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Cours de didactique des textes littéraires, Master 2 didactique,
Master 2 littérature
Introduction à la didactique de la littérature
L’enseignement de la littérature s’inscrit dans la mission historique de l’école qui est
d’éduquer le petit homme. Cette éducation a pour double objectif l’apprentissage de la vie, de
la langue et de la culture collective et celui de l’épanouissement individuel. La littérature est,
en effet, un moyen d’affranchir l’individu du carcan de sa famille, de toutes les formes de
croyance et de superstition et, d’une certaine façon, de toutes les sources d’aliénation et de
servitude qui pouvaient menacer sa liberté.
Bien que la littérature soit effectivement et matériellement présente à l’école (livres,
textes, recueils, bibliothèques…), elle n’y est pas, à proprement parler, notamment au
primaire, constituée en discipline d’enseignement au même titre que les mathématiques,
l’histoire ou l’éducation physique. Les textes littéraires sont d’abord et surtout utilisés comme
supports d’activités d’apprentissage de la langue, de la lecture, mais aussi d’apprentissages
plus techniques tels que l’orthographe, la grammaire ou la conjugaison qui empruntent à des
extraits littéraires le prétexte à des exercices divers. On peut trouver aussi une autre forme
d’emploi de la littérature à l’école, plus ludique : la lecture de détente ou de loisir. Ces
pratiques obéissent au principe implicite que les textes littéraires constituent les modèles du
bon usage de la langue et contribueraient ainsi, par une forme silencieuse d’imprégnation à les
diffuser. Néanmoins, elles présentent l’inconvénient de négliger la spécificité des textes
littéraires.
Dans les deux cas, le texte littéraire proprement dit n’est pas reconnu par l’école. Il
convient donc de lui donner, au grand jour, un statut puissant dans la vie de la classe et dans la
hiérarchie des apprentissages.
A la fin des années 70, différents travaux du champ des études littéraires affirment que
la source productrice de sens n’est pas vraiment ou pas seulement dans le texte littéraire, mais
aussi et peut-être d’abord dans le récepteur, le sujet lisant. On passe donc, dans son
application didactique, d’une conception de la littérature comme chose à la littérature comme
activité : celle de l’écrivain et celle des lecteurs sans lesquels le texte n’a pas d’existence.
La didactique de la littérature va ainsi se construire dans les années 90, en insistant sur
l’activité de lecture et les cheminements interprétatifs.
1. Définitions du texte littéraire
Selon Roland Barthes, la littérature est perçue comme « un espace de langage ». Elle «
s’articule dans et sur la langue, [...] elle est langage singulier, c’est-à-dire construction, mise
en œuvre des mots et de la syntaxe de la langue, non pas avec une visée ornementale, ce
qu’indique la rhétorique, mais avec une finalité d’explorer les ressources de la langue. »1
.
Denis St-Jacques souligne le caractère sociale de la littérature, laquelle n’existe que
diffusée, en performance ou imprimée : « La littérature se manifeste donc comme un échange
de discours, marqués au point de vue esthétique, entre producteurs (auteurs, éditeurs,
diffuseurs) et un public (libre ou spécialisé du côté de la critique et de l'enseignement) »2
.
D’après Karl Canvat, la spécificité de la littérature est actuellement liée à des décisions
institutionnelles : « Rien donc, sinon une série de conventions socio-institutionnelles définies
par le champ littéraire (« l’institution littéraire ») ne distingue ce qui est « littéraire » de ce
qui ne l’est pas »3
.
2. L’importance de l’enseignement de la littérature
D’après Paul Aron et Alain Viala (2005)4
, il est nécessaire d’enseigner la littérature : à
la fois comme un facteur d’épanouissement personnel, comme un plaisir et comme un besoin
pour la société tout entière. La littérature constitue en effet un lieu où se forgent une identité
culturelle et la conscience d’une appartenance historique. Elle est aussi le vecteur d’une
expérience esthétique, de l’adhésion à des valeurs, en même temps que de la transmission
d’un savoir-faire expressif et argumentatif (son étude ou son enseignement favorise l’esprit
critique et la liberté de jugement, sollicite les capacités d’analyse et de réflexion de
l’apprenant). En elle, donc, se croisent toutes les formes et tous les usages de la langue.
Michel Leroy souligne à ce propos: « Encore faut-il savoir la fonction que la
littérature peut assumer dans la formation des élèves, si elle n’est pas seulement un réservoir
1
Cité par Peytard, J. Moirand, S., 1992, Discours et enseignement du français. Paris : Hachette, p. 59.
2
St-Jacques D., 2004, « La société dans la littérature ou la littérature dans la société? Définitions et références »,
dans Québec français, n° 134, pp. 32, 33, p. 32.
3
Canvat K., 1999, Enseigner la littérature par les genres, pour une approche théorique et didactique de la
notion de genre littéraire, De Boeck et Larcier s. a., p. 85.
4
Aron P., Viala A., 2005, L’enseignement littéraire, Paris, PUF, p. 3.
de figures à analyser et de modèles à imiter, un répertoire d’exemples à modifier, un outil
d’apprentissage de la langue, mais une forme de l’expérience humaine, une source d’émotion
esthétique, un chemin de la connaissance qui emprunte le détour de l’imaginaire. Et savoir
enfin, comment l’enseigner »5
.
En particulier, l’exploitation didactique ou l’enseignement du texte littéraire est
justifiée par trois raisons : des raisons linguistiques, culturelles (ou interculturelles) et
d’épanouissement affectif.
2.1. Les raisons linguistiques
Le texte littéraire offre une vaste gamme de textes authentiques, c’est-à-dire des
documents bruts ou sociaux conçus à des fins de communication réelle, ayant une diversité de
registres, de styles, et de textes-types de difficulté variée. Cela fournit les apprenants d’une
richesse incomparable qui peut les aider à l’acquisition du vocabulaire, à l’automatisation des
structures morphosyntaxiques, au développement du sens de la cohésion et de la cohérence
textuelles et, par conséquent, à l’appropriation linguistique. Le texte littéraire s’il peut servir
de support ou de moyen à l’apprentissage de la langue, il peut être aussi un outil efficace
d’entrer dans d’autres cultures et par là-même d’apporter un regard différent sur sa propre
culture.
2.2. Les raisons culturelles (ou interculturelles)
Les textes littéraires sont un moyen d’accès à la culture. Ils constituent en effet des
véhicules de culture. Les savoirs, les contextes, les caractères (personnalités, mentalités…),
les situations et les hypothèses présentés dans les textes littéraires favorisent une meilleure
connaissance de soi, l’insertion sociale, la compréhension de l’altérité et le développement de
la tolérance et du respect mutuel.
Roser Cervera note à ce sujet : « La littérature est un support privilégié de la
formation humaniste puisqu’elle ouvre sur toutes les dimensions de l’humain (histoire,
culture, imaginaire, etc.). De cette façon, la littérature permet de développer et d’enrichir la
personnalité des lecteurs. La nécessité de la transmission littéraire comme lieu de mémoire et
de langue réside dans le fait que c’est aussi un lieu de savoir culturel et d’émotion »6
.
5
Leroy M., 2001, Peut-on enseigner la littérature française ?, Paris, PUF.
6
Cervera R., 2009, « A la recherche d’une didactique littéraire », dans Synergies Chine, n° 4, pp. 45-72, p. 46.
2.3. L’épanouissement affectif
La littérature entraîne l’élément affectif et émotionnel ; pour cette raison, elle constitue
le moyen privilégié qui incite les apprenants à s’impliquer personnellement dans leur
apprentissage. Le décryptage d’un texte littéraire opéré par l’apprenant crée une sorte
d’interaction qui demande un niveau de procédure mentale plus avancé, une implication
personnelle plus sérieuse et, par conséquent, il laisse des traces plus profondes dans la
mémoire de l’apprenant. Des textes de telle sorte sont en général considérés comme plus
motivants et plus ludiques que les textes ordinaires utilisés en classe de langue. Un apprenant
qui travaille avec des textes littéraires, apprend à lire de façon critique, empathique et
créative.
Une raison supplémentaire d’utiliser ou d’enseigner les textes littéraires en classe de
langue est que ces textes sont ouverts à des interprétations multiples. Ce phénomène favorise
la discussion et l’interaction au sein de la classe de langue.
3. Les objectifs généraux de l’enseignement de la littérature
L’enseignement du texte littéraire permet de réaliser plusieurs objectifs pédagogiques :
linguistiques (enseigner un texte, c’est apprendre indirectement la langue de ce texte) ;
esthétiques (qui concernent l’apprentissage de la stylistique et de la rhétorique) ;
sociohistoriques et culturels (car tout texte reflète d’abord la société et la culture à laquelle il
renvoie).
L’enseignement de la littérature devrait consister à:
- faire acquérir aux apprenants des compétences communicatives langagières :
linguistiques (outils grammaticaux, lexicaux, sémantiques, phonologiques,
orthographiques, etc.), sociolinguistiques (marqueurs des relations sociales, différents
registres de langue, règles de politesse) et pragmatiques (discursifs : organisation,
gestion et structuration du discours et fonctionnels : utilisation d’énoncés – micro-
fonctions – et utilisation d’une suite de phrases – macro--fonctions);
- leur apprendre à s’exprimer oralement et par écrit avec utilisation des nouvelles
acquisitions, sur un thème nouveau dans un nouveau domaine et une nouvelle situation
de communication, ce qui correspond à l’objectif général « parler et écrire » ;
- faire découvrir aux apprenants une esthétique, un mode de pensée, un savoir, un
savoir-faire et un savoir-être particuliers, ce qui correspond à l’objectif général, «
comprendre et élargir ses compétences générales » ;
- les inciter à mieux se connaître en établissant des comparaisons, ce qui correspond à
l’objectif spécifique d’une « prise de conscience interculturelle » ;
- développer leurs facultés d’imagination, de discernement, de synthèse et leur capacité
à exercer leur jugement afin de fonder une démarche réflexive sur un certain point de
vue, ce qui correspond à l’objectif spécifique du développement de leurs compétences
pragmatiques ;
- faire aimer la littérature en faisant découvrir ses profits et ses plaisirs.
4. Comment enseigner les textes littéraires ?
4.1. Les axes selon lesquels on peut orienter l’enseignement de la littérature
Il y a cinq axes complémentaires, que L. Gemenne, D. Ledur et J.-L. Dufays ont
développés longuement dans Pour une lecture littéraire (2005), suivant lesquels on peut
orienter l’enseignement de la littérature:
- familiariser les élèves avec l’institution littéraire ;
- leur faire pratiquer la littérature non seulement par la lecture, mais aussi par l’écriture
et l’oralité ;
- susciter chez eux une réflexion « méta » sur le fait littéraire ;
- leur transmettre des références culturelles nécessaires non seulement au décodage
d’allusions, de parodies, mais aussi, plus fondamentalement, à l’intelligence historique
du phénomène littéraire (il s’agit d’enseigner les textes et les auteurs « prototypiques
», qui marquent des ruptures) et au partage d’une culture et de valeurs communes ;
- les exercer à développer un savoir-lire adapté à la littérature, à travers des dispositifs
comme la « lecture plurielle » et le dévoilement progressif.
4.2. La lecture littéraire
4.2.1. Définition de la lecture littéraire
Le « sens » dans la lecture, a longtemps été conçu comme quelque chose de fixe. Il est
désormais vu comme quelque chose qui se construit. La lecture littéraire ne consiste donc pas
à seulement faire entrer le texte dans la tête : le sens est dans l’interaction entre le texte et les
connaissances du lecteur.
« Il faut donc entendre la lecture littéraire non pas simplement comme la lecture de la
littérature qui a connu différentes formes scolaires (explication de texte, lecture méthodique,
lecture analytique), mais comme une conception de la lecture fondée sur une tension entre
lecture investie (lecture vécue intimement dans l’identification et/ou la projection du lecteur
dans les espaces fantasmatiques que propose le texte) et lecture distanciée, plus objectivée,
appuyée sur des outils d’analyse, élaborant des significations rationnelles » [Anne Vibert
(Igen), « Expliquer un texte littéraire… »].
Comme le suggèrent les sémiologues et théoriciens de la réception, l'œuvre littéraire
doit toujours être actualisée et complétée grâce à l'investissement de ses lecteurs, celui-ci ne
saurait rester limité à une attitude rationnelle et savante. Quand il s'intéresse à un texte qu'il
est en train de lire, le lecteur n'adopte pas seulement la "posture lettrée", rationnelle et
savante, qui est celle que construit l'enseignement littéraire à travers ses exercices classiques
(commentaire littéraire en particulier) : il s’implique dans l’œuvre. La lecture littéraire est
conçue ainsi comme va-et-vient dialectique entre lecture subjective, investie et lecture
distanciée.
C’est donc l’ensemble des postures de lecture qu’il faut prendre en compte dans
l’enseignement en commençant par l’investissement du sujet dans sa lecture, nécessaire à
l’actualisation de l’œuvre ou du texte.
La lecture devient vraiment plaisir si le lecteur fait œuvre de création. C’est cette part de
création que nous devons impulser chez les apprenants, c’est pourquoi la capacité à
interpréter7
, constitutive du « savoir-lire », doit être développée dès le début de l'apprentissage
de la lecture.
Selon Anne Vibert (Igen), pour susciter l’implication des apprenants-lecteurs, divers
supports (pour fixer et analyser les expériences de lecture) ou voies sont possibles : modifier
les questionnements sur les textes ; le journal de lecture (ou carnet de lecture) ; l’écriture
d’invention ; la lecture à haute voix ; l’illustration ou la mise en image. Il faut aussi « enrichir
le corpus d’œuvres aptes à susciter davantage les réactions personnelles des élèves et à
7
« Si la compréhension est construction du sens à partir des éléments explicites et implicites du texte,
l’interprétation sera spéculation sur le «pluriel du texte» (Canvat, 1999, p.103), et exploration herméneutique. Et
comme la spéculation et l’exploration n’appartiennent plus au domaine du consensus explicatif vers lequel tend la
compréhension, l’interprétation poursuivra plutôt une « signification», qui renvoie étymologiquement à l’action d’«
indiquer», de choisir parmi tous les possibles signifiants. Si le sens est en partie intrinsèque au texte, la signification
en est extrinsèque, créée par un lecteur interprète qui cherche à produire de nouveaux signes à partir de ceux qu’il
perçoit dans le texte. Tauveron (1999b) appellera « textes proliférants » ces structures polysémiques qui suscitent
fréquemment un travail d’interprétation ».
Falardeau E., 2003, « Compréhension et interprétation : deux composantes complémentaires de la lecture
littéraire, dans Revue des sciences de l’éducation vol. 29, n° 3, p. 684.
provoquer des réalisations lectorales plurielles, c’est-à-dire des œuvres qui s’attachent moins
au jeu sur les codes littéraires qu’aux enjeux humains (éthiques, fantasmatiques,
esthétiques…) qui constituent le socle profond de la production artistique ». Cela exige en
outre de la part des enseignants une forte implication dans leur propre lecture des textes
choisis. Et les dispositifs didactiques à mettre en place afin que la classe devienne une
véritable « communauté interprétative » consistent en : la confrontation des journaux de bord ;
la pratique des cercles de lecture (La discussion du cercle de lecture, appuyée sur les journaux
de bord d’élèves volontaires, précèdera et préparera la lecture analytique du texte) ; la
pratique du débat interprétatif (Le débat pourrait porter sur les points d’incertitude du texte,
ceux où l’auteur modèle a mis le lecteur modèle en difficulté ou le questionne, mais aussi sur
les valeurs du texte et le rapport des élèves-lecteurs à ces valeurs).
4.2.2. La pratique de la lecture littéraire
Premièrement, c'est une lecture qui engage le lecteur dans une démarche
interprétative mettant en jeu culture et activité cognitive.
Deuxièmement, c'est une lecture sensible à la forme, attentive au fonctionnement du
texte et à sa dimension esthétique. Cela ne signifie nullement que la lecture littéraire soit une
activité réservée à une élite. Cette sensibilité s'exprime chez les jeunes enfants quand ils
manifestent leur plaisir des mots, quand n'est pas encore émoussée leur curiosité pour le
signifiant. Les enfants réagissent à la fonction poétique du langage, savent sentir la caresse
des mots ou leurs aspérités, en goûter la musique, l'étrangeté, le mystère. Ils reconnaissent
également les formes : contes, fables, comptines. (...)
Troisièmement, c'est une lecture à régime relativement lent, faite parfois de pauses ou
de relecture permettant de goûter, de savourer le texte (position que j'assume et qui est loin
d'être consensuelle). Certains lecteurs parviennent à capter dans le flux d'une lecture cursive
ces éléments formels qui font sens et ouvrent au plaisir du texte, mais cela suppose un
entraînement, une attention, une sensibilité au texte - à la fois disponibilité et acuité de
lecture. " Ceux qui négligent de relire s'obligent à lire partout la même histoire ", disait
Barthes dans S/Z, présentant la relecture comme condition d'émergence du pluriel du texte, et
il est vrai que dans les formes lettrées de lecture littéraire, la relecture intervient. Elle
intervient parfois au point de modifier les pratiques personnelles des élèves qui confient à
propos de leurs lectures privées ce goût pour la relecture. Mais sans aller nécessairement
jusqu'à la relecture, le temps d'arrêt et d'échanges en classe participe de ce temps ralenti
nécessaire à l'appropriation du texte.
Quatrièmement, le rapport au texte est distancié, ce qui n'exclut pas un investissement
psychoaffectif et même s'en nourrit. Cette tension entre rapprochement et distance est au cœur
des débats didactiques. Nul ne nie plus aujourd'hui la valeur structurante de cette expérience
intime qu'est l'identification. (…)
Mais le plus souvent, quand ce phénomène d'identification advient, il doit être dépassé car le
dialogue avec le texte implique que l'on soit deux et l'accès à la symbolisation requiert une
certaine distance. Distance ne signifie pas éloignement. Elle désigne l'extériorité qui fonde la
rencontre avec une autre subjectivité et permet de l'apprécier. Distance tissée d'affects, de
sympathie, distance qui permet au lecteur d'analyser l'expérience de lecture qu'il vient de
réaliser et d'accéder par cette attitude réflexive à l'interprétation critique. Distance-
dédoublement qui permet de se saisir soi-même dans le rapport au texte : " L'aptitude à
s'apercevoir soi-même dans un processus auquel on participe, écrit Wolfgang Iser, est un
moment central de l'expérience esthétique. "
Cinquièmement enfin, caractéristique essentielle, le plaisir esthétique entre dans la
définition de la lecture littéraire. C'est un plaisir complexe, métissé du plaisir propre à
l'activité de lecteur et du plaisir du texte. Ce dernier est à la fois plaisir de la découverte et
plaisir de la reconnaissance : il naît de la tension entre le dépaysement lié à l'inconnu du texte
et le sentiment de familiarité que confèrent la reconnaissance de codes, le partage de
références. Il revêt des formes différentes selon le lieu où s'exerce la lecture littéraire et
intervient à tous les niveaux, du simple plaisir des mots au plaisir subtil lié à l'élaboration
d'une signification dans ses formes savantes, lettrées.
Comme la lecture littéraire joue sur les références du lecteur, sur ses savoirs, elle est le
lieu d'un apprentissage.
L'élève doit être guidé, accompagné dans la découverte de la polysémie.
Sandrine Aeby Daghé8
a recensé des genres d’activités scolaires pour enseigner la
lecture littéraire, traditionnels tels que, par exemple, l’explication de texte, la lecture à haute
voix, des activités semblant relever d’une tradition plus récente de l’approche des textes: par
exemple, exprimer son avis sur le texte, améliorer la compréhension (travail sur la
8
Aeby Daghé S., 2010, « Comprendre et interpréter un texte littéraire: vers des gestes didactiques
spécifiques », CiDd (Congrès international de Didactiques), Université de Genève, GRAFE, p. 4.
compréhension) ou débattre de l’interprétation du texte (débat interprétatif). La liste de genres
ainsi dégagée, n’étant pas exhaustive, comprend d’autres activités : la discussion thématique,
l'étude de dimensions de grammaire textuelle, la mise en réseau, la présentation de texte, le
résumé, la production de texte, la lecture à domicile, …
4.2.3. La lecture littéraire présuppose des compétences qu'elle institue en même temps
Elle est un lieu de formation, implicite ou explicite. Implicite quand la compétence est
construite par le texte lui-même sans que le lecteur y prenne garde ; explicite quand elle
relève d'un dispositif d'enseignement.
Décrites par Umberto Eco dans Lector in fabula, les compétences qu'elle met en jeu font
l'objet d'un relatif consensus, et permettent de distinguer la compétence linguistique, la
compétence encyclopédique, la compétence logique, la compétence rhétorique et la
compétence idéologique9
.
La compétence linguistique concerne la maîtrise du lexique et de la syntaxe.
La compétence encyclopédique désigne les savoirs sur le monde, les références culturelles
dont dispose le lecteur pour construire le sens en fonction du contexte.
La compétence logique suppose la connaissance des " règles de co-référence" et permet
d'établir des relations entre divers aspects du texte : relations d'analogie, d'opposition, de
cause, de conséquence qui donnent sens au texte. Elle intervient également entre le texte et le
hors texte, qu'il s'agisse du monde réel ou de l'intertexte construit lors des lectures antérieures.
C'est de cette compétence que relève le processus d'anticipation et d'émission d'hypothèses à
différents niveaux de signification du texte, processus qui intervient aussi dans la motivation
et le plaisir du texte et dont l'usage didactique fonctionne dès les petites classes.
La compétence rhétorique repose sur l'expérience de la littérature et renvoie à la compétence
interprétative qui suppose la maîtrise de savoirs littéraires comme la connaissance des genres,
le fonctionnement de certains types de textes ou de discours, la connaissance de catégories
esthétiques et de " scénarios intertextuels ".
La compétence idéologique se manifeste dans l'actualisation du système axiologique du texte.
Elle est essentielle car elle met en jeu les valeurs et construit une vision du monde.
La lecture littéraire admet selon l'âge des élèves et les niveaux des modes de
réalisation différents. On ne saurait l'assimiler à la seule lecture experte qui représente une
possibilité et sans doute sa forme la plus achevée. Elle se pratique dès l'enfance, ce qui
9
Rouxel A., « Qu’entend-on par lecture littéraire ? », Actes de l'université d'automne Clermont-Ferrand - Royat:
La lecture et la culture littéraires au cycle des approfondissements, 28 au 31 octobre 2002.
suppose qu'elle module son tempo de lecture selon le degré de complexité du texte. Entre
lecture en progression et lecture en "compréhension" plus lente, elle admet des régimes
intermédiaires qui déploient toute la gamme des combinaisons possibles. Ce qui importe quel
que soit le niveau, c'est qu'elle est un prodigieux moyen de stimuler la créativité des élèves,
d'impulser des démarches interprétatives et au bout du compte de lutter contre l'échec scolaire
et l'illettrisme.
La lecture littéraire s’élabore dans l’intersubjectivité, dans une communauté littéraire
(classe) où se partagent les lectures et se confrontent les interprétations, partage qui se fait
dans un retour permanent au texte pour enrichir les lectures singulières et mettre en évidence
ce qui est commun à tous.

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  • 1. Cours de didactique des textes littéraires, Master 2 didactique, Master 2 littérature Introduction à la didactique de la littérature L’enseignement de la littérature s’inscrit dans la mission historique de l’école qui est d’éduquer le petit homme. Cette éducation a pour double objectif l’apprentissage de la vie, de la langue et de la culture collective et celui de l’épanouissement individuel. La littérature est, en effet, un moyen d’affranchir l’individu du carcan de sa famille, de toutes les formes de croyance et de superstition et, d’une certaine façon, de toutes les sources d’aliénation et de servitude qui pouvaient menacer sa liberté. Bien que la littérature soit effectivement et matériellement présente à l’école (livres, textes, recueils, bibliothèques…), elle n’y est pas, à proprement parler, notamment au primaire, constituée en discipline d’enseignement au même titre que les mathématiques, l’histoire ou l’éducation physique. Les textes littéraires sont d’abord et surtout utilisés comme supports d’activités d’apprentissage de la langue, de la lecture, mais aussi d’apprentissages plus techniques tels que l’orthographe, la grammaire ou la conjugaison qui empruntent à des extraits littéraires le prétexte à des exercices divers. On peut trouver aussi une autre forme d’emploi de la littérature à l’école, plus ludique : la lecture de détente ou de loisir. Ces pratiques obéissent au principe implicite que les textes littéraires constituent les modèles du bon usage de la langue et contribueraient ainsi, par une forme silencieuse d’imprégnation à les diffuser. Néanmoins, elles présentent l’inconvénient de négliger la spécificité des textes littéraires. Dans les deux cas, le texte littéraire proprement dit n’est pas reconnu par l’école. Il convient donc de lui donner, au grand jour, un statut puissant dans la vie de la classe et dans la hiérarchie des apprentissages. A la fin des années 70, différents travaux du champ des études littéraires affirment que la source productrice de sens n’est pas vraiment ou pas seulement dans le texte littéraire, mais aussi et peut-être d’abord dans le récepteur, le sujet lisant. On passe donc, dans son application didactique, d’une conception de la littérature comme chose à la littérature comme activité : celle de l’écrivain et celle des lecteurs sans lesquels le texte n’a pas d’existence.
  • 2. La didactique de la littérature va ainsi se construire dans les années 90, en insistant sur l’activité de lecture et les cheminements interprétatifs. 1. Définitions du texte littéraire Selon Roland Barthes, la littérature est perçue comme « un espace de langage ». Elle « s’articule dans et sur la langue, [...] elle est langage singulier, c’est-à-dire construction, mise en œuvre des mots et de la syntaxe de la langue, non pas avec une visée ornementale, ce qu’indique la rhétorique, mais avec une finalité d’explorer les ressources de la langue. »1 . Denis St-Jacques souligne le caractère sociale de la littérature, laquelle n’existe que diffusée, en performance ou imprimée : « La littérature se manifeste donc comme un échange de discours, marqués au point de vue esthétique, entre producteurs (auteurs, éditeurs, diffuseurs) et un public (libre ou spécialisé du côté de la critique et de l'enseignement) »2 . D’après Karl Canvat, la spécificité de la littérature est actuellement liée à des décisions institutionnelles : « Rien donc, sinon une série de conventions socio-institutionnelles définies par le champ littéraire (« l’institution littéraire ») ne distingue ce qui est « littéraire » de ce qui ne l’est pas »3 . 2. L’importance de l’enseignement de la littérature D’après Paul Aron et Alain Viala (2005)4 , il est nécessaire d’enseigner la littérature : à la fois comme un facteur d’épanouissement personnel, comme un plaisir et comme un besoin pour la société tout entière. La littérature constitue en effet un lieu où se forgent une identité culturelle et la conscience d’une appartenance historique. Elle est aussi le vecteur d’une expérience esthétique, de l’adhésion à des valeurs, en même temps que de la transmission d’un savoir-faire expressif et argumentatif (son étude ou son enseignement favorise l’esprit critique et la liberté de jugement, sollicite les capacités d’analyse et de réflexion de l’apprenant). En elle, donc, se croisent toutes les formes et tous les usages de la langue. Michel Leroy souligne à ce propos: « Encore faut-il savoir la fonction que la littérature peut assumer dans la formation des élèves, si elle n’est pas seulement un réservoir 1 Cité par Peytard, J. Moirand, S., 1992, Discours et enseignement du français. Paris : Hachette, p. 59. 2 St-Jacques D., 2004, « La société dans la littérature ou la littérature dans la société? Définitions et références », dans Québec français, n° 134, pp. 32, 33, p. 32. 3 Canvat K., 1999, Enseigner la littérature par les genres, pour une approche théorique et didactique de la notion de genre littéraire, De Boeck et Larcier s. a., p. 85. 4 Aron P., Viala A., 2005, L’enseignement littéraire, Paris, PUF, p. 3.
  • 3. de figures à analyser et de modèles à imiter, un répertoire d’exemples à modifier, un outil d’apprentissage de la langue, mais une forme de l’expérience humaine, une source d’émotion esthétique, un chemin de la connaissance qui emprunte le détour de l’imaginaire. Et savoir enfin, comment l’enseigner »5 . En particulier, l’exploitation didactique ou l’enseignement du texte littéraire est justifiée par trois raisons : des raisons linguistiques, culturelles (ou interculturelles) et d’épanouissement affectif. 2.1. Les raisons linguistiques Le texte littéraire offre une vaste gamme de textes authentiques, c’est-à-dire des documents bruts ou sociaux conçus à des fins de communication réelle, ayant une diversité de registres, de styles, et de textes-types de difficulté variée. Cela fournit les apprenants d’une richesse incomparable qui peut les aider à l’acquisition du vocabulaire, à l’automatisation des structures morphosyntaxiques, au développement du sens de la cohésion et de la cohérence textuelles et, par conséquent, à l’appropriation linguistique. Le texte littéraire s’il peut servir de support ou de moyen à l’apprentissage de la langue, il peut être aussi un outil efficace d’entrer dans d’autres cultures et par là-même d’apporter un regard différent sur sa propre culture. 2.2. Les raisons culturelles (ou interculturelles) Les textes littéraires sont un moyen d’accès à la culture. Ils constituent en effet des véhicules de culture. Les savoirs, les contextes, les caractères (personnalités, mentalités…), les situations et les hypothèses présentés dans les textes littéraires favorisent une meilleure connaissance de soi, l’insertion sociale, la compréhension de l’altérité et le développement de la tolérance et du respect mutuel. Roser Cervera note à ce sujet : « La littérature est un support privilégié de la formation humaniste puisqu’elle ouvre sur toutes les dimensions de l’humain (histoire, culture, imaginaire, etc.). De cette façon, la littérature permet de développer et d’enrichir la personnalité des lecteurs. La nécessité de la transmission littéraire comme lieu de mémoire et de langue réside dans le fait que c’est aussi un lieu de savoir culturel et d’émotion »6 . 5 Leroy M., 2001, Peut-on enseigner la littérature française ?, Paris, PUF. 6 Cervera R., 2009, « A la recherche d’une didactique littéraire », dans Synergies Chine, n° 4, pp. 45-72, p. 46.
  • 4. 2.3. L’épanouissement affectif La littérature entraîne l’élément affectif et émotionnel ; pour cette raison, elle constitue le moyen privilégié qui incite les apprenants à s’impliquer personnellement dans leur apprentissage. Le décryptage d’un texte littéraire opéré par l’apprenant crée une sorte d’interaction qui demande un niveau de procédure mentale plus avancé, une implication personnelle plus sérieuse et, par conséquent, il laisse des traces plus profondes dans la mémoire de l’apprenant. Des textes de telle sorte sont en général considérés comme plus motivants et plus ludiques que les textes ordinaires utilisés en classe de langue. Un apprenant qui travaille avec des textes littéraires, apprend à lire de façon critique, empathique et créative. Une raison supplémentaire d’utiliser ou d’enseigner les textes littéraires en classe de langue est que ces textes sont ouverts à des interprétations multiples. Ce phénomène favorise la discussion et l’interaction au sein de la classe de langue. 3. Les objectifs généraux de l’enseignement de la littérature L’enseignement du texte littéraire permet de réaliser plusieurs objectifs pédagogiques : linguistiques (enseigner un texte, c’est apprendre indirectement la langue de ce texte) ; esthétiques (qui concernent l’apprentissage de la stylistique et de la rhétorique) ; sociohistoriques et culturels (car tout texte reflète d’abord la société et la culture à laquelle il renvoie). L’enseignement de la littérature devrait consister à: - faire acquérir aux apprenants des compétences communicatives langagières : linguistiques (outils grammaticaux, lexicaux, sémantiques, phonologiques, orthographiques, etc.), sociolinguistiques (marqueurs des relations sociales, différents registres de langue, règles de politesse) et pragmatiques (discursifs : organisation, gestion et structuration du discours et fonctionnels : utilisation d’énoncés – micro- fonctions – et utilisation d’une suite de phrases – macro--fonctions); - leur apprendre à s’exprimer oralement et par écrit avec utilisation des nouvelles acquisitions, sur un thème nouveau dans un nouveau domaine et une nouvelle situation de communication, ce qui correspond à l’objectif général « parler et écrire » ; - faire découvrir aux apprenants une esthétique, un mode de pensée, un savoir, un savoir-faire et un savoir-être particuliers, ce qui correspond à l’objectif général, « comprendre et élargir ses compétences générales » ;
  • 5. - les inciter à mieux se connaître en établissant des comparaisons, ce qui correspond à l’objectif spécifique d’une « prise de conscience interculturelle » ; - développer leurs facultés d’imagination, de discernement, de synthèse et leur capacité à exercer leur jugement afin de fonder une démarche réflexive sur un certain point de vue, ce qui correspond à l’objectif spécifique du développement de leurs compétences pragmatiques ; - faire aimer la littérature en faisant découvrir ses profits et ses plaisirs. 4. Comment enseigner les textes littéraires ? 4.1. Les axes selon lesquels on peut orienter l’enseignement de la littérature Il y a cinq axes complémentaires, que L. Gemenne, D. Ledur et J.-L. Dufays ont développés longuement dans Pour une lecture littéraire (2005), suivant lesquels on peut orienter l’enseignement de la littérature: - familiariser les élèves avec l’institution littéraire ; - leur faire pratiquer la littérature non seulement par la lecture, mais aussi par l’écriture et l’oralité ; - susciter chez eux une réflexion « méta » sur le fait littéraire ; - leur transmettre des références culturelles nécessaires non seulement au décodage d’allusions, de parodies, mais aussi, plus fondamentalement, à l’intelligence historique du phénomène littéraire (il s’agit d’enseigner les textes et les auteurs « prototypiques », qui marquent des ruptures) et au partage d’une culture et de valeurs communes ; - les exercer à développer un savoir-lire adapté à la littérature, à travers des dispositifs comme la « lecture plurielle » et le dévoilement progressif. 4.2. La lecture littéraire 4.2.1. Définition de la lecture littéraire Le « sens » dans la lecture, a longtemps été conçu comme quelque chose de fixe. Il est désormais vu comme quelque chose qui se construit. La lecture littéraire ne consiste donc pas à seulement faire entrer le texte dans la tête : le sens est dans l’interaction entre le texte et les connaissances du lecteur.
  • 6. « Il faut donc entendre la lecture littéraire non pas simplement comme la lecture de la littérature qui a connu différentes formes scolaires (explication de texte, lecture méthodique, lecture analytique), mais comme une conception de la lecture fondée sur une tension entre lecture investie (lecture vécue intimement dans l’identification et/ou la projection du lecteur dans les espaces fantasmatiques que propose le texte) et lecture distanciée, plus objectivée, appuyée sur des outils d’analyse, élaborant des significations rationnelles » [Anne Vibert (Igen), « Expliquer un texte littéraire… »]. Comme le suggèrent les sémiologues et théoriciens de la réception, l'œuvre littéraire doit toujours être actualisée et complétée grâce à l'investissement de ses lecteurs, celui-ci ne saurait rester limité à une attitude rationnelle et savante. Quand il s'intéresse à un texte qu'il est en train de lire, le lecteur n'adopte pas seulement la "posture lettrée", rationnelle et savante, qui est celle que construit l'enseignement littéraire à travers ses exercices classiques (commentaire littéraire en particulier) : il s’implique dans l’œuvre. La lecture littéraire est conçue ainsi comme va-et-vient dialectique entre lecture subjective, investie et lecture distanciée. C’est donc l’ensemble des postures de lecture qu’il faut prendre en compte dans l’enseignement en commençant par l’investissement du sujet dans sa lecture, nécessaire à l’actualisation de l’œuvre ou du texte. La lecture devient vraiment plaisir si le lecteur fait œuvre de création. C’est cette part de création que nous devons impulser chez les apprenants, c’est pourquoi la capacité à interpréter7 , constitutive du « savoir-lire », doit être développée dès le début de l'apprentissage de la lecture. Selon Anne Vibert (Igen), pour susciter l’implication des apprenants-lecteurs, divers supports (pour fixer et analyser les expériences de lecture) ou voies sont possibles : modifier les questionnements sur les textes ; le journal de lecture (ou carnet de lecture) ; l’écriture d’invention ; la lecture à haute voix ; l’illustration ou la mise en image. Il faut aussi « enrichir le corpus d’œuvres aptes à susciter davantage les réactions personnelles des élèves et à 7 « Si la compréhension est construction du sens à partir des éléments explicites et implicites du texte, l’interprétation sera spéculation sur le «pluriel du texte» (Canvat, 1999, p.103), et exploration herméneutique. Et comme la spéculation et l’exploration n’appartiennent plus au domaine du consensus explicatif vers lequel tend la compréhension, l’interprétation poursuivra plutôt une « signification», qui renvoie étymologiquement à l’action d’« indiquer», de choisir parmi tous les possibles signifiants. Si le sens est en partie intrinsèque au texte, la signification en est extrinsèque, créée par un lecteur interprète qui cherche à produire de nouveaux signes à partir de ceux qu’il perçoit dans le texte. Tauveron (1999b) appellera « textes proliférants » ces structures polysémiques qui suscitent fréquemment un travail d’interprétation ». Falardeau E., 2003, « Compréhension et interprétation : deux composantes complémentaires de la lecture littéraire, dans Revue des sciences de l’éducation vol. 29, n° 3, p. 684.
  • 7. provoquer des réalisations lectorales plurielles, c’est-à-dire des œuvres qui s’attachent moins au jeu sur les codes littéraires qu’aux enjeux humains (éthiques, fantasmatiques, esthétiques…) qui constituent le socle profond de la production artistique ». Cela exige en outre de la part des enseignants une forte implication dans leur propre lecture des textes choisis. Et les dispositifs didactiques à mettre en place afin que la classe devienne une véritable « communauté interprétative » consistent en : la confrontation des journaux de bord ; la pratique des cercles de lecture (La discussion du cercle de lecture, appuyée sur les journaux de bord d’élèves volontaires, précèdera et préparera la lecture analytique du texte) ; la pratique du débat interprétatif (Le débat pourrait porter sur les points d’incertitude du texte, ceux où l’auteur modèle a mis le lecteur modèle en difficulté ou le questionne, mais aussi sur les valeurs du texte et le rapport des élèves-lecteurs à ces valeurs). 4.2.2. La pratique de la lecture littéraire Premièrement, c'est une lecture qui engage le lecteur dans une démarche interprétative mettant en jeu culture et activité cognitive. Deuxièmement, c'est une lecture sensible à la forme, attentive au fonctionnement du texte et à sa dimension esthétique. Cela ne signifie nullement que la lecture littéraire soit une activité réservée à une élite. Cette sensibilité s'exprime chez les jeunes enfants quand ils manifestent leur plaisir des mots, quand n'est pas encore émoussée leur curiosité pour le signifiant. Les enfants réagissent à la fonction poétique du langage, savent sentir la caresse des mots ou leurs aspérités, en goûter la musique, l'étrangeté, le mystère. Ils reconnaissent également les formes : contes, fables, comptines. (...) Troisièmement, c'est une lecture à régime relativement lent, faite parfois de pauses ou de relecture permettant de goûter, de savourer le texte (position que j'assume et qui est loin d'être consensuelle). Certains lecteurs parviennent à capter dans le flux d'une lecture cursive ces éléments formels qui font sens et ouvrent au plaisir du texte, mais cela suppose un entraînement, une attention, une sensibilité au texte - à la fois disponibilité et acuité de lecture. " Ceux qui négligent de relire s'obligent à lire partout la même histoire ", disait Barthes dans S/Z, présentant la relecture comme condition d'émergence du pluriel du texte, et il est vrai que dans les formes lettrées de lecture littéraire, la relecture intervient. Elle intervient parfois au point de modifier les pratiques personnelles des élèves qui confient à propos de leurs lectures privées ce goût pour la relecture. Mais sans aller nécessairement
  • 8. jusqu'à la relecture, le temps d'arrêt et d'échanges en classe participe de ce temps ralenti nécessaire à l'appropriation du texte. Quatrièmement, le rapport au texte est distancié, ce qui n'exclut pas un investissement psychoaffectif et même s'en nourrit. Cette tension entre rapprochement et distance est au cœur des débats didactiques. Nul ne nie plus aujourd'hui la valeur structurante de cette expérience intime qu'est l'identification. (…) Mais le plus souvent, quand ce phénomène d'identification advient, il doit être dépassé car le dialogue avec le texte implique que l'on soit deux et l'accès à la symbolisation requiert une certaine distance. Distance ne signifie pas éloignement. Elle désigne l'extériorité qui fonde la rencontre avec une autre subjectivité et permet de l'apprécier. Distance tissée d'affects, de sympathie, distance qui permet au lecteur d'analyser l'expérience de lecture qu'il vient de réaliser et d'accéder par cette attitude réflexive à l'interprétation critique. Distance- dédoublement qui permet de se saisir soi-même dans le rapport au texte : " L'aptitude à s'apercevoir soi-même dans un processus auquel on participe, écrit Wolfgang Iser, est un moment central de l'expérience esthétique. " Cinquièmement enfin, caractéristique essentielle, le plaisir esthétique entre dans la définition de la lecture littéraire. C'est un plaisir complexe, métissé du plaisir propre à l'activité de lecteur et du plaisir du texte. Ce dernier est à la fois plaisir de la découverte et plaisir de la reconnaissance : il naît de la tension entre le dépaysement lié à l'inconnu du texte et le sentiment de familiarité que confèrent la reconnaissance de codes, le partage de références. Il revêt des formes différentes selon le lieu où s'exerce la lecture littéraire et intervient à tous les niveaux, du simple plaisir des mots au plaisir subtil lié à l'élaboration d'une signification dans ses formes savantes, lettrées. Comme la lecture littéraire joue sur les références du lecteur, sur ses savoirs, elle est le lieu d'un apprentissage. L'élève doit être guidé, accompagné dans la découverte de la polysémie. Sandrine Aeby Daghé8 a recensé des genres d’activités scolaires pour enseigner la lecture littéraire, traditionnels tels que, par exemple, l’explication de texte, la lecture à haute voix, des activités semblant relever d’une tradition plus récente de l’approche des textes: par exemple, exprimer son avis sur le texte, améliorer la compréhension (travail sur la 8 Aeby Daghé S., 2010, « Comprendre et interpréter un texte littéraire: vers des gestes didactiques spécifiques », CiDd (Congrès international de Didactiques), Université de Genève, GRAFE, p. 4.
  • 9. compréhension) ou débattre de l’interprétation du texte (débat interprétatif). La liste de genres ainsi dégagée, n’étant pas exhaustive, comprend d’autres activités : la discussion thématique, l'étude de dimensions de grammaire textuelle, la mise en réseau, la présentation de texte, le résumé, la production de texte, la lecture à domicile, … 4.2.3. La lecture littéraire présuppose des compétences qu'elle institue en même temps Elle est un lieu de formation, implicite ou explicite. Implicite quand la compétence est construite par le texte lui-même sans que le lecteur y prenne garde ; explicite quand elle relève d'un dispositif d'enseignement. Décrites par Umberto Eco dans Lector in fabula, les compétences qu'elle met en jeu font l'objet d'un relatif consensus, et permettent de distinguer la compétence linguistique, la compétence encyclopédique, la compétence logique, la compétence rhétorique et la compétence idéologique9 . La compétence linguistique concerne la maîtrise du lexique et de la syntaxe. La compétence encyclopédique désigne les savoirs sur le monde, les références culturelles dont dispose le lecteur pour construire le sens en fonction du contexte. La compétence logique suppose la connaissance des " règles de co-référence" et permet d'établir des relations entre divers aspects du texte : relations d'analogie, d'opposition, de cause, de conséquence qui donnent sens au texte. Elle intervient également entre le texte et le hors texte, qu'il s'agisse du monde réel ou de l'intertexte construit lors des lectures antérieures. C'est de cette compétence que relève le processus d'anticipation et d'émission d'hypothèses à différents niveaux de signification du texte, processus qui intervient aussi dans la motivation et le plaisir du texte et dont l'usage didactique fonctionne dès les petites classes. La compétence rhétorique repose sur l'expérience de la littérature et renvoie à la compétence interprétative qui suppose la maîtrise de savoirs littéraires comme la connaissance des genres, le fonctionnement de certains types de textes ou de discours, la connaissance de catégories esthétiques et de " scénarios intertextuels ". La compétence idéologique se manifeste dans l'actualisation du système axiologique du texte. Elle est essentielle car elle met en jeu les valeurs et construit une vision du monde. La lecture littéraire admet selon l'âge des élèves et les niveaux des modes de réalisation différents. On ne saurait l'assimiler à la seule lecture experte qui représente une possibilité et sans doute sa forme la plus achevée. Elle se pratique dès l'enfance, ce qui 9 Rouxel A., « Qu’entend-on par lecture littéraire ? », Actes de l'université d'automne Clermont-Ferrand - Royat: La lecture et la culture littéraires au cycle des approfondissements, 28 au 31 octobre 2002.
  • 10. suppose qu'elle module son tempo de lecture selon le degré de complexité du texte. Entre lecture en progression et lecture en "compréhension" plus lente, elle admet des régimes intermédiaires qui déploient toute la gamme des combinaisons possibles. Ce qui importe quel que soit le niveau, c'est qu'elle est un prodigieux moyen de stimuler la créativité des élèves, d'impulser des démarches interprétatives et au bout du compte de lutter contre l'échec scolaire et l'illettrisme. La lecture littéraire s’élabore dans l’intersubjectivité, dans une communauté littéraire (classe) où se partagent les lectures et se confrontent les interprétations, partage qui se fait dans un retour permanent au texte pour enrichir les lectures singulières et mettre en évidence ce qui est commun à tous.