Il s'agit d'une synthèse réalisée dans le cadre du séminaire TICE du master 2 MIFEF.

1. SEMINAIRE B : TICE– 2021-2022 - JACQUES BEZIAT
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Atelier de janvier : LES TECHNOLOGIES NUMÉRIQUES DANS LES CONTEXTES
ÉDUCATIFS DES PAYS DU SUD
En guise d’introduction,
Le développement fulgurant des technologies numériques a profondément modifié et continue à
modifier les modes de fonctionnement individuels, collectifs et organisationnels à l’échelle mondial.
Les pays du nord comme ceux du sud œuvrent depuis plusieurs décennies pour intégrer ces
technologies dans tous les secteurs de l’activité humaine, notamment ceux liés à l’éducation et la
formation. Si les pays du nord semblent faire un grand pas en avance et réussir relativement cette
intégration, les pays du sud, notamment ceux d’Afrique, se trouvent toujours au dernier rang et sont
souvent rattrapés par leurs réalités politiques, économiques, sociales, technologiques,
environnementales et légales. Ces réalités traduisent, entre autres, les fractures numériques et sociales
qui persistent et continuent d’une façon ou d’une autre à se creuser à tous les niveaux entre des pays
du nord qualifiés de « développés » et ceux du sud, dits « en voie de développement ».
Dans le cadre de cette synthèse, j’ai choisi de présenter et d’analyser cinq textes qui traitent le sujet
de l’intégration des technologies numériques dans les contextes éducatifs des pays du sud. Ces
différents textes permettent, à mon avis, de mieux appréhender ce sujet et d’identifier de façon
complémentaire les enjeux (et/ou les défis) qui lui sont liés. L’angle de mon analyse ciblera
principalement le volet de l’enseignement et la formation à distance dans le contexte universitaire. La
raison derrière ce choix est que ce volet-là a constitué et constitue jusqu’à présent la préoccupation
majeure des décideurs politiques de nombreux pays du monde pour assurer l’éducation pour tous et
surtout la continuité pédagogique pour tous dans un contexte inédit qui est celui de la crise sanitaire du
Covid-19 et ses variants.
Le premier texte de Béziat (2021) s’appuie sur des éléments contextuels issus des pays d’Afrique
pour mettre en exergue les freins au déploiement des technologies numériques dans les pratiques
scolaires dans tous les niveaux d’enseignement. Il permet donc de relever les enjeux liés à la présence
des technologies éducatives dans le contexte universitaire, entre autres. Le deuxième texte d’Obono
Mba (2021) reporte la situation du Gabon et son rapport à l’enseignement et la formation à distance en
faisant ressortir des propositions d’actions pour relever les défis identifiés. Le troisième texte de
Puimatto (2017) présente une note de lecture d’un ouvrage publié en 2015 par l’Agence française de
développement (AFD), l’Agence universitaire de la francophonie (AUF), l’opérateur de téléphonie
Orange et l’Unesco pour faire l’état des lieux de la situation de l’éducation et des TIC en Afrique
subsaharienne tout en soulignant les potentialités éducatives du numérique et les conditions de la
réussite. Ce texte fait ressortir des éléments de réflexion sur les tenants et aboutissants de l’intégration
des technologies éducatives dans des contextes marqués par de fortes disparités notamment politiques
et socio-économiques.

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Le quatrième texte de Depover (2017) propose les prémisses d’une argumentation centrée sur
l’intérêt des technologies éducatives comme composante stratégique de l’effort de développement des
pays du Sud. En outre, il permet d’identifier les spécificités de la recherche sur les technologies
éducatives dans ces pays. Enfin le cinquième texte de Karsenti et Collin (2011) soulève la question des
contraintes qui entravent le développement des formations ouvertes et à distance (FOAD) dans le
contexte africain. Il souligne en parallèle les dynamiques à l’œuvre lors du suivi d’une FOAD par des
étudiants africains.
Je vais présenter dans les pages qui vont suivre en s’appuyant sur ces textes, dans un premier temps
la place accordée aux technologies numériques, notamment à l’enseignement et la formation à
distance, dans le contexte universitaire dans les pays du sud. Ensuite, dans un second temps, je vais
mettre l’accent sur les enjeux qui lui sont associés tout en soulignant les perspectives de
développement possibles. Enfin je vais terminer avec l’intérêt et les spécificités de la recherche sur ce
sujet tout en proposant des pistes de réflexion et de recherche à creuser dans le cadre d’un optimisme
raisonné.
1 Quelle place des technologies numériques dans le contexte universitaire des pays du sud ?
Selon Puimatto (2017), la présence des technologies numériques dans la sphère de l’éducation
constitue depuis bien longtemps la préoccupation des pays d’Afrique qui voient dans l’utilisation de
ces technologies une opportunité pour développer des approches pédagogiques centrées sur les
apprenants et améliorer la qualité de l’éducation. Les expériences conduites dans ce domaine ne
manquent pas et permettent grâce au soutien des ONG et de l’action internationale à pallier, dans une
certaine mesure, aux contraintes liées à la distance.
À propos des formations ouvertes et à distance (FOAD) en Afrique, Karsenti et Collin (2011)
déclarent qu’elles « contribuent fortement au développement actuel de l’enseignement supérieur
(Harry, 1999), bien que leur progression soit en dessous des calculs prévisionnels (OCDE, 2006) ».
En effet, ce type de formations constitue un objet d’intérêt pour les pays d’Afrique dont les universités
connaissent une forte croissance des effectifs de l’enseignement supérieur dans un contexte marqué
par les contraintes budgétaires et un marché d’emploi peu porteur. Ce contexte conduit à un retard
considérable de l’enseignement supérieur africain qui se manifeste à travers un taux brut de
scolarisation très faible (6% Institut statistique de l’UNESCO, 2009) et à une migration accentuée du
capital humain vers les pays du nord. Les FOAD sont perçues alors par les pays du sud comme une
alternative intéressante pour remédier relativement à cette situation.
Obono Mba (2021) souligne que l’enseignement (ou la formation) à distance au Gabon, même
s’il a connu un regain d’intérêt plus ou moins limité pendant la période du confinement liée au Covid-
19, il est resté (depuis longtemps) et reste encore jusqu’à présent en marge de la politique nationale du
pays. D’ailleurs c’est le cas pour la plupart des pays de l’Afrique subsaharienne francophone. Il

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apparaît que les universités au Gabon ont systématisé le présentiel comme mode unique
d’enseignement et que l’enseignement à distance reste très marginal et a du mal à s’intégrer dans les
stratégies institutionnelles pour plusieurs raisons (voir la partie 2).
Béziat (2021) précise que le développement des technologies numériques, notamment sous
l’influence de la téléphonie mobile, a fait bouger les lignes concernant l’usage de ces technologies
pour apprendre/se former dans les universités en Afrique subsaharienne. Si de nombreux pays
semblent déployer des efforts pour favoriser l’intégration des technologies numériques dans leur
enseignement universitaire, les usages observés restent assez classiques et se heurtent le plus souvent à
des problèmes générés par les déficits structurels, matériels et humains. Cela se traduit concrètement
par des difficultés au niveau de l’équipement informatique, de l’accès à Internet, des mésusages et
d’absence de formation (pour le corps enseignant et les étudiants) et donc de manque de compétences.
S’ajoute à cela la concurrence des universités étrangères qui arrive à renforcer les « déficits par le
détournement des étudiants, et donc des moyens qui permettraient le développement des universités
subsahariennes. ».
2 Les enjeux liés à l’intégration des technologies numériques dans le contexte universitaire
des pays du sud et les perspectives de développement possibles
Pour Karsenti et Collin (2011), le développement des FOAD est confronté à des difficultés au
niveau de l’équipement informatique, de l’organisation et des compétences professionnelles. Parmi les
défis à relever en lien avec les FOAD dans le contexte universitaire africain, nous citons :
- La distance spatiale : qui se manifeste non seulement à travers la compensation de l’offre
réduite de formation en présentiel mais aussi la possibilité accordée aux apprenants éloignés
géographiquement pour suivre les formations qui les intéressent sans être contraints de se
déplacer physiquement. Par contre, à défaut de la disponibilité des équipements technologiques
à proximité, une nouvelle distance spatiale s’installe pour les apprenants concernés.
- La distance temporelle : qui permet aux apprenants de gérer leur temps de formation, ce qui
implique de ces derniers qu’ils soient autonomes et de disposer des capacités d’autorégulation
quant à leur rythme de formation. Par contre, la communication médiatisée entre les apprenants
et les enseignants peut constituer une contrainte supplémentaire pour certains apprenants.
- La distance technique : cela renvoie à la maîtrise des technologies nécessaires au suivi d’une
FOAD. Dans le contexte africain, cette maîtrise est souvent très limitée ce qui entrave le
développement des FOAD. S’ajoute à cela le dysfonctionnement ou de la vétusté du matériel
technologique, dans le cas où il est disponible et accessible.
- La distance socio-économique : cela renvoie au niveau socio-économique des apprenants qui
détermine en grande partie leur accès aux ressources matérielles. Il faut rappeler que le

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contexte africain est un contexte défavorisé et donc marqué par le manque d’outils, une
logistique inopérante, et une grande insuffisance ou défaut d’infrastructures technologiques.
- La distance socio-culturelle : cela renvoie aux aspects culturels et communicationnels qui
caractérisent le contexte africain et son rapport aux FOAD. Ainsi, l’ingénierie de ces dispositifs
de formation se trouve parfois compromise surtout lorsque ces derniers ont une portée
internationale.
- La distance pédagogique : cela renvoie aux différences en termes de conception pédagogique
des FOAD diffusées par les pays du sud par rapport à ceux du nord.
Pour Obono Mba (2021), le développement de l’enseignement et de la formation à distance est
freiné par plusieurs difficultés liées essentiellement à la capacité à accéder aux technologies et à les
utiliser pour se connecter à Internet et partager des informations numériques. Il ne faut pas oublier que
l’Afrique représente le continent le plus défavorisé en matière de télécommunications et d’accès aux
technologies de l’information et de l’internet (Wallet, 2001). S’ajoutent à cela le manque de formation
des enseignants, l’absence ou le sous-équipement en matériels informatiques et les disparités entre les
zones urbaines et rurales en termes d’accès à l’électricité.
Parmi les perspectives de développement qu’Obono Mba (2021) souligne, je cite, la nécessité de «
mener une réflexion pour mieux identifier comment investir d’urgence et massivement dans un plan de
formation pour les enseignants ». S’ajoute à cela la nécessité de s’ouvrir à des partenariats
stratégiques pour pallier les problèmes d’accès à Internet et l’équipement en TIC.
Le développement de l’enseignement et de la formation à distance ne peut se faire donc qu’en
surmontant les difficultés rencontrées et en créant les conditions de réussite de ce développement.
C’est ce qui a été rapporté par Puimatto (2017) dans son texte en soulignant la nécessité d’adapter la
technologie aux contextes et donc de se préoccuper non seulement de la question de l’accès à
l’électricité et aux réseaux de télécommunication mais également aux aspects financiers liés à l’accès
aux équipements informatiques et aux conditions de leur stockage, de maintenance et d’exploitation. Il
précise, en outre, d’une part qu’il y’a besoin d’inscrire ce développement dans la continuité des
pratiques existantes et d’autre part, que la formation des enseignants et des cadres permettrait de
favoriser cette continuité. Enfin tout cela doit s’appuyer sur des modèles nationales et locales qui sont
économiquement soutenables.
Pour terminer, il est important d’insister sur le fait que le développement de l’enseignement et de la
formation à distance dans le contexte universitaire nécessite de s’adapter aux réalités institutionnelles
et matérielles de terrain en faisant appel à « des moyens matériels légers et didactiques connus:
technologies nomades, dispositifs de vidéoprojection, informatique débranchée, matériels
robotiques, les équipements personnels tels que les téléphones portables […],et d’accompagner les
pratiques instrumentées, notamment dans des démarches d’innovation pédagogique. » Béziat
(2021).

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3 Quel intérêt et quelles spécificités de la recherche sur les technologies éducatives dans les
pays du Sud ?
Pour Depover (2017), les technologies numériques constituent pour les pays du sud un vecteur
porteur pour assurer leur développement à moyen et à long terme et pour se rapprocher des objectifs
du Millénaire pour le développement (UNESCO-IUT, 2010). Au niveau micro, il suffit de voir
l’impact de l’élargissement de l’accès à l’Internet et la téléphonie mobile sur la vie des populations
défavorisées notamment sur les plans économiques et sécuritaires pour se rendre compte de leur utilité
et leur intérêt. Cela a un impact également, au niveau macro, sur le produit national brut dans un pays.
Dès lors la présence des technologies numériques s’avère nécessaire mais pour qu’elle puisse
générer les résultats escomptés, il y’a besoin que les pays concernés disposent d’une culture
numérique. Cette dernière se réalise, entre autres, grâce à l’éducation d’où l’intérêt d’accorder une
place aux technologies dans le système éducatif et d’accompagner cela par la recherche dans ce
domaine. L’idée derrière cet accompagnement par le volet recherche est de s’éloigner de la simple
consommation de ces technologies numériques pour produire un corpus de connaissances adapté,
contextualisé susceptible de contribuer à l’effort de développement national en prenant en compte les
vrais besoins des populations concernées et les réalités sociales, culturelles, économiques,
technologiques…qui les entourent et caractérisent leur pays.
Parmi les objets de la recherche qui méritent d’être étudiés dans le contexte africain, Depover
(2017) cite à titre d’exemples : les développements informatiques (ou applications éducatives) les plus
adaptés aux besoins des apprenants des pays du sud, les besoins en termes de formation et les
modalités de leur diffusion, les possibilités de formation à distance et leur personnalisation en fonction
des caractéristiques du public cible, l’appropriation des dispositifs nomades tels que le téléphone
portable et enfin les médiations humaines les plus efficaces pour une meilleure appropriation des
technologies numériques et des objets de la connaissance dans le contexte des formations à distance.
Ces objets de la recherche et d’autres encore doivent s’inscrire dans les objectifs de développement
des pays du sud et avoir donc une portée sociale et économique. Cela permettra de proposer des
solutions adaptées qui peuvent améliorer les conditions de vie et de bien-être des populations
concernées.
Pour terminer, selon Depover (2017), les recherches sur les technologies éducatives doivent
privilégier non seulement une structuration en réseaux basés sur l’entraide et la complémentarité mais
également la constitution d’une véritable communauté de chercheurs. De cette manière les possibilités
d’échange et de discussion autour des thèmes d’intérêt en commun vont s’agrandir et les possibilités
d’action seront plus pertinentes et ciblées.
Qu’il s’agisse d’un fonctionnement en réseaux et/ou en communautés, il est nécessaire de réfléchir
et de miser sur leur stabilité et leur pérennité en diversifiant les sources de financement et en valorisant
en permanence la recherche et les chercheurs.

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4 Conclusion
Il me semble que malgré les efforts déployés jusqu’à présent, l’intégration des technologies
éducatives dans les pays du sud se heurte encore à leurs réalités notamment celles dites politiques,
socio-culturelles et économiques. Ce qui ressort de l’ensemble des textes étudiés, c’est qu’il y’a de
plus en plus besoin d’opter pour des approches collaboratives entre les différents pays du monde et de
nouer / renforcer les partenariats stratégiques mobilisant les acteurs potentiels des secteurs de
l’économie et de l’éducation. L’idée c’est de croiser les regards et de tenter d’apporter ensemble des
solutions adaptées, contextualisées, non seulement aux problèmes structurels et matériels que vivent
les pays du sud, mais à ceux liés au manque de compétences numériques et à l’appropriation des
technologies par les usagers. Les recherches qui traitent ce sujet sont à inscrire dans cette idée pour
tenter de répondre à la question suivante entre autres : quel modèle de management stratégique du
changement est le plus favorable au développement des technologies éducatives dans les pays du sud ?
La réponse à cette question devrait se situer dans une approche rationnelle qui considère que les
technologies ne sont que des outils au service des populations concernées et que ce sont les usages qui
en découlent qui font et feront la différence.
5 Bibliographie
Béziat, J. (2021). Les technologies numériques en contextes Sud. Chroniques d’une scolarisation
difficile. Dans C. Depover , J.-P. Jarousse, P. Y. Dieng et C. Armand (dir.), Perspectives
pour la formation des maîtres en Francophonie. Où en est l’Initiative francophone pour la
formation à distance des maîtres ? (465-495). Paris : Autrement, Flammarion.
Depover, C. (2017). Développer la recherche sur les technologies éducatives dans les pays du Sud:
une approche globale et communautaire pour mieux répondre à des problématiques locales.
Frantice. net,(12-13). Récupéré du site de la revue :
http://www.frantice.net/docannexe/file/1416/4.depover.pdf
Karsenti, T. & Collin, S. (2011). Les formations ouvertes à distance, leur dynamique et leur
contribution en contexte africain. Distances et savoirs, 9, 493-514. https://doi.org/
Obono Mba, Anasthasie. (2021). Crise sanitaire de la Covid-19 et enseignement à distance au
Gabon : entre défis et possibilités : Covid-19 health crisis and distance learning in Gabon:
between challenges and opportunities. frantice.net, Numéro 19.3 - Septembre 2021.
Récupéré du site de la revue : http://frantice.net/index.php?id=1753.%20ISSN%202110-
5324
Puimatto, G. (2017). Le numérique au service de l’éducation en Afrique. À propos de «Le
numérique au service de l’éducation en Afrique», série Savoirs communs, n° 17, AFD, AUF,
Orange, Unesco. Distances et médiations des savoirs. Distance and Mediation of
Knowledge, (17).