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DROIT EUROPÉEN DU MARCHÉ INTÉRIEUR
Sous la direction scientifique d’Éric CARPANO, Professeur agrégé de droit public, Université Jean Moulin – Lyon 3, Centre d’études
européennes, Membre de l’Équipe de droit international, européen et comparé (EDIEC – EA 4185), Université Jean Moulin – Lyon 3.
Charte et marché intérieur
L a période sous commentaire (avril-juin 2014) a été marquée par la première déclaration d’invalidité d’une directive (directive sur
la conservation des données personnelles) sur le fondement des dispositions de la Charte des droits fondamentaux de l’Union
européenne (CJUE, 8 avr. 2014, aff. C-293/12 et C-594/12, Digital Rights Ireland et Seitlinger e.a.). L’arrêt Google Spain (CJUE, 13 mai 2014,
aff. C-131/12, Google Spain SL) mérite aussi d’être relevé en ce qu’il confirme une tendance jurisprudentielle pouvant être favorable à
l’effet horizontal de la Charte que l’on avait pu déceler dans notre précédente chronique (RLDA 2014/93, n° 5117). Ces deux décisions
pour importantes et symboliques qu’elles soient ne doivent pas occulter le rôle finalement assez limité de la Charte dans le contentieux
du marché intérieur soit parce que la Cour de justice estime que la Charte n’est pas applicable faute d’être dans une situation de
« mise en oeuvre du droit de l’Union » (en ce sens par exemple, CJUE, ord., 19 juin 2014, aff. C-45/14, Balázs et Papp ; CJUE, 12 juin 2014,
aff. C-28/14, Ryszard Panczyk ; CJUE, 22 mai 2014, aff. C-56/13, Érsekcsanádi Mezogazdasági Zrt) soit parce que l’argument de la violation de
la Charte s’épuise dans la violation des règles du traité (CJUE, 30 avr. 2014, aff. C-390/12, Robert Pfleger ; CJUE, 13 févr. 2014, aff. C-367/12,
Susanne Sokoll), soit enfin parce que la Cour estime qu’aucune violation n’est à relever (CJUE, ord., 8 mai 2014, aff. C-329/13, Ferdinand
Stefan ; CJUE, 15 mai 2014, aff. C-135/13, Szatmari Malon Kft). À parcourir les arrêts « Charte » des derniers mois, il apparaît que dans le
contentieux économique, la Charte ne joue qu’un rôle très limité : soit la Charte est applicable et alors elle s’efface derrière les règles
de libre circulation applicables à titre principal (arrêt Robert Pfleger préc., comm. Carpano E.), soit les principes de la libre circulation ne
sont pas applicables et la Charte ne l’est pas non plus (CJUE, 8 mai 2014, aff. C-483/12, Pecklmans, comm. Durand E.). Nous nous proposons
de revenir sur ces deux aspects de la question.
Par Éric CARPANO
Professeur agrégé de droit public
Centre d’études européennes
Membre de l’Équipe de droit international,
européen et comparé (EDIEC – EA 4185)
Université Jean Moulin Lyon 3
Î RLDA 5268
Éric CARPANO
Applicabilité et application de la Charte dans
le contentieux du marché intérieur : les dispositions
de la Charte s’épuisent-elles dans les règles relatives
à la libre circulation ?
Une nouvelle affaire sur la compatibilité des régimes juridiques des jeux de hasard avec le droit
de l’Union est l’occasion de revenir sur la place de la Charte dans le contentieux des libertés de
circulation. Si l’existence d’une violation potentielle du principe de la libre prestation de services justifie
l’applicabilité de la Charte, en revanche ce même grief épuise le moyen tiré de la violation d’une
disposition de la Charte. Cet arrêt confirme le rôle limité de la Charte dans le contentieux des libertés
économiques dont le contenu est déterminé par le traité, véritable constitution économique de l’Union.
CJUE, 30 avr. 2014, aff. C-390/12, Robert Pfleger
L es jeux de hasard continuent d’alimenter le contentieux
devant la Cour de justice alors même que la jurisprudence
de la Cour semble aujourd’hui avoir très largement balisé
les conditions de la compatibilité des règlementations nationales
attribuant des droits exclusifs en la matière à certains opérateurs
(récemment cf., CJUE, 2 juill. 2012, aff. C-176/11, HIT et HIT LARIX ; CJUE,
24 janv. 2013, aff. C-186/11 et C-209/11, Stanleybet International e.a.). L’ar-rêt
sous commentaire retiendra notre attention non pas tant pour
ses réponses classiques à la question de l’entrave en matière de
jeux de hasard qu’à la mobilisation de la Charte des droits fonda-
62 I RLDA Numéro 96 I Septembre 2014