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TITRE PROFESSIONNEL DE NIVEAU I
« MANAGER DES SYSTÈMES D’INFORMATION »
option Sécurité des Systèmes d’Information
Présenté par Julien GARDERON
Le 18 décembre 2019 à ANGOULÊME
Penser son Système d’Information, Appréhender ses évolutions
Questionner l’unicité et les frontières du SI d’une organisation
au travers d’une nouvelle vision stratégique. Vers un nouvelle
organisation d’entreprise grâce au modèle RDF.
PROFESSIONNELLE
THÈSE
Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON
Résumé | Résumé
RÉSUMÉ
I. RÉSUMÉ ; ABSTRACT
Penser un SI ; appréhender ses changements. Aujourd'hui il existe un consensus sur une définition
consensuelle d'un Système d'Information (S.I.) : celle d'une organisation de l'information au travers d'outils
numériques (principalement informatiques) et quelques systèmes considérés parfois comme annexes (inter-
faces industrielles, télécommunication, etc.). Si l'organisation des processus et de la fonction des personnels
n'y sont pas absentes, cela reste avec une approche technique, voire techniciste et trop souvent commerciale.
Cela a des implications pour la définition des métiers qui gravitent autour du sujet. J'ai pris une autre défi-
nition, celle y issue davantage des sciences de gestion qui, dès les années 70, définissait le Système d'Infor-
mations d'une entreprise comme l'organisation elle-même.
Le statut, les missions attendues et les qualités attendues du Directeur du Systèmes d'Information, de l'or-
ganisation de sa direction, s'en trouvent bouleversées. Les outils informatiques sont également impactés et
pour réussir cette transformation, doivent suivre le modèle RDF, qui permet une gestion fine des connais-
sances. La sécurité, la souplesse d’usage et de mise œuvre, comme l’efficience globale de l’organisation en
ressortent renforcées.
Au travers de plusieurs phénomènes d'actualités, de sujets-clé et des données disponibles, je propose un
approche différente de ce qu'est un système d'information – le penser différemment, appréhender de nou-
veaux enjeux –, et sa résultante : ce que serait alors le « manager des SI » dans de tels enjeux ?
L’auteur ; le contexte. Après 10 ans comme Secrétaire général de groupes politiques et d’attaché poli-
tique, j’ai souhaité reprendre mes études et faire de ma deuxième passion, mon métier : l’informatique
(notamment la gestion des connaissance et du développement logiciel). Avec ce titre professionnel, mon pro-
fil sera complété des outils et des méthodes informatiques qui manquent aujourd’hui à ma formation initiale
(maîtrise et master d’Intelligence Économique à la Faculté d’économie de Poitiers). Mon alternance s’est
déroulée durant 14 mois au sein de la SOREGIES, groupe de production, distribution et commercialisation
de gaz et d’électricité, au siège à Poitiers.
Thinking about an IS; Comprehend his changes. Today there is a consensus on the Information System's
definition (IS) : it's an organisation based on generic technical systemS (computer system principaly, and a
poor variety of industrial interfaces, telecomunication, etc.). The formal processes and sociotechnical orga-
nisation are part of this definition, however, the approach is far too technical - even an exclusively commer-
cial one.
This IS definition impacts the IS trades and jobs. I've chosen another definition (70') which relates that IS
is strictly equal to an organisation or a compagny.
Consequently, the missions and the personnal qualities of the IS Director (and his department) radically
change. The IT tools must be transformed to be able to implement the RDF model which can manage know-
ledge more precisely. Security, flexible use and implementation or global efficiency will thus be reinforced.
Through technical developments, many key topics and general data, I wish to propose a different
approach and strategy of the IS organisation : how to think differently and comprehend this change ? What
would be the IS Manager in this perspective ?
Author ; context. After 10 years as a political group chief officer and political attaché, I wished to restart
my studies and turn my passion of IT into a career (especially knowledge managment and software develop-
ment). I completed my professional profile with management methods and IT tools which were missing from
my initial training (Intelligence Business domain, a master’s degree in Economics at the University of Poi-
tiers). My ‘sandwich course’was in the SOREGIES’head office, an industrial group (production, distribution
and trade of gas and electricity).
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Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON
Résumé | Mots-clé
II. MOTS-CLÉ
Architecture des Systèmes d’information, architecture d’entreprise ; modèle de données, modèle de ges-
tion des connaissances, modèle RDF ; LISP, programmation fonctionnelle ; impacts légaux, impacts écono-
miques ; conflit d’intérêts ; systèmes experts, intelligence artificielle ; Web, architecture distribuée,
référentiel.
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Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON
Index des tableaux et des objets | Index des tableaux et des objets
INDEX DES TABLEAUX ET DES OBJETS
III. INDEX DES TABLEAUX
Relations entre contraintes et influences et quelques
exemples sur le SI – mon résumé....................................68
Présentation des étapes de transition vers un modèle
d'entreprise RDF.............................................................72
Schéma d'une Direction de l'Information en entreprise..78
IV. INDEX DES FIGURES ET DES ILLUSTRATIONS
Figure 1: Comparatif des fonctionnalités de langage
LISP vs Java....................................................................30
Figure 2: Le système d'information de gestion
automatisé : concepts et champ d'application in Système
d'information de l'entreprise (2006), Hugues Angot, aux
éditions De Boeck Supérieur...........................................34
Figure 3: L'intensité en carbone de l'électricité par pays
européen, par Sylvestre HUET pour leMonde.fr
(alternative 1)..................................................................36
Figure 4: L'intensité en carbone de l'électricité par pays
européen (ibid. ; alternative 2).......................................36
Figure 5: Extrait de la thèse de Xiao CHUN ZHAO......36
Figure 6: Les quatre étapes de l'évolution du World Wide
Web..................................................................................38
Figure 7: Exemple d'un graphe relationnel, issu de
données "triplets"............................................................41
Figure 8: Exemple d'un graphe relationnel avec
l'ontologie FOAF............................................................47
Figure 9: Exemple de graphe relationnel avec le système
de classes.........................................................................47
Figure 10: Schéma de l’ANSSI sur la surveillance
« type » des flux SSL/TLS...............................................64
Figure 11: Représentation technique du SI "référentiel"86
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Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON
Remerciements | Remerciements
REMERCIEMENTS
Je remercie toutes les personnes qui ont permis ce mémoire et l’obtention de ce titre professionnel.
Je pense tout particulièrement à :
• Philippe CHARTIER, Président du Directoire SOREGIES, pour sa confiance ;
• Stéphane LESTRADE, Directeur du Système d’Information SOREGIES, pour son écoute ;
• Clément GERMON, Directeur de formation au campus CESI Angoulême, ainsi que Patrick
PUJOL, Directeur de thèse professionnel, pour leur suivi attentif.
—
Bien évidemment, mes pensées vont également à mes proches m’ont particulièrement soutenus :
Mathieu C., mon compagnon de vie, d’une patience exemplaire et d’un réconfort permanent ; mes
parents qui ne déméritent jamais dans leur soutien ; ainsi que Josiane et Jean-Pierre C., pour le
gîte et le couvert, comme de ce qu’ils sont.
—
Ce mémoire est dédié à la mémoire de Sylvia SANITA.✝
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Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON
Parcours | Parcours
PARCOURS
V. POURQUOI J’AI CHOISI LE MÉTIER D’ARCHITECTE DES SYSTÈMES
D’INFORMATION
Tribune intialement publiée le 13 septembre 2019 sur Linkedin ; réadaptée ici.
https://www.linkedin.com/pulse/pourquoi-jai-choisi-le-m%C3%A9tier-darchitecte-des-julien-garderon/
… Et pourquoi votre organisation en a besoin.
Dans quelques semaines, je soutiendrai une thèse professionnelle au CESI Angoulême et, j’espère, décro-
cherais l’obtention de mon titre professionnel pour le management des Systèmes d’Information.
Mon sujet porte sur la manière de penser et d’appréhender un système d’information dans une organisa-
tion. J’y aborde les questions d’efficacité économique du droit, de la fourniture du SI, de son lien si particu-
lier et bien peu « neutre » avec l’organisation même de l’entreprise.
Des sujets parfois délaissés dans une vision purement techniciste et d’une abstraction dangereuse de la
réalité des organisations ou de leur environnement, fondée sur une vision partielle ou partiale où agissent des
intérêts contraires.
L’architecture du SI est pour toutes les tailles d’entreprises. Il s’agit de lier son organisation sociale, sa
production et sa politique interne aux outils et aux métiers. Tous ses métiers : productifs et administratifs. La
fonction d’architecte du SI, comme son homologue la fonction d’architecte d’entreprise, peut être tempo-
raire, pour amorcer une démarche ou aider au pilotage lors d’une modification profonde de l’évolution ; elles
peuvent être aussi, toutes les deux, pérenne voire permanente pour accompagner dans un environnement
délicat, changeant, qui agit sur l’organisation autant que l’inverse.
Car je crois fermement à une approche « organique » du SI : un être vivant, en mutation permanente, où
chaque salarié, chaque prestataire, fournisseur, sous-traitant, chaque objet du réseau ou chaque logiciel doit
être traité dans un ensemble unique et unifié. Parce que les moyens sont toujours limités, il faut préparer des
évolutions sur le long terme afin de ne pas être dépassé par ses propres défauts et agir sur un court-terme qui
limite ses possibilités futures.
Je crois à un modèle de SI basé d’abord sur une logique de description de la connaissance, des données et
d’une forte automatisation et personnalisation de la décision comme des interfaces. Ces processus sont poin-
tus mais donnent aussi avec de meilleurs résultats à long terme, permettant d’aligner stratégiquement vos
décisions d’entrepreneurs avec le quotidien de vos collaborateurs. L’architecte doit aider à la création et à la
mise en œuvre d’une vision, d’un projet d’entreprise qui fédère.
L’architecture a deux mots-clé : efficience et sécurité.
Efficience car la seule efficacité sans ligne directrice pertinente, est une voiture à pleine vitesse fonçant
vers un mur.
Sécurité, car la concurrence est féroce, permanente, avec des acteurs qui n’agissent pas toujours de
manière loyale, voire légale.
Après dix années comme attaché politique auprès de responsables publics et un Master 1 et 2 en Intelli-
gence Économique et Communication Stratégique, les termes de veille, de signaux faibles, de maîtrise des
risques et des crises, de lobbying ou d’attaques informationnelles ont un sens profond pour moi.
Efficience et sécurité ne sont pas à préparer pour demain mais être mises en œuvre dès aujourd’hui et pour
le mieux. Tout – absolument tout – évolue plus vite et sans vous attendre : celle de l’évolution matérielle qui
est toujours plus efficace mais complexe, mais aussi l’incertitude juridique et politique qui nous entoure
(montée des populismes, Brexit, basculement des intérêts vers l’Asie, la « balkanisation » d’Internet et des
échanges, etc.). La Chine par ailleurs, désormais très avancée d’un point de vue technologique et des usages,
fait figure à la fois de nouveau fleuron technique et de repoussoir pour nombre de valeurs européennes. Mais
aussi d’opportunités et des menaces pour votre entreprise.
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Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON
Parcours | Pourquoi j’ai choisi le métier d’architecte des systèmes d’information
Fortes évolutions réglementaires RGPD ou du CLOUD Act américain, externalisation des services ou des
stockages sans parfois en mesurer la pertinence, dénormalisation des procédures, influences et conflits… Ces
sujets, l’architecte doit les maîtriser et vous apporter, à l’instant voulu, la solution ou le projet le plus perti-
nent. C’est ce défi qui m’anime encore et toujours.
Comme il y a un impact des évolutions techniques sur le SI, il y a un impact de l’économie, du droit et des
relations sociales.
Le monde n’a jamais été lisse, uniforme et calme. La vie d’entreprise non plus. Les acquis économiques
(dont les brevets, le savoir), le fonctionnement d’Internet comme des systèmes industriels transnationaux et
intégrés (fournitures, traitements ; numériques ou non), connaissent depuis quelques années un péril avant
tout géostratégique majeur – et maintenant environnemental et énergétique. En France, même une entreprise
qui agit sur le territoire national et pour des clients nationaux ne peut que constater les menaces qui animent
son environnement.
L’architecte doit pouvoir répondre au sentiment d’incertitude et aux problématiques de tous les ordres, car
le Système d’Information est devenu en quelque sorte l’entreprise elle-même, plus seulement un outil parmi
d’autres.
Oui plus que jamais, l’architecture des SI est une affaire de politique d’entreprise et de survie dans l’évo-
lution de l’organisation. Ce métier, je l’ai choisi car il s’annonce passionnant et à la croisée de bien des
sujets… qui vous concernent vous aussi, cadres et chefs d’entreprise.
10
PRÉAMBULE
Mon parcours universitaire initial (Intelligence Écono-
mique) ne me prédisposait que bien peu à ce titre profes-
sionnel. Pas davantage la vie professionnelle qui en a
découlé (Attaché politique), dans un contexte bien peu
commun. La vie a fait que d’une passion, la politique, j’ai
souhaité aller vers une autre : l’informatique, et plus exac-
tement ce domaine lorsqu’il est au croisement des sciences
de gestion, des sciences de l’information, au travers des
procédures et des outils dédiés, particulièrement ceux pour
la gestion des connaissances.
Et comme le style relève souvent du fond, mon écriture
même, probablement plus libre ou « romancée » que la
normale, n’apparaît pas – et n’apparaîtra pas – la plus aca-
démique. Par avance je prie le lecteur de m’en excuser.
L’obtention d’un titre de niveau I Manager des Sys-
tèmes d’Information, serait une reconnaissance de compé-
tences et d’expériences que j’ai acquises par ailleurs,
notamment pour la gestion comme de la programmation ou
d’une culture sur les infrastructures informatiques et leurs
outils, sur de nombreux aspects du cycle de l’information
et de la décision. En l’intégrant directement j’ai alors à la
fois à en confirmer le niveau et à l’exploiter au mieux pour
répondre à une conclusion qu’est l’écriture de cette thèse
professionnelle.
Il m’a semblé naturel que ce mémoire en soit le reflet –
sinon un résumé. Un mémoire qui en prend la définition au
sens premier, qui garde la trace, qui – s’il respecte globale-
ment les canons d’écritures définis par le CESI –, s’efforce
de se détacher du cadre « scolaire » et d’être le reposoir
d’une thèse au sens d’une proposition ou d’une théorie
qu'on tient pour vraie et qu'on s'engage à défendre par des
arguments – comme nous le signale le Larousse.
Son ambition se veut plus large qu’égrainer les certi-
tudes d’une notice technique : inférer de ces 14 mois et des
dix ans auparavant, un regard sur le « SI », sa construction
ou son organisation (nous verrons la différence majeure
entre ces deux termes), sa maintenabilité et sa disponibilité,
son intérêt et ses menaces, son unicité alors même que sa
définition implique une pluralité indépassable. Sa matière
brute aussi, l’information, qu’est en réalité l’alliance sub-
tile de données et de connaissances. D’un contexte aussi,
qui donne le sens ; d’une grille de lecture qu’est ce même
contexte appliqué à une décision relevant d’une interven-
tion humaine. Le moindre de ces termes est un concept
qui mérite en soi une vie d’études. C’est la limite de
l’exercice : cette thèse ébauche un long sommaire le
plus didactique et précis possible, sans répondre tou-
jours autant que je l’aurais souhaité à l’universalité.
Sa finalité est bien, pour le haut encadrement d’une
entreprise, de saisir la motivation – toujours subjective – et
les défis de certains enjeux que j’aborde, en opportunités,
en menaces et en clés pour la décision opérationnelle.
Son écriture tente de me placer dans cette situation d’un
haut-encadrement à la tête d’une entreprise de plusieurs
centaines ou milliers de personnes qui se heurte à deux
questions essentielles, fondamentales, indépassables, sur
son organisation : pourquoi ? Comment ?
Bref il s’agit de tenter de répondre à une question si
simple que je généralise : penser et appréhender les évolu-
tions de son système d’information, est-ce peut-être et
avant tout, apporter une réponse unique à des probléma-
tiques multiples ? En cela, un SI n’était-il pas l’entreprise
elle-même, avec quelles frontières, auprès de quels
acteurs ? Comment être efficace lorsque tout évolue en per-
manence, sans que je puisse toujours contrôler cette évolu-
tion ?
Il ne s’adresse donc pas à des ingénieurs « techniciens »
en mal de lectures – le propos ne sera guère technique
même s’il se veut opérationnel. Des outils sont évoqués
mais il ne reste que des outils – aucune fin en soi. Il y a
davantage lieu de questionner le formalisme, les probléma-
tiques à résoudre et des abstractions à procéder de ce qu’est
votre organisation au travers d’un cadre, d’un maillage
plutôt, que je développe ici. Mon mémoire se veut moins
un témoignage qu’une tentative imparfaite « d’une conclu-
sion », certainement partielle et peut-être partiale, sur la
Direction d’un Système Informatique et ses évolution.
C’est ambitieux, vaste. J’en conviens volontiers. C’est
glissant et, peut-être, probablement même, illégitime,
quand on parcourt les publicités des nombreux acteurs du
domaine, qui abordent bien différemment le sujet.
C’est pourquoi ce mémoire tient lieu d’introduction à
d’autres sujets, plus vastes, qui seront à parcourir. Il offre
une synthèse qui se veut applicable et ne cherche pas
l’exhaustivité universitaire. Ce mémoire n’est donc pas
un art complet mais une cartographie qui prend « ferme-
ment » position pour certains usages ou principes – avec
des technologiques ou des organisations qui s’y rattachent.
Ce mémoire ne prétend pas répondre directement à des
besoins d’arbitrage immédiats mais à rester cohérent et à
donner une piste d’analyse ; à développer et asseoir son
propre modèle.
Car une carte est toujours une projection d’un monde et
non la réalité elle-même ; la carte est toujours en retard,
incomplète sur ce qu’elle représente et l’on ne fait que
deviner les forces qui s’animent. La carte ne remplace pas
l’expérience du terrain, elle le décrit pour y agir en
connaissance.
Finalement ce mémoire s’accroche – se veut, s’idéalise
– dans une part de la géodésie des SI.
Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON
Sommaire général | Sommaire général
SOMMAIRE GÉNÉRAL
Résumé.........................................................................................................................................................................3
Index des tableaux et des objets...................................................................................................................................5
Remerciements.............................................................................................................................................................7
Parcours.......................................................................................................................................................................9
Préambule..................................................................................................................................................................11
Sommaire général......................................................................................................................................................13
— Première partie — mémoire de thèse......................................................................................................................15
Présentation synthétique de la problématique...........................................................................................................17
État de l’art................................................................................................................................................................19
Démarche (réflexive) proposée..................................................................................................................................27
Analyse et conclusion de la démarche.......................................................................................................................71
— Deuxième partie — mémoire technique.................................................................................................................83
Le Système d’Information comme une base de connaissances unique......................................................................85
— Troisième partie — mémoire d’application...........................................................................................................87
Aller plus loin : l’application....................................................................................................................................89
Annexes de chapitre...................................................................................................................................................91
Postface......................................................................................................................................................................95
Index des acronymes..................................................................................................................................................97
Bibliographie des ouvrages et thèses.........................................................................................................................99
13
— PREMIÈRE PARTIE —
MÉMOIRE DE THÈSE
DIFFUSION : PUBLIQUE
Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON
Présentation synthétique de la problématique | Présentation synthétique de la problématique
PRÉSENTATION SYNTHÉTIQUE DE LA PROBLÉMATIQUE
Penser son système d’information. Appréhender ses évolutions.
Questionner l’unicité et les frontières du SI d’une organisation au
travers d’une nouvelle vision stratégique. Vers une nouvelle organisation
d’entreprise grâce au modèle RDF.
I. HYPOTHÈSES DE TRAVAIL
A. HYPOTHÈSE N°1 – « IL EXISTE UN ‘AUTRE CHEMIN’ POUR LES SI. »
1. Deux visions historiques s’affrontent dans les années 70 : les sciences de gestion (« vision organisation-
nelle ») ainsi que les ingénieurs de la micro-informatique naissante (« vision techniciste »).
2. La « vision techniciste » est celle qui a été très quasi-exclusivement sélectionnée par les organisations,
comme choix par défaut qui n’est que rarement motivé « consciemment », devenant une sorte d’habitude col-
lective.
3. Il est légitime, voire nécessaire dans certains cas, de remettre en cause cette « vision techniciste » et sortir
de la dette technique mais aussi la dette organisationnelle créée par les outils informatiques.
B. HYPOTHÈSE N°2 – « LE SI EXISTE DANS DES CADRES HUMAINS TRÈS
CONTRAINTS. »
1. La finalité sociale, comme le droit, n’autorisent pas toutes les « formes » d’outils informatiques. Certains
de ces outils informatiques peuvent engendrer des rejets sociaux.
2. La finalité sociale comme le droit sont non seulement légitimes, évoluant au gré de la société (exemple
avec la RSE), mais également des phénomènes permanents et coercitifs dans les organisations et leur his-
toire. Le débat est endogène à toute organisation.
3. La finalité sociale comme le droit, sont des sources de menaces mais aussi d’opportunités, qui agissent
sur le système d’information.
C. HYPOTHÈSE N°3 – « LA DIRECTION DES SI DOIT DÉSORMAIS ÉVOLUER
FORTEMENT. »
1. La Direction des Systèmes d’Information ne doit pas être un « frein » aux métiers – comme c’est trop
souvent le cas.
2. La DSI doit être isomorphe à l’organisation et aux circuits d’information formalisés et non-formalisés.
3. La DSI ne doit pas être un centre technique de l’information, mais l’appui du centre de pilotage de l’in-
formation.
17
Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON
État de l’art | État de l’art
ÉTAT DE L’ART
II. Introduction : définir l'indéfinissable « SI »..........................................................................................................19
B. Le SI est une condition..........................................................................................................................................19
C. Le SI est une modalité ..........................................................................................................................................19
D. Le SI est une ouverture..........................................................................................................................................19
III. IA, mythe d’un système « universel » en entreprise et finalité sociale...............................................................21
IV. Une Direction des Systèmes d’Information, pour(-quoi) faire… ?.....................................................................24
II. INTRODUCTION : DÉFINIR
L'INDÉFINISSABLE « SI »
Si l’on est poète et prêtons-nous au jeu un instant,
le sigle, les initiales, d’un Système d’Information
(SI) évoquent d’abord la conjonction condition-
nelle : « si ». C’est probablement la définition la plus
simple et la plus complète que je puisse formuler : le
SI est à la fois une condition, une modalité, une
ouverture. Voyons pourquoi.
B. LE SI EST UNE CONDITION
D’abord par la richesse aujourd’hui exponentielle
en nombre, des ouvrages qui lui est consacré, avec
son lot de divergences ou de limites intrinsèques
[MLS] : la digitalisation suivie de la numérisation, la
robotisation de tous les pans de notre société ont per-
mis ou contraint, l’émergence de systèmes informa-
tiques complexes dans chaque organisation
humaines. Complexes par leur mise en œuvre, leur
technicité mais aussi par leur nécessité individuelle
et collective qui sont devenues absolues. En gérant
nos informations et nos connaissances, nos interac-
tions et nos échanges, au travers de procédures et de
processus, le système informatique devenu SI d’une
organisation et le symbole de leur interconnexion via
Internet, offrent d’abord la question de ce qu’est (et
n’est pas) une organisation. Comme nous le verrons
plus loin, la frontière entre le SI n’est guère plus
étanche que celle entre organisation et société
humaine. Dit autrement, il faut formaliser ou défi-
nir, l’objectif et la réalité d’une organisation afin
de pouvoir lui associer un SI – non l’inverse.
C. LE SI EST UNE MODALITÉ 
Là le consensus n’est guère de mise dans la litté-
rature comme nous le verrons. Le SI part de défini-
tions parfois restreintes, avec une vision plutôt
technique voire techniciste – celle partagée par de
nombreuses entreprises si l’on suit quelque peu l’ac-
tualité du secteur. Le SI est aussi, parfois, et ce sera
l’angle de cette thèse, en réalité l’ensemble de l’or-
ganisation elle-même – au point que la définition
entre SI et entreprise peuvent être régulièrement
confondues. Cela peut sembler étrange au premier
abord mais ce n’est pas seulement lié à une question
de nécessité opérationnelle. Le SI ne représente pas
une organisation (une entreprise) parce qu’il est
essentiel pour elle. Le SI peut représenter l’en-
semble d’une entreprise car c’est une modalité,
une définition du SI qui est appliquée. La cohé-
rence donc, imposera que nous suivions cette voie.
D. LE SI EST UNE OUVERTURE
Si l’on applique par raisonnement abstrait les
deux remarques précédentes à notre définition, le SI
est une ouverture. Il n’agit pas seul – quand bien
même il serait autonome (ex. avec l’usage de l’intel-
ligence artificielle). Il reçoit et émet des ordres, des
indications, d’autres SI ou d’humains. Il agit parfois
de manière physique comme nous le verrons au tra-
vers des SI industriels et leurs capteurs-actionneurs.
Cette ouverture est d’ailleurs le point d’achoppe-
ment de toute entreprise : garantir l’intégrité à
tout moment des données qui transitent par son
SI ; le respect de l’organisation dans son forma-
lisme ; résoudre dans un temps donné, souvent le
plus immédiatement possible, une série toujours
plus grande de problèmes.
Nous avons déjà ici trois aspects du SI. Ils se
retrouvent, plus ou moins directement, dans les défi-
nitions que l’on trouve çà et là – et le piège qui peut
exister à les suivre sans réflexion. Ainsi l’Ency-
clopædia Universalisi
nous propose une longue et
particulièrement complète définition à partir de
laquelle nous pouvons cheminer :
19
Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON
État de l’art | Introduction : définir l'indéfinissable « SI »
« Le système d'information est aujourd'hui un
élément central du fonctionnement d'une organi-
sation. Un système d'information peut être défini
comme un ensemble de ressources (personnel,
logiciels, processus, données, matériels, équipe-
ments informatiques et de télécommunication...)
permettant la collecte, le stockage, la structura-
tion, la modélisation, la gestion, la manipulation,
l'analyse, le transport, l'échange et la diffusion
des informations (textes, images, sons, vidéo...)
au sein d'une organisation. (...) La définition
donnée précédemment laisse entrevoir la com-
plexité du système d'information, dont les décli-
naisons vont s'exprimer à l'aide de différentes ar-
chitectures. Il est primordial aujourd'hui de dis-
tinguer système d'information (S.I.) et système
informatique. Un S.I. peut être considéré comme
une vue « automatisable » des métiers d'une or-
ganisation et une vue fonctionnelle de l'informa-
tique, donc indépendante de l'implémentation
technique. Le S.I. est plus pérenne que l'architec-
ture informatique. Les évolutions applicatives et
techniques peuvent être indépendantes du S.I. en
raison de l'évolution des technologies, des confi-
gurations ou des besoins des utilisateurs. »
Celle de Wikipédiaii
, que nous pouvons présenter
comme la définition qui « fait consensus » par le
caractère ouvert et contradictoire de sa construction,
en reprend l’esprit dans un format ramassé et qui
détache quelque peu la définition du SI de l’organi-
sation dans laquelle il évolue :
« Le système d'information (SI) est un ensemble
organisé de ressources qui permet de collecter,
stocker, traiter et distribuer de l'information, en
général grâce à un ordinateur. Il s'agit d'un sys-
tème socio-technique composé de deux sous-sys-
tèmes, l'un social et l'autre technique. Le sous-
système social est composé de la structure orga-
nisationnelle et des personnes liées au SI. Le
sous-système technique est composé des techno-
logies (hardware, software et équipements de té-
lécommunication) et des processus d'affaires
concernés par le SI. »
Ces définitions sont intéressantes et sont un bon
départ – bien que sommaire. Il convient de les
approfondir car le sujet est majeur pour la suite.
Dans Ingénierie des Systèmes d’Information, les
auteurs reviennent sur la complexité de définir ce
qu’est un SI et surtout l’impossibilité, lorsque la
définition devient « complète » (au sens de l’ex-
haustivité de son influence et de son activité sur
l’organisation visée), de la détacher de la définition
de l’entreprise elle-même.
Ils partent ainsi de deux définitions précédentes,
qui font autorité et que l’on détaillera ensuite, pour
produire une pensée intéressante :
« Ensemble organisé de ressources : matériel,
personnel, données, procédure permettant d’ac-
quérir, de traiter, de stocker et de communiquer
des informations (sous forme de données, textes,
images, son, etc.) dans les organisations. »
[REIX98]
« Un SI est une système utilisateur-machine inté-
gré qui produit de l’information pour assister les
êtres humains dans les fonctions d’exécution, de
gestion et de prises de décision. Le système uti-
lise des équipements informatiques et des logi-
ciels, des bases de données, des méthodes ma-
nuelles, des modèles pour l’analyse, la planifica-
tion, le contrôle et la prise de décision. »
[DAV86]
Comme pour les définitions de Wikipédia ou
d’Universalis, les auteurs en ce début 2001 forma-
lisent deux « catégories d’éléments » qui n’ont pas
été remis en cause jusqu'à aujourd'hui :
1. des principes fondamentaux de division du tra-
vail et de coordination des tâches ; que l’on pour-
rait réduire à des aspects dits « métiers » : la
production de biens et de services via le SI ou
son pilotage direct ;
2. divers dispositifs qui donnent vie à l’organisa-
tion et permettent l’accomplissement coordonné
des activités : systèmes de planification, systèmes
de diffusion et de traitement de l’information,
systèmes de contrôle, de récompense, etc ; que
l’on pourrait ici réduire aux procédures et aux
processus – bref aux aspects de gestion.
Nous y retrouvons donc les procédures produc-
tives d’une entreprise (sous un angle « métier »
qu’est la division du travail) et des « dispositifs »
qui donnent « vie à l’organisation » que sont les pro-
cédures de gestion. Finalement cette vie dans son
ensemble – que représente le quotidien vécu – existe
au travers d’outils qui ne sont pas directement infor-
matiques, voire même ne sont pas du tout définis
(pouvant reposer par exemple, pour le système de
récompense, sur une habitude ou une récompense
quelconque).
20
Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON
État de l’art | Introduction : définir l'indéfinissable « SI »
La difficulté à détacher SI et organisation
s’illustre facilement. L’exemple donné par l’ouvrage
est deux personnes dans le couloir qui discutent de
sujets professionnels. Est-ce que « cela » (cette
conversation, ces personnes) fait partie du SI ? Oui
si l’on considère que c’est un moyen efficace et
pensé explicitement comme un traitement de l’infor-
mation. Les deux personnes sont des salariés, qui
échangent dans des modalités professionnelles et sur
des sujets qui concernent leur entreprise, dans un but
et une hiérarchie communs.
Les auteurs le disent sans ambage : « Il n’y a plus
dès lors, de distinction entre SI et organisation :
tout est traitement de l’information. » Cette « infor-
mation » est alors une définition de presque n’im-
porte quoi dans l’organisation (que ce soit
matérialisable ou non).
Historiquement les activités de gestion des orga-
nisations se sont informatisées les premières – l’au-
tomatisation industrielle étant mise à part, car la
connexion avec d’autres systèmes techniques de
l’entreprise était quasi-inexistante et ne repose pas
sur des principes d’une machine universelle mais
l’automatisation d’une technique.
Très tôt dans cette procédure de création de ce
que serait notre « SI » contemporain, le rapport à sa
matérialité (et sa disponibilité) s’est poséiii
  : l’infor-
matique a cette intérêt de permettre de « rêver l’or-
ganisation (…) c’est-à-dire [qu’ils ont] imaginé une
organisation idéale à partir de ce que les technolo-
gies permettaient (...) » [FIX97]. C’est cette formali-
sation qui ne s’est pas démentie depuis : le SI s’est
accru en ‘avalant’ des parties de l’organisation –
notamment les relations commerciales puis de ges-
tion directe et en temps réel des flux de production
et de logistique face à la demande. L’organisation
des métiers se serait rêvée dans ce que permet l’outil
informatique dans son ensemble.
Pour reprendre l’exemple de la discussion dans le
couloir, la modalité aurait pu être différente : durant
une réunion dans une salle dédiée, en télétravail, en
téléconférence, par courriel, par voie postale – ou
même par un pigeon voyageur. Les auteurs évoquent
le « caractère contingent de la définition » du SI si
l’on souhaite travailler dessus comme entité d’une
organisation et non de l’organisation elle-même. Ils
indiquent donc, non sans un certain fatalisme, des
choix qu’ils ont faits « [tels qu’ils] résultent de l’his-
toire des disciplines – informatique, gestion, théorie
des organisations : ce que l’on appellera systèmes
d’information sera, dans la pratique et quoiqu’en
disent les définitions, la partie informatisée des pro-
cessus de traitement de l’information ».
C’est dire si c’est bien un des deux chemins
possibles qui a été choisi – presque malgré les
Sciences de gestion –, qui ont produit aujourd’hui
cette impasse, ce dilemme insoluble où l’on tend
naturellement à ramener le Système d’Information à
sa portion strictement informatique ou au moins à
une vision très technique (que j’appellerai tout au
long de ce mémoire « une vision techniciste ») – en
se confondant donc pour beaucoup (voire totale-
ment) avec le Système Informatique. Cette présente
thèse prend l’alternative de ce chemin évoqué par
les auteurs au début des années 2000 et que je
considère ici telle une impasse : un Système d’In-
formation, lorsqu’il devient à la fois impératif à
une structure économique, qu’il regroupe l’en-
semble de ces échanges internes et externes, qu’il
est conçu dans le formalisme de l’organisation et
de ses contraintes sociales et légales, ne peut être
résumé à sa (seule) matérialité numérique. Il
n’est pas une partie de l’entreprise : il l’est l’en-
treprise. Il ne peut donc pas être multiple – ça n’au-
rait pas de sens, même s’il est composite –, mais un
tout, avec des composants spécialisés et communi-
cant entre eux. Voire il devient même une part de la
relation qu’entretient le client ou le prestataire, le
fournisseur, avec l’entreprise. Ces derniers agissent
sur le SI vision « organisationnel » ou « humain »
comme le SI peut agir en retour sur eux.
Malgré l’aspect aux origines et d’apparence pure-
ment universitaires (une définition d’un concept),
nous pouvons déboucher sur des modalités profes-
sionnelles, pratiques, bien différentes (une vision
opérationnelle d’une organisation).
III. IA, MYTHE D’UN SYSTÈME
« UNIVERSEL » EN ENTREPRISE
ET FINALITÉ SOCIALE
La suite est l’application, et plus particulièrement
ce qui a été à l’origine d’à peu près toute notre infor-
matique contemporaine dans le courant des années
60. J’évoque là quelque chose qui a tous les traits, de
nos jours, à ce qui ressemble à une « mode » : l’In-
telligence Artificielle. Combien est écrit, chaque
jour, dans le monde, avec plus ou moins de précision
et de recul, sur ce qui relève, là encore, d’abord d’un
débat sémantique. Non que ces écrits ne soient pas
de qualité, mais un bon Directeuriv
des SI – donc un
21
Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON
État de l’art | IA, mythe d’un système « universel » en entreprise et finalité sociale
bon gestionnaire d’une organisation, une entreprise
dans ma thèse – ne peut s’épargner d’une réflexion
et une connaissance éclairée sur ces sujets – qui
remontent à l’origine même de l’informatique, voire
qui a décidé de ce qui serait bientôt « la programma-
tion » dans les années 70 et 80. Nous y reviendrons.
L’IA – l’Intelligence Artificielle, volontairement
je n’en définis pas davantage ici les subtilités pour
l’instant – semble sur le papier du moins, la réponse
espérée par toutes les entreprises : une sorte de for-
mule magique, applicable du grille-pain aux sys-
tèmes de production industrielle, qui non seulement
paraît « comprendre » ce que l’humain ne peut pas
(parfois même au travers d’une organisation com-
plexe) mais aussi prévoir une évolution ou un phéno-
mène naturel (c-à-d partiellement ou totalement
imprédictible sans de lourds traitements), comme la
parole humaine.
Nous le verrons plus loin, des deux principales
branches de l’IA, les principes de la « logique
floue » et du système expert, s’appliquent plus
souvent que le développement d’une IA
« consciente » du problème.
Tant d’un point de vue commercial que d’organi-
sation interne, cette gestion d'événements est parfaite
(au sens de complète, immédiate), ce qui permet
d’éviter tant de difficultés dans l’activité courante
comme de définir une stratégie « innovante » pour
l’organisation. Facilement on devine le lien avec le
sujet précédent… où SI se confond avec l’organisa-
tion elle-même ! C’est cela le plus notable peut-être,
lorsque l’on fait l’état de l’art : avoir une notion sur
les SI « matérialistes » (c’est-à-dire qu’ils sont
réduits à ce qui a trait à l’informatique, au numé-
rique). Cette notion souvent se heurte à l’aspect
pourtant universel, voire universaliste, des outils qui
prétendent être le centre du SI, se voulant en
contrôle de l’activité même de l’entreprise. Bien sûr
l’IA n’a pas l’exclusivité de cette mainmise, comme
nous pouvons l’imaginer avec les ERP format « clas-
sique » ; cependant la nature particulière d’un logi-
ciel de gestion complet en IA amène à dépasser ce
que peuvent réaliser ces derniers.
Cette « magie noire » qu’est l’IA comme les
développeurs appellent parfois certaines de leurs
fonctions, se paye cependant par un manque de visi-
bilité sur l’organisation véritable du modèle sous-ja-
cent à cette ensemble « intelligent » et ses défauts,
ses dérives éventuels. Car l’IA fonctionne, repose
d’abord sur la fabrication d’un modèle performant et
efficace. Parce qu’elle tend à « savoir faire » et à
« connaître » – bref elle prophétise par ses prédic-
tions mathématiques –, elle exonère progressive-
ment de leur responsabilité les décideurs et le
haut-encadrement, avec une illusion du contrôle
et de complétude de la situation / décision. En
cela, l’IA peut être vu comme un expert extérieur, un
arbitre ou un messie même (!), qui vient donner du
sens, une direction, une solution. Elle serait dans une
forme absolue, un « Être supérieur » à l’origine du
Projet, comme nous le verrons plus loin dans ce
mémoire (cf. les textes de Platon).
Ce sujet n’est pas neuf : dès les années 70, des
universitaires déjà, dénonçaient l’enfermement dans
un outil intellectualisant (qu’il soit technique ou
organisationnel) et unique :
« Malgré nos dénégations, nous vivons toujours
selon le principe du "one-best-way", c'est-à-dire
selon l'illusion qu'on peut séparer les moyens et
les fins et que les techniciens [les experts, NDR]
peuvent déterminer le seul meilleur moyen une
fois qu'une fin a été clairement fixée... En fait ce
raisonnement qui a permis de grands progrès est
un raisonnement pauvre, qui devient de plus en
plus paralysant, non parce qu'il est inhumain,
mais parce qu'il ne rend compte que d'une partie
de la réalité... A côté de la démarche décompo-
sante et hiérarchique impliquant une causalité
simple, [on peut] (…) développer une démarche
totale prenant en compte les ensembles "fins/
moyens". »
in Balle-Peaucelle,1972, p.164 ; provenant de
Théorie du système général, 4e édition de 1977)
Avec ironie donc, il est intéressant de noter que
cette IA ‘ultime’ serait cette illusion totale pour l’en-
treprise et vers quoi semblent tendre plus ou moins
tous les logiciels du secteur, à des degrés divers, afin
de se matérialiser finalement comme une super-Di-
rection générale automatique (de l’entreprise ou
d’un de ses secteurs) qui répondrait à la fois aux
contraintes internes et externes, se débarrassant des
esprits et des motifs qui l’ont mis en place. En fai-
sant de celle-ci une (la?) conscience propre de l’en-
treprise et n’agissant que pour elle, débarrassée des
modalités humaines, elle trouve ses racines poli-
tiques à la fois dans la forme la plus aboutie du capi-
talisme où n’existent que des « actionnaires » et des
« productifs » (l’encadrement n’étant plus néces-
saire) mais aussi, quelle ironie !, à une forme stricte-
ment inverse, que l’on peut qualifier de socialiste, où
l’on assiste à une forme inédite d’autogestion d’un
collectif, hybridée entre machine et humain. C’est-à-
22
Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON
État de l’art | IA, mythe d’un système « universel » en entreprise et finalité sociale
dire que l’on reviendrait finalement à ce que l’on
dénonce : l’absence d’intelligence collective car
celle-ci est ramenée à une stratégie unique, une
vision « techniciste » et finalement sans but réel
pour l’humain et son épanouissement (car en cela
quelle finalité pour l’humain d’avoir une entreprise
qui le rejette, qui s’organise d’elle-même et par elle-
même, finalement pour elle-même : sans lui et sans
explication?).
Nous en sommes (heureusement?) encore loin
mais la communication « marketing » qui est faite
sur l’optimisation des performances, la réduction des
coûts, la maîtrise en temps réel des difficultés, l'ap-
prentissage permanent et automatique de l'environ-
nement, sont autant de formes détachant
l’encadrement de ses rôles premiers (particulière-
ment les finalités stratégiques) et renversant la pyra-
mide des valeurs et des ordres au sein de
l’organisation : le SI peut rapidement devenir à la
fois la source d’économies, de nouveaux profits
mais aussi de fortes tensions sociales, qui conduisent
à son rejet et/ou à son dysfonctionnement. Finale-
ment l’entreprise ne perd pas seulement de l’argent,
c’est-à-dire l’outil de médiation économique entre
des individus ou des collectifs, mais plus encore de
l’image auprès de ces derniers ; au point même de
faire disparaître le sens de l’organisation écono-
mique : entreprise comme entreprendre ensemble
vers un but commun.
Ignorer ou minorer cet état de fait est un risque
qu’une Direction des SI doit prendre avec gravité. Il
ne s’agit plus seulement d’accompagner le change-
ment de l’activité d’une entreprise mais de son
essence et de sa finalité, comme de son rôle dans la
société. Ce ne serait pas la première fois qu’une telle
chose se produit : la mécanisation puis l’automatisa-
tion, la capitalisation puis la financiarisation, ont été
des phénomènes structurant les entreprises et qui ont
produit des effets incalculables – bons et mauvais –
sur les sociétés humaines du monde occidental qui a
vu naître et développer ces formats techniques.
Je peux comprendre, à la lecture de ses lignes,
l’interrogation : quel rapport avec le sujet initial de
la thèse ? Et bien tout : le SI n’est pas distant, déta-
ché, de ce que l’on attend d’une entreprise –
même si l’on ne retenait que la définition d’un SI
comme composant prioritairement informatique
de l’information d’une organisation. Un SI par
exemple, n’est pas détaché de la RSE – Responsabi-
lité Sociale et Environnementale – d’une entreprise.
C’est-à-dire que le SI doit répondre à des contraintes
qui sont imposées par ou pour les entreprises. Une
entreprise existe au-delà et pour autre chose que la
pérennité et le développement de son SI – quelque
soit la définition qu’on lui donne.
Ce sujet est tellement majeur, particulièrement en
Europe et plus largement dans le monde occidental,
qu’il a été l’objet d’une norme : ISO 26000. Par
ailleurs le site du Ministère français de l’Économiev
nous rappelle les questions centrales de ce sujet
entériné au niveau européen par une directive en
2011 :
« (...) La RSE doit aborder 7 questions cen-
trales :
1. la gouvernance de l’organisation
2. les droits de l’homme
3. les relations et conditions de travail
4. l’environnement
5. la loyauté des pratiques
6. les questions relatives aux consommateurs
7. les communautés et le développement local
(...) [Elle] se traduit par un comportement
éthique et transparent de la part des entreprises.
Il concerne l’entreprise dans toutes ses activités.
Cela passe par exemple par :
• une pratique éthique des affaires pour favori-
ser le dialogue et la transparence auprès des
acteurs de l’entreprise
• une stratégie managériale adaptée afin de pé-
renniser l’activité sur le moyen et long terme,
et encourager les relations et les ambiances
sereines au travail
• le respect des droits humains, que ce soit
pour les salariés de l'entreprise, mais aussi
pour les consommateurs
• l’équilibre de la relation client fournisseur
afin de conduire une négociation juste
• le choix des sous-traitants afin notamment de
vérifier qu'ils respectent les droits de
l'homme et interdisent le travail des enfants
• le respect de l’environnement, tel que l’eau,
l’air et la biodiversité, mais aussi à travers le
traitement adapté des déchets et l’utilisation
attentive de transports
• les économies d’énergie (...) »
Vous comprendrez donc, derrière l’introduction
de cette partie sur l’IA, qu’il est en réalité la ques-
tion – presque philosophique – de la gouver-
nance d’une organisation, d’une entreprise. Le SI
n’est pas seulement contraint par sa finalité (à quoi
il sert), par quoi il est fait (sa nature) ou encore par
qui il est géré (sa mise en œuvre). Il n’est pas seule-
ment contraint par la question des données person-
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Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON
État de l’art | IA, mythe d’un système « universel » en entreprise et finalité sociale
nelles – même si le sujet fait régulièrement l’actua-
lité, tout particulièrement à presque un an après l’ap-
plication légale du RGPD – Règlement général sur
la protection des données.
Le SI dans ma thèse, est l’entreprise parce qu’il
en est son organisation – la représentation visible,
matérielle, par l’informatique ou les personnes –
comme la représentation invisible et immatérielle
que sont les procédures et le cadre réglementaire ou
légale, ou les relations humaines. C’est dire si la
définition du SI, de ses limites théoriques ou
sociales, sont réelles, palpables et finalement bien
peu présentes (ou tellement dispersées) dans l’actua-
lité quotidienne du sujet.
IV. UNE DIRECTION DES SYSTÈMES
D’INFORMATION, POUR(-QUOI)
FAIRE… ?
Nous venons à la troisième et dernière partie de
l’état de l’art, en résumant le côté « pilotage » du SI
au travers des responsabilités de sa Direction. Ce
rôle est, traditionnellement, confié à deux fonctions
spécifiques qui sont alors étendues et jugées complé-
mentaires, incarnées régulièrement par une personne
unique :
• la fonction de pilotage du système informa-
tique où le Directeur du SI étend alors son
domaine d’activité à l’intérêt du contenu et plus
seulement du contenant. Exemple : un Respon-
sable des Systèmes Informatiques devient Direc-
teur des Systèmes d’Information (approche
« technique ») ;
• la fonction de gestion des processus du SI,
œuvre des gestionnaires « généraux » ou
« métier », où le Directeur du SI étend alors son
domaine d’activité à la sphère technico-maté-
rielle. Exemple : un Directeur Commercial qui
devient Directeur des Systèmes d’information
(approche « métier »).
Ces deux situations peuvent se trouver soit par
promotion interne, soit par embauche externe et ces
deux approches, techniques ou métiers, se reflètent
dans le parcours de la personne devenue DSI. A tout
le moins dans des organisations qui ne recrutent pas
des personnes dont c’est le métier à l’origine… des
profils qui restent rares vu la contemporanéité des
formations qui y aboutissent.
On pourrait imaginer que ces évolutions
« humaines » sont intéressantes voire pertinentes
pour l’entreprise – et c’est certainement le cas. Ici la
généralisation n’est guère possible : il s’agit d’une
question de maturité dans l’abord du sujet. Cepen-
dant il faut admettre, si l’on considère les points pré-
cédents de cet état de l’art, que la maturité plus
spécifique d’un SI (c’est-à-dire sa puissance et son
poids dans une organisation) n’est pas simplement
un amoncellement technique. La qualification de la
maturité doit donc être globale.
De plus l’historique d’un système n’est pas à
négliger mais il ne doit pas incarner ce que devrait
être la manière dont doit être pensé un SI : ce qui
est actuellement ne doit jamais être considéré
autrement qu’un acquis vivant donc indéterminé
pour la suite (ou en résumé, l’avenir n’est pas une
projection du passé). Piloter le SI revient en cela à
insuffler la « vie » comme l’évoque à plusieurs
reprises les documents étudiés. Le DSI – Directeur
des Systèmes d’Informations – devient donc un par-
tie prenante voire un arbitre essentiel dans les déci-
sions les plus lourdes. Ses décisions, sa stratégie,
impactent toute l’organisation et davantage le SI est
fondamental à l’activité de celle-ci, davantage
chaque décision doit être prise avec une main trem-
blante… Donner la vie, c’est donner une âme, une
portée intellectuelle et physique, à un système. C’est
un acte hautement politique, au sens de la vie
« publique » d’une organisation et fait appel à des
ressorts culturels et civilisationnels puissants.
Piloter et penser un SI sont alors à mon sens des
termes forts synonymes. A tout moment le DSI doit
s’interroger du mieux qu’il puisse faire : telle pour-
rait être la définition du terme de « gestion », dans le
respect d’un schéma de gestion. Ainsi le SI serait le
premier (voire l’unique?) outil de gestion (intégré)
d’une entreprise. Le DSI serait donc le premier des
gestionnaires – confortant le rôle et la place que
j’évoquais plus haut, où le SI renverse progressive-
ment la hiérarchie avec le haut-encadrement et la
Direction générale, avec des dérives qui peuvent
rapidement survenir.
Dans l’ouvrage Ingénierie des Systèmes d’Infor-
mation, les auteurs tentent de donner une réponse et
introduisent ce questionnement essentiel. Quelque
soit la définition d’un SI comme système informa-
tisé, « [on] retrouve implicitement la distinction
entre système de décision, système d’information et
système opératoire » [LEM 90]. C’est-à-dire qu’il y
aurait trois systèmes cohabitant. En résumé la
DG – Direction générale – serait le premier ; la
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Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON
État de l’art | Une Direction des Systèmes d’Information, pour(-quoi) faire… ?
DSI le second ; le Directeur de production le troi-
sième. Cette distinction paraît fondée si l’on s’en
tient à un SI strictement informatique. Plus loin, les
auteurs nous renseignent – tout particulièrement le
passage en gras :
« (...) le système d’information ‘irriguant’ l’orga-
nisation pour permettre le fonctionnement des
deux autres. Cette notion d’alimentation de l’or-
ganisation renvoie bien à l’idée d’un réseau
structurant, l’intégration étant réalisée à la fois
par le couplage homme-machine et par la
connexion, permise par le SI, entre les diffé-
rentes entités qui composent l’organisation. Mais
cette vision doit rester analytique : elle n’im-
plique en aucun cas que les trois systèmes ren-
voient à des acteurs différents au sein de l’or-
ganisation. Traduire l’existence des trois sys-
tèmes en entités distinctes du point de la vue de
la division formelle du travail revient à privilé-
gier une approche purement fonctionnelle des
systèmes d’information, la responsabilité de
l’action revenant in fine aux décideurs et aux
exécutants. En fait, les travaux de la recherche
en gestion ont bien montré qu’aucun système
d’information n’est neutre par rapport aux
niveaux opérationnels ou stratégiques. »
En somme le SI donne de l’information, la traite
et la stocke, mais sa restitution se fait dans un
contexte et agit sur celui-ci. Distinguer la fonction
de direction d’une entreprise, la direction de son
SI et la direction de sa production est une
approche comme une autre et non, parfois
comme cela peut être indiqué, l’unique approche.
Pire, d’un point de vue opérationnel, il n’est pas rare
que ce sujet de gestion à haut niveau repose soit sur
une seule personne, soit sur un nombre extrêmement
limité de cadres, sans qu’il y soit pris conscience de
la situation (ce n’est donc plus un choix de gestion
mais un héritage,d’habitude ou de main-mise qu’il
convient de questionner).
C’est dire si le sujet est majeur qu’un peu plus
loin, ils évoquent les « ambiguïtés similaires » à
celles de la définition de ce qu’est un SI. Ils consi-
dèrent trois points essentiels – exclusifs entre eux et
que je reprends pour ma thèse – en n’oubliant jamais
qu’il existe un minimum commun à ces trois points,
qui est un SI présentant des propriétés des outils de
gestion :
1. le SI constitue un « ensemble d’outils de ges-
tion » exclusivement,
2. le SI n’est qu’un « fournisseur d’informations
utilisées par les outils de gestion »,
3. que les « outils de gestion font, par définition,
partie du SI ».
A cela s’ajoute trois modèles principaux pour leur
application : le modèle dit « formel » sur lequel le SI
fonctionne (schéma matériel, logiciel, procédural)
pour l’appréhender ; un modèle dit « d’efficacité »
(« l’intention derrière l’outil ») qui recherche à faire
cohabiter outils et métier (ou objectif) ; un modèle
« d’organisation » ou comment l’entreprise devrait
fonctionner pour l’épanouissement de son SI (un
cercle vertueux en quelque sorte).
Ces points sont indépassables pour un Directeur
des SI – et exclusifs les uns des autres dans notre
thèse. C’est-à-dire qu’il ne peut s’approprier qu’une
des trois définitions du SI comme outil de gestion et
donc il ne peut assurer son pilotage qu’au travers
d’une de ces définitions. Ce choix conditionne
alors la vision développée du SI et lui fait perdre
toute neutralité, toute objectivité dans son appli-
cation – au-delà d’un discours plus classique sur
l’humanité et donc la subjectivité de chaque être.
Le SI est bien un des éléments fondamentaux
modernes dans les rapports de forces qui animent
une organisation ou une entreprise. Cela n’implique
pas que le DSI gère l’entreprise mais il gère les
outils (et donc l’application des procédures voire
leur écriture – CQFD) qui gèrent l’entreprise. Son
implication est directe et ses choix engagent en pre-
mier lieu la direction générale même de l’entreprise.
Dans le cadre des travaux de rédaction de cette
thèse, gardons l’approche d’un SI composé en partie
d’outils de gestion dans un modèle dit d’efficacité,
c’est-à-dire où la priorité aux métiers de production
de l’entreprise est donnée, et qui me semble la voie
sinon la plus répanduevi
, au moins celle qui devrait
être défendue. Ce n’est, comme nous le verrons plus
loin, là encore non sans certaines conséquences.
Pour conclure cet état de l’art, il nous faut nous
tourner vers la période récente et comment les pro-
fessionnels du secteur se sont appropriés ces sujets
d’une manière collective. Pour cela le guide de l’au-
dit de la gouvernance du système d’information de
l’entreprise numérique – édité notamment par le
CIGREF – offre une trame intéressantevii
, que le lec-
teur lira en parallèle de ce mémoire.
Enfin rappelons le sujet qui nous occupera durant
ces pages : Questionner l’unicité et les frontières du
SI d’une organisation au travers d’une nouvelle
25
Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON
État de l’art | Une Direction des Systèmes d’Information, pour(-quoi) faire… ?
vision stratégique. Peut-être est-ce et avant tout, se
poser des questions sur soi et le rapport aux autres,
sur les motivations et les intérêts, sur ce qui
concoure à définir et prendre une décision et que
celle-ci touche au SI. Bref questionner l’unicité et
les frontières du SI c’est questionner ses propres
connaissances et de ce qui entoure le décideur : en
cela n’est-ce pas tenter de développer une nouvelle
vision stratégique ?
26
Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON
Démarche (réflexive) proposée | Démarche (réflexive) proposée
DÉMARCHE (RÉFLEXIVE) PROPOSÉE
La « perfection » de LISP, son influence et pourtant son échec..................................................................................1
Le tableau est une carte ; « Savoir son savoir » ; Gérer l’expertise au lieu de l’expert............................................5
Introduire le sujet des connaissances : le tableau de bord en entreprise....................................................................6
« Savoir son savoir » ou la gestion quotidienne des connaissances, l’arlésienne....................................................13
Gérer la décision : les systèmes experts, aujourd’hui peut-être la plus « acceptable » des branches de l’IA en
milieu professionnel et industriel  ............................................................................................................................31
DSI – (D/d)irection (et Directeur).................................................................................................................................38
Normes ou standards ; L’efficacité économique du droit..........................................................................................39
Normes ou standards : le poids des mots, le choc des intérêts.................................................................................39
L’efficacité économique du droit...............................................................................................................................44
L’actualité du droit international n’est pas neutre pour la fourniture et la production du SI...................................46
Ce qui existe, ce qui se sait et ce qui agit. L’exemple DoH vs RGPD........................................................................48
Influence et frontière : le SI est en question permanente...........................................................................................51
L’intérêt entre toujours en jeu, mais l’intérêt de qui ?..............................................................................................51
Les frontières du SI : « le pliage de forces en formes »............................................................................................53
Il n’est pas évident, lorsque l’on débute un travail
dont le sujet est large et potentiellement polémique,
de trouver une accroche à la fois intéressante,
consensuelle et pertinente. Le plus évident aurait été
d’enfoncer des portes déjà ouvertes – ne serait-ce
que tester si effectivement, elles le sont déjà. J’ai
préféré m’attarder des sujets que j’ai perçus au gré
de mon travail et de mon expérience auprès de per-
sonnalités publiques de premier plan, comme des
sujets moins traités, moins mis en évidence ou qui
peuvent disposer d’une démarche peut-être plus ori-
ginale – cette certaine originalité n’étant pas incom-
patible avec l’antériorité comme nous le verrons
régulièrement.
Cela n’implique pas l’absence de papiers sur les
sujets évoqués, de débats – voire de visibilité sur les
problématiques abordés. Bien au contraire : j’espère
qu’à la fin de la présentation de la démarche, votre
première réflexion sera : « tiens, sur un sujet d’ap-
parence maintes fois traité, je n’y aurais pas pensé,
pas comme cela... » Avec des applications très
concrètes, bien que disséminées.
L’objectif ultime de la démarche est simple :
aborder et anticiper pour une structure humaine
complexe, une organisation entreprenariale, des
risques moins « pensés » bien que fréquents, que
ceux rencontrés habituellement dans les ouvrages
sur les SI… et à travers cela, se connaître elle-même
et s’améliorer.
Mille viae ducunt homines per saecula Ro-
mam Qui Dominum toto quaerere corde vo-
lunt.*
*Connu de nos jours par l’adage populaire Tous
les chemins mène à Rome ; Alain de Lille (XIIIe
siècle)
V. LA « PERFECTION » DE LISP,
SON INFLUENCE ET POURTANT
SON ÉCHEC
La qualité d’une idée ou d’un projet, fût-il génial,
n’est pas un gage d’adhésion ou de réussite dans sa
mise en œuvre... Alors, peut-être pour conjurer le
sort de ma propre application théorique en conclu-
sion de ce mémoire, j’ai illustré cette première tran-
sition par un cas particulier et qui regroupe pourtant
tout ce que l’informatique compte de plus moderne
et d'ambivalent. Ce cas importe car il aborde de
nombreux aspects qui émaillent le mémoire mais
finalement, il compte peu en lui-même. Il s’agit
d’abord comprendre les motivations de certains
choix (techniques ou sociaux) dans un collectif.
LISP – LISt Processing, est un exemple du
meilleur de la programmation, de l’abstraction et du
raisonnement et qui, pourtant, n’a pas abouti beau-
coup plus loin que l’université et quelques projets
industriels (fussent-ils d’ampleur). La raison de cet
échec est (en partie) la cause de sa qualité : sa
conception mathématique de la programmation
grâce au lambda-calcul, autorisant le tout premier
langage impératif et fonctionnel au monde. LISP est
en ce sens « parfait » car il hérite de la précision
mathématique, de ses modèles et de son enseigne-
ment. Une précision qui, pour certaines implémenta-
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Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON
Démarche (réflexive) proposée | La « perfection » de LISP, son influence et pourtant son échec
tions de Common LISP (la version moderne et nor-
malisée de LISP par l’ANSI en 1994), vont même
jusqu’à la représentation en mémoire de nombres
fractionnaires ou sans limite de taille dans la préci-
sion.
LISP deviendra aussi une pierre angulaire sinon le
créateur de tous les concepts modernes et fondamen-
taux de développement, irriguant de nombreux lan-
gages : Javascript, Scala, Haskell, Closure, Rust,
Java, Clips, Python, Prolog… Citons par exemple
l’évaluation paresseuse ; les macros (les « vraies »,
pas seulement le pré-processus de compilation
comme en C) ; les fonctions anonymes ; la résolution
de portée (notamment pour les fermetures) ; le gar-
bage collector ; le paradigme de la programmation
orientée objet ; les threads ; la continuation passive
qui entraînera le principe du yielding-call/cc ; la
réflexivité ; etc.
Ces aspects de programmation désormais routi-
niers ont été conceptualisés souvent des années
avant leur popularisation au travers d’autres lan-
gages, dont certains sont « commerciaux ». Un
exemple de cette relation si particulière de la com-
munauté technique et commerciale aux avancées
informatiques « universitaires » : bien avant Java et
sa tardive compilation « Just In Time » en 1993,
LISP se permettait de produire les papiers sur ce
sujet dès 1960 par l’écriture de son inventeur John
MCCARTHYviii
, puis l’application quelques années
après.
Au-delà de l’intérêt du lambda-calcul ou de la
compilation à la volée, LISP introduit très tôt (en
1962), son premier bootstraping (que l’on pourrait
traduire naïvement comme ‘amorce’) – c’est-à-dire
la possibilité pour un langage de se compiler lui-
même. Il n’est pas le premier langage à le faire, car
dès le début des années 60, un des dialects d’AL-
GOL le permettait (d’ailleurs sous l’influence de J.
MCCARTHY lui-même !). Cependant en 1962, c’est
bien la branche « principale » de LISP qui intègre
cette évolution qui est largement repris par tous et
forme désormais, pour qualifier un langage généra-
liste d’abouti, comme un des challenges à accomplir.
C’est dire si LISP a formé, durant des dizaines
d’années, la base de nombreux développements
majeurs pour la production informatique. Il a formé
aussi une certaine culture informatique aux informa-
ticiens de tous ordres – parfois en opposition à ce
langage. Il a irrigué, de manière discrète mais per-
manente, ce qu’est le monde applicatif.
Cette célébrité (honorifique, voire historique) qui
lui permet d’être encore enseigné aujourd’hui, ne
l’empêche cependant pas d’être régulièrement
moqué par les développeurs (son acronyme deve-
nant la dénonciation du format caractéristique des
S-Expression en Lost In Stupid Parentheses ou Lots
of Irritating Superfluous Parentheses…). Le langage
est encore aujourd’hui vu par beaucoup comme
lourd, mal adapté et décrié par une approche encore
largement incomprise : le programme est une donnée
comme une autre dans la mémoire de l’ordinateur
(ce qui, matériellement, est une vérité).
Ce qui a perdu LISP dans les années 80 est
contenu dans cette approche généraliste, voire uni-
verselle héritée des mathématiques, qui avait alors sa
propre architecture de processeur et de cartes-mère,
où l’espace de calcul était unique (d’ailleurs tout
était écrit en LISP : l’OS et les programmes, la plu-
part du temps sans temps partagé entre plusieurs
« utilisateurs »). Certaines machines disposaient en
outre d’un accès à une mémoire unique pour le sto-
ckage de masse et intermédiaire : la machine avait
donc un avantage dans l’accès aux données (la
notion de fichiers n’existe alors pas comme nous la
connaissons aujourd’hui) et de nombreux défauts
techniques qui se caractérisent par l’absence de rapi-
dité (cf. le stockage de masse) et le coût (les
machines LISP sont excessivement coûteuses à
l’époque du fait de l’absence d’harmonisation tech-
nique et peu nombreuses en nombre, réduisant
encore l’effet prix de la massificationix
).
De nouvelles architectures techniques améliorant
les performances et arrivant rapidement, la scission
autour du modèle économique à suivre pour LISP
(et sa fragmentation en multitude de dialectes), puis
la formalisation d’une série de normes techniques
POSIX (notamment centré sur le langage C, hérité
et influé alors par FORTRAN), finissent de faire de
LISP un langage comme un autre et ne plus être plus
une voie matérielle ou logicielle alternative cré-
diblex
.
Il reste pourtant à ce jour, le seul véritable lan-
gage de programmation… programmable en lui-
même.
En 1983, la sortie des premières modèles « fami-
liaux » en informatique avec une architecture diffé-
rente (« moderne ») avec des espaces de stockage
différents et déterminés, rend ceux-ci bien plus
accessibles et dédiés à des usages différents de la
recherche, particulièrement pour l’informatique de
28
Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON
Démarche (réflexive) proposée | La « perfection » de LISP, son influence et pourtant son échec
gestion, la finance et les premiers jeux. Le nombre
de modèles d’ordinateurs, d’écrans, d’accessoires
(imprimantes, etc.) explosent dès 1984 et engendrent
une forte concurrence où seuls les plus gros ven-
deurs peuvent alors sortir leur épingle du jeu :
« Cette abondance, qui se retrouve dans les
autres pays européens, s’explique par l’absence
de barrières à l’entrée suffisamment élevées pour
limiter l’accès au marché. Tous les dispositifs du
micro-ordinateur (...) sont disponibles et la
concurrence que se livrent les industriels dans
ces différents domaines garantit aux utilisateurs
finaux un approvisionnement relativement sûr à
des prix compétitifs. La contrepartie de cette si-
tuation est une instabilité des marchés et de la
gestion concurrence des différents constructeurs.
La capacité d’accompagner la croissance de la
demande devient un facteur décisif de la compé-
titivité et même de la survie des entreprises. »
DE MAUTORT Laurent. L'industrie des micro-
ordinateurs (les principales lignes de force). In:
Revue d’économie industrielle, vol.38, 4e tri-
mestre 1986, pp. 64-73.
Les difficultés à transposer sa richesse dans les
autres langages alors balbutiants, à faire l’effort
d’une liaison avec les architectures matérielles qui se
généralisent, font de LISP une sorte de niche pour
universitaires ou chercheurs privés dont la taille se
réduit, malgré les coûts supérieurs de conception des
langages de bas niveau. Le second hiver de l’IA que
j’évoquerai plus loin, achèvera sa marginalisation
industrielle et finalement langagière – quelque soit
l’estime et l’intérêt des travaux d’alors. Son retour
en grâce récent via Haskell ou Scheme, des LISP-1
ou LISP-2, des dialectes, masque mal cet échec.
Si LISP est l’exemple de cette introduction de
partie, la raison en est simple : j’évoquerai énor-
mément certains concepts et systèmes issus des
mathématiques, de la logique, du symbolisme et
de la linguistique et tous, à un moment ou à un
autre, ont eu trait à cet ancêtre (né en 1958!). Il a
même eu sa déclinaison française, là encore un dia-
lecte, appelé « Le Lisp » et porté un temps par l’IN-
RIA – Institut national de Recherche dédié aux
sciences du numérique. Cet institut est aussi le fon-
dateur et le bureau permanent européen du W3C –
World Wide Web Consortium, que nous évoquerons
également longuement dans ce mémoirexi
.
Ainsi cette introduction initiale, malgré les
exemples, peut sembler « hors de propos » ou anec-
dotique. Mais elle me paraît essentielle pour ouvrir
la conclusion de l’état de l’art car elle tente de tracer
quelques grandes notions parfois mal jugées ou
oubliées, qui pourtant me semblent essentielles dans
l’appréhension des évolutions d’un SI dans l’ap-
proche à la fois humaine et technique.
Ce choix de parler du passé n’est pas anodin : il
vient pour comprendre l’origine de certaines problé-
matiques qui ont encore cours aujourd’hui. Une
multitude de solutions ont été trouvées, parfois
abandonnées parce que l’air du temps ou les
moyens techniques, à l’époque, ne permettaient
pas d’en faire des choix industrialisables. Car l’in-
térêt d’une entreprise, n’en doutons pas, est d’être
efficace – ou, à tout le moins, viable et donc efficient
dans un monde en évolution permanente. Parfois, il
s’agit également d’une affaire d’affect et de poids
économique : Javaxii
 par exemple, représente le lan-
gage de programmation par excellence, au-delà par-
fois de toute raison… parce que son éditeur est
célèbre et l’effet « boule de neige » s’est produit.
Bien évidemment je ne néglige pas l’aspect
« machine virtuelle » qu’offre son éditeur Oracle,
qui permet « d’écrire une fois, d’exécuter par-
tout »xiii
. Mais faut-il avoir ce besoin d’interopérabi-
lité complète et, de plus, la plupart des langages
plutôt de haut niveau fonctionnent avec une compi-
lation en bytecode (code intermédiaire entre un lan-
gage humain et machine) et non en code machine.
Cela devrait inciter les développeurs à regarder
d’abord les intérêts de chaque langage, les para-
digmes supportés et la qualité des bibliothèques
offertes, ainsi que l’efficacité individuelle et relative
de chaque l’implémentation d’un langage, plus que
le « mythe urbain » d’un langage « d’entreprise »
faussement adapté « partout ».
Le « mythe de Java » – comme l’on retrouve
dans les articles dédiés à sa critique –, est d’abord
un effet d’auto-entretien de la dette technique et
de la masse des personnes formées, avant d’être
la somme de ses qualités. En quelque sorte, c’est
parfois le pire (« le commercial ») qui gagne, pour
de bien mauvaises raisons. L’influence des choix
techniques n’est pas, voire rarement, cantonnée à
l’efficacité technique stricte… nous aurons l’oc-
casion d’en reparler.
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Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON
Démarche (réflexive) proposée | La « perfection » de LISP, son influence et pourtant son échec
Figure 1: Comparatif des fonctionnalités de langage
LISP vs Java
Enfin LISP a un intérêt tout particulier : celui
d’être le premier langage dit symbolique. C’est pour
cela qu’il avait été à l’époque choisi pour aborder la
recherche autour de l’Intelligence Artificielle dans
toutes ses branches (apprentissage et décision auto-
matique). Le symbolisme est, comme le permet un
langage de programmation entre l’humain et la
machine, la relation que nous entretenons avec les
concepts, l’information et la connaissance. Faut-il
définir un standard commun à tous les participants
sur la définition et la représentation du symbole pour
qu’il en soit un (et pas seulement un signe dénué
d’intérêt).
Ce sera l’objet de notre première partie.
VI. LE TABLEAU EST UNE CARTE ;
« SAVOIR SON SAVOIR » ; GÉRER
L’EXPERTISE AU LIEU DE
L’EXPERT
Pour amorcer la démarche, il m’a semblé perti-
nent d’expliquer davantage certains des termes et
des idées qui les ont introduits. Ce n’est pas une
autre partie de l’état de l’art, mais plutôt donner un
point de départ contextualisé et finalement assez
récent.
Dans les années 80, l’informatique connaît un
autre changement majeur en plus de la normalisation
POSIX et dont découlera bientôt la « programmation
objet ». Il s’agit des travaux de Marvin MINSKY qui
publie, en 1974, un article – A Framework for
Representing Knowledge – où il présente l’une des
premières méthodes algorithmiques efficaces pour
formaliser sérieusement des « objets » (des frames,
des cadres) permettant de gérer la connaissance.
Cette connaissance est alors dédiée principalement
aux systèmes experts symboliques, que nous verrons
en détails dans ce mémoire, dans la lignée du lamb-
da-calcul que j’évoquais plus haut.
Puis cette représentation a été étendue à la pro-
grammation en générale, car elle permettait de créer
une sorte de boîte (d’où le nom d’objet) où agissent
des fonctions (souvent appelées « méthodes », qui
peuvent être d’ailleurs de simples références à des
fonctions génériques) et auxquelles on associe aussi
des valeurs (souvent appelés des « attributs »).
Presque tous les langages, qu’ils soient fonctionnels
ou non, implémentent une variante des « objets ».
Au point parfois d’être dans l’excès, conduisant à
des débats sans fin sur les limites et l’intérêt de la
pratiquexiv
.
Cette idée de classement, d’héritage, a été normé
avec le « POO » – Paradigmexv
Orientée Objet, qui
réalise en trois étapes la conception logicielle :
1. OOA – Object-Oriented Analysis, c-à-d l’ana-
lyse orientée objet, où l’on détermine les diffé-
rents objets qui composent un environnement (y
compris non-informatique), afin de remplir la
réalisation d’un but ;
2. OOD – Object-Oriented Design, c-à-d la créa-
tion d’un styliquexvi
, où l’on fait un synthèse entre
les objets « réels », analysés, et ceux qui compo-
seront le logiciel ;
3. OOP – Object-Oriented Programming, c-à-d
la programmation à proprement parler définissant
les méthodes et des valeurs de chaque attribut.
Cette notion de « représentation » et d’organisa-
tion de l’information en terme de programmation,
qui implique régulièrement un type particulier de
développement, rappelle dans l’approche un
domaine plus récent et non moins essentiel, qui
concerne là aussi la jonction entre besoin, réalité
et informatique : l’urbanisation du SIxvii
. Elle
concerne la « vision » de l’entreprise d’elle-même à
travers ses composants informatiques qui répondent
aux besoins de l’organisation et qui, en retour,
s’adaptent aux possibilités des technologies mis en
œuvre – l’idée étant de découpler chaque « compo-
sant » du « système » afin qu’il puisse évoluer en
minimisant l’impact sur les autres. En cela une
« programmation » de l’entreprise est possible : il
s’agit de la politique d’entreprise – où programma-
tion s’apparente à un programme politique –
30
Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON
Démarche (réflexive) proposée | Le tableau est une carte ; « Savoir son savoir » ; Gérer l’expertise au lieu de l’expert
fixant des objectifs, sur lequel se greffent les
« projets » (en réalité plutôt des cycles de produc-
tion itératifs, que nous verrons par ailleurs).
Dans ce système qu’est l’entreprise, les compo-
sants doivent donc être standards – nous verrons
bientôt ce que cela implique – dans leur fonctionne-
ment et dans les échanges avec les autres.
Ces principes sont ceux de l’architecture d’entre-
prise d’où provient l’urbanisation et tout particuliè-
rement d’un article de 1987 – A Framework for
Information Systems Architecture –, par John
ZACHMAN, alors cadre du service marketing
d'IBM – qui fut l’origine d’un commerce florissant à
son nom (le Zachman FrameWork), en plus de déve-
lopper une vision « cohérente » – selon lui –, entre
organisation et informatique où cette dernière prédo-
mine.
A titre personnel, je crois que le basculement
« définitif » du SI comme une vision très largement
techniciste, « américanisée », détachée d’une
réflexion sur la nature des choses étudiées, sans
« informalité », trouve probablement son apothéose
ici.
Car si une entreprise et ses salariés y sont vus
comme des « composants » d’un système complet,
l’origine remonte très antérieurement à ces travaux
modernes, tout particulièrement la publication de la
Théorie générale des Systèmes en 1968xviii
qui fonde
le structuralisme et introduira les clés de la théorie
contemporaine de la communication. Cette approche
« techniciste », machiniste, repose sur une vision du
monde du XVIIe siècle, celle rendue célèbre par
René Descartes dans sa thèse de l’Animal-machine.
Si la réalité est certes un assemblage complexe de
« composants », sont-ils réductibles à des « objets »
tous particulièrement communs, paramétrables et
interchangeables à leur niveau ? A l'orée du dévelop-
pement « RSE » des organisations, on comprend
aisément que la réponse ne peut être un « oui » sans
nuance. De plus l’Histoire des relations sociales en
France et pour la seconde partie du XXe siècle en
Allemagne, ne s’y prêtent pas. En effet au-delà du
débat philosophique que nous traiterons plus loin, la
gestion d’entreprise se heurte régulièrement à
l’informel, aux « relations humaines » qui sont
plus denses et difficiles à structurer dans un SI
qui n’aurait qu’une vision techniciste. Dans le
même temps, il serait faux de dire que tout cela est à
balayer et n’a pas été une source de progrès : le
terme « système » de Zachman et ce qu’il recouvre
est le bon, mais son raisonnement doit être ouvert,
approfondi, complexifié. D’une certaine forme, il
doit être « réellement » normalisé.
Vous aurez compris mon propos : tout modèle,
toute synthèse perd une part de la réalité qu’elle pré-
tend contenir ou représenter. Au sein d’une organisa-
tion, on retrouve des débats qui animent plus
largement la société et des couches de réalités, des
ambitions, des comportements face aux crises et des
légitimités face aux opportunités. Nous verrons bien-
tôt le principe de conformité et dans les propositions,
ce que peut être la conformité comme source
d’éthique commune.
Avant de voir les idées de normalisation, d’unicité
et d’influence, j’ai pris l’étude des tableaux de bord
au travers des attributs des cartes géographiques
comme une illustration d’une autre approche pour
aborder l’architecture d’une entreprise. Car les
tableaux de bord, comme les cartes, sont à la fois des
indicateurs mais aussi des repères de ce qui est
attendu, désiré, su ou craint au sein d’une organisa-
tion.
Étudier les « tableaux de bord » d’une entreprise
et les indicateurs qui les composent, de leur usage
réel comme leur absence, me semble en faire com-
prendre davantage sur l’organisation que ce qu’elle
pourrait en dire elle-même.
La carte formalise ce qu’elle renseigne au travers
de la catégorisation et d’un processus non loin de
l’usage d’un framework, d’un cadre.
E. INTRODUIRE LE SUJET DES
CONNAISSANCES : LE TABLEAU DE BORD
EN ENTREPRISE
« A map is not the territory it represents, but, if
correct, it has a similar structure to the territo-
ry, which accounts for its usefulness »
Alfred Korzybski, A Non-Aristotelian System
and its Necessity for Rigour in Mathematics and
Physics (1931)
J’ai souhaité, pour débuter cette partie, reprendre
cet aphorisme célèbre d’un des fondateurs d’une
pensée complexe moderne en sociologie et psycho-
logie. Comme nous le verrons progressivement, le
tableau de bordxix
en entreprise n’est pas dénué du
rôle d’une carte d’un environnement à un moment
donné – ce que le domaine de la cybernétique confir-
mera une vingtaine d’années plus tard. Il est aussi
régulièrement le premier contact avec ses propres
défis, d’une organisation qui grandit, qui évolue et
31
Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON
Démarche (réflexive) proposée | Le tableau est une carte ; « Savoir son savoir » ; Gérer l’expertise au lieu de l’expert
qui voit apparaître ses premières difficultés à
connaître, mesurer et gérer ses propres informations,
ses propres connaissances.
Car un des principes d’une carte n’est pas l’illus-
tration directe de ce qu’elle représente – fusse-t’elle
grâce à la photographie – mais la compilation d’in-
formations sur la présence (le nombre) et la situation
d’items donnés dans une zone donnée (le plus sou-
vent géographique, mais qui peut être un espace
conceptuel comme par exemple l’est la comptabilité,
ou logique). La carte est un processus complexe que
le tableau de bord reprend à son compte.
Cette opération est, comme souvent, « une des-
truction créative » grâce à deux étapes :
• ce que je résume ici par « l’explicitation des
données implicites » – c-à-d savoir ce que la carte
ou le tableau de bord doit signifier, représenter.
C’est l’abstraction, qui peut être vue comme le
passage à un nombre différent de dimensions (ex.
de 3 à 2 dimensions).
Le créateur de la carte doit se conformer à l’at-
tente du lecteur et le lecteur doit accepter les
valeurs (symboliques ou métriques) du créateur ;
• le résumé des informations disponibles, qui
implique la catégorisation et la perte du « détail »
vis-à-vis de la complexité du réel. En soi la carte
– ou le tableau de bord – peut être associée à une
sorte de valeur ajoutée statistique, même faible
(ex. la mise à l’échelle implique la prise de
mesure et le rapport de ces mesures à la taille de
destination de la représentation ; pour le tableau
de bord, il s’agit pour un même lot de données,
de distinguer le niveau d’abstraction si l’on
s’adresse à un opérateur ou à un directeur).
Pour la partie cartographie de la « technique », la
DSI n’y fait pas exception – au contraire. Grâce aux
travaux de Ross ASBY, Roger CONANT et Stafford
BEER dans les années 50, chacun par leur apport,
ont fondé ce que l’approche managériale et d’étude
est aujourd’hui.
Dans l’ouvrage Les tableaux de bord de la DSI de
Christophe LEGRENZI, l’un des co-auteurs Philippe
ROSÉ nous le rappelle comme une vérité connue
sous le nom du Théorème de la variété requise
d’Ashby : « tout bon système de pilotage d’un sys-
tème doit être un modèle de ce système : tout sys-
tème de pilotage, à la fois réussi et le plus simple
possible, doit être isomorphe au système à pilo-
ter ».
Ainsi on cherchera dans la culture de ce milieu ce
que l’on souhaite faire pour déterminer la réalisation
d’un tableau de bord, que je résume ici par « du quo-
tidien » (pragmatique), une procédure ou d’un ser-
vice (fonctionnel), un ensemble (systématique), la
détection et la prévention (audit) ou équilibré (glo-
bal) s’il s’agit de développer une « vue d’en-
semble ».
UTILITÉ DES TABLEAUX DE BORD EN ENTREPRISE
Si l’utilité effective d’un tableau de bord est
propre à chaque contexte local, des généralités
peuvent être dégagées. J’en ai tenté la synthèse ici
de manière logique, qui résume d’ailleurs quelques
grandes étapes dans sa création :
1. Formaliser un besoin
Un tableau de bord, fut-il en temps réel et le plus
complet, n’a aucun intérêt s’il n’est pas utilisé. C’est
bien l’usage et donc le souhait de l’utilisateur
« final », comme pour tout outil, qui importe. Or il
n’est pas si simple – l’exemple du suivi du chômage
(format, régularité, catégories, etc.)xx
dans le
domaine public l’illustre régulièrement –, de se
mettre d’accord sur la définition même de l’objet1
à
étudier.
La formalisation du besoin – l’objectivation du
but d’une procédure, d’une règle ou d’une produc-
tion –, doit être une première étape de « pacifica-
tion » dans un débat sur une l’observation d’une
situation.
Ce besoins peut être lié à un métier ou à un aspect
généraliste de l’entreprise.
2. Créer un consensus sur l’usage et sur le
suivi
Par la suite il est intéressant d’avoir une utilisa-
tion déterminée et une révision périodique d’un
tableau de bord, surtout si ce dernier doit revêtir une
valeur objective (à des fins d’arbitrage). Cette révi-
sion peut intervenir lorsque le tableau de bord n’est
plus pertinent ou par obligation légale.
Faut-il que la solution retenue – quelle qu’elle
soit et pour toute raison – soit acceptée auprès d’un
plus grand nombre : en interne d’une organisation
par exemple, mais plus encore par l’externe autorisé.
Ainsi un pool bancaire peut avoir intérêt à disposer
d’un tableau de bord de la maturité des dettes de
l’entreprise par classe de dettes, sous un format
déterminé légalement, avec une périodicité trimes-
trielle. En plus de certaines obligations liées aux
organisations sociales, la conduite du changement
n’est pas à négliger, surtout si une personne peut se
1 Au sens philosophique du terme.
32
Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON
Démarche (réflexive) proposée | Le tableau est une carte ; « Savoir son savoir » ; Gérer l’expertise au lieu de l’expert
reconnaître dans la mesure (efficacité d’un travail à
un poste par exemple). Le secret statistique peut
légalement devoir s’appliquer.
L’existence d’un tableau de bord, papier ou
numérique, n’est pas une autorisation à son utilisa-
tion à tout craint, tout le temps et sans limite. Bien
au contraire : c’est un outil stratégique et plus son
raffinement est important, sa base « primaire » de
données est grande, plus sa diffusion se restreint
alors aux plus hautes instances décisionnelles de
l’entreprise (DG, Directoire, Conseil de sur-
veillance, etc.) et doit être encadrée dans la procé-
dure (face aux biais, aux mésusages, etc.).
3. Regrouper les mesures dans un outil de
pilotage (ou une procédure)
C’est peut-être le plus attendu mais le plus signi-
fiant : un tableau de bord a pour motivation première
de produire une vision, ce que j’ai appelé plus haut
une carte, sur des données qui représentent un pro-
cessus, une direction, ou un événement. Cette vision
est consolidée : elle agrège des sources avec rigueur.
Pour éviter d’avoir un tableau de bord dont les
résultats évoluent différemment dans le temps sans
que les données de base n’évoluent – ou au
contraire, avoir des valeurs affichées erronées pour
dissimuler une situation – il est important qu’un
outil ou a minima une procédure récurrente soit mise
en place afin qu’un traitement identique soit assuré
dans le temps.
Cette contrainte, car c'en est une, se retrouve dans
la démarche de conformité QSE que de nombreuses
organisations cherchent ou mettent en œuvre.
De plus une même donnée peut servir dans plu-
sieurs cas et le partage d’un indicateur entre plu-
sieurs tableaux de bord pour un même niveau
d’abstraction, est un moyen supplémentaire d’avoir
une vision cohérente globale ; l’outil de pilotage doit
pouvoir favoriser une telle approche.
4. « Réduire » les données à de l’information
(ou à de la connaissance)
Un tableau de bord – surtout pour des indicateurs
calculés et dans certaines situations avec des indica-
teurs bruts – repose sur des indications ou des états
qui sont produits à partir d’autres. Le besoin peut
exister, être formalisé ; la procédure tout à fait docu-
mentée ; le résultat ne doit pas être finalement déce-
vant ou trompeur : il faut ne pas « additionner » les
indications sans réflexion.
Ainsi un indicateur, qui est une forme de réduc-
tion de données plus larges, peut être faux logique-
ment (ET, OU logique) ou mathématiquement (ex.
avec une moyenne de moyennes de sous-ensembles
au lieu d’une moyenne d’un ensemble plus grand ;
médiane dans un ensemble indéfini ; etc.).
Cette réduction passe par une collecte précise et
dont la temporalité doit être cohérente entre tous les
indicateurs.
Par exemple si un ratio dont le numérateur évolue
au fil de l’eau et que le dénominateur est hors d’âge,
la pertinence du ratio peut diminuer voire s’annuler
(voire être trompeur). Par exemple pour un ratio qui
doit démontrer une situation actuelle, si le dénomi-
nateur est la force d’attraction terrestre, ce n’est pas
un problème… Si c’est une projection annuelle du
CA calculé il y a trois ans et qui concerne l’année
dernière, avec un usage pour l’année prochaine, c’est
potentiellement un (grave) problème !
5. Suivre les écarts à la valeur nominale, ou
sinon l’évolution
Deux cas existent dans la représentation d’un
indice ou d’un état :
• le suivi d’un écart éventuel entre deux valeurs ;
• l’évolution « brute » qui se base prioritairement
dans le temps (parfois en prenant une base 100).
Pour savoir si un écart existe, il faut définir une
valeur nominale et une marge tolérable (qui peut
être nulle). La valeur nominale et la marge sont
donc, là aussi, une affaire de consensus et être le
seuil de déclenchement d’une alerte (cas d’un indi-
cateur « transparent » qui devient alors porteur de
sens grâce à sa soudaine visibilité ; ex. avec l’indi-
cateur « panne moteur » sur le tableau de bord de
la voiture même si celle-ci peut continuer à rouler).
Cela implique aussi que l’on sait fixer des objec-
tifs objectivables (consensus) et mesurables – ce qui
n’est pas toujours le cas, comme je l’évoquais plus
haut.
De même, la question de la visibilité (ou non) peut
se déterminer en fonction de ce que l’on mesure :
• soit une évolution et l’écart à une valeur nomi-
nale → on optera plutôt pour un indice perma-
nent ;
• soit un état « hors défaut » ou l’absence
d’écart à une mesure nominale → on optera plu-
tôt pour un indice transparent qui devient
visible en cas de soucis.
Dans tous les cas, la fréquence de la mise à jour
de la donnée est importante : une fréquence trop
haute peut entraîner un tableau de bord incohérent
(le suivi n’est pas possible) voire impraticable ; à
l’inverse une fréquence trop faible ne donne pas
l’occasion de détecter certaines situations critiques.
33
Penser son Système d’Information, Appréhender ses évolutions
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  • 1. en vue de l’obtention du TITRE PROFESSIONNEL DE NIVEAU I « MANAGER DES SYSTÈMES D’INFORMATION » option Sécurité des Systèmes d’Information Présenté par Julien GARDERON Le 18 décembre 2019 à ANGOULÊME Penser son Système d’Information, Appréhender ses évolutions Questionner l’unicité et les frontières du SI d’une organisation au travers d’une nouvelle vision stratégique. Vers un nouvelle organisation d’entreprise grâce au modèle RDF. PROFESSIONNELLE THÈSE
  • 2. Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON Résumé | Résumé RÉSUMÉ I. RÉSUMÉ ; ABSTRACT Penser un SI ; appréhender ses changements. Aujourd'hui il existe un consensus sur une définition consensuelle d'un Système d'Information (S.I.) : celle d'une organisation de l'information au travers d'outils numériques (principalement informatiques) et quelques systèmes considérés parfois comme annexes (inter- faces industrielles, télécommunication, etc.). Si l'organisation des processus et de la fonction des personnels n'y sont pas absentes, cela reste avec une approche technique, voire techniciste et trop souvent commerciale. Cela a des implications pour la définition des métiers qui gravitent autour du sujet. J'ai pris une autre défi- nition, celle y issue davantage des sciences de gestion qui, dès les années 70, définissait le Système d'Infor- mations d'une entreprise comme l'organisation elle-même. Le statut, les missions attendues et les qualités attendues du Directeur du Systèmes d'Information, de l'or- ganisation de sa direction, s'en trouvent bouleversées. Les outils informatiques sont également impactés et pour réussir cette transformation, doivent suivre le modèle RDF, qui permet une gestion fine des connais- sances. La sécurité, la souplesse d’usage et de mise œuvre, comme l’efficience globale de l’organisation en ressortent renforcées. Au travers de plusieurs phénomènes d'actualités, de sujets-clé et des données disponibles, je propose un approche différente de ce qu'est un système d'information – le penser différemment, appréhender de nou- veaux enjeux –, et sa résultante : ce que serait alors le « manager des SI » dans de tels enjeux ? L’auteur ; le contexte. Après 10 ans comme Secrétaire général de groupes politiques et d’attaché poli- tique, j’ai souhaité reprendre mes études et faire de ma deuxième passion, mon métier : l’informatique (notamment la gestion des connaissance et du développement logiciel). Avec ce titre professionnel, mon pro- fil sera complété des outils et des méthodes informatiques qui manquent aujourd’hui à ma formation initiale (maîtrise et master d’Intelligence Économique à la Faculté d’économie de Poitiers). Mon alternance s’est déroulée durant 14 mois au sein de la SOREGIES, groupe de production, distribution et commercialisation de gaz et d’électricité, au siège à Poitiers. Thinking about an IS; Comprehend his changes. Today there is a consensus on the Information System's definition (IS) : it's an organisation based on generic technical systemS (computer system principaly, and a poor variety of industrial interfaces, telecomunication, etc.). The formal processes and sociotechnical orga- nisation are part of this definition, however, the approach is far too technical - even an exclusively commer- cial one. This IS definition impacts the IS trades and jobs. I've chosen another definition (70') which relates that IS is strictly equal to an organisation or a compagny. Consequently, the missions and the personnal qualities of the IS Director (and his department) radically change. The IT tools must be transformed to be able to implement the RDF model which can manage know- ledge more precisely. Security, flexible use and implementation or global efficiency will thus be reinforced. Through technical developments, many key topics and general data, I wish to propose a different approach and strategy of the IS organisation : how to think differently and comprehend this change ? What would be the IS Manager in this perspective ? Author ; context. After 10 years as a political group chief officer and political attaché, I wished to restart my studies and turn my passion of IT into a career (especially knowledge managment and software develop- ment). I completed my professional profile with management methods and IT tools which were missing from my initial training (Intelligence Business domain, a master’s degree in Economics at the University of Poi- tiers). My ‘sandwich course’was in the SOREGIES’head office, an industrial group (production, distribution and trade of gas and electricity). 3
  • 3. Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON Résumé | Mots-clé II. MOTS-CLÉ Architecture des Systèmes d’information, architecture d’entreprise ; modèle de données, modèle de ges- tion des connaissances, modèle RDF ; LISP, programmation fonctionnelle ; impacts légaux, impacts écono- miques ; conflit d’intérêts ; systèmes experts, intelligence artificielle ; Web, architecture distribuée, référentiel. 4
  • 4. Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON Index des tableaux et des objets | Index des tableaux et des objets INDEX DES TABLEAUX ET DES OBJETS III. INDEX DES TABLEAUX Relations entre contraintes et influences et quelques exemples sur le SI – mon résumé....................................68 Présentation des étapes de transition vers un modèle d'entreprise RDF.............................................................72 Schéma d'une Direction de l'Information en entreprise..78 IV. INDEX DES FIGURES ET DES ILLUSTRATIONS Figure 1: Comparatif des fonctionnalités de langage LISP vs Java....................................................................30 Figure 2: Le système d'information de gestion automatisé : concepts et champ d'application in Système d'information de l'entreprise (2006), Hugues Angot, aux éditions De Boeck Supérieur...........................................34 Figure 3: L'intensité en carbone de l'électricité par pays européen, par Sylvestre HUET pour leMonde.fr (alternative 1)..................................................................36 Figure 4: L'intensité en carbone de l'électricité par pays européen (ibid. ; alternative 2).......................................36 Figure 5: Extrait de la thèse de Xiao CHUN ZHAO......36 Figure 6: Les quatre étapes de l'évolution du World Wide Web..................................................................................38 Figure 7: Exemple d'un graphe relationnel, issu de données "triplets"............................................................41 Figure 8: Exemple d'un graphe relationnel avec l'ontologie FOAF............................................................47 Figure 9: Exemple de graphe relationnel avec le système de classes.........................................................................47 Figure 10: Schéma de l’ANSSI sur la surveillance « type » des flux SSL/TLS...............................................64 Figure 11: Représentation technique du SI "référentiel"86 5
  • 5. Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON Remerciements | Remerciements REMERCIEMENTS Je remercie toutes les personnes qui ont permis ce mémoire et l’obtention de ce titre professionnel. Je pense tout particulièrement à : • Philippe CHARTIER, Président du Directoire SOREGIES, pour sa confiance ; • Stéphane LESTRADE, Directeur du Système d’Information SOREGIES, pour son écoute ; • Clément GERMON, Directeur de formation au campus CESI Angoulême, ainsi que Patrick PUJOL, Directeur de thèse professionnel, pour leur suivi attentif. — Bien évidemment, mes pensées vont également à mes proches m’ont particulièrement soutenus : Mathieu C., mon compagnon de vie, d’une patience exemplaire et d’un réconfort permanent ; mes parents qui ne déméritent jamais dans leur soutien ; ainsi que Josiane et Jean-Pierre C., pour le gîte et le couvert, comme de ce qu’ils sont. — Ce mémoire est dédié à la mémoire de Sylvia SANITA.✝ 7
  • 6. Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON Parcours | Parcours PARCOURS V. POURQUOI J’AI CHOISI LE MÉTIER D’ARCHITECTE DES SYSTÈMES D’INFORMATION Tribune intialement publiée le 13 septembre 2019 sur Linkedin ; réadaptée ici. https://www.linkedin.com/pulse/pourquoi-jai-choisi-le-m%C3%A9tier-darchitecte-des-julien-garderon/ … Et pourquoi votre organisation en a besoin. Dans quelques semaines, je soutiendrai une thèse professionnelle au CESI Angoulême et, j’espère, décro- cherais l’obtention de mon titre professionnel pour le management des Systèmes d’Information. Mon sujet porte sur la manière de penser et d’appréhender un système d’information dans une organisa- tion. J’y aborde les questions d’efficacité économique du droit, de la fourniture du SI, de son lien si particu- lier et bien peu « neutre » avec l’organisation même de l’entreprise. Des sujets parfois délaissés dans une vision purement techniciste et d’une abstraction dangereuse de la réalité des organisations ou de leur environnement, fondée sur une vision partielle ou partiale où agissent des intérêts contraires. L’architecture du SI est pour toutes les tailles d’entreprises. Il s’agit de lier son organisation sociale, sa production et sa politique interne aux outils et aux métiers. Tous ses métiers : productifs et administratifs. La fonction d’architecte du SI, comme son homologue la fonction d’architecte d’entreprise, peut être tempo- raire, pour amorcer une démarche ou aider au pilotage lors d’une modification profonde de l’évolution ; elles peuvent être aussi, toutes les deux, pérenne voire permanente pour accompagner dans un environnement délicat, changeant, qui agit sur l’organisation autant que l’inverse. Car je crois fermement à une approche « organique » du SI : un être vivant, en mutation permanente, où chaque salarié, chaque prestataire, fournisseur, sous-traitant, chaque objet du réseau ou chaque logiciel doit être traité dans un ensemble unique et unifié. Parce que les moyens sont toujours limités, il faut préparer des évolutions sur le long terme afin de ne pas être dépassé par ses propres défauts et agir sur un court-terme qui limite ses possibilités futures. Je crois à un modèle de SI basé d’abord sur une logique de description de la connaissance, des données et d’une forte automatisation et personnalisation de la décision comme des interfaces. Ces processus sont poin- tus mais donnent aussi avec de meilleurs résultats à long terme, permettant d’aligner stratégiquement vos décisions d’entrepreneurs avec le quotidien de vos collaborateurs. L’architecte doit aider à la création et à la mise en œuvre d’une vision, d’un projet d’entreprise qui fédère. L’architecture a deux mots-clé : efficience et sécurité. Efficience car la seule efficacité sans ligne directrice pertinente, est une voiture à pleine vitesse fonçant vers un mur. Sécurité, car la concurrence est féroce, permanente, avec des acteurs qui n’agissent pas toujours de manière loyale, voire légale. Après dix années comme attaché politique auprès de responsables publics et un Master 1 et 2 en Intelli- gence Économique et Communication Stratégique, les termes de veille, de signaux faibles, de maîtrise des risques et des crises, de lobbying ou d’attaques informationnelles ont un sens profond pour moi. Efficience et sécurité ne sont pas à préparer pour demain mais être mises en œuvre dès aujourd’hui et pour le mieux. Tout – absolument tout – évolue plus vite et sans vous attendre : celle de l’évolution matérielle qui est toujours plus efficace mais complexe, mais aussi l’incertitude juridique et politique qui nous entoure (montée des populismes, Brexit, basculement des intérêts vers l’Asie, la « balkanisation » d’Internet et des échanges, etc.). La Chine par ailleurs, désormais très avancée d’un point de vue technologique et des usages, fait figure à la fois de nouveau fleuron technique et de repoussoir pour nombre de valeurs européennes. Mais aussi d’opportunités et des menaces pour votre entreprise. 9
  • 7. Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON Parcours | Pourquoi j’ai choisi le métier d’architecte des systèmes d’information Fortes évolutions réglementaires RGPD ou du CLOUD Act américain, externalisation des services ou des stockages sans parfois en mesurer la pertinence, dénormalisation des procédures, influences et conflits… Ces sujets, l’architecte doit les maîtriser et vous apporter, à l’instant voulu, la solution ou le projet le plus perti- nent. C’est ce défi qui m’anime encore et toujours. Comme il y a un impact des évolutions techniques sur le SI, il y a un impact de l’économie, du droit et des relations sociales. Le monde n’a jamais été lisse, uniforme et calme. La vie d’entreprise non plus. Les acquis économiques (dont les brevets, le savoir), le fonctionnement d’Internet comme des systèmes industriels transnationaux et intégrés (fournitures, traitements ; numériques ou non), connaissent depuis quelques années un péril avant tout géostratégique majeur – et maintenant environnemental et énergétique. En France, même une entreprise qui agit sur le territoire national et pour des clients nationaux ne peut que constater les menaces qui animent son environnement. L’architecte doit pouvoir répondre au sentiment d’incertitude et aux problématiques de tous les ordres, car le Système d’Information est devenu en quelque sorte l’entreprise elle-même, plus seulement un outil parmi d’autres. Oui plus que jamais, l’architecture des SI est une affaire de politique d’entreprise et de survie dans l’évo- lution de l’organisation. Ce métier, je l’ai choisi car il s’annonce passionnant et à la croisée de bien des sujets… qui vous concernent vous aussi, cadres et chefs d’entreprise. 10
  • 8. PRÉAMBULE Mon parcours universitaire initial (Intelligence Écono- mique) ne me prédisposait que bien peu à ce titre profes- sionnel. Pas davantage la vie professionnelle qui en a découlé (Attaché politique), dans un contexte bien peu commun. La vie a fait que d’une passion, la politique, j’ai souhaité aller vers une autre : l’informatique, et plus exac- tement ce domaine lorsqu’il est au croisement des sciences de gestion, des sciences de l’information, au travers des procédures et des outils dédiés, particulièrement ceux pour la gestion des connaissances. Et comme le style relève souvent du fond, mon écriture même, probablement plus libre ou « romancée » que la normale, n’apparaît pas – et n’apparaîtra pas – la plus aca- démique. Par avance je prie le lecteur de m’en excuser. L’obtention d’un titre de niveau I Manager des Sys- tèmes d’Information, serait une reconnaissance de compé- tences et d’expériences que j’ai acquises par ailleurs, notamment pour la gestion comme de la programmation ou d’une culture sur les infrastructures informatiques et leurs outils, sur de nombreux aspects du cycle de l’information et de la décision. En l’intégrant directement j’ai alors à la fois à en confirmer le niveau et à l’exploiter au mieux pour répondre à une conclusion qu’est l’écriture de cette thèse professionnelle. Il m’a semblé naturel que ce mémoire en soit le reflet – sinon un résumé. Un mémoire qui en prend la définition au sens premier, qui garde la trace, qui – s’il respecte globale- ment les canons d’écritures définis par le CESI –, s’efforce de se détacher du cadre « scolaire » et d’être le reposoir d’une thèse au sens d’une proposition ou d’une théorie qu'on tient pour vraie et qu'on s'engage à défendre par des arguments – comme nous le signale le Larousse. Son ambition se veut plus large qu’égrainer les certi- tudes d’une notice technique : inférer de ces 14 mois et des dix ans auparavant, un regard sur le « SI », sa construction ou son organisation (nous verrons la différence majeure entre ces deux termes), sa maintenabilité et sa disponibilité, son intérêt et ses menaces, son unicité alors même que sa définition implique une pluralité indépassable. Sa matière brute aussi, l’information, qu’est en réalité l’alliance sub- tile de données et de connaissances. D’un contexte aussi, qui donne le sens ; d’une grille de lecture qu’est ce même contexte appliqué à une décision relevant d’une interven- tion humaine. Le moindre de ces termes est un concept qui mérite en soi une vie d’études. C’est la limite de l’exercice : cette thèse ébauche un long sommaire le plus didactique et précis possible, sans répondre tou- jours autant que je l’aurais souhaité à l’universalité. Sa finalité est bien, pour le haut encadrement d’une entreprise, de saisir la motivation – toujours subjective – et les défis de certains enjeux que j’aborde, en opportunités, en menaces et en clés pour la décision opérationnelle. Son écriture tente de me placer dans cette situation d’un haut-encadrement à la tête d’une entreprise de plusieurs centaines ou milliers de personnes qui se heurte à deux questions essentielles, fondamentales, indépassables, sur son organisation : pourquoi ? Comment ? Bref il s’agit de tenter de répondre à une question si simple que je généralise : penser et appréhender les évolu- tions de son système d’information, est-ce peut-être et avant tout, apporter une réponse unique à des probléma- tiques multiples ? En cela, un SI n’était-il pas l’entreprise elle-même, avec quelles frontières, auprès de quels acteurs ? Comment être efficace lorsque tout évolue en per- manence, sans que je puisse toujours contrôler cette évolu- tion ? Il ne s’adresse donc pas à des ingénieurs « techniciens » en mal de lectures – le propos ne sera guère technique même s’il se veut opérationnel. Des outils sont évoqués mais il ne reste que des outils – aucune fin en soi. Il y a davantage lieu de questionner le formalisme, les probléma- tiques à résoudre et des abstractions à procéder de ce qu’est votre organisation au travers d’un cadre, d’un maillage plutôt, que je développe ici. Mon mémoire se veut moins un témoignage qu’une tentative imparfaite « d’une conclu- sion », certainement partielle et peut-être partiale, sur la Direction d’un Système Informatique et ses évolution. C’est ambitieux, vaste. J’en conviens volontiers. C’est glissant et, peut-être, probablement même, illégitime, quand on parcourt les publicités des nombreux acteurs du domaine, qui abordent bien différemment le sujet. C’est pourquoi ce mémoire tient lieu d’introduction à d’autres sujets, plus vastes, qui seront à parcourir. Il offre une synthèse qui se veut applicable et ne cherche pas l’exhaustivité universitaire. Ce mémoire n’est donc pas un art complet mais une cartographie qui prend « ferme- ment » position pour certains usages ou principes – avec des technologiques ou des organisations qui s’y rattachent. Ce mémoire ne prétend pas répondre directement à des besoins d’arbitrage immédiats mais à rester cohérent et à donner une piste d’analyse ; à développer et asseoir son propre modèle. Car une carte est toujours une projection d’un monde et non la réalité elle-même ; la carte est toujours en retard, incomplète sur ce qu’elle représente et l’on ne fait que deviner les forces qui s’animent. La carte ne remplace pas l’expérience du terrain, elle le décrit pour y agir en connaissance. Finalement ce mémoire s’accroche – se veut, s’idéalise – dans une part de la géodésie des SI.
  • 9. Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON Sommaire général | Sommaire général SOMMAIRE GÉNÉRAL Résumé.........................................................................................................................................................................3 Index des tableaux et des objets...................................................................................................................................5 Remerciements.............................................................................................................................................................7 Parcours.......................................................................................................................................................................9 Préambule..................................................................................................................................................................11 Sommaire général......................................................................................................................................................13 — Première partie — mémoire de thèse......................................................................................................................15 Présentation synthétique de la problématique...........................................................................................................17 État de l’art................................................................................................................................................................19 Démarche (réflexive) proposée..................................................................................................................................27 Analyse et conclusion de la démarche.......................................................................................................................71 — Deuxième partie — mémoire technique.................................................................................................................83 Le Système d’Information comme une base de connaissances unique......................................................................85 — Troisième partie — mémoire d’application...........................................................................................................87 Aller plus loin : l’application....................................................................................................................................89 Annexes de chapitre...................................................................................................................................................91 Postface......................................................................................................................................................................95 Index des acronymes..................................................................................................................................................97 Bibliographie des ouvrages et thèses.........................................................................................................................99 13
  • 10. — PREMIÈRE PARTIE — MÉMOIRE DE THÈSE DIFFUSION : PUBLIQUE
  • 11. Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON Présentation synthétique de la problématique | Présentation synthétique de la problématique PRÉSENTATION SYNTHÉTIQUE DE LA PROBLÉMATIQUE Penser son système d’information. Appréhender ses évolutions. Questionner l’unicité et les frontières du SI d’une organisation au travers d’une nouvelle vision stratégique. Vers une nouvelle organisation d’entreprise grâce au modèle RDF. I. HYPOTHÈSES DE TRAVAIL A. HYPOTHÈSE N°1 – « IL EXISTE UN ‘AUTRE CHEMIN’ POUR LES SI. » 1. Deux visions historiques s’affrontent dans les années 70 : les sciences de gestion (« vision organisation- nelle ») ainsi que les ingénieurs de la micro-informatique naissante (« vision techniciste »). 2. La « vision techniciste » est celle qui a été très quasi-exclusivement sélectionnée par les organisations, comme choix par défaut qui n’est que rarement motivé « consciemment », devenant une sorte d’habitude col- lective. 3. Il est légitime, voire nécessaire dans certains cas, de remettre en cause cette « vision techniciste » et sortir de la dette technique mais aussi la dette organisationnelle créée par les outils informatiques. B. HYPOTHÈSE N°2 – « LE SI EXISTE DANS DES CADRES HUMAINS TRÈS CONTRAINTS. » 1. La finalité sociale, comme le droit, n’autorisent pas toutes les « formes » d’outils informatiques. Certains de ces outils informatiques peuvent engendrer des rejets sociaux. 2. La finalité sociale comme le droit sont non seulement légitimes, évoluant au gré de la société (exemple avec la RSE), mais également des phénomènes permanents et coercitifs dans les organisations et leur his- toire. Le débat est endogène à toute organisation. 3. La finalité sociale comme le droit, sont des sources de menaces mais aussi d’opportunités, qui agissent sur le système d’information. C. HYPOTHÈSE N°3 – « LA DIRECTION DES SI DOIT DÉSORMAIS ÉVOLUER FORTEMENT. » 1. La Direction des Systèmes d’Information ne doit pas être un « frein » aux métiers – comme c’est trop souvent le cas. 2. La DSI doit être isomorphe à l’organisation et aux circuits d’information formalisés et non-formalisés. 3. La DSI ne doit pas être un centre technique de l’information, mais l’appui du centre de pilotage de l’in- formation. 17
  • 12. Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON État de l’art | État de l’art ÉTAT DE L’ART II. Introduction : définir l'indéfinissable « SI »..........................................................................................................19 B. Le SI est une condition..........................................................................................................................................19 C. Le SI est une modalité ..........................................................................................................................................19 D. Le SI est une ouverture..........................................................................................................................................19 III. IA, mythe d’un système « universel » en entreprise et finalité sociale...............................................................21 IV. Une Direction des Systèmes d’Information, pour(-quoi) faire… ?.....................................................................24 II. INTRODUCTION : DÉFINIR L'INDÉFINISSABLE « SI » Si l’on est poète et prêtons-nous au jeu un instant, le sigle, les initiales, d’un Système d’Information (SI) évoquent d’abord la conjonction condition- nelle : « si ». C’est probablement la définition la plus simple et la plus complète que je puisse formuler : le SI est à la fois une condition, une modalité, une ouverture. Voyons pourquoi. B. LE SI EST UNE CONDITION D’abord par la richesse aujourd’hui exponentielle en nombre, des ouvrages qui lui est consacré, avec son lot de divergences ou de limites intrinsèques [MLS] : la digitalisation suivie de la numérisation, la robotisation de tous les pans de notre société ont per- mis ou contraint, l’émergence de systèmes informa- tiques complexes dans chaque organisation humaines. Complexes par leur mise en œuvre, leur technicité mais aussi par leur nécessité individuelle et collective qui sont devenues absolues. En gérant nos informations et nos connaissances, nos interac- tions et nos échanges, au travers de procédures et de processus, le système informatique devenu SI d’une organisation et le symbole de leur interconnexion via Internet, offrent d’abord la question de ce qu’est (et n’est pas) une organisation. Comme nous le verrons plus loin, la frontière entre le SI n’est guère plus étanche que celle entre organisation et société humaine. Dit autrement, il faut formaliser ou défi- nir, l’objectif et la réalité d’une organisation afin de pouvoir lui associer un SI – non l’inverse. C. LE SI EST UNE MODALITÉ  Là le consensus n’est guère de mise dans la litté- rature comme nous le verrons. Le SI part de défini- tions parfois restreintes, avec une vision plutôt technique voire techniciste – celle partagée par de nombreuses entreprises si l’on suit quelque peu l’ac- tualité du secteur. Le SI est aussi, parfois, et ce sera l’angle de cette thèse, en réalité l’ensemble de l’or- ganisation elle-même – au point que la définition entre SI et entreprise peuvent être régulièrement confondues. Cela peut sembler étrange au premier abord mais ce n’est pas seulement lié à une question de nécessité opérationnelle. Le SI ne représente pas une organisation (une entreprise) parce qu’il est essentiel pour elle. Le SI peut représenter l’en- semble d’une entreprise car c’est une modalité, une définition du SI qui est appliquée. La cohé- rence donc, imposera que nous suivions cette voie. D. LE SI EST UNE OUVERTURE Si l’on applique par raisonnement abstrait les deux remarques précédentes à notre définition, le SI est une ouverture. Il n’agit pas seul – quand bien même il serait autonome (ex. avec l’usage de l’intel- ligence artificielle). Il reçoit et émet des ordres, des indications, d’autres SI ou d’humains. Il agit parfois de manière physique comme nous le verrons au tra- vers des SI industriels et leurs capteurs-actionneurs. Cette ouverture est d’ailleurs le point d’achoppe- ment de toute entreprise : garantir l’intégrité à tout moment des données qui transitent par son SI ; le respect de l’organisation dans son forma- lisme ; résoudre dans un temps donné, souvent le plus immédiatement possible, une série toujours plus grande de problèmes. Nous avons déjà ici trois aspects du SI. Ils se retrouvent, plus ou moins directement, dans les défi- nitions que l’on trouve çà et là – et le piège qui peut exister à les suivre sans réflexion. Ainsi l’Ency- clopædia Universalisi nous propose une longue et particulièrement complète définition à partir de laquelle nous pouvons cheminer : 19
  • 13. Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON État de l’art | Introduction : définir l'indéfinissable « SI » « Le système d'information est aujourd'hui un élément central du fonctionnement d'une organi- sation. Un système d'information peut être défini comme un ensemble de ressources (personnel, logiciels, processus, données, matériels, équipe- ments informatiques et de télécommunication...) permettant la collecte, le stockage, la structura- tion, la modélisation, la gestion, la manipulation, l'analyse, le transport, l'échange et la diffusion des informations (textes, images, sons, vidéo...) au sein d'une organisation. (...) La définition donnée précédemment laisse entrevoir la com- plexité du système d'information, dont les décli- naisons vont s'exprimer à l'aide de différentes ar- chitectures. Il est primordial aujourd'hui de dis- tinguer système d'information (S.I.) et système informatique. Un S.I. peut être considéré comme une vue « automatisable » des métiers d'une or- ganisation et une vue fonctionnelle de l'informa- tique, donc indépendante de l'implémentation technique. Le S.I. est plus pérenne que l'architec- ture informatique. Les évolutions applicatives et techniques peuvent être indépendantes du S.I. en raison de l'évolution des technologies, des confi- gurations ou des besoins des utilisateurs. » Celle de Wikipédiaii , que nous pouvons présenter comme la définition qui « fait consensus » par le caractère ouvert et contradictoire de sa construction, en reprend l’esprit dans un format ramassé et qui détache quelque peu la définition du SI de l’organi- sation dans laquelle il évolue : « Le système d'information (SI) est un ensemble organisé de ressources qui permet de collecter, stocker, traiter et distribuer de l'information, en général grâce à un ordinateur. Il s'agit d'un sys- tème socio-technique composé de deux sous-sys- tèmes, l'un social et l'autre technique. Le sous- système social est composé de la structure orga- nisationnelle et des personnes liées au SI. Le sous-système technique est composé des techno- logies (hardware, software et équipements de té- lécommunication) et des processus d'affaires concernés par le SI. » Ces définitions sont intéressantes et sont un bon départ – bien que sommaire. Il convient de les approfondir car le sujet est majeur pour la suite. Dans Ingénierie des Systèmes d’Information, les auteurs reviennent sur la complexité de définir ce qu’est un SI et surtout l’impossibilité, lorsque la définition devient « complète » (au sens de l’ex- haustivité de son influence et de son activité sur l’organisation visée), de la détacher de la définition de l’entreprise elle-même. Ils partent ainsi de deux définitions précédentes, qui font autorité et que l’on détaillera ensuite, pour produire une pensée intéressante : « Ensemble organisé de ressources : matériel, personnel, données, procédure permettant d’ac- quérir, de traiter, de stocker et de communiquer des informations (sous forme de données, textes, images, son, etc.) dans les organisations. » [REIX98] « Un SI est une système utilisateur-machine inté- gré qui produit de l’information pour assister les êtres humains dans les fonctions d’exécution, de gestion et de prises de décision. Le système uti- lise des équipements informatiques et des logi- ciels, des bases de données, des méthodes ma- nuelles, des modèles pour l’analyse, la planifica- tion, le contrôle et la prise de décision. » [DAV86] Comme pour les définitions de Wikipédia ou d’Universalis, les auteurs en ce début 2001 forma- lisent deux « catégories d’éléments » qui n’ont pas été remis en cause jusqu'à aujourd'hui : 1. des principes fondamentaux de division du tra- vail et de coordination des tâches ; que l’on pour- rait réduire à des aspects dits « métiers » : la production de biens et de services via le SI ou son pilotage direct ; 2. divers dispositifs qui donnent vie à l’organisa- tion et permettent l’accomplissement coordonné des activités : systèmes de planification, systèmes de diffusion et de traitement de l’information, systèmes de contrôle, de récompense, etc ; que l’on pourrait ici réduire aux procédures et aux processus – bref aux aspects de gestion. Nous y retrouvons donc les procédures produc- tives d’une entreprise (sous un angle « métier » qu’est la division du travail) et des « dispositifs » qui donnent « vie à l’organisation » que sont les pro- cédures de gestion. Finalement cette vie dans son ensemble – que représente le quotidien vécu – existe au travers d’outils qui ne sont pas directement infor- matiques, voire même ne sont pas du tout définis (pouvant reposer par exemple, pour le système de récompense, sur une habitude ou une récompense quelconque). 20
  • 14. Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON État de l’art | Introduction : définir l'indéfinissable « SI » La difficulté à détacher SI et organisation s’illustre facilement. L’exemple donné par l’ouvrage est deux personnes dans le couloir qui discutent de sujets professionnels. Est-ce que « cela » (cette conversation, ces personnes) fait partie du SI ? Oui si l’on considère que c’est un moyen efficace et pensé explicitement comme un traitement de l’infor- mation. Les deux personnes sont des salariés, qui échangent dans des modalités professionnelles et sur des sujets qui concernent leur entreprise, dans un but et une hiérarchie communs. Les auteurs le disent sans ambage : « Il n’y a plus dès lors, de distinction entre SI et organisation : tout est traitement de l’information. » Cette « infor- mation » est alors une définition de presque n’im- porte quoi dans l’organisation (que ce soit matérialisable ou non). Historiquement les activités de gestion des orga- nisations se sont informatisées les premières – l’au- tomatisation industrielle étant mise à part, car la connexion avec d’autres systèmes techniques de l’entreprise était quasi-inexistante et ne repose pas sur des principes d’une machine universelle mais l’automatisation d’une technique. Très tôt dans cette procédure de création de ce que serait notre « SI » contemporain, le rapport à sa matérialité (et sa disponibilité) s’est poséiii   : l’infor- matique a cette intérêt de permettre de « rêver l’or- ganisation (…) c’est-à-dire [qu’ils ont] imaginé une organisation idéale à partir de ce que les technolo- gies permettaient (...) » [FIX97]. C’est cette formali- sation qui ne s’est pas démentie depuis : le SI s’est accru en ‘avalant’ des parties de l’organisation – notamment les relations commerciales puis de ges- tion directe et en temps réel des flux de production et de logistique face à la demande. L’organisation des métiers se serait rêvée dans ce que permet l’outil informatique dans son ensemble. Pour reprendre l’exemple de la discussion dans le couloir, la modalité aurait pu être différente : durant une réunion dans une salle dédiée, en télétravail, en téléconférence, par courriel, par voie postale – ou même par un pigeon voyageur. Les auteurs évoquent le « caractère contingent de la définition » du SI si l’on souhaite travailler dessus comme entité d’une organisation et non de l’organisation elle-même. Ils indiquent donc, non sans un certain fatalisme, des choix qu’ils ont faits « [tels qu’ils] résultent de l’his- toire des disciplines – informatique, gestion, théorie des organisations : ce que l’on appellera systèmes d’information sera, dans la pratique et quoiqu’en disent les définitions, la partie informatisée des pro- cessus de traitement de l’information ». C’est dire si c’est bien un des deux chemins possibles qui a été choisi – presque malgré les Sciences de gestion –, qui ont produit aujourd’hui cette impasse, ce dilemme insoluble où l’on tend naturellement à ramener le Système d’Information à sa portion strictement informatique ou au moins à une vision très technique (que j’appellerai tout au long de ce mémoire « une vision techniciste ») – en se confondant donc pour beaucoup (voire totale- ment) avec le Système Informatique. Cette présente thèse prend l’alternative de ce chemin évoqué par les auteurs au début des années 2000 et que je considère ici telle une impasse : un Système d’In- formation, lorsqu’il devient à la fois impératif à une structure économique, qu’il regroupe l’en- semble de ces échanges internes et externes, qu’il est conçu dans le formalisme de l’organisation et de ses contraintes sociales et légales, ne peut être résumé à sa (seule) matérialité numérique. Il n’est pas une partie de l’entreprise : il l’est l’en- treprise. Il ne peut donc pas être multiple – ça n’au- rait pas de sens, même s’il est composite –, mais un tout, avec des composants spécialisés et communi- cant entre eux. Voire il devient même une part de la relation qu’entretient le client ou le prestataire, le fournisseur, avec l’entreprise. Ces derniers agissent sur le SI vision « organisationnel » ou « humain » comme le SI peut agir en retour sur eux. Malgré l’aspect aux origines et d’apparence pure- ment universitaires (une définition d’un concept), nous pouvons déboucher sur des modalités profes- sionnelles, pratiques, bien différentes (une vision opérationnelle d’une organisation). III. IA, MYTHE D’UN SYSTÈME « UNIVERSEL » EN ENTREPRISE ET FINALITÉ SOCIALE La suite est l’application, et plus particulièrement ce qui a été à l’origine d’à peu près toute notre infor- matique contemporaine dans le courant des années 60. J’évoque là quelque chose qui a tous les traits, de nos jours, à ce qui ressemble à une « mode » : l’In- telligence Artificielle. Combien est écrit, chaque jour, dans le monde, avec plus ou moins de précision et de recul, sur ce qui relève, là encore, d’abord d’un débat sémantique. Non que ces écrits ne soient pas de qualité, mais un bon Directeuriv des SI – donc un 21
  • 15. Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON État de l’art | IA, mythe d’un système « universel » en entreprise et finalité sociale bon gestionnaire d’une organisation, une entreprise dans ma thèse – ne peut s’épargner d’une réflexion et une connaissance éclairée sur ces sujets – qui remontent à l’origine même de l’informatique, voire qui a décidé de ce qui serait bientôt « la programma- tion » dans les années 70 et 80. Nous y reviendrons. L’IA – l’Intelligence Artificielle, volontairement je n’en définis pas davantage ici les subtilités pour l’instant – semble sur le papier du moins, la réponse espérée par toutes les entreprises : une sorte de for- mule magique, applicable du grille-pain aux sys- tèmes de production industrielle, qui non seulement paraît « comprendre » ce que l’humain ne peut pas (parfois même au travers d’une organisation com- plexe) mais aussi prévoir une évolution ou un phéno- mène naturel (c-à-d partiellement ou totalement imprédictible sans de lourds traitements), comme la parole humaine. Nous le verrons plus loin, des deux principales branches de l’IA, les principes de la « logique floue » et du système expert, s’appliquent plus souvent que le développement d’une IA « consciente » du problème. Tant d’un point de vue commercial que d’organi- sation interne, cette gestion d'événements est parfaite (au sens de complète, immédiate), ce qui permet d’éviter tant de difficultés dans l’activité courante comme de définir une stratégie « innovante » pour l’organisation. Facilement on devine le lien avec le sujet précédent… où SI se confond avec l’organisa- tion elle-même ! C’est cela le plus notable peut-être, lorsque l’on fait l’état de l’art : avoir une notion sur les SI « matérialistes » (c’est-à-dire qu’ils sont réduits à ce qui a trait à l’informatique, au numé- rique). Cette notion souvent se heurte à l’aspect pourtant universel, voire universaliste, des outils qui prétendent être le centre du SI, se voulant en contrôle de l’activité même de l’entreprise. Bien sûr l’IA n’a pas l’exclusivité de cette mainmise, comme nous pouvons l’imaginer avec les ERP format « clas- sique » ; cependant la nature particulière d’un logi- ciel de gestion complet en IA amène à dépasser ce que peuvent réaliser ces derniers. Cette « magie noire » qu’est l’IA comme les développeurs appellent parfois certaines de leurs fonctions, se paye cependant par un manque de visi- bilité sur l’organisation véritable du modèle sous-ja- cent à cette ensemble « intelligent » et ses défauts, ses dérives éventuels. Car l’IA fonctionne, repose d’abord sur la fabrication d’un modèle performant et efficace. Parce qu’elle tend à « savoir faire » et à « connaître » – bref elle prophétise par ses prédic- tions mathématiques –, elle exonère progressive- ment de leur responsabilité les décideurs et le haut-encadrement, avec une illusion du contrôle et de complétude de la situation / décision. En cela, l’IA peut être vu comme un expert extérieur, un arbitre ou un messie même (!), qui vient donner du sens, une direction, une solution. Elle serait dans une forme absolue, un « Être supérieur » à l’origine du Projet, comme nous le verrons plus loin dans ce mémoire (cf. les textes de Platon). Ce sujet n’est pas neuf : dès les années 70, des universitaires déjà, dénonçaient l’enfermement dans un outil intellectualisant (qu’il soit technique ou organisationnel) et unique : « Malgré nos dénégations, nous vivons toujours selon le principe du "one-best-way", c'est-à-dire selon l'illusion qu'on peut séparer les moyens et les fins et que les techniciens [les experts, NDR] peuvent déterminer le seul meilleur moyen une fois qu'une fin a été clairement fixée... En fait ce raisonnement qui a permis de grands progrès est un raisonnement pauvre, qui devient de plus en plus paralysant, non parce qu'il est inhumain, mais parce qu'il ne rend compte que d'une partie de la réalité... A côté de la démarche décompo- sante et hiérarchique impliquant une causalité simple, [on peut] (…) développer une démarche totale prenant en compte les ensembles "fins/ moyens". » in Balle-Peaucelle,1972, p.164 ; provenant de Théorie du système général, 4e édition de 1977) Avec ironie donc, il est intéressant de noter que cette IA ‘ultime’ serait cette illusion totale pour l’en- treprise et vers quoi semblent tendre plus ou moins tous les logiciels du secteur, à des degrés divers, afin de se matérialiser finalement comme une super-Di- rection générale automatique (de l’entreprise ou d’un de ses secteurs) qui répondrait à la fois aux contraintes internes et externes, se débarrassant des esprits et des motifs qui l’ont mis en place. En fai- sant de celle-ci une (la?) conscience propre de l’en- treprise et n’agissant que pour elle, débarrassée des modalités humaines, elle trouve ses racines poli- tiques à la fois dans la forme la plus aboutie du capi- talisme où n’existent que des « actionnaires » et des « productifs » (l’encadrement n’étant plus néces- saire) mais aussi, quelle ironie !, à une forme stricte- ment inverse, que l’on peut qualifier de socialiste, où l’on assiste à une forme inédite d’autogestion d’un collectif, hybridée entre machine et humain. C’est-à- 22
  • 16. Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON État de l’art | IA, mythe d’un système « universel » en entreprise et finalité sociale dire que l’on reviendrait finalement à ce que l’on dénonce : l’absence d’intelligence collective car celle-ci est ramenée à une stratégie unique, une vision « techniciste » et finalement sans but réel pour l’humain et son épanouissement (car en cela quelle finalité pour l’humain d’avoir une entreprise qui le rejette, qui s’organise d’elle-même et par elle- même, finalement pour elle-même : sans lui et sans explication?). Nous en sommes (heureusement?) encore loin mais la communication « marketing » qui est faite sur l’optimisation des performances, la réduction des coûts, la maîtrise en temps réel des difficultés, l'ap- prentissage permanent et automatique de l'environ- nement, sont autant de formes détachant l’encadrement de ses rôles premiers (particulière- ment les finalités stratégiques) et renversant la pyra- mide des valeurs et des ordres au sein de l’organisation : le SI peut rapidement devenir à la fois la source d’économies, de nouveaux profits mais aussi de fortes tensions sociales, qui conduisent à son rejet et/ou à son dysfonctionnement. Finale- ment l’entreprise ne perd pas seulement de l’argent, c’est-à-dire l’outil de médiation économique entre des individus ou des collectifs, mais plus encore de l’image auprès de ces derniers ; au point même de faire disparaître le sens de l’organisation écono- mique : entreprise comme entreprendre ensemble vers un but commun. Ignorer ou minorer cet état de fait est un risque qu’une Direction des SI doit prendre avec gravité. Il ne s’agit plus seulement d’accompagner le change- ment de l’activité d’une entreprise mais de son essence et de sa finalité, comme de son rôle dans la société. Ce ne serait pas la première fois qu’une telle chose se produit : la mécanisation puis l’automatisa- tion, la capitalisation puis la financiarisation, ont été des phénomènes structurant les entreprises et qui ont produit des effets incalculables – bons et mauvais – sur les sociétés humaines du monde occidental qui a vu naître et développer ces formats techniques. Je peux comprendre, à la lecture de ses lignes, l’interrogation : quel rapport avec le sujet initial de la thèse ? Et bien tout : le SI n’est pas distant, déta- ché, de ce que l’on attend d’une entreprise – même si l’on ne retenait que la définition d’un SI comme composant prioritairement informatique de l’information d’une organisation. Un SI par exemple, n’est pas détaché de la RSE – Responsabi- lité Sociale et Environnementale – d’une entreprise. C’est-à-dire que le SI doit répondre à des contraintes qui sont imposées par ou pour les entreprises. Une entreprise existe au-delà et pour autre chose que la pérennité et le développement de son SI – quelque soit la définition qu’on lui donne. Ce sujet est tellement majeur, particulièrement en Europe et plus largement dans le monde occidental, qu’il a été l’objet d’une norme : ISO 26000. Par ailleurs le site du Ministère français de l’Économiev nous rappelle les questions centrales de ce sujet entériné au niveau européen par une directive en 2011 : « (...) La RSE doit aborder 7 questions cen- trales : 1. la gouvernance de l’organisation 2. les droits de l’homme 3. les relations et conditions de travail 4. l’environnement 5. la loyauté des pratiques 6. les questions relatives aux consommateurs 7. les communautés et le développement local (...) [Elle] se traduit par un comportement éthique et transparent de la part des entreprises. Il concerne l’entreprise dans toutes ses activités. Cela passe par exemple par : • une pratique éthique des affaires pour favori- ser le dialogue et la transparence auprès des acteurs de l’entreprise • une stratégie managériale adaptée afin de pé- renniser l’activité sur le moyen et long terme, et encourager les relations et les ambiances sereines au travail • le respect des droits humains, que ce soit pour les salariés de l'entreprise, mais aussi pour les consommateurs • l’équilibre de la relation client fournisseur afin de conduire une négociation juste • le choix des sous-traitants afin notamment de vérifier qu'ils respectent les droits de l'homme et interdisent le travail des enfants • le respect de l’environnement, tel que l’eau, l’air et la biodiversité, mais aussi à travers le traitement adapté des déchets et l’utilisation attentive de transports • les économies d’énergie (...) » Vous comprendrez donc, derrière l’introduction de cette partie sur l’IA, qu’il est en réalité la ques- tion – presque philosophique – de la gouver- nance d’une organisation, d’une entreprise. Le SI n’est pas seulement contraint par sa finalité (à quoi il sert), par quoi il est fait (sa nature) ou encore par qui il est géré (sa mise en œuvre). Il n’est pas seule- ment contraint par la question des données person- 23
  • 17. Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON État de l’art | IA, mythe d’un système « universel » en entreprise et finalité sociale nelles – même si le sujet fait régulièrement l’actua- lité, tout particulièrement à presque un an après l’ap- plication légale du RGPD – Règlement général sur la protection des données. Le SI dans ma thèse, est l’entreprise parce qu’il en est son organisation – la représentation visible, matérielle, par l’informatique ou les personnes – comme la représentation invisible et immatérielle que sont les procédures et le cadre réglementaire ou légale, ou les relations humaines. C’est dire si la définition du SI, de ses limites théoriques ou sociales, sont réelles, palpables et finalement bien peu présentes (ou tellement dispersées) dans l’actua- lité quotidienne du sujet. IV. UNE DIRECTION DES SYSTÈMES D’INFORMATION, POUR(-QUOI) FAIRE… ? Nous venons à la troisième et dernière partie de l’état de l’art, en résumant le côté « pilotage » du SI au travers des responsabilités de sa Direction. Ce rôle est, traditionnellement, confié à deux fonctions spécifiques qui sont alors étendues et jugées complé- mentaires, incarnées régulièrement par une personne unique : • la fonction de pilotage du système informa- tique où le Directeur du SI étend alors son domaine d’activité à l’intérêt du contenu et plus seulement du contenant. Exemple : un Respon- sable des Systèmes Informatiques devient Direc- teur des Systèmes d’Information (approche « technique ») ; • la fonction de gestion des processus du SI, œuvre des gestionnaires « généraux » ou « métier », où le Directeur du SI étend alors son domaine d’activité à la sphère technico-maté- rielle. Exemple : un Directeur Commercial qui devient Directeur des Systèmes d’information (approche « métier »). Ces deux situations peuvent se trouver soit par promotion interne, soit par embauche externe et ces deux approches, techniques ou métiers, se reflètent dans le parcours de la personne devenue DSI. A tout le moins dans des organisations qui ne recrutent pas des personnes dont c’est le métier à l’origine… des profils qui restent rares vu la contemporanéité des formations qui y aboutissent. On pourrait imaginer que ces évolutions « humaines » sont intéressantes voire pertinentes pour l’entreprise – et c’est certainement le cas. Ici la généralisation n’est guère possible : il s’agit d’une question de maturité dans l’abord du sujet. Cepen- dant il faut admettre, si l’on considère les points pré- cédents de cet état de l’art, que la maturité plus spécifique d’un SI (c’est-à-dire sa puissance et son poids dans une organisation) n’est pas simplement un amoncellement technique. La qualification de la maturité doit donc être globale. De plus l’historique d’un système n’est pas à négliger mais il ne doit pas incarner ce que devrait être la manière dont doit être pensé un SI : ce qui est actuellement ne doit jamais être considéré autrement qu’un acquis vivant donc indéterminé pour la suite (ou en résumé, l’avenir n’est pas une projection du passé). Piloter le SI revient en cela à insuffler la « vie » comme l’évoque à plusieurs reprises les documents étudiés. Le DSI – Directeur des Systèmes d’Informations – devient donc un par- tie prenante voire un arbitre essentiel dans les déci- sions les plus lourdes. Ses décisions, sa stratégie, impactent toute l’organisation et davantage le SI est fondamental à l’activité de celle-ci, davantage chaque décision doit être prise avec une main trem- blante… Donner la vie, c’est donner une âme, une portée intellectuelle et physique, à un système. C’est un acte hautement politique, au sens de la vie « publique » d’une organisation et fait appel à des ressorts culturels et civilisationnels puissants. Piloter et penser un SI sont alors à mon sens des termes forts synonymes. A tout moment le DSI doit s’interroger du mieux qu’il puisse faire : telle pour- rait être la définition du terme de « gestion », dans le respect d’un schéma de gestion. Ainsi le SI serait le premier (voire l’unique?) outil de gestion (intégré) d’une entreprise. Le DSI serait donc le premier des gestionnaires – confortant le rôle et la place que j’évoquais plus haut, où le SI renverse progressive- ment la hiérarchie avec le haut-encadrement et la Direction générale, avec des dérives qui peuvent rapidement survenir. Dans l’ouvrage Ingénierie des Systèmes d’Infor- mation, les auteurs tentent de donner une réponse et introduisent ce questionnement essentiel. Quelque soit la définition d’un SI comme système informa- tisé, « [on] retrouve implicitement la distinction entre système de décision, système d’information et système opératoire » [LEM 90]. C’est-à-dire qu’il y aurait trois systèmes cohabitant. En résumé la DG – Direction générale – serait le premier ; la 24
  • 18. Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON État de l’art | Une Direction des Systèmes d’Information, pour(-quoi) faire… ? DSI le second ; le Directeur de production le troi- sième. Cette distinction paraît fondée si l’on s’en tient à un SI strictement informatique. Plus loin, les auteurs nous renseignent – tout particulièrement le passage en gras : « (...) le système d’information ‘irriguant’ l’orga- nisation pour permettre le fonctionnement des deux autres. Cette notion d’alimentation de l’or- ganisation renvoie bien à l’idée d’un réseau structurant, l’intégration étant réalisée à la fois par le couplage homme-machine et par la connexion, permise par le SI, entre les diffé- rentes entités qui composent l’organisation. Mais cette vision doit rester analytique : elle n’im- plique en aucun cas que les trois systèmes ren- voient à des acteurs différents au sein de l’or- ganisation. Traduire l’existence des trois sys- tèmes en entités distinctes du point de la vue de la division formelle du travail revient à privilé- gier une approche purement fonctionnelle des systèmes d’information, la responsabilité de l’action revenant in fine aux décideurs et aux exécutants. En fait, les travaux de la recherche en gestion ont bien montré qu’aucun système d’information n’est neutre par rapport aux niveaux opérationnels ou stratégiques. » En somme le SI donne de l’information, la traite et la stocke, mais sa restitution se fait dans un contexte et agit sur celui-ci. Distinguer la fonction de direction d’une entreprise, la direction de son SI et la direction de sa production est une approche comme une autre et non, parfois comme cela peut être indiqué, l’unique approche. Pire, d’un point de vue opérationnel, il n’est pas rare que ce sujet de gestion à haut niveau repose soit sur une seule personne, soit sur un nombre extrêmement limité de cadres, sans qu’il y soit pris conscience de la situation (ce n’est donc plus un choix de gestion mais un héritage,d’habitude ou de main-mise qu’il convient de questionner). C’est dire si le sujet est majeur qu’un peu plus loin, ils évoquent les « ambiguïtés similaires » à celles de la définition de ce qu’est un SI. Ils consi- dèrent trois points essentiels – exclusifs entre eux et que je reprends pour ma thèse – en n’oubliant jamais qu’il existe un minimum commun à ces trois points, qui est un SI présentant des propriétés des outils de gestion : 1. le SI constitue un « ensemble d’outils de ges- tion » exclusivement, 2. le SI n’est qu’un « fournisseur d’informations utilisées par les outils de gestion », 3. que les « outils de gestion font, par définition, partie du SI ». A cela s’ajoute trois modèles principaux pour leur application : le modèle dit « formel » sur lequel le SI fonctionne (schéma matériel, logiciel, procédural) pour l’appréhender ; un modèle dit « d’efficacité » (« l’intention derrière l’outil ») qui recherche à faire cohabiter outils et métier (ou objectif) ; un modèle « d’organisation » ou comment l’entreprise devrait fonctionner pour l’épanouissement de son SI (un cercle vertueux en quelque sorte). Ces points sont indépassables pour un Directeur des SI – et exclusifs les uns des autres dans notre thèse. C’est-à-dire qu’il ne peut s’approprier qu’une des trois définitions du SI comme outil de gestion et donc il ne peut assurer son pilotage qu’au travers d’une de ces définitions. Ce choix conditionne alors la vision développée du SI et lui fait perdre toute neutralité, toute objectivité dans son appli- cation – au-delà d’un discours plus classique sur l’humanité et donc la subjectivité de chaque être. Le SI est bien un des éléments fondamentaux modernes dans les rapports de forces qui animent une organisation ou une entreprise. Cela n’implique pas que le DSI gère l’entreprise mais il gère les outils (et donc l’application des procédures voire leur écriture – CQFD) qui gèrent l’entreprise. Son implication est directe et ses choix engagent en pre- mier lieu la direction générale même de l’entreprise. Dans le cadre des travaux de rédaction de cette thèse, gardons l’approche d’un SI composé en partie d’outils de gestion dans un modèle dit d’efficacité, c’est-à-dire où la priorité aux métiers de production de l’entreprise est donnée, et qui me semble la voie sinon la plus répanduevi , au moins celle qui devrait être défendue. Ce n’est, comme nous le verrons plus loin, là encore non sans certaines conséquences. Pour conclure cet état de l’art, il nous faut nous tourner vers la période récente et comment les pro- fessionnels du secteur se sont appropriés ces sujets d’une manière collective. Pour cela le guide de l’au- dit de la gouvernance du système d’information de l’entreprise numérique – édité notamment par le CIGREF – offre une trame intéressantevii , que le lec- teur lira en parallèle de ce mémoire. Enfin rappelons le sujet qui nous occupera durant ces pages : Questionner l’unicité et les frontières du SI d’une organisation au travers d’une nouvelle 25
  • 19. Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON État de l’art | Une Direction des Systèmes d’Information, pour(-quoi) faire… ? vision stratégique. Peut-être est-ce et avant tout, se poser des questions sur soi et le rapport aux autres, sur les motivations et les intérêts, sur ce qui concoure à définir et prendre une décision et que celle-ci touche au SI. Bref questionner l’unicité et les frontières du SI c’est questionner ses propres connaissances et de ce qui entoure le décideur : en cela n’est-ce pas tenter de développer une nouvelle vision stratégique ? 26
  • 20. Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON Démarche (réflexive) proposée | Démarche (réflexive) proposée DÉMARCHE (RÉFLEXIVE) PROPOSÉE La « perfection » de LISP, son influence et pourtant son échec..................................................................................1 Le tableau est une carte ; « Savoir son savoir » ; Gérer l’expertise au lieu de l’expert............................................5 Introduire le sujet des connaissances : le tableau de bord en entreprise....................................................................6 « Savoir son savoir » ou la gestion quotidienne des connaissances, l’arlésienne....................................................13 Gérer la décision : les systèmes experts, aujourd’hui peut-être la plus « acceptable » des branches de l’IA en milieu professionnel et industriel  ............................................................................................................................31 DSI – (D/d)irection (et Directeur).................................................................................................................................38 Normes ou standards ; L’efficacité économique du droit..........................................................................................39 Normes ou standards : le poids des mots, le choc des intérêts.................................................................................39 L’efficacité économique du droit...............................................................................................................................44 L’actualité du droit international n’est pas neutre pour la fourniture et la production du SI...................................46 Ce qui existe, ce qui se sait et ce qui agit. L’exemple DoH vs RGPD........................................................................48 Influence et frontière : le SI est en question permanente...........................................................................................51 L’intérêt entre toujours en jeu, mais l’intérêt de qui ?..............................................................................................51 Les frontières du SI : « le pliage de forces en formes »............................................................................................53 Il n’est pas évident, lorsque l’on débute un travail dont le sujet est large et potentiellement polémique, de trouver une accroche à la fois intéressante, consensuelle et pertinente. Le plus évident aurait été d’enfoncer des portes déjà ouvertes – ne serait-ce que tester si effectivement, elles le sont déjà. J’ai préféré m’attarder des sujets que j’ai perçus au gré de mon travail et de mon expérience auprès de per- sonnalités publiques de premier plan, comme des sujets moins traités, moins mis en évidence ou qui peuvent disposer d’une démarche peut-être plus ori- ginale – cette certaine originalité n’étant pas incom- patible avec l’antériorité comme nous le verrons régulièrement. Cela n’implique pas l’absence de papiers sur les sujets évoqués, de débats – voire de visibilité sur les problématiques abordés. Bien au contraire : j’espère qu’à la fin de la présentation de la démarche, votre première réflexion sera : « tiens, sur un sujet d’ap- parence maintes fois traité, je n’y aurais pas pensé, pas comme cela... » Avec des applications très concrètes, bien que disséminées. L’objectif ultime de la démarche est simple : aborder et anticiper pour une structure humaine complexe, une organisation entreprenariale, des risques moins « pensés » bien que fréquents, que ceux rencontrés habituellement dans les ouvrages sur les SI… et à travers cela, se connaître elle-même et s’améliorer. Mille viae ducunt homines per saecula Ro- mam Qui Dominum toto quaerere corde vo- lunt.* *Connu de nos jours par l’adage populaire Tous les chemins mène à Rome ; Alain de Lille (XIIIe siècle) V. LA « PERFECTION » DE LISP, SON INFLUENCE ET POURTANT SON ÉCHEC La qualité d’une idée ou d’un projet, fût-il génial, n’est pas un gage d’adhésion ou de réussite dans sa mise en œuvre... Alors, peut-être pour conjurer le sort de ma propre application théorique en conclu- sion de ce mémoire, j’ai illustré cette première tran- sition par un cas particulier et qui regroupe pourtant tout ce que l’informatique compte de plus moderne et d'ambivalent. Ce cas importe car il aborde de nombreux aspects qui émaillent le mémoire mais finalement, il compte peu en lui-même. Il s’agit d’abord comprendre les motivations de certains choix (techniques ou sociaux) dans un collectif. LISP – LISt Processing, est un exemple du meilleur de la programmation, de l’abstraction et du raisonnement et qui, pourtant, n’a pas abouti beau- coup plus loin que l’université et quelques projets industriels (fussent-ils d’ampleur). La raison de cet échec est (en partie) la cause de sa qualité : sa conception mathématique de la programmation grâce au lambda-calcul, autorisant le tout premier langage impératif et fonctionnel au monde. LISP est en ce sens « parfait » car il hérite de la précision mathématique, de ses modèles et de son enseigne- ment. Une précision qui, pour certaines implémenta- 27
  • 21. Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON Démarche (réflexive) proposée | La « perfection » de LISP, son influence et pourtant son échec tions de Common LISP (la version moderne et nor- malisée de LISP par l’ANSI en 1994), vont même jusqu’à la représentation en mémoire de nombres fractionnaires ou sans limite de taille dans la préci- sion. LISP deviendra aussi une pierre angulaire sinon le créateur de tous les concepts modernes et fondamen- taux de développement, irriguant de nombreux lan- gages : Javascript, Scala, Haskell, Closure, Rust, Java, Clips, Python, Prolog… Citons par exemple l’évaluation paresseuse ; les macros (les « vraies », pas seulement le pré-processus de compilation comme en C) ; les fonctions anonymes ; la résolution de portée (notamment pour les fermetures) ; le gar- bage collector ; le paradigme de la programmation orientée objet ; les threads ; la continuation passive qui entraînera le principe du yielding-call/cc ; la réflexivité ; etc. Ces aspects de programmation désormais routi- niers ont été conceptualisés souvent des années avant leur popularisation au travers d’autres lan- gages, dont certains sont « commerciaux ». Un exemple de cette relation si particulière de la com- munauté technique et commerciale aux avancées informatiques « universitaires » : bien avant Java et sa tardive compilation « Just In Time » en 1993, LISP se permettait de produire les papiers sur ce sujet dès 1960 par l’écriture de son inventeur John MCCARTHYviii , puis l’application quelques années après. Au-delà de l’intérêt du lambda-calcul ou de la compilation à la volée, LISP introduit très tôt (en 1962), son premier bootstraping (que l’on pourrait traduire naïvement comme ‘amorce’) – c’est-à-dire la possibilité pour un langage de se compiler lui- même. Il n’est pas le premier langage à le faire, car dès le début des années 60, un des dialects d’AL- GOL le permettait (d’ailleurs sous l’influence de J. MCCARTHY lui-même !). Cependant en 1962, c’est bien la branche « principale » de LISP qui intègre cette évolution qui est largement repris par tous et forme désormais, pour qualifier un langage généra- liste d’abouti, comme un des challenges à accomplir. C’est dire si LISP a formé, durant des dizaines d’années, la base de nombreux développements majeurs pour la production informatique. Il a formé aussi une certaine culture informatique aux informa- ticiens de tous ordres – parfois en opposition à ce langage. Il a irrigué, de manière discrète mais per- manente, ce qu’est le monde applicatif. Cette célébrité (honorifique, voire historique) qui lui permet d’être encore enseigné aujourd’hui, ne l’empêche cependant pas d’être régulièrement moqué par les développeurs (son acronyme deve- nant la dénonciation du format caractéristique des S-Expression en Lost In Stupid Parentheses ou Lots of Irritating Superfluous Parentheses…). Le langage est encore aujourd’hui vu par beaucoup comme lourd, mal adapté et décrié par une approche encore largement incomprise : le programme est une donnée comme une autre dans la mémoire de l’ordinateur (ce qui, matériellement, est une vérité). Ce qui a perdu LISP dans les années 80 est contenu dans cette approche généraliste, voire uni- verselle héritée des mathématiques, qui avait alors sa propre architecture de processeur et de cartes-mère, où l’espace de calcul était unique (d’ailleurs tout était écrit en LISP : l’OS et les programmes, la plu- part du temps sans temps partagé entre plusieurs « utilisateurs »). Certaines machines disposaient en outre d’un accès à une mémoire unique pour le sto- ckage de masse et intermédiaire : la machine avait donc un avantage dans l’accès aux données (la notion de fichiers n’existe alors pas comme nous la connaissons aujourd’hui) et de nombreux défauts techniques qui se caractérisent par l’absence de rapi- dité (cf. le stockage de masse) et le coût (les machines LISP sont excessivement coûteuses à l’époque du fait de l’absence d’harmonisation tech- nique et peu nombreuses en nombre, réduisant encore l’effet prix de la massificationix ). De nouvelles architectures techniques améliorant les performances et arrivant rapidement, la scission autour du modèle économique à suivre pour LISP (et sa fragmentation en multitude de dialectes), puis la formalisation d’une série de normes techniques POSIX (notamment centré sur le langage C, hérité et influé alors par FORTRAN), finissent de faire de LISP un langage comme un autre et ne plus être plus une voie matérielle ou logicielle alternative cré- diblex . Il reste pourtant à ce jour, le seul véritable lan- gage de programmation… programmable en lui- même. En 1983, la sortie des premières modèles « fami- liaux » en informatique avec une architecture diffé- rente (« moderne ») avec des espaces de stockage différents et déterminés, rend ceux-ci bien plus accessibles et dédiés à des usages différents de la recherche, particulièrement pour l’informatique de 28
  • 22. Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON Démarche (réflexive) proposée | La « perfection » de LISP, son influence et pourtant son échec gestion, la finance et les premiers jeux. Le nombre de modèles d’ordinateurs, d’écrans, d’accessoires (imprimantes, etc.) explosent dès 1984 et engendrent une forte concurrence où seuls les plus gros ven- deurs peuvent alors sortir leur épingle du jeu : « Cette abondance, qui se retrouve dans les autres pays européens, s’explique par l’absence de barrières à l’entrée suffisamment élevées pour limiter l’accès au marché. Tous les dispositifs du micro-ordinateur (...) sont disponibles et la concurrence que se livrent les industriels dans ces différents domaines garantit aux utilisateurs finaux un approvisionnement relativement sûr à des prix compétitifs. La contrepartie de cette si- tuation est une instabilité des marchés et de la gestion concurrence des différents constructeurs. La capacité d’accompagner la croissance de la demande devient un facteur décisif de la compé- titivité et même de la survie des entreprises. » DE MAUTORT Laurent. L'industrie des micro- ordinateurs (les principales lignes de force). In: Revue d’économie industrielle, vol.38, 4e tri- mestre 1986, pp. 64-73. Les difficultés à transposer sa richesse dans les autres langages alors balbutiants, à faire l’effort d’une liaison avec les architectures matérielles qui se généralisent, font de LISP une sorte de niche pour universitaires ou chercheurs privés dont la taille se réduit, malgré les coûts supérieurs de conception des langages de bas niveau. Le second hiver de l’IA que j’évoquerai plus loin, achèvera sa marginalisation industrielle et finalement langagière – quelque soit l’estime et l’intérêt des travaux d’alors. Son retour en grâce récent via Haskell ou Scheme, des LISP-1 ou LISP-2, des dialectes, masque mal cet échec. Si LISP est l’exemple de cette introduction de partie, la raison en est simple : j’évoquerai énor- mément certains concepts et systèmes issus des mathématiques, de la logique, du symbolisme et de la linguistique et tous, à un moment ou à un autre, ont eu trait à cet ancêtre (né en 1958!). Il a même eu sa déclinaison française, là encore un dia- lecte, appelé « Le Lisp » et porté un temps par l’IN- RIA – Institut national de Recherche dédié aux sciences du numérique. Cet institut est aussi le fon- dateur et le bureau permanent européen du W3C – World Wide Web Consortium, que nous évoquerons également longuement dans ce mémoirexi . Ainsi cette introduction initiale, malgré les exemples, peut sembler « hors de propos » ou anec- dotique. Mais elle me paraît essentielle pour ouvrir la conclusion de l’état de l’art car elle tente de tracer quelques grandes notions parfois mal jugées ou oubliées, qui pourtant me semblent essentielles dans l’appréhension des évolutions d’un SI dans l’ap- proche à la fois humaine et technique. Ce choix de parler du passé n’est pas anodin : il vient pour comprendre l’origine de certaines problé- matiques qui ont encore cours aujourd’hui. Une multitude de solutions ont été trouvées, parfois abandonnées parce que l’air du temps ou les moyens techniques, à l’époque, ne permettaient pas d’en faire des choix industrialisables. Car l’in- térêt d’une entreprise, n’en doutons pas, est d’être efficace – ou, à tout le moins, viable et donc efficient dans un monde en évolution permanente. Parfois, il s’agit également d’une affaire d’affect et de poids économique : Javaxii  par exemple, représente le lan- gage de programmation par excellence, au-delà par- fois de toute raison… parce que son éditeur est célèbre et l’effet « boule de neige » s’est produit. Bien évidemment je ne néglige pas l’aspect « machine virtuelle » qu’offre son éditeur Oracle, qui permet « d’écrire une fois, d’exécuter par- tout »xiii . Mais faut-il avoir ce besoin d’interopérabi- lité complète et, de plus, la plupart des langages plutôt de haut niveau fonctionnent avec une compi- lation en bytecode (code intermédiaire entre un lan- gage humain et machine) et non en code machine. Cela devrait inciter les développeurs à regarder d’abord les intérêts de chaque langage, les para- digmes supportés et la qualité des bibliothèques offertes, ainsi que l’efficacité individuelle et relative de chaque l’implémentation d’un langage, plus que le « mythe urbain » d’un langage « d’entreprise » faussement adapté « partout ». Le « mythe de Java » – comme l’on retrouve dans les articles dédiés à sa critique –, est d’abord un effet d’auto-entretien de la dette technique et de la masse des personnes formées, avant d’être la somme de ses qualités. En quelque sorte, c’est parfois le pire (« le commercial ») qui gagne, pour de bien mauvaises raisons. L’influence des choix techniques n’est pas, voire rarement, cantonnée à l’efficacité technique stricte… nous aurons l’oc- casion d’en reparler. 29
  • 23. Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON Démarche (réflexive) proposée | La « perfection » de LISP, son influence et pourtant son échec Figure 1: Comparatif des fonctionnalités de langage LISP vs Java Enfin LISP a un intérêt tout particulier : celui d’être le premier langage dit symbolique. C’est pour cela qu’il avait été à l’époque choisi pour aborder la recherche autour de l’Intelligence Artificielle dans toutes ses branches (apprentissage et décision auto- matique). Le symbolisme est, comme le permet un langage de programmation entre l’humain et la machine, la relation que nous entretenons avec les concepts, l’information et la connaissance. Faut-il définir un standard commun à tous les participants sur la définition et la représentation du symbole pour qu’il en soit un (et pas seulement un signe dénué d’intérêt). Ce sera l’objet de notre première partie. VI. LE TABLEAU EST UNE CARTE ; « SAVOIR SON SAVOIR » ; GÉRER L’EXPERTISE AU LIEU DE L’EXPERT Pour amorcer la démarche, il m’a semblé perti- nent d’expliquer davantage certains des termes et des idées qui les ont introduits. Ce n’est pas une autre partie de l’état de l’art, mais plutôt donner un point de départ contextualisé et finalement assez récent. Dans les années 80, l’informatique connaît un autre changement majeur en plus de la normalisation POSIX et dont découlera bientôt la « programmation objet ». Il s’agit des travaux de Marvin MINSKY qui publie, en 1974, un article – A Framework for Representing Knowledge – où il présente l’une des premières méthodes algorithmiques efficaces pour formaliser sérieusement des « objets » (des frames, des cadres) permettant de gérer la connaissance. Cette connaissance est alors dédiée principalement aux systèmes experts symboliques, que nous verrons en détails dans ce mémoire, dans la lignée du lamb- da-calcul que j’évoquais plus haut. Puis cette représentation a été étendue à la pro- grammation en générale, car elle permettait de créer une sorte de boîte (d’où le nom d’objet) où agissent des fonctions (souvent appelées « méthodes », qui peuvent être d’ailleurs de simples références à des fonctions génériques) et auxquelles on associe aussi des valeurs (souvent appelés des « attributs »). Presque tous les langages, qu’ils soient fonctionnels ou non, implémentent une variante des « objets ». Au point parfois d’être dans l’excès, conduisant à des débats sans fin sur les limites et l’intérêt de la pratiquexiv . Cette idée de classement, d’héritage, a été normé avec le « POO » – Paradigmexv Orientée Objet, qui réalise en trois étapes la conception logicielle : 1. OOA – Object-Oriented Analysis, c-à-d l’ana- lyse orientée objet, où l’on détermine les diffé- rents objets qui composent un environnement (y compris non-informatique), afin de remplir la réalisation d’un but ; 2. OOD – Object-Oriented Design, c-à-d la créa- tion d’un styliquexvi , où l’on fait un synthèse entre les objets « réels », analysés, et ceux qui compo- seront le logiciel ; 3. OOP – Object-Oriented Programming, c-à-d la programmation à proprement parler définissant les méthodes et des valeurs de chaque attribut. Cette notion de « représentation » et d’organisa- tion de l’information en terme de programmation, qui implique régulièrement un type particulier de développement, rappelle dans l’approche un domaine plus récent et non moins essentiel, qui concerne là aussi la jonction entre besoin, réalité et informatique : l’urbanisation du SIxvii . Elle concerne la « vision » de l’entreprise d’elle-même à travers ses composants informatiques qui répondent aux besoins de l’organisation et qui, en retour, s’adaptent aux possibilités des technologies mis en œuvre – l’idée étant de découpler chaque « compo- sant » du « système » afin qu’il puisse évoluer en minimisant l’impact sur les autres. En cela une « programmation » de l’entreprise est possible : il s’agit de la politique d’entreprise – où programma- tion s’apparente à un programme politique – 30
  • 24. Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON Démarche (réflexive) proposée | Le tableau est une carte ; « Savoir son savoir » ; Gérer l’expertise au lieu de l’expert fixant des objectifs, sur lequel se greffent les « projets » (en réalité plutôt des cycles de produc- tion itératifs, que nous verrons par ailleurs). Dans ce système qu’est l’entreprise, les compo- sants doivent donc être standards – nous verrons bientôt ce que cela implique – dans leur fonctionne- ment et dans les échanges avec les autres. Ces principes sont ceux de l’architecture d’entre- prise d’où provient l’urbanisation et tout particuliè- rement d’un article de 1987 – A Framework for Information Systems Architecture –, par John ZACHMAN, alors cadre du service marketing d'IBM – qui fut l’origine d’un commerce florissant à son nom (le Zachman FrameWork), en plus de déve- lopper une vision « cohérente » – selon lui –, entre organisation et informatique où cette dernière prédo- mine. A titre personnel, je crois que le basculement « définitif » du SI comme une vision très largement techniciste, « américanisée », détachée d’une réflexion sur la nature des choses étudiées, sans « informalité », trouve probablement son apothéose ici. Car si une entreprise et ses salariés y sont vus comme des « composants » d’un système complet, l’origine remonte très antérieurement à ces travaux modernes, tout particulièrement la publication de la Théorie générale des Systèmes en 1968xviii qui fonde le structuralisme et introduira les clés de la théorie contemporaine de la communication. Cette approche « techniciste », machiniste, repose sur une vision du monde du XVIIe siècle, celle rendue célèbre par René Descartes dans sa thèse de l’Animal-machine. Si la réalité est certes un assemblage complexe de « composants », sont-ils réductibles à des « objets » tous particulièrement communs, paramétrables et interchangeables à leur niveau ? A l'orée du dévelop- pement « RSE » des organisations, on comprend aisément que la réponse ne peut être un « oui » sans nuance. De plus l’Histoire des relations sociales en France et pour la seconde partie du XXe siècle en Allemagne, ne s’y prêtent pas. En effet au-delà du débat philosophique que nous traiterons plus loin, la gestion d’entreprise se heurte régulièrement à l’informel, aux « relations humaines » qui sont plus denses et difficiles à structurer dans un SI qui n’aurait qu’une vision techniciste. Dans le même temps, il serait faux de dire que tout cela est à balayer et n’a pas été une source de progrès : le terme « système » de Zachman et ce qu’il recouvre est le bon, mais son raisonnement doit être ouvert, approfondi, complexifié. D’une certaine forme, il doit être « réellement » normalisé. Vous aurez compris mon propos : tout modèle, toute synthèse perd une part de la réalité qu’elle pré- tend contenir ou représenter. Au sein d’une organisa- tion, on retrouve des débats qui animent plus largement la société et des couches de réalités, des ambitions, des comportements face aux crises et des légitimités face aux opportunités. Nous verrons bien- tôt le principe de conformité et dans les propositions, ce que peut être la conformité comme source d’éthique commune. Avant de voir les idées de normalisation, d’unicité et d’influence, j’ai pris l’étude des tableaux de bord au travers des attributs des cartes géographiques comme une illustration d’une autre approche pour aborder l’architecture d’une entreprise. Car les tableaux de bord, comme les cartes, sont à la fois des indicateurs mais aussi des repères de ce qui est attendu, désiré, su ou craint au sein d’une organisa- tion. Étudier les « tableaux de bord » d’une entreprise et les indicateurs qui les composent, de leur usage réel comme leur absence, me semble en faire com- prendre davantage sur l’organisation que ce qu’elle pourrait en dire elle-même. La carte formalise ce qu’elle renseigne au travers de la catégorisation et d’un processus non loin de l’usage d’un framework, d’un cadre. E. INTRODUIRE LE SUJET DES CONNAISSANCES : LE TABLEAU DE BORD EN ENTREPRISE « A map is not the territory it represents, but, if correct, it has a similar structure to the territo- ry, which accounts for its usefulness » Alfred Korzybski, A Non-Aristotelian System and its Necessity for Rigour in Mathematics and Physics (1931) J’ai souhaité, pour débuter cette partie, reprendre cet aphorisme célèbre d’un des fondateurs d’une pensée complexe moderne en sociologie et psycho- logie. Comme nous le verrons progressivement, le tableau de bordxix en entreprise n’est pas dénué du rôle d’une carte d’un environnement à un moment donné – ce que le domaine de la cybernétique confir- mera une vingtaine d’années plus tard. Il est aussi régulièrement le premier contact avec ses propres défis, d’une organisation qui grandit, qui évolue et 31
  • 25. Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON Démarche (réflexive) proposée | Le tableau est une carte ; « Savoir son savoir » ; Gérer l’expertise au lieu de l’expert qui voit apparaître ses premières difficultés à connaître, mesurer et gérer ses propres informations, ses propres connaissances. Car un des principes d’une carte n’est pas l’illus- tration directe de ce qu’elle représente – fusse-t’elle grâce à la photographie – mais la compilation d’in- formations sur la présence (le nombre) et la situation d’items donnés dans une zone donnée (le plus sou- vent géographique, mais qui peut être un espace conceptuel comme par exemple l’est la comptabilité, ou logique). La carte est un processus complexe que le tableau de bord reprend à son compte. Cette opération est, comme souvent, « une des- truction créative » grâce à deux étapes : • ce que je résume ici par « l’explicitation des données implicites » – c-à-d savoir ce que la carte ou le tableau de bord doit signifier, représenter. C’est l’abstraction, qui peut être vue comme le passage à un nombre différent de dimensions (ex. de 3 à 2 dimensions). Le créateur de la carte doit se conformer à l’at- tente du lecteur et le lecteur doit accepter les valeurs (symboliques ou métriques) du créateur ; • le résumé des informations disponibles, qui implique la catégorisation et la perte du « détail » vis-à-vis de la complexité du réel. En soi la carte – ou le tableau de bord – peut être associée à une sorte de valeur ajoutée statistique, même faible (ex. la mise à l’échelle implique la prise de mesure et le rapport de ces mesures à la taille de destination de la représentation ; pour le tableau de bord, il s’agit pour un même lot de données, de distinguer le niveau d’abstraction si l’on s’adresse à un opérateur ou à un directeur). Pour la partie cartographie de la « technique », la DSI n’y fait pas exception – au contraire. Grâce aux travaux de Ross ASBY, Roger CONANT et Stafford BEER dans les années 50, chacun par leur apport, ont fondé ce que l’approche managériale et d’étude est aujourd’hui. Dans l’ouvrage Les tableaux de bord de la DSI de Christophe LEGRENZI, l’un des co-auteurs Philippe ROSÉ nous le rappelle comme une vérité connue sous le nom du Théorème de la variété requise d’Ashby : « tout bon système de pilotage d’un sys- tème doit être un modèle de ce système : tout sys- tème de pilotage, à la fois réussi et le plus simple possible, doit être isomorphe au système à pilo- ter ». Ainsi on cherchera dans la culture de ce milieu ce que l’on souhaite faire pour déterminer la réalisation d’un tableau de bord, que je résume ici par « du quo- tidien » (pragmatique), une procédure ou d’un ser- vice (fonctionnel), un ensemble (systématique), la détection et la prévention (audit) ou équilibré (glo- bal) s’il s’agit de développer une « vue d’en- semble ». UTILITÉ DES TABLEAUX DE BORD EN ENTREPRISE Si l’utilité effective d’un tableau de bord est propre à chaque contexte local, des généralités peuvent être dégagées. J’en ai tenté la synthèse ici de manière logique, qui résume d’ailleurs quelques grandes étapes dans sa création : 1. Formaliser un besoin Un tableau de bord, fut-il en temps réel et le plus complet, n’a aucun intérêt s’il n’est pas utilisé. C’est bien l’usage et donc le souhait de l’utilisateur « final », comme pour tout outil, qui importe. Or il n’est pas si simple – l’exemple du suivi du chômage (format, régularité, catégories, etc.)xx dans le domaine public l’illustre régulièrement –, de se mettre d’accord sur la définition même de l’objet1 à étudier. La formalisation du besoin – l’objectivation du but d’une procédure, d’une règle ou d’une produc- tion –, doit être une première étape de « pacifica- tion » dans un débat sur une l’observation d’une situation. Ce besoins peut être lié à un métier ou à un aspect généraliste de l’entreprise. 2. Créer un consensus sur l’usage et sur le suivi Par la suite il est intéressant d’avoir une utilisa- tion déterminée et une révision périodique d’un tableau de bord, surtout si ce dernier doit revêtir une valeur objective (à des fins d’arbitrage). Cette révi- sion peut intervenir lorsque le tableau de bord n’est plus pertinent ou par obligation légale. Faut-il que la solution retenue – quelle qu’elle soit et pour toute raison – soit acceptée auprès d’un plus grand nombre : en interne d’une organisation par exemple, mais plus encore par l’externe autorisé. Ainsi un pool bancaire peut avoir intérêt à disposer d’un tableau de bord de la maturité des dettes de l’entreprise par classe de dettes, sous un format déterminé légalement, avec une périodicité trimes- trielle. En plus de certaines obligations liées aux organisations sociales, la conduite du changement n’est pas à négliger, surtout si une personne peut se 1 Au sens philosophique du terme. 32
  • 26. Campus CESI Angoulême, Titre de niveau I « Management des SI » Thèse professionnelle Julien GARDERON Démarche (réflexive) proposée | Le tableau est une carte ; « Savoir son savoir » ; Gérer l’expertise au lieu de l’expert reconnaître dans la mesure (efficacité d’un travail à un poste par exemple). Le secret statistique peut légalement devoir s’appliquer. L’existence d’un tableau de bord, papier ou numérique, n’est pas une autorisation à son utilisa- tion à tout craint, tout le temps et sans limite. Bien au contraire : c’est un outil stratégique et plus son raffinement est important, sa base « primaire » de données est grande, plus sa diffusion se restreint alors aux plus hautes instances décisionnelles de l’entreprise (DG, Directoire, Conseil de sur- veillance, etc.) et doit être encadrée dans la procé- dure (face aux biais, aux mésusages, etc.). 3. Regrouper les mesures dans un outil de pilotage (ou une procédure) C’est peut-être le plus attendu mais le plus signi- fiant : un tableau de bord a pour motivation première de produire une vision, ce que j’ai appelé plus haut une carte, sur des données qui représentent un pro- cessus, une direction, ou un événement. Cette vision est consolidée : elle agrège des sources avec rigueur. Pour éviter d’avoir un tableau de bord dont les résultats évoluent différemment dans le temps sans que les données de base n’évoluent – ou au contraire, avoir des valeurs affichées erronées pour dissimuler une situation – il est important qu’un outil ou a minima une procédure récurrente soit mise en place afin qu’un traitement identique soit assuré dans le temps. Cette contrainte, car c'en est une, se retrouve dans la démarche de conformité QSE que de nombreuses organisations cherchent ou mettent en œuvre. De plus une même donnée peut servir dans plu- sieurs cas et le partage d’un indicateur entre plu- sieurs tableaux de bord pour un même niveau d’abstraction, est un moyen supplémentaire d’avoir une vision cohérente globale ; l’outil de pilotage doit pouvoir favoriser une telle approche. 4. « Réduire » les données à de l’information (ou à de la connaissance) Un tableau de bord – surtout pour des indicateurs calculés et dans certaines situations avec des indica- teurs bruts – repose sur des indications ou des états qui sont produits à partir d’autres. Le besoin peut exister, être formalisé ; la procédure tout à fait docu- mentée ; le résultat ne doit pas être finalement déce- vant ou trompeur : il faut ne pas « additionner » les indications sans réflexion. Ainsi un indicateur, qui est une forme de réduc- tion de données plus larges, peut être faux logique- ment (ET, OU logique) ou mathématiquement (ex. avec une moyenne de moyennes de sous-ensembles au lieu d’une moyenne d’un ensemble plus grand ; médiane dans un ensemble indéfini ; etc.). Cette réduction passe par une collecte précise et dont la temporalité doit être cohérente entre tous les indicateurs. Par exemple si un ratio dont le numérateur évolue au fil de l’eau et que le dénominateur est hors d’âge, la pertinence du ratio peut diminuer voire s’annuler (voire être trompeur). Par exemple pour un ratio qui doit démontrer une situation actuelle, si le dénomi- nateur est la force d’attraction terrestre, ce n’est pas un problème… Si c’est une projection annuelle du CA calculé il y a trois ans et qui concerne l’année dernière, avec un usage pour l’année prochaine, c’est potentiellement un (grave) problème ! 5. Suivre les écarts à la valeur nominale, ou sinon l’évolution Deux cas existent dans la représentation d’un indice ou d’un état : • le suivi d’un écart éventuel entre deux valeurs ; • l’évolution « brute » qui se base prioritairement dans le temps (parfois en prenant une base 100). Pour savoir si un écart existe, il faut définir une valeur nominale et une marge tolérable (qui peut être nulle). La valeur nominale et la marge sont donc, là aussi, une affaire de consensus et être le seuil de déclenchement d’une alerte (cas d’un indi- cateur « transparent » qui devient alors porteur de sens grâce à sa soudaine visibilité ; ex. avec l’indi- cateur « panne moteur » sur le tableau de bord de la voiture même si celle-ci peut continuer à rouler). Cela implique aussi que l’on sait fixer des objec- tifs objectivables (consensus) et mesurables – ce qui n’est pas toujours le cas, comme je l’évoquais plus haut. De même, la question de la visibilité (ou non) peut se déterminer en fonction de ce que l’on mesure : • soit une évolution et l’écart à une valeur nomi- nale → on optera plutôt pour un indice perma- nent ; • soit un état « hors défaut » ou l’absence d’écart à une mesure nominale → on optera plu- tôt pour un indice transparent qui devient visible en cas de soucis. Dans tous les cas, la fréquence de la mise à jour de la donnée est importante : une fréquence trop haute peut entraîner un tableau de bord incohérent (le suivi n’est pas possible) voire impraticable ; à l’inverse une fréquence trop faible ne donne pas l’occasion de détecter certaines situations critiques. 33