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La communication et le dopage
Comment communiquer sur la performance sportive
alors que le dopage compromet son image dans l’esprit du public ?
MÉMOIRE
Anaïs BLAIN
COMAL 4
Année 2013/2014
Tuteur de mémoire : M. Antoine Pecnard
Directeur de mémoire : M. Jean-Christophe Aubin
Conseiller à la DRJSCS du Languedoc-Roussillon
Remerciements
Je souhaite adresser mes remerciements aux personnes qui m’ont apporté leur soutien dans
la conduite de cette étude et la formalisation de mon mémoire.
En premier lieu, je remercie M. Jean-Christophe Aubin, conseiller à la Direction Régionale
de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale du Languedoc-Roussillon. En tant que
Directeur de mémoire, il a su être à l’écoute et m’a accompagné dans mes réflexions. Je tiens
sincèrement à le remercier du temps qu’il m’a consacré et de l’intérêt qu’il a porté à mon travail.
Je remercie également M. Antoine Pecnard, Tuteur de mon mémoire, ainsi que Mme Claudine
Puyau, Directrice des études à l’ISCOM Montpellier, qui m’ont fait confiance dans le choix
de mon sujet de mémoire qui lie mes deux passions : la communication et le sport.
Merci à Mme Laurène Castagné qui prépare une thèse de pharmacie sur les représentations du
dopage par les média et qui a su apporter un avis critique sur mon étude. Merci également à
M. Christophe Bassons, ancien cycliste professionnel, à M. Stéphane Proia, psychologue
clinicien au CHU de Nîmes, et à M. Louis Chenaille, ancien journaliste de la radio nationale
RMC Infos, pour leur collaboration à ce projet.
Pour finir, merci à M. Romain Barras et M. Fouad Chouki, deux athlètes qui ont accepté
de répondre à mes questions à l’image de toutes les personnes qui ont bien voulu participer
à mes enquêtes terrain.
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage
Table des matières
Introduction 1
I. Le dopage, fléau du sport 2
A. Le contexte 2
1. Les grandes notions 2
2. Les faits marquants dans l’histoire du dopage 3
3. Les acteurs engagés dans la lutte contre le dopage 5
B. La stigmatisation du cyclisme 6
1. Le sport-spectacle  6
2. Le rôle des sponsors, médecins et entraineurs 7
3. Le dopage comme déviance 9
C. L’athlétisme, sur la piste du scandale 10
1. La compétition avant tout 10
2. Le rôle des entraineurs, médecins et sponsors 11
3. Le dopage comme déviance 12
II. Les enjeux de la communication 13
A. Le mythe du héros sportif controversé 13
1. Le corps-machine 13
2. La précarité contractuelle 14
3. Le déclin et la reconversion 15
B. Les études de cas 16
1. Le décathlonien Romain Barras 16
2. Lance Amstrong face à Christophe Bassons 17
3. Fouad Chouki ou l’exemple à ne pas suivre 18
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage
C. Les enquêtes terrain 20
1. Les sportifs amateurs 20
2. Le grand public 23
3. Les constats et le bilan 27
III. La recherche de nouvelles valeurs 31
A. Une communication de crise ? 31
1. L’état actuel du sport 31
2. Une crise pour les instances sportives 32
3. Les enjeux du sponsoring 34
B. Les bienfaits de la pratique au-delà de la performance sportive 36
1. Les objectifs 36
2. L’importance de toucher les sportifs amateurs 37
3. Les solutions à mettre en oeuvre 39
C. Vers un changement des mentalités 41
1. Un nouveau code antidopage vs le dopage génétique 41
2. Les valeurs, attitudes et comportements à adopter 43
3. Le rôle des journalistes 45
Conclusion 48
Bibliographie/Webographie 50
Annexes 53
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 1
Introduction
Dans une société où la quête de l’exploit et du record est de plus en plus prononcée,
l’hypermédiatisation du sport fait débat. En effet, si l’on retrouve d’un côté la valorisation de
l’effort et de l’endurance, on trouve d’un autre côté une réelle course au record à n’importe quel
prix et par n’importe quels moyens, notamment la corruption et le dopage. L’industrie du sport
réunit de nombreux enjeux avec la recherche de visibilité et l’appât du gain dans une sphère
économique influente. Le dopage est un fléau dans le sport et ce à tous les niveaux, même si
l’accent est davantage porté sur les sportifs professionnels que sur les sportifs amateurs. La lutte
antidopage se mène depuis déjà bien longtemps à l’échelle internationale mais elle ne doit pas
s’arrêter là. Il est nécessaire de poursuivre les actions visant à préserver la santé des sportifs
mais également à préserver ce qui est l’essence même du sport, à savoir l’éthique et l’égalité des
chances. Mais alors comment lutter efficacement contre le dopage ? Les bienfaits de la pratique
sportive sont-ils délaissés au profit de la performance ? En quoi les média ont-ils un rôle clef pour
faire évoluer les mentalités ?
Au travers de ce mémoire, nous allons aborder ces différents points afin de donner une réponse
à la problématique suivante : comment communiquer sur la performance sportive alors que
le dopage compromet son image dans l’esprit du public ?
Nous verrons dans un premier temps comment le dopage est devenu un véritable fléau
du sport, notamment dans le cyclisme et l’athlétisme qui sont les deux sports les plus médiatisés
concernant le dopage. Puis, nous analyserons quels sont les enjeux de la communication
à travers le mythe du héros sportif. Une analyse qui sera illustrée par l’étude de trois sportifs
aux profils très différents et qui sera appuyée par deux enquêtes terrain. Tout cela dans le
but d’énoncer, dans une troisième partie, des recommandations stratégiques fondées sur la
recherche de nouvelles valeurs, dans une situation de crise pour les instances sportives.
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 2
I. Le dopage, fléau du sport
A. Le contexte
1. Les grandes notions
Sport
D’un point de vue sociétal, le sport “c’est d’abord une pratique de compétition, règlementée par
une institution.” 1
Si l’on se penche sur la définition au sens large, le sport serait la répétition
d’une activité ou d’un exercice physique, ayant pour objectif d’effectuer une performance
et pratiqué avec le respect de certaines règles.
Sportif
De manière générale, est considéré comme sportif toute personne pratiquant une activité
physique régulière. Il faut savoir qu’il existe deux catégories de sportifs : les sportifs de haut
niveau, qui s’entraînent de manière intensive dans le but de participer à des compétitions,
et les sportifs amateurs, qui eux ont des objectifs de conservation de la condition physique
et d’épanouissement par le sport. La notion de plaisir est très présente pour cette catégorie là.
Selon l’article L. 230-3 du code du sport, il faut participer ou se préparer à une manifestation
sportive nationale ou internationale pour être considéré comme sportif.2
Performance sportive
Plusieurs définitions existent pour expliquer ce qu’est la performance sportive. Ces définitions
varient selon la relation que les personnes entretiennent avec le sport. Ainsi, la performance
peut-être perçue comme le résultat obtenu lors d’une compétition, ou le résultat d’un
entrainement complexe ou bien encore comme les aptitudes propres d’un athlète, comparables
aux performances intellectuelles d’un individu.
1
PROIA, Stéphane, La face obscure de l’élitisme sportif, Toulouse, 2008, Presses Universitaires du Mirail,
coll. “ Chemins cliniques”, 325 pages.
2
Cf. Annexe n°7 : Code du sport
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 3
Dopage
Le dopage est le recours à une méthode et/ou à une ou plusieurs substances destinées à augmenter
artificiellement les capacités physiques ou mentales d’un individu. Dans la plupart des cas, le
dopage est utilisé par les sportifs pour accroître leurs capacités physiques, que ce soit pour
améliorer leur endurance et l’oxygénation de leur corps, pour transformer leur morphologie ou
encore pour accroître des paramètres de puissance ou de force.
2. Les faits marquants dans l’histoire du dopage
1950 : Les premiers accidents
Dès la fin du XIXème siècle, plusieurs cas de dopage dans le cyclisme sont référencés
avec notamment des décès dus à la prise de certains stimulants. Toutefois, c’est à partir
de 1950 que le dopage est réellement médiatisé, avec la mise en lumière d’accidents provoqués
par des substances hasardeuses. Les évènements s’enchaînent, dix ans plus tard, le cycliste
danois Knud Enemark décède à l’arrivée des 100km aux Jeux Olympiques de Rome, suite
à une absorption massive d’amphétamines. En 1967, c’est Tom Simpson qui décède lors
du Tour de France pour les mêmes raisons. Le Comité International Olympique (CIO) décide
alors d’imposer, en 1968, les premiers contrôles antidopage aux J.O de Mexico. L’année 1988
est celle qui a profondément marqué l’athlétisme. C’est l’année où Ben Johnson a été disqualifié
après le record du monde qu’il venait d’établir sur le 100m aux J.O de Séoul, en raison
d’une prise avérée d’anabolisants. Sa récidive en 1993 lui a couté une radiation à vie,
il est aujourd’hui l’un des exemples les plus utilisés lorsque l’on parle de dopage dans le sport.
1998 : L’affaire Festina
L’affaire Festina a été le premier grand scandale du Tour de France par le fait qu’elle a révélé
pour la première fois au grand public ce recours au dopage répandu au sein du peloton.Ala suite
de ce scandale, les confessions et témoignages de coureurs et d’entraîneurs se sont succédés
pour rompre une omerta jusque-là très ancrée dans la “culture” cycliste. Durant cette période,
Marie-George Buffet, alors Ministre des Sports, décide de crée une loi en instaurant le Conseil
de prévention et de lutte contre le dopage en mars 1999. Selon elle, “les sportifs sont avant
tout victimes voir instruments d’un système qui veut les entrainer dans une sur-compétition
inhumaine où les enjeux financiers prennent le pas sur les règles sportifs, sur les fondements
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 4
du sport qui sont l’épanouissement individuel, la rencontre avec d’autres, la solidarité, le respect
des autres.” 3
Les multiples affaires de dopage n’ont fait que remettre au goût du jour le débat sur l’éthique
de la victoire. La forte médiatisation autour de ces scandales, accompagnée par la pression
du grand public, ont marqué les années 2000. Il devient primordial de gagner des courses
ou des épreuves en respectant une certaine éthique, pour rendre crédible la performance sportive
établie et conserver la confiance du public.
2012 : The war on doping
Le dopage, réel fléau du sport, a d’ailleurs fait l’objet d’un film documentaire “The war on
doping ”, parrainé par l’UNESCO et diffusé en avant-première mondiale des J.O de Londres
2012. Celui-ci présente le choix manichéen auquel sont confrontés les sportifs de nos jours,
avec d’un côté un accès rapide à la victoire, la notoriété et l’argent ; et d’un autre côté un risque
pour la santé bien présent avec une remise en question de la légitimité de la performance.
Si le dopage fait débat, c’est également parce qu’il est source d’une économie croissante
et parallèle qui touche à la fois la performance sportive et le culte du corps.
2013 : Scandale sur les pistes d’athlétisme
L’année 2013 est une année qui rime avec scandale pour l’athlétisme. C’est à partir du mois
de mai que sont révélés de nombreux cas de dopage, notamment dans les équipes jamaïcaines.
Dans un premier temps, c’est la sprinteuse Veronica Campbell-Brown, championne olympique
sur le 200m en 2008 à Pékin, qui est contrôlée positive à un diurétique considéré comme
un produit masquant. Trois semaines avant les championnats du monde de Moscou, le 14
juillet, c’est l’américain Tyson Gay, meilleur performeur mondial de l’année sur le 100m à cette
date, qui se fait prendre lors des sélections américaines. Il est suivi quelques heures plus tard
par le jamaïcain Asafa Powell, ancien recordman du monde de la même spécialité, pour lequel
le contrôle antidopage se révèle là aussi positif. Ce scandale marqua surtout l’athlète Tyson Gay
qui bénéficiait d’une grande confiance du public à son encontre, il était même considéré comme
l’un des athlètes propres de la discipline.
3
ABDOURAHIM, Kamal, “L’Écho des lois: Loi antidopage : une course perdue?”, LCP, 18 avril 2011 :
http://www.lcp.fr/emissions/l-echo-des-lois/vod/13630-loi-antidopage-une-course-perdue
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 5
Jusqu’à maintenant, le détenteur du record olympique Usain Bolt n’a encore quant à lui jamais
été lié à des affaires de dopage. Il a d’ailleurs déclaré : “Je suis propre, je n’ai aucun problème
avec ça. Après, je ne peux pas répondre au nom des autres.” 4
Nous sommes aujourd’hui véritablement dans un contexte de banalisation. Dans les clubs,
dans les équipes, une grande partie des athlètes savent pertinemment que prendre des substances
dopantes est dangereux. Ils tentent alors de se rassurer en se disant que cela ne durera
pas ou que la dose administrée n’est pas assez élevée. C’est cette sensation de “non risque”
entretenue continuellement et en toute impunité qui est dangereuse pour le bien-être physique,
mental mais aussi social des athlètes, notamment des plus jeunes.
3. Les acteurs engagés dans la lutte contre le dopage
Agence Française de Lutte contre le Dopage (AFLD)
L’Agence Française de Lutte contre le Dopage est une autorité publique indépendante créée
en 2006. Sa mission est de définir et de mettre en œuvre les actions de lutte contre le dopage
en France, à destination des sportifs qui participent à des compétitions sportives. Cette mission
inclue les contrôles antidopage, les différentes analyses ainsi que le suivi des sanctions. Il faut
savoir que l’AFLD intervient à la fois dans la prévention, de manière occasionelle, et dans la
recherche pour détecter les substances et procédés interdits.5
Agence Mondiale Antidopage (AMA) et UNESCO
L’UNESCO et l’Agence Mondiale Antidopage, créée en 1999, agissent ensemble au niveau
international pour lutter contre le dopage. C’est l’AMA qui coordonne le Code mondial
antidopage, document de référence instauré en 2004. L’UNESCO est particulièrement active
dans les programmes d’éducation et de prévention contre le dopage à destination des jeunes.
Sa mission est de promouvoir les valeurs fondamentales du sport et d’informer sur les
conséquences morales, juridiques et sanitaires du dopage.6
4
AFP et Reuters, “Les athlètes Asafa Powell et Tyson Gay contrôlés positifs”, in Le Monde.fr, 14 juillet 2013 :
http://www.lemonde.fr/sport/article/2013/07/14/dopage-tyson-gay-declare-avoir-ete-controle-positif_3447440_3242.html
5
Ministère des Sports : http://www.sports.gouv.fr/prevention/dopage/Agence-francaise-de-lutte-contre-le-dopage
6
SCHISCHLIK, Alexander, “Dossier de presse : Agir ensemble contre le dopage”, in l’UNESCO, 2012 :
http://www.unesco.org/new/fileadmin/MULTIMEDIA/HQ/SHS/pdf/JO2012_presskit_fr.pdf
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 6
B. La stigmatisation du cyclisme
1. Le sport-spectacle
Le cyclisme s’assimile souvent à des histoires de famille. On remarque une grande fidélité
à cette pratique, si bien que la “culture” cycliste reste ancrée même lorsque la carrière des
sportifs s’achève. L’engagement pour la discipline est tel qu’il constitue pour les cyclistes
une manière de décliner leur identité. A cela s’ajoute le fait qu’ils ont la sensation de s’engager
dans une pratique hors norme, sentiment qui se confirme par les regards extérieurs qui sont
portés sur la profession. En effet, on constate que le grand public, les journalistes et même
les pouvoirs publics reconnaissent le caractère exceptionnel des efforts fournis. Cette
acceptation des sacrifices et des souffrances fait partie intégrante de l’engagement sportif. Ce
qui rend le cyclisme éprouvant, c’est cette intensité de l’effort répété et la durée des épreuves.
La capacité de récupération est une qualité nécessaire chez un cycliste, mais si la difficulté
n’est pas suffisamment perçue par le monde extérieur, le cyclisme ne serait plus considéré
comme un sport-spectacle.
A l’origine, le cyclisme d’élite est en effet un spectacle à vocation commerciale. A tel
point qu’il est devenu, au fil du temps, un support de communication publicitaire à part
entière. L’essor d’internet n’a fait qu’accroître l’engouement pour le spectacle cycliste
avec le passage de la médiatisation écrite aux média électroniques à des fins publicitaires.
Il faut bien prendre en compte que le marché du cyclisme est avant tout le marché
Gouvernements
Convention internationale
de l’UNESCO contre le dopage
dans le sport
Législation
Financement
Contrôles
Organisations
sportives
recalcitrantes
Équipes de soutien aux Athlètes
Code mondial contre le dopage
Fédérations sportives
internationales
Comité international
olympique ( paralympique)
Autorités nationales
de lutte contre le dopage
Fédérations sportives
nationales
Comités nationaux
olympiques (paralympiques)
Sports
Sports olympiques
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 7
des média qui assure l’essentiel des revenus du produit cycliste et offre une visibilité
aux sponsors. L’argent est indéniablement l’un des piliers du cyclisme. Lorsque des leaders
gagnent des courses, toute l’équipe en profite aussi financièrement. Par ailleurs, une autre
stratégie est mise en place par les diffuseurs pour attirer des publics larges, comme la valorisation
du patrimoine français pendant le Tour de France et l’ajout de documentaires géographiques et
historiques qui accompagnent l’évènement.
2. Le rôle des sponsors, médecins et entraineurs
Malgré les nombreux scandales autour du cyclisme, on remarque que les sponsors sont
toujours présents. Les avantages du sponsoring dans ce sport sont en effet multiples.
Tout d’abord, l’équipe porte le nom de la société dont elle est partenaire. Ce conditionnement
garantie une forte mémorisation du nom et par là même une hausse de sa
notoriété. Il est d’ailleurs important de noter que le Tour de France est le troisième
évènement sportif mondial, derrière les Jeux Olympiques et la Coupe du monde de
football. Ensuite, ce sponsoring présente un avantage de proximité avec le public,
les marques peuvent être directement au contact de leurs cibles via la caravane du Tour
par exemple. Les sponsors sont donc très présents dans le milieu du cyclisme et ont un rôle
médiatique important, notamment lors des scandales qui peuvent avoir lieu, ce qui peut être à la
fois un avantage (notoriété) et un handicap (destruction des valeurs de la marque). L’exemple
de l’Affaire Festina est le plus représentatif, cette pratique d’un dopage généralisé au sein
du peloton ayant été pour la première fois associée à un sponsor.
Concernant les médecins, ces derniers semblent davantage présents dans le cyclisme que dans
les autres sports. Si les médecins de l’Equipe de France ne sont pas favorables aux pratiques
dopantes, ils donnent toutefois un certain nombre d’informations qui peuvent être détournées par
les cyclistes. Faire appel à un médecin lorsque l’on est cycliste de haut niveau est de plus en plus
nécessaire avec l’augmentation des contrôles antidopage. Les médecins connaissent l’efficacité
des différents produits mais surtout maîtrisent leurs délais d’élimination. Leur expertise propre
à ce sport leur permet de conseiller au mieux les sportifs, selon leur profil physiologique et
l’intensité de leur travail, pour garantir une efficacité maximale de leurs performances. A tel
point que pour certains cyclistes, être en bonne santé physique n’est possible que grâce à la
prise de produits dopants qui éliminent les toxines accumulées par l’effort. Cette prise de
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 8
produits apparaît comme simple et efficiente et si les médecins la cautionnent, la conséquence
est la banalisation de la conduite dopante. Cela leur permet non seulement d’accroître leurs
performances, mais aussi de contrebalancer les effets néfastes de l’entraînement sur leur organisme.
Respecter une hygiène de vie stricte est l’une des priorités des cyclistes. Cela passe par
un régime alimentaire bâti selon les recommandations d’un diététicien, également par un cycle
de sommeil constant et régénérateur et par la consultation régulière d’un médecin spécialisé.
De ce fait, le recours à des médicaments semble s’inscrire dans ce mode de vie du cycliste
de haut niveau. Il est toujours difficile d’accepter le repos pour évacuer la fatigue
accumulée par les efforts, de peur que cela entraîne une baisse des résultats. Ainsi,
la place des entraîneurs en cyclisme se retrouve mise à mal. Ils sont victimes
d’une perte d’autonomie, ce ne sont plus eux qui contrôlent le temps et les modes de préparation
des cyclistes. Ils sont devancés par les médecins, souvent extérieurs à l’équipe, qui planifient
le calendrier des compétitions et bien souvent ces choix sont en inadéquation avec le
programme fixé par l’entraîneur. Cette montée en puissance des médecins spécialisés engendre
de nombreuses tensions au sein des équipes, car il s’agit à présent de savoir sur quelles
compétitions l’entraineur a son mot à dire, doit-il se déplacer ou laisser les médecins tout
superviser ?
Si le médecin prend les rênes de la carrière d’un cycliste, il doit avant toute chose respecter
son devoir d’information. En effet, en matière de dopage, un médecin commet une faute
professionnelle dès lors qu’il n’informe pas le sportif des effets et contre-indications
du médicament prescrit. Parallèlement, le cycliste doit respecter ses obligations contractuelles
et informer le médecin responsable de toute médication envisagée. Cette mesure permet
d’éviter un comportement déloyal, voire même une consultation médicale clandestine dans des
conditions suspectes. Cela est d’autant plus important lorsque le sportif fait appel à un médecin
généraliste qui, contrairement aux médecins du sport, n’est pas formé aux problématiques
spécifiques du sport professionnel et du dopage. En cela, il n’est pas censé connaître
la liste des produits interdits pour chaque fédération sportive et chaque compétition. Cependant,
cela semble être le cas pour très peu de cyclistes, sachant qu’en accédant au haut niveau
ils choisissent les interventions de médecins spécialisés dans le sport qui sont donc informés
des directives médicales du code mondial antidopage.
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 9
3. Le dopage comme déviance
Alors que l’Union Cycliste Internationale (UCI) est la fédération qui consacre la plus grande
part de son budget à la lutte contre le dopage, elle est l’une des plus stigmatisées.7
En effet,
les cyclistes ont du mal à contrôler leur image et souffrent de la perte de confiance du public,
en raison des nombreuses révélations de dopage dans la discipline.
Nous avons vu que le dopage dans le cyclisme est une pratique déviante intimement liée à
l’argent.Lessportifsutilisantdesproduitsdopantssontbiensouventceuxquiontungrandnombre
de moyens leur permettant de passer à travers les mailles du filet de l’AMA. La rémunération
étant proportionnelle aux résultats obtenus, les tentations de recours au dopage se font plus fortes.
Jusqu’à l’affaire Festina, le dopage était présenté comme faisant partie intégrante de la carrière
des cyclistes et comme étant la technique indispensable pour faire le métier convenablement.
Aujourd’hui encore l’arbitrage entre les bénéfices et les risques d’une telle pratique n’est pas
poussé aussi loin que ce qu’il devrait. Ainsi, la prise de risque est maximale. Les cyclistes qui
tentent le tout pour le tout pour arriver à la victoire et se faire engager dans les bonnes équipes
revendiqueront d’avoir simplement essayé s’ils se faisaient prendre pour dopage. Car s’il s’avère
possible de remporter une course d’un jour sans dopage, il semble moins évident d’en faire
de même dans des courses qui durent plusieurs semaines, les fameuses courses à étapes,
beaucoup plus rémunératrices.7
C’est donc bien cette succession d’effort et la durée de l’activité
qui incitent finalement les cyclistes à se doper. Cette pratique sportive intensive engendre dans
une saison des blessures, des douleurs, une grande fatigue, qu’elle soit physique ou mentale,
d’où le besoin ressenti d’atténuer ces effets par la prise de médicaments.
Cependant, le dopage est une action qui n’est pas à l’origine innée, c’est vraiment le contexte
qui pousse les cyclistes à franchir le pas. Se donner au maximum de ses capacités tous les jours
est déjà très difficile, mais si en plus on sait que les concurrents et même les membres de sa
propre équipe sont dopés, la victoire et la reconnaissance deviennent alors impensables. Ainsi,
pour être considéré comme un membre du groupe à part entière, le cycliste qui jusque là ne se
dopait pas va être confronté à un choix crucial pour son avenir. professionnel. Soit il s’imprègne
de la culture du groupe et ses codes, soit il refuse et il est éjecté du système.
7
BRISSONNEAU, Christophe ; AUBEL, Olivier et OHL, Fabien, L’épreuve du dopage. Sociologie du cyclisme
professionnel, Paris, 2008, P.U.F, coll. “Le Lien social”, 290 pages.
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 10
Tout ceci n’est pas seulement valable pour les cyclistes professionnels. Comme le souligne
Christophe Bassons : “Le cyclisme amateur est souvent un lieu d’apprentissage des pratiques
dopantes.” 8
Et si le cyclisme amateur est concerné par le dopage, c’est parce que la charge de
travail de certains cyclistes amateurs, proches du haut niveau, est similaire à celle des cyclistes
professionnels. Néanmoins, si le dopage était généralisé au sein de groupes entiers jusqu’en
1998, il semblerait qu’aujourd’hui le dopage soit le résultat d’une décision plus individuelle que
par le passé. D’ailleurs, une réelle prise de conscience commence à s’installer, certains cyclistes
déclarent considérer le dopage comme une barrière à l’égalité des chances et à l’éthique du
sport.
Après avoir étudié la relation entre le cyclisme et le dopage, je vais maintenant vous exposer
mes recherches sur le cas de l’athlétisme et sur l’influence du dopage dans ce sport. Le schéma
de réflexion sera le même que pour le cyclisme mais avec les spécificités propres à l’athlétisme.
C. L’athlétisme, sur la piste du scandale
1. La compétition avant tout
En athlétisme, le public est exigeant et réclame toujours plus d’exploits. L’exemple d’Usain
Bolt est le plus frappant, la fascination qu’il suscite réclame à chaque épreuve un spectacle,
un évènement exceptionnel, un record, une victoire hors du commun. Ils sont persuadés
qu’il faut se surpasser, qu’il faut faire toujours plus, aller plus loin, plus vite et être plus
fort. Cette recherche constante de progrès les oblige à repousser les capacités humaines
et le théâtre compétitif est le seul lieu d’expression où ils peuvent faire leurs preuves.
A l’image d’une autre discipline sportive exigeante, la natation, chaque jour d’entrainement
athlétique a une importance primordiale et chaque séance que les athlètes manquent ne peuvent
être rattrapées. Le quotidien peut devenir très pénible lorsque le désir de briller dans les
compétitions tourne à l’obsession. L’entraînement dans ce sport, comme dans le cyclisme,
épuise considérablement l’organisme des athlètes qui ressentent alors le besoin de récupérer,
pour être le plus frais possible le jour J et pour terminer l’épreuve dans de bonnes conditions.
8
Cf. Annexe n°3 : Entretien avec Christophe Bassons
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 11
Si l’on regarde bien certaines courses, il n’est pas rare de voir des athlètes qui
se relèvent immédiatement après avoir franchi la ligne d’arrivée et qui n’hésitent pas à faire
un tour d’honneur en ne montrant aucun signe de fatigue.
Il ne faut pas non plus oublier que les clubs tiennent leur réputation de celle de leurs sportifs. De
même, les différentes subventions qu’ils peuvent recevoir dépendent du nombre de médailles
obtenues ou du nombre de records battus lors des grands championnats. Tout cela ne faisant
qu’amplifier l’importance accordée à la compétition dans la vie des athlètes de haut niveau.
2. Le rôle des entraineurs, médecins et sponsors
Sans des entraîneurs passionnés et dévoués, il n’y aurait pas de grands champions. En effet,
contrairement au cyclisme, l’entraîneur a un rôle primordial en athlétisme car il accompagne
le sportif dans chaque étape de sa préparation et est toujours présent lors des compétitions.
Les managers ont également une grande importance puisque ce sont eux qui permettent
aux athlètes de participer aux “meetings” les plus prestigieux. Toutefois, les managers sont
davantage attirés par la rémunération des contrats que les entraîneurs qui eux, font leur métier
par amour pour ce sport. En effet, plus les managers placent des athlètes dans des “meetings”,
plus ils remportent de l’argent ; selon le classement final, ils perçoivent un pourcentage. Ainsi,
l’attitude des managers à l’égard des athlètes peut fortement varier en fonction de la condition
physique de son athlète. Bien souvent, par connivence, l’accompagnement du manager se
double par celui du médecin spécialisé.9
Lorsque des athlètes mettent tout en œuvre pour atteindre le haut niveau, c’est pour s’engager
dans une approche professionnelle de l’athlétisme, ce qui implique des entraîneurs nationaux et
des médecins spécialisés qui engagent un accompagnement spécifique. Leur rôle est de veiller
à ce que la santé des sportifs ne soit pas mise en danger et ils doivent notamment surveiller les
déséquilibres causés par les charges d’entraînement. Il est fréquent pour un médecin du sport
de prescrire des vitamines, du fer ou encore du magnésium qui sont de simples compléments
alimentaires.
9
CHOUKI, Fouad, Ma Course en enfer, Paris, 2009, Hachette Littératures, 187 pages.
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 12
Silessponsorsontunrôleàjouerdanslacarrièredesathlètes,ilsembletoutefoismoinsimportant
quedanscelledescyclistes.Lesponsorenathlétismefournitdesrevenusetdeséquipementsmais
sa présence n’est pas vraiment prononcée, contrairement au cyclisme. En échange des revenus
etdeséquipementsfournisparlepartenaire,l’athlèteluiassureunecertainevisibilitémaissurtout
il lui crée une relation de proximité avec sa cible. Il est important de noter que l’athlétisme
est loin d’être le sport le mieux payé et que les athlètes de renommée mondiale ne vivent
pas de leur salaire de sportif mais bien des contrats publicitaires qui leur garantissent
des revenus non négligeables.
3. Le dopage comme déviance
Si un athlète souhaitant faire sa place parmi les meilleurs mondiaux ne semble pas évoluer aussi
vite que ses concurrents, qui visiblement prennent des produits, il sera indéniablement poussé
à avoir recours au dopage. “Se faire violence” à l’entraînement et entamer son potentiel avant
une compétition peut être difficile à vivre. Ainsi, finalement, le dopage serait davantage utilisé
par les athlètes pour traverser ces lourdes et difficiles périodes d’entraînement, que pour la
compétition.
La généralisation du dopage en athlétisme est d’ailleurs à l’origine de plusieurs scandales.
En effet, selon une étude réalisée par des chercheurs mandatés par l’AMA et dévoilée par le
“New York Times” le 23 août 2013, un tiers des participants aux Mondiaux de Daegu en 2011
ont avoué s’être dopés. Plus précisément, 29% des sportifs interrogés lors de ce championnat
et 45% de ceux approchés lors des Jeux panarabes de Doha au Qatar auraient utilisé des produits
dopants dans l’année. Cette étude présente des résultats alarmants et bien supérieurs aux 2 %
de résultats positifs décelés par l’AMA en 2010.10
Plus récemment encore, vingt-deux coureurs
du club d’Alès Cévennes Athlétisme (ACA) participant aux courses élites féminines
et masculines du cross Ouest-France Pays de la Loire, ont été déclaré suite à des suspicions
d’ingestion de substances dopantes. Cette compétition, qui a eu lieu le 19 janvier 2014,
rassemblait les meilleurs spécialistes de la discipline. L’ACA semble collectionner les scandales
car ces dernières années, le club gardois s’est retrouvé lié à plusieurs affaires de dopage.
10
TROUILLARD, Stéphanie, “Athlétisme : une étude censurée dévoile l’ampleur du dopage”, in France 24,
23 août 2013 : http://www.france24.com/fr/20130823-une-etude-revele-dopage-athletisme-mondiaux-daegu
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 13
II. Les enjeux de la communication
A. Le mythe du héros sportif controversé
1. Le corps-machine
Plus les sportifs offrent du spectacle et plus leur corps s’assimile à une machine en quête
de performances extraordinaires. Dans la société d’aujourd’hui où on ne montre que ce qui
brille, où l’image, l’apparence et la superficialité prédominent, le champion sportif est considéré
comme un véritable héros des temps postmodernes. A travers le courage et la volonté qu’il met
en exergue, le sportif donne au grand public la possibilité de croire à l’impossible en repoussant
toujours plus les limites de l’être humain. Les souffrances du sportif mettent en péril le plaisir
du jeu qui tend petit à petit à disparaître, les spectateurs ne retenant que la gloire et les rêves
d’un sport riche en exploits. Le sport se veut en effet porteur de valeurs pérennes comme
le courage, la loyauté et le sens du sacrifice.11
Le culte d’un corps invincible qui supporte la douleur de l’effort est présent dans l’imaginaire
de chaque personne. Toutefois, seul le sportif de haut niveau est en mesure de démontrer
les capacités de ce corps infaillible. Ainsi, en plus d’être une figure de l’impossible réalisé, il est
un symbole de réussite sociale dans une société où règne un certain désir d’éternité.11
La sollicitation extrême des corps qui deviennent de véritables objets, accompagnée par une
forte médiatisation autour de ce travail répété perpétuellement jusqu’à la gloire tant attendue,
sont à l’origine du phénomène des “spectateurs-voyeurs” souhaitant partager le succès
des sportifs mais en ne subissant aucune souffrance.
En effet, on peut aisément constater qu’un grand nombre de sportifs sont addicts à leur activité
physique et tellement obnubilés par la performance qu’ils n’hésitent pas à maltraiter leur
corps pour aller toujours plus loin dans l’effort. Cette course à l’épuisement, aussi intense soit
elle, ne semble pas nuire à la volonté de ces “drogués de l’exercice” qui ne s’arrêtent jamais.
On pourrait voir ici une certaine forme de dépendance à l’égard de la pratique sportive vécue
11
PROIA, Stéphane, La face obscure de l’élitisme sportif, Toulouse, 2008, Presses Universitaires du Mirail,
coll. “Chemins cliniques”, 325 pages.
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 14
comme une drogue dont il est difficile de se séparer. Être “dur au mal” s’ajoute au talent
et aux aptitudes physiologiques hors normes du sportif pour vanter son mérite auprès du monde
extérieur. La représentation d’un corps-réservoir dans lequel on puise pour fournir toujours
plus d’exploits et que l’on recharge par la récupération, par un régime alimentaire strict et des
substances dopantes, favorise considérablement la normalisation du dopage.
2. La précarité contractuelle
Aujourd’hui, le dopage a pour finalité de répondre, de manière illégitime, à des objectifs de
carrière fixés, dans un contexte où la précarité contractuelle prédomine. Si la pratique sportive
au plus haut niveau met en péril la santé des athlètes, elle demande également un grand
nombre de sacrifices pour que le quotidien des sportifs soit axé uniquement sur la recherche
de la performance. Ainsi, réussir dans l’activité physique choisie n’est plus une nécessité,
c’est une obligation qui ne laisse pas la place à une autre alternative. Dans un tel contexte,
une réelle “souffrance au travail” semble inéluctable. Le sportif se doit de faire “rêver”
le public, qui idéalise l’effort physique et le dépassement de soi, s’il souhaite se faire une place
sur le podium médiatique sportif.
Le corps d’un sportif étant son “outil de travail”, le moindre problème de santé implique
un arrêt temporaire de l’activité, voire un arrêt total de celle-ci dans le plus dramatique
des cas. Les sollicitations physiologiques et psychologiques dues à l ‘effort pouvant affecter
considérablement le corps d’un athlète, toute blessure ou douleur qui apparait pourrait être
vécue comme une maladie chronique.
La peur de l’échec n’est pas vraiment perçue par le public qui en réalité se fait une fausse idée
des champions. Ces derniers sont, plus souvent que l’on ne le pense, angoissés, renfermés sur
eux-mêmes, parfois mélancoliques et perdus. Évidemment, lorsque le résultat est au rendez-vous,
leur moral est au plus haut car ils ont le sentiment d’avoir rempli le contrat passé avec leur
entraîneur, leur club ou leur fédération. Mais si le résultat n’est pas celui escompté, le sentiment
d’échec peut prendre une telle ampleur que la santé physique mais surtout mentale et sociale
de l’athlète sera mise en danger. Cette angoisse de l’échec peut conduire un sportif à recourir
au dopage pour accéder à un sentiment de force, de maîtrise de soi et de longévité.
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 15
3. Le déclin et la reconversion
Dans la plupart des cas, les sportifs dont la carrière s’achève abandonnent reconnaissance et
médiatisation du jour au lendemain. Si le dopage leur a permis d’exister et de connaître la gloire,
la période de deuil sera d’autant plus longue. Être un grand champion implique une certaine
reconnaissance de la part de l’équipe encadrante, de la fédération, des média mais également des
proches.Alors, quand un sportif met fin à son activité, il est préférable de se retirer avec honneur,
sur une performance notable, même si cela demeure assez rare. Nombreux sont les exemples
d’arrêt sur suspension, de retrait de la licence ou de radiation qui ont pu être recencés
des années 1990 à aujourd’hui.12
La reconversion est une étape difficile à gérer pour les sportifs car cela entraîne un retour à une
vie très ordinaire, en comparaison d’une vie de sportif forte en engagements et en émotions.
Les sportifs de haut niveau ont bien souvent commencé à pratiquer leur activité physique
dès le plus jeune âge, ce qui explique qu’ils se définissent avant tout à travers leur sport
et l’environnement qui l’accompagne. L’arrêt de la carrière sportive conduit ainsi à une remise
en question de tous les choix faits par le passé. De même, le régime alimentaire, les efforts
fournis quotidiennement, les sacrifices, le sommeil adapté à l’activité et la pharmacologie
qui ont conditionné un sportif ne sont pas aisément modifiables, ce qui crée une véritable
souffrance. La prise de poids, assez fréquente suite à un arrêt brutal de l’activité, engendre
une difficulté supplémentaire et un mal-être d’autant plus fort. En effet, les anciens sportifs
ont tendance à devenir obnubilés par leur corps. Ils craignent une grande prise de poids
avec une perte de leur musculature, obtenue au prix d’heures entières de travail acharné.
Les sportifs de haut niveau ne préparent pas suffisamment leur avenir mais surtout
ils ne bénéficient pas d’une formation durable pendant leur carrière qui leur permettrait
pourtant d’être plus autonome. L’univers de la compétition est très en marge de la vie “réelle”
et les sportifs sont finalement peu à l’écoute du monde extérieur, trop habitués à être le centre
de toutes les attentions. Il est alors difficile de redevenir un anonyme dans une vie qui paraît
bien banale, loin des paillettes et de la gloire des compétitions.
12
BRISSONNEAU, Christophe ; AUBEL, Olivier et OHL, Fabien, L’épreuve du dopage. Sociologie du cyclisme
professionnel, Paris, 2008, P.U.F, coll. “Le Lien social”, 290 pages.
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 16
B. Les études de cas
1. Le décathlonien Romain Barras
Romain Barras est un athlète français de 33 ans qui a la particularité d’être présent sur tous
les fronts. Il est d’abord connu pour sa carrière de sportif de haut niveau puisqu’il a terminé
à la 5ème
place des Jeux Olympiques de Pékin en 2008, avant d’être sacré champion d’Europe
en 2010 sur le décathlon, sa discipline de prédilection. Romain Barras est également professeur
d’éducation physique et sportive et maître de conférence à la Faculté des sports de Montpellier.
L’athlète est d’autre part très engagé dans la lutte anti-dopage, il est même l’une des figures
françaises emblématiques du sport propre. En tant qu’ambassadeur de Dopage Info Service,
Romain Barras travaille en collaboration avec l’AFLD.
Il faut savoir que Dopage Info Service intervient à trois niveaux. Tout d’abord, il a un rôle
d’information et d’orientation pour toute personne concernée par le dopage et sa législation,
que ce soit des sportifs, des encadrants ou des médecins. Ensuite, Dopage Info Service a pour
mission d’observer les différents phénomènes de dopage chez les sportifs de haut niveau comme
les sportifs amateurs. Enfin, il agit dans la mise en œuvre d’actions qui ont un impact positif
sur la connaissance du dopage. Selon Romain Barras, “le dopage est un fléau qui nuit gravement
à l’image du sport et des sportifs dans notre société : il engendre des doutes quant aux
performances réalisées, une mise en péril de la santé des athlètes au nom de “la victoire à tout
prix” tout en allant à l’encontre d’un principe éthique fondamental dans le sport : “l’égalité
des chances pour tous”. Ainsi, même si certaines procédures semblent parfois constituer une
contrainte pour les sportifs (obligations de localisation dans le cadre des groupes cibles, durée,
fréquence et exigence des contrôles...), on ne peut s’affranchir de toutes ces mesures, essentielles
pour pratiquer un sport plus propre et plus crédible.” 13
Romain Barras est considéré, par les encadrants de la Fédération Française d’Athlétisme
et par un grand nombre d’athlètes, comme un sportif passionné, respectable et très investi
dans sa discipline et son sport. Il est réellement perçu comme un exemple à suivre
pour les jeunes athlètes. Cependant, quand j’ai eu la chance d’interviewer Romain Barras, j’ai
13
“Lutte contre le dopage//L’essentiel de la réglementation”, DRJSCS Lille : http://www.nord-pas-de-calais.drjscs.
gouv.fr/IMG/pdf/GUIDE_LAD_2-0.pdf
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 17
pu noter qu’il éprouvait une certaine gêne lorsque j’ai évoqué le dopage alors qu’il est engagé
et lutte contre ce fléau. Il constitue, de par ses fonctions, le premier vecteur du message de
prévention contre le dopage auprès de ses étudiants et des athlètes qu’il entraîne.
2. Lance Amstrong face à Christophe Bassons
Christophe Bassons est un cycliste français de 39 ans, ancien membre de l’équipe Festina
aux côtés de Lance Amstrong. Il n’était toutefois pas présent sur le Tour de France lorsque
le scandale Festina éclata en juillet 1998. Un an plus tard, il est pourtant contraint d’abandonner
le Tour, la pression de ses coéquipiers qui lui reprochaient de ne pas utiliser de produits dopants
étant trop pesante. Lance Amstrong avait d’ailleurs déclaré à son sujet : “Ses accusations
ne sont pas bonnes pour le cyclisme, pour son équipe, pour moi ni personne. S’il pense que
le cyclisme fonctionne comme cela, il se trompe et c’est mieux qu’il rentre chez lui.” 14
Tout comme son entraîneur de l’époque Antoine Vayer, Christophe Bassons est en effet connu
pour ses discours prônant l’éthique du sport et condamnant le dopage. Suite à l’Affaire Festina,
il devint même le symbole du cycliste propre.
C’est donc tout naturellement qu’il a décidé d’agir en collaboration avec l’AFLD et le ministère
chargé des Sports pour lutter efficacement contre le dopage. Lorsque j’ai interviewé Christophe
Bassons, j’ai tout de suite pu observer son aisance à parler du dopage. Il m’a exposé sa vision
critique sur le sujet car il n’a pas de difficultés à prendre du recul sur son expérience. Au fur
et à mesure de nos échanges, j’ai bien compris que l’objectif premier de ses actions de
prévention avait pour cibles les jeunes sportifs. Pour lui, il ne s’agit pas simplement de dire
“Ne te dope pas”, la démarche doit aller bien au-delà, il faut que ces jeunes nourissent des
projets.
Le 7 décembre 2013, c’est d’ailleurs ce qu’a tenté d’expliquer Christophe Bassons à Lance
Amstrong lors d’un face à face très attendu. Entre celui qui se dopait et celui qui ne se dopait
pas le problème de l’omerta a bien entendu été soulevé. D’un côté Christophe Bassons subissait
un lourd harcèlement physique et d’un autre côté Lance Amstrong était très critiqué pour ses
pratiques dopantes. Mais pour chacun des deux, aucun cycliste du peloton n’a parlé, ils n’ont
jamais souhaité révéler ça au public. Lors de ce face à face, Christophe Bassons a également
14
Cyclisme-dopage.com : http://www.cyclisme-dopage.com/portraits/bassons.htm
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 18
tenu à défendre, malgré tout, Lance Armstrong en expliquant que ce n’est pas normal qu’il ait
pris pour tout le milieu car il n’était pas le seul responsable. Derrière toutes ces pratiques, il y
aurait effectivement les organisateurs, les fédérations et même l’UCI.
Pour Christophe Bassons, un changement des mentalités est obligatoire et pour y remédier,
il ne faudrait pas continuer à jouer sur la peur ou sur les risques pour la santé. Il faudrait
plutôt s’axer sur l’estime de soi. En réalité, lorsqu’un sportif se dope, c’est pour accroître
ses performances mais la finalité s’est surtout pour être connu et reconnu. Lance Amstrong
quant à lui explique qu’il est difficile de sortir de la spirale du mensonge car si on demande
si le sportif est dopé il commence par dire non, on lui redemande il nie encore et ainsi de suite.
Au fil du temps, il semble donc impossible de revenir en arrière.15
3. Fouad Chouki ou l’exemple à ne pas suivre
Fouad Chouki est un athlète français de 35 ans, ancien recordman de France du 1 500m.
C’est à l’occasion de la sortie de son livre “Ma course en enfer” en 2009 qu’il reconnaît s’être
dopé à plusieurs reprises durant sa carrière d’athlète de haut niveau. Lui qui avait nié jusque là
tout acte de dopage, a choisit de dénoncer cette pratique généralisée dans sa discipline à travers
ce livre autobiographique.
J’ai eu l’opportunité d’interviewer Fouad Chouki, ce qui m’a permis de recueillir ses ressentis
sur le dopage et de comprendre ce qui l’a poussé à franchir la ligne rouge. La première chose qu’il
m’a dite, c’est que l’athlétisme est selon lui un des sports les plus difficiles et en particulier le
demi-fond. Étant moi-même une athlète pratiquant cette discipline, je dois bien avouer qu’il
n’avait pas tord. Il a insisté sur le fait que le demi-fond contraint les athlètes à l’autonomie et à
s’entraîner de longues heures seuls, d’où l’importance d’avoir un “mental de combattant” car
pour supporter la fatigue et les douleurs physiques il faut lutter au quotidien.
Cette fatigue permanente associée à une pression accrue lors des compétitions l’a conduit à
utiliser des substances dopantes. Il ne s’est jamais posé pas la question de savoir si c’était bien
ou mal car selon lui la plupart des autres coureurs se dopaient également, il ne faisait que se
15
HOPQUIN, Benoît, “Lance Armstrong face à Christophe Bassons, le grand pardon”, in Le Monde.fr,
7 décembre 2013 : http://www.lemonde.fr/sport/article/2013/12/07/lance-armstrong-en-s-acharnant-sur-moi-cela-
servira-aux-autres_3527221_3242.html
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 19
mettre sur un même pied d’égalité. Il m’a également confié que les contrôles antidopage
n’étaient pas compliqués à déjouer à l’époque, en particulier pour l’EPO (érythropoïétine) qu’il
consommait tout au long de sa préparation. En réalité, pour passer à travers les mailles du
filet, il suffisait d’être assez proche de la fédération et/ou des organisateurs des meetings pour
pouvoir être avertis des compétitions où il n’y avait pas de contrôles antidopage.
Fouad Chouki a attiré mon attention sur le fait que le dopage en athlétisme est le fruit
d’une démarche très personnelle, contrairement au cyclisme où le dopage semble
s’insérer dans la culture collective de ce sport. Ainsi, dans la plupart des cas
en athlétisme, personne en dehors de l’entraîneur et du médecin n’est tenu au courant
des pratiques dopantes d’un athlète, que ce soit les sportifs de son groupe d’entraînement,
ses amis et même sa famille. Pour les personnes extérieures au milieu du sport, le dopage
est assimilé systématiquement à de la tricherie. Mais pour les athlètes qui ont recours
au dopage, cette pratique déviante est totalement intégrée à leur quotidien. Les personnes
extérieures ne peuvent aisément comprendre cette dépendance dans la mesure où ce ne sont
pas eux qui fournissent des efforts surhumains au quotidien et qu’ils ignorent les choix
auxquels sont confrontés les sportifs. Pour Fouad Chouki, le dopage a servi bien évidemment
à accroître ses performances, mais avant tout cela lui a permis de gagner confiance en lui
et en son corps car il savait qu’avec l’EPO, l’entraînement ne puiserait pas toute son énergie
pour les compétitions.
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 20
C. Les enquêtes terrain
1. Les sportifs amateurs
J’ai réalisé une enquête semi-quantitative à destination des sportifs amateurs pratiquant
l’athlétisme. La diffusion de mon questionaire16
s’est faite par Internet, pour un total de 83
réponses.
16
Cf. Annexe n°5 : Questionnaire à destination des sportifs amateurs
54.2%
15-20 ans
3.6%
36-50 ans
39.8%
21-35 ans
Vous avez entre :
2.4%
Plus de 50 ans
62.3%
Plus de 6 ans
6.3%
Entre 1 et 3 ans
31.4%
Entre 3 et 6 ans
Q1. Depuis combien de temps pratiquez-vous l’athlétisme ?
51.6%
Résultat
compétition
11.1%
Aptitudes athlète
37.3%
Résultat
entraînement
Q2. Pour vous, qu’est-ce que la performance sportive ?
64.9%
Non
35.1%
Oui
Q3. Pensez-vous que les bienfaits de la pratique sportive soient
suffisamment véhiculés par les médias et les instances médicales ?
Vous avez entre : Q1. Depuis combien de temps pratiquez-vous l’athlétisme ?
Q2. Pour vous, qu’est-ce que la performance sportive ?
Q3. Pensez-vous que les bienfaits de la pratique sportive soient
suffisamment véhiculés par les média et les instances médicales ?
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 21
68.5%
Oui
31.5%
Non
Q4. Êtes-vous sensible à ce que dit la presse
et à ce que pense le public de votre milieu (l’athlétisme) ?
92.5%
Oui
7.5%
Non
Q6. Le dopage est-il la cause de cette perte de confiance ?
58.6%
Parfois
présent
3.9%
Constamment présent
27.7%
Souvent
présent
Q7. Selon vous, le dopage sur les stades
lors des entraînements et compétitions est :
9.8%
Quasi nul
51.8%
Oui
48.2%
Non
Q5. Avez-vous encore confiance en les grands champions d’aujourd’hui ?
Q4. Etes-vous sensible à ce que dit la presse
et à ce que pense le public de votre milieu (l’athlétisme) ? Q5. Avez-vous encore confiance en les grands champions d’aujourd’hui ?
Q6. Le dopage est-il la cause de cette perte de confiance ?
Q7. Selon vous, le dopage sur les stades
lors des entraînements et compétitions est :
Pour la question n° 7 :
Quasi nul : 2-3 fois dans l’année (seulement pour les grandes échéances)
Parfois présent : la moitié de l’année environ
Souvent présent : les trois quarts de l’année environ
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 22
Age
Confiance en
les champions
15-20 ans 21-35 ans 36-50 ans Plus de 50 ans Total
Oui 69.8% 30.2% 0% 0% 51.8%
Non 37.5% 50% 7.5% 5% 48.2%
Total 54.2% 39.8% 3.6% 2.4% 100%
Présence du
dopage
Confiance en
les champions
Quasi nul Parfois présent
Souvent
présent
Constamment
présent
Total
Oui 13.9% 67.5% 16.3% 2.3% 51.8%
Non 5% 50% 40% 5% 48.2%
Total 9.6% 59% 27.8% 3,6% 100%
Exemple de lecture : Sur les 51.8% de sportifs qui ont encore confiance en les grands champions, 69.8%
ont entre 15 et 20 ans.
Exemple de lecture : Sur les 51.8% de sportifs qui ont encore confiance en les grands champions, 67.5%
estiment que le dopage est parfois présent sur les stades lors des entrainements et compétitions.
Pour comprendre qui sont les sportifs qui ont encore confiance en les grands champions
d’aujourd’hui, j’ai croisé les réponses à la question n°5 avec celles de la tranche d’âge et de
la question n°7.
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 23
2. Le grand public
J’ai également réalisé une enquête semi-quantitative à destination du grand public.
Pour l’administration de mon questionaire17
j’ai choisi le face à face et recueilli 109 réponses.
17
Cf. Annexe n°6 : Questionnaire à destination du grand public
57.8%
Oui
42.2%
Non
Q1. Pratiquez-vous une activité sportive ?
69.7%
Argent
20.2%
Effort
64.2%
Performance
Q2. Selon vous, quels mots s’associent le plus
au sport professionnel aujourd’hui ?
14.7%
Exploit
11.9%
Dopage
11.9%
Dopage
11.9%
Plaisir
Q1. Pratiquez-vous une activité sportive ?
Q2. Selon vous, quels mots s’associent le plus
au sport professionnel aujourd’hui ?
65.1%
L’argent
22.9%
Les enjeux politiques
liés à la performance
Q3. Qu’est-ce qui d’après vous nuit au sport de haut niveau ?
51.4%
Le dopage
20.2%
La trop forte
influence des
sponsors
15.6%
Sa surmédiatisation
48.6%
Non
13.8%
NSPP
Q4. Avez-vous encore confiance en les grands champions d’aujourd’hui ?
37.6%
Oui
Q3. Qu’est-ce qui d’après vous nuit au sport de haut niveau ? Q4. Avez-vous encore confiance en les grands champions d’aujourd’hui ?
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 24
68.5%
Oui
20.3%
Non
Q5. Le dopage est-il la cause de cette perte de confiance ?
11.2%
NSPP
26.6%
La moitié des
sportifs
9.2%
Très peu de sportifs
Q6. Selon vous, le dopage dans le haut niveau concerne de manière générale :
20.2%
Les trois quarts
des sportifs
11.9%
Tous les sportifs
32.1%
Un tiers des
sportifs
Q5. Le dopage est-il la cause de cette perte de confiance ?
Q6. Selon vous, qle dopage dans le haut niveau
concerne de manière générale :
62.4%
Non
25.7%
Oui
Q7. Pensez-vous que les contrôles antidopage soient efficaces ?
11.9%
NSPP
80.7%
Interdire totalement
le dopage
18.4%
Interdire totalement le
dopage
Q8. Faudrait-il d’après vous... ?
0.9%
NSPP
Q7. Pensez-vous que les contrôles antidopage soient efficaces ? Q8. Faudrait-il d’après vous...
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 25
Exemple de lecture : Sur les 37.6% des interrogés qui ont encore confiance en les grands champions, 22%
ont moins de 25 ans.
Exemple de lecture : Sur les 37% des interrogés qui ont encore confiance en les grands
champions, 25.7% pratiquent une activité sportive.
Pour comprendre qui sont les personnes qui ont encore confiance en les grands champions
d’aujourd’hui, j’ai croisé les réponses à la question n°4 avec celles de la tranche d’âge et de
la question n°1.
Age
Confiance en
les champions
Moins de
25 ans
26-35 ans 36-45 ans 46-55 ans Plus de 55 ans Total
Oui 22% 4.6% 5.5% 3.7% 1.8% 37.6%
Non 20.2% 8.3% 7.3% 4.6% 8.3% 48.6%
NSPP 2.8% 5.5% 3.7% 0% 1.8% 13.8%
Total 45% 18.4% 16.5% 8.3% 11.9% 100%
Pratique sportive
Confiance en les champions
Oui Non Total
Oui 25.7% 11.9% 37%
Non 26.6% 22% 48.6%
NSPP 5.5% 8.3% 13.8%
Total 57.8% 42.2% 100%
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 26
Exemple de lecture : Sur les 18.4% des interrogés qui pensent qu’il faudrait autoriser le dopage sous contrôle
médical, 2.8% ont entre 46 et 55 ans.
Exemple de lecture : Sur les 80.7% des interrogés qui pensent qu’il faudrait interdire totalement le dopage, 48.6%
pratiquent une activité sportive.
Pour comprendre qui sont les personnes qui aimeraient que le dopage soit entièrement interdit,
j’ai également croisé les réponses à la question n°8 avec celles de la tranche d’âge et de
la question n°1.
Age
Légalisation du
dopage
Moins de
25 ans
26-35 ans 36-45 ans 46-55 ans Plus de 55 ans Total
Autoriser
entièrement
le dopage
0.9% 0% 0% 0% 0% 0.9%
Autoriser
le dopage sous
contrôle médical
11% 1.8% 1.8% 2.8% 0.9% 18.4%
Interdire
entièrement
le dopage
33% 16.5% 14.7% 5.5% 11% 80.7%
Total 45% 18.4% 16.5% 8.3% 11.9% 100%
Pratique sportive
Légalisation du dopage
Oui Non Total
Autoriser entièrement le dopage 0.9% 0% 0.9%
Autoriser le dopage sous contrôle médical 8.3% 10.1% 18.4%
Interdire totalement le dopage 48.6% 32.1% 80.7%
Total 57.8% 42.2% 100%
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 27
3. Les constats et le bilan
Les constats
Les sportifs amateurs
Tout d’abord, 62.3% des sportifs interrogés pratiquent l’athlétisme depuis plus de six ans.
L’enquête a révélé que pour 51.6% des sondés, la performance sportive est le résultat obtenu
lors d’une compétition, pour 37.3% il s’agit du résultat d’un entraînement complexe tandis
qu’ils sont 11.1% à associer la performance sportive aux aptitudes propres d’un athlète.
Ils sont une grande majorité (64.9%) à estimer que les bienfaits de la pratique sportive ne
sont pas suffisamment véhiculés par les média et les instances médicales. D’autre part, 68.5%
des sportifs interrogés se disent sensibles à ce que dit la presse et à ce que pense le public
de l’athlétisme.
L’enquête a également montré que les avis sont partagés concernant la confiance envers les
grands champions. En effet, ils ne sont que 48.2% à déclarer ne plus avoir confiance en ces
sportifs. Pour la quasi totalité de ces sportifs (92.5%), c’est le dopage qui est la cause de cette
perte de confiance.
On note que plus de la moitié des interrogés pensent que le dopage est parfois présent sur
le stade lors des compétitions et/ou entrainements, ils sont 27.7% à dire que le dopage
est souvent présent, 9.8% à dire qu’il est quasi nul tandis qu’une minorité (3.9%) déclarent
que le dopage est selon eux constamment présent.
Si l’on croise les réponses aux questions 5 et 7, on remarque que les sondés ayant affirmé
avoir encore confiance aux grands champions d’aujourd’hui sont ceux qui estiment que
le dopage est “parfois présent” sur les stades d’athlétisme. D’un autre côté, ceux qui ont
déclaré ne plus avoir confiance en ces champions pensent que le dopage est “souvent présent”
sur les stades (40% contre 16.3% pour les athlètes ayant répondu “oui” à la question n°5).
De même, si l’on croise les réponses à la question 5 avec les différentes tranches d’âge,
on constate que ce sont essentiellement les plus jeunes qui ont encore confiance en les grands
champions d’aujourd’hui. Ils sont en effet 69.8% à le déclarer contre 30.2% pour les 21-35 ans.
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 28
Le grand public
Parmi les 109 personnes interrogées, 57.8% pratiquent une activité physique. Pour 69.7%
des sondés, l’argent est ce qui s’associe le plus au sport professionnel aujourd’hui, pour 64.2%
il s’agit de la performance, tandis qu’ils sont 20.2% à l’associer à l’effort. On peut
voir que le dopage et le plaisir ne sont cités que par 11.9% des interrogés, soit moins
que l’exploit (14.7%). Ils sont par ailleurs une grande majorité (65.1%) à estimer que l’argent
est ce qui nuit le plus au sport de haut niveau, suivi par le dopage (51.4%) et les enjeux politiques
liés à la performance (22.9%).
L’enquête a montré que 48.6% des interrogés déclarent ne plus avoir confiance aux grands
champions d’aujourd’hui et pour la majorité (68.5%), c’est le dopage qui en est la cause.
32.1% des interrogés pensent que le dopage concerne, de manière générale, un
tiers des sportifs, ils sont 26.6% à dire qu’il en concerne plus de la moitié, 20.2% à dire
qu’il concerne les trois quarts tandis qu’une minorité déclarent que le dopage concerne tous les
sportifs (11.9%) ou très peu (9.2%).
D’autre part, ils sont 64.2% a penser que les contrôles antidopage sont inefficaces et pour
la quasi totalité des sondés (80.7%) il faudrait interdire totalement le dopage.Acontrario, 18.4%
pensent qu’il faudrait l’autoriser sous contrôle médical.
Si l’on croise les réponses à la question 4 avec les différentes tranches d’âge et avec
les réponses à la question 1, on remarque que les sondés ayant affirmé avoir encore confiance
aux grands champions d’aujourd’hui sont majoritairement ceux qui ont moins de 25 ans
et ceux qui pratiquent une activité sportive.
De même, si l’on croise les réponses à la question 8 avec les différentes tranches d’âge et avec
les réponses à la question 1, on remarque que les sondés qui sont pour une interdiction totale
du dopage sont majoritairement ceux qui ont moins de 25 ans et ceux qui pratiquent une activité
sportive.
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 29
Le bilan
En 2008, 60% des personnes sondées lors d’une enquête du CSA (Conseil Supérieur
de l’Audiovisuel) ont déclaré que, selon eux, les contrôles antidopage sont efficaces. Si on fait
la comparaison entre les résultats du CSA et ceux que j’ai obtenu lors de mon enquête terrain à
destination du grand public, on note que la tendance s’est largement inversée. En effet, 64,2% des
personnes que j’ai interrogé pensent que les contrôles antidopage sont inefficaces aujourd’hui.
De même, alors qu’ils étaient 69% à être favorables à une interdiction totale du dopage
en 2008, mon enquête a montré qu’ils sont 80,7% dans ce cas là en 2014.
Par ailleurs, ils sont 18,4% à dire qu’il faudrait autoriser le dopage sous contrôle médical, ce
qui est une part non négligeable. Cette réponse peut s’expliquer par le fait que certaines
personnes ont davantage conscience des dangers du dopage pour la santé physique des sportifs.
Plus précisément, c’est l’excès des produits qui est dangereux et si les sportifs étaient assistés
médicalement dans la pratique dopante, les risques seraient ainsi réduits. Je pense que les
personnes qui sont favorables à cette démarche estiment que cela permettrait de préserver
l’organisme d’un sportif de haut niveau. Prenons l’exemple de l’EPO qui, d’après le corps
médical, n’est pas dangereux en lui-même, c’est la prise répétée de ce produit et les quantités
importantes injectées qui peuvent l’être. En effet, l’EPO augmentant fortement le taux de
globules rouges, cela a pour conséquence d’épaissir le sang et donc peut engendrer
une hypertension artérielle et des thromboses artérielles, mais également des maladies
auto-immunes ou des cancers.
Autre constat, les sportifs amateurs sont encore nombreux à avoir confiance en les grands
champions d’aujourd’hui. Il y a deux explications à cela. Tout d’abord, s’ils ont encore
confiance, c’est probablement parce qu’ils ne sont pas au courant de ce qu’il se passe réellement
dans le sport de très haut niveau, notamment les plus jeunes qui font preuve d’une certaine
naïveté concernant la réalité des choses. Pour ceux qui sont plus proches du haut niveau,
on note une grande admiration pour les grands champions. La deuxième explication
c’est qu’avoir encore confiance en ces sportifs leur permet d’avoir de l’espoir.
Si les sportifs amateurs se persuadaient que les champions étaient dopés, ils ne croiraient plus
en leur chance et abandonneraient très vite. Cela coïncide avec le fait que les sportifs
amateurs soient sensibles à ce que dit la presse et à ce que pense le public de leur milieu,
soit l’athlétisme dans le cadre de mon enquête. En effet, 68,5% des athlètes que j’ai interrogé
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 30
ont déclaré se préoccuper des avis que peut émettre le public sur leur sport et les grands sportifs
via la presse et les réseaux sociaux.
Concernant le grand public, on peut également noter qu’un nombre élevé de personnes
a encore confiance aux champions. En réalité, le public est partagé. D’un côté il a envie
de rêver, c’est la part infantile qui réside en chacun de nous. D’un autre côté, il est lucide
et n’est pas dupe. Le public a conscience que le sportif est un produit de la science mais il
a envie de croire que c’est aussi un être humain capable de défier les Lois de la nature. De plus
en plus, les téléspectateurs observent le sport à l’image d’un spectacle et non plus comme un
exemple de réussite et de courage. Ainsi, que la performance passe par le dopage importe peu,
du moment que les sportifs offrent des records, du suspens et des exploits. Il n’y a qu’à voir les
réponses du public du Tour de France à l’évocation des affaires de dopage de Festina et surtout
le nombre de personnes qui continuent à suivre coûte que coûte cette épreuve. D’ailleurs, lors
de ce scandale, les critiques et actions des journalistes, des responsables de la lutte
antidopage et des pouvoirs publics avaient été perçues comme de l’acharnement à
l’égard des “idoles cyclistes”, dans le sens où ils gâchaient le spectacle estival du Tour de
France.18
Après bien sur les affaires de dopage ternissent certains sports, sportifs ou
performances, cela marque sur le moment mais c’est aussi bien vite oublié.
L’enquête auprès des athlètes amateurs a aussi révélé que le besoin de croire au miracle sportif
les rendait finalement plus réceptifs aux performances qu’aux principes moraux. Cela explique
en partie le fait que pour une majorité d’interrogés, la performance sportive représente avant
tout le résultat obtenu lors d’une compétition.
C’est ici que le rôle des journalistes devient primordial car plus ils continueront de qualifier
des épreuves “d’inhumaines” ou “d’hors normes” et plus le public aura des doutes sur
les performances réalisées. Il est donc important d’arrêter de vendre du papier par le
sensationnel et l’incroyable. La performance sur laquelle les média communique doit être
explicable, d’où un minimum de connaissances et d’honnêteté intellectuelle. D’autre part,
ils ne doivent pas non plus négliger les bienfaits de la pratique sportive au profit de l’exploit
mais bien les mettre en avant afin de faire évoluer les mentalités.
18
BRISSONNEAU, Christophe ; AUBEL, Olivier et OHL, Fabien, L’épreuve du dopage. Sociologie du cyclisme
professionnel, Paris, 2008, P.U.F, coll. “Le Lien social”, 290 pages.
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 31
III. La recherche de nouvelles valeurs
A. Une communication de crise ?
1. L’état actuel du sport
Le dopage demeure le premier fléau du sport mondial. “Il faut se doper pour gagner”
est une phrase que de plus en plus de personnes emploient. Mais c’est bien la société
actuelle qui contribue fortement à ce phénomène. Nous vivons dans une société
où l’hypermédicalisation a pris une ampleur considérable. A l’image des 69 millions
d’entraîneurs, nous sommes tous des médecins et susceptibles de s’automédicaliser. Tout doit
aller très vite, nous prenons des médicaments peu importe le prétexte physiologique, biologique
ou physique. Cette tendance de l’immédiateté nous conduit à agir d’abord et à réfléchir
ensuite. Pour les sportifs, finalement, c’est la même chose. Leur ambition est de gravir la plus
haute marche du podium et gagner en notoriété ; et si cela doit passer par la prise de substances
dopantes, alors ils ne dérogeront pas à cette règle déviante et laisseront les spécialistes déterminer
après coup si leur performance était légitime. Leur devise serait ainsi “profitons de ce succès
avant que les problèmes ne nous rattrapent.” Paradoxalement, la préoccupation de l’éthique
s’est retrouvée au cœur des discours des instances sportives avec l’arrivée massive de l’argent
et la montée du pari sportif. De ce fait, la publicité autour de la lutte antidopage semble protéger
l’image des champions dans un contexte où les enjeux économiques et financiers du sport-
spectacle sont conséquents.
Ainsi, on pourrait se demander si l’avenir de l’athlétisme ne serait pas condamné si les athlètes
jamaïcains n’étaient plus présents sur les stades, eux qui soulèvent les foules et cumulent
les exploits associés à une culture apparente de révolte antisystème maîtrisée. Si cette
situation peut paraître impensable, l’AMA a pourtant menacé de priver Usain Bolt et
la Jamaïque des Jeux Olympiques de Rio en 2016. La raison ? La Jamaïque s’avère
beaucoup trop laxiste concernant la lutte contre le dopage. Le pays n’aurait effectué
aucun contrôle hors compétition de janvier à juillet 2012, date à laquelle ont commencé
les Jeux Olympiques de Londres. Renée Anne Shirley, l’ex-directrice de la Commission
antidopage jamaïcaine avait d’ailleurs affirmé en octobre 2013 : “Je sais que 30 kits de test
ont été achetés, et qu’ils étaient encore là quand je suis partie. Huit mois plus tard, je ne sais pas
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 32
si la Jamaïque a vraiment réalisé ces tests sanguins.” 19
Nous voyons bien ici qu’il est nécessaire
de pratiquer une communication ouverte et transparente pour garder toute crédibilité auprès
du public. C’est ainsi que Lance Amstrong a pu rebondir suite aux nombreux scandales
de dopage auxquels il était mêlé. En effet, sur le plateau télévisé de la journaliste Oprah
Winfrey, l’ancien cycliste septuple vainqueur du Tour de France est resté cohérent sur
ses déclarations et a utilisé les bons leviers de communication. Tout d’abord, il a montré
une culpabilité assumée en s’attardant sur les raisons qui l’ont poussé à se doper durant sa carrière
sportive. Pour sa stratégie de communication de crise, il a opté pour la reconnaissance et non
le projet latéral qui revient à étendre la faute à d’autres personnes ou d’autres autorités. Il a en
revanchemisl’accentsuruntabouetuneformed’omertadontl’opinionpubliqueavaitconscience
mais ne mesurait sans doute pas l’étendue et les conséquences.
Il a d’autre part déclaré regretter avoir menti pendant si longtemps et ne pas avoir dit non au
système qui lui imposait de se doper pour remporter ses courses. Lance Amstrong a rajouté
qu’il ne s’était pas dopé lors de ses deux dernières participations au Tour.20
Ses résultats ayant
d’ailleurs été moins bons que par le passé, le public a eu la preuve que sans dopage, il est difficile
de rééditer des exploits. Cette révélation explique en partie que de nombreuses personnes n’ont
plus confiance aux grands champions d’aujourd’hui et estiment que les contrôles antidopage
sont inefficaces puisque des sportifs qui possèdent de gros moyens logistiques et financiers, à
l’image de Lance Amstrong, ont réussi à contourner les filets de la lutte antidopage pendant de
longues années.
2. Une crise pour les instances sportives
Si le dopage est apparu comme une menace nuisant à la santé des sportifs, il a davantage été
perçu comme une crise dès lors qu’il a transformé le sport loisir en sport business. A l’heure
actuelle, ce sont les enquêtes de deux reporters du Wall Street Journal qui sont les plus poignantes
sur le sujet. Au travers de leur ouvrage “Lance Amstrong, itinéraire d’un salaud ”, sorti en
19
TROUILLARD, Stéphanie, “L’agence antidopage jamaïcaine “n’a effectué aucun contrôle sanguin” ”, in France
24, 17 octobre 2013 : http://www.france24.com/fr/20131017-ancienne-directice-agence-antidopage-jamaicaine-
effectue-aucun-controle-sanguin-athletisme
20
REGUER, David, “Lance Armstrong dopé : grâce à ce coup de com’ réussi, il peut désormais rebondir”, in
Le Nouvel Observateur, 18 janvier 2013 : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/763405-lance-armstrong-
dope-grace-a-ce-coup-de-com-reussi-il-peut-desormais-rebondir.html
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 33
France le 6 mars 2014, ils pointent du doigt les enjeux liés à l’argent dans le cyclisme
professionnel. On apprend notamment que pour remporter la prime d’un million de dollars
dans l’épreuve de la Triple Couronne (gagner le Tour de France, le Tour d’Italie et le
Championnat du monde sur route), Lance Amstrong avait envoyé l’un de ses coéquipiers
négocier avec Stephan Swart, capitaine d’une équipe adversaire, la promesse qu’il ne disputerait
pas la victoire avec Amstrong en échange d’un pot-de-vin conséquent.21
Cet ouvrage a fait grand bruit parce qu’il a mis en lumière un système tabou du sport de haut
niveau et une généralisation du dopage que les instances internationales ont toujours semblé
réticentes à dévoiler au public. C’est sur ce sujet que j’ai décidé d’interroger Christophe
Bassons afin de comprendre les raisons qui poussent les instances dirigeantes à rester très
discrètes sur la gravité d’une telle pratique. Selon lui, les enjeux politiques et économiques
qui s’articulent autour du sport sont plus qu’importants. Les fédérations sportives vendent des
exploits au public mais si il n’y avait pas de médiatisation, l’argent dans le sport disparaitrait
et les investissements des gouvernements feraient de même. Tout comme les média, les sponsors
sont des acteurs majeurs dans le sport de haut niveau. C’est pourquoi parler de dopage peut
paraître très risqué pour toutes ces instances qui ne veulent surtout pas fragiliser les relations
partenariales et faire fuir les sponsors.22
Il ne faut pas non plus oublier que le sportif représente un idéal commun. Ainsi, les
retombées en terme d’image préoccupent beaucoup les organisations sportives, tout comme
l’engouement autour de certains sports avec l’importance accordée à une hausse du nombre
de licenciés d’une année sur l’autre ainsi que la conquête de nouveaux sponsors. Le dopage
est réellement une crise pour les instances dirigeantes car le sport a un poids considérable
que ce soit au niveau de son influence sur l’opinion publique, de son impact social
et économique sur la société actuelle mais aussi et surtout de son aspect idéologique.
Compte tenu de ces différents paramètres, une “alerte dopage” doit être abordée selon
une certaine stratégie qui vise à limiter l’expansion de cette crise à d’autres secteurs
qui constituent l’environnement du sport. Il est nécessaire d’opter pour la transparence en
21
ALBERGOTTI, Reed et O’CONNELL, Vanessa, Lance Amstrong, itinéraire d’un salaud, Paris, 2014,
Hugo Sport, 390 pages.
22
Cf. Annexe n°3 : Entretien avec Christophe Bassons
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 34
ayant un discours basé sur des informations claires et compréhensibles de tous.
La stratégie de reconnaissance en communication de crise semble être la plus appropriée
et la plus judicieuse à utiliser dans un cas où il y a un début de suspicion de dopage. La
rapidité de réaction sur ce sujet est primordiale car si la reconnaissance du problème et de
la responsabilité engagée de certaines personnes est nécessaire, elle doit avant tout
s’afficher rapidement dans un esprit de crédibilité et “d’autovictimisation”. En
effet, dans tous les cas les journalistes trouvent toujours ce qu’il faut trouver.
Etre à l’origine de la boucle d’information est alors une preuve d’honnêteté qui
crédibilise d’autant plus les discours de l’émetteur. Ces derniers doivent d’ailleurs
être les mêmes auprès de tous les publics cibles pour rester cohérent. Si assumer
pleinement les dommages subis apporte un avantage médiatique ainsi qu’un avantage
juridique, il ne faut pas non plus hésiter à exprimer son incompréhension dans le cas
où l’on ignore certaines causes du problème. L’important est d’éviter que des informations
ultérieures viennent contredire les premières déclarations car cela pourrait fortement nuire
à l’image des fédérations sportives engagées.
3. Les enjeux du sponsoring
Les sponsors sont des acteurs essentiels du sport de haut niveau et en cela ils doivent
veiller à véhiculer une image positive de leur marque. Si le sponsoring sportif est un outil
de communication très utilisé, c’est parce qu’il offre une forte visibilité, un gain de
notoriété important et qu’il a potentiellement un impact sur les ventes de la marque.
Si l’on prend l’exemple du cyclisme, on remarque que les sponsors sont toujours présents au
rendez-vous et surtout celui du Tour de France auprès duquel ils n’hésitent pas à investir des
sommes conséquentes. Pourtant, les scandales liés au dopage se sont multipliés ces dernières
années ce qui aurait du avoir pour conséquence une dégradation de l’image des sponsors.
L’exemple le plus flagrant est la marque Festina en 1998, peu connue avant son “affaire”
de dopage, qui bénéficie aujourd’hui d’une notoriété exceptionnelle. Festina a en fait très
bien réagi lors de ce scandale puisqu‘elle s’est séparée de Richard Virenque qui était le
principal accusé. Je pense que c’est ce que le public attend des sponsors, qu’ils adoptent
des comportements responsables et respectueux des valeurs sportives.
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 35
En effet, au-delà d’être un simple achat d’espace dans les média traditionnels, le sponsoring
sportif engage l’annonceur sur un plan économique et social pour en faire un acteur
incarnant des valeurs fortes dans l’imaginaire commun. Pour qu’une action de sponsoring
soit efficiente, une marque doit choisir de s’associer à un sport avec lequel elle partage ces
mêmes valeurs fortes. La marque partenaire doit également distinguer le sport, de l’équipe
et de l’athlète, dans le cas où elle choisit de sponsoriser un seul sportif d’une équipe.
Il est primordial que la relation établie soit bâtie sur la confiance et que cela se perpétue au fil
du partenariat.
D’autre part, lorsqu’une affaire de dopage éclate, cela peut être l’occasion pour
le sponsor d’affirmer ou de réaffirmer une position claire de lutte contre le dopage. Il est
nécessaire d’appuyer sur le fait que de tels comportements sont inacceptables. De même,
la communication de la marque partenaire se doit de respecter les principes de fermeté,
de transparence et de précision. Par ailleurs, certaines marques comme la Française des Jeux,
par exemple, investissent également dans le mécénat, en plus de leurs actions de sponsoring
sportif, et d’autres dans la formation pour aider les jeunes sportifs à développer leur
potentiel. Cette démarche que l’on pourrait qualifier de citoyenne est une manière pour eux
de communiquer à la fois sur leur territoire de marque et sur l’éthique du sport, c’est-à-dire
concilier leur préoccupation commerciale avec une certaine préoccupation morale.
Pour Adidas, la décision fut sans équivoque lorsque le sprinter américain Tyson
Gay a été contrôlé positif à un produit dopant en juillet 2013. Dès le lendemain de
cette annonce, Adidas a en effet suspendu son contrat de sponsoring avec l’athlète.
Cette affaire donna l’opportunité à la marque de revendiquer une politique claire
sur le dopage en précisant que chaque contrat avec les sportifs qu’il sponsorise inclut
une clause de résiliation en cas de preuve de consommation de produits illicites. En 2012,
Nike avait réagi de la même façon en mettant un terme à son contrat avec Lance Amstrong
lorsque ses sept victoires sur le Tour de France ont été annulées pour dopage. La marque
soutenait pourtant le cycliste depuis seize ans.23
Les grandes marques comme Nike ou
Adidas désirent communiquer sur la vitesse, la performance et la compétition. Pour autant,
23
AFP, “Dopage: Adidas suspend son contrat de sponsoring avec Tyson Gay”, in Challenges.fr, 15 juillet 2013 :
http://www.challenges.fr/sport/20130715.CHA2386/dopage-adidas-suspend-son-contrat-de-sponsoring-avec-
tyson-gay.html
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 36
il est impensable pour ces sponsors d’être un allié du mensonge et de la facilité. La rigueur,
le dépassement de soi et le respect des règles sont les valeurs qui doivent être véhiculées
par les athlètes sponsorisés.
B. Les bienfaits de la pratique au-delà de la performance sportive
1. Les objectifs
De nos jours, le sport est un moyen pour exister. Les jeunes particulièrement sont de plus en
plus soucieux pour leur avenir et de plus en plus attentifs au regard des autres. Cela peut
s’expliquer notamment par la sur-sociabilisation qu’ils subissent. Les jeunes d’aujourd’hui sont
en permanence sollicités et “n’ont plus le temps de s’ennuyer”. Pourtant, les bienfaits de l’ennui
sont reconnus depuis longtemps, il est important de s’ennuyer parfois pour réfléchir à ce qu’on
est et ce qu’on veut être. Le problème, c’est que les jeunes sportifs voient dans les média ce
qu’ils peuvent devenir. Il leur est ainsi difficile de s’auto-évaluer, de s’estimer sans se comparer.
Cette estime de soi autonome est primordiale pour le bien-être de l’individu et pour lui permettre
de prendre ses décisions et non se plier aux coutumes du milieu qu’il intègre. Cette capacité
à dire non, à défendre son propre avis, fait partie des compétences psychosociales qu’il est
essentiel de développer chez les jeunes. Mais il peut s’avérer difficile d’y parvenir lorsque l’on
est sans cesse confronté à l’image de grands champions qui enchainent les exploits et présentent
un univers rempli de paillettes, de fortune et de facilité.
Alors, pourquoi continuer coûte que coûte à séduire de futurs pratiquants en vendant de la
performance plutôt que les bienfaits de la pratique ? Et pourquoi motiver et fidéliser un jeune
par la compétition, parfois dès le plus jeune âge ? Les institutions et les entraîneurs devraient
davantage communiquer sur le bien-être que procure la pratique sportive ou physique pour
le corps et la tête. Le sport apprend en effet à connaître son corps, à le maîtriser et à l’aimer.
La performance telle qu’elle est conçue par beaucoup de personnes est basée sur de
la comparaison et non des valeurs intrinsèques, alors que les bienfaits du sport sont pourtant
innombrables. Le proverbe antique “anima sana in corpore sano” démontre d’ailleurs que
le sport c’est la santé. Les jeunes sportifs ne doivent donc pas se laisser aspirer par une course
à la précocité. En cela, les parents ont un effort éducatif à fournir car il faut veiller à ne pas trop
en exiger d’eux. En effet, beaucoup utilisent leur enfant pour réaliser leurs propres rêves, il
représente ainsi le fruit de leurs désirs. L’enfant tente alors par tous les moyens de correspondre
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 37
à ce que ses parents attendent de lui. Le destin des champions est donc fortement influencé par
l’entourage familial qui désire réellement toucher du doigt ce rêve de gloire et de reconnaissance.
C’est cette reconnaissance de la part des autres qui entraine le plaisir dans le sport de haut niveau
et non pas la pratique en elle-même. Cela est d’autant plus vrai quand les sportifs gravissent
les marches du podium car c’est là qu’ils se sentent fiers et appréciés de ceux qui l’entourent.
Dans la société actuelle, le plaisir du jeu tend ainsi à disparaître car ce sont la réussite immédiate,
l’argent dans le sport professionnel et les discours politiques prônant que “le sport c’est que
du bonheur” qui sont mis en exergue aujourd’hui. Toutes ces images censées refléter la gloire
des sportifs de haut niveau masquent en réalité la souffrance derrière la performance et parfois
cette souffrance est présente depuis la plus jeune enfance des athlètes.24
De la même manière, la lutte antidopage s’est tout de suite axée sur le fait que le dopage nuisait
à la santé. Il est important de rappeler que la santé ce n’est pas que le bien-être physique,
c’est également le bien-être mental et social d’un individu. Le parcours des sportifs doit ainsi
être mieux pris en compte, tout comme leurs valeurs psychiques et intrinsèques. Le souci
de reconnaissance doit être lui aussi pris dans sa globalité, en particulier pour les jeunes sportifs.
Effectivement, dans le sport amateur, recourir au dopage est une manière d’acquérir une
image positive et reconnue des autres. Il n’est pas utilisé par les sportifs amateurs pour gagner
de l’argent puisque dans cette catégorie de sportifs, les enjeux financiers ne sont pas du tout
les mêmes que dans le sport professionnel.
2. L’importance de toucher les sportifs amateurs
Si le dopage est particulièrement observé dans le sport de haut niveau, il faut bien prendre
conscience qu’il se répand également dans le milieu amateur et touche irrémédiablement les
plus jeunes. C’est dans le sport professionnel que l’obsession de la performance se fait
majoritairement sentir. Toutefois, cette idéologie de l’exploit contamine les jeunes sportifs mais
aussi leurs entraineurs qui ont tendance à vouloir assouvir le fantasme de découverte du futur
champion. Ainsi, le plaisir même d’entraîner se voit mis à mal. Les entraîneurs commencent
par proposer à leurs athlètes de simples vitamines, du magnésium ou des produits énergétiques,
ce qui ouvre progressivement la porte aux conduites dopantes ou addictives, puis à la prise
d’autres produits comme la créatine par exemple. En effet, de nombreux sportifs amateurs ont
24
Cf. Annexe n°1 : Entretien avec Stéphane Proia
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 38
recours à des stimulants, des anxiolytiques ou des narcotiques pour aborder les compétitions
dans de meilleurs conditions et se sentir plus fort psychologiquement. Ils ont alors l’impression
que sans ces produits ils ne seront pas performants et ne pourront répondre aux objectifs fixés
par leur entraîneur ou leur club.
Le dopage dans le sport amateur est davantage préoccupant dans la mesure où les produits utilisés
sont les mêmes que chez les professionnels. La différence à ne pas négliger c’est qu’il y a un
grand risque que ces produits soient pris de manière anarchique et en quantité démesurée.
L’automédication est très dangereuse pour la santé de ces jeunes qui peuvent se procurer
quasiment tous les produits illicites dans les salles de sport ou par un simple
clic sur internet. Près d’un million de sportifs amateurs succomberaient à la
tentation du dopage en France et les conséquences peuvent s’avérer dramatiques.
Plusieurs cas de cancers suspects ont en effet été détectés chez ce type de sportifs.25
Les contrôles antidopage étant très coûteux, on remarque que ce sont les campagnes
de prévention qui sont privilégiées. L’objectif est surtout d’informer et de prévenir, plus que
de réprimander, ce qui selon moi n’est pas la stratégie la plus efficace à adopter.
Les enjeux sont pourtant de taille. Le dopage représente un réel danger pour la santé publique,
notamment auprès des jeunes. Les sportifs professionnels sont particulièrement surveillés
par l’AMA, l’AFLD ou leur fédération, ce qui n’est pas le cas des sportifs amateurs.
L’impact du dopage sur ces derniers est par ailleurs moins connu. Il y a en réalité un vrai
défaut d’information et de sensibilisation des médecins généralistes. Les sportifs de haut niveau
ont eux recours à des médecins spécialisés dans le sport. De ce fait, le problème du dopage est
plus grave chez les sportifs amateurs parce que les médecins généralistes auxquels ils sont
susceptibles de faire appel souffrent d’un manque de formation en la matière.
Un travail auprès des jeunes doit également être fourni avant qu’ils n’arrivent dans
le milieu sportif. Il faut leur donner les moyens d’acquérir leurs propres réflexions et maintenir
ce niveau d’exigence en les incitant à participer à des débats qui concernent l’environnement
du sport. Cela inclut le dopage bien sur, mais aussi les bonnes pratiques à adopter au quotidien
avec notamment le respect d’une certaine hygiène de vie.
25
“Sport : enquête sur le dopage des sportifs amateurs”, TF1, 12 novembre 2012 : http://videos.tf1.fr/jt-20h/sport-
enquete-sur-le-dopage-des-sportifs-amateurs-7653502.html
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 39
3. Les solutions à mettre en oeuvre
Actuellement, la politique de prévention du dopage me paraît assez peu dynamique
et pas suffisamment orientée vers la cible des sportifs amateurs. Les outils déjà mis en place
devraient être davantage exploités avec une meilleure coordination entre chacun d’eux.
Par ailleurs, la réactivité concernant la lutte antidopage se doit d’être au cœur des stratégies
car les rythmes des compétitions sont toujours plus soutenus tout comme la pression imposée
aux sportifs.
Pour sensibiliser efficacement les jeunes aux dangers du dopage, il est indispensable d’agir
directement dans les écoles et les associations sportives sous forme de roadshows par exemple,
en organisant des rencontres avec des sportifs, des entraîneurs spécialisés et des médecins du
sport. Se servir de leaders d’opinion appréciés du public et porteurs de certaines valeurs éthiques
permettrait de communiquer sur la gloire d’un sport pur. Il faut également insister auprès des
sportifs de haut niveau sur le fait que s’ils n’ont rien à cacher, ils doivent accepter d’informer
les autorités antidopage de leur localisation, conformément aux règles en vigueur. Leur objectif
doit être de montrer aux jeunes que le sport est une grande expérience de vie.
Les discours autour de la prévention paraissent bien souvent réducteurs et moralisateurs.
Il me semble ainsi plus judicieux d’insister sur les bienfaits de la pratique sportive. Le message
doit s’articuler autour du bien-être, de la santé, mais également du plaisir et du jeu, notamment
pour les jeunes. Les entraîneurs ont un rôle essentiel à jouer dans la mesure où ils sont
les plus à même de faire passer ce message en évitant de mettre trop l’accent sur la compétition
et les records.
Prévenir et surtout lutter contre le dopage passe d’abord, selon moi, par de l’information
et de la sensibilisation, puis par des transferts de connaissances et d’expériences, et enfin par
une modification des conduites et des comportements avec un travail sur les représentations.
Il faut toujours veiller à ce que les moyens utilisés soient en accord avec les objectifs fixés
sur le court, le moyen et le long terme. La lutte contre le dopage passe également par
la formation des animateurs de prévention qui doivent disposer de compétences initiales
et actualisées en la matière. Il faudrait aussi renforcer la sensibilisation des médecins
et futurs médecins à la question du dopage au cours de leur formation initiale et continue,
tout ceci en vue de toucher, en premier lieu, les sportifs amateurs.
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 40
De manière générale, la transparence vis-à-vis des parties prenantes est essentielle. En effet, le
silence alimente le doute. C’est pourquoi il faut assumer entièrement le financement de la lutte
antidopage. Tous les acteurs du sport doivent se sentir concernés, ce qui implique les sponsors,
les média et aussi les équipements sportifs. De même, pour rompre l’omerta qui règne dans le
milieu du sport professionnel et pour mettre fin aux différents préjugés ancrés dans l’opinion
publique, la liberté de parole doit être encouragée. Tous les témoignages ont leur importance,
que ce soit ceux des sportifs amateurs ou professionnels, ceux des athlètes à présent à la retraite,
ceux de l’entourage des sportifs ou encore ceux des entraîneurs.
Par ailleurs, les risques pour la santé des athlètes mériteraient d’être davantage pris en compte
car l’intensité des efforts liée aux calendriers sportifs de plus en plus surchargés favorise
considérablement le recours à des produits dopants. Le ministère des sports devrait intervenir
face à cette situation alarmante en participant à la validation des calendriers sportifs. Il faudrait
aussi financer des études épidémiologiques plus poussées car finalement nous ne savons pas
quels problèmes de santé développent d’anciens sportifs dopés aujourd’hui retraités.
D’un autre côté, il convient de trouver le juste équilibre entre les moyens modernes
et traditionnels pour avoir une communication multi-canal. Le choix dépend de plusieurs
facteurs tels que l’âge et la typologie des cibles, les objectifs attendus des actions ainsi que
les conseils d’accompagnement apportés par chaque moyen. Je pense qu’il faut privilégier les
actions participatives qui impliquent directement le public ciblé. Pour les jeunes par exemple, on
peut facilement envisager des opérations de street marketing, la création d’applications mobiles
dédiées, mais aussi une sensibilisation à la question du dopage au travers d’ouvrages interactifs,
de programmes radio ou de télévision ou encore en utilisant la musique. L’intérêt de la musique
est qu’elle est fédératrice et de ce fait corrobore avec la volonté de faire de la lutte antidopage
une lutte collective. D’autre part, concernant le ton à employer pour la communication, je suis
convaincue que l’usage de l’humour et du côté “choc” par certains visuels ou slogans permettent
d’avoir un maximum d’impact grâce à une forte mémorisation.
Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 41
C. Vers un changement des mentalités
1. Un nouveau code antidopage vs le dopage génétique
Le 1er
janvier 2015, un nouveau code mondial antidopage entrera en vigueur, avec pour
principales mesures un élargissement des infractions ainsi qu’un alourdissement des sanctions.
En effet, à partir de cette date, les sportifs déclarés positifs à des substances lourdes seront
suspendus quatre ans, au lieu de deux ans actuellement. L’entourage des sportifs suspectés
de dopage sera également sanctionné s’il est prouvé qu’une ou plusieurs personnes ont été
complicesdefaçonintentionnellepardel’assistance,del’incitationouencoredeladissimulation
dans la conduite dopante d’un sportif.
Le nouveau code mondial est en revanche plus tolérant concernant les manquements aux
règles de localisation. Jusqu’à maintenant, les sportifs qui n’étaient pas présents aux lieux
indiqués pour un éventuel contrôle antidopage, et ce à trois reprises en dix-huit mois, étaient
suspendus pendant deux ans. Dès le 1er
janvier 2015, cette suspension ne durera que douze mois.
En contrepartie, une véritable collaboration entre l’AMA, les fédérations internationales,
les instances gouvernementales et l’AFLD sera mise en place. Grâce au partage d’informations
entre les différents acteurs, l’AMA pourra s’appuyer, de manière indirecte, sur des aveux,
des témoignages, des données recueillis via le passeport biologique des athlètes, pour mettre
la main sur un maximum de sportifs suspectés de dopage.26
De même, une nouvelle méthode d’analyse permet maintenant de détecter la présence
de stéroïdes plus de six mois après qu’ils aient été pris. Cela est une grande évolution en terme
de lutte contre le dopage car cette méthode va véritablement freiner la prise de ces produits
dopants. Si les sportifs de haut niveau prenaient des stéroïdes pendant leurs périodes
d’entraînement pour arriver en grande forme aux compétitions six mois après, cela leur est
devenu impossible grâce à cette avancée scientifique.
Paradoxalement, en 2013, l’AMA a arrêté un seuil de positivité dix fois plus élevé pour
le cannabis. Afin d’éviter de sanctionner des sportifs ayant consommé du cannabis dans un
26
“Un nouveau code mondial antidopage en 2015, quatre ans de suspension pour les substances lourdes”, VO2 :
http://www.vo2.fr/actualite/dopage-un-nouveau-code-mondial-antidopage-en-2015-quatre-ans-de-suspension-
pour-les-substances-lourdes-19112013-7963.html
La communication et le dopage dans le sport - Anaïs Blain
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La communication et le dopage dans le sport - Anaïs Blain

  • 1. La communication et le dopage Comment communiquer sur la performance sportive alors que le dopage compromet son image dans l’esprit du public ? MÉMOIRE Anaïs BLAIN COMAL 4 Année 2013/2014 Tuteur de mémoire : M. Antoine Pecnard Directeur de mémoire : M. Jean-Christophe Aubin Conseiller à la DRJSCS du Languedoc-Roussillon
  • 2.
  • 3. Remerciements Je souhaite adresser mes remerciements aux personnes qui m’ont apporté leur soutien dans la conduite de cette étude et la formalisation de mon mémoire. En premier lieu, je remercie M. Jean-Christophe Aubin, conseiller à la Direction Régionale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale du Languedoc-Roussillon. En tant que Directeur de mémoire, il a su être à l’écoute et m’a accompagné dans mes réflexions. Je tiens sincèrement à le remercier du temps qu’il m’a consacré et de l’intérêt qu’il a porté à mon travail. Je remercie également M. Antoine Pecnard, Tuteur de mon mémoire, ainsi que Mme Claudine Puyau, Directrice des études à l’ISCOM Montpellier, qui m’ont fait confiance dans le choix de mon sujet de mémoire qui lie mes deux passions : la communication et le sport. Merci à Mme Laurène Castagné qui prépare une thèse de pharmacie sur les représentations du dopage par les média et qui a su apporter un avis critique sur mon étude. Merci également à M. Christophe Bassons, ancien cycliste professionnel, à M. Stéphane Proia, psychologue clinicien au CHU de Nîmes, et à M. Louis Chenaille, ancien journaliste de la radio nationale RMC Infos, pour leur collaboration à ce projet. Pour finir, merci à M. Romain Barras et M. Fouad Chouki, deux athlètes qui ont accepté de répondre à mes questions à l’image de toutes les personnes qui ont bien voulu participer à mes enquêtes terrain. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage
  • 4. Table des matières Introduction 1 I. Le dopage, fléau du sport 2 A. Le contexte 2 1. Les grandes notions 2 2. Les faits marquants dans l’histoire du dopage 3 3. Les acteurs engagés dans la lutte contre le dopage 5 B. La stigmatisation du cyclisme 6 1. Le sport-spectacle 6 2. Le rôle des sponsors, médecins et entraineurs 7 3. Le dopage comme déviance 9 C. L’athlétisme, sur la piste du scandale 10 1. La compétition avant tout 10 2. Le rôle des entraineurs, médecins et sponsors 11 3. Le dopage comme déviance 12 II. Les enjeux de la communication 13 A. Le mythe du héros sportif controversé 13 1. Le corps-machine 13 2. La précarité contractuelle 14 3. Le déclin et la reconversion 15 B. Les études de cas 16 1. Le décathlonien Romain Barras 16 2. Lance Amstrong face à Christophe Bassons 17 3. Fouad Chouki ou l’exemple à ne pas suivre 18 Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage
  • 5. C. Les enquêtes terrain 20 1. Les sportifs amateurs 20 2. Le grand public 23 3. Les constats et le bilan 27 III. La recherche de nouvelles valeurs 31 A. Une communication de crise ? 31 1. L’état actuel du sport 31 2. Une crise pour les instances sportives 32 3. Les enjeux du sponsoring 34 B. Les bienfaits de la pratique au-delà de la performance sportive 36 1. Les objectifs 36 2. L’importance de toucher les sportifs amateurs 37 3. Les solutions à mettre en oeuvre 39 C. Vers un changement des mentalités 41 1. Un nouveau code antidopage vs le dopage génétique 41 2. Les valeurs, attitudes et comportements à adopter 43 3. Le rôle des journalistes 45 Conclusion 48 Bibliographie/Webographie 50 Annexes 53 Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage
  • 6. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 1 Introduction Dans une société où la quête de l’exploit et du record est de plus en plus prononcée, l’hypermédiatisation du sport fait débat. En effet, si l’on retrouve d’un côté la valorisation de l’effort et de l’endurance, on trouve d’un autre côté une réelle course au record à n’importe quel prix et par n’importe quels moyens, notamment la corruption et le dopage. L’industrie du sport réunit de nombreux enjeux avec la recherche de visibilité et l’appât du gain dans une sphère économique influente. Le dopage est un fléau dans le sport et ce à tous les niveaux, même si l’accent est davantage porté sur les sportifs professionnels que sur les sportifs amateurs. La lutte antidopage se mène depuis déjà bien longtemps à l’échelle internationale mais elle ne doit pas s’arrêter là. Il est nécessaire de poursuivre les actions visant à préserver la santé des sportifs mais également à préserver ce qui est l’essence même du sport, à savoir l’éthique et l’égalité des chances. Mais alors comment lutter efficacement contre le dopage ? Les bienfaits de la pratique sportive sont-ils délaissés au profit de la performance ? En quoi les média ont-ils un rôle clef pour faire évoluer les mentalités ? Au travers de ce mémoire, nous allons aborder ces différents points afin de donner une réponse à la problématique suivante : comment communiquer sur la performance sportive alors que le dopage compromet son image dans l’esprit du public ? Nous verrons dans un premier temps comment le dopage est devenu un véritable fléau du sport, notamment dans le cyclisme et l’athlétisme qui sont les deux sports les plus médiatisés concernant le dopage. Puis, nous analyserons quels sont les enjeux de la communication à travers le mythe du héros sportif. Une analyse qui sera illustrée par l’étude de trois sportifs aux profils très différents et qui sera appuyée par deux enquêtes terrain. Tout cela dans le but d’énoncer, dans une troisième partie, des recommandations stratégiques fondées sur la recherche de nouvelles valeurs, dans une situation de crise pour les instances sportives.
  • 7. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 2 I. Le dopage, fléau du sport A. Le contexte 1. Les grandes notions Sport D’un point de vue sociétal, le sport “c’est d’abord une pratique de compétition, règlementée par une institution.” 1 Si l’on se penche sur la définition au sens large, le sport serait la répétition d’une activité ou d’un exercice physique, ayant pour objectif d’effectuer une performance et pratiqué avec le respect de certaines règles. Sportif De manière générale, est considéré comme sportif toute personne pratiquant une activité physique régulière. Il faut savoir qu’il existe deux catégories de sportifs : les sportifs de haut niveau, qui s’entraînent de manière intensive dans le but de participer à des compétitions, et les sportifs amateurs, qui eux ont des objectifs de conservation de la condition physique et d’épanouissement par le sport. La notion de plaisir est très présente pour cette catégorie là. Selon l’article L. 230-3 du code du sport, il faut participer ou se préparer à une manifestation sportive nationale ou internationale pour être considéré comme sportif.2 Performance sportive Plusieurs définitions existent pour expliquer ce qu’est la performance sportive. Ces définitions varient selon la relation que les personnes entretiennent avec le sport. Ainsi, la performance peut-être perçue comme le résultat obtenu lors d’une compétition, ou le résultat d’un entrainement complexe ou bien encore comme les aptitudes propres d’un athlète, comparables aux performances intellectuelles d’un individu. 1 PROIA, Stéphane, La face obscure de l’élitisme sportif, Toulouse, 2008, Presses Universitaires du Mirail, coll. “ Chemins cliniques”, 325 pages. 2 Cf. Annexe n°7 : Code du sport
  • 8. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 3 Dopage Le dopage est le recours à une méthode et/ou à une ou plusieurs substances destinées à augmenter artificiellement les capacités physiques ou mentales d’un individu. Dans la plupart des cas, le dopage est utilisé par les sportifs pour accroître leurs capacités physiques, que ce soit pour améliorer leur endurance et l’oxygénation de leur corps, pour transformer leur morphologie ou encore pour accroître des paramètres de puissance ou de force. 2. Les faits marquants dans l’histoire du dopage 1950 : Les premiers accidents Dès la fin du XIXème siècle, plusieurs cas de dopage dans le cyclisme sont référencés avec notamment des décès dus à la prise de certains stimulants. Toutefois, c’est à partir de 1950 que le dopage est réellement médiatisé, avec la mise en lumière d’accidents provoqués par des substances hasardeuses. Les évènements s’enchaînent, dix ans plus tard, le cycliste danois Knud Enemark décède à l’arrivée des 100km aux Jeux Olympiques de Rome, suite à une absorption massive d’amphétamines. En 1967, c’est Tom Simpson qui décède lors du Tour de France pour les mêmes raisons. Le Comité International Olympique (CIO) décide alors d’imposer, en 1968, les premiers contrôles antidopage aux J.O de Mexico. L’année 1988 est celle qui a profondément marqué l’athlétisme. C’est l’année où Ben Johnson a été disqualifié après le record du monde qu’il venait d’établir sur le 100m aux J.O de Séoul, en raison d’une prise avérée d’anabolisants. Sa récidive en 1993 lui a couté une radiation à vie, il est aujourd’hui l’un des exemples les plus utilisés lorsque l’on parle de dopage dans le sport. 1998 : L’affaire Festina L’affaire Festina a été le premier grand scandale du Tour de France par le fait qu’elle a révélé pour la première fois au grand public ce recours au dopage répandu au sein du peloton.Ala suite de ce scandale, les confessions et témoignages de coureurs et d’entraîneurs se sont succédés pour rompre une omerta jusque-là très ancrée dans la “culture” cycliste. Durant cette période, Marie-George Buffet, alors Ministre des Sports, décide de crée une loi en instaurant le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage en mars 1999. Selon elle, “les sportifs sont avant tout victimes voir instruments d’un système qui veut les entrainer dans une sur-compétition inhumaine où les enjeux financiers prennent le pas sur les règles sportifs, sur les fondements
  • 9. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 4 du sport qui sont l’épanouissement individuel, la rencontre avec d’autres, la solidarité, le respect des autres.” 3 Les multiples affaires de dopage n’ont fait que remettre au goût du jour le débat sur l’éthique de la victoire. La forte médiatisation autour de ces scandales, accompagnée par la pression du grand public, ont marqué les années 2000. Il devient primordial de gagner des courses ou des épreuves en respectant une certaine éthique, pour rendre crédible la performance sportive établie et conserver la confiance du public. 2012 : The war on doping Le dopage, réel fléau du sport, a d’ailleurs fait l’objet d’un film documentaire “The war on doping ”, parrainé par l’UNESCO et diffusé en avant-première mondiale des J.O de Londres 2012. Celui-ci présente le choix manichéen auquel sont confrontés les sportifs de nos jours, avec d’un côté un accès rapide à la victoire, la notoriété et l’argent ; et d’un autre côté un risque pour la santé bien présent avec une remise en question de la légitimité de la performance. Si le dopage fait débat, c’est également parce qu’il est source d’une économie croissante et parallèle qui touche à la fois la performance sportive et le culte du corps. 2013 : Scandale sur les pistes d’athlétisme L’année 2013 est une année qui rime avec scandale pour l’athlétisme. C’est à partir du mois de mai que sont révélés de nombreux cas de dopage, notamment dans les équipes jamaïcaines. Dans un premier temps, c’est la sprinteuse Veronica Campbell-Brown, championne olympique sur le 200m en 2008 à Pékin, qui est contrôlée positive à un diurétique considéré comme un produit masquant. Trois semaines avant les championnats du monde de Moscou, le 14 juillet, c’est l’américain Tyson Gay, meilleur performeur mondial de l’année sur le 100m à cette date, qui se fait prendre lors des sélections américaines. Il est suivi quelques heures plus tard par le jamaïcain Asafa Powell, ancien recordman du monde de la même spécialité, pour lequel le contrôle antidopage se révèle là aussi positif. Ce scandale marqua surtout l’athlète Tyson Gay qui bénéficiait d’une grande confiance du public à son encontre, il était même considéré comme l’un des athlètes propres de la discipline. 3 ABDOURAHIM, Kamal, “L’Écho des lois: Loi antidopage : une course perdue?”, LCP, 18 avril 2011 : http://www.lcp.fr/emissions/l-echo-des-lois/vod/13630-loi-antidopage-une-course-perdue
  • 10. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 5 Jusqu’à maintenant, le détenteur du record olympique Usain Bolt n’a encore quant à lui jamais été lié à des affaires de dopage. Il a d’ailleurs déclaré : “Je suis propre, je n’ai aucun problème avec ça. Après, je ne peux pas répondre au nom des autres.” 4 Nous sommes aujourd’hui véritablement dans un contexte de banalisation. Dans les clubs, dans les équipes, une grande partie des athlètes savent pertinemment que prendre des substances dopantes est dangereux. Ils tentent alors de se rassurer en se disant que cela ne durera pas ou que la dose administrée n’est pas assez élevée. C’est cette sensation de “non risque” entretenue continuellement et en toute impunité qui est dangereuse pour le bien-être physique, mental mais aussi social des athlètes, notamment des plus jeunes. 3. Les acteurs engagés dans la lutte contre le dopage Agence Française de Lutte contre le Dopage (AFLD) L’Agence Française de Lutte contre le Dopage est une autorité publique indépendante créée en 2006. Sa mission est de définir et de mettre en œuvre les actions de lutte contre le dopage en France, à destination des sportifs qui participent à des compétitions sportives. Cette mission inclue les contrôles antidopage, les différentes analyses ainsi que le suivi des sanctions. Il faut savoir que l’AFLD intervient à la fois dans la prévention, de manière occasionelle, et dans la recherche pour détecter les substances et procédés interdits.5 Agence Mondiale Antidopage (AMA) et UNESCO L’UNESCO et l’Agence Mondiale Antidopage, créée en 1999, agissent ensemble au niveau international pour lutter contre le dopage. C’est l’AMA qui coordonne le Code mondial antidopage, document de référence instauré en 2004. L’UNESCO est particulièrement active dans les programmes d’éducation et de prévention contre le dopage à destination des jeunes. Sa mission est de promouvoir les valeurs fondamentales du sport et d’informer sur les conséquences morales, juridiques et sanitaires du dopage.6 4 AFP et Reuters, “Les athlètes Asafa Powell et Tyson Gay contrôlés positifs”, in Le Monde.fr, 14 juillet 2013 : http://www.lemonde.fr/sport/article/2013/07/14/dopage-tyson-gay-declare-avoir-ete-controle-positif_3447440_3242.html 5 Ministère des Sports : http://www.sports.gouv.fr/prevention/dopage/Agence-francaise-de-lutte-contre-le-dopage 6 SCHISCHLIK, Alexander, “Dossier de presse : Agir ensemble contre le dopage”, in l’UNESCO, 2012 : http://www.unesco.org/new/fileadmin/MULTIMEDIA/HQ/SHS/pdf/JO2012_presskit_fr.pdf
  • 11. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 6 B. La stigmatisation du cyclisme 1. Le sport-spectacle Le cyclisme s’assimile souvent à des histoires de famille. On remarque une grande fidélité à cette pratique, si bien que la “culture” cycliste reste ancrée même lorsque la carrière des sportifs s’achève. L’engagement pour la discipline est tel qu’il constitue pour les cyclistes une manière de décliner leur identité. A cela s’ajoute le fait qu’ils ont la sensation de s’engager dans une pratique hors norme, sentiment qui se confirme par les regards extérieurs qui sont portés sur la profession. En effet, on constate que le grand public, les journalistes et même les pouvoirs publics reconnaissent le caractère exceptionnel des efforts fournis. Cette acceptation des sacrifices et des souffrances fait partie intégrante de l’engagement sportif. Ce qui rend le cyclisme éprouvant, c’est cette intensité de l’effort répété et la durée des épreuves. La capacité de récupération est une qualité nécessaire chez un cycliste, mais si la difficulté n’est pas suffisamment perçue par le monde extérieur, le cyclisme ne serait plus considéré comme un sport-spectacle. A l’origine, le cyclisme d’élite est en effet un spectacle à vocation commerciale. A tel point qu’il est devenu, au fil du temps, un support de communication publicitaire à part entière. L’essor d’internet n’a fait qu’accroître l’engouement pour le spectacle cycliste avec le passage de la médiatisation écrite aux média électroniques à des fins publicitaires. Il faut bien prendre en compte que le marché du cyclisme est avant tout le marché Gouvernements Convention internationale de l’UNESCO contre le dopage dans le sport Législation Financement Contrôles Organisations sportives recalcitrantes Équipes de soutien aux Athlètes Code mondial contre le dopage Fédérations sportives internationales Comité international olympique ( paralympique) Autorités nationales de lutte contre le dopage Fédérations sportives nationales Comités nationaux olympiques (paralympiques) Sports Sports olympiques
  • 12. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 7 des média qui assure l’essentiel des revenus du produit cycliste et offre une visibilité aux sponsors. L’argent est indéniablement l’un des piliers du cyclisme. Lorsque des leaders gagnent des courses, toute l’équipe en profite aussi financièrement. Par ailleurs, une autre stratégie est mise en place par les diffuseurs pour attirer des publics larges, comme la valorisation du patrimoine français pendant le Tour de France et l’ajout de documentaires géographiques et historiques qui accompagnent l’évènement. 2. Le rôle des sponsors, médecins et entraineurs Malgré les nombreux scandales autour du cyclisme, on remarque que les sponsors sont toujours présents. Les avantages du sponsoring dans ce sport sont en effet multiples. Tout d’abord, l’équipe porte le nom de la société dont elle est partenaire. Ce conditionnement garantie une forte mémorisation du nom et par là même une hausse de sa notoriété. Il est d’ailleurs important de noter que le Tour de France est le troisième évènement sportif mondial, derrière les Jeux Olympiques et la Coupe du monde de football. Ensuite, ce sponsoring présente un avantage de proximité avec le public, les marques peuvent être directement au contact de leurs cibles via la caravane du Tour par exemple. Les sponsors sont donc très présents dans le milieu du cyclisme et ont un rôle médiatique important, notamment lors des scandales qui peuvent avoir lieu, ce qui peut être à la fois un avantage (notoriété) et un handicap (destruction des valeurs de la marque). L’exemple de l’Affaire Festina est le plus représentatif, cette pratique d’un dopage généralisé au sein du peloton ayant été pour la première fois associée à un sponsor. Concernant les médecins, ces derniers semblent davantage présents dans le cyclisme que dans les autres sports. Si les médecins de l’Equipe de France ne sont pas favorables aux pratiques dopantes, ils donnent toutefois un certain nombre d’informations qui peuvent être détournées par les cyclistes. Faire appel à un médecin lorsque l’on est cycliste de haut niveau est de plus en plus nécessaire avec l’augmentation des contrôles antidopage. Les médecins connaissent l’efficacité des différents produits mais surtout maîtrisent leurs délais d’élimination. Leur expertise propre à ce sport leur permet de conseiller au mieux les sportifs, selon leur profil physiologique et l’intensité de leur travail, pour garantir une efficacité maximale de leurs performances. A tel point que pour certains cyclistes, être en bonne santé physique n’est possible que grâce à la prise de produits dopants qui éliminent les toxines accumulées par l’effort. Cette prise de
  • 13. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 8 produits apparaît comme simple et efficiente et si les médecins la cautionnent, la conséquence est la banalisation de la conduite dopante. Cela leur permet non seulement d’accroître leurs performances, mais aussi de contrebalancer les effets néfastes de l’entraînement sur leur organisme. Respecter une hygiène de vie stricte est l’une des priorités des cyclistes. Cela passe par un régime alimentaire bâti selon les recommandations d’un diététicien, également par un cycle de sommeil constant et régénérateur et par la consultation régulière d’un médecin spécialisé. De ce fait, le recours à des médicaments semble s’inscrire dans ce mode de vie du cycliste de haut niveau. Il est toujours difficile d’accepter le repos pour évacuer la fatigue accumulée par les efforts, de peur que cela entraîne une baisse des résultats. Ainsi, la place des entraîneurs en cyclisme se retrouve mise à mal. Ils sont victimes d’une perte d’autonomie, ce ne sont plus eux qui contrôlent le temps et les modes de préparation des cyclistes. Ils sont devancés par les médecins, souvent extérieurs à l’équipe, qui planifient le calendrier des compétitions et bien souvent ces choix sont en inadéquation avec le programme fixé par l’entraîneur. Cette montée en puissance des médecins spécialisés engendre de nombreuses tensions au sein des équipes, car il s’agit à présent de savoir sur quelles compétitions l’entraineur a son mot à dire, doit-il se déplacer ou laisser les médecins tout superviser ? Si le médecin prend les rênes de la carrière d’un cycliste, il doit avant toute chose respecter son devoir d’information. En effet, en matière de dopage, un médecin commet une faute professionnelle dès lors qu’il n’informe pas le sportif des effets et contre-indications du médicament prescrit. Parallèlement, le cycliste doit respecter ses obligations contractuelles et informer le médecin responsable de toute médication envisagée. Cette mesure permet d’éviter un comportement déloyal, voire même une consultation médicale clandestine dans des conditions suspectes. Cela est d’autant plus important lorsque le sportif fait appel à un médecin généraliste qui, contrairement aux médecins du sport, n’est pas formé aux problématiques spécifiques du sport professionnel et du dopage. En cela, il n’est pas censé connaître la liste des produits interdits pour chaque fédération sportive et chaque compétition. Cependant, cela semble être le cas pour très peu de cyclistes, sachant qu’en accédant au haut niveau ils choisissent les interventions de médecins spécialisés dans le sport qui sont donc informés des directives médicales du code mondial antidopage.
  • 14. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 9 3. Le dopage comme déviance Alors que l’Union Cycliste Internationale (UCI) est la fédération qui consacre la plus grande part de son budget à la lutte contre le dopage, elle est l’une des plus stigmatisées.7 En effet, les cyclistes ont du mal à contrôler leur image et souffrent de la perte de confiance du public, en raison des nombreuses révélations de dopage dans la discipline. Nous avons vu que le dopage dans le cyclisme est une pratique déviante intimement liée à l’argent.Lessportifsutilisantdesproduitsdopantssontbiensouventceuxquiontungrandnombre de moyens leur permettant de passer à travers les mailles du filet de l’AMA. La rémunération étant proportionnelle aux résultats obtenus, les tentations de recours au dopage se font plus fortes. Jusqu’à l’affaire Festina, le dopage était présenté comme faisant partie intégrante de la carrière des cyclistes et comme étant la technique indispensable pour faire le métier convenablement. Aujourd’hui encore l’arbitrage entre les bénéfices et les risques d’une telle pratique n’est pas poussé aussi loin que ce qu’il devrait. Ainsi, la prise de risque est maximale. Les cyclistes qui tentent le tout pour le tout pour arriver à la victoire et se faire engager dans les bonnes équipes revendiqueront d’avoir simplement essayé s’ils se faisaient prendre pour dopage. Car s’il s’avère possible de remporter une course d’un jour sans dopage, il semble moins évident d’en faire de même dans des courses qui durent plusieurs semaines, les fameuses courses à étapes, beaucoup plus rémunératrices.7 C’est donc bien cette succession d’effort et la durée de l’activité qui incitent finalement les cyclistes à se doper. Cette pratique sportive intensive engendre dans une saison des blessures, des douleurs, une grande fatigue, qu’elle soit physique ou mentale, d’où le besoin ressenti d’atténuer ces effets par la prise de médicaments. Cependant, le dopage est une action qui n’est pas à l’origine innée, c’est vraiment le contexte qui pousse les cyclistes à franchir le pas. Se donner au maximum de ses capacités tous les jours est déjà très difficile, mais si en plus on sait que les concurrents et même les membres de sa propre équipe sont dopés, la victoire et la reconnaissance deviennent alors impensables. Ainsi, pour être considéré comme un membre du groupe à part entière, le cycliste qui jusque là ne se dopait pas va être confronté à un choix crucial pour son avenir. professionnel. Soit il s’imprègne de la culture du groupe et ses codes, soit il refuse et il est éjecté du système. 7 BRISSONNEAU, Christophe ; AUBEL, Olivier et OHL, Fabien, L’épreuve du dopage. Sociologie du cyclisme professionnel, Paris, 2008, P.U.F, coll. “Le Lien social”, 290 pages.
  • 15. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 10 Tout ceci n’est pas seulement valable pour les cyclistes professionnels. Comme le souligne Christophe Bassons : “Le cyclisme amateur est souvent un lieu d’apprentissage des pratiques dopantes.” 8 Et si le cyclisme amateur est concerné par le dopage, c’est parce que la charge de travail de certains cyclistes amateurs, proches du haut niveau, est similaire à celle des cyclistes professionnels. Néanmoins, si le dopage était généralisé au sein de groupes entiers jusqu’en 1998, il semblerait qu’aujourd’hui le dopage soit le résultat d’une décision plus individuelle que par le passé. D’ailleurs, une réelle prise de conscience commence à s’installer, certains cyclistes déclarent considérer le dopage comme une barrière à l’égalité des chances et à l’éthique du sport. Après avoir étudié la relation entre le cyclisme et le dopage, je vais maintenant vous exposer mes recherches sur le cas de l’athlétisme et sur l’influence du dopage dans ce sport. Le schéma de réflexion sera le même que pour le cyclisme mais avec les spécificités propres à l’athlétisme. C. L’athlétisme, sur la piste du scandale 1. La compétition avant tout En athlétisme, le public est exigeant et réclame toujours plus d’exploits. L’exemple d’Usain Bolt est le plus frappant, la fascination qu’il suscite réclame à chaque épreuve un spectacle, un évènement exceptionnel, un record, une victoire hors du commun. Ils sont persuadés qu’il faut se surpasser, qu’il faut faire toujours plus, aller plus loin, plus vite et être plus fort. Cette recherche constante de progrès les oblige à repousser les capacités humaines et le théâtre compétitif est le seul lieu d’expression où ils peuvent faire leurs preuves. A l’image d’une autre discipline sportive exigeante, la natation, chaque jour d’entrainement athlétique a une importance primordiale et chaque séance que les athlètes manquent ne peuvent être rattrapées. Le quotidien peut devenir très pénible lorsque le désir de briller dans les compétitions tourne à l’obsession. L’entraînement dans ce sport, comme dans le cyclisme, épuise considérablement l’organisme des athlètes qui ressentent alors le besoin de récupérer, pour être le plus frais possible le jour J et pour terminer l’épreuve dans de bonnes conditions. 8 Cf. Annexe n°3 : Entretien avec Christophe Bassons
  • 16. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 11 Si l’on regarde bien certaines courses, il n’est pas rare de voir des athlètes qui se relèvent immédiatement après avoir franchi la ligne d’arrivée et qui n’hésitent pas à faire un tour d’honneur en ne montrant aucun signe de fatigue. Il ne faut pas non plus oublier que les clubs tiennent leur réputation de celle de leurs sportifs. De même, les différentes subventions qu’ils peuvent recevoir dépendent du nombre de médailles obtenues ou du nombre de records battus lors des grands championnats. Tout cela ne faisant qu’amplifier l’importance accordée à la compétition dans la vie des athlètes de haut niveau. 2. Le rôle des entraineurs, médecins et sponsors Sans des entraîneurs passionnés et dévoués, il n’y aurait pas de grands champions. En effet, contrairement au cyclisme, l’entraîneur a un rôle primordial en athlétisme car il accompagne le sportif dans chaque étape de sa préparation et est toujours présent lors des compétitions. Les managers ont également une grande importance puisque ce sont eux qui permettent aux athlètes de participer aux “meetings” les plus prestigieux. Toutefois, les managers sont davantage attirés par la rémunération des contrats que les entraîneurs qui eux, font leur métier par amour pour ce sport. En effet, plus les managers placent des athlètes dans des “meetings”, plus ils remportent de l’argent ; selon le classement final, ils perçoivent un pourcentage. Ainsi, l’attitude des managers à l’égard des athlètes peut fortement varier en fonction de la condition physique de son athlète. Bien souvent, par connivence, l’accompagnement du manager se double par celui du médecin spécialisé.9 Lorsque des athlètes mettent tout en œuvre pour atteindre le haut niveau, c’est pour s’engager dans une approche professionnelle de l’athlétisme, ce qui implique des entraîneurs nationaux et des médecins spécialisés qui engagent un accompagnement spécifique. Leur rôle est de veiller à ce que la santé des sportifs ne soit pas mise en danger et ils doivent notamment surveiller les déséquilibres causés par les charges d’entraînement. Il est fréquent pour un médecin du sport de prescrire des vitamines, du fer ou encore du magnésium qui sont de simples compléments alimentaires. 9 CHOUKI, Fouad, Ma Course en enfer, Paris, 2009, Hachette Littératures, 187 pages.
  • 17. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 12 Silessponsorsontunrôleàjouerdanslacarrièredesathlètes,ilsembletoutefoismoinsimportant quedanscelledescyclistes.Lesponsorenathlétismefournitdesrevenusetdeséquipementsmais sa présence n’est pas vraiment prononcée, contrairement au cyclisme. En échange des revenus etdeséquipementsfournisparlepartenaire,l’athlèteluiassureunecertainevisibilitémaissurtout il lui crée une relation de proximité avec sa cible. Il est important de noter que l’athlétisme est loin d’être le sport le mieux payé et que les athlètes de renommée mondiale ne vivent pas de leur salaire de sportif mais bien des contrats publicitaires qui leur garantissent des revenus non négligeables. 3. Le dopage comme déviance Si un athlète souhaitant faire sa place parmi les meilleurs mondiaux ne semble pas évoluer aussi vite que ses concurrents, qui visiblement prennent des produits, il sera indéniablement poussé à avoir recours au dopage. “Se faire violence” à l’entraînement et entamer son potentiel avant une compétition peut être difficile à vivre. Ainsi, finalement, le dopage serait davantage utilisé par les athlètes pour traverser ces lourdes et difficiles périodes d’entraînement, que pour la compétition. La généralisation du dopage en athlétisme est d’ailleurs à l’origine de plusieurs scandales. En effet, selon une étude réalisée par des chercheurs mandatés par l’AMA et dévoilée par le “New York Times” le 23 août 2013, un tiers des participants aux Mondiaux de Daegu en 2011 ont avoué s’être dopés. Plus précisément, 29% des sportifs interrogés lors de ce championnat et 45% de ceux approchés lors des Jeux panarabes de Doha au Qatar auraient utilisé des produits dopants dans l’année. Cette étude présente des résultats alarmants et bien supérieurs aux 2 % de résultats positifs décelés par l’AMA en 2010.10 Plus récemment encore, vingt-deux coureurs du club d’Alès Cévennes Athlétisme (ACA) participant aux courses élites féminines et masculines du cross Ouest-France Pays de la Loire, ont été déclaré suite à des suspicions d’ingestion de substances dopantes. Cette compétition, qui a eu lieu le 19 janvier 2014, rassemblait les meilleurs spécialistes de la discipline. L’ACA semble collectionner les scandales car ces dernières années, le club gardois s’est retrouvé lié à plusieurs affaires de dopage. 10 TROUILLARD, Stéphanie, “Athlétisme : une étude censurée dévoile l’ampleur du dopage”, in France 24, 23 août 2013 : http://www.france24.com/fr/20130823-une-etude-revele-dopage-athletisme-mondiaux-daegu
  • 18. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 13 II. Les enjeux de la communication A. Le mythe du héros sportif controversé 1. Le corps-machine Plus les sportifs offrent du spectacle et plus leur corps s’assimile à une machine en quête de performances extraordinaires. Dans la société d’aujourd’hui où on ne montre que ce qui brille, où l’image, l’apparence et la superficialité prédominent, le champion sportif est considéré comme un véritable héros des temps postmodernes. A travers le courage et la volonté qu’il met en exergue, le sportif donne au grand public la possibilité de croire à l’impossible en repoussant toujours plus les limites de l’être humain. Les souffrances du sportif mettent en péril le plaisir du jeu qui tend petit à petit à disparaître, les spectateurs ne retenant que la gloire et les rêves d’un sport riche en exploits. Le sport se veut en effet porteur de valeurs pérennes comme le courage, la loyauté et le sens du sacrifice.11 Le culte d’un corps invincible qui supporte la douleur de l’effort est présent dans l’imaginaire de chaque personne. Toutefois, seul le sportif de haut niveau est en mesure de démontrer les capacités de ce corps infaillible. Ainsi, en plus d’être une figure de l’impossible réalisé, il est un symbole de réussite sociale dans une société où règne un certain désir d’éternité.11 La sollicitation extrême des corps qui deviennent de véritables objets, accompagnée par une forte médiatisation autour de ce travail répété perpétuellement jusqu’à la gloire tant attendue, sont à l’origine du phénomène des “spectateurs-voyeurs” souhaitant partager le succès des sportifs mais en ne subissant aucune souffrance. En effet, on peut aisément constater qu’un grand nombre de sportifs sont addicts à leur activité physique et tellement obnubilés par la performance qu’ils n’hésitent pas à maltraiter leur corps pour aller toujours plus loin dans l’effort. Cette course à l’épuisement, aussi intense soit elle, ne semble pas nuire à la volonté de ces “drogués de l’exercice” qui ne s’arrêtent jamais. On pourrait voir ici une certaine forme de dépendance à l’égard de la pratique sportive vécue 11 PROIA, Stéphane, La face obscure de l’élitisme sportif, Toulouse, 2008, Presses Universitaires du Mirail, coll. “Chemins cliniques”, 325 pages.
  • 19. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 14 comme une drogue dont il est difficile de se séparer. Être “dur au mal” s’ajoute au talent et aux aptitudes physiologiques hors normes du sportif pour vanter son mérite auprès du monde extérieur. La représentation d’un corps-réservoir dans lequel on puise pour fournir toujours plus d’exploits et que l’on recharge par la récupération, par un régime alimentaire strict et des substances dopantes, favorise considérablement la normalisation du dopage. 2. La précarité contractuelle Aujourd’hui, le dopage a pour finalité de répondre, de manière illégitime, à des objectifs de carrière fixés, dans un contexte où la précarité contractuelle prédomine. Si la pratique sportive au plus haut niveau met en péril la santé des athlètes, elle demande également un grand nombre de sacrifices pour que le quotidien des sportifs soit axé uniquement sur la recherche de la performance. Ainsi, réussir dans l’activité physique choisie n’est plus une nécessité, c’est une obligation qui ne laisse pas la place à une autre alternative. Dans un tel contexte, une réelle “souffrance au travail” semble inéluctable. Le sportif se doit de faire “rêver” le public, qui idéalise l’effort physique et le dépassement de soi, s’il souhaite se faire une place sur le podium médiatique sportif. Le corps d’un sportif étant son “outil de travail”, le moindre problème de santé implique un arrêt temporaire de l’activité, voire un arrêt total de celle-ci dans le plus dramatique des cas. Les sollicitations physiologiques et psychologiques dues à l ‘effort pouvant affecter considérablement le corps d’un athlète, toute blessure ou douleur qui apparait pourrait être vécue comme une maladie chronique. La peur de l’échec n’est pas vraiment perçue par le public qui en réalité se fait une fausse idée des champions. Ces derniers sont, plus souvent que l’on ne le pense, angoissés, renfermés sur eux-mêmes, parfois mélancoliques et perdus. Évidemment, lorsque le résultat est au rendez-vous, leur moral est au plus haut car ils ont le sentiment d’avoir rempli le contrat passé avec leur entraîneur, leur club ou leur fédération. Mais si le résultat n’est pas celui escompté, le sentiment d’échec peut prendre une telle ampleur que la santé physique mais surtout mentale et sociale de l’athlète sera mise en danger. Cette angoisse de l’échec peut conduire un sportif à recourir au dopage pour accéder à un sentiment de force, de maîtrise de soi et de longévité.
  • 20. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 15 3. Le déclin et la reconversion Dans la plupart des cas, les sportifs dont la carrière s’achève abandonnent reconnaissance et médiatisation du jour au lendemain. Si le dopage leur a permis d’exister et de connaître la gloire, la période de deuil sera d’autant plus longue. Être un grand champion implique une certaine reconnaissance de la part de l’équipe encadrante, de la fédération, des média mais également des proches.Alors, quand un sportif met fin à son activité, il est préférable de se retirer avec honneur, sur une performance notable, même si cela demeure assez rare. Nombreux sont les exemples d’arrêt sur suspension, de retrait de la licence ou de radiation qui ont pu être recencés des années 1990 à aujourd’hui.12 La reconversion est une étape difficile à gérer pour les sportifs car cela entraîne un retour à une vie très ordinaire, en comparaison d’une vie de sportif forte en engagements et en émotions. Les sportifs de haut niveau ont bien souvent commencé à pratiquer leur activité physique dès le plus jeune âge, ce qui explique qu’ils se définissent avant tout à travers leur sport et l’environnement qui l’accompagne. L’arrêt de la carrière sportive conduit ainsi à une remise en question de tous les choix faits par le passé. De même, le régime alimentaire, les efforts fournis quotidiennement, les sacrifices, le sommeil adapté à l’activité et la pharmacologie qui ont conditionné un sportif ne sont pas aisément modifiables, ce qui crée une véritable souffrance. La prise de poids, assez fréquente suite à un arrêt brutal de l’activité, engendre une difficulté supplémentaire et un mal-être d’autant plus fort. En effet, les anciens sportifs ont tendance à devenir obnubilés par leur corps. Ils craignent une grande prise de poids avec une perte de leur musculature, obtenue au prix d’heures entières de travail acharné. Les sportifs de haut niveau ne préparent pas suffisamment leur avenir mais surtout ils ne bénéficient pas d’une formation durable pendant leur carrière qui leur permettrait pourtant d’être plus autonome. L’univers de la compétition est très en marge de la vie “réelle” et les sportifs sont finalement peu à l’écoute du monde extérieur, trop habitués à être le centre de toutes les attentions. Il est alors difficile de redevenir un anonyme dans une vie qui paraît bien banale, loin des paillettes et de la gloire des compétitions. 12 BRISSONNEAU, Christophe ; AUBEL, Olivier et OHL, Fabien, L’épreuve du dopage. Sociologie du cyclisme professionnel, Paris, 2008, P.U.F, coll. “Le Lien social”, 290 pages.
  • 21. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 16 B. Les études de cas 1. Le décathlonien Romain Barras Romain Barras est un athlète français de 33 ans qui a la particularité d’être présent sur tous les fronts. Il est d’abord connu pour sa carrière de sportif de haut niveau puisqu’il a terminé à la 5ème place des Jeux Olympiques de Pékin en 2008, avant d’être sacré champion d’Europe en 2010 sur le décathlon, sa discipline de prédilection. Romain Barras est également professeur d’éducation physique et sportive et maître de conférence à la Faculté des sports de Montpellier. L’athlète est d’autre part très engagé dans la lutte anti-dopage, il est même l’une des figures françaises emblématiques du sport propre. En tant qu’ambassadeur de Dopage Info Service, Romain Barras travaille en collaboration avec l’AFLD. Il faut savoir que Dopage Info Service intervient à trois niveaux. Tout d’abord, il a un rôle d’information et d’orientation pour toute personne concernée par le dopage et sa législation, que ce soit des sportifs, des encadrants ou des médecins. Ensuite, Dopage Info Service a pour mission d’observer les différents phénomènes de dopage chez les sportifs de haut niveau comme les sportifs amateurs. Enfin, il agit dans la mise en œuvre d’actions qui ont un impact positif sur la connaissance du dopage. Selon Romain Barras, “le dopage est un fléau qui nuit gravement à l’image du sport et des sportifs dans notre société : il engendre des doutes quant aux performances réalisées, une mise en péril de la santé des athlètes au nom de “la victoire à tout prix” tout en allant à l’encontre d’un principe éthique fondamental dans le sport : “l’égalité des chances pour tous”. Ainsi, même si certaines procédures semblent parfois constituer une contrainte pour les sportifs (obligations de localisation dans le cadre des groupes cibles, durée, fréquence et exigence des contrôles...), on ne peut s’affranchir de toutes ces mesures, essentielles pour pratiquer un sport plus propre et plus crédible.” 13 Romain Barras est considéré, par les encadrants de la Fédération Française d’Athlétisme et par un grand nombre d’athlètes, comme un sportif passionné, respectable et très investi dans sa discipline et son sport. Il est réellement perçu comme un exemple à suivre pour les jeunes athlètes. Cependant, quand j’ai eu la chance d’interviewer Romain Barras, j’ai 13 “Lutte contre le dopage//L’essentiel de la réglementation”, DRJSCS Lille : http://www.nord-pas-de-calais.drjscs. gouv.fr/IMG/pdf/GUIDE_LAD_2-0.pdf
  • 22. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 17 pu noter qu’il éprouvait une certaine gêne lorsque j’ai évoqué le dopage alors qu’il est engagé et lutte contre ce fléau. Il constitue, de par ses fonctions, le premier vecteur du message de prévention contre le dopage auprès de ses étudiants et des athlètes qu’il entraîne. 2. Lance Amstrong face à Christophe Bassons Christophe Bassons est un cycliste français de 39 ans, ancien membre de l’équipe Festina aux côtés de Lance Amstrong. Il n’était toutefois pas présent sur le Tour de France lorsque le scandale Festina éclata en juillet 1998. Un an plus tard, il est pourtant contraint d’abandonner le Tour, la pression de ses coéquipiers qui lui reprochaient de ne pas utiliser de produits dopants étant trop pesante. Lance Amstrong avait d’ailleurs déclaré à son sujet : “Ses accusations ne sont pas bonnes pour le cyclisme, pour son équipe, pour moi ni personne. S’il pense que le cyclisme fonctionne comme cela, il se trompe et c’est mieux qu’il rentre chez lui.” 14 Tout comme son entraîneur de l’époque Antoine Vayer, Christophe Bassons est en effet connu pour ses discours prônant l’éthique du sport et condamnant le dopage. Suite à l’Affaire Festina, il devint même le symbole du cycliste propre. C’est donc tout naturellement qu’il a décidé d’agir en collaboration avec l’AFLD et le ministère chargé des Sports pour lutter efficacement contre le dopage. Lorsque j’ai interviewé Christophe Bassons, j’ai tout de suite pu observer son aisance à parler du dopage. Il m’a exposé sa vision critique sur le sujet car il n’a pas de difficultés à prendre du recul sur son expérience. Au fur et à mesure de nos échanges, j’ai bien compris que l’objectif premier de ses actions de prévention avait pour cibles les jeunes sportifs. Pour lui, il ne s’agit pas simplement de dire “Ne te dope pas”, la démarche doit aller bien au-delà, il faut que ces jeunes nourissent des projets. Le 7 décembre 2013, c’est d’ailleurs ce qu’a tenté d’expliquer Christophe Bassons à Lance Amstrong lors d’un face à face très attendu. Entre celui qui se dopait et celui qui ne se dopait pas le problème de l’omerta a bien entendu été soulevé. D’un côté Christophe Bassons subissait un lourd harcèlement physique et d’un autre côté Lance Amstrong était très critiqué pour ses pratiques dopantes. Mais pour chacun des deux, aucun cycliste du peloton n’a parlé, ils n’ont jamais souhaité révéler ça au public. Lors de ce face à face, Christophe Bassons a également 14 Cyclisme-dopage.com : http://www.cyclisme-dopage.com/portraits/bassons.htm
  • 23. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 18 tenu à défendre, malgré tout, Lance Armstrong en expliquant que ce n’est pas normal qu’il ait pris pour tout le milieu car il n’était pas le seul responsable. Derrière toutes ces pratiques, il y aurait effectivement les organisateurs, les fédérations et même l’UCI. Pour Christophe Bassons, un changement des mentalités est obligatoire et pour y remédier, il ne faudrait pas continuer à jouer sur la peur ou sur les risques pour la santé. Il faudrait plutôt s’axer sur l’estime de soi. En réalité, lorsqu’un sportif se dope, c’est pour accroître ses performances mais la finalité s’est surtout pour être connu et reconnu. Lance Amstrong quant à lui explique qu’il est difficile de sortir de la spirale du mensonge car si on demande si le sportif est dopé il commence par dire non, on lui redemande il nie encore et ainsi de suite. Au fil du temps, il semble donc impossible de revenir en arrière.15 3. Fouad Chouki ou l’exemple à ne pas suivre Fouad Chouki est un athlète français de 35 ans, ancien recordman de France du 1 500m. C’est à l’occasion de la sortie de son livre “Ma course en enfer” en 2009 qu’il reconnaît s’être dopé à plusieurs reprises durant sa carrière d’athlète de haut niveau. Lui qui avait nié jusque là tout acte de dopage, a choisit de dénoncer cette pratique généralisée dans sa discipline à travers ce livre autobiographique. J’ai eu l’opportunité d’interviewer Fouad Chouki, ce qui m’a permis de recueillir ses ressentis sur le dopage et de comprendre ce qui l’a poussé à franchir la ligne rouge. La première chose qu’il m’a dite, c’est que l’athlétisme est selon lui un des sports les plus difficiles et en particulier le demi-fond. Étant moi-même une athlète pratiquant cette discipline, je dois bien avouer qu’il n’avait pas tord. Il a insisté sur le fait que le demi-fond contraint les athlètes à l’autonomie et à s’entraîner de longues heures seuls, d’où l’importance d’avoir un “mental de combattant” car pour supporter la fatigue et les douleurs physiques il faut lutter au quotidien. Cette fatigue permanente associée à une pression accrue lors des compétitions l’a conduit à utiliser des substances dopantes. Il ne s’est jamais posé pas la question de savoir si c’était bien ou mal car selon lui la plupart des autres coureurs se dopaient également, il ne faisait que se 15 HOPQUIN, Benoît, “Lance Armstrong face à Christophe Bassons, le grand pardon”, in Le Monde.fr, 7 décembre 2013 : http://www.lemonde.fr/sport/article/2013/12/07/lance-armstrong-en-s-acharnant-sur-moi-cela- servira-aux-autres_3527221_3242.html
  • 24. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 19 mettre sur un même pied d’égalité. Il m’a également confié que les contrôles antidopage n’étaient pas compliqués à déjouer à l’époque, en particulier pour l’EPO (érythropoïétine) qu’il consommait tout au long de sa préparation. En réalité, pour passer à travers les mailles du filet, il suffisait d’être assez proche de la fédération et/ou des organisateurs des meetings pour pouvoir être avertis des compétitions où il n’y avait pas de contrôles antidopage. Fouad Chouki a attiré mon attention sur le fait que le dopage en athlétisme est le fruit d’une démarche très personnelle, contrairement au cyclisme où le dopage semble s’insérer dans la culture collective de ce sport. Ainsi, dans la plupart des cas en athlétisme, personne en dehors de l’entraîneur et du médecin n’est tenu au courant des pratiques dopantes d’un athlète, que ce soit les sportifs de son groupe d’entraînement, ses amis et même sa famille. Pour les personnes extérieures au milieu du sport, le dopage est assimilé systématiquement à de la tricherie. Mais pour les athlètes qui ont recours au dopage, cette pratique déviante est totalement intégrée à leur quotidien. Les personnes extérieures ne peuvent aisément comprendre cette dépendance dans la mesure où ce ne sont pas eux qui fournissent des efforts surhumains au quotidien et qu’ils ignorent les choix auxquels sont confrontés les sportifs. Pour Fouad Chouki, le dopage a servi bien évidemment à accroître ses performances, mais avant tout cela lui a permis de gagner confiance en lui et en son corps car il savait qu’avec l’EPO, l’entraînement ne puiserait pas toute son énergie pour les compétitions.
  • 25. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 20 C. Les enquêtes terrain 1. Les sportifs amateurs J’ai réalisé une enquête semi-quantitative à destination des sportifs amateurs pratiquant l’athlétisme. La diffusion de mon questionaire16 s’est faite par Internet, pour un total de 83 réponses. 16 Cf. Annexe n°5 : Questionnaire à destination des sportifs amateurs 54.2% 15-20 ans 3.6% 36-50 ans 39.8% 21-35 ans Vous avez entre : 2.4% Plus de 50 ans 62.3% Plus de 6 ans 6.3% Entre 1 et 3 ans 31.4% Entre 3 et 6 ans Q1. Depuis combien de temps pratiquez-vous l’athlétisme ? 51.6% Résultat compétition 11.1% Aptitudes athlète 37.3% Résultat entraînement Q2. Pour vous, qu’est-ce que la performance sportive ? 64.9% Non 35.1% Oui Q3. Pensez-vous que les bienfaits de la pratique sportive soient suffisamment véhiculés par les médias et les instances médicales ? Vous avez entre : Q1. Depuis combien de temps pratiquez-vous l’athlétisme ? Q2. Pour vous, qu’est-ce que la performance sportive ? Q3. Pensez-vous que les bienfaits de la pratique sportive soient suffisamment véhiculés par les média et les instances médicales ?
  • 26. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 21 68.5% Oui 31.5% Non Q4. Êtes-vous sensible à ce que dit la presse et à ce que pense le public de votre milieu (l’athlétisme) ? 92.5% Oui 7.5% Non Q6. Le dopage est-il la cause de cette perte de confiance ? 58.6% Parfois présent 3.9% Constamment présent 27.7% Souvent présent Q7. Selon vous, le dopage sur les stades lors des entraînements et compétitions est : 9.8% Quasi nul 51.8% Oui 48.2% Non Q5. Avez-vous encore confiance en les grands champions d’aujourd’hui ? Q4. Etes-vous sensible à ce que dit la presse et à ce que pense le public de votre milieu (l’athlétisme) ? Q5. Avez-vous encore confiance en les grands champions d’aujourd’hui ? Q6. Le dopage est-il la cause de cette perte de confiance ? Q7. Selon vous, le dopage sur les stades lors des entraînements et compétitions est : Pour la question n° 7 : Quasi nul : 2-3 fois dans l’année (seulement pour les grandes échéances) Parfois présent : la moitié de l’année environ Souvent présent : les trois quarts de l’année environ
  • 27. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 22 Age Confiance en les champions 15-20 ans 21-35 ans 36-50 ans Plus de 50 ans Total Oui 69.8% 30.2% 0% 0% 51.8% Non 37.5% 50% 7.5% 5% 48.2% Total 54.2% 39.8% 3.6% 2.4% 100% Présence du dopage Confiance en les champions Quasi nul Parfois présent Souvent présent Constamment présent Total Oui 13.9% 67.5% 16.3% 2.3% 51.8% Non 5% 50% 40% 5% 48.2% Total 9.6% 59% 27.8% 3,6% 100% Exemple de lecture : Sur les 51.8% de sportifs qui ont encore confiance en les grands champions, 69.8% ont entre 15 et 20 ans. Exemple de lecture : Sur les 51.8% de sportifs qui ont encore confiance en les grands champions, 67.5% estiment que le dopage est parfois présent sur les stades lors des entrainements et compétitions. Pour comprendre qui sont les sportifs qui ont encore confiance en les grands champions d’aujourd’hui, j’ai croisé les réponses à la question n°5 avec celles de la tranche d’âge et de la question n°7.
  • 28. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 23 2. Le grand public J’ai également réalisé une enquête semi-quantitative à destination du grand public. Pour l’administration de mon questionaire17 j’ai choisi le face à face et recueilli 109 réponses. 17 Cf. Annexe n°6 : Questionnaire à destination du grand public 57.8% Oui 42.2% Non Q1. Pratiquez-vous une activité sportive ? 69.7% Argent 20.2% Effort 64.2% Performance Q2. Selon vous, quels mots s’associent le plus au sport professionnel aujourd’hui ? 14.7% Exploit 11.9% Dopage 11.9% Dopage 11.9% Plaisir Q1. Pratiquez-vous une activité sportive ? Q2. Selon vous, quels mots s’associent le plus au sport professionnel aujourd’hui ? 65.1% L’argent 22.9% Les enjeux politiques liés à la performance Q3. Qu’est-ce qui d’après vous nuit au sport de haut niveau ? 51.4% Le dopage 20.2% La trop forte influence des sponsors 15.6% Sa surmédiatisation 48.6% Non 13.8% NSPP Q4. Avez-vous encore confiance en les grands champions d’aujourd’hui ? 37.6% Oui Q3. Qu’est-ce qui d’après vous nuit au sport de haut niveau ? Q4. Avez-vous encore confiance en les grands champions d’aujourd’hui ?
  • 29. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 24 68.5% Oui 20.3% Non Q5. Le dopage est-il la cause de cette perte de confiance ? 11.2% NSPP 26.6% La moitié des sportifs 9.2% Très peu de sportifs Q6. Selon vous, le dopage dans le haut niveau concerne de manière générale : 20.2% Les trois quarts des sportifs 11.9% Tous les sportifs 32.1% Un tiers des sportifs Q5. Le dopage est-il la cause de cette perte de confiance ? Q6. Selon vous, qle dopage dans le haut niveau concerne de manière générale : 62.4% Non 25.7% Oui Q7. Pensez-vous que les contrôles antidopage soient efficaces ? 11.9% NSPP 80.7% Interdire totalement le dopage 18.4% Interdire totalement le dopage Q8. Faudrait-il d’après vous... ? 0.9% NSPP Q7. Pensez-vous que les contrôles antidopage soient efficaces ? Q8. Faudrait-il d’après vous...
  • 30. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 25 Exemple de lecture : Sur les 37.6% des interrogés qui ont encore confiance en les grands champions, 22% ont moins de 25 ans. Exemple de lecture : Sur les 37% des interrogés qui ont encore confiance en les grands champions, 25.7% pratiquent une activité sportive. Pour comprendre qui sont les personnes qui ont encore confiance en les grands champions d’aujourd’hui, j’ai croisé les réponses à la question n°4 avec celles de la tranche d’âge et de la question n°1. Age Confiance en les champions Moins de 25 ans 26-35 ans 36-45 ans 46-55 ans Plus de 55 ans Total Oui 22% 4.6% 5.5% 3.7% 1.8% 37.6% Non 20.2% 8.3% 7.3% 4.6% 8.3% 48.6% NSPP 2.8% 5.5% 3.7% 0% 1.8% 13.8% Total 45% 18.4% 16.5% 8.3% 11.9% 100% Pratique sportive Confiance en les champions Oui Non Total Oui 25.7% 11.9% 37% Non 26.6% 22% 48.6% NSPP 5.5% 8.3% 13.8% Total 57.8% 42.2% 100%
  • 31. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 26 Exemple de lecture : Sur les 18.4% des interrogés qui pensent qu’il faudrait autoriser le dopage sous contrôle médical, 2.8% ont entre 46 et 55 ans. Exemple de lecture : Sur les 80.7% des interrogés qui pensent qu’il faudrait interdire totalement le dopage, 48.6% pratiquent une activité sportive. Pour comprendre qui sont les personnes qui aimeraient que le dopage soit entièrement interdit, j’ai également croisé les réponses à la question n°8 avec celles de la tranche d’âge et de la question n°1. Age Légalisation du dopage Moins de 25 ans 26-35 ans 36-45 ans 46-55 ans Plus de 55 ans Total Autoriser entièrement le dopage 0.9% 0% 0% 0% 0% 0.9% Autoriser le dopage sous contrôle médical 11% 1.8% 1.8% 2.8% 0.9% 18.4% Interdire entièrement le dopage 33% 16.5% 14.7% 5.5% 11% 80.7% Total 45% 18.4% 16.5% 8.3% 11.9% 100% Pratique sportive Légalisation du dopage Oui Non Total Autoriser entièrement le dopage 0.9% 0% 0.9% Autoriser le dopage sous contrôle médical 8.3% 10.1% 18.4% Interdire totalement le dopage 48.6% 32.1% 80.7% Total 57.8% 42.2% 100%
  • 32. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 27 3. Les constats et le bilan Les constats Les sportifs amateurs Tout d’abord, 62.3% des sportifs interrogés pratiquent l’athlétisme depuis plus de six ans. L’enquête a révélé que pour 51.6% des sondés, la performance sportive est le résultat obtenu lors d’une compétition, pour 37.3% il s’agit du résultat d’un entraînement complexe tandis qu’ils sont 11.1% à associer la performance sportive aux aptitudes propres d’un athlète. Ils sont une grande majorité (64.9%) à estimer que les bienfaits de la pratique sportive ne sont pas suffisamment véhiculés par les média et les instances médicales. D’autre part, 68.5% des sportifs interrogés se disent sensibles à ce que dit la presse et à ce que pense le public de l’athlétisme. L’enquête a également montré que les avis sont partagés concernant la confiance envers les grands champions. En effet, ils ne sont que 48.2% à déclarer ne plus avoir confiance en ces sportifs. Pour la quasi totalité de ces sportifs (92.5%), c’est le dopage qui est la cause de cette perte de confiance. On note que plus de la moitié des interrogés pensent que le dopage est parfois présent sur le stade lors des compétitions et/ou entrainements, ils sont 27.7% à dire que le dopage est souvent présent, 9.8% à dire qu’il est quasi nul tandis qu’une minorité (3.9%) déclarent que le dopage est selon eux constamment présent. Si l’on croise les réponses aux questions 5 et 7, on remarque que les sondés ayant affirmé avoir encore confiance aux grands champions d’aujourd’hui sont ceux qui estiment que le dopage est “parfois présent” sur les stades d’athlétisme. D’un autre côté, ceux qui ont déclaré ne plus avoir confiance en ces champions pensent que le dopage est “souvent présent” sur les stades (40% contre 16.3% pour les athlètes ayant répondu “oui” à la question n°5). De même, si l’on croise les réponses à la question 5 avec les différentes tranches d’âge, on constate que ce sont essentiellement les plus jeunes qui ont encore confiance en les grands champions d’aujourd’hui. Ils sont en effet 69.8% à le déclarer contre 30.2% pour les 21-35 ans.
  • 33. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 28 Le grand public Parmi les 109 personnes interrogées, 57.8% pratiquent une activité physique. Pour 69.7% des sondés, l’argent est ce qui s’associe le plus au sport professionnel aujourd’hui, pour 64.2% il s’agit de la performance, tandis qu’ils sont 20.2% à l’associer à l’effort. On peut voir que le dopage et le plaisir ne sont cités que par 11.9% des interrogés, soit moins que l’exploit (14.7%). Ils sont par ailleurs une grande majorité (65.1%) à estimer que l’argent est ce qui nuit le plus au sport de haut niveau, suivi par le dopage (51.4%) et les enjeux politiques liés à la performance (22.9%). L’enquête a montré que 48.6% des interrogés déclarent ne plus avoir confiance aux grands champions d’aujourd’hui et pour la majorité (68.5%), c’est le dopage qui en est la cause. 32.1% des interrogés pensent que le dopage concerne, de manière générale, un tiers des sportifs, ils sont 26.6% à dire qu’il en concerne plus de la moitié, 20.2% à dire qu’il concerne les trois quarts tandis qu’une minorité déclarent que le dopage concerne tous les sportifs (11.9%) ou très peu (9.2%). D’autre part, ils sont 64.2% a penser que les contrôles antidopage sont inefficaces et pour la quasi totalité des sondés (80.7%) il faudrait interdire totalement le dopage.Acontrario, 18.4% pensent qu’il faudrait l’autoriser sous contrôle médical. Si l’on croise les réponses à la question 4 avec les différentes tranches d’âge et avec les réponses à la question 1, on remarque que les sondés ayant affirmé avoir encore confiance aux grands champions d’aujourd’hui sont majoritairement ceux qui ont moins de 25 ans et ceux qui pratiquent une activité sportive. De même, si l’on croise les réponses à la question 8 avec les différentes tranches d’âge et avec les réponses à la question 1, on remarque que les sondés qui sont pour une interdiction totale du dopage sont majoritairement ceux qui ont moins de 25 ans et ceux qui pratiquent une activité sportive.
  • 34. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 29 Le bilan En 2008, 60% des personnes sondées lors d’une enquête du CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) ont déclaré que, selon eux, les contrôles antidopage sont efficaces. Si on fait la comparaison entre les résultats du CSA et ceux que j’ai obtenu lors de mon enquête terrain à destination du grand public, on note que la tendance s’est largement inversée. En effet, 64,2% des personnes que j’ai interrogé pensent que les contrôles antidopage sont inefficaces aujourd’hui. De même, alors qu’ils étaient 69% à être favorables à une interdiction totale du dopage en 2008, mon enquête a montré qu’ils sont 80,7% dans ce cas là en 2014. Par ailleurs, ils sont 18,4% à dire qu’il faudrait autoriser le dopage sous contrôle médical, ce qui est une part non négligeable. Cette réponse peut s’expliquer par le fait que certaines personnes ont davantage conscience des dangers du dopage pour la santé physique des sportifs. Plus précisément, c’est l’excès des produits qui est dangereux et si les sportifs étaient assistés médicalement dans la pratique dopante, les risques seraient ainsi réduits. Je pense que les personnes qui sont favorables à cette démarche estiment que cela permettrait de préserver l’organisme d’un sportif de haut niveau. Prenons l’exemple de l’EPO qui, d’après le corps médical, n’est pas dangereux en lui-même, c’est la prise répétée de ce produit et les quantités importantes injectées qui peuvent l’être. En effet, l’EPO augmentant fortement le taux de globules rouges, cela a pour conséquence d’épaissir le sang et donc peut engendrer une hypertension artérielle et des thromboses artérielles, mais également des maladies auto-immunes ou des cancers. Autre constat, les sportifs amateurs sont encore nombreux à avoir confiance en les grands champions d’aujourd’hui. Il y a deux explications à cela. Tout d’abord, s’ils ont encore confiance, c’est probablement parce qu’ils ne sont pas au courant de ce qu’il se passe réellement dans le sport de très haut niveau, notamment les plus jeunes qui font preuve d’une certaine naïveté concernant la réalité des choses. Pour ceux qui sont plus proches du haut niveau, on note une grande admiration pour les grands champions. La deuxième explication c’est qu’avoir encore confiance en ces sportifs leur permet d’avoir de l’espoir. Si les sportifs amateurs se persuadaient que les champions étaient dopés, ils ne croiraient plus en leur chance et abandonneraient très vite. Cela coïncide avec le fait que les sportifs amateurs soient sensibles à ce que dit la presse et à ce que pense le public de leur milieu, soit l’athlétisme dans le cadre de mon enquête. En effet, 68,5% des athlètes que j’ai interrogé
  • 35. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 30 ont déclaré se préoccuper des avis que peut émettre le public sur leur sport et les grands sportifs via la presse et les réseaux sociaux. Concernant le grand public, on peut également noter qu’un nombre élevé de personnes a encore confiance aux champions. En réalité, le public est partagé. D’un côté il a envie de rêver, c’est la part infantile qui réside en chacun de nous. D’un autre côté, il est lucide et n’est pas dupe. Le public a conscience que le sportif est un produit de la science mais il a envie de croire que c’est aussi un être humain capable de défier les Lois de la nature. De plus en plus, les téléspectateurs observent le sport à l’image d’un spectacle et non plus comme un exemple de réussite et de courage. Ainsi, que la performance passe par le dopage importe peu, du moment que les sportifs offrent des records, du suspens et des exploits. Il n’y a qu’à voir les réponses du public du Tour de France à l’évocation des affaires de dopage de Festina et surtout le nombre de personnes qui continuent à suivre coûte que coûte cette épreuve. D’ailleurs, lors de ce scandale, les critiques et actions des journalistes, des responsables de la lutte antidopage et des pouvoirs publics avaient été perçues comme de l’acharnement à l’égard des “idoles cyclistes”, dans le sens où ils gâchaient le spectacle estival du Tour de France.18 Après bien sur les affaires de dopage ternissent certains sports, sportifs ou performances, cela marque sur le moment mais c’est aussi bien vite oublié. L’enquête auprès des athlètes amateurs a aussi révélé que le besoin de croire au miracle sportif les rendait finalement plus réceptifs aux performances qu’aux principes moraux. Cela explique en partie le fait que pour une majorité d’interrogés, la performance sportive représente avant tout le résultat obtenu lors d’une compétition. C’est ici que le rôle des journalistes devient primordial car plus ils continueront de qualifier des épreuves “d’inhumaines” ou “d’hors normes” et plus le public aura des doutes sur les performances réalisées. Il est donc important d’arrêter de vendre du papier par le sensationnel et l’incroyable. La performance sur laquelle les média communique doit être explicable, d’où un minimum de connaissances et d’honnêteté intellectuelle. D’autre part, ils ne doivent pas non plus négliger les bienfaits de la pratique sportive au profit de l’exploit mais bien les mettre en avant afin de faire évoluer les mentalités. 18 BRISSONNEAU, Christophe ; AUBEL, Olivier et OHL, Fabien, L’épreuve du dopage. Sociologie du cyclisme professionnel, Paris, 2008, P.U.F, coll. “Le Lien social”, 290 pages.
  • 36. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 31 III. La recherche de nouvelles valeurs A. Une communication de crise ? 1. L’état actuel du sport Le dopage demeure le premier fléau du sport mondial. “Il faut se doper pour gagner” est une phrase que de plus en plus de personnes emploient. Mais c’est bien la société actuelle qui contribue fortement à ce phénomène. Nous vivons dans une société où l’hypermédicalisation a pris une ampleur considérable. A l’image des 69 millions d’entraîneurs, nous sommes tous des médecins et susceptibles de s’automédicaliser. Tout doit aller très vite, nous prenons des médicaments peu importe le prétexte physiologique, biologique ou physique. Cette tendance de l’immédiateté nous conduit à agir d’abord et à réfléchir ensuite. Pour les sportifs, finalement, c’est la même chose. Leur ambition est de gravir la plus haute marche du podium et gagner en notoriété ; et si cela doit passer par la prise de substances dopantes, alors ils ne dérogeront pas à cette règle déviante et laisseront les spécialistes déterminer après coup si leur performance était légitime. Leur devise serait ainsi “profitons de ce succès avant que les problèmes ne nous rattrapent.” Paradoxalement, la préoccupation de l’éthique s’est retrouvée au cœur des discours des instances sportives avec l’arrivée massive de l’argent et la montée du pari sportif. De ce fait, la publicité autour de la lutte antidopage semble protéger l’image des champions dans un contexte où les enjeux économiques et financiers du sport- spectacle sont conséquents. Ainsi, on pourrait se demander si l’avenir de l’athlétisme ne serait pas condamné si les athlètes jamaïcains n’étaient plus présents sur les stades, eux qui soulèvent les foules et cumulent les exploits associés à une culture apparente de révolte antisystème maîtrisée. Si cette situation peut paraître impensable, l’AMA a pourtant menacé de priver Usain Bolt et la Jamaïque des Jeux Olympiques de Rio en 2016. La raison ? La Jamaïque s’avère beaucoup trop laxiste concernant la lutte contre le dopage. Le pays n’aurait effectué aucun contrôle hors compétition de janvier à juillet 2012, date à laquelle ont commencé les Jeux Olympiques de Londres. Renée Anne Shirley, l’ex-directrice de la Commission antidopage jamaïcaine avait d’ailleurs affirmé en octobre 2013 : “Je sais que 30 kits de test ont été achetés, et qu’ils étaient encore là quand je suis partie. Huit mois plus tard, je ne sais pas
  • 37. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 32 si la Jamaïque a vraiment réalisé ces tests sanguins.” 19 Nous voyons bien ici qu’il est nécessaire de pratiquer une communication ouverte et transparente pour garder toute crédibilité auprès du public. C’est ainsi que Lance Amstrong a pu rebondir suite aux nombreux scandales de dopage auxquels il était mêlé. En effet, sur le plateau télévisé de la journaliste Oprah Winfrey, l’ancien cycliste septuple vainqueur du Tour de France est resté cohérent sur ses déclarations et a utilisé les bons leviers de communication. Tout d’abord, il a montré une culpabilité assumée en s’attardant sur les raisons qui l’ont poussé à se doper durant sa carrière sportive. Pour sa stratégie de communication de crise, il a opté pour la reconnaissance et non le projet latéral qui revient à étendre la faute à d’autres personnes ou d’autres autorités. Il a en revanchemisl’accentsuruntabouetuneformed’omertadontl’opinionpubliqueavaitconscience mais ne mesurait sans doute pas l’étendue et les conséquences. Il a d’autre part déclaré regretter avoir menti pendant si longtemps et ne pas avoir dit non au système qui lui imposait de se doper pour remporter ses courses. Lance Amstrong a rajouté qu’il ne s’était pas dopé lors de ses deux dernières participations au Tour.20 Ses résultats ayant d’ailleurs été moins bons que par le passé, le public a eu la preuve que sans dopage, il est difficile de rééditer des exploits. Cette révélation explique en partie que de nombreuses personnes n’ont plus confiance aux grands champions d’aujourd’hui et estiment que les contrôles antidopage sont inefficaces puisque des sportifs qui possèdent de gros moyens logistiques et financiers, à l’image de Lance Amstrong, ont réussi à contourner les filets de la lutte antidopage pendant de longues années. 2. Une crise pour les instances sportives Si le dopage est apparu comme une menace nuisant à la santé des sportifs, il a davantage été perçu comme une crise dès lors qu’il a transformé le sport loisir en sport business. A l’heure actuelle, ce sont les enquêtes de deux reporters du Wall Street Journal qui sont les plus poignantes sur le sujet. Au travers de leur ouvrage “Lance Amstrong, itinéraire d’un salaud ”, sorti en 19 TROUILLARD, Stéphanie, “L’agence antidopage jamaïcaine “n’a effectué aucun contrôle sanguin” ”, in France 24, 17 octobre 2013 : http://www.france24.com/fr/20131017-ancienne-directice-agence-antidopage-jamaicaine- effectue-aucun-controle-sanguin-athletisme 20 REGUER, David, “Lance Armstrong dopé : grâce à ce coup de com’ réussi, il peut désormais rebondir”, in Le Nouvel Observateur, 18 janvier 2013 : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/763405-lance-armstrong- dope-grace-a-ce-coup-de-com-reussi-il-peut-desormais-rebondir.html
  • 38. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 33 France le 6 mars 2014, ils pointent du doigt les enjeux liés à l’argent dans le cyclisme professionnel. On apprend notamment que pour remporter la prime d’un million de dollars dans l’épreuve de la Triple Couronne (gagner le Tour de France, le Tour d’Italie et le Championnat du monde sur route), Lance Amstrong avait envoyé l’un de ses coéquipiers négocier avec Stephan Swart, capitaine d’une équipe adversaire, la promesse qu’il ne disputerait pas la victoire avec Amstrong en échange d’un pot-de-vin conséquent.21 Cet ouvrage a fait grand bruit parce qu’il a mis en lumière un système tabou du sport de haut niveau et une généralisation du dopage que les instances internationales ont toujours semblé réticentes à dévoiler au public. C’est sur ce sujet que j’ai décidé d’interroger Christophe Bassons afin de comprendre les raisons qui poussent les instances dirigeantes à rester très discrètes sur la gravité d’une telle pratique. Selon lui, les enjeux politiques et économiques qui s’articulent autour du sport sont plus qu’importants. Les fédérations sportives vendent des exploits au public mais si il n’y avait pas de médiatisation, l’argent dans le sport disparaitrait et les investissements des gouvernements feraient de même. Tout comme les média, les sponsors sont des acteurs majeurs dans le sport de haut niveau. C’est pourquoi parler de dopage peut paraître très risqué pour toutes ces instances qui ne veulent surtout pas fragiliser les relations partenariales et faire fuir les sponsors.22 Il ne faut pas non plus oublier que le sportif représente un idéal commun. Ainsi, les retombées en terme d’image préoccupent beaucoup les organisations sportives, tout comme l’engouement autour de certains sports avec l’importance accordée à une hausse du nombre de licenciés d’une année sur l’autre ainsi que la conquête de nouveaux sponsors. Le dopage est réellement une crise pour les instances dirigeantes car le sport a un poids considérable que ce soit au niveau de son influence sur l’opinion publique, de son impact social et économique sur la société actuelle mais aussi et surtout de son aspect idéologique. Compte tenu de ces différents paramètres, une “alerte dopage” doit être abordée selon une certaine stratégie qui vise à limiter l’expansion de cette crise à d’autres secteurs qui constituent l’environnement du sport. Il est nécessaire d’opter pour la transparence en 21 ALBERGOTTI, Reed et O’CONNELL, Vanessa, Lance Amstrong, itinéraire d’un salaud, Paris, 2014, Hugo Sport, 390 pages. 22 Cf. Annexe n°3 : Entretien avec Christophe Bassons
  • 39. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 34 ayant un discours basé sur des informations claires et compréhensibles de tous. La stratégie de reconnaissance en communication de crise semble être la plus appropriée et la plus judicieuse à utiliser dans un cas où il y a un début de suspicion de dopage. La rapidité de réaction sur ce sujet est primordiale car si la reconnaissance du problème et de la responsabilité engagée de certaines personnes est nécessaire, elle doit avant tout s’afficher rapidement dans un esprit de crédibilité et “d’autovictimisation”. En effet, dans tous les cas les journalistes trouvent toujours ce qu’il faut trouver. Etre à l’origine de la boucle d’information est alors une preuve d’honnêteté qui crédibilise d’autant plus les discours de l’émetteur. Ces derniers doivent d’ailleurs être les mêmes auprès de tous les publics cibles pour rester cohérent. Si assumer pleinement les dommages subis apporte un avantage médiatique ainsi qu’un avantage juridique, il ne faut pas non plus hésiter à exprimer son incompréhension dans le cas où l’on ignore certaines causes du problème. L’important est d’éviter que des informations ultérieures viennent contredire les premières déclarations car cela pourrait fortement nuire à l’image des fédérations sportives engagées. 3. Les enjeux du sponsoring Les sponsors sont des acteurs essentiels du sport de haut niveau et en cela ils doivent veiller à véhiculer une image positive de leur marque. Si le sponsoring sportif est un outil de communication très utilisé, c’est parce qu’il offre une forte visibilité, un gain de notoriété important et qu’il a potentiellement un impact sur les ventes de la marque. Si l’on prend l’exemple du cyclisme, on remarque que les sponsors sont toujours présents au rendez-vous et surtout celui du Tour de France auprès duquel ils n’hésitent pas à investir des sommes conséquentes. Pourtant, les scandales liés au dopage se sont multipliés ces dernières années ce qui aurait du avoir pour conséquence une dégradation de l’image des sponsors. L’exemple le plus flagrant est la marque Festina en 1998, peu connue avant son “affaire” de dopage, qui bénéficie aujourd’hui d’une notoriété exceptionnelle. Festina a en fait très bien réagi lors de ce scandale puisqu‘elle s’est séparée de Richard Virenque qui était le principal accusé. Je pense que c’est ce que le public attend des sponsors, qu’ils adoptent des comportements responsables et respectueux des valeurs sportives.
  • 40. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 35 En effet, au-delà d’être un simple achat d’espace dans les média traditionnels, le sponsoring sportif engage l’annonceur sur un plan économique et social pour en faire un acteur incarnant des valeurs fortes dans l’imaginaire commun. Pour qu’une action de sponsoring soit efficiente, une marque doit choisir de s’associer à un sport avec lequel elle partage ces mêmes valeurs fortes. La marque partenaire doit également distinguer le sport, de l’équipe et de l’athlète, dans le cas où elle choisit de sponsoriser un seul sportif d’une équipe. Il est primordial que la relation établie soit bâtie sur la confiance et que cela se perpétue au fil du partenariat. D’autre part, lorsqu’une affaire de dopage éclate, cela peut être l’occasion pour le sponsor d’affirmer ou de réaffirmer une position claire de lutte contre le dopage. Il est nécessaire d’appuyer sur le fait que de tels comportements sont inacceptables. De même, la communication de la marque partenaire se doit de respecter les principes de fermeté, de transparence et de précision. Par ailleurs, certaines marques comme la Française des Jeux, par exemple, investissent également dans le mécénat, en plus de leurs actions de sponsoring sportif, et d’autres dans la formation pour aider les jeunes sportifs à développer leur potentiel. Cette démarche que l’on pourrait qualifier de citoyenne est une manière pour eux de communiquer à la fois sur leur territoire de marque et sur l’éthique du sport, c’est-à-dire concilier leur préoccupation commerciale avec une certaine préoccupation morale. Pour Adidas, la décision fut sans équivoque lorsque le sprinter américain Tyson Gay a été contrôlé positif à un produit dopant en juillet 2013. Dès le lendemain de cette annonce, Adidas a en effet suspendu son contrat de sponsoring avec l’athlète. Cette affaire donna l’opportunité à la marque de revendiquer une politique claire sur le dopage en précisant que chaque contrat avec les sportifs qu’il sponsorise inclut une clause de résiliation en cas de preuve de consommation de produits illicites. En 2012, Nike avait réagi de la même façon en mettant un terme à son contrat avec Lance Amstrong lorsque ses sept victoires sur le Tour de France ont été annulées pour dopage. La marque soutenait pourtant le cycliste depuis seize ans.23 Les grandes marques comme Nike ou Adidas désirent communiquer sur la vitesse, la performance et la compétition. Pour autant, 23 AFP, “Dopage: Adidas suspend son contrat de sponsoring avec Tyson Gay”, in Challenges.fr, 15 juillet 2013 : http://www.challenges.fr/sport/20130715.CHA2386/dopage-adidas-suspend-son-contrat-de-sponsoring-avec- tyson-gay.html
  • 41. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 36 il est impensable pour ces sponsors d’être un allié du mensonge et de la facilité. La rigueur, le dépassement de soi et le respect des règles sont les valeurs qui doivent être véhiculées par les athlètes sponsorisés. B. Les bienfaits de la pratique au-delà de la performance sportive 1. Les objectifs De nos jours, le sport est un moyen pour exister. Les jeunes particulièrement sont de plus en plus soucieux pour leur avenir et de plus en plus attentifs au regard des autres. Cela peut s’expliquer notamment par la sur-sociabilisation qu’ils subissent. Les jeunes d’aujourd’hui sont en permanence sollicités et “n’ont plus le temps de s’ennuyer”. Pourtant, les bienfaits de l’ennui sont reconnus depuis longtemps, il est important de s’ennuyer parfois pour réfléchir à ce qu’on est et ce qu’on veut être. Le problème, c’est que les jeunes sportifs voient dans les média ce qu’ils peuvent devenir. Il leur est ainsi difficile de s’auto-évaluer, de s’estimer sans se comparer. Cette estime de soi autonome est primordiale pour le bien-être de l’individu et pour lui permettre de prendre ses décisions et non se plier aux coutumes du milieu qu’il intègre. Cette capacité à dire non, à défendre son propre avis, fait partie des compétences psychosociales qu’il est essentiel de développer chez les jeunes. Mais il peut s’avérer difficile d’y parvenir lorsque l’on est sans cesse confronté à l’image de grands champions qui enchainent les exploits et présentent un univers rempli de paillettes, de fortune et de facilité. Alors, pourquoi continuer coûte que coûte à séduire de futurs pratiquants en vendant de la performance plutôt que les bienfaits de la pratique ? Et pourquoi motiver et fidéliser un jeune par la compétition, parfois dès le plus jeune âge ? Les institutions et les entraîneurs devraient davantage communiquer sur le bien-être que procure la pratique sportive ou physique pour le corps et la tête. Le sport apprend en effet à connaître son corps, à le maîtriser et à l’aimer. La performance telle qu’elle est conçue par beaucoup de personnes est basée sur de la comparaison et non des valeurs intrinsèques, alors que les bienfaits du sport sont pourtant innombrables. Le proverbe antique “anima sana in corpore sano” démontre d’ailleurs que le sport c’est la santé. Les jeunes sportifs ne doivent donc pas se laisser aspirer par une course à la précocité. En cela, les parents ont un effort éducatif à fournir car il faut veiller à ne pas trop en exiger d’eux. En effet, beaucoup utilisent leur enfant pour réaliser leurs propres rêves, il représente ainsi le fruit de leurs désirs. L’enfant tente alors par tous les moyens de correspondre
  • 42. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 37 à ce que ses parents attendent de lui. Le destin des champions est donc fortement influencé par l’entourage familial qui désire réellement toucher du doigt ce rêve de gloire et de reconnaissance. C’est cette reconnaissance de la part des autres qui entraine le plaisir dans le sport de haut niveau et non pas la pratique en elle-même. Cela est d’autant plus vrai quand les sportifs gravissent les marches du podium car c’est là qu’ils se sentent fiers et appréciés de ceux qui l’entourent. Dans la société actuelle, le plaisir du jeu tend ainsi à disparaître car ce sont la réussite immédiate, l’argent dans le sport professionnel et les discours politiques prônant que “le sport c’est que du bonheur” qui sont mis en exergue aujourd’hui. Toutes ces images censées refléter la gloire des sportifs de haut niveau masquent en réalité la souffrance derrière la performance et parfois cette souffrance est présente depuis la plus jeune enfance des athlètes.24 De la même manière, la lutte antidopage s’est tout de suite axée sur le fait que le dopage nuisait à la santé. Il est important de rappeler que la santé ce n’est pas que le bien-être physique, c’est également le bien-être mental et social d’un individu. Le parcours des sportifs doit ainsi être mieux pris en compte, tout comme leurs valeurs psychiques et intrinsèques. Le souci de reconnaissance doit être lui aussi pris dans sa globalité, en particulier pour les jeunes sportifs. Effectivement, dans le sport amateur, recourir au dopage est une manière d’acquérir une image positive et reconnue des autres. Il n’est pas utilisé par les sportifs amateurs pour gagner de l’argent puisque dans cette catégorie de sportifs, les enjeux financiers ne sont pas du tout les mêmes que dans le sport professionnel. 2. L’importance de toucher les sportifs amateurs Si le dopage est particulièrement observé dans le sport de haut niveau, il faut bien prendre conscience qu’il se répand également dans le milieu amateur et touche irrémédiablement les plus jeunes. C’est dans le sport professionnel que l’obsession de la performance se fait majoritairement sentir. Toutefois, cette idéologie de l’exploit contamine les jeunes sportifs mais aussi leurs entraineurs qui ont tendance à vouloir assouvir le fantasme de découverte du futur champion. Ainsi, le plaisir même d’entraîner se voit mis à mal. Les entraîneurs commencent par proposer à leurs athlètes de simples vitamines, du magnésium ou des produits énergétiques, ce qui ouvre progressivement la porte aux conduites dopantes ou addictives, puis à la prise d’autres produits comme la créatine par exemple. En effet, de nombreux sportifs amateurs ont 24 Cf. Annexe n°1 : Entretien avec Stéphane Proia
  • 43. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 38 recours à des stimulants, des anxiolytiques ou des narcotiques pour aborder les compétitions dans de meilleurs conditions et se sentir plus fort psychologiquement. Ils ont alors l’impression que sans ces produits ils ne seront pas performants et ne pourront répondre aux objectifs fixés par leur entraîneur ou leur club. Le dopage dans le sport amateur est davantage préoccupant dans la mesure où les produits utilisés sont les mêmes que chez les professionnels. La différence à ne pas négliger c’est qu’il y a un grand risque que ces produits soient pris de manière anarchique et en quantité démesurée. L’automédication est très dangereuse pour la santé de ces jeunes qui peuvent se procurer quasiment tous les produits illicites dans les salles de sport ou par un simple clic sur internet. Près d’un million de sportifs amateurs succomberaient à la tentation du dopage en France et les conséquences peuvent s’avérer dramatiques. Plusieurs cas de cancers suspects ont en effet été détectés chez ce type de sportifs.25 Les contrôles antidopage étant très coûteux, on remarque que ce sont les campagnes de prévention qui sont privilégiées. L’objectif est surtout d’informer et de prévenir, plus que de réprimander, ce qui selon moi n’est pas la stratégie la plus efficace à adopter. Les enjeux sont pourtant de taille. Le dopage représente un réel danger pour la santé publique, notamment auprès des jeunes. Les sportifs professionnels sont particulièrement surveillés par l’AMA, l’AFLD ou leur fédération, ce qui n’est pas le cas des sportifs amateurs. L’impact du dopage sur ces derniers est par ailleurs moins connu. Il y a en réalité un vrai défaut d’information et de sensibilisation des médecins généralistes. Les sportifs de haut niveau ont eux recours à des médecins spécialisés dans le sport. De ce fait, le problème du dopage est plus grave chez les sportifs amateurs parce que les médecins généralistes auxquels ils sont susceptibles de faire appel souffrent d’un manque de formation en la matière. Un travail auprès des jeunes doit également être fourni avant qu’ils n’arrivent dans le milieu sportif. Il faut leur donner les moyens d’acquérir leurs propres réflexions et maintenir ce niveau d’exigence en les incitant à participer à des débats qui concernent l’environnement du sport. Cela inclut le dopage bien sur, mais aussi les bonnes pratiques à adopter au quotidien avec notamment le respect d’une certaine hygiène de vie. 25 “Sport : enquête sur le dopage des sportifs amateurs”, TF1, 12 novembre 2012 : http://videos.tf1.fr/jt-20h/sport- enquete-sur-le-dopage-des-sportifs-amateurs-7653502.html
  • 44. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 39 3. Les solutions à mettre en oeuvre Actuellement, la politique de prévention du dopage me paraît assez peu dynamique et pas suffisamment orientée vers la cible des sportifs amateurs. Les outils déjà mis en place devraient être davantage exploités avec une meilleure coordination entre chacun d’eux. Par ailleurs, la réactivité concernant la lutte antidopage se doit d’être au cœur des stratégies car les rythmes des compétitions sont toujours plus soutenus tout comme la pression imposée aux sportifs. Pour sensibiliser efficacement les jeunes aux dangers du dopage, il est indispensable d’agir directement dans les écoles et les associations sportives sous forme de roadshows par exemple, en organisant des rencontres avec des sportifs, des entraîneurs spécialisés et des médecins du sport. Se servir de leaders d’opinion appréciés du public et porteurs de certaines valeurs éthiques permettrait de communiquer sur la gloire d’un sport pur. Il faut également insister auprès des sportifs de haut niveau sur le fait que s’ils n’ont rien à cacher, ils doivent accepter d’informer les autorités antidopage de leur localisation, conformément aux règles en vigueur. Leur objectif doit être de montrer aux jeunes que le sport est une grande expérience de vie. Les discours autour de la prévention paraissent bien souvent réducteurs et moralisateurs. Il me semble ainsi plus judicieux d’insister sur les bienfaits de la pratique sportive. Le message doit s’articuler autour du bien-être, de la santé, mais également du plaisir et du jeu, notamment pour les jeunes. Les entraîneurs ont un rôle essentiel à jouer dans la mesure où ils sont les plus à même de faire passer ce message en évitant de mettre trop l’accent sur la compétition et les records. Prévenir et surtout lutter contre le dopage passe d’abord, selon moi, par de l’information et de la sensibilisation, puis par des transferts de connaissances et d’expériences, et enfin par une modification des conduites et des comportements avec un travail sur les représentations. Il faut toujours veiller à ce que les moyens utilisés soient en accord avec les objectifs fixés sur le court, le moyen et le long terme. La lutte contre le dopage passe également par la formation des animateurs de prévention qui doivent disposer de compétences initiales et actualisées en la matière. Il faudrait aussi renforcer la sensibilisation des médecins et futurs médecins à la question du dopage au cours de leur formation initiale et continue, tout ceci en vue de toucher, en premier lieu, les sportifs amateurs.
  • 45. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 40 De manière générale, la transparence vis-à-vis des parties prenantes est essentielle. En effet, le silence alimente le doute. C’est pourquoi il faut assumer entièrement le financement de la lutte antidopage. Tous les acteurs du sport doivent se sentir concernés, ce qui implique les sponsors, les média et aussi les équipements sportifs. De même, pour rompre l’omerta qui règne dans le milieu du sport professionnel et pour mettre fin aux différents préjugés ancrés dans l’opinion publique, la liberté de parole doit être encouragée. Tous les témoignages ont leur importance, que ce soit ceux des sportifs amateurs ou professionnels, ceux des athlètes à présent à la retraite, ceux de l’entourage des sportifs ou encore ceux des entraîneurs. Par ailleurs, les risques pour la santé des athlètes mériteraient d’être davantage pris en compte car l’intensité des efforts liée aux calendriers sportifs de plus en plus surchargés favorise considérablement le recours à des produits dopants. Le ministère des sports devrait intervenir face à cette situation alarmante en participant à la validation des calendriers sportifs. Il faudrait aussi financer des études épidémiologiques plus poussées car finalement nous ne savons pas quels problèmes de santé développent d’anciens sportifs dopés aujourd’hui retraités. D’un autre côté, il convient de trouver le juste équilibre entre les moyens modernes et traditionnels pour avoir une communication multi-canal. Le choix dépend de plusieurs facteurs tels que l’âge et la typologie des cibles, les objectifs attendus des actions ainsi que les conseils d’accompagnement apportés par chaque moyen. Je pense qu’il faut privilégier les actions participatives qui impliquent directement le public ciblé. Pour les jeunes par exemple, on peut facilement envisager des opérations de street marketing, la création d’applications mobiles dédiées, mais aussi une sensibilisation à la question du dopage au travers d’ouvrages interactifs, de programmes radio ou de télévision ou encore en utilisant la musique. L’intérêt de la musique est qu’elle est fédératrice et de ce fait corrobore avec la volonté de faire de la lutte antidopage une lutte collective. D’autre part, concernant le ton à employer pour la communication, je suis convaincue que l’usage de l’humour et du côté “choc” par certains visuels ou slogans permettent d’avoir un maximum d’impact grâce à une forte mémorisation.
  • 46. Anaïs Blain - ISCOM - Mémoire : La communication et le dopage 41 C. Vers un changement des mentalités 1. Un nouveau code antidopage vs le dopage génétique Le 1er janvier 2015, un nouveau code mondial antidopage entrera en vigueur, avec pour principales mesures un élargissement des infractions ainsi qu’un alourdissement des sanctions. En effet, à partir de cette date, les sportifs déclarés positifs à des substances lourdes seront suspendus quatre ans, au lieu de deux ans actuellement. L’entourage des sportifs suspectés de dopage sera également sanctionné s’il est prouvé qu’une ou plusieurs personnes ont été complicesdefaçonintentionnellepardel’assistance,del’incitationouencoredeladissimulation dans la conduite dopante d’un sportif. Le nouveau code mondial est en revanche plus tolérant concernant les manquements aux règles de localisation. Jusqu’à maintenant, les sportifs qui n’étaient pas présents aux lieux indiqués pour un éventuel contrôle antidopage, et ce à trois reprises en dix-huit mois, étaient suspendus pendant deux ans. Dès le 1er janvier 2015, cette suspension ne durera que douze mois. En contrepartie, une véritable collaboration entre l’AMA, les fédérations internationales, les instances gouvernementales et l’AFLD sera mise en place. Grâce au partage d’informations entre les différents acteurs, l’AMA pourra s’appuyer, de manière indirecte, sur des aveux, des témoignages, des données recueillis via le passeport biologique des athlètes, pour mettre la main sur un maximum de sportifs suspectés de dopage.26 De même, une nouvelle méthode d’analyse permet maintenant de détecter la présence de stéroïdes plus de six mois après qu’ils aient été pris. Cela est une grande évolution en terme de lutte contre le dopage car cette méthode va véritablement freiner la prise de ces produits dopants. Si les sportifs de haut niveau prenaient des stéroïdes pendant leurs périodes d’entraînement pour arriver en grande forme aux compétitions six mois après, cela leur est devenu impossible grâce à cette avancée scientifique. Paradoxalement, en 2013, l’AMA a arrêté un seuil de positivité dix fois plus élevé pour le cannabis. Afin d’éviter de sanctionner des sportifs ayant consommé du cannabis dans un 26 “Un nouveau code mondial antidopage en 2015, quatre ans de suspension pour les substances lourdes”, VO2 : http://www.vo2.fr/actualite/dopage-un-nouveau-code-mondial-antidopage-en-2015-quatre-ans-de-suspension- pour-les-substances-lourdes-19112013-7963.html