œuvres littéraires. Ce jugement est beaucoup plus qualitatif et permet une appréciation selon
un canevas de normes. La critique est apparue d’abord à la renaissance pour devenir un terme
courant à l’âge classique. Sur le terme critique, on apposait le plaisir de la conversation. Il est
devenu très vite une mise en évidence des difficultés d’ordres généraux que les créateurs
avaient lors de la création de leurs œuvres (détermination des fautes). Puis, à l’âge classique
le terme devient une application de la poétique à une œuvre particulière.
Dans une tentative de définition, Locha Mateso voit entre la réception d’une œuvre
littérature et la critique littéraire, une sorte de relation d’équivalence. Car les deux termes
revoient à la notion de public. Si la réception d’une œuvre littéraire c’est l’accueil, ou du
moins, la manière dont l’auteur et son œuvre sont accueillis dans un espace-temps déterminé,
la critique littéraire serait une réception appliquée utilisant la lecture pour une opération
ultérieure et dans la continuité. Mateso reconnait en effet dans les Actes du Colloque de
Yaoundé de 1973:
On peut dire que le récepteur est d’avantage (mais non exclusivement) ce lecteur qui s’occupe de la
fonction critique fondamentale consistant à retenir ou à rejeter. Tandis que le critique est ce lecteur
qui occupe, dans certains cas, le rôle du producteur, imitant ou réinterprétant de façon polémique,
une œuvre antécédente
Depuis Aristote, à qui l’on attribue la paternité du mot, la critique littéraire est
marquée par les questions suivantes : Comment lire, interpréter, comprendre ou juger. Si avec
Roger Fayolle, la critique est née avec l’écriture, on affirmait du même coup, oubliant le
système propre de la critique des œuvres orales africaines par les africains, que l’Afrique
précoloniale, ignorant l’écriture ne pouvait se targuer de pratiquer une quelconque critique.
Dans son émergence et son vœu de s’imposer comme domaine autonome du savoir, elle fut
contestée. C’est pourquoi au même titre que l’histoire ou la philosophie, elle n’arrivait pas à
s’indifférencier des « sciences humaines. »
Ce n’est qu’au XIXe que la critique littéraire prit du volume en se libéralisant par le
biais de l’école avec la pratique de l’écriture. Une sorte d’ambiguïté persiste néanmoins quant
à cette discipline. C’est ainsi que Pierre Macherey a pu dire : « serait-ce, une activité
normative, ou une activité spéculative, un art ou une science, une interprétation ou une
explication ? »
I-2 L’histoire littéraire
L’histoire littéraire est une sorte de catégorisation périodicisante des œuvres littéraires
écrites ou orales d’une ère définie. Dans cette périodicisation, la méthode de catégorisation
des œuvres est fondée sur le principe que : à chaque époque ou selon une région bien
déterminée l’ensemble des œuvres propres à cette période possède une logique idéologique
hiérarchisée que l’on spécifie dans une différenciation ou une comparaison à une autre.
I-3 Francophonie
La francophonie est tout simplement l’ensemble des 53 états et 10 états en
observation en 2005 ayant le français pour première langue, pour langue officielle ou
véhiculaire.
Ce terme dans son premier sens fut usité par un géographe nommé Onesime Réclus
en 1880. Il désigna par ce moyen l’ensemble linguistique en évolution pendant la conquête
impérialiste. Le terme ressurgit dans les années 1960. En général et selon Mohamadou Kane
dans son article « Francophonie et spécificités littéraire africaine », elle fonctionne en cercle
concentriques dont la France occupe le centre, la Belgique et la Suisse sont les premiers
cercles, le Quebec vient ensuite et le reste des pays en majorité constitue des pays du tiers
monde occupe la partie périphérique. C’est ainsi qu’il affirme qu’il y a : « une francophonie
du centre, une francophonie du milieu et une francophonie périphérique. » p122.
Au début, seule la promotion de la langue française commune à tous les 53 pays,
constituait le leitmotiv de la politique de la France. Ceci pour la découverte, l’expansion des
cultures du monde Francophone. Ensuite, en voyant la répartition du monde en Nord et Sud,
en pays développés et en sous-développés, elle s’est ouverte vers une coopération qui intégrait
non plus seulement le côté linguistique, mais la politique, l’économie..etc. c’est ainsi que
l’ACCT (Agence de coopération culturelle et technique) avec l’AUPELF (l’association des
universités partiellement ou entièrement de langue française) effectuent des actions tous
azimuts sur le plan culturel, scientifique. Mais malgré tout cela, comme le remarque
Mohamadou Kane dans le même article : « l’influence de la langue, des cultures du centre
(Paris) sur celles de la périphérie (les pays du tiers monde francophones).1[1] »
II L’Exercice de l’activité critique littéraire en Afrique
Il a été objecté que les africains de la période précoloniale, parce qu’ils ne
connaissaient pas l’écriture, n’avaient aucune prétention à la critique littéraire qui du moins
selon Roger Fayolle est née avec l’écriture qui était libéralisée par le biais de l’école.
Cette réflexion est plus qu’une réponse à ce préjugé. Elle s’articule pour l’essentiel à
dépasser cette polémique longtemps rabâchée pour montrer que non seulement les sociétés
africaines à prépondérance orales avaient une critique de leurs productions mais aussi et
surtout, que cette critique avait des fondements.
II-1 Fondements de la critique dans l’exercice de l’activité critique au sein des sociétés
orales africaines.
Comme nous l’avons dit, cette partie a pour mission de lever l’équivoque, de
déconstruire le mythe logocentrique de la scripturalité qu’il faut rapporter ici à l’écriture
comme fondement unique et exclusif à la critique. C’est ainsi que nous allons démontrer avec
M.A.M Ngal, son article : « l’artiste africain, tradition, critique et liberté créatrice »1[2],
l’existence d’une critique traditionnelle africaine et au delà, l’existence d’une liberté créatrice
particulière. Mais avant d’y arriver : qui est le critique africain ? Qu’est-ce que la critique
littéraire africaine ? Quel est l’argument de la critique africaine ?
II-1.1 Le critique africain qui est-il ? Qu’est-ce que la critique africaine ?
Ces interrogations ont taraudé l’esprit des participants au colloque de Yaoundé sur le
Critique africain et son peuple comme producteur de civilisation du 16 au 20 avril 1973.
L’utilisation du terme « critique africain » reste ambiguë. Permet-il une généralisation, une
agrégation de notions incluant l’art et d’autres productions créatives ? Là reste le nœud de la
question.
Mais, s’il faut dire et reconnaître du même coup que la civilisation est très englobante,
le terme critique africain serait donc une agrégation de plusieurs pratiques qui
outrepasseraient la notion de littérature, d’art tout court. Quoiqu’il en soit, dans notre cas, le
critique africain se comprend autour de l’adjectif littéraire. C’est ainsi que nous parlons du
critique littéraire africain comme celui là qui est appelé à juger, décrire, comprendre,
interpréter une œuvre qu’il aurait lue, perçue ou entendue. C’est dans ce sens que nous
intégrons dans la critique littéraire, l’oralité et/ou l’écriture.
Dans cette perspective, nous disons que la critique littéraire africaine est cette activité
là qui est amenée à juger, à décrire les œuvres orales ou africaines. Mieux, toute critique
littéraire peut-elle être africaine ? Que faudrait-il dans ce cas pour être critique africain ou
pour qu’une critique soit africaine ?
II-1.2 Les exigences d’une critique littérature africaine
Ces exigences, elles aussi, ont constitué le moment faste du colloque de Yaoundé.
Ceci parce que, certains non africains qui ne connaissaient l’Afrique que par la langue
commune qui nous réunie, s’improvisaient africanistes, critiques d’œuvres littéraires et d’art.
Cette prétention unilatérale a amené à établir les exigences d’une critique littéraire africaine.
Allant du principe que toute critique est d’abord intégration dans un vécu culturel, qu’elle est
informatrice, guide du peuple dont elle tire ses sources nourricières, il fallait donc trouver un
accord qui réside dans la conviction que désormais tout non-africain, tout(e) critique devait
avoir fait au préalable, un travail d’information sérieux sur le vécu interne et externe du
peuple objet de la critique.
Le peuple africain, qui était absent et qui l’est encore de la critique littéraire africaine,
devait reprendre sa place, comme nous le montrerons avec Ngal et Melone, dans le jugement
et l’appréciation des œuvres littéraires comme il était de coutume dans l’Afrique traditionnelle
précoloniale. Cette absence du peuple dans la critique aujourd’hui, est causée par
l’analphabétisation.
Si le colloque exige du critique qu’il soit ouvert au monde, ceci en s’informant et en
s’inspirant des méthodes usitées ailleurs, il importe avant toute critique de pas oublier que le
fonds de culture et de civilisation est un élément très déterminant dans toute appropriation
d’une manifestation quelconque de la création africaine.
En somme, les exigences d’une critique littéraire africaine sont à trouver dans
l’immersion au sein du vécu culturel et civilisationnel ; une sensibilité et une compréhension
des perceptions et représentations du monde africain et aussi, la restitution de la place du
peuple dans l’exercice de la critique.
II-1.3 L’argument de la critique africaine selon le colloque de Yaoundé
L’argument de la critique littéraire africaine naît à partir d’un constat alarmant de la
critique en Afrique. Ce constat alarmant est le suivant : toutes les œuvres artistiques et
littéraires de l’Afrique sont présentées au peuple africain qui en est le légitime destinataire par
une critique occidentale qui a le pouvoir de juger, d’apprécier, de consacrer ou de désavouer
la démarche des créateurs et des créations.
Bien plus, cette critique a le pouvoir de décider de la grandeur d’un ouvrage ou de son
créateur, elle fixe les normes et les lignes directrices dans lesquelles nos œuvres littéraires
doivent s’intégrer pour être juger de bonnes ou de mauvaises, d’utiles ou d’inutiles. Tout ceci
parce que : « le peuple africain, d’où sont issus les écrivains et les artistes en question, n’a
pas les moyens d’apprécier le talent de ceux-ci »1[3] et parce que d’une manière profonde, le
support des œuvres repose sur les langues issues de la colonisation.
L’argument de la critique littéraire africaine repose donc sur la pensée selon
laquelle :
Chaque société a ses normes d’appréciations. Celles-ci sont parties intégrante de son éthique de la
vie. Les courants extérieurs, si généreux soient-ils, ne sauraient remplacer l’effort personnel de
recherche et de confrontation qui, seul, permet d’éclairer le jugement à travers le contexte d’une
civilisation spécifique1[4].
Au delà de cet argument, il s’agit pour la SAC (Société Africaine de Culture) : « de
faire accéder le peuple tout entier avec ses artistes, aux responsabilités que la vie moderne
impose à chaque nation et à chaque civilisation »1[5].
II.2 L’exercice de l’activité critique dans les sociétés orales africaines et la question de
la création littéraire
Cette problématique est développée dans l’article : « L’artiste africain : tradition,
critique et liberté créatrice », publié dans les Actes du colloque de Yaoundé de 1973. Dans cet
article, M.A.M. Ngal nous améne à rompre avec l’approche traditionnelle sempiternelle de la
genèse de la littérature orale et de la question de l’artiste et de sa communauté. Ici, les
questions suivantes sont le nœud de la problématique : qui est le véritable auteur de l’œuvre
orale ? Le peuple considéré collectivement ou l’artiste qui déroule son texte face à un public ?
Avant de répondre à cette question, faisons un bref background dans la pensée traditionnelle
sur l’artiste, le texte traditionnel et le public.
A ceci, on retrouve une réponse lorsqu’on lit le célèbre article de Pierre Ngijol : « la
critique littéraire africaine dans la littérature traditionnelle orale »1[6]. Cet auteur, en
déroulant une épopée basa’a et son dire communautaire, arrive à la conclusion selon laquelle
l’auteur véritable de l’œuvre orale est les générations qui ont contribué à l’élaboration de
l’œuvre. L’intervention de l’artiste ne consiste donc qu’à une relecture, une actualisation de la
tradition.
C’est allant à contre courant de cette pensée que Ngal affirme que dans la tradition
orale, l’artiste n’est pas un robot au service de la communauté. La littérarité de l’œuvre orale
réside pour lui dans la dialectique d’inventivité et de soumission, de liberté et de fidélité dont
fait montre l’artiste africain. En récitant son texte, l’artiste fait preuve de critique, il y ajoute
telle ou telle séquence, ajoute des éléments spectaculaires ou symboliques, fait de la mise en
scène, agrémente le discours avec la recherche d’un langage qui se veut en premier lieu
éloquence. Pour Ngal « Nous avons plus un simple « liseur », « recréateur » mais un critique
« créateur » dont les méditations débouchent sur la création d’une œuvre fidèle à la tradition
mais se revêtant d’une liberté créatrice qui la soustrait de l’uniformisation.
Si dans les sociétés orales, le public joue un rôle dans la critique en approbant ou en
désapprobant telle ou telle œuvre, il a les moyens d’apprécier le degré de respectabilité ou de
conformité du texte à la tradition commune. S’il apprécie et attend de l’artiste récitant, sa
contribution à l’enrichissement du patrimoine traditionnel, il n’a pas le même prestige dans la
nouvelle situation de l’écriture. Il convient de lui donner les moyens, pour une appropriation
féconde du texte car comme le montre Thomas Melone dans la critique littéraire et les
problèmes du langage : point de vue d’un africain, il est urgent de restituer au peuple son
privilège d’exprimer sa pensée dans la production artistique et littéraire si cela est possible,
au travers de l’expansion de l’éducation.
Cette restitution du privilège du peuple, à la critique comme dans l’Afrique
précoloniale repose sur plusieurs options importantes : une option politique : cette option
s’inscrit dans une logique de libération du pays. Libération par rapport aux crises diverses
auxquelles est confronté le peuple africain. Une option culturelle : c’est à dire l’immersion
ou la réinsertion contextuelle de l’artiste et de son public dans l’histoire collective culturelle
dont ils sont les membres et une immersion de ces derniers dans le creuset culturel et les
valeurs civilisatrices de vie du monde africain. Une option méthodologique qui implique que
si la critique est participation et émotion, elle est aussi et surtout détachement et objectivité,
une reconstitution de tous les mouvements originaux, de tous les mécanismes du travail
créateur chez l’artiste.
II .3 Le fondement de la critique dans le langage
Dans la littérature orale africaine, il existe trois critères principaux d’appréciation
d’une œuvre littéraire orale : le premier réside dans les éléments linguistiques et ludiques, le
second réside dans la fonction didactique de l’œuvre orale et le dernier, réside dans la
variation et la fidélité par rapport au patrimoine collectif culturel. C’est du premier critère
qu’il s’agit ici.
S’il est avéré qu’une langue est le véhicule des idées d’une civilisation donnée, sa
compétence s’estompe dès lors qu’elle est appelée à désigner des réalités relevant d’un autre
univers culturel. Bien plus, et au delà d’une langue, le problème du langage est celui général
de l’Afrique. Il pose un véritable malaise surtout lorsque l’artiste, qui est amené à une sorte de
perception de l’expérience humaine, se donne pour mission de la transmettre. Cette
transmission crée une sorte de malaise ou selon les propos de Melone « un naufrage
généralisé ». Mais dans cette transmission de l’expérience, il est important de se demander ce
que sacrifie l’artiste. A-t-il les moyens pour réussir cette transmission ? À quelles difficultés
est-il confronté ?
A ceci, nous disons que le langage africain est riche, coloré, imagé et nuancé. Il est le
résultat de la parole primordiale c’est-à-dire, cette voix intérieure au travers de laquelle sont
décrits les réalités et les moindres nuances de la culture, de la société humaine, de la culture et
du cosmos.
Mais, lorsqu’on sait que ce n’est pas avec le langage africain que l’artiste décrit ce
qu’il voit ou ressent, il est engagé dans la lutte existentielle. Sa parole primordiale, qui est
consubstantielle avec l’atmosphère et le vécu qui lui sont propres, n’exprime plus sa magie.
Car, l’artiste est obligé de transcrire son vécu dans une langue étrangère qui dénature le sens
de ses propos et l’aliène.
Dans ce malaise, il n y a plus donc appropriation de tous les symboles qui peuplent le
monde. Pourtant, il doit y avoir entre le monde, l’homme et la langue expression du monde un
effet de causalité circulaire, une présupposition. Mieux, ils doivent se créer réciproquement et
s’expliquer mutuellement.
Si l’artiste lui même a des problèmes, la tâche du critique est donc ardue. Car, quand
bien même l’artiste africain réussit à passer son message, le monde africain est un monde du
symbolisme où tout participe à la description des réalités au sens polysémique, à l’explication
de l’être et de son vécu.
Pour qu’un critique puisse comprendre les nuances du symbolisme africain, il faut
qu’il puisse être capable de comprendre en profondeur les significations profondes du langage
africain parsemé de proverbes, d’images au sens divers et fortement contextualisé au gré des
situations de la vie. Pour comprendre la beauté artistique et la saisir dans son vécu « il faut
participer d’un certain univers, pédagogique ou de l’éducation du sujet créant, autant que
celle du lecteur et donc du critique, il faudrait une sensibilité devant l’œuvre, une certaine
assimilation de la culture exposée »1[7]. Toujours selon Melone, la tâche du critique, si elle
veut être technique et création se situe à un autre niveau. Elle est suggérée, voire imposée par
la problématique du langage c’est-à-dire de la structure profonde de l’œuvre. Pour lui enfin la
découverte des techniques, des ressources, des connotations, des mouvements du langage est
l’instrument heuristique le plus précieux, le plus sûr, le plus déterminant pour le critique
littéraire.
IV Littérature africaine et Francophone
La francophonie est un système qui entretient les notions post coloniales de centre et
de périphérie. La situation de la francophonie étant particulière il existe, une francophonie du
centre dont la France occupe le centre, une francophonie du milieu où l’on place la Belgique,
la Suisse et le Quebec et enfin une francophonie périphérique occupée par le tiers monde
francophone. Malgré l’effort de quitter de la problématique question de la promotion de la
langue française commune, la France, optant désormais avec la répartition du monde en nord
et sud pour une coopération tous azimuts (politique, culturelle, académique) avec ses
institutions ACCT et AUPELF, n’a rien changé rien à sa pratique interculturelle. Celle-ci reste
fortement marquée par l’influence de la langue, des cultures du centre (Paris) sur celles de la
périphérie.
Partant de ce qui précède, certains comme M Kane (« Francophonie et spécificités
littéraires africaines ») convoquent le terme de spécificité littéraire africaine qui se conçoit et
se perçoit autour de l’oralité. Selon Kane, la francophonie n’a pas bouleversé les rapports de
continuité à l’oralité. Elle est venue enrichir l’Afrique en entraînant des mutations certaines
dans le vécu des africains. On assiste comme il le dit à la naissance d’une esthétique qui est
composite, mais qui s’avère moins hybride qu’on ne l’a dit très souvent… on relève une
remarquable continuité de l’esthétique traditionnelle à l’esthétique nouvelle » Il affirme que,
la francophonie a offert l’écriture aux africains. Celle-ci leur a offert « la possibilité de fixer
sa pensée, de la dépasser, de la diffuser »
Comme mutation, la notion d’auteur dans le contexte de l’oralité a été bouleversée.
C’est ainsi qu’avec l’écriture, il existe en Afrique un auteur même si celui-ci traduit la vision
d’un peuple. Aussi, la francophonie a bouleversé en Afrique traditionnelle les notions
d’œuvres littéraires, de créateur, de public. L’œuvre n’est plus un bien public que tout le
monde peut reprendre à son propre compte. Il existe désormais une individualité. Ici aussi
Mohamadou Kane, est fier de l’existence d’écrivains qui sont allés vers la francophonie sans
perdre leur spécificité africaine que l’on retrouve dans ses formes orales. Il cite Birago Diop
qui a pu, à son sens, dans ses rapports avec le français : « renouveler le conte africain, le faire
vivre dans un contexte de modernisation » p 128
La francophonie a muté le terme d’engagement en Afrique aujourd’hui :
« l’engagement de la littérature toute entière est mise au service du groupe », cet engagement
est utilitaire, pragmatique et sert à la diffusion et à la sauvegarde des valeurs du groupe.
Toujours dans les rapports avec la francophonie, et enfin, Justin Bisanswa Kalulu nous amène
dans « Littérature négro-africaine et Francophonie », à une nouvelle piste de lecture des
tendances de la littérature négro-africaine d’expression française. Partant de l’analyse selon
laquelle la littérature africaine dans sa généralité est toujours une poésie de « chant
d’ombre », des « hosties noires », une poésie de la souffrance, se disant à tout temps par le
truchement du mythe et de l’image, il arrive à une analyse institutionnelle de la littérature.
Pour lui, dans cette analyse, lorsqu’un écrivain écrit, ses stratégies textuelles sont
homologables à des rapports de place qui se jouent entre lui et les autres agents d’un état
donné de l’institution littéraire et celles-ci obéissent aux règles plus ou moins avouées d’une
logique de la distinction. Ainsi selon lui écrire, c’est du même coup inscrire sa pratique du
texte dans un champ peuplé d’autres textes vis à vis desquels on déploie une double stratégie
de différenciation et d’intégration.
La logique institutionnelle oblige donc le texte africain à s’inscrire dans un cadre
remarquable, à produire des signes notables, jouant de leur distinction mais aussi de leur
assimilation ou conformation par rapport à telle ou telle esthétique dominante. C’est ce
rapport de distinction et d’assimilation qui accompagne le poète.
S’il est vrai que la littérature africaine, comme jamais d’ailleurs toute autre littérature,
a dès son émergence, montré son vœu de vouloir évincer tout modèle dominant elle a montrée
ce qui lui obsède dans l’héritage qui lui était propre. Mais, dans la relation littérature négro-
africaine et francophonie, Justin B voit l’image du père et du fils ou le rapport de force est
disproportionné. Il affirme dans la continuité que la cohorte des écrivains africains ne
disposent pas de force assez puissante pour ébranler victorieusement l’énorme armature de la
francophonie. Pire, elle lui est redevable de trop de chose pour pouvoir se débarrasser d’elle
d’un simple coup de reins.
CONCLUSION
S’il reste important pour nous de signaler que toute question de réappropriation de
l’essentiel de notre histoire est un pas important vers la conquête de notre destinée. Cet
impératif passe par une activité d’appropriation de la littérature.
L’appropriation littéraire est donc le ferment d’une critique consciente et
responsabilisante. Elle passe par la restitution de la place de critique qu’avait le peuple
africain dans la production des œuvres littéraires et artistiques et surtout par une immersion
dans notre système et vécu représentatif culturel. Combien de temps, continuerons-nous à
promouvoir une culture et une langue qui ne nous appartiennent pas

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La critique littéraire africaine et le colloque de Yaoundé de 1973

  • 1. LA CRITIQUE LITTERAIRE AFRICAINE ET LE COLLOQUE DE YAOUNDE DE 1973 : l’appropriation littéraire NOKE SIMON FRANCIS Doctorant en Littérature et Civilisations africaines, LCA, Université de Yaoundé I Tables des matières Introduction I Compréhension des concepts I-1 Critique littéraire I-2 Histoire littéraire I-3 Francophonie II L’exercice de l’activité critique littéraire en Afrique II-1 Fondements de la critique dans l’exercice de la critique dans les sociétés orales africaines II-1-1 Le critique Africain qui est-il ? Qu’est-ce que la critique africaine ? II-1-2 Les exigences d’une Critique africaine II-1-3 Les arguments de la Critique africaine selon le colloque de Yaoundé de 1973 II-2 L’exercice de la critique dans les sociétés orales africaines et la question de la création littéraire II-3 Fondements de la critique dans le langage. III Littérature africaine et Francophonie Conclusion
  • 2. INTRODUCTION La littérature, loin d’être un ensemble d’œuvres écrites ou orales auxquelles on reconnaît une finalité esthétique, est l’âme d’un peuple. La questionner, c’est répondre du même coup aux problèmes qui minent la société humaine intégrale. C’est du moins, inscrire les signes culturels dans le sens contextuel de la vie d’un peuple. La littérature est une pratique humaine depuis la nuit des temps. Qu’elle soit orale ou écrite, elle met l’homme au centre de tout. Elle est donc homocentrique. Comme pratique, la littérature en général a ses normes d’appréciation, ses propres jugements esthétiques. Cette appréciation normative s’inscrit dans une autre sous-pratique de la littérature appelée : critique littéraire, s’affirmant déjà avec beaucoup de difficultés comme une branche scientifique et littéraire autonome. Toute littérature est expression d’une culture, d’une vision du monde propre à un peuple. Il y a donc autant de littératures qu’il y a de peuples. C’est au sein de sa littérature qu’un peuple dit sa joie de vivre, ses difficultés face à la vie, ses prières et ses souhaits face à son avenir et au-delà. C’est au sein de sa littérature qu’un peuple lance un défi à la nature et à la mort et se met débout devant cette dernière pour ressusciter chaque fois à un errements quelconque du destin. Partant de ces prérequis ou de ces présuppositions, on ne peut mieux lire une œuvre littéraire que si l’on se place dans un contexte, que lorsqu’on vit une certaine réalité. Et, au delà de cette lecture, il est indubitable que toute lecture est mobilisation d’une certaine perception, d’une certaine représentation du monde. Autrement dit, un africain par exemple ne peut lire qu’en temps qu’africain et par extension, il ne peut lire une œuvre occidentale qu’en la contextualisant et en l’intégrant à son vécu et à sa vision du monde. Pour tout dire, nous pouvons affirmer que : toute lecture est ethnipète. C’est dans ce sens qu’on parle d’appropriation littéraire. L’appropriation littéraire, loin d’être une technique visant à intégrer par une lecture, une œuvre littéraire dans un système idéologique spécifique, implique aussi le caractère que doit revêtir toute critique d’une œuvre. C’est dans ce sens que nous pouvons affirmer que toute critique de quelque ordre que ce soit, pour comprendre une œuvre littéraire, pour la saisir dans son originalité, doit être : une critique littéraire appropriatrice. Cette dernière perspective s’impose dans la logique des peuples qui ont à résoudre leurs problèmes de
  • 3. développement et plus loin, elle s’inscrit dans le cadre du renouvellement de la créativité, elle entre en droite ligne de la lutte contre l’uniformisation qui porterait un coup dur au patrimoine culturel mondial. L’objet de notre exposé englobe en général la notion d’appropriation littéraire dans le cadre d’application Africain. Il s’appuie sur la lecture de textes constituant une sorte de corps normatif, pour une sorte de construction de ce nous pouvons appeler : une bonne critique littéraire africaine. I- COMPREHENSION DES CONCEPTS I-1 Critique littéraire La critique est l’action de porter un jugement, de décrire, de juger, de comprendre les œuvres littéraires. Ce jugement est beaucoup plus qualitatif et permet une appréciation selon un canevas de normes. La critique est apparue d’abord à la renaissance pour devenir un terme courant à l’âge classique. Sur le terme critique, on apposait le plaisir de la conversation. Il est devenu très vite une mise en évidence des difficultés d’ordres généraux que les créateurs avaient lors de la création de leurs œuvres (détermination des fautes). Puis, à l’âge classique le terme devient une application de la poétique à une œuvre particulière. Dans une tentative de définition, Locha Mateso voit entre la réception d’une œuvre littérature et la critique littéraire, une sorte de relation d’équivalence. Car les deux termes revoient à la notion de public. Si la réception d’une œuvre littéraire c’est l’accueil, ou du moins, la manière dont l’auteur et son œuvre sont accueillis dans un espace-temps déterminé, la critique littéraire serait une réception appliquée utilisant la lecture pour une opération ultérieure et dans la continuité. Mateso reconnait en effet dans les Actes du Colloque de Yaoundé de 1973: On peut dire que le récepteur est d’avantage (mais non exclusivement) ce lecteur qui s’occupe de la fonction critique fondamentale consistant à retenir ou à rejeter. Tandis que le critique est ce lecteur qui occupe, dans certains cas, le rôle du producteur, imitant ou réinterprétant de façon polémique, une œuvre antécédente Depuis Aristote, à qui l’on attribue la paternité du mot, la critique littéraire est marquée par les questions suivantes : Comment lire, interpréter, comprendre ou juger. Si avec Roger Fayolle, la critique est née avec l’écriture, on affirmait du même coup, oubliant le système propre de la critique des œuvres orales africaines par les africains, que l’Afrique précoloniale, ignorant l’écriture ne pouvait se targuer de pratiquer une quelconque critique.
  • 4. Dans son émergence et son vœu de s’imposer comme domaine autonome du savoir, elle fut contestée. C’est pourquoi au même titre que l’histoire ou la philosophie, elle n’arrivait pas à s’indifférencier des « sciences humaines. » Ce n’est qu’au XIXe que la critique littéraire prit du volume en se libéralisant par le biais de l’école avec la pratique de l’écriture. Une sorte d’ambiguïté persiste néanmoins quant à cette discipline. C’est ainsi que Pierre Macherey a pu dire : « serait-ce, une activité normative, ou une activité spéculative, un art ou une science, une interprétation ou une explication ? » I-2 L’histoire littéraire L’histoire littéraire est une sorte de catégorisation périodicisante des œuvres littéraires écrites ou orales d’une ère définie. Dans cette périodicisation, la méthode de catégorisation des œuvres est fondée sur le principe que : à chaque époque ou selon une région bien déterminée l’ensemble des œuvres propres à cette période possède une logique idéologique hiérarchisée que l’on spécifie dans une différenciation ou une comparaison à une autre. I-3 Francophonie La francophonie est tout simplement l’ensemble des 53 états et 10 états en observation en 2005 ayant le français pour première langue, pour langue officielle ou véhiculaire. Ce terme dans son premier sens fut usité par un géographe nommé Onesime Réclus en 1880. Il désigna par ce moyen l’ensemble linguistique en évolution pendant la conquête impérialiste. Le terme ressurgit dans les années 1960. En général et selon Mohamadou Kane dans son article « Francophonie et spécificités littéraire africaine », elle fonctionne en cercle concentriques dont la France occupe le centre, la Belgique et la Suisse sont les premiers cercles, le Quebec vient ensuite et le reste des pays en majorité constitue des pays du tiers monde occupe la partie périphérique. C’est ainsi qu’il affirme qu’il y a : « une francophonie du centre, une francophonie du milieu et une francophonie périphérique. » p122. Au début, seule la promotion de la langue française commune à tous les 53 pays, constituait le leitmotiv de la politique de la France. Ceci pour la découverte, l’expansion des cultures du monde Francophone. Ensuite, en voyant la répartition du monde en Nord et Sud, en pays développés et en sous-développés, elle s’est ouverte vers une coopération qui intégrait
  • 5. non plus seulement le côté linguistique, mais la politique, l’économie..etc. c’est ainsi que l’ACCT (Agence de coopération culturelle et technique) avec l’AUPELF (l’association des universités partiellement ou entièrement de langue française) effectuent des actions tous azimuts sur le plan culturel, scientifique. Mais malgré tout cela, comme le remarque Mohamadou Kane dans le même article : « l’influence de la langue, des cultures du centre (Paris) sur celles de la périphérie (les pays du tiers monde francophones).1[1] » II L’Exercice de l’activité critique littéraire en Afrique Il a été objecté que les africains de la période précoloniale, parce qu’ils ne connaissaient pas l’écriture, n’avaient aucune prétention à la critique littéraire qui du moins selon Roger Fayolle est née avec l’écriture qui était libéralisée par le biais de l’école. Cette réflexion est plus qu’une réponse à ce préjugé. Elle s’articule pour l’essentiel à dépasser cette polémique longtemps rabâchée pour montrer que non seulement les sociétés africaines à prépondérance orales avaient une critique de leurs productions mais aussi et surtout, que cette critique avait des fondements. II-1 Fondements de la critique dans l’exercice de l’activité critique au sein des sociétés orales africaines. Comme nous l’avons dit, cette partie a pour mission de lever l’équivoque, de déconstruire le mythe logocentrique de la scripturalité qu’il faut rapporter ici à l’écriture comme fondement unique et exclusif à la critique. C’est ainsi que nous allons démontrer avec M.A.M Ngal, son article : « l’artiste africain, tradition, critique et liberté créatrice »1[2], l’existence d’une critique traditionnelle africaine et au delà, l’existence d’une liberté créatrice particulière. Mais avant d’y arriver : qui est le critique africain ? Qu’est-ce que la critique littéraire africaine ? Quel est l’argument de la critique africaine ? II-1.1 Le critique africain qui est-il ? Qu’est-ce que la critique africaine ? Ces interrogations ont taraudé l’esprit des participants au colloque de Yaoundé sur le Critique africain et son peuple comme producteur de civilisation du 16 au 20 avril 1973. L’utilisation du terme « critique africain » reste ambiguë. Permet-il une généralisation, une
  • 6. agrégation de notions incluant l’art et d’autres productions créatives ? Là reste le nœud de la question. Mais, s’il faut dire et reconnaître du même coup que la civilisation est très englobante, le terme critique africain serait donc une agrégation de plusieurs pratiques qui outrepasseraient la notion de littérature, d’art tout court. Quoiqu’il en soit, dans notre cas, le critique africain se comprend autour de l’adjectif littéraire. C’est ainsi que nous parlons du critique littéraire africain comme celui là qui est appelé à juger, décrire, comprendre, interpréter une œuvre qu’il aurait lue, perçue ou entendue. C’est dans ce sens que nous intégrons dans la critique littéraire, l’oralité et/ou l’écriture. Dans cette perspective, nous disons que la critique littéraire africaine est cette activité là qui est amenée à juger, à décrire les œuvres orales ou africaines. Mieux, toute critique littéraire peut-elle être africaine ? Que faudrait-il dans ce cas pour être critique africain ou pour qu’une critique soit africaine ? II-1.2 Les exigences d’une critique littérature africaine Ces exigences, elles aussi, ont constitué le moment faste du colloque de Yaoundé. Ceci parce que, certains non africains qui ne connaissaient l’Afrique que par la langue commune qui nous réunie, s’improvisaient africanistes, critiques d’œuvres littéraires et d’art. Cette prétention unilatérale a amené à établir les exigences d’une critique littéraire africaine. Allant du principe que toute critique est d’abord intégration dans un vécu culturel, qu’elle est informatrice, guide du peuple dont elle tire ses sources nourricières, il fallait donc trouver un accord qui réside dans la conviction que désormais tout non-africain, tout(e) critique devait avoir fait au préalable, un travail d’information sérieux sur le vécu interne et externe du peuple objet de la critique. Le peuple africain, qui était absent et qui l’est encore de la critique littéraire africaine, devait reprendre sa place, comme nous le montrerons avec Ngal et Melone, dans le jugement et l’appréciation des œuvres littéraires comme il était de coutume dans l’Afrique traditionnelle précoloniale. Cette absence du peuple dans la critique aujourd’hui, est causée par l’analphabétisation. Si le colloque exige du critique qu’il soit ouvert au monde, ceci en s’informant et en s’inspirant des méthodes usitées ailleurs, il importe avant toute critique de pas oublier que le
  • 7. fonds de culture et de civilisation est un élément très déterminant dans toute appropriation d’une manifestation quelconque de la création africaine. En somme, les exigences d’une critique littéraire africaine sont à trouver dans l’immersion au sein du vécu culturel et civilisationnel ; une sensibilité et une compréhension des perceptions et représentations du monde africain et aussi, la restitution de la place du peuple dans l’exercice de la critique. II-1.3 L’argument de la critique africaine selon le colloque de Yaoundé L’argument de la critique littéraire africaine naît à partir d’un constat alarmant de la critique en Afrique. Ce constat alarmant est le suivant : toutes les œuvres artistiques et littéraires de l’Afrique sont présentées au peuple africain qui en est le légitime destinataire par une critique occidentale qui a le pouvoir de juger, d’apprécier, de consacrer ou de désavouer la démarche des créateurs et des créations. Bien plus, cette critique a le pouvoir de décider de la grandeur d’un ouvrage ou de son créateur, elle fixe les normes et les lignes directrices dans lesquelles nos œuvres littéraires doivent s’intégrer pour être juger de bonnes ou de mauvaises, d’utiles ou d’inutiles. Tout ceci parce que : « le peuple africain, d’où sont issus les écrivains et les artistes en question, n’a pas les moyens d’apprécier le talent de ceux-ci »1[3] et parce que d’une manière profonde, le support des œuvres repose sur les langues issues de la colonisation. L’argument de la critique littéraire africaine repose donc sur la pensée selon laquelle : Chaque société a ses normes d’appréciations. Celles-ci sont parties intégrante de son éthique de la vie. Les courants extérieurs, si généreux soient-ils, ne sauraient remplacer l’effort personnel de recherche et de confrontation qui, seul, permet d’éclairer le jugement à travers le contexte d’une civilisation spécifique1[4]. Au delà de cet argument, il s’agit pour la SAC (Société Africaine de Culture) : « de faire accéder le peuple tout entier avec ses artistes, aux responsabilités que la vie moderne impose à chaque nation et à chaque civilisation »1[5].
  • 8. II.2 L’exercice de l’activité critique dans les sociétés orales africaines et la question de la création littéraire Cette problématique est développée dans l’article : « L’artiste africain : tradition, critique et liberté créatrice », publié dans les Actes du colloque de Yaoundé de 1973. Dans cet article, M.A.M. Ngal nous améne à rompre avec l’approche traditionnelle sempiternelle de la genèse de la littérature orale et de la question de l’artiste et de sa communauté. Ici, les questions suivantes sont le nœud de la problématique : qui est le véritable auteur de l’œuvre orale ? Le peuple considéré collectivement ou l’artiste qui déroule son texte face à un public ? Avant de répondre à cette question, faisons un bref background dans la pensée traditionnelle sur l’artiste, le texte traditionnel et le public. A ceci, on retrouve une réponse lorsqu’on lit le célèbre article de Pierre Ngijol : « la critique littéraire africaine dans la littérature traditionnelle orale »1[6]. Cet auteur, en déroulant une épopée basa’a et son dire communautaire, arrive à la conclusion selon laquelle l’auteur véritable de l’œuvre orale est les générations qui ont contribué à l’élaboration de l’œuvre. L’intervention de l’artiste ne consiste donc qu’à une relecture, une actualisation de la tradition. C’est allant à contre courant de cette pensée que Ngal affirme que dans la tradition orale, l’artiste n’est pas un robot au service de la communauté. La littérarité de l’œuvre orale réside pour lui dans la dialectique d’inventivité et de soumission, de liberté et de fidélité dont fait montre l’artiste africain. En récitant son texte, l’artiste fait preuve de critique, il y ajoute telle ou telle séquence, ajoute des éléments spectaculaires ou symboliques, fait de la mise en scène, agrémente le discours avec la recherche d’un langage qui se veut en premier lieu éloquence. Pour Ngal « Nous avons plus un simple « liseur », « recréateur » mais un critique « créateur » dont les méditations débouchent sur la création d’une œuvre fidèle à la tradition mais se revêtant d’une liberté créatrice qui la soustrait de l’uniformisation. Si dans les sociétés orales, le public joue un rôle dans la critique en approbant ou en désapprobant telle ou telle œuvre, il a les moyens d’apprécier le degré de respectabilité ou de conformité du texte à la tradition commune. S’il apprécie et attend de l’artiste récitant, sa contribution à l’enrichissement du patrimoine traditionnel, il n’a pas le même prestige dans la nouvelle situation de l’écriture. Il convient de lui donner les moyens, pour une appropriation
  • 9. féconde du texte car comme le montre Thomas Melone dans la critique littéraire et les problèmes du langage : point de vue d’un africain, il est urgent de restituer au peuple son privilège d’exprimer sa pensée dans la production artistique et littéraire si cela est possible, au travers de l’expansion de l’éducation. Cette restitution du privilège du peuple, à la critique comme dans l’Afrique précoloniale repose sur plusieurs options importantes : une option politique : cette option s’inscrit dans une logique de libération du pays. Libération par rapport aux crises diverses auxquelles est confronté le peuple africain. Une option culturelle : c’est à dire l’immersion ou la réinsertion contextuelle de l’artiste et de son public dans l’histoire collective culturelle dont ils sont les membres et une immersion de ces derniers dans le creuset culturel et les valeurs civilisatrices de vie du monde africain. Une option méthodologique qui implique que si la critique est participation et émotion, elle est aussi et surtout détachement et objectivité, une reconstitution de tous les mouvements originaux, de tous les mécanismes du travail créateur chez l’artiste. II .3 Le fondement de la critique dans le langage Dans la littérature orale africaine, il existe trois critères principaux d’appréciation d’une œuvre littéraire orale : le premier réside dans les éléments linguistiques et ludiques, le second réside dans la fonction didactique de l’œuvre orale et le dernier, réside dans la variation et la fidélité par rapport au patrimoine collectif culturel. C’est du premier critère qu’il s’agit ici. S’il est avéré qu’une langue est le véhicule des idées d’une civilisation donnée, sa compétence s’estompe dès lors qu’elle est appelée à désigner des réalités relevant d’un autre univers culturel. Bien plus, et au delà d’une langue, le problème du langage est celui général de l’Afrique. Il pose un véritable malaise surtout lorsque l’artiste, qui est amené à une sorte de perception de l’expérience humaine, se donne pour mission de la transmettre. Cette transmission crée une sorte de malaise ou selon les propos de Melone « un naufrage généralisé ». Mais dans cette transmission de l’expérience, il est important de se demander ce que sacrifie l’artiste. A-t-il les moyens pour réussir cette transmission ? À quelles difficultés est-il confronté ? A ceci, nous disons que le langage africain est riche, coloré, imagé et nuancé. Il est le résultat de la parole primordiale c’est-à-dire, cette voix intérieure au travers de laquelle sont
  • 10. décrits les réalités et les moindres nuances de la culture, de la société humaine, de la culture et du cosmos. Mais, lorsqu’on sait que ce n’est pas avec le langage africain que l’artiste décrit ce qu’il voit ou ressent, il est engagé dans la lutte existentielle. Sa parole primordiale, qui est consubstantielle avec l’atmosphère et le vécu qui lui sont propres, n’exprime plus sa magie. Car, l’artiste est obligé de transcrire son vécu dans une langue étrangère qui dénature le sens de ses propos et l’aliène. Dans ce malaise, il n y a plus donc appropriation de tous les symboles qui peuplent le monde. Pourtant, il doit y avoir entre le monde, l’homme et la langue expression du monde un effet de causalité circulaire, une présupposition. Mieux, ils doivent se créer réciproquement et s’expliquer mutuellement. Si l’artiste lui même a des problèmes, la tâche du critique est donc ardue. Car, quand bien même l’artiste africain réussit à passer son message, le monde africain est un monde du symbolisme où tout participe à la description des réalités au sens polysémique, à l’explication de l’être et de son vécu. Pour qu’un critique puisse comprendre les nuances du symbolisme africain, il faut qu’il puisse être capable de comprendre en profondeur les significations profondes du langage africain parsemé de proverbes, d’images au sens divers et fortement contextualisé au gré des situations de la vie. Pour comprendre la beauté artistique et la saisir dans son vécu « il faut participer d’un certain univers, pédagogique ou de l’éducation du sujet créant, autant que celle du lecteur et donc du critique, il faudrait une sensibilité devant l’œuvre, une certaine assimilation de la culture exposée »1[7]. Toujours selon Melone, la tâche du critique, si elle veut être technique et création se situe à un autre niveau. Elle est suggérée, voire imposée par la problématique du langage c’est-à-dire de la structure profonde de l’œuvre. Pour lui enfin la découverte des techniques, des ressources, des connotations, des mouvements du langage est l’instrument heuristique le plus précieux, le plus sûr, le plus déterminant pour le critique littéraire.
  • 11. IV Littérature africaine et Francophone La francophonie est un système qui entretient les notions post coloniales de centre et de périphérie. La situation de la francophonie étant particulière il existe, une francophonie du centre dont la France occupe le centre, une francophonie du milieu où l’on place la Belgique, la Suisse et le Quebec et enfin une francophonie périphérique occupée par le tiers monde francophone. Malgré l’effort de quitter de la problématique question de la promotion de la langue française commune, la France, optant désormais avec la répartition du monde en nord et sud pour une coopération tous azimuts (politique, culturelle, académique) avec ses institutions ACCT et AUPELF, n’a rien changé rien à sa pratique interculturelle. Celle-ci reste fortement marquée par l’influence de la langue, des cultures du centre (Paris) sur celles de la périphérie. Partant de ce qui précède, certains comme M Kane (« Francophonie et spécificités littéraires africaines ») convoquent le terme de spécificité littéraire africaine qui se conçoit et se perçoit autour de l’oralité. Selon Kane, la francophonie n’a pas bouleversé les rapports de continuité à l’oralité. Elle est venue enrichir l’Afrique en entraînant des mutations certaines dans le vécu des africains. On assiste comme il le dit à la naissance d’une esthétique qui est composite, mais qui s’avère moins hybride qu’on ne l’a dit très souvent… on relève une remarquable continuité de l’esthétique traditionnelle à l’esthétique nouvelle » Il affirme que, la francophonie a offert l’écriture aux africains. Celle-ci leur a offert « la possibilité de fixer sa pensée, de la dépasser, de la diffuser » Comme mutation, la notion d’auteur dans le contexte de l’oralité a été bouleversée. C’est ainsi qu’avec l’écriture, il existe en Afrique un auteur même si celui-ci traduit la vision d’un peuple. Aussi, la francophonie a bouleversé en Afrique traditionnelle les notions d’œuvres littéraires, de créateur, de public. L’œuvre n’est plus un bien public que tout le monde peut reprendre à son propre compte. Il existe désormais une individualité. Ici aussi Mohamadou Kane, est fier de l’existence d’écrivains qui sont allés vers la francophonie sans perdre leur spécificité africaine que l’on retrouve dans ses formes orales. Il cite Birago Diop qui a pu, à son sens, dans ses rapports avec le français : « renouveler le conte africain, le faire vivre dans un contexte de modernisation » p 128
  • 12. La francophonie a muté le terme d’engagement en Afrique aujourd’hui : « l’engagement de la littérature toute entière est mise au service du groupe », cet engagement est utilitaire, pragmatique et sert à la diffusion et à la sauvegarde des valeurs du groupe. Toujours dans les rapports avec la francophonie, et enfin, Justin Bisanswa Kalulu nous amène dans « Littérature négro-africaine et Francophonie », à une nouvelle piste de lecture des tendances de la littérature négro-africaine d’expression française. Partant de l’analyse selon laquelle la littérature africaine dans sa généralité est toujours une poésie de « chant d’ombre », des « hosties noires », une poésie de la souffrance, se disant à tout temps par le truchement du mythe et de l’image, il arrive à une analyse institutionnelle de la littérature. Pour lui, dans cette analyse, lorsqu’un écrivain écrit, ses stratégies textuelles sont homologables à des rapports de place qui se jouent entre lui et les autres agents d’un état donné de l’institution littéraire et celles-ci obéissent aux règles plus ou moins avouées d’une logique de la distinction. Ainsi selon lui écrire, c’est du même coup inscrire sa pratique du texte dans un champ peuplé d’autres textes vis à vis desquels on déploie une double stratégie de différenciation et d’intégration. La logique institutionnelle oblige donc le texte africain à s’inscrire dans un cadre remarquable, à produire des signes notables, jouant de leur distinction mais aussi de leur assimilation ou conformation par rapport à telle ou telle esthétique dominante. C’est ce rapport de distinction et d’assimilation qui accompagne le poète. S’il est vrai que la littérature africaine, comme jamais d’ailleurs toute autre littérature, a dès son émergence, montré son vœu de vouloir évincer tout modèle dominant elle a montrée ce qui lui obsède dans l’héritage qui lui était propre. Mais, dans la relation littérature négro- africaine et francophonie, Justin B voit l’image du père et du fils ou le rapport de force est disproportionné. Il affirme dans la continuité que la cohorte des écrivains africains ne disposent pas de force assez puissante pour ébranler victorieusement l’énorme armature de la francophonie. Pire, elle lui est redevable de trop de chose pour pouvoir se débarrasser d’elle d’un simple coup de reins. CONCLUSION S’il reste important pour nous de signaler que toute question de réappropriation de l’essentiel de notre histoire est un pas important vers la conquête de notre destinée. Cet impératif passe par une activité d’appropriation de la littérature.
  • 13. L’appropriation littéraire est donc le ferment d’une critique consciente et responsabilisante. Elle passe par la restitution de la place de critique qu’avait le peuple africain dans la production des œuvres littéraires et artistiques et surtout par une immersion dans notre système et vécu représentatif culturel. Combien de temps, continuerons-nous à promouvoir une culture et une langue qui ne nous appartiennent pas