4. Une autre étude confirme que dans les classes sociales élevées, les
parents souhaitent que les enfants soient conformes à certains
standards (Peck et Peck [5]
).
Méthodes d’évaluation esthétique
ÉTUDE DES PHOTOGRAPHIES
¶ Méthode d’Izard
La méthode d’Izard propose une classification des profils cutanés en
fonction de la situation des lèvres et du menton par rapport au
crâne.
Le profil optimal, orthofrontal, se situe à mi-chemin entre les plans
verticaux d’Izard et de Simon. Il existe deux variations, selon qu’il
se déplace vers l’avant (transfrontal) ou vers l’arrière (cisfrontal) de
l’espace défini par les plans verticaux (fig 2).
ÉVALUATION CÉPHALOMÉTRIQUE
De 1937 à 1969, environ 35 études qui concernent la normalité des
rapports dentofaciaux, craniofaciaux et du profil cutané ont été
publiées dans la seule littérature orthodontique américaine. Il est
hors de question d’en proposer l’inventaire, mais de choisir quelques
exemples parmi les méthodes les plus populaires, selon qu’elles
tiennent plus ou moins compte du nez.
¶ Analyse de Ricketts [10]
Dans la méthode qu’il met au point dès 1954, les deux aspects
essentiels considérés sont la relation des lèvres avec les saillies du
visage et la forme générale du profil naso-labio-mentonnier. Il choisit
« de scruter scientifiquement l’harmonie de la bouche et l’équilibre
des lèvres » en construisant une ligne appelée « E » comme
esthétique, qui joint le nez (pronasal) et au menton (pogonion
cutané). Il concrétise ainsi une limite antérieure et définit un espace
à l’intérieur duquel se placent les lèvres dont on peut évaluer la
protrusion relative. La lèvre inférieure, plus proche de la ligne est
dominante. Sa position reflète celle des deux arcades car elle est
soutenue par la relation interincisive. La lèvre supérieure est
influencée plus simplement par la position des incisives maxillaires.
Ricketts réalise l’importance de la saillie des joues. Il imagine, en
1965, de tracer à partir du menton une ligne dite « C », tangente à
leur convexité. Les lèvres se situent à mi-chemin entre les lignes E et
C [8]
(fig 3A).
Cette première étape franchie, Ricketts enrichit son analyse. Dès
1958, il pense en termes de volumes et donc de troisième dimension.
Il fait intervenir un nouveau paramètre : la largeur de la bouche.
Sur la photographie de face, il abaisse deux verticales à partir des
pupilles et se rend compte qu’en moyenne, les commissures se
situent à mi-chemin entre les ailes du nez et la verticale pupillaire.
La codification s’étend des bouches étroites, dont la largeur est
presque identique à la distance internarinaire, aux bouches larges
indiquant un traitement sans extractions pour éviter des angles
vides (fig 3B).
1 La différenciation sexuelle est notée non seulement par la couleur plus
claire du visage de la femme, mais aussi par l’adoucissement du modelé du
profil.
A. Dame de Brassempouy (20000 av JC). Musée des antiquités
nationales Saint-Germain-en-Laye.
B. Sényfer et Hatchepsout (1420 avant JC). Musée du Louvre.
C. Vénus de Milo (100 avant JC). Musée du Louvre
D. d’après Léonard de Vinci.
*A *B
*C *D
23-460-C-20 Esthétique du visage Odontologie/Orthopédie dentofaciale
2
5. Dès 1970, Ricketts poursuivant sa quête d’équilibre et d’harmonie
reprend une technique classique : le recours à des « canons », et
parmi eux, le plus célèbre et universellement utilisé, la « divine
proportion » reposant sur le nombre d’or dont la formule
mathématique a été établie par Euclide et retrouvée à la Renaissance
par Fibonacci.
Après avoir fait fabriquer un compas [9]
, il « traque » l’existence de
cette « divine proportion » dans le visage de son mannequin favori.
Il la retrouve un peu partout, en particulier dans le sens vertical
(fig 3C).
¶ Analyse de Steiner [13]
La ligne joint le menton au milieu de la columelle. La règle est
simple : les lèvres sont tangentes en arrière de cette ligne. Il retrouve
ainsi l’alignement du menton et des deux lèvres mis en évidence
par Riedel [11, 12]
dans son échantillon des « jeunes reines de beauté »
de Seattle (fig 4).
¶ Analyse de Burstone [1]
La ligne est tracée du menton au point sous-nasal : elle élimine
complètement le nez, jugé trop individuellement variable. Les deux
lèvres débordent naturellement d’une quantité évaluée par l’auteur
à 3,5 mm plus ou moins 1,4 mm pour la lèvre supérieure et à 2,2 mm
plus ou moins 1,6 mm pour la lèvre inférieure (fig 5).
Avant d’aborder le problème de l’esthétique faciale sous un autre
point de vue, il convient de s’interroger sur la validité de ces
techniques et en premier lieu de rappeler les bases sur lesquelles
elles se fondent.
Il s’agit de cas isolés (Ricketts), de sujets présentant une bonne
occlusion et jugés satisfaisants sur le plan esthétique (Steiner), ou de
cas choisis uniquement sur leur valeur esthétique par des non-
professionnels : artistes, enseignants et ménagères (Burstone) ou par
le public d’un concours de beauté (Riedel).
Mais, la véritable question qui se pose est celle de l’existence d’un
lien entre les standards céphalométriques qu’utilisent les praticiens
pour établir leurs projets de traitement et le jugement du public,
donc des parents ou des patients eux-mêmes.
3 A. Méthode de Ricketts.
B. Largeur de la bouche.
C. Le compas d’or (1) et son emploi clinique pour l’évaluation des proportions ver-
ticales (2 et 3)
*A *B
"C1
"C2
"C3
4 Méthode de Steiner.
2 Classification d’Izard.
A. Transfrontal.
B. Orthofrontal.
*A
*B *C
"D1 "D2
C. Cisfrontal.
D1, D2. Cas clinique.
Odontologie/Orthopédie dentofaciale Esthétique du visage 23-460-C-20
3
6. Une étude menée par Peck et Peck [5]
sur un échantillon de 52
adultes dont trois hommes, d’âge moyen 21 ans, de race blanche,
recrutés pour leur beauté reconnue par le public (mannequins, prix
de beauté, vedettes), valide les standards céphalométriques. Les
auteurs notent chez les non-professionnels une légère tendance à
apprécier des caractéristiques dentofaciales un peu plus protrusives,
qu’il s’agisse de la convexité squelettique (de 0 à 3,4°) ou de la
position de la denture.
S’il était nécessaire de décrire les principales méthodes d’évaluation
que les praticiens utilisent quotidiennement lors de l’étude de leurs
dossiers orthodontiques, il est indispensable de prendre conscience
que l’analyse que l’on fait d’un visage s’effectue essentiellement en
observant le patient.
Avec un regard posé sur le visage tantôt de face, tantôt de profil,
l’analyse des formes doit conduire à attribuer simultanément aux
structures faciales une valeur plastique et fonctionnelle. L’évaluation
esthétique est l’élément clef dans le choix des objectifs de traitement.
Facteurs de l’harmonie faciale
La beauté repose sur des éléments concrets : les proportions, l’état
de surface et l’expressivité (Philippe) [6]
. Seul le premier élément
relève de l’orthodontie. Il se doit d’être détaillé car cette notion en
recouvre d’autres : équilibre des saillies et des dépressions et
harmonie du modelé.
PROPORTIONS EN ELLES-MÊMES
Ce sont des données fondamentales car elles fixent le cadre presque
irréductible en l’absence de recours orthopédique ou chirurgical,
dans lequel s’intègre la denture, et auquel il faudra s’adapter tout
en tentant de le valoriser si possible.
¶ Symétrie
Les notions de frontalité et de symétrie du corps humain, y compris
celles du visage, sont inscrites dans l’inconscient collectif depuis la
plus haute Antiquité. Toutes les figures sculptées des époques
archaïques puis classiques, qu’il s’agisse de dieux ou de rois, se
présentent de face. Elles sont construites en équilibre autour d’un
axe principal de symétrie, le plan sagittal médian, qui du visage aux
pieds, marque leur verticalité, laquelle évoque le redressement
ancestral de l’homme dans la nature, symbole de sa dignité. Reprise
au Moyen Âge, avec les figures hiératiques des Majestés, la symétrie
accompagne le sacré et appartient à l’idéal de perfection.
La symétrie absolue, celle de l’image en miroir n’existe pas dans la
nature, elle est toujours relative, mais elle n’échappe pas au regard
et l’œil enregistre intuitivement toutes ses perturbations.
Le plan sagittal médian du visage passe entre les deux yeux, franchit
la pointe du nez pour retomber au niveau de la gouttière filtrale et
s’achever au milieu du menton. Il est rectiligne.
Les plans horizontaux joignent les pupilles, les ailes du nez et les
commissures de la bouche. Ils sont perpendiculaires au plan sagittal
médian et donc parallèles entre eux. Tout est symétrie dans le plan
frontal. Côté droit et côté gauche sont équivalents dans leur
développement transversal et vertical.
¶ Hauteur de l’étage inférieur
De l’hypodivergence qui oblige les lèvres à s’éverser faute d’espace
pour se dérouler complètement à l’hyperdivergence qui les empêche
de se joindre sans effort, ses variations sont considérées avec une
certaine appréhension par les orthodontistes. Des échecs essuyés lors
de tentatives de l’augmenter lorsqu’elle est trop faible, à
l’impuissance de la maîtriser lorsqu’elle est trop grande, ils ont vite
compris qu’il s’agissait d’un partenaire dont le manque de
coopération pourrait confiner à l’hostilité, face à toute manœuvre
thérapeutique. Tous les cliniciens chevronnés préconisent le contrôle
de cette dimension : maîtrise du plan occlusal, maîtrise de
l’égression et des versions des dents postérieures. L’« indice
vertical » est au premier plan de l’évaluation du degré de difficulté
et du pronostic d’un cas.
La hauteur de l’étage inférieur de la face est certainement
déterminée, sous contrôle génétique, par l’équilibre des muscles
masticateurs répartis en élévateurs et abaisseurs de la mandibule.
Interviennent sans doute, bien que l’on ne sache réellement
comment, tonus, longueur des muscles et synchronisme des
contractions au cours des fonctions. C’est une donnée
incontournable, quel que soit l’âge du patient, car elle signe une
typologie dont les conséquences sur la thérapeutique sont
considérables.
¶ Équilibre sagittal des bases maxillaire
et mandibulaire
Il détermine la forme du profil qui varie selon les patients, de la
convexité à la concavité en passant par une situation moyenne de
rectitude relative. Au-delà des possibilités offertes par le tracé de
plans verticaux sur la photographie, tels que le préconisait Izard,
l’appréciation de la distance sous-mentale constitue un excellent
indice. Si le menton fuit en direction des oreilles ou avance vers le
nez, le praticien perçoit une situation anormale, une disproportion
qui le gêne. Il en évalue l’effet peu esthétique et la gravité de
l’obstacle qu’il constituera secondairement pour normaliser
l’occlusion dentaire.
Les grands déséquilibres interdisent toute solution de « compromis
acceptable » pour reprendre la formule de Steiner. En aucun cas, on
ne pourra envisager de les masquer, il faudra les traiter. C’est
l’analyse de la forme générale du visage, et des rapports labiaux en
position de repos et d’occlusion dentaire qui fonde un jugement,
lequel ne s’établira fermement qu’après étude de la téléradiographie
(fig 6).
MODELÉ DU PROFIL
On n’écrira jamais assez que le visage d’un patient est constitué de
saillies et de dépressions dont la fonction majeure est de créer une
animation, en structurant un modelé. Les saillies n’attirent la lumière
que grâce aux dépressions qui retiennent l’ombre. Sur les
photographies en noir et blanc, comme sur un tableau, c’est le jeu
combiné des zones claires et sombres qui fait naître le relief de
l’image. Les dégradés du gris suivent fidèlement le trajet de la
lumière et en facilitent la lecture.
L’axe médian est occupé par quatre saillies de valeurs différentes :
le front, le nez, les lèvres et le menton que viennent équilibrer
latéralement celles des pommettes et des joues. Des zones de
dépressions les relient. Au centre, il s’agit des jonctions fronto-
nasale, nasolabiale, et interlabiale, du sillon labiomentonnier, et de
chaque côté, des cavités orbitaires. Toute la force ou la faiblesse des
traits du visage résulte de la valeur relative des unes et des autres.
De profil, l’ensemble constitue une série de S qui se répondent et
dont la valeur relative donne à la ligne du profil son caractère
5 Méthode de Burstone.
23-460-C-20 Esthétique du visage Odontologie/Orthopédie dentofaciale
4
7. particulier. C’est la ligne que gravent les médailleurs sur les
monnaies frappées par les princes et que reprendront les peintres à
la suite de l’école florentine, celle qui cerne le contour et définit la
forme en la détachant du fond sur lequel elle s’appuie.
Selon Peck et Peck [5]
, l’étude des photographies de leur échantillon
montre que dans 50 % des cas, Sn est plus marquée que Sm et que
dans 40 % des cas, ces dépressions sont équivalentes. Ces deux
courbes sont plus marquées que N (fig 7).
L’étude de Lines, Lines et Lines [4]
est très intéressante sur ce point,
car elle permet d’approfondir le rôle esthétique joué par chacun des
éléments du modelé considéré isolément, en tenant compte du sexe
du sujet.
Après la constitution d’un jury de 347 participants divisé en trois
groupes selon leur entraînement à juger de l’esthétique faciale, les
orthodontistes ont été considérés comme le groupe le plus entraîné,
suivi du groupe constitué de chirurgiens, d’omnipraticiens,
d’étudiants et d’hygiénistes et enfin du groupe non professionnel.
Des maquettes de profil permettent de faire varier saillies et
dépressions : sept séries de cinq maquettes sont proposées au jury
qui doit indiquer sa préférence en fonction du sexe. Les résultats
sont très intéressants car des différences se marquent qui révèlent la
continuité, à travers les âges, de certains stéréotypes dans
l’inconscient collectif. Ils montrent que la différenciation sexuelle
joue un rôle non négligeable tant en ce qui concerne les saillies que
les dépressions, ainsi que le montre la superposition des tracés
composites. Ainsi, l’on souhaite des contours plus affirmés chez un
homme. La forme du profil labial est plus rectiligne (+ 10°) avec une
proéminence relativement plus accentuée du nez et du menton et
les zones de jonction, qu’il s’agisse de l’angle nasolabial ou de la
zone labiomentonnière, sont plus aiguës. Simultanément, les
propositions d’un orthodontiste comme Steiner et les choix de la
Grèce classique (IVe
siècle avant JC) trouvent une confirmation. Pour
les femmes, la préférence se porte sur un profil labial plus protrusif,
une proéminence plus faible du menton, et des angles de jonction
plus adoucis, que l’on considère la zone labiomentonnière ou l’angle
nasolabial qui s’ouvrira davantage. Les idéaux contemporains
voisinent avec les canons grecs à 5° près en moyenne, sauf l’angle
labiomentonnier et l’angle nasolabial qui sont moins aigus (fig 8).
SOUPLESSE DES CONTOURS
Si l’on commence par apprécier la répartition et l’équilibre des
saillies et des dépressions, qui structurent le visage, on perçoit
ensuite le rôle des lignes qui dessinent formes et contours. La
souplesse des contours qui permet aux courbes et aux contre-
courbes de se succéder sans interruption, comme un mouvement
musical, crée un effet de douceur et de féminité. Les ruptures avec
des angles vifs donnent en revanche de la vivacité et de l’énergie.
Elles sont les bienvenues dans tous les visages, mais surtout ceux
des garçons dont elles accentuent les caractères de virilité (fig 9).
Normalement, les contours labiaux sont souples, les lèvres sont
détendues et la bouche est fermée sans effort.
La concavité légère de la partie cutanée de chaque lèvre se casse au
niveau d’un ourlet, pour devenir convexité, dans la zone vermillon
cutanéomuqueuse. Le profil labial s’ordonne donc
harmonieusement. La région sous-nasale et la zone
labiomentonnière offrent deux transitions douces avec les saillies du
nez et du menton. Aucun angle vif, aucun méplat, aucun bombé ne
doivent rompre cette alternance régulière qui modèle le profil, en
créant le jeu d’ombres et de lumière qui lui confère sa qualité
plastique. Tout étirement qui aplatit un contour ou brise sa
continuité, toute contraction qui s’exprime par un gonflement
trahissent l’effort musculaire et indiquent l’existence d’un
comportement d’adaptation.
L’évaluation esthétique fait largement appel au sens artistique du
praticien, manifesté essentiellement dans son sens des proportions.
L’harmonie fonctionnelle est perçue indirectement, à travers
l’analyse des mêmes formes. Cette fois, l’interprétation des faits est
soumise au savoir et à l’expérience. C’est le raisonnement
alternativement inductif et déductif qui transformera les
6 A. Déséquilibre tridimensionnel des proportions (1 et 2) : asymétrie, excès verti-
cal antérieur et concavité du profil
B. Distance sous-mentale faible (1) aggravée par une hauteur de l’étage inférieur
très augmentée (2).
"A1 "A2
"B1 "B2
7 Les trois dépressions constituant le
modelé du profil.
8 Les variations du modelé du profil selon le sexe (d’après Lines et al).
Odontologie/Orthopédie dentofaciale Esthétique du visage 23-460-C-20
5
8. observations en diagnostic. Il importe donc d’évaluer l’équilibre au
repos, mais aussi les habitudes fonctionnelles, en essayant de
discerner ce qui se maintiendra car d’origine structurelle, donc
génétique et ce qui pourra évoluer car secondaire aux dysharmonies
dentosquelettiques qui seront corrigées, aux obstacles ventilatoires
ou aux forces déformantes qui seront supprimés. On entre déjà dans
le domaine du diagnostic étiopathogénique.
C’est à Burstone [2]
que l’on doit l’étude la plus passionnante et aussi
la plus significative concernant la posture labiale, dont toutes les
conclusions ne pourront être rapportées ici.
Examinant un échantillon de 32 sujets, filles et garçons âgés de 13 à
15 ans, de race blanche, sélectionnés sur la base de l’esthétique
faciale, dans un groupe de 3 000 enfants, par un jury non
professionnel (enseignants, artistes et ménagères), il établit
l’existence d’un espace interlabial moyen de 1,8 mm lorsque les
arcades dentaires sont en occlusion et de 3,7 mm, en position de
repos mandibulaire. Le passage d’une position mandibulaire à
l’autre s’accompagne d’un mouvement imperceptible du menton, le
rôle de la lèvre inférieure est prédominant. Le chemin de fermeture
connaît de grandes variations en fonction du surplomb interincisif,
de la protrusion ou de la rétrusion dentaire et de l’espace interlabial
au repos (fig 10).
L’espace au repos est le produit de plusieurs facteurs : la hauteur de
l’étage inférieur, la longueur des lèvres et en particulier de la lèvre
supérieure, la protrusion dentaire. Pour évaluer la longueur relative
des lèvres par rapport à la hauteur squelettique, l’auteur détermine
la hauteur totale de l’étage inférieur par une mesure linéaire
effectuée perpendiculairement au plan palatin. Il divise en deux
parties cette distance : la partie supérieure est comprise entre le point
sous-nasal et le stomion (point le plus bas de la lèvre supérieure), la
partie inférieure est comprise entre le stomion (point le plus haut de
la lèvre inférieure) et le gnathion. Le rapport établi entre les deux
parties est de 2 : 1 (fig 11).
En moyenne, la longueur de la lèvre supérieure est de 24 mm chez
les garçons et de 20 mm chez les filles. Si elle connaît des variations
importantes, elle n’est pas plus courte dans le cas de malocclusions
de la classe 2 division 1, comme le montre la comparaison avec un
échantillon de 20 filles et garçons âgés de 12 à 14 ans.
Dans ce type de malocclusion, la protrusion de la lèvre n’est pas
seulement liée à la version vestibulaire des incisives, mais aussi à
l’épaisseur des tissus mous au niveau sous-nasal et à l’adaptation
de la lèvre à la face vestibulaire de l’incisive maxillaire.
Enfin, l’étude d’un échantillon de jeunes édentés avec bourrelet
d’occlusion montre qu’il existe une position de repos des lèvres qui
est indépendante ou partiellement indépendante de la denture et du
support alvéolaire et qui varie considérablement entre les sujets.
Ces conclusions sont confirmées par une étude EMG de Gustafsson
et Alghren [3]
. L’étude concerne un groupe de 20 enfants non traités
présentant différents types de malocclusions. La moitié d’entre eux
9 A. Sigismond Malatesta. P. della Francesca. Musée du
Louvre
B. Ginevra d’Este. Pisanello. Musée du Louvre
*A *B
10 En fonction de l’augmentation de l’espace interlabial, le passage lèvres détendues
– lèvres jointes nécessite un travail musculaire de plus en plus visible (A1 et A2 et B1
et B2).
"A1 "A2
"B1 "B2
11 Division de l’étage inférieur cutané
selon Burstone.
23-460-C-20 Esthétique du visage Odontologie/Orthopédie dentofaciale
6
9. présentent une occlusion labiale non forcée et les autres une
inocclusion labiale au repos. Il est possible de mettre en évidence,
chez tous les sujets, une position lèvres détendues sans activité EMG
décelable. Dans 80 % des cas, en position lèvres jointes, il existe une
légère activité de la zone mentonnière, même si les lèvres semblent
cliniquement compétentes. Elle augmente de manière significative
dans les cas d’inocclusion labiale, avec une participation de
l’orbiculaire supérieur variable selon les sujets. Il existe une
corrélation positive avec le décalage des bases et la version
vestibulaire des incisives.
Ricketts [7, 10]
s’est concentré sur les dysfonctions labiomentonnières.
Sa classification, présentée à l’origine en cinq groupes : brièveté des
lèvres, tension labiale, contraction mentonnière, interposition labiale
et contracture labiomentonnière, a été remise à jour. Les sujets sont
regroupés en trois classes présentant chacune trois subdivisions. Le
passage d’une catégorie à l’autre traduit un effort grandissant pour
fermer la bouche, une extension de la participation de la
musculature péribuccale et une complexification des mécanismes
mis en œuvre. Le degré de difficulté est jugé différemment selon la
nature des causes invoquées.
Dans la classe I, la dysfonction est limitée aux lèvres.
Il peut s’agir d’une dysharmonie primaire, d’origine génétique (I-
A). Si les deux lèvres sont courtes, la béance interlabiale est
considérable et la posture habituelle s’établit en permanence
« bouche ouverte « laissant apparaître la face vestibulaire des
incisives maxillaires. Le rapport interincisif, privé du contrôle de la
lèvre inférieure, est plus largement soumis à la pression linguale. Le
plus souvent, seule la lèvre supérieure est concernée. Il s’agit de ces
lèvres « rebiquantes » dont J. Philippe déplorait l’indépendance de
caractère. Prochéilie supérieure (I-B) ou inférieure (I-C) sont les deux
variations principales (fig 12A).
Dans la classe II, la dysfonction labiale s’accompagne d’une
hyperactivité de la musculature mentonnière. Ricketts distingue trois
conditions de gravité croissante selon que s’ajoutent à la protrusion
dentaire, le décalage des bases de Classe II et l’excès vertical
antérieur. La participation de la musculature mentonnière est alors
permanente.
Si la protrusion de la denture augmente, la tension labiale
permanente ne suffit plus, pour que les lèvres se rejoignent (II-A). Il
faut adjoindre une contraction et l’élévation de la houppe du
menton. L’angle nasolabial augmente et le sillon labiomentionner
s’efface. Lorsque la tension de la lèvre supérieure est importante, on
note, de face, un effacement des sillons nasogéniens et un
gonflement de sa partie médiane qui trahit la contraction de
l’orbiculaire. Ces mécanismes de compensation s’amplifient lorsque
les conditions squelettiques s’aggravent et que les facteurs se
cumulent : hauteur faciale inférieure augmentée (II-B), denture
protrusive et face longue (II-C). Une « boule » de tissus mous vient
alors se masser en regard des apex des incisives mandibulaires ; le
contour symphysaire s’aplatit. Le revêtement cutané du menton
prend l’aspect caractéristique d’une peau d’orange (fig 12B).
12 Dysfonctions labiales selon la typologie de Ricketts.
A. Brièveté des lèvres.
B. Occlusion labiale forcée dans un cas de protrusion dentaire aggravé par une aug-
mentation de la hauteur de l’étage inférieur.
C. La contraction labiomentonnière donne un aspect pincé à la lèvre inférieure (C1) et,
dans sa forme extrême (C2), la fait disparaître complètement.
D. Tension périorale complète qui étire les sillons nasogéniens et déforme les narines.
*A
*B
"C1
"C2
*D
Odontologie/Orthopédie dentofaciale Esthétique du visage 23-460-C-20
7
10. Dans la classe III, les conditions de l’occlusion labiale deviennent
difficiles, la musculature péribuccale intervient.
L’existence d’un important surplomb horizontal interincisif suscite
l’interposition de la lèvre inférieure entre les arcades dentaires. Elle
s’enroule contre la face palatine des incisives maxillaires, ce qui
provoque son éversion et accentue la concavité de la zone
labiomentonnière. Le bord libre des incisives maxillaires apparaît
entre les lèvres non jointes. La position de la lèvre supérieure
dépend de son tonus, de sa morphologie et de l’importance de la
version vestibulaire des incisives maxillaires (III-A).
Cette situation doit être différenciée de la contracture
labiomentonnière (III-B). La partie profonde de la lèvre inférieure
est plaquée contre l’arcade dentaire et s’applique comme une sangle
sur la région alvéolaire antérieure qui est, en général, rétrusive et
présente des signes d’encombrement. L’action conjuguée du
buccinateur et de l’orbiculaire inférieur transforme la jonction
labiomentonnière en un véritable sillon. La saillie mentonnière se
trouve accentuée de manière peu esthétique. L’hyperactivité et sans
doute l’hypertrophie du carré du menton sont d’origine génétique.
Cette disposition se rencontre fréquemment associée à des
malocclusions de classe II division 2 ou division 1, chez des sujets
présentant une rotation mandibulaire antérieure. Enfin, la dernière
catégorie est celle où la contraction périorale implique les muscles
canins et triangulaires. Les angles externes des narines se déplacent
en bas et en dehors (III-C) (fig 12C, D).
Conclusion
La structure du visage s’apprécie différemment au repos et en
mouvement, lorsque la mimique reflétant les mouvements de la vie
intérieure fait alterner les expressions de la relation aux autres et du
repli vers soi-même. Il faut donc prendre le temps d’une assez longue
consultation pour qu’à partir de la sensation globale de dysharmonie
puisse s’élaborer une compréhension de l’équilibre des constituants. Si
la première se fonde sur une intuition que rien ne peut remplacer, la
seconde nécessite une éducation préalable du regard à l’analyse des
formes. Il s’agit d’acquérir une technique qui permette de distinguer
dans un visage :
– ce qui ne doit pas être modifié, car c’est un des éléments de la
personnalité du patient ;
– ce qui ne peut être modifié, à cause d’une détermination génétique
ou simplement d’une situation hors de notre portée d’action ;
– ce qui devrait et pourrait être transformé de manière positive.
Toutes les méthodes, qualitatives ou quantitatives, sont valables si elles
conduisent à se poser des questions, à apprivoiser progressivement ces
notions si abstraites d’harmonie et d’équilibre, et à les transformer en
jalons pour l’établissement des plans de traitement.
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Angle Orthod 1950 ; 20 : 168-178
[12] Riedel R. An analysis of dentofacial relationships. Am J
Orthod 1957 ; 43 : 103-119
[13] Steiner C. Cephalometrics for you and me. Am J Orthod
1953 ; 39 : 729-75
23-460-C-20 Esthétique du visage Odontologie/Orthopédie dentofaciale
8
12. Choix de l’équipement photographique
en orthodontie
ÉQUIPEMENT PROFESSIONNEL IDÉAL
¶ Éclairage
Pour le portrait, un flash compact de studio de faible puissance, 500
à 1000 joules maximum, avec une petite boîte à lumière de 60 cm de
diamètre située à 1,50 m d’un fond gris neutre, pour un éclairage
homogène et sans ombre en travaillant avec des diaphragmes entre
16 et 32. Pour les vues intraorales, un flash annulaire en sachant que
les automatismes evaluative trough-the-lens (TTL) ne sont pas encore
adaptés pour les boîtiers numériques.
¶ Boîtier et objectif
Un reflex 24/36 ou équivalent numérique avec un objectif macro de
85 ou 105 mm, idéal pour le portrait car sans déformation de
perspective et permettant de travailler sans trépied, à des distances
compatibles avec la puissance des flashes disponibles, de l’ordre de
1 à 1,50 m pour les vues faciales et de 20 à 40 cm pour les vues
intraorales.
¶ Matériel informatique
Une station de travail dont la puissance dépend du nombre de
photographies, une liaison firewire permettant de transférer
rapidement les images acquises par le boîtier, qui pèsent plusieurs
megaoctets ; un logiciel d’archivage où sont enregistrés les champs
international press telecommunications council (IPTC) (cf infra) ; ces
logiciels utilisés par la presse ou les agences photos autorisent des
classements de 20 000, 50 000 et plusieurs millions de photographies
avec des temps de recherche très rapides ; un système de sauvegarde
sur bande numérique pour grandes capacités ; une liaison internet
haut débit pour transmettre les images ; une imprimante à
sublimation thermique pour un tirage papier de qualité
photographique : 18 Mo pour une page A4 en 300 dpi.
Il est bien évident que cette configuration idéale dépasse le budget
de la plupart des praticiens, d’autant que la nomenclature de la
sécurité sociale ne prévoit aucun acte correspondant à la prise des
photographies.
ÉQUIPEMENT STANDARD GRAND PUBLIC [6, 14]
La vulgarisation des appareils photographiques numériques à usage
familial ou amateur permet de trouver des solutions très honorables
pour un coût raisonnable. Toutes ces solutions ont des défauts, mais
il suffit de bien les comprendre pour en atténuer les effets avec de
petits moyens.
¶ À propos de l’éclairage
Les boîtiers numériques possèdent en général un petit flash intégré
adapté à une utilisation portrait. L’inconvénient pour notre examen
médical est de faire apparaître des ombres portées en arrière-plan
qui vont se superposer aux contours cutanés. Pour estomper cet
effet, il faut éloigner beaucoup plus le patient du fond gris. Pour les
vues intraorales, le flash intégré est toujours trop puissant et trop
directionnel. Il engendre en bouche une image avec une partie
totalement dans l’ombre et l’autre très surexposée. Pour y remédier,
ajouter un sparadrap épais sur le flash pour en réduire la puissance
et augmenter la diffusion de la lumière. Mais souvent, il est éloigné
et asymétrique par rapport à l’objectif et donc certaines vues ont
toujours de petites zones d’ombre.
¶ À propos du boîtier et de l’objectif
Les capteurs sont de plus petites tailles mais l’objectif est associé à
une focale plus courte et un diaphragme ouvert, ce qui permet
d’éviter les difficultés d’une mise au point précise et la nécessité
d’un éclairage puissant. L’ensemble est en général cohérent et
permet d’obtenir des portraits honorables en utilisant la position
téléobjectif puis la position macro pour les vues intraorales. Sur un
écran d’ordinateur, l’image est suffisante pour travailler. Pour
l’impression papier, il en est de même avec une simple imprimante
de bureau, à condition que chaque image ne dépasse pas 2 à 3 cm
de côté. C’est une des raisons techniques pour lesquelles nous
proposons un bilan en 12 vues sur une page A4. Il est en effet
beaucoup plus utile pour notre métier d’avoir 12 petites vues plutôt
qu’une ou deux grandes vues, qui, pour avoir une bonne qualité,
imposeraient un équipement photographique professionnel
pratiquement dix fois plus coûteux.
¶ À propos du matériel informatique
Fort heureusement, un logiciel d’acquisition et d’archivage est en
général offert avec l’achat de l’appareil photographique. L’ensemble
reste bien adapté à des images compressées en de petits fichiers et
sans temps de réponse excessif pour des catalogues limités à …
quelques milliers d’images.
Définition du bilan photographique
standardisé en orthodontie
Une page format A4 doit permettre de visualiser l’ensemble de
l’examen facial et intraoral [3, 9, 11]
. L’en-tête de page permet de
résumer les coordonnées et qualification du praticien, ainsi que le
titre de la planche : bilan initial (fig 1), bilan en cours de traitement
(fig 2), bilan après traitement... Le corps de la page est formé d’un
tableau en six lignes et trois colonnes avec six vues faciales et six
vues intraorales. Sous chaque vue, en légende, l’état civil du patient
et la date de la photographie. Ces renseignements sont facilement
éditables car ils ont déjà été enregistrés dans les champs IPTC lors
de l’archivage. Ceci permet, sur le plan médicolégal, de vérifier que
les vues présentées sont bien celles du patient concerné et aux
bonnes dates [8, 12]
.
Prise de vue
VUES FACIALES
¶ Critères
La première ligne définit l’ensemble céphalique au repos : crâne face
et cou, en trois vues : profil droit, face, profil gauche. Le patient doit
regarder à l’infini sans mouvement de bascule ou de rotation
parasite. Le plan orbitoméatal doit correspondre sensiblement à
l’horizontale du milieu de l’image. Il faut dégager front, oreilles, et
cou de la coiffure, des bijoux ou des vêtements afin d’apprécier toute
l’anatomie céphalique et permettre d’évaluer sa bonne orientation
dans l’espace et donc la reproductibilité de l’examen.
La deuxième ligne évalue les modifications plastiques du visage « en
fonction» en trois vues, trois quarts droit, face et trois quarts gauche
en sourire forcé avec la traction maximale des commissures lors de
la prononciation prolongée de la lettre « i », le système dentaire étant
en occlusion habituelle, afin de pouvoir garantir objectivité et
reproductibilité.
¶ Procédure de prise de vue
Le patient est placé à au moins 10 ou 15 cm du fond gris afin
d’estomper l’ombre portée du flash. Ceci permet d’obtenir un fond
gris neutre uniforme pour bien détacher les tissus cutanés sans
23-460-D-15 Bilan photographique en orthodontie Odontologie/Orthopédie dentofaciale
2
13. double contour. Le patient est debout (l’enfant éventuellement sur
un marchepied) pour pouvoir facilement pivoter suivant les
indications du praticien. Il est expliqué plus loin l’avantage pour le
praticien à être lui aussi debout, afin de pouvoir effectuer
rapidement et confortablement cadrage et mise au point, sans avoir
le dos voûté.
Le praticien doit commencer par le profil droit au repos, afin
d’optimiser un plein cadrage et une mise au point facile et rapide.
La première étape commence par cadrer l’image pour placer le plan
horizontal orbitoméatal au milieu du viseur de l’appareil. Une fois
définie l’horizontale du milieu de l’image, le praticien doit avancer
ou reculer légèrement pour ajuster le cadrage en largeur afin
d’inclure l’ensemble céphalique. Un effet sensiblement équivalent
peut être réalisé en zoomant plus ou moins, si l’appareil en a les
possibilités. La troisième étape doit permettre d’obtenir la mise au
point finale. Elle est parfois manuelle mais le plus souvent, elle est
automatisée par différents systèmes d’autofocus. Mais pour
bénéficier pleinement des automatismes de mise au point, il faut
bien choisir la zone de mesure de l’autofocus. Le centre du viseur
correspond en général à la région malaire. Par chance, pour
l’orthodontiste qui n’est pas photographe de formation, à partir du
diaphragme 16 ou 22, la mise au point finale (manuelle ou
automatisée par autofocus) peut être faite tout simplement sur la
région centrale du cadrage final. Ceci correspond en général à la
région malaire. Il est en pratique totalement inutile d’aller
mémoriser une mise au point plus savante sur les paupières ou les
yeux, au risque de perdre en précision au niveau du cadrage final.
Pour résumer, avec les automatismes modernes, et sans formation
de photographe, il suffit à tout praticien de bien cadrer pour avoir
une image globalement nette.
Après le profil, il est demandé au patient de pivoter d’un quart de
tour, pour obtenir le trois-quarts sourire droit. En général, le cadrage
et la mise au point n’ont pratiquement pas besoin d’être modifiés.
Le patient pivote à nouveau d’un quart de tour pour être de face au
repos puis en sourire forcé. Heureusement encore pour le praticien
néophyte en photographie, il n’est pratiquement pas besoin de
changer les réglages de cadrage ni de mise au point. Enfin, le patient
pivote à nouveau d’un quart de tour pour pouvoir réaliser de la
même façon, sans autre modification des réglages, le sourire trois-
quarts gauche puis le profil gauche au repos.
Ainsi sont réalisées très simplement six photographies « plein cadre
céphalique », avec le même rapport d’agrandissement et la même
orientation.
1 Bilan initial réalisé avec un équipement grand public
datant de moins de 5 ans.
Patiente née en octobre 1988, présentant une classe II mo-
dérée avec un discret encombrement incisif. Bilan photogra-
phique réalisé en novembre 2000 avec un équipement grand
public acquis 2 ans avant. Les images manquent globale-
ment de précision, et les vues intraorales présentent des zo-
nes d’ombre mais le document reste dans l’ensemble d’une
qualité suffisante pour établir un diagnostic complet.
Odontologie/Orthopédie dentofaciale Bilan photographique en orthodontie 23-460-D-15
3
14. VUES INTRAORALES
¶ Critères
Les six vues intraorales doivent permettre d’objectiver toute
l’occlusion et l’ensemble de l’anatomie intraorale. La première ligne
définit l’occlusion par un trois-quarts droit, une face complète, un
trois-quarts gauche en correspondance directe avec la ligne
supérieure des vues faciales trois-quarts sourire droit, face sourire,
trois-quarts sourire gauche. La deuxième ligne complète l’étude
anatomique avec une vue de l’arcade maxillaire, une vue rapprochée
de face de canine à canine, une vue de l’arcade mandibulaire.
¶ Procédure de prise de vue
Les vues intraorales se rapprochent du rapport d’agrandissement
1/1 et donc des exigences spécifiques de la macrophotographie.
L’objet à photographier doit donc être immobile et globalement bien
éclairé pour faciliter cadrage, mise au point manuelle, ou
fonctionnement des autofocus qui sont mis à contribution aux
limites de leurs possibilités techniques. Le praticien doit être
suffisamment confortable et stable pour pouvoir effectuer de petits
mouvements précis de cadrage et de facilitation des automatismes
de mise au point.
Le fauteuil dentaire ne paraît pas le plus adapté à une position
confortable de prise de vue pour le praticien. Il est donc proposé de
placer le patient dans n’importe quelle pièce bien éclairée, sur un
simple tabouret de bar, la tête contre un mur, pour que l’étage
dentaire du visage soit à hauteur d’homme du praticien debout en
face, qui lui se déplace pour obtenir les différentes vues occlusales.
Commencer par la vue de face arcade complète, en positionnant le
plan d’occlusion dans l’horizontale du milieu du viseur. Ajuster le
plan du boîtier pour être le plus perpendiculaire au plan d’occlusion
afin d’éviter des effets de plongée ou de contre-plongée qui
pourraient par exemple minorer ou majorer l’aspect visuel d’une
supraclusion ou d’un surplomb. Puis comme pour la vue faciale,
avancer ou reculer légèrement pour ajuster le cadrage en largeur
afin d’englober toute l’arcade sans pour autant déborder sur les
tissus cutanés faciaux. En se rapprochant, une vue faciale de canine
à canine, même si elle n’est pas indispensable, permet d’objectiver
2 Bilan en cours de traitement réalisé avec un équipe-
ment professionnel récent.
La patiente a bénéficié de 15 mois d’activateur en propulsion
type Herbst ; un bilan est réalisé en Juillet 2002, 1 mois
après arrêt de tout appareil pour réévaluer l’encombrement
incisif et les possibilités thérapeutiques. Un équipement
professionnel récent permet d’obtenir des images beaucoup
plus précises, un rendu de la perspective sans aucune défor-
mation, un éclairage doux homogène et très naturel. Le mo-
dèle de présentation et d’exploitation des champs IPTC reste
cependant le même. La comparaison avec la planche du bi-
lan initial permet de relativiser, sur de petites images de 2 à
3 cm de côté, l’importance des différences de qualité photo-
graphique, afin de pouvoir en apprécier les limites suffisan-
tes pour notre exercice médical. Il convient d’en être informé
afin de pouvoir saisir les opportunités des progrès technolo-
giques actuellement très rapides.
23-460-D-15 Bilan photographique en orthodontie Odontologie/Orthopédie dentofaciale
4
15. les détails les plus visibles. Si la possibilité existe, il faut réduire
d’un diaphragme la puissance du flash et garder ce réglage pour les
vues latérales gauche et droite. Enfin, pour les vues occlusales dans
le miroir, il faut se contenter des automatismes du boîtier ou si
possible augmenter d’un diaphragme la puissance du flash. Des
photographes professionnels ont eu besoin de faire de nombreux
essais avant de s’adapter à la spécificité technique de l’art dentaire...
Il faut savoir par exemple que la surface blanche lisse et brillante
d’une incisive, ou que l’image faiblement éclairée dans le miroir
d’une vue palatine cumulent toutes les difficultés pour le
fonctionnement des autofocus…
Transfert des images sur la station
de travail
À l’opposé de la photographie industrielle de studio en moyen et
grand format pour des objets fixes, où l’image numérique est
obtenue sur la station de travail après acquisition en plusieurs
passes correspondant à chaque couleur primaire ; les boîtiers petits
formats 24/36 adaptés aux sujets mobiles utilisent toujours la
technologie oneshot où les trois couleurs primaires sont prises en
même temps. C’est au sein du boîtier que l’image « native » est
obtenue par des algorithmes de définition des couleurs qui sont
propres au boîtier. La qualité de l’image finale dépend donc à la fois
des qualités du capteur, mais aussi de la précision d’interprétation
de ces algorithmes ou « bruit de fond ». Ce fichier natif doit être
décodé par le logiciel correspondant au boîtier dans un format
standard JPEG ou TIFF afin de pouvoir être reconnu et exploité par
n’importe quel ordinateur. C’est au cours de cette première phase
de transfert des images que peuvent être renseignés les premiers
champs IPTC [1]
, souvent à l’aide de procédures par lots ou
« scripts » d’exécution. Ces champs IPTC sont le résultat d’un
consensus industriel qui, depuis les années 1970, a permis
d’encapsuler des métafichiers (informations sous forme de texte) au
sein de l’image. La norme DICOM de nos scanners médicaux utilise
un système similaire pour enregistrer les paramètres techniques :
type de machine, rayonnement, plan de coupe… ainsi que l’état civil
du patient, son âge … Nous avons donc la chance en médecine
d’avoir à notre disposition, pour les photographies, quelle que soit
la marque de nos appareils, une norme internationale largement
diffusée qui a déjà fait ses preuves dans l’industrie, la presse et les
agences photos. Il suffit de faire l’effort de s’en servir…
Une vingtaine de champs sont à notre disposition pour définir l’état
civil du patient, la date et le lieu de l’examen, le prescripteur, le type
de document : photographie faciale, intraorale, mais aussi
radiographies, moulages… et si le document est pris à titre initial,
en cours ou en fin de traitement… Enfin la norme prévoit aussi une
liste de mots clés ainsi que deux champs de texte libre, où peuvent
être indiqués diagnostic, traitement ou tout élément important du
dossier médical. Les « scripts » sont des routines d’exécution
proposées par tous les logiciels d’imagerie pour coller directement
et en une seule fois toutes ces informations dans tout le lot de
photographies du patient.
Exploitation de la base de données
La dernière étape de la chaîne numérique doit permettre d’archiver
l’ensemble des photographies de tous les patients. Les logiciels
professionnels d’archivage ou leur version réduite grand public
fonctionnent toujours de la même façon. Chaque fichier image se
décompose en une image pleine définition, les champs IPTC,
quelques champs complémentaires personnalisables, une image de
prévisualisation, une vignette de classement. Il est pratique et facile
de renommer les fichiers de chaque patient sous la forme NNNN
nnn où N représente le numéro de dossier du patient et n le numéro
d’image. Avec cette configuration, on peut ainsi regrouper jusqu’à
10 000 patients ayant chacun jusqu’à 1 000 images. En effet, dès les
premières centaines de photos, il est indispensable de standardiser
les noms de fichiers. Jusqu’à quelques milliers, un logiciel
d’archivage peut effectuer une recherche assez rapidement sur une
requête par nom de fichier. À partir de 20 000 photos, il devient
nécessaire d’utiliser un serveur d’indexation. Il s’agit d’un moteur
de recherche qui indexe non seulement le nom de fichier mais aussi
tous les champs IPTC et métafichiers associés en vue d’accélérer les
recherches et ce avec différentes possibilités de requêtes plus ou
moins évoluées. Ces moteurs sont adaptés pour gérer plusieurs
millions de photographies. Même si un simple praticien ne peut
rivaliser en mesure avec un grand groupe de presse, sa démarche
d’enregistrement des champs et de leur exploitation peut être, bien
qu’à petite échelle, tout à fait similaire. On comprend ainsi qu’il est
aisé, après avoir documenté une première fois les photographies
initiales d’un patient, de compléter son dossier avec les
photographies des moulages, des radiographies, ou de tout autre
examen. Ceci constitue progressivement une véritable base de
données en vue de l’évaluation objective de son propre travail, ou
de futurs travaux de recherche.
Conclusion
Depuis longtemps en France, en Europe, aux États-Unis, les grands
noms de l’orthodontie ont toujours placé le bilan photographique
comme une pièce maîtresse du dossier orthodontique. En 50 ans, les
écoles et les techniques ont bien évidemment considérablement évolué,
mais il reste toujours autant d’actualité d’accorder la primauté à
l’examen clinique et donc à son vecteur de communication obligé que
constitue la photographie. La technologie numérique actuelle permet de
réaliser simplement et rapidement une iconographie complète et de
grande qualité. Cependant, toute avancée technologique a un coût
d’investissement et de mise en œuvre. Alors que moulages et mesures
cephalométriques sont inscrites à la nomenclature des actes, on est en
droit de demander à la Sécurité sociale, dans son projet de réforme de la
nomenclature, de reconnaître le bien-fondé de l’examen photographique.
Il paraît opportun d’en accorder le principe d’une rémunération et
d’évaluer les possibilités de prise en charge par l’organe social. Ceci
contribuerait à lever les obstacles à la diffusion d’un examen fort utile,
qui pour l’instant ne constitue pour le praticien qu’un surcoût de
charges financières et de travail, avec pour seule gratification la
reconnaissance de sa conscience professionnelle.
JPEG = Anonymous. Joint Photographic Expert Group. http://www.JPEG.org
TIFF = Anonymous. Tagged Image File Format. http://www.libtiff.org
DICOM = Clunie D. Digital Imaging and Communications in Medecine.
http://www.dclunie.com/dicom-status/status.html
Références ®
Odontologie/Orthopédie dentofaciale Bilan photographique en orthodontie 23-460-D-15
5
16. Références
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[2] Coimbra O, Lomheim C. Digital imaging and orthodon-
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orthodontic practice. J Clin Orthod 1998 ; 32 : 651-656
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tions. Am J Orthod Dentofacial Orthop 1998 ; 113 : 586-589
[5] Hickham JH. An instant photo record system. J Clin Orthod
1994 ; 28 : 280-283
[6] HutchinsonI,IrelandAJ,StephensCD.Digitalcamerasand
orthodontics: an overview. Dent Update 1999 ; 26 :
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[7] Mandall NA. Are photographic records reliable for orth-
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tics. Ned Tijdschr Tandheelkd 2000 ; 107 : 138-140
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status, and future developments. Angle Orthod 1999 ; 69 :
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[11] Sandler J, Murray A. Digital photography in orthodontics.
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[12] Sandler J, Murray A. Clinical photographs - the gold stan-
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[13] Sandler PJ, Murray AM, Bearn D. Digital records in orth-
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[14] Scholz RP. Considerations in selecting a digital camera for
orthodonticrecords.AmJOrthodDentofacialOrthop1998;
114 : 603-605
23-460-D-15 Bilan photographique en orthodontie Odontologie/Orthopédie dentofaciale
6
18. Pour cette raison, les thérapeutiques fonctionnelles, lorsqu’elles sont
commencées assez tôt chez l’enfant, apportent des corrections plus
rapides et de plus grande amplitude que celles observées chez
l’adolescent.
Nous avons nous-mêmes observé des résultats similaires dans les
études statistiques comparatives que nous avons menées en
thérapeutique DAC [3]
. Il a ainsi été observé que la mandibule
s’accroissait en moyenne de 7,6 mm en 6 mois de traitement chez
l’enfant, alors qu’elle ne s’accroissait que de 3,9 mm chez
l’adolescent après traitement multibagues pendant 2 années. La
mesure céphalométrique utilisée Olp-Pg issue de l’analyse
céphalométrique de Pancherz est le témoin de la position du
pogonion dans le profil ; il ne s’agit pas de l’accroissement de la
mandibule en valeur absolue. Ainsi, cette valeur serait le témoin
d’un phénomène de mobilité des os craniofaciaux et d’un nouvel
agencement des pièces squelettiques entre elles. Une étude
structurale permettrait d’avoir une idée plus précise de la
réorganisation du schéma facial chez l’enfant traité.
Thérapeutique et croissance du massif
facial supérieur
La croissance du massif facial supérieur est complètement
subordonnée à la croissance de la base du crâne, à l’expansion de la
fosse cérébrale moyenne subissant la poussée de l’encéphale, à la
prolongation faciale du mésethmoïde par le biais de la capsule
nasale et du septum nasal, tuteur cartilagineux, émis dans la face
par la base du crâne.
Selon Enlow [33]
, la croissance du massif facial supérieur est orientée
et dirigée par la croissance des tissus mous qui poussent et tirent la
face supérieure en bas et en avant, alors que le système sutural
craniofacial et périmaxillaire n’intervient que de façon adaptative en
ajustant les pièces squelettiques par des phénomènes de remodelage.
La croissance de la face et du crâne est dépendante, en arrière des
muscles cervicaux postérieurs et latéraux, et, en avant, du poids des
viscères thoracoabdominaux qui tirent sur le complexe hyoïdien
antérieurement.
Les os de la face supérieure subissent l’effet d’une biodynamique
craniofaciale liée à un certain déterminisme en flexion ou en
extension de la base du crâne. La mise en tension des membranes
dure-mériennes conjointement à l’organisation spatiale des pièces
squelettiques craniofaciales transmise par l’ensemble des matrices
fonctionnelles génère aussi des effets rotationnels (Schudy [75]
,
Björk [8, 9]
, Björk et Skieller [10, 11, 12]
, Dibbets [30, 31]
, Lavergne et
Gasson [54, 55]
).
Selon les théories de Moss [61]
, les matrices fonctionnelles gèrent une
part importante de l’architecture craniofaciale. La matrice
fonctionnelle désigne tout facteur capable de façonner un élément
osseux. Selon Moss, il existe deux types de matrices fonctionnelles :
– les matrices périostées, qui comprennent les muscles, les vaisseaux,
les nerfs, les glandes ; la réponse osseuse à une telle matrice se
traduit par des phénomènes d’apposition-résorption, entraînant sa
transformation en taille et en forme ;
– les matrices capsulaires, qui désignent un « espace fonctionnel »
entraînant un déplacement par le biais de la matrice périostée dans
l’espace fonctionnel ; la matrice capsulaire oropharyngée est liée à
une fonction particulière, la ventilation, qui stimule la croissance de
la partie moyenne de la face ; la croissance de l’oropharynx stimule
la croissance mandibulaire ; la matrice grandit et le squelette
répond ; la normalisation des fonctions musculaires et orofaciales
par le biais de la thérapeutique entretient la morphogenèse et
restaure l’équilibre facial.
En réponse au traitement, la variation de longueur des pièces
squelettiques elles-mêmes n’est pas la seule responsable de ces
modifications maxillomandibulaires ; le mobile maxillaire et
mandibulaire est aussi transposé. D’ailleurs, il est nécessaire, après
traitement, d’envisager une contention squelettique pour maintenir
les résultats acquis.
Comme le précise Deshayes [29]
, tout phénomène de lésion de tension
suturale, toute lésion fonctionnelle, perturbe les phénomènes de
croissance. Le traitement va réactiver les sutures atteintes et établir
des phénomènes de compensation en activant le rattrapage d’autres
joints suturaux plus actifs. Les phénomènes de compensation font
partie des rattrapages naturels parfois installés par le traitement
orthopédique. Dans le traitement orthopédique, les compensations
dentoalvéolaires commencent à apparaître lorsque le potentiel de
croissance squelettique de telle ou telle structure ne s’exprime pas
ou ne peut plus s’exprimer.
CROISSANCE DU MASSIF FACIAL SUPÉRIEUR
ET ORTHOPÉDIE
Il nous apparaît nécessaire de chercher à orienter la croissance faciale
en utilisant au maximum les propres possibilités adaptatives du
patient, et en orientant les tractions musculaires et les forces
occlusales naturelles de l’individu par le biais de l’inclinaison des
pans cuspidiens provoquant l’intercuspidation.
Le plan de traitement doit être guidé par la perception dynamique
de l’évolution des structures osseuses et pas seulement par des
objectifs céphalométriques qui prennent peu en compte la
dynamique de la croissance faciale.
Il faut chercher à réorienter la croissance et non pas à modifier
certaines structures squelettiques sous l’aspect quantitatif. Le
changement apporté par le traitement ne sera que relatif aux
variations de pièces squelettiques les unes par rapport aux autres. Il
est peut-être illusoire d’imaginer que l’on va pouvoir réduire ou
« bloquer » la croissance du massif facial supérieur, notre seule
possibilité serait de changer les rythmes et les taux de croissance
relatifs des pièces squelettiques du puzzle craniofacial. Peut-être
pourrons-nous réduire le taux de croissance et l’agencement des
pièces squelettiques du massif facial supérieur maxillaire tout en
augmentant le taux de croissance mandibulaire et sa proportion
contre-balançante [30, 31]
? Chaque mouvement n’est que relatif aux
structures adjacentes.
La distalisation véritable d’une molaire maxillaire en période de
croissance n’est que relative aux pièces squelettiques adjacentes et à
leur croissance. Nous ne pouvons que ralentir sa mésialisation et,
par l’intermédiaire de la propulsion mandibulaire, favoriser la
croissance de la mandibule et son repositionnement par rapport à la
base du crâne.
Le traitement orthopédique doit s’insérer dans les rythmes
biomécaniques de la croissance et les concepts de la biodynamique
craniofaciale. Le modèle cybernétique de croissance craniofaciale
établi par Petrovic [65]
montre les relations étroites des différentes
structures craniofaciales nous laissant ainsi entendre qu’aucune
action thérapeutique ne peut cibler qu’une seule structure comme le
ferait une ostéotomie, mais que l’orthopédie dento-cervico-faciale
intervient sur l’ensemble du puzzle craniofacial en activant de façon
sélective les différentes pièces tout en agissant sur l’ensemble [29]
.
Nous pouvons d’ores et déjà conclure que :
– en cas d’anomalie fonctionnelle, il faut intervenir dès que possible
pour restaurer les fonctions perturbées ;
– le rétablissement d’un bon équilibre occlusal, d’une bonne
fonction masticatrice associée à la normalisation des autres praxies
entraîne des effets squelettiques maxillomandibulaires visant à
rétablir l’équilibre structural.
TRACTIONS EXTRAORALES
L’utilisation des forces extraorales, très largement diffusées pour leur
effet orthopédique, orthodontique ou pour leurs possibilités de
compensation des mouvements parasites générés par la
biomécanique orthodontique, est limitée ou abandonnée dans la
thérapeutique DAC pour les raisons suivantes :
– le confort du patient et sa coopération sont très sollicités ; le port
d’un appareil extraoral 15 heures par 24 heures constitue une
contrainte particulièrement importante au quotidien pour le patient ;
23-498-D-10 Effets des thérapeutiques sur la croissance mandibulaire Odontologie/Orthopédie dentofaciale
2
19. – les pressions et tensions suturales péricrâniennes sont parfois
génératrices de troubles du développement ; nous considérons que
toute force lourde (de 500 g à 1 500 g) sur une suture membraneuse
peut avoir des effets perturbateurs de la mobilité crânienne
physiologique ; la thérapeutique orthopédique doit donc s’exercer
dans un cadre physiologique ne dépassant pas certaines pressions
qui iraient au-delà des possibilités adaptatives des systèmes
suturaux ;
– les appuis péricrâniens seraient moins justifiés à l’heure des
nouvelles technologies et des nouveaux matériaux ; les mini-
implants utilisés comme ancrage en orthopédie dentofaciale
présentent encore certaines limites, mais sont sûrement une solution
d’avenir ;
– la mise en œuvre de forces orthodontiques importantes peut créer
des effets iatrogènes sur le ligament dentoalvéolaire, puis
secondairement sur la morphologie radiculaire.
Pour ces différentes raisons, nous avons aboli de notre clinique
quotidienne les appareils extraoraux qui sont pour nous des
mécaniques invasives générant parfois des effets iatrogènes. Le
concept des forces orthopédiques lourdes a probablement évolué,
comme le concept des forces orthodontiques lourdes utilisées
autrefois en Edgewise.
Nous considérons que l’orthopédie doit orienter et diriger la
croissance craniofaciale pour atteindre un équilibre facial ; elle ne
doit pas s’opposer directement et fortement à la direction de
croissance initiale.
Thérapeutique
et croissance mandibulaire
GÉNÉRALITÉS
La croissance de cet os est complexe, tant par son mode d’ossification
(origine membraneuse et cartilagineuse) que par ses modifications
morphologiques. C’est le seul os mobile de la face ; il est relié à la
partie postérieure de la base du crâne par l’intermédiaire des cavités
glénoïdes qui se déplacent en bas et en arrière pendant la croissance.
De ce fait, la croissance mandibulaire doit donc être quantitativement
plus importante que celle du maxillaire, afin de conserver une
articulation dentodentaire équilibrée entre maxillaire et mandibule.
Selon les courbes de Björk [9]
, la croissance condylienne se poursuit
au-delà de la croissance suturale de la face et un peu au-delà de la
croissance staturale, jusqu’à 22 ans chez le garçon et 18 ans chez la
fille. Pour certains auteurs, la croissance mandibulaire se poursuivrait
encore plus tard.
EMBRYOLOGIE
Le chondrocrâne joue un rôle important dans la croissance faciale, à
l’intérieur de laquelle il envoie des éléments tuteurs doués d’une
croissance active pendant la vie embryonnaire et au-delà. Ces
expansions faciales sont la capsule nasale en avant et le cartilage de
Meckel en arrière. Comme la capsule nasale et le septum nasal pour
le maxillaire, le cartilage de Meckel est l’inducteur et le tuteur de la
croissance mandibulaire.
Dans la mandibule, vers le troisième ou quatrième mois, des
cartilages apparaissent secondairement : il s’agit des noyaux
cartilagineux angulaire, coronoïdien et condylien. Leur existence est
de courte durée, 6 à 8 mois pour le cartilage angulaire, persistance
jusqu’à la naissance pour le cartilage coronoïdien et disparition vers
21 ans pour le cartilage condylien.
À partir du noyau condylien initial, les chondroblastes forment une
masse ayant une forme de carotte dont le grand axe oblique en bas
et en avant arrive jusqu’à l’épine de Spix. À la naissance, il occupe
le quart supérieur de l’épiphyse condylienne, mais il existe encore
quelques îlots cartilagineux dans la zone spigienne. Ceci prouve que
le cartilage condylien participe aussi à la formation de la région sus-
spigienne. Ces noyaux cartilagineux assurent une croissance rapide
de l’os, mais ils ne sont qu’un centre secondaire adaptatif de
croissance selon Stutzmann et Petrovic [77]
.
À l’âge adulte, lorsque cesse l’activité du cartilage condylien, il
persiste un revêtement cartilagineux intra-articulaire qui peut
expliquer certaines reprises de croissance en pathologie
(acromégalie).
CROISSANCE DU CONDYLE
La région condylienne est le seul lien de la mandibule avec le massif
facial supérieur, par la cavité glénoïde qui dépend de la base du
crâne et du massif pétreux : c’est le relais craniomandibulaire.
Définition : le condyle a une origine double d’os enchondral et
surtout membraneux. Le cartilage condylien reste fertile toute la vie.
L’os enchondral est entouré par un manchon d’os membraneux
d’autant plus important que l’on s’éloigne de la tête du condyle.
¶ Particularités biologiques du cartilage condylien
et thérapeutique
La croissance enchondrale entraîne une multiplication des
préchondroblastes sur la face articulaire de la tête condylienne. Le
remodelage cortical antérieur et postérieur du condyle est à l’origine
de la rotation mandibulaire et des phénomènes d’inclinaison du
ramus [33]
.
Cette croissance condylienne est adaptative ; le modelage articulaire
(Mongini et Schmid [60]
) s’effectue en même temps. La dépression
intracapsulaire provoquée par l’étirement musculaire physiologique
pendant la croissance sollicite la croissance condylienne. On cherche
à reproduire ce type de situation lors de la mise en place du
traitement orthopédique par le positionnement de cales de
surélévation en verre ionomère sur les molaires mandibulaires.
Dans la règle du tripode de Degroote [26]
, si l’on veut augmenter la
croissance condylienne :
– il est nécessaire de créer des contacts molaires par des appareils
interposés épais au niveau des molaires ;
– il faut créer des conditions de dépression intracapsulaire ;
– il faut laisser les possibilités de fonction mandibulaire (Petit in
Château [21]
).
Petrovic (in Chateau [21]
) et Charlier ont démontré par les cultures
d’organe que l’hormone somatotrope, plus exactement son
intermédiaire, la somatomédine, ne stimulait guère dans les
conditions expérimentales la croissance condylienne, alors qu’elle
stimulait fortement celle des cartilages épiphysaires des os longs.
Selon Petrovic et Stutzmann [67]
, cette hormone a un rôle indirect sur
la croissance condylienne ; elle stimule l’accroissement du maxillaire
et la croissance condylienne s’effectue par un servomécanisme de
régulation de l’ajustement occlusal qui fait varier l’activité du
ptérygoïdien latéral.
L’arcade maxillaire est la grandeur à suivre. Sa position sagittale
dépend de la croissance antéropostérieure du massif facial supérieur.
Au plan cybernétique, la position sagittale de la mandibule, de
l’arcade mandibulaire est la grandeur à réguler. L’articulation
temporomandibulaire est le comparateur périphérique du
servosystème dans ce modèle cybernétique.
L’intercuspidation complète est stable ; en l’absence
d’intercuspidation complète, il apparaît un signal d’écart qui produit
une augmentation de l’activité du ptérygoïdien latéral et des autres
muscles masticateurs qui permettent à la mandibule d’ajuster son
arcade dans une position occlusale optimale ou suboptimale.
In vivo, Petrovic, grâce ses travaux sur le jeune rat, a montré une
diminution de la multiplication des préchondroblastes après la
résection du muscle ptérygoïdien latéral. Ce muscle contribue à la
régulation de la décroissance condylienne. Ceci démontre
l’importance de la musculature pendant la croissance mandibulaire.
Selon Petrovic, le processus d’accroissement de la mandibule se fait
grâce à deux procédés :
– une contribution périostique, relativement stable et subordonnée
aux tractions musculaires dont les mécanismes d’accroissement
osseux exclusivement appositionnels sont lents et grossiers ;
Odontologie/Orthopédie dentofaciale Effets des thérapeutiques sur la croissance mandibulaire 23-498-D-10
3
20. – une contribution cartilagineuse (condylienne, coronoïde et
angulaire) intégrée aux boucles de régulation locale ; elle est mise
en jeu rapidement et a pour objet des ajustements de croissance fins.
Petrovic (in Château [21]
) a mis en évidence la possibilité de stimuler
ou de réduire la quantité de croissance condylienne, modifiant ainsi
la longueur mandibulaire.
Le concept de la modulabilité de la croissance du cartilage condylien
au moyen de dispositifs orthopédiques et fonctionnels formulé à
partir d’expériences faites chez le jeune rat (Charlier, Petrovic,
Stutzmann), puis par la suite corroboré chez le singe (Stockli [76]
,
McNamara [59]
), est applicable à l’espèce humaine selon Levignac [58]
.
L’aptitude à répondre à un facteur biomécanique est liée à la
spécificité tissulaire, et non à l’espèce.
Selon la structure histologique du cartilage condylien, le
compartiment de croissance est constitué de squelettoblastes qui se
différencient en préchondroblastes de type II qui peuvent se
multiplier sous l’effet de facteurs biomécaniques locaux. Ceci
explique la possibilité de stimuler la croissance du cartilage
condylien. De telles variations n’ont pas été décelées lorsque des
cartilages primaires (cartilages de type I : os longs, métacarpiens,
métatarsiens, synchondrose sphéno-occipitale), provenant de
mammifères ou d’enfants, ont été exposés, en cultures
organotypiques, à des pressions similaires plus fortes. Les cartilages
primaires ne sont pas influençables par les facteurs
environnementaux, contrairement au cartilage condylien de type II.
¶ Croissance condylienne et orthopédie
Selon Petrovic, un appareil orthopédique peut susciter, soit la
stimulation par un hyperpropulseur, soit le freinage par une fronde
mandibulaire, de l’activité mitotique des préchondroblastes. Le
cartilage condylien, par voie de conséquence, présentera une
accélération ou un ralentissement de croissance selon l’appareil
utilisé.
Le rôle physiologique du ptérygoïdien latéral est de contribuer au
mouvement d’antépulsion mandibulaire, mais aussi de contrôler la
croissance du cartilage condylien.
Selon le modèle cybernétique présenté par Petrovic, on remarque
que la croissance du massif facial supérieur génère un dérèglement
occlusal, provoquant un « signal d’erreur » qui entraîne l’activité du
ptérygoïdien latéral en vue d’un ajustement occlusal optimal.
Le processus de croissance est influencé par l’activité de la
musculature faciale et par les forces exercées par les tissus mous.
Une glossoplastie par réduction entraîne une diminution des
préchondroblastes et un ralentissement de la croissance condylienne.
Le cartilage condylien est un cartilage secondaire qui n’est pas un
moteur de croissance, mais il joue un rôle de croissance
multidirectionnelle, adaptative et appositionnelle associée à des
phénomènes de rotation.
¶ Allongement et direction de croissance
du col du condyle
Le condyle a une croissance par à-coup. Les travaux de Petrovic
mettent en évidence un rythme de croissance avec un pic en avril et
en septembre.
Björk [11]
a montré que l’angle condylomandibulaire est de – 6° en
moyenne (rotation antérieure) par rapport à la tangente postérieure
du ramus, mais il peut varier de – 26° à + 16° selon les individus. Il
peut aussi varier pendant la croissance. Généralement, la trajectoire
du condyle n’est pas linéaire mais courbe, avec des variations
individuelles.
L’allongement du condyle répond au principe de la croissance
osseuse par apposition endostée et résorption périostée.
L’allongement du condyle en haut et en arrière répond au principe
de croissance en « V » décrit par Enlow.
L’apposition endostée regarde en direction de la croissance, la
résorption périostée regarde en direction opposée. Le condyle
s’allonge de façon adaptative. L’expansion des parties molles
périarticulaires entraîne le déplacement primaire mandibulaire. La
croissance du condyle est adaptative afin de réintégrer l’articulation
temporomandibulaire.
La croissance modelante n’est homogène ni dans l’espace, ni dans le
temps. Des variations sont soumises aux phénomènes de rotation
mandibulaire antérieure ou postérieure qui peuvent alors inverser
les phénomènes de remodelage du ramus et du condyle. En effet,
lorsque le face grandit, les phénomènes d’apposition-résorption
peuvent s’inverser. On remarque alors une résorption du rebord
postérieur du condyle et une apposition antérieure en cas de rotation
antérieure. Bien que le traitement puisse interférer sur la direction
de croissance, la réponse au traitement peut varier selon les
variations individuelles au moment du traitement.
CROISSANCE DU CORPUS MANDIBULAIRE
La mandibule fœtale s’accroît dans tous les sens à partir du trou
mentonnier, puis très vite dans certaines directions privilégiées
induites par le modelage fonctionnel.
On assiste à un ensemble de processus locaux qui permettent
l’adaptation morphologique et dimensionnelle de la mandibule à sa
nouvelle position. L’allongement du corpus de la mandibule est sous
l’effet modelant des matrices environnantes musculaires et de la
matrice pénétrante représentée par le paquet vasculonerveux
incitateur de la croissance, qui lui-même s’allonge.
Le corpus porteur de la denture voit sa dimension sagittale
augmenter par :
– la résorption du bord antérieur trigonocoronoïdien (coroné, face
externe du ramus) ;
– les massives appositions à la face médiopostérieure de la
tubérosité linguale (zone alvéolaire linguale postérieure de l’arcade
dentaire) ;
– la résorption passant sous la tubérosité linguale et la ligne
mylohyoïdienne s’étendant jusqu’à la région canine et formant la
fossette sous-maxillaire ;
– l’apposition sur la face externe du ramus, du corpus et du rebord
antéro-inférieur de la symphyse mandibulaire.
SYMPHYSE MANDIBULAIRE
La synchondrose symphysaire contribue à l’accroissement en largeur
de la mandibule pendant les premiers mois de la vie. Selon Delaire,
c’est une suture ouverte postérieurement pendant les premiers mois
de la vie, ce qui lui permet de répondre aux importantes variations
de volume lingual. D’après Scott [33]
, elle cesse d’être active dès la
fin de la première année.
L’épaississement de la symphyse se fait normalement par apposition
sur la face postérieure de la corticale interne. Il y a également
apposition sur le bord antéro-inférieur et résorption au-dessus du
point B, à l’origine de la dérive linguale physiologique de l’incisive
mandibulaire (le point B est le point le plus postérieur de la
concavité du bord antérieur de la symphyse). L’apposition sur le
bord inférieur augmente la hauteur de la symphyse et s’étend
jusqu’à la partie antérieure du rebord de la mandibule.
La maturation du menton en taille et en épaisseur se fait doucement
au cours de la croissance faciale après la période postnatale. La
combinaison d’un dépôt périosté continuel autour de la base du
menton avec une résorption périostée au-dessus du point B associé
à un dépôt interne dans la région alvéolaire agrandit
progressivement la symphyse et change son contour.
Ces phénomènes de remodelage symphysaire mettent en évidence
l’effet indirect des extractions orthodontiques sur le contour osseux.
En effet, l’appui sur la zone antérieure d’arcade chez un sujet en
croissance pour « mésialer » les premières molaires mandibulaires
après extraction des secondes prémolaires inférieures accentue les
phénomènes de résorption périostée au-dessus du point B, alors que
23-498-D-10 Effets des thérapeutiques sur la croissance mandibulaire Odontologie/Orthopédie dentofaciale
4
21. la zone basse symphysaire poursuit, elle, sa croissance sagittale, sous
l’effet de l’apposition osseuse physiologique. La dérive linguale
physiologique de l’incisive mandibulaire est accentuée. Ainsi, on
peut noter en fin de traitement un recul en translation de la région
dentoalvéolaire mandibulaire antérieure, quelle que soit l’intensité
du torque coronovestibulaire prescrit sur l’incisive mandibulaire, qui
ne constitue qu’un frein à la linguoversion coronaire de cette dent,
mais en aucun cas une limitation à son recul. Ainsi apparaissent les
profils creux postorthodontiques. En conséquence, l’indication
d’extractions orthodontiques doit rester une indication du traitement
des dysharmonies dentomaxillaires majeures [1]
.
PROCÈS ALVÉOLAIRES
D’origine membraneuse, l’os alvéolaire se modèle selon les lois
histologiques d’apposition et résorption en fonction des tractions et
des pressions qu’il subit. Les procès alvéolaires jouent un rôle de
rattrapage du jeu de croissance entre le maxillaire et la mandibule.
Leur croissance dépend de la divergence faciale du sujet. Ils ont un
rôle compensateur : dans le sens sagittal, ils diminuent au niveau
occlusal l’importance du décalage des bases ; on constate ce même
type d’adaptation dentoalvéolaire dans le sens transversal ainsi que
dans le sens vertical, où l’on peut citer le phénomène de O’Meyer
(in Chateau [21]
) : « la croissance verticale des procès alvéolaires au
maxillaire est deux fois plus importante au niveau postérieur qu’au
niveau antérieur. À la mandibule, le phénomène inverse s’observe. ».
Pendant l’éruption dentaire, en dehors du phénomène purement
passif, on note une dérive dentaire orientant la croissance des procès
alvéolaires. Ce phénomène actif peut être orienté par le traitement
orthopédique. La mandibule, selon Moss [61]
, est divisée en six unités
microsquelettiques, chacune en relation avec une matrice
fonctionnelle. Pour Moss, la zone des procès alvéolaires est la
cinquième unité microsquelettique de la mandibule, considérée
comme une matrice fonctionnelle de sollicitation de la croissance
basale de la mandibule. Ceci montrerait l’importance de l’orientation
de croissance des procès alvéolaires par la thérapeutique.
RAMUS
La face latérale du ramus est le siège d’une apposition périostée.
Sur la face médiale (interne), l’apposition se poursuit vers le bas
jusqu’à coiffer la tubérosité linguale du corpus.
Le bord antéro-inférieur est le siège d’une résorption périostée.
Le bord postéro-inférieur est le siège d’une apposition périostée.
Résultante générale de la croissance ramale :
– la dérive latérale éloigne les structures goniaques l’une de l’autre
selon le principe du « V » de Enlow [33]
; l’apposition périostée sur la
face linguale transporte la base des apophyses coronoïdes en
direction postérieure et médiane, et non strictement selon la
direction du « V » initial ;
– la dérive externe du ramus dans sa partie inférieure sert à
maintenir cette configuration curviligne du ramus.
Pour rester en bonne relation occlusale avec l’arcade maxillaire,
l’angle mandibulaire peut se fermer dans certains cas de rotation
mandibulaire antérieure. On assiste alors à l’apparition de lignes
d’inversion qui modifient les phénomènes de résorption et
d’apposition des bords antérieurs et postérieurs du ramus.
APOPHYSE CORONOÏDE
Comme les bords de l’échancrure sigmoïde, elle est le siège d’une
apposition périostée médiale et d’une résorption latérale. La base de
l’apophyse coronoïde se trouve déplacée en direction médiale et ce
déplacement est plus marqué que celui du sommet, qui compense
ce décalage par un développement divergent vers le haut. Ce
modelage, associé à une résorption du bord antérieur, entraîne un
triple mouvement vers le haut, l’arrière et l’intérieur.
Taux de croissance mandibulaire
et âge de traitement
Les courbes de taux de croissances publiés par Björk [10]
corrélant la
croissance staturale et la croissance condylienne ont été remises en
cause par les travaux de l’école de Rennes. Guyomard et
Bonnefont [43]
, lors du Congrès de la Société française d’ODF en 1995,
ont rappelé leurs travaux de 1985. Ils avaient en effet montré, en
reprenant l’atlas du Center for Human Growth and Development
de l’université du Michigan, que les accélérations et décélérations
de croissance interviennent à des moments autres que ceux décrits
par l’école danoise. Ces périodes sont étalées sur une durée de
10 années entre 10 et 16 ans. Ainsi, Bonnefont, Guyomard et
Manière [43]
ont pu montrer que la croissance condylienne
n’atteignait pas forcément son taux maximal vers 12 ans chez les
filles et 14 ans chez les garçons, comme le montrent les courbes
« lissées » de Björk. En effet, le pic de croissance est très variable
d’un individu à l’autre et l’étude transversale de Bonnefont et al [43]
a montré que la croissance mandibulaire procède par accélérations
successives, en dents de scie, de l’enfance jusqu’à l’adolescence. Par
ailleurs, ces pics de croissance ne se superposent pas aux pics de
croissance staturale.
Altounian (in [43]
) avait déjà remarqué en 1973 qu’il existe une
importante dispersion des différents signes de maturation osseuse
chez les sujets en croissance. Une courbe moyenne ne peut en aucun
cas correspondre à celle d’un individu. De ce fait, si de nombreuses
études corroborent les travaux de Björk, d’autres études n’ont pas
démontré le synchronisme des courbes de croissance staturale et
faciale. Il est donc inutile de baser le choix du début du traitement
sur l’examen de la croissance staturale.
L’important travail de Bathia et Leighton en 1993 (in [43]
) ne confirme
ni le synchronisme ni l’accélération des taux de croissance
condyliens montrés par Björk au stade péripubertaire avec la courbe
du taux de croissance staturale.
Il avait été décrit par Tanner une poussée de croissance pendant
l’enfance vers 8 ans, poussée qu’il avait appelée la petite puberté,
correspondant à un pré-pic de croissance.
Pour notre part, et consécutivement aux différents travaux menés
par l’école lyonnaise, nous sommes convaincus de l’efficacité
orthopédique sur la croissance mandibulaire lorsque les traitements
sont commencés en denture mixte chez des enfants dont l’âge
chronologique varie de 7 à 10 ans. La levée des obstacles occlusaux,
la mise sous traction condylienne et sous tension musculaire
constituent des éléments libérateurs du potentiel de croissance
mandibulaire, alors que le turn over cellulaire d’un os jeune est
particulièrement rapide et adaptable.
Prévision de croissance mandibulaire
et traitement
L’étude des chapitres précédents sur la croissance craniofaciale
permet d’apercevoir certains processus du développement facial
avec lesquels nous devons compter dans la clinique quotidienne.
Dans la croissance sont imbriqués des phénomènes matriciels,
musculaires, fonctionnels, environnementaux et génétiques. Le site
primaire de croissance est difficile à déterminer. Dans la littérature,
les avis sont partagés et parfois contradictoires.
L’orthodontiste doit faire une analyse précise des anomalies. Il est
ensuite nécessaire d’établir un projet thérapeutique qui doit prendre
en compte l’âge du patient, le degré de coopération envisageable, la
direction générale de croissance, le potentiel prédictible, les limites
de l’orthopédie dentofaciale et les phases de traitement.
Tweed faisait une étude de prévision de croissance avant traitement,
en observant les variations relatives des points A et B, sur deux
céphalogrammes pris à une année d’intervalle. Il étudiait ainsi la
réponse totale de croissance mandibulaire.
Odontologie/Orthopédie dentofaciale Effets des thérapeutiques sur la croissance mandibulaire 23-498-D-10
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