Revue "What's Up Doc" n°28 - Septembre Octobre 2016
Demain, certains patients ne se satisferont plus du rôle de restauration des capacités humaines que joue traditionnellement la médecine. Ils s’attendront à ce que leur praticien soit en mesure d’offrir à leur corps de nouvelles possibilités. Et pour nous, ça change tout.
Après le polythéisme des Romains et des Grecs, après le monothéisme des religions du Livre, émerge un troisième âge : la religion de l'homme-dieu. Pour les transhumanistes en effet, l’homme sera le dieu de demain, doté de pouvoirs quasi infinis grâce aux fameuses NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, informatique, sciences cognitives).
Les adeptes de cet homme augmenté pensent que l’humanité va réaliser ce que seuls les dieux étaient supposés pouvoir faire : modifier notre génome, reprogrammer notre cerveau et euthanasier la mort. Voilà qui saurait d’autant moins laisser les jeunes médecins indifférents que certains des plus grands noms de la Silicon Valley figurent parmi les promoteurs de cette nouvelle religion.
LA MALADIE, CE LOINTAIN SOUVENIR
« Dès les années 2030, nous allons, grâce à l’hybridation de nos cerveaux avec des nanocomposants électroniques, disposer d’un pouvoir démiurgique », prophétisait en octobre 2015 Ray Kurzweil, ingénieur en chef de Google. « Il est urgent que nous hybridions notre cerveau pour ne pas être écrasés par l’intelligence artificielle », surenchérissait en juin dernier Elon Musk, patron de Tesla Motors. Pour les transhumanistes, un citoyen peut décider seul des modifications qu’il souhaite apporter à son cerveau, à son ADN ou à son corps au fil des avancées de la science. La maladie et le vieillissement ne sont d’après eux pas une fatalité. (...)
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1. Dr Laurent Alexandre*
DEMAIN, CERTAINS PATIENTS NE SE SATISFERONT PLUS DU RÔLE DE RESTAURATION
DES CAPACITÉS HUMAINES QUE JOUE TRADITIONNELLEMENT LA MÉDECINE. ILS
S’ATTENDRONT À CE QUE LEUR PRATICIEN SOIT EN MESURE D’OFFRIR À LEUR CORPS
DE NOUVELLES POSSIBILITÉS. ET POUR NOUS, ÇA CHANGE TOUT.
Après le polythéisme des Romains et des
Grecs, après le monothéisme des religions
du Livre, émerge un troisième âge : la religion
de l'homme-dieu. Pour les transhumanistes en
effet, l’homme sera le dieu de demain, doté
de pouvoirs quasi infinis grâce aux fameuses
NBIC (nanotechnologies, biotechnologies,
informatique, sciences cognitives).
Les adeptes de cet homme augmenté pensent
que l’humanité va réaliser ce que seuls les
dieux étaient supposés pouvoir faire : modifier
notre génome, reprogrammer notre cerveau
et euthanasier la mort. Voilà qui saurait d’autant
moins laisser les jeunes médecins indifférents
que certains des plus grands noms
de la Silicon Valley figurent parmi les promoteurs
de cette nouvelle religion.
LA MALADIE, CE LOINTAIN SOUVENIR
« Dès les années 2030, nous allons, grâce à
l’hybridation de nos cerveaux avec des nano-
composants électroniques, disposer d’un pouvoir
démiurgique », prophétisait en octobre 2015
Ray Kurzweil, ingénieur en chef de Google.
« Il est urgent que nous hybridions notre
cerveau pour ne pas être écrasés par l’intelligence
artificielle », surenchérissait en juin dernier
Elon Musk, patron de Tesla Motors. Pour les
transhumanistes, un citoyen peut décider seul des
modifications qu’il souhaite apporter à son cerveau,
LE MÉDECIN FACE
À LA RELIGION
TRANSHUMANISTE
*CHIRURGIEN UROLOGUE ET ÉNARQUE, LE DR LAURENT ALEXANDRE DIRIGE DNA VISION, ENTREPRISE BELGE
SPÉCIALISÉE DANS LA GÉNÉTIQUE. AU FIL DE SES OUVRAGES ET DE SES INTERVENTIONS MÉDIATIQUES,
IL ANALYSE LE FUTUR DE LA MÉDECINE SOUS TOUS LES ANGLES.
TWITTER : @DR_L_ALEXANDRE • LAURENT.ALEXANDRE@DNAVISION.BE
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What’s Up Doc? 28 sept.-oct. 201614
AUTRE MÉDECINE
CHRONIQUE POUR UNE
2. à son ADN ou à son corps au fil des avancées
de la science. La maladie et le vieillissement
ne sont d’après eux pas une fatalité.
Ils considèrent l’homme comme un terrain
d’expérimentation pour les NBIC : un être en
perpétuelle évolution, perfectible et modifiable
jour après jour par lui-même. L’homme du futur
tel qu’ils le voient serait comme un site web :
une éternelle version bêta, un organisme-
prototype voué à se perfectionner en continu.
LE MÉDECIN, BRAS ARMÉ
DES TRANSHUMANISTES?
Cette nouvelle religion bouleverse le
rôle du médecin. Car dans l’optique des
transhumanistes, la médecine ne vise plus
à réparer, mais à augmenter une sorte
d’homme 2.0. La fusion de la biologie et
des nanotechnologies transformera le médecin
en ingénieur du vivant et lui donnera un
pouvoir inouï sur notre nature biologique.
Que devons-nous faire? Assumer un
changement radical de notre rôle en
devenant le bras armé, la cheville ouvrière des
transhumanistes? Ou lutter contre la Silicon
Valley avec les bioconservateurs, qui prônent
la limitation des manipulations de l’humain?
Nous allons devoir trancher!
LA MÉDECINE NE VISE PLUS
À RÉPARER, MAIS À AUGMENTER
UNE SORTE D’HOMME 2.0.
LES CONGRÈS
« prédateurs » :
OBJECTIF PROFITS!
Le business des congrès scientifiques
attire des « prédateurs » dont l’objectif
est de faire des profits, et certains
professionnels se font abuser…
Les congrès sont organisés par des sociétés scientifiques.
Réunir des centaines de participants pendant 1 à 3 jours
dans un lieu convivial génère des bénéfices, notamment pour
des associations à but non lucratif. Le congrès est aussi une
ressource qui profite aux membres, permet l’expansion de
la discipline en question, le financement d’une revue, etc.
Malheureusement, ce modèle économique a favorisé
l’émergence de personnes peu scrupuleuses qui créent des
sociétés à but lucratif pour organiser des congrès sans réelle
valeur scientifique. Ces congrès dits « prédateurs » ont été
identifiés et décrits depuis 2013. Le blog Scholarlyoa recense
les organisateurs « prédateurs » (https://scholarlyoa.com).
OMICS, pour n’en citer qu’un, est le plus important d’entre
eux (www.omicsonline.org).
LE MODUS OPERANDI DE CES RAPACES ?
Vous recevez un e-mail proposant une inscription à un
congrès porté par une association à but non lucratif,
qui cache en fait une société commerciale. Ces congrès,
au contenu scientifique médiocre, affichent souvent des
orateurs prestigieux qui s'avèrent souvent… finalement
absents (dans certains cas leur nom figure sur le programme
alors qu’ils n’ont même pas été invités). Il arrive également
que des comités scientifiques ou des universités soient
mentionnés sans leur accord. L’association organisatrice
est généralement assez opaque.
Parfois une adresse locale est citée, alors que
l’organisateur se trouve en réalité en Inde, par exemple.
Les posters sont acceptés immédiatement, et leur
soumission est payante. Le même congrès peut être
organisé dans plusieurs pays, ou plusieurs congrès
peuvent se tenir simultanément dans un même lieu…
Attention, ces congrès prédateurs existent aussi en France!
*Hervé Maisonneuve est médecin, professeur associé en santé publique,
blogueur, et il exerce une activité de formation en rédaction scientifique :
www.redactionmedicale.fr
HERVÉ MAISONNEUVE*
sept.-oct. 2016 What’s Up Doc? 28 15